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We believe that freedom of speech is the essential prerequisite for free and just societies, secular law, and the rights of the individual.

We are committed to building and participating in coalitions in all parts of the world to effect significant progress in protecting rights of the individual which are sadly being eroded in many countries including those in the West.


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28 avril 2011 4 28 /04 /avril /2011 15:48

L'ère des tyrannies

(1936)

 


 

Note

Mémoire présentée à Paris à la séance de la Société française de Philosophie du 28 novembre 1936.

Dans cette mémoire Élie Halévy introduit des idées plutôt anti-conventionnelles, même aujourd’hui, sur la contradiction interne de la pensée et de l’action des socialistes, qui parlent de libération des individus et d’internationalisme au même temps qu’ils veulent homogénéiser tous sous le contrôle de l’état national. Le résultat c’est le socialisme national (ou national-socialisme) qui est encore l’idéologie préféré des intellectuelles de tous partis et de toute orientation (soi-disant gauche ou droite).  

 


 

M. ÉLIE HALÉVY, professeur à l'Ecole des Sciences politiques, a soumis sous ce titre à la Société française de Philosophie les considérations suivantes:

 

Le socialisme, depuis sa naissance, au début du XIXe siècle, souffre d'une contradiction interne. D'une part, il est souvent présenté, par ceux qui sont les adeptes de cette doctrine, comme l'aboutissement et l'achèvement de la Révolution de 1789, qui fut une révolution de la liberté, comme une libération du dernier asservissement qui subsiste après que tous les autres ont été détruits: l'asservissement du travail par le capital. Mais il est aussi, d'autre part, réaction contre l'individualisme et le libéralisme; il nous propose une nouvelle organisation par contrainte à la place des organisations périmées que la Révolution a détruites:

a) Le socialisme, sous sa forme primitive, n'est ni libéral, ni démocratique, il est organisateur et hiérarchique. Voir en particulier le socialisme saint-simonien;

b) La révolution socialiste de 1848 aboutit, par un double mouvement de réaction contre l'anarchie socialiste et de développement du principe organisateur que recèle le socialisme, au césarisme de 1851 (très influencé par le saint-simonisme);

c) A l'origine du socialisme démocratique allemand, il y a Karl Marx, internationaliste, fondateur de l'Internationale, et qui aspire à un état définitif du genre humain qui sera d'anarchie en même temps que de communisme. Mais il y a aussi Ferdinand Lassalle, nationaliste en même temps que socialiste, inspirateur direct de la «monarchie sociale» de Bismarck.

Ces remarques nous semblent trouver une confirmation sensationnelle dans l'évolution générale de la société européenne, depuis le début de la Grande Guerre et l'ouverture de ce que nous proposons d'appeler l'ère des tyrannies.

[Je me bornerai à dire deux mots sur les raisons qui m'ont amené à préférer le vocable « tyrannie» au vocable «dictature». C'est que le mot latin de dictature implique l'idée d'un régime provisoire, qui laisse intact, à la longue, un régime de liberté, considéré, malgré tout, comme normal. Tandis que le mot grec de tyrannie exprime l'idée d'une forme normale de gouvernement, que l'observateur scientifique des sociétés doit ranger à côté des autres formes normales: royauté, aristocratie, et démocratie. On ne saurait donc parler d'une «ère des dictatures». Il m'est apparu d'ailleurs - sans connaître suffisamment, je l'avoue, l'histoire du monde antique, mais je suis heureux d'avoir reçu, sur ce point, l'approbation sans réserve de Marcel Mauss - que les analyses complémentaires de Platon et d'Aristote sur la manière dont s'opéra dans le monde antique le passage de la démocratie à la tyrannie trouvent une application profonde aux phénomènes historiques dont nous sommes aujourd'hui les spectateurs.]

L'ère des tyrannies date du mois d'août 1914, en d'autres termes du moment où les nations belligérantes adoptèrent un régime qu'on peut définir de la façon suivante:

a) Au point de vue économique, étatisation extrêmement étendue de tous les moyens de production, de distribution et d'échange; - et, d'autre part, appel des gouvernements aux chefs des organisations ouvrières pour les aider dans ce travail d'étatisation - donc syndicalisme, corporatisme, en même temps qu'étatisme;

b) Au point de vue intellectuel, étatisation de la pensée, cette étatisation prenant elle-même deux formes: l'une négative, par la suppression de toutes les expressions d'une opinion jugée défavorable à l'intérêt national; l'autre positive, par ce que nous appellerons l'organisation de l'enthousiasme.

C'est de ce régime de guerre, beaucoup plus que de la doctrine marxiste, que dérive tout le socialisme d'après-guerre. Le paradoxe du socialisme d'après-guerre c'est qu'il recrute des adeptes qui viennent à lui par haine et dégoût de la guerre, et qu'il leur propose un programme qui consiste dans la prolongation du régime de guerre en temps de paix. Le bolchevisme russe a présenté, pour commencer, les caractères que nous disons. La Révolution russe, née d'un mouvement de révolte contre la guerre, s'est consolidée, organisée, sous la forme du «communisme de guerre» pendant les deux années de guerre avec les armées alliées qui vont de la paix de Brest-Litowsk à la victoire définitive des armées communistes en 1920. Un trait nouveau s'ajoute ici à ceux que nous avons définis plus haut. En raison de l'effondrement anarchique, de la disparition totale de l'État, un groupe d'hommes armés, animés par une foi commune, a décrété qu'il était l'État: le soviétisme, sous cette forme, est, à la lettre, un «fascisme».

Dans l'Europe centrale, c'est précisément le «fascisme», imitation directe des méthodes russes de gouvernement, qui a réagi contre l' «anarchie» socialiste. Mais il s est trouvé amené à constituer, sous le nom de «corporatisme», une sorte de contre-socialisme, que nous sommes disposé à prendre plus au sérieux qu'on ne fait généralement dans les milieux antifascistes, et qui consiste dans une étatisation croissante, avec collaboration de certains éléments ouvriers, de la société économique. Nous définirons de la manière suivante la contradiction interne dont souffre la société européenne. Les partis conservateurs demandent le renforcement presque indéfini de l'État avec la réduction presque indéfinie de ses fonctions économiques. Les partis socialistes demandent l'extension indéfinie des fonctions de l'État et, en même temps, l'affaiblissement indéfini de son autorité. La solution par conciliation, c'est le «socialisme national».

Quelles sont, pour les nouveaux régimes, les chances de propagation ultérieures? Quelles sont les possibilités de décomposition interne? Mais surtout, l'explication que nous avons tenté de donner à leur genèse, par la nature contradictoire de l'essence du socialisme, est-elle valable? Voilà les questions que nous soumettons à l'examen de la Société de Philosophie.

 


 

COMPTE RENDU DE LA SÉANCE

 

M. L. BRUNSCHVICG. - Messieurs, la séance d'aujourd'hui fait suite à un entretien que Xavier Léon avait organisé le 29 mars 1902. Le sujet en était: Le Matérialisme historique; l'interlocuteur principal, Elie Halévy; le protagoniste, Georges Sorel. Depuis lors, bien des événements se sont passés, auxquels n'a pas été étranger l'auteur des Illusions du Progrès et des Réflexions sur la violence.

 

M. Élie HALÉVY. - Nous reprenons, si on veut, l'entretien de 1902. Le sujet que je soumets à votre examen est cependant bien distinct de celui qui était soumis, en 1902, à l'examen de la Société de Philosophie. Il sera souvent question, aujourd'hui comme alors, de Marx et du marxisme. Mais ce sera sous un angle très différent. Il s'agissait alors, comme vous disait Brunschvicg, du « matérialisme historique », en d'autres termes d'une certaine interprétation philosophique de l'histoire qui n'est pas indissolublement liée à l'interprétation socialiste de l'histoire. Il s'agit aujourd'hui du socialisme pris en soi (et non pas exclusivement du socialisme marxiste), de sa destinée, et de la forme que prend son influence sur la destinée du genre humain.

J'ai l'intention d'être court, afin de laisser à autant de personnes que possible le loisir de parler après moi; et j'oserai, usurpant, si Brunschvicg le permet, sur ses fonctions présidentielles, demander à ceux qui me répondront de suivre sur ce point mon exemple, afin de laisser le débat se dérouler dans toute son ampleur. Je n'ai pas l'intention de répéter, encore moins de développer, le texte imprimé qui a été adressé à tous les membres de la Société. Je me bornerai, pour ouvrir le débat, à présenter quelques observations personnelles. Non que j'attache une importance spéciale à ma personnalité; mais pour encourager ceux qui parleront après moi à suivre mon exemple. De la confrontation de nos «expériences», il jaillira peut-être quelque lumière sur le gros problème qui ne peut manquer de passionner, ou tout au moins de troubler, les consciences de tous ceux qui sont ici.

Je vous rappellerai donc qu'en mars 1902, lorsqu'eut lieu la séance à laquelle Brunschvicg faisait allusion, il y avait quelques mois que j'avais commencé d'enseigner, à l'École des Sciences Politiques, l'histoire du Socialisme européen au XIXe siècle. Depuis le mois de novembre 1901, tous les deux ans, j'ai enseigné cette histoire. J'ai donc, pour parler de socialisme, non pas en partisan, mais en historien, une certaine compétence. Max Lazard, que je vois ici, et qui n'est plus un très jeune homme, a suivi ce cours voilà bien une trentaine d'années. Or, quelle était, en ce qui concerne le socialisme, mon attitude intellectuelle, lorsque j'acceptai d'entreprendre ce cours? Autant qu'il me souvient, voici:

Je n'étais pas socialiste. J'étais «libéral» en ce sens que j'étais anticlérical, démocrate, républicain, disons d'un seul mot qui était alors lourd de sens: un «dreyfusard». Mais je n'étais pas socialiste. Et pourquoi? C'est, j'en suis persuadé, pour un motif dont je n'ai aucune raison d'être fier. C'est que je suis né cinq ou six ans trop tôt. Mes années d'École Normale vont de l'automne 1889, juste après l'effondrement du boulangisme, à l'été de 1892, juste avant le début de la crise du Panama. Années de calme plat: au cours de ces trois années, je n'ai pas connu à l'École Normale un seul socialiste. Si j'avais eu cinq ans de moins, si j'avais été à l'École Normale au cours des années qui vont des environs de 1895 aux environs de 1900; si j'avais été le camarade de Mathiez, de Péguy, d'Albert Thomas, il est extrêmement probable qu'à vingt-et-un ans j'aurais été socialiste, quitte à évoluer ensuite, il m'est impossible de deviner en quel sens. Lorsque, appliquant à nous-mêmes les méthodes de la recherche historique, nous sommes amenés à découvrir les raisons de nos convictions, nous constatons souvent qu'elles sont accidentelles, qu'elles tiennent à des circonstances dont nous n'avons pas été les maîtres. Et peut-être y a-t-il là une leçon de tolérance. Si on a bien compris cela, on est conduit à se demander s'il vaut la peine de se massacrer les uns les autres pour des convictions dont l'origine est si fragile.

Je n'étais pas socialiste, et cependant j'avais déjà une connaissance assez approfondie du socialisme, tant par ce que je pouvais déjà observer en France que par ce que j'apprenais par mon expérience des choses anglaises. Il y avait déjà, à cette époque, trois ou quatre ans que je faisais en Angleterre des séjours prolongés et fréquents: et déjà je m'étais lié avec les deux personnalités éminentes que sont M. et Mme Sidney Webb, inspirateurs de la Société Fabienne. Je suis resté leur ami; et aujourd'hui, j'ai l'impression d'être leur contemporain; mais, dans ce temps-là, les dix années qui nous séparent comptaient beaucoup. J'étais un jeune homme de vingt-cinq, de trente ans, qui s'entretenait avec deux aînés âgés de trente-cinq, de quarante ans, ayant déjà écrit des ouvrages qui sont restés classiques. Je les écoutais donc avec respect; et ils m'expliquaient les principes de leur socialisme, qui était essentiellement antilibéral. Ils poursuivaient de leur haine non pas le conservatisme, le torysme, pour lequel leur indulgence était extrême, mais le libéralisme gladstonien. On était au temps de la guerre des Boers; et les libéraux avances, les travaillistes, qui commençaient à s'organiser en parti, prenaient tous, par générosité, par amour de la liberté et du genre humain, la défense des Boers contre l'impérialisme britannique. Mais les deux Webb, ainsi que leur ami Bernard Shaw, faisaient bande à part. Ils étaient impérialistes avec ostentation. L'indépendance des petites nations pouvait bien avoir du prix pour les tenants de l'individualisme libéral, mais non pour eux, précisément parce qu'ils étaient collectivistes. J'entends encore Sidney Webb m'expliquant que l'avenir était aux grandes nations administratives, gouvernées par des bureaux, et où l’ordre était maintenu par des gendarmes.

C’est peut-être leur faute si j’ai toujours été frappé par ce qu’il y avait d’illibéral dans l'idée socialiste. Deuxième accident dans l'histoire de la formation de mon esprit: tenez-en-compte si vous voulez comprendre, par leur origine, la nature de mes préjugés. Je fus donc amené, dans mon cours de l'École des Sciences Politiques, à insister sur certains aspects conservateurs qu'a présentés le socialisme européen au cours du dernier siècle; sur le socialisme autoritaire, monarchique ou chrétien; sur Napoléon III, subissant l'influence des saint-simoniens; sur Bismarck, subissant celle de Lassalle. Je n'insiste pas: je vous renvoie au texte qui est sous vos yeux.

Je reconnais, d'ailleurs, qu'aux environs de 1910 je fus troublé par le fait qu'en Angleterre les Webb semblaient s'être trompés, et se trompant, m'avaient trompé. Il s'était produit une violente révulsion libérale, qu'ils n'avaient point prévue; le nouveau libéralisme était fortement teinté de socialisme: et l'expérience Lloyd George, comme on dirait aujourd’hui, prouvait qu'on pourrait concevoir un radicalisme socialisant doué d'une vitalité très grande; - bref, cette conciliation entre socialisme et libéralisme, que les Webb tenaient pour impossible, devenait une réalité.

Mais la guerre est venue. A sa suite s'est ouvert ce que j'appelle l'ère des tyrannies. Les Webb et Bernard Shaw n’ont pas trahi les convictions de leur jeunesse; ils les trouvent vérifiées par les faits, et partagent leurs sympathies entre le soviétisme russe et le fascisme italien.

Voilà ce que je voulais vous dire, non pour justifier ma position, mais pour l'expliquer. J'ai procédé, pour vous la faire comprendre, non pas en doctrinaire, mais en historien. C'est de même en historien, - en historien philosophe, si vous voulez, et en me tenant autant que possible, et j'espère que vous suivrez mon exemple, au-dessus du niveau de la politique - que j'ai procédé pour définir cette «ère des tyrannies». Etes-vous d'accord, premièrement, après avoir lu le texte de ma communication, sur la réalité du phénomène historique qui en est l'objet? Et, deuxièmement, croyez vous que mon explication de ce phénomène soit plausible? Je vous laisse la parole.

 

M. Max Lazard reproche au conférencier d'observer les faits sociaux concrets «non pas directement, mais dans le miroir de certaines doctrines les concernant». Élie Halévy reprend la parole en ces termes:

Max Lazard vient de présenter de très intéressantes observations, qui portent sur une question de méthode, et auxquelles il m'est difficile d'improviser une réponse. Voici cependant les réflexions qui, tout de suite, me sont venues à l'esprit pendant que je l'écoutais.

En premier lieu, je ne me sens pas disposé à nier, aussi catégoriquement qu'il a paru le faire, l'influence des doctrines sur l'histoire, et, plus directement, sur les hommes qui ont joué un grand rôle historique.

Deux exemples, que j'avais donnés dans ma communication, et que Max Lazard a relevés, me permettront, je crois, de faire comprendre ma pensée. Ce sera d'abord le cas de Napoléon III. Que, dans la tête de Morny, véritable auteur du coup d'État, celui-ci n'ait été inspiré que par les nécessités politiques de l'heure, hors de toute préoccupation de doctrine, j'en conviens. Mais il a fait ce coup d'état au bénéfice du prince-président, qui avait publié en 1838, sous le titre d'Idées Napoléoniennes, une brochure d'inspiration saint-simonienne. L'influence exercée sur son esprit par la doctrine de Bazard et d'Enfantin est un fait historique; c'est un fait historique qu'il s'est entouré de conseillers qui étaient d'anciens saint-simoniens. Il a constamment été hanté par l'idée d'être un saint-simonien sur le trône.

Le cas de Bismarck est pareil et différent.

On ne saurait trop insister sur l'importance du rôle joué à côté de lui, de 1862 à 1864, par un personnage qui joua un rôle ambigu dans l'histoire du socialisme européen, je veux parler de Ferdinand Lassalle. Dans tous les congrès social-démocrates d'avant-guerre, deux bustes présidaient aux débats: celui de Marx et celui de Lassalle. Et c'était justice. Car si Marx avait donné au parti sa doctrine, c'est Lassalle qui, le premier en Allemagne, le premier en Europe, avait réussi à organiser un parti d'action socialiste. Oui; mais, d'autre part, il est certain que si, par malheur, Lassalle n'était pas né juif, on serait bien en droit de saluer aussi en lui un précurseur dans les grandes halles où s'exalte aujourd'hui l'enthousiasme national-socialiste.

Car, au cours de ces années critiques qui suivent immédiatement l'arrivée de Bismarck au pouvoir, et où nous assistons à la fondation du Verein ouvrier de Lassalle, quel étrange langage tient celui-ci! Ce ne sont pas les bismarckiens, ce sont les progressistes en guerre avec Bismarck qu'il poursuit de sa haine. Il lui arrive d'appeler la police à son secours contre tel bourgmestre qui veut l'empêcher de parler: traduit en justice pour délit d'opinion, il fait un appel éloquent aux juges, se présentant comme leur allié pour la défense de l'État contre la barbarie moderne: entendez contre le libéralisme. Et nous savons qu'il a échangé une correspondance active avec Bismarck, qu'il a eu des entretiens secrets avec lui. Quand Bismarck, en 1866, a fondé la Confédération de l'Allemagne du Nord sur la base du suffrage universel, il suivait directement le conseil que Lassalle lui avait donné. Quand, plus tard, après 1878, il a fait du «socialisme d'État», du «socialisme chrétien», du «socialisme monarchique», le souvenir des leçons de Lassalle était, l'en suis certain, présent à son esprit. Non qu'il y eut rien en lui du doctrinaire. Mais homme d'État strictement opportuniste, et n'ayant d'autre obsession que de créer, de fortifier, de resserrer l'unité de l'Empire, il était prêt à utiliser, successivement, tous les partis, toutes les doctrines; et la doctrine de Lassalle fut une de celles qu'il sut utiliser.

Voilà deux cas, où, visiblement, les doctrines s'insèrent dans les faits, et où l'historien qui négligerait l'histoire des doctrines commettrait une erreur grave. Cela dit, et d'une façon générale, je ne serais pas disposé à contredire tout ce que vient de nous exposer Max Lazard. Loin de moi la pensée de réduire l'histoire à l'histoire des doctrines. Qu'on me permette une fois de plus, pour m'expliquer, de recourir à des souvenirs personnels. Au temps lointain où Max Lazard était mon élève, j'étais un novice dans le métier de professeur; il est probable que l'étude des doctrines fut pour moi la méthode la plus accessible pour aborder l'histoire du socialisme; il est probable que les leçons suivies par Max Lazard furent exclusivement des cours de doctrine. Mais une trentaine d'années plus tard, c'est le fils de Max Lazard qui était mon élève: qu'il regarde les cahiers de notes de son fils, il verra que mon cours, à mesure que je gagnais en expérience, était de moins en moins un cours d'histoire des doctrines, pour devenir un cours d'histoire tout court. Ce qui ne veut pas dire que je n'aie pas été heureux, que je ne sois pas heureux encore, d'avoir abordé l'histoire du socialisme par le biais de l'histoire des doctrines. Car, comme le disait fort judicieusement Max Lazard, les doctrines stylisent, schématisent les faits. Et rien ne me paraît plus utile, pour la connaissance des faits, que cette schématisation. Quand nous voyons qu'une doctrine telle que la doctrine marxiste obtient le succès qu'elle a obtenu, c'est qu'elle exprime, mieux que toute autre, certains traits frappants de l'évolution économique, qu'elle répond à certains besoins profonds des masses ouvrières. Comment nier l'utilité qu'elle présente, dans la mesure où elle nous aide à comprendre ces traits frappants et ces besoins profonds?

Il est donc, je crois, extrêmement facile de traduire mon langage idéologique en langage sociologique, sans le moindre inconvénient logique, sans la moindre modification de ma thèse. Prenez-le premier alinéa de ma communication, et traduisez-le comme suit: « Le mouvement ouvrier, depuis sa naissance, souffre d'une contradiction interne. D'une part, on peut le concevoir comme un mouvement de libération, comme un mouvement de révolte contre le système de la fabrique, contre l'asservissement du travail par le capital industriel. Mais, d'autre part, les ouvriers en révolte contre cette oppression sont obligés, pour se protéger contre elle, de se mettre à la recherche d'une nouvelle organisation par contrainte, à la place des organisations périmées que le libéralisme révolutionnaire a détruites. » Max Lazard a, de la sorte, pleine satisfaction: et ma thèse reste entière.

N'y a-t-il pas, d'ailleurs, un point essentiel de ma communication - Max Lazard, aussi bien, l'a admis - qui consiste à attirer l'attention sur le rôle important joué, dans l'évolution récente du monde civilisé, par un fait historique qui n'a rien à voir avec les doctrines: je veux parler de la Grande Guerre de 1914 ? Je me reproche même, en me relisant, de n'avoir pas suffisamment marqué le lien entre les suites sociales de ce grand événement et l'évolution antérieure du socialisme. Permettez-moi, pour me faire mieux comprendre, de mettre un point de suture entre les deux premiers titres de cette communication. Voici comment je les rédigerais si je les récrivais aujourd'hui.

Au point de vue économique, dirais-je, les socialistes d'avant-guerre demandaient l'étatisation de tous les moyens de production, de distribution et d'échange. Or cette étatisation, sous une forme tout au moins extrêmement étendue, il s'est trouvé que l'état de guerre l'a réalisée, pour des raisons que les socialistes n'avaient point prévues. Si, d'autre part, on remonte, avant la guerre, à un quart de siècle environ en arrière, le programme socialiste - mettons, si vous voulez, le programme guesdiste - réclamait, purement et simplement, et comme si cela suffisait à résoudre la question sociale, la nationalisation, l'étatisation des principales branches de l'industrie, des chemins de fer pour commencer. Mais il y avait, en 1914, déjà bien des années que le syndicalisme avait surgi, trop plein de méfiance à l'égard de l'État pour s'accommoder de cette solution. Il demandait la syndicalisation générale de l'industrie, sans aucune intervention de l'État, la résorption de toute bureaucratie dans l'organisation syndicale. En d'autres termes, la suppression radicale de l'État. Chez les Anglais, cependant - gens modérés même dans l'utopie - une doctrine mixte s'élaborait qui visait à établir une certaine conciliation entre le syndicalisme radical des Français, des Italiens, des Espagnols, et un certain Étatisme. Quelles étaient les fonctions légitimes de l'État démocratique? Quelles étaient celles des corporations syndicales? Telles étaient les questions que discutaient entre eux ceux qu'on appelait les «socialistes de guilde»; Or, à peine la guerre commencée, et par le fait de la guerre, nous observons (je cite ici mon texte primitif) un « appel des gouvernements aux chefs des organisations ouvrières pour les aider dans leur travail d'étatisation. Donc syndicalisme, corporatisme, en même temps qu'Étatisme ». Et une fois la guerre finie, dans tous les pays qui venaient d'être en guerre, nous voyons une foule de gens qui, sauf en Angleterre, ne connaissaient probablement pas même de nom le « socialisme de guilde », élaborer des programmes d'«industrialisation nationalisée», qui, tirant profit pour le socialisme des expériences de la guerre, semblaient à bien des égards appliquer le programme des socialistes de guilde.

Je passe maintenant à un autre point qui a été soulevé, pour finir, par Max Lazard. Il s'agit des pronostics à faire sur les chances de durée des régimes tyranniques d'aujourd'hui. A cette question j'avais consacré tout un paragraphe, dont les lignes finales de ma communication sont le résidu. J'ai supprimé ce paragraphe sur le conseil de notre Président, qui m'a donné, en faveur de cette suppression, deux raisons successives et contradictoires. La première, qu'il fallait me réserver quelque chose à dire en séance. La deuxième, que le débat, porté sur ce terrain, pourrait dégénérer en discussion politique. Je me suis rendu à cette seconde raison.

Je ne demande pas mieux, cependant, que de répondre en quelques mots aux observations faites sur ce point par Max Lazard. Ce sera pour lui dire que je suis d'accord avec lui.

Je serais presque plus pessimiste que lui, me plaçant au point de vue de ceux qui aiment la paix et la liberté. Car l'idée d'un fédéralisme européen semble bien peu vivante; et l'espérance confuse que Max Lazard semble s'être abandonné un instant à exprimer, d'un impérialisme qui, couvrant l'Europe entière, lui donnerait la paix à défaut de la liberté, semble complètement chimérique à l'heure actuelle. Je ne vois qu'une seule tyrannie où soit présent cet esprit d'universalité et sur laquelle Max Lazard pourrait compter (y compte-t-il?) pour donner à l'Europe cette sorte de paix. Mais les tyrannies qui nous touchent de plus près - celle de Berlin, celle de Rome - sont étroitement nationalistes. Elles ne nous promettent que la guerre. Si elle éclate, la situation des démocraties sera tragique. Pourront-elles rester des démocraties parlementaires et libérales si elles veulent faire la guerre avec efficacité? Ma thèse, que je vous dispense de m'entendre répéter, c'est qu'elles ne le pourront pas. Et le recommencement de la guerre consolidera l'idée «tyrannique» en Europe.

 

M. C. Bouglé évoque l'échec de 1848, l'attribue moins que ne le fait l'orateur, à l'anarchie socialiste et à la terreur qu'elle inspirait et montre, dans le socialisme démocratique de Louis Blanc, ce premier effort pour assurer l'essor du libéralisme politique et intellectuel, fût-ce par le sacrifice du libéralisme économique.

M. Élie HALÉVY. - Ce n'est pas un après-midi, une fin d'après-midi, c'est une décade, comme on dit à Pontigny, qu'il faudrait pour traiter avec l'attention convenable un pareil sujet. Je vais essayer cependant de répondre, le plus brièvement que je pourrai, aux divers points soulevés par Bouglé.

Il me reproche d'avoir employé, pour définir le coup d'État de décembre, les mots de «réaction contre l'anarchie socialiste». Il a raison, et mon expression a peut-être trahi ma pensée. J'aurais dû écrire: «réaction contre la peur de l'anarchie». Mais, psychologiquement, cela ne revient-il pas au même?

Fait bizarre. Les choses se sont passées de même en Italie, avant la marche sur Rome. Il y avait anarchie, en 1920, l'année de l'occupation des usines. C'est alors que Giolitti donna des armes à Mussolini et à ses fascistes pour faire la police du pays, puisqu'on ne pouvait pas compter sur l'armée. Mais il y avait deux ans, quand il prit le pouvoir, que le désordre, en partie grâce à lui, avait cessé. Ce qui le portait en avant, c'était le souvenir de la peur qu'on avait eue en 1920, et le sentiment persistant que l'on avait conservé de l'incapacité où étaient les partis d'ordre de maintenir celui-ci par les moyens parlementaires.

Cela nous aide à mieux comprendre ce qui se passa en 1851. Il n'y avait plus à cette date d'anarchie, sinon parlementaire: la majorité réactionnaire était incapable, à l'Assemblée législative, de se mettre d'accord sur la forme du gouvernement qu'il convenait d'opposer à une Montagne toujours bruyante, et qui faisait toujours peur, en raison des souvenirs de 1848, et aussi de 1793. Les masses se sont jetées dans les bras d'un homme qui représentait l'ordre, sans représenter la réaction au sens où on taxait de réaction les légitimistes et les orléanistes de l'Assemblée. N'oublions pas que, le jour même où il supprimait la Constitution de 1848 il rétablissait le suffrage universel, gravement mutilé par l'Assemblée. Et n'oublions pas le cri poussé par Guizot quand il apprit la nouvelle du coup d'État: «C'est le socialisme qui triomphe». La phrase est comique en un sens; elle n'en exprime pas moins, d'une manière adéquate, le sentiment de la bourgeoisie en face d'un régime qui n'était pas son oeuvre, et qui poursuivait d'autres fins que les siennes.

Pour ce qui est de ma définition du soviétisme comme d'un «fascisme », je suis d'accord avec ce que dit Bouglé. Mais je ne crois pas que, sur ce point, mon expression ait trahi ma pensée. J'ai écrit: « En raison de l'effondrement anarchique de l'État, un groupe d'hommes armés, animés d'une foi commune, a décrété qu'il était l'État: le soviétisme, sous cette forme, est, à la lettre, un fascisme ». Il ne s'agit donc, je le dis expressément, que de la forme de gouvernement. C'est le soviétisme, avec la dictature, ou la tyrannie, du parti communiste, qui a été ici l'inventeur. Mais, si le fascisme italien n'a fait ici qu'imiter, je considère que le mot de « fascisme » est le mieux fait pour désigner le caractère commun aux deux régimes. C'est un vieux mot italien pour désigner des groupes, des groupes armés de partisans. Il y avait en Italie après 1870, au moment de la première Internationale, des fasci operai, inspirés par l'idéal anarchiste de Bakounine: ils se sont perpétués en Espagne, où nous les voyons à l'oeuvre aujourd'hui. Ce sont d'autres fasci, les fasci di combattimento, que Mussolini a employés pour faire la conquête du pouvoir, au service d'un autre idéal.

Pour ce qui est de la possibilité d'un socialisme démocratique qui, autoritaire dans l'ordre économique, resterait libéral dans l'ordre politique et dans l'ordre intellectuel, je ne veux pas contester que la chose puisse être envisagée dans l'abstrait. Je crains seulement qu'en évoquant le nom de Louis Blanc à l'appui de sa thèse Bouglé n'ait fait ce qu'il fallait pour l'affaiblir. Qu'il se rappelle (il connaît Proudhon mieux que moi) la violente polémique conduite, après 1848, en étroite harmonie, par Proudhon (qui se disait socialiste: mais l'était-il?) et Michelet (républicain, sans être socialiste) contre le socialisme de Louis Blanc. Ils reprochaient à Louis Blanc sa glorification du Terrorisme, du Comité de Salut public, de Robespierre, qu'il oppose, comme un disciple de Rousseau et un pur, aux républicains sans moralité qui, se réclamant du libéralisme voltairien, conduisaient la France à la domination du clergé et au césarisme. L'événement a-t-il prouvé qu'ils eussent tort?

Puis-je ne pas tenir compte du fait que les origines de la démocratie sont équivoques, puisqu'elle remonte aux Jacobins, qui ont gouverné par la dictature? La doctrine marxiste de la dictature du prolétariat ne vient-elle pas en droite ligne de la théorie de Babeuf, dernier survivant de Robespierre? Karl Marx n' a-t-il pas subi très nettement, à Paris, avant 1848, l'influence de Blanqui, restaurateur du babouvisme?

On proteste. On me rappelle la formule marxiste - dont en réalité, Engels, non Marx, est l'auteur - suivant laquelle le but est de substituer l'administration des choses au gouvernement des personnes. Transformation d'une vieille formule saint-simonienne suivant laquelle, quand le régime industriel aura pris la place du régime militaire, il n'y aura plus gouvernement, mais seulement administration. Soit; mais la doctrine de Karl Marx, c'est aussi la doctrine de Lénine. J'ai sous les yeux une lettre de M. Salzi, dans laquelle il me reproche d'avoir parlé de Karl Marx comme «aspirant à un état du genre humain qui serait d'anarchie en même temps que de communisme». - « Rien n'est plus inexact, m'écrit-il. Le système marxiste exige une discipline rigoureuse et totale. Je ne vois rien en lui qui implique une anarchie quelconque. Voyez les Russes, qui l'ont appliqué avec une conscience féroce. » Et il me renvoie à André Gide. Hélas!

Voilà la tragédie. Rien n'est plus exact, je le maintiens, que mon assertion. Mais tout gouvernement socialiste qui arrive au pouvoir est condamné à employer une scolastique compliquée pour expliquer comment il doit procéder quand, professant une doctrine de socialisme intégral, il prend le pouvoir dans une société non socialiste. Ici interviennent les formules marxistes. Tout État est, par définition, un instrument d'oppression d'une classe par une autre. Jusqu'à présent, et depuis l'avènement du capitalisme, l'État a été l'instrument dont la bourgeoisie s'est servie pour opprimer le prolétariat. Pour préparer, pour avancer l'heure où nous aurons une société sans classes, et, par suite, sans gouvernement, il faut traverser une période intermédiaire au cours de laquelle l'État sera l'instrument dont la classe ouvrière se servira pour opprimer la bourgeoisie, en attendant de la supprimer. Simples vacances de la légalité? Le mot peut avoir bien des sens; Karl Marx ne prévoyait certainement rien d'aussi impitoyable que le régime soviétique; et s'il s'agissait seulement de pleins pouvoirs accordés au gouvernement pendant six mois, comme ce fut le cas pour Poincaré en matière financière, il s'agirait de bien anodines vacances. Mais si les vacances doivent durer plusieurs décades - pourquoi pas un siècle ou deux? - l'état d'anarchie dont on nous dit qu'il suivra cesse de m'intéresser. Ce qui m'intéresse, c'est le présent et le prochain avenir: au delà il y a ce que Jules Romains appelle l'ultra-futur. Aussi bien les fanatiques du socialisme national allemand ne considèrent-ils pas le régime institué par eux comme ayant une valeur définitive, comme ouvrant une ère nouvelle qui durera toujours?

 

Divers orateurs prennent la parole, en particulier M. Berthelot., M. Maublanc, qui proteste contre l'accusation de tyrannie portée contre le marxisme, contre l'assimilation de la dictature soviétique aux dictatures fasciste et hitlérienne. Élie Halévy répond en ces termes:

Il faut maintenant que je prenne la parole pour clore ce débat. En vérité je le regrette; car je me trouve dans une situation impossible. Je devrais, si je voulais donner satisfaction à tous, discuter toute la doctrine marxiste pour répondre à Maublanc, toute l'histoire du genre humain depuis l'empire de Tamerlan pour répondre à René Berthelot. Il me faudrait dépasser les limites de l'Europe, et dire quelques mots du Rooseveltisme; car je regrette en vérité, qu'on n'ait pas plus parlé de l'expérience qui a été tentée par Roosevelt, expérience qui ressemble par certains côtés au corporatisme italien ou fasciste, mais exclut la suppression de la liberté.

Soulèverai-je, en réponse à Drouin, la question des pronostics? En fait, tout à l'heure, Max Lazard et moi-même ne l'avons pas éludée. En désaccord complet, soit dit en parenthèse, avec René Berthelot: nous considérions, comme notre seul motif d'espoir une longue période de paix, les dictatures se relâchant du fait de l'impossibilité pour les gouvernements tyranniques de maintenir perpétuellement les populations sur le pied de guerre sans faire la guerre; mais ces régimes tyranniques sont-ils eux-mêmes favorables à la prolongation de l'état de paix? Et si la guerre recommence, et si les démocraties sont condamnées à adopter, pour se sauver de la destruction, un régime totalitaire, n'y aura-t-il pas généralisation de la tyrannie, renforcement et propagation de cette forme de gouvernement?

Ajouterai-je que, souvent, on a cru me critiquer alors que la critique portait seulement sur quelque forme d'expression peut-être défectueuse? Je songe en ce moment à Maublanc et à son apologie pour le marxisme. Il me reproche d'avoir présenté le marxisme « comme une libération du dernier asservissement qui subsiste après que tous les autres ont été détruits, l'asservissement du travail par le capital ». Mais quand il présente cette libération comme étant « la vraie libération, celle sans laquelle les autres ne sont que des illusions », son assertion ressemble de singulièrement près à la mienne. Il est certain que, d'après Marx, après cette libération accomplie, nous entrons définitivement (et c'est en ce sens seulement que j'ai parlé d'un «état définitif» du genre humain) dans un état de société sans classes, où l'évolution du genre humain se poursuivra certainement (je l'accorde à Maublanc) mais selon des formes (Maublanc me l'accordera) que nous ne pouvons même point prévoir, puisqu'il ne sera plus possible de dire, comme il a été vrai jusqu'à ce jour, que «l'histoire du genre humain est l'histoire de luttes de classes».

Mais, plutôt que de m'attarder à de pareils débats, je cherche s'il n'y a pas un point fondamental, soulevé par plusieurs de mes interlocuteurs à la fois, et qui pourrait servir utilement de thème à mes considérations finales. Ce point, je crois l'avoir trouvé. N'est-ce point la question de savoir si la tyrannie moscovite, d'une part, les tyrannies italienne et allemande, de l'autre, doivent être considérées comme des phénomènes identiques quant à leurs traits fondamentaux, ou, au contraire, comme des phénomènes qui sont antithétiques les uns par rapport aux autres?

Je suis loin de contester que, sous bien des aspects, et qui sautent aux yeux de tout le monde, les phénomènes sont antithétiques. J'ai fait le voyage de Léningrad et je connais l'Italie fasciste. Or, quand on passe la frontière russe, on a le sentiment immédiat de sortir d un monde pour entrer dans un autre; et une pareille subversion de toutes les valeurs peut être, si l'on veut, considérée comme légitimant une extrême tyrannie. Mais, en Italie, rien de pareil; et le voyageur en vient à se demander s'il était besoin d'un si gigantesque appareil policier sans autre résultat obtenu que des routes mieux entretenues et des trains plus ponctuels.

Cependant, quant à la forme (et tout le monde semble m'avoir concédé ce point), les régimes sont identiques. Il s'agit du gouvernement d'un pays par une secte armée, qui s'impose au nom de l'intérêt présumé du pays tout entier, et qui a la force de s'imposer parce qu'elle se sent animée par une foi commune. Mais il y a autre chose encore.

Les communistes russes invoquent un système de croyances qui vaut pour le genre humain tout entier, qui implique la suppression des nations comme la suppression des classes. Cependant, ayant conquis le pouvoir dans un pays seulement, et de plus en plus résignés à ne point provoquer, par la propagande ou l'exemple, la révolution mondiale, ils sont condamnés, par les nécessités de leur existence, à se faire une carapace militaire pour résister à la menace des armées étrangères. Ils reviennent, par la force des choses, à une sorte de patriotisme à la fois territorial et idéologique; et leur tyrannie, pour qui se place même au point de vue idéologique, finit par ressembler par beaucoup de ses caractères à la tyrannie allemande ou italienne. Au commencement on dit que l'État n'est qu'un mal provisoire, qui doit être supporté parce qu'il n'a plus pour but que de préparer la suppression de l'État et d'assurer le plus grand bonheur du plus grand nombre. Peu à peu on en arrive à pratiquer une morale héroïque dont je ne méconnais pas la noblesse: on demande à l'individu de savoir souffrir pour faire de grandes choses au service de l'État. C'est un état d'esprit qui n'a plus rien à voir avec un hédonisme relégué dans l'ultra-futur. Je ne puis l'appeler que guerrier.

Du côté des fascistes, au sens courant du mot, en Italie, en Allemagne, il est bien clair qu'il ne s'agit pas de la suppression des classes. La défense d'une société fondée sur une distinction de classes est le programme même des partis au pouvoir. Je crois cependant avoir eu raison d'affirmer qu'il se constitue, dans ces deux pays, «sous le nom de corporatisme, une sorte de contre-socialisme, que je suis disposé à prendre plus au sérieux qu'on ne fait généralement dans les milieux contre-fascistes».

On nous dit que, dans ces pays, les salaires sont très bas, plus bas que dans bien des pays démocratiques. Et je suis disposé à admettre que c'est vrai. Mais ne convient-il pas de tenir compte, dans l'évaluation du salaire total de l'ouvrier, des bénéfices qu'il retire, sous une forme indirecte, de toutes les oeuvres dont l’ensemble constitue ce qu'on appelle le Dopolavoro, voyages gratuits en chemins de fer, maisons de repos, récréations de bien des espèces? Je sais que toutes ces oeuvres sont inspirées par une arrière-pensée de gouvernement: il s'agit d'occuper les heures de loisir des ouvriers afin de les soustraire à l'action possible d'agitateurs révolutionnaires: il s'agit, selon la formule que je proposais au début, de canaliser, d'«organiser leur enthousiasme». Mais, enfin tout cela constitue un relèvement de salaire et qui coûte cher à l'État.

Et, du moment qu'il coûte cher à l'État, je me tourne de l'autre côté pour demander: «Où l'État trouve-t-il l'argent nécessaire? » Et je réponds, reprenant une formule qui scandalisa, voici une dizaine d'années, la presse conservatrice: il ne peut le trouver et le prendre que là où il est. Un fiscalisme écrasant pèse sur les classes riches; que la grande industrie bénéficie de tels régimes, je n'en disconviens pas. Mais il ne s'agit pas du vieux capitalisme, du libre capitalisme manchestérien. Les capitaines d'industrie préfèrent encore un tel régime au communisme. On les laisse à la tête des affaires. Mais ils ne sont plus des maîtres, ils sont de hauts fonctionnaires. Et les grosses sommes qu'ils peuvent toucher annuellement offrent les caractères d'un traitement, non d'un profit.

Bref, d'un côté, en partant du socialisme intégral, on tend vers une sorte de nationalisme. De l'autre côté, en partant du nationalisme intégral, on tend vers une sorte de socialisme. Voilà tout ce que je voulais dire.


Lisez le DOSSIER sur le SOCIALISME

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27 avril 2011 3 27 /04 /avril /2011 01:24

L'État totalitaire

(1938)

 


 

Note

Luigi Sturzo (1871-1959) fut un prêtre catholique et un des fondateurs du Parti Populaire (1919) en Italie. L’essai qu’on présente ici fut publié d’abord en espagnol en 1935 et en anglais en 1936. L’analyse de l’état totalitaire est impressionnante pour sa clarté et lucidité. Plus en général cet écrit fait beaucoup réfléchir sur la nature anti-humaine de la forme d’organisation dénommé « état national ».

 


 

L'idée d'État appartient à l'histoire moderne. Au Moyen Âge on ne parlait pas d'État, mais de royaumes et de rois, d'empires et d'empereurs, de seigneurs et de vassaux, de villes et de républiques. Si on voulait spécifier la nature du pouvoir, on disait pouvoir séculier, pour le distinguer du pouvoir spirituel ou l'y opposer. Les peuples étaient nommés nations; les classes, corporations ou guildes; le mode de vie sociale était appelé communauté ou université. Chaque groupe social avait sa vie, ses libertés, ses privilèges et ses immunités; l'ensemble social avait son mouvement comme un monde vivant de monades, dans une sorte d'harmonie préétablie à la Leibniz, ou, certes, l'harmonie était préétablie, mais n'était pas toujours effectivement établie. La base juridique de ce monde médiéval était contractuelle, de caractère privé et personnel. Même les rapports entre le peuple ou la nation et le roi ou l'empereur étaient connus comme un contrat ayant pour objet le lien mutuel de fidélité et de loyauté; le roi était tenu de respecter les lois communes et les privilèges des particuliers et des groupements; et ceux-ci devaient fidélité et appui a la personne du roi.

L'idée de l'État considéré comme entité de droit public, placé au-dessus de la communauté, n'existait pas à cette époque. Il faut arriver à la Renaissance et passer par la Réforme et la Contre-Réforme pour que l'idée d'État se dessine et s'impose aux habitudes mentales et qu'on puisse en tenir compte comme d'une réalité effective.

En Angleterre, ou le sens du concret l'emporte sur les habitudes de la pensée abstraite et ou, mieux qu' ailleurs, on entretient les vestiges du passé, on parle beaucoup moins de l'État et bien plus de la Couronne, du Parlement ou, plus couramment, de la «Maison des Communes» ou de la «Maison des Seigneurs», de l'Empire et du «Commonwealth », comme si subsistait encore là un peu de l'âme du Moyen Age. C'est seulement lorsqu'on parle de «Church and State» que le mot «État» revient couramment; mais l'expression de «Church and State» est tout à fait moderne; au Moyen Age on parlait plutôt de royaume et sacerdoce, ou de papauté et empire, de pouvoir séculier et pouvoir spirituel.

Ainsi que tous les mots créés par la carence de ce qu'ils expriment, le mot «État» prit naissance en Italie pour exprimer l'idée de «stabilité», au moment précis de la Renaissance ou dans les petites principautés, duchés et marquisats existants, ou même pseudo-républiques (à l'exception de Venise), ce qui faisait défaut c'était justement la stabilité du pouvoir, la certitude des frontières et la sécurité de l'indépendance. Mais comme on parle de «lucus a non lucendo» [note: cela indique une contradiction étymologique], on parle alors d'«État» en Italie.

Tout était à faire, alors que les vieilles républiques tombaient, les peuples s'agitaient, les Espagnols et les Français faisaient la guerre en Lombardie, à Rome, à Naples et en Sicile. L'idée de pouvoir-force, soit contre l'Église très puissante, soit contre les voisins jaloux ou les étrangers envahisseurs, soit contre les sujets rebelles, s'imposa comme le seul moyen susceptible d'assurer la stabilité aussi bien à l'État qu'à son chef, particulièrement si celui-ci était un usurpateur, ce qui était fréquent. La personnification de l'État dans le prince représenta la première manifestation de l'idée d'État et trouva son théoricien en Machiavel.

Celui-ci inventa, en politique, la « vérité effective» [verità effettuale], appelée plus tard «raison d'État», de même que, au siècle dernier, on inventa le mot «realpolitik» ou politique réaliste. La chose signifiée est identique. La fin cherchée par le dominateur est la règle à laquelle sont subordonnées les fins particulières des sujets. Les moyens n'ont pas beaucoup d'importance; mieux s'ils sont honnêtes; s'ils ne le sont pas, pourvu qu’ils soient utiles, ils ne sont pas à exclure. La religion est utile pour imposer une contrainte aux peuples; la morale aussi en vue du bien-être général; mais au-dessus de la morale et de la religion il y a la politique, entendue au sens d'art de dominer, de demeurer fort et d'étendre sa puissance. Machiavel ne prend pas plaisir au crime, mais si le crime donne le succès, Machiavel en admire les effets.

Hier comme aujourd'hui, beaucoup sont d'accord avec Machiavel, mais ils se gardent de l'avouer; au contraire, ils prennent soin de masquer leur attitude immorale sous les voiles, (souvent transparents) de la fatalité historique, du moindre mal, de l'avantage national et même de l'utilité religieuse. Machiavel ne déguisa pas sa pensée derrière ces voiles hypocrites et il érigea en théorie le triomphe de l’utile, conçu comme exigence prépondérante de l'État.

De Machiavel à Luther, le saut est a peine sensible. Luther plaça tous les pouvoirs, même ecclésiastiques, dans les mains du prince, qui demeura ainsi exempt de freins et de contrôles de la part de l'Église comme de celle du peuple. Machiavel avait subordonné les fins de la religion aux fins de l'État, personnifié par le prince. Luther fit davantage: en vertu de la théorie du self arbitre, il détacha la morale de la foi et il abandonna la morale tout entière et l'organisation religieuse aux mains de l'autorité séculière. Les princes allemands furent ravis de réunir tous les pouvoirs dans leurs mains, d'autant plus que les pouvoirs ecclésiastiques étaient alors très étendus et très profitables du point de vue fiscal. Tous les princes réformés en firent autant. Les autres, les princes restés fidèles à Rome, tout en respectant (jusqu'à un certain point) l'autorité du pape, s'attribuèrent de telles libertés en matière de droit ecclésiastique et de régime fiscal qu'en somme ils ne firent que rivaliser avec les princes dissidents. C'était l'esprit du temps.

 

L'expérience de presque un siècle de machiavélisme, d’une part, et de césaro-papisme reformé et même non reformé. d’autre part, fit naître le besoin de donner à ces tendances un cadre théorique, auquel ne pouvaient satisfaire ni l'empirisme de Machiavel ni le self arbitre de Luther.

La théorie de la «souveraineté» fit son apparition systématique avec les Six Livres de La République de Jean Bodin (1577). Pour lui la souveraineté est «la puissance absolue et perpétuelle d'une république» ; quelque chose qui a une existence propre et qui donne sa base a l'État. C'est le pouvoir d'imposer la loi sans en subir les obligations, contrairement a ce qu'on croyait au Moyen Âge, à savoir que la loi était supérieure à la puissance et que ses préceptes obligeaient aussi bien les souverains que les peuples.

Il ne faut pas croire que la doctrine de la souveraineté (qu'on la nomme ainsi ou autrement) n'ait pas tenté légistes et canonistes du Moyen Âge et que rois et empereurs, avant Machiavel et Luther, ne se soient crus au-dessus de la loi. Qu'une théorie se répande et s'adapte aux conditions historiques et à l'atmosphère du temps, c'est une chose; mais qu'elle devienne l'interprétation acceptée par la majorité et la base de la vie sociale, c'en est une autre.

À l'époque moderne, la théorie de la souveraineté se généralisa, bien que monarcomaques et calvinistes, dominicains et jésuites, partant de différents points de vue, l'eussent combattue à son apparition. Mais, dans la seconde moitié du XVII siècle, tout le monde s'en rapprocha plus ou moins. Revêtue de caractère divin, la souveraineté devint le droit divin des rois. Bossuet, comme théologien, en exprime la théorie dans la forme gallicane: les théologiens protestants et anglicans le soutiennent dans son double absolutisme, civil et religieux ; Rome s'oppose aux uns et aux autres pour sauvegarder les droits de l'Église, se faisant ainsi, implicitement, gardienne des droits du peuple, alors que presque tous les avaient oubliés.

C'est alors que survint le «jusnaturalisme». Il édifiait la société sur la nature abstraite, plutôt que sur Dieu. D'ailleurs, une certaine tendance vers le naturalisme panthéiste existait déjà. L'absolutisme des rois se laïcisait, pour ainsi dire. Le droit divin, répudié par la doctrine catholique, ne trouvait pas d'expressions adéquates dans la culture naturaliste. Le «jusnaturalisme» arriva à temps pour le transformer. Les hommes qui vivaient à l'Âge présocial, presque animal, n'étaient pas capables de former une société et de se donner une loi. Aussi déléguèrent-ils leur souveraineté à un chef (ou bien celui-ci se la fit déléguer de vive force) d'une façon totale et irrévocable. De cette manière la souveraineté absolue des monarques est sauve, bien qu'elle émane de la souveraineté du peuple. C'est Hobbes qui fait autorité.

Mais l'autre courant «jusnaturaliste», partant de 1'idée de la nature humaine présociale bonne et heureuse, ne découvrait dans cette cession totale et irrévocable de la souveraineté populaire ni raisons essentielles, ni avantages politiques. Au contraire il voyait là, de la part des monarques, une usurpation des droits souverains du peuple qui, d'après Rousseau, sont inaliénables et indivisibles. Entre les deux, un courant moyen se forma, celui de la souveraineté absolue du peuple, qui devait être déléguée à des représentants révocables ou rééligibles par périodes déterminées.

Ce n'était pas le type de gouvernement qui constituait 1'originalite. Que le pouvoir puisse être dans les mains d'un seul (monarchie) ou de quelques personnes (oligarchie) ou du peuple (démocratie), on le savait bien dans l'Antiquité et au Moyen Âge. Ce qui donnait 1'idée exacte de la nouvelle conception politique, c'était surtout 1'«illimitation» du pouvoir: une souveraineté n'ayant d'autres limites qu'elle-même.

La souveraineté monarchique de droit divin trouvait ses limites dans le rapport personnel entre le monarque et Dieu; si le monarque, se croyant presque un dieu, renversait ce rapport, personne ne pouvait empêcher cette transposition, qui pour lui n'était guère difficile.

La souveraineté de droit naturel devait trouver ses limites dans la loi naturelle; mais, étant donné que le roi était le seul interprète de cette loi, le peuple (d'où 1'on faisait descendre la souveraineté en vertu d'un acte unique et irrévocable) ne disposait d'aucun moyen pour rappeler le souverain à une interprétation moins arbitraire.

La souveraineté populaire, telle qu'elle était conçue par Rousseau, n'avait pas de limites en dehors de la volonté collective, qui faisait loi par elle-même. Que celle-ci se résolût en loi de la majorité ou en loi des représentants ou délégués, d'après les différentes formes pratiques adoptées dans l'organisation de la démocratie, cela n'enlevait rien au caractère absolu d'une souveraineté sans autres limites que la volonté collective.

Comme dans toute conception de gouvernement fondé sur la souveraineté, «latebat anguis in herba» [note: citation pris de Virgil : le serpent se cachait dans l’herbe]: souveraineté de droit divin d'après la conception de Bossuet ou souveraineté de droit naturel d'après Hobbes ou souveraineté populaire d'après Rousseau, toutes dans leur «illimitation» supposaient, favorisaient et consolidaient l'entité extrapersonnelle, objective et dominatrice: l'État.

En disant cela, nous ne nous attaquons pas à 1'idee d'État. Pour concevoir et exprimer les choses collectives, nous avons besoin de les transformer en idées formelles et abstraites, quitte à revenir aux choses concrètes et à les reconnaître, au moyen de ces idées, dans leur réalité et leur unité effective. Mais, tandis que les idées de communauté, université, «res publica», royaume maintiennent la prévalence de l'idée de «société», c'est-à-dire: association de plusieurs personnes dans un dessein commun (de même, Église, Ecclesia: assemblée, réunion, ayant à 1'origine la signification de société), 1'idée d'État échappe à la conception de société et s'attache plutôt à la conception, objective, de réalité stable, souveraine et puissante; c'est pourquoi on parla de souveraineté et même de puissance.

Peu à peu, 1'État devint un principe et une fin: l'origine de tous les droits et la fin de toute l'activité publique. La raison d'État eut la signification suivante: subordonner tout à la grandeur de l'État. Les efforts de Botero pour «catholiciser» la raison d'État ne servirent qu'à projeter de 1'ombre sur le catholicisme; comme si en acceptant la raison d'État catholique, on avait voulu justifier pour des fins religieuses les moyens politiques, mondains, utilitaires et, au fond, immoraux, que les souverains catholiques avaient coutume d'employer.

Tout le monde s'appliqua à concevoir l'État comme une réalité au-dessus des hommes et la souveraineté comme une volonté supérieure atteignant les buts de l'État. Lorsque Louis XIV dit: «L'État, c'est moi », il n'eut pas 1'intention de se placer au-dessus de 1'État, mais de résumer en sa personne la somme des intérêts de l'État et de les faire connaître par sa volonté. C'est pourquoi, avec raison, H. Laski écrivait dans le Daily Herald, à 1'occasion du 450 anniversaire de la naissance de Luther, que, sans Luther, Louis XIV n'aurait pas été possible.

L'idée d'État ne peut pas être la dernière en définitive, elle évoque encore une autre réalité substantielle qui la complète. Au temps du droit divin, l'idée de Dieu subsistait derrière 1'État et cette idée impliquait - au moins indirectement - celle de peuple. Le clergé s'efforçait de mettre en évidence tantôt l'une, tantôt l'autre idée, mais il n'y parvenait pas toujours, ainsi qu'il arriva au clergé gallican et joséphiste.

L'Encyclopédie mit derrière l'État les idées de nature et d'humanité: idées d'ailleurs généreuses, la nature et l'humanité étant créatures de Dieu. Cependant, détachées de Dieu, ces idées demeuraient abstraites et dépourvues de toute consistance réelle.

Dans la recherche d'un point de repère, trois idéologies se développèrent et orientèrent la politique du XIX siècle jusqu'à nos jours.

La première est celle de Hegel: l'État n'est que la manifestation de l'Esprit, sa plus parfaite manifestation; l'État est en lui-même éthique-droit-puissance. Une sorte d'incarnation divine, ou l'idée de puissance s'identifie avec l'idée de Dieu.

Mais quel était alors, en Allemagne, l'État qui aurait sérieusement pu se dire «créature de l'esprit absolu du monde et volonté de puissance»? À l'exception de la Prusse, tous les autres États et petites principautés pouvaient être tenus comme des manifestations de la médiocrité de leurs tyranneaux et des intrigues et bavardages de leurs cours. Il fallut que les guerres napoléoniennes survinssent pour dégager en Allemagne l'esprit national dont Fichte se fit le philosophe et le prophète. D'après lui, c'est dans la nation seulement que l'éternel se manifeste; sa grandeur est une grandeur morale qui aspire au règne de l'esprit. L'État-nation, en tant que développement de toute la culture d'un peuple, est pour Fichte 1'«autoreprésentation de Dieu».

Avec Fichte nous ne perdons pas la ligne de l'idéologie de Hegel, mais nous la trouvons transférée de l'État a la nation. Lorsque Bismarck effectua l'unité germanique, la Belgique avait recouvré sa personnalité, l'Italie, peu après, avait accompli son unité, les peuples balkaniques gagnaient peu a peu leur indépendance. Le principe de nationalité, celui d'indépendance et celui d'unité venaient de donner ainsi sa base politique a l'idée de nation-puissance-culture, dont l'État était l'instrument juridico-militaire.

Plus encore que par la voie théorique, la France développa pratiquement l'idée de nation, en opposition a 1'«humanitarisme» de l'Encyclopédie, par son tiers État ou bourgeoisie, par la conscription militaire et les guerres napoléoniennes, par la démocratie et les secousses réactionnaires bonapartistes et cléricales. Elle ne renonça jamais à l'idée d'État, parce que État et nation coïncidaient; et derrière l'État, suivant les circonstances, elle plaça tantôt le peuple, tantôt la nation. Mais peuple et nation n'avaient pas besoin d'un mythe pour se soutenir, l'idée de patrie était en eux très ancienne et un sentiment stable la vivifiait. Il fallut le nationalisme maurrassien pour parvenir à la limite d'un mysticisme positiviste.

L'Angleterre ne perdit jamais le bon sens pragmatique, même lorsque ses philosophes lui apportaient le verbe de Hegel et les exaltations de Fichte. Théoriquement et souvent pratiquement, l'utilitarisme mêlé a un moralisme qui n'était pas seulement extérieur y prévalait. Sur les mers le drapeau britannique et, dans les colonies, la couronne suffisaient; chez soi chacun se sentait libre et maître, sans s'appuyer sur l'État, sans qu'il fût nécessaire de se forger le mythe de la nation-divinité. La nation était encore plus vivante dans son histoire et dans son empire que dans sa théorie.

Cependant que s'accentuait l'affirmation de l'idée nationale, un autre courant se développait partout, niant État et nation et mettant a leur place la classe: le courant socialiste, élevé au rang d'une théorie par Karl Marx. Cette théorie prônait l'avènement de la classe prolétaire qui, par l'établissement d'une économie collectiviste, détruirait l'État bourgeois et la nation militariste. Le matérialisme historique remplaça le processus historique de l'idée hégélienne; la lutte de classe remplaça le dynamisme national; l'économie-travail organisée remplaça l'État-puissance. Le mouvement socialiste-marxiste brisa l'unité des sentiments nationaux et prépara dans chaque nation le terrain à l'internationalisme.

Voilà donc trois Allemands - Hegel, Fichte, Marx - qui synthétisent l'effort européen du XIX siècle en vue de donner une signification, un contenu, une finalité absolue et presque divine à l'État, à la nation, à la classe.

Au cours du XIX siècle, deux systèmes se développèrent concernant la conception de l'État national: le système libéral et le système autoritaire. Le premier fut conservateur ou démocratique; le second, absolutiste ou paternaliste. Évidemment, ces qualifications indiquant les différentes nuances ne doivent pas être prises au pied de la lettre: loin de fixer des types absolus, elles ne servent qu'a designer des tendances prédominantes.

 

Ce qui nous intéresse pour notre enquête, c'est le fait que derrière la devise de la démocratie a la française, aussi bien que derrière l'autoritarisme de Bismarck ou de Guillaume, se trouve toujours l'État national. L'Empire austro-hongrois était le seul qui, par l'effet des nationalités dissemblables et divergentes qui le composaient, ne pouvait être tenu pour un véritable État national et il couvait dans son sein le germe de sa désagrégation.

Sous toutes les latitudes, les caractéristiques de l'État national furent le centralisme toujours croissant, le militarisme fondé sur la conscription et les armées permanentes, l'école d'État en tant que moyen de créer un conformisme national (une unité morale nationale). Pour la France, ces caractères furent un héritage de la Révolution, de l'Empire napoléonien; pour l'Allemagne, un héritage de la Prusse et de Frédéric; pour l'Italie, un moyen de défense de la récente unification politique et l'imitation de la France; pour l'Espagne, une tentative pour vaincre le particularisme dynastique et autonomiste et, d'autre part, l'influence de l'Église; pour l' Autriche, une exigence de la Maison de Habsbourg et de la prédominance dans l'État des élites allemandes et magyares. Les autres pays européens vivaient dans la même ambiance, même s'ils n'avaient pas de besoins semblables.

L'économie libérale et l'internationalisme ouvrier auraient dû développer bien plus vigoureusement le sens cosmopolite, en opposition au nationalisme. La facilité du commerce, la communauté scientifique, la diffusion de la presse et l' organisation du travail ne manquèrent pas de donner une impulsion a cette tendance. Le libre-échange marqua une phase vite dépassée par les protections douanières, d'abord timides, ensuite très larges, a l'avantage de ce que l'on appelle économie nationale. La presse périodique perdit bientôt son caractère libre et individuel, pour devenir une entreprise plus ou moins capitaliste, ou bien pour se lier aux entreprises industrielles. L'Internationale ouvrière fut toujours minée par le particularisme local, a l'exception de la partie extrémiste et pseudo-anarchiste qui manqua d'hommes et de moyens. Et si les différents socialismes niaient l'État, en tant que bourgeois, ils n'auraient pourtant pas rejeté un État national, pourvu qu'il fût prolétaire.

L'Église, bien qu'elle ne dissimulât alors pas ses préférences pour les États autoritaires, du point de vue religieux ne manqua pas de lutter contre la centralisation politique, qui apportait implicitement des limitations a son autorité et a sa mission; contre la conscription obligatoire et la course aux armements, qui créaient un danger de guerre; surtout contre l'école d'État, qui se présentait comme un monopole redoutable et comme un moyen de déchristianisation du peuple au nom de l'État. L'Église redoubla l'intensité de sa lutte contre le libéralisme, pour des raisons théoriques et en vue de positions pratiques qu'elle devait défendre; mais la lutte essentielle fut surtout la lutte contre l'État national, dans laquelle elle fut vaincue.

La Grande Guerre fut l'épreuve par le feu des conceptions politiques et des systèmes du XIX siècle. Des empires tombèrent, des formes de gouvernement furent changées, mais malgré tous les bouleversements de la guerre et de l'après-guerre les facteurs essentiels de l'État national ont survécu: centralisation, militarisme, écoles d'État et tarifs douaniers. L'Allemagne de Weimar avait réduit son armée au minimum consenti par les traites, mais le militarisme resta intact et se développa même clandestinement, jusqu'au moment où il apparut en pleine lumière. De la Baltique aux Balkans, la folie militariste s'est emparée de tout le monde et même là où il n'existe pas d'armées régulières on ne voit que remuement d'escouades armées, évolutions de jeunesses militarisées, turbulence de milices politiques noires et rouges et bleues et jaunes et vertes.

Les États de récente création, pour vaincre leur faib1esse constitutive, imitèrent la centralisation des grands États, lesquels d'ailleurs a leur tour n'ont cessé de créer de nouveaux ministères, de multiplier leurs départements administratifs et d'augmenter leurs bureaucraties centrales, ainsi que les frais de leurs budgets. Plus encore que dans l'avant-guerre, l'école est devenue un objet de conquête politique. Les tarifs douaniers ont été élevés à des niveaux insensés; jusqu’à l'Angleterre qui, bonne dernière, a fait sombrer, à son tour, le libre-échange.

En somme, quelles qu'en aient été les circonstances particulières, en seize années, de 1917 à 1933, l'Europe a connu, parmi tant d'autres pénibles expériences, une Russie bolcheviste, une Italie fasciste et une Allemagne nazie: trois grands États totalitaires de caractère différent, mais tous les trois à type national et fondés sur la centralisation administrative et politique, sur le militarisme, sur la monopolisation de l'enseignement et sur l'économie fermée.

 

Quelles différences et quelles ressemblances substantielles y a-t-il entre ces États totalitaires et les États nationaux encore existants? Si nous nous référons aux quatre facteurs essentiels communs, il nous est possible d'en déterminer les différences:

a) La centralisation administrative dans l'État totalitaire est poussée à l'extrême: suppression de toute autonomie municipale et provinciale et de n'importe quel autre organisme public ou semi-public, oeuvres de bienfaisance, associations de culture, universités.

La centralisation, dans l'État totalitaire, envahit le terrain politique qu'on se dispute dans les États nationalistes encore existants sous le signe de la démocratie. Le pouvoir exécutif est devenu, en droit et en fait, la suprême synthèse de tous les pouvoirs, même de ceux qui appartiennent au chef de l'État (en Russie et en Allemagne, le chef de l'État et le chef du gouvernement sont la même personne). L'indépendance des corps législatifs et judiciaires a complètement disparu; et finalement le gouvernement lui-même se trouve rapetissé à un organisme subordonné au chef, devenu dictateur sous les dénominations brillantes de Duce, maréchal ou Führer. Ils détiennent les ressorts d'une police politique fonctionnant en liaison avec une organisation très puissante d'espionnage, allant bien plus loin que tout ce que Napoléon lui-même avait inventé. Le Guépéou russe et la Ovra italienne sont d'ailleurs assez connus par leur terrible réputation; dernièrement est née la Gestapo allemande. Pour mettre en action le mécanisme du pouvoir central absolu, illimité et personnel, il fallait nécessairement supprimer toute liberté politique, civile et organisatrice, individuelle et collective, de groupements et de partis. Moyen adapté: le parti unique (le rapprochement de ces deux mots a quelque chose d'illogique), une faction armée dominante, communiste, fasciste ou nationale-socialiste. Tous les autres partis supprimés, tous les mouvements indépendants réprimés, tous les adversaires exilés. On supprime: les classes aristocratiques et bourgeoises en Russie; les partis d'opposition en Italie; jusqu'aux races différentes en Allemagne, où le mariage avec un juif devient un crime politique et où une souche entachée par un seul ancêtre juif est cause d'incapacité civile pour le descendant. Toute une catégorie de citoyens sans droits, une classe d'ilotes, est en train de se constituer. La violence de la lutte pousse à l'institution de tribunaux d'exception, de camps de concentration, de zones d'internement; les prisons regorgent, il y a des centaines de milliers d'exilés; les déportés ne se comptent plus; innombrables sont ceux qu'on a tués arbitrairement, ceux dont on ignore ce qu'ils sont devenus. Et il ne s'agit pas là de mesures exceptionnelles prises pendant la crise révolutionnaire. L'État totalitaire n'admet pas qu'il puisse avoir des opposants. Depuis vingt ans, les Soviets ne font que fusiller ou condamner aux travaux forcés ou encore déporter en Sibérie; de même, l'Italie continue encore aujourd'hui à faire fonctionner le tribunal suprême pour là défense de l'État et l'institution du bannissement. L'Allemagne est arrivée bonne dernière et son nettoyage du 30 juin 1934 fut un épisode typique des méthodes terroristes des dictatures modernes pour se maintenir à tout prix au pouvoir contre les amis et les ennemis.

En résumé, la centralisation administrative et politique dans les États totalitaires, par une exigence vitale inéluctable, se trouve nécessairement liée à la suppression de toutes les autonomies, des libertés civiles et politiques et de l'habeas corpus, aux systèmes les plus perfectionnés de police et d'espionnage, aux répressions violentes et sanglantes, à l'élimination de l'adversaire et du dissident, à l'intolérance de tout désaccord et à l'imposition extérieure et intérieure du conformisme politique.

b) Tout cela sera possible, si le pouvoir dictatorial a la haute main sur l'armée et sur la flotte et s'il parvient à militariser le pays. Même les États qu'on dit démocratiques sont militarisés, dans ce sens qu'ils ont la conscription militaire, de fortes armées et des flottes puissantes. Mais ils l'ont d'une façon normale, puisqu'il s'agit uniquement de corps techniques n'ayant aucun rapport avec la politique, demeurant étrangers aux partis et collaborant avec n'importe quel cabinet en ce qui concerne les intérêts de la défense nationale. Le passé offre bien des cas où des chefs d'armée manifestèrent des tendances politiques; le mouvement boulangiste et l'affaire Dreyfus en France et les pronunciamientos en Espagne sont bien connus. Mais cela demeurait dans le cadre du libre jeu de forces politico-sociales en opposition.

Dans les États totalitaires, la position est différente. Le parti est militarisé; il se place au-dessus de l'armée, ou bien l'armée s'allie au pouvoir et les deux forces s'associent ou fusionnent. La jeunesse est militarisée au double point de vue moral et disciplinaire; la vie collective est conçue comme une vie militaire; des ambitions de «revanche» ou de domination, des luttes intérieures et extérieures, des guerres civiles agitent tout l'ensemble social. En Italie, à l'âge de 6 ans on est inscrit parmi les «fils de la Louve» et ensuite successivement parmi les «Balilla », les «Jeunes Italiens», les «Miliciens» et ainsi de suite jusqu'à l'âge de 54 ans. Le parti est une milice; les instituteurs et les professeurs ont leurs grades militaires et leurs uniformes militaires. L'enseignement des armes se poursuit pendant toute la vie; l'arme homicide est pour l'homme une compagne habituelle; les parades militaires, les exercices militaires prennent une bonne partie de l'activité des jeunes et des adultes. L'Allemagne aujourd'hui est armée jusqu'aux dents; non seulement pour proclamer sa parité en droit et en fait avec les autres nations, mais par l'effet d'une exaltation mystique et morbide de la force et du destin de la race nordique teutonique. Tout Allemand est un soldat.

La Russie assimile la tâche de défendre l'État à celle de défendre la révolution et l'idéologie bolcheviste et de la propager dans le monde. Le communisme est parole de salut pour les Russes, de même que le fascisme pour les Italiens et le national-socialisme pour les Allemands; parole de salut à donner au monde par la propagande et par la force, de même que Mahomet, par la parole et le cimeterre, soumit les peuples à son nouvel Évangile. .

c) Pour y arriver, il faut un enseignement d'État rigoureusement monopolisé. Le monopole de l'enseignement a été pendant plus d'un siècle et il est toujours la besogne la plus importante pour un État national. Napoléon fut le premier à organiser - de l'université à l'enseignement primaire - l'école pour l'État, c'est-à-dire l'école ayant l'État comme but immédiat. Toutefois on a presque toujours essayé de concilier le monopole de l'enseignement avec la liberté de pensée, même en matière politique. D'une façon générale, la lutte (soit ouverte, soit voilée) fut menée particulièrement contre l'Église; et l'Église lutta pour la liberté scolaire la plus grande possible.

L'État totalitaire par sa nature même, on le conçoit, est amené à dépasser les limites observées jusqu'à lui. Tout le monde doit avoir foi en l'État nouveau et apprendre à l'aimer. Pas une idée opposée, pas une voix dissidente. De l'école primaire à l'université, il ne suffit pas de pratiquer un conformisme sentimental; il faut la soumission intellectuelle et morale complète, l' enthousiasme confiant, l'ardeur mystique d'une religion. Le communisme, ou le fascisme, ou le nazisme, est et doit être une religion. Pour créer cet état d'âme, l'école seule ne suffit pas. Il faut lui adjoindre des moyens complémentaires: le livre officiel, le journal étatisé et standardisé, le cinéma, la radio, le sport, les associations scolaires, les prix, le tout étant non seulement contrôlé, mais orienté vers une fin: le culte de l'État totalitaire, sous le signe soit de la nation, soit de la race, soit de la classe. Afin de gagner le consentement unanime, de stimuler cet esprit collectif d'exaltation, toute la vie sociale est continuellement mobilisée pour des parades, des fêtes, des cortèges, des plébiscites, des exercices sportifs, qui frappent l'imagination, l'esprit, le sentiment de la population.

Le culte de l'État ou de la classe ou de la race serait trop générique; il faut l'homme, le héros, le demi-dieu. Lénine a aujourd'hui un imposant mausolée et, pour les Russes, il est devenu un Mahomet laïque. Mussolini et Hitler, encore vivants, sont protégés par une nuée de policiers et de gardes du corps. Ils agissent et parlent de manière à frapper les sens et l'imagination des foules; leurs personnes sont sacrées; leurs paroles sont comme des paroles de prophètes. Hitler passe entre deux haies compactes de gardes qui marchent à une assez grande distance de lui, de sorte que lui seul émerge au milieu d'eux; et il prend un visage rêveur avec les yeux levés vers le ciel, il a les mains ouvertes et tendues en avant, tel un rédempteur. Mussolini a inventé un rite presque magique; invoqué par la foule pendant un temps plus ou moins long: «Duce! Duce! Duce!», puis par des voix de plus en plus pressantes, puissantes, jusqu'au paroxysme, et devenant ensuite de nouveau murmurantes, pour s'élever encore progressivement jusqu'à de frémissants appels: «Duce! Duce! Duce !...», il se montre finalement à la foule, dans une salve d'applaudissements.

d) Tout cela exige, d'une part, une dépense énorme, une finance de luxe et, d'autre part, contraint à un régime économique de plus en plus rigoureusement contrôlé. De même que toutes les énergies morales doivent converger à l'édification de la puissance de l'État, de même aussi toutes les forces économiques. Les États démocratiques ont adopté un système moyen: aider les industries nationales grâce à la protection de tarifs douaniers, d'une part ; donner toute liberté à l'initiative privée, d'autre part.

L'État totalitaire asservit à ses fins le capital privé (comme en Allemagne) ou bien l'associe solidairement pour arriver à maintenir un certain équilibre politique entre les classes (comme en Italie) ou encore l'État devient lui-même capitaliste (comme en Russie). L'État totalitaire ne laisse jamais la liberté économique ni aux capitalistes, ni aux travailleurs. Les syndicats libres des uns ou des autres ne sont pas admis. Il n'y a que des syndicats et corporations d'État, dépourvus de toute liberté de mouvements, contrôlés et organisés, sur tout le territoire, par l'État et pour l'État. D'où découle une ébauche d'économie dirigée, constituant la première phase vers l'autarcie d'une transformation radicale dans le système économique.

La question de savoir lequel de ces deux systèmes, l'économie dirigée ou le système fermé, est le plus avantageux se présente comme un problème intimement lié à chaque régime d'État en particulier, et ne peut donc être résolu abstraitement. Le bolchevisme s'est présenté en même temps comme régime communiste, au point de vue économique, et totalitaire, au point de vue politique. Le fascisme a procédé par degrés et par la voie des expériences, aussi bien en politique qu'en économie dirigée par l'État, affublée d'un corporatisme jusqu'ici apparent et verbal. L'Allemagne en pleine crise financière et criblée de dettes a instauré, en même temps, le régime totalitaire et le socialisme d'État. .

 

Ces aspects de l'État totalitaire nous amènent à toucher deux problèmes d'un intérêt primordial pour notre civilisation:

- le premier est celui de la liberté, considérée non seulement comme un ensemble de droits politiques et comme une participation du citoyen à la vie de son pays, mais surtout comme autonomie de la personne, comme sécurité de son propre droit, comme garantie de l'activité de chaque personne, soit temporelle, soit spirituelle. Les États totalitaires suppriment la liberté politique et diminuent la liberté personnelle, par l'ingérence de l'État dans les attitudes de la pensée, dans le domaine de la morale et de la religion;

- ce fait implique le problème très grave de la suprématie du spirituel sur le temporel, des fins éthiques sur les buts politiques et, pour nous, chrétiens, celui des fins de la religion, du surnaturel, sur les buts naturels de l'État. La solution de ce problème fut donnée en 1926 par Pie XI, développée ensuite dans l'Encyclique Non abbiamo bisogno du 29 juin 1931 et enfin dans l'Encyclique Mit brennender Sorge (contre les persécutions en Allemagne, 14 mars 1937), enfin à propos de l'État totalitaire fasciste, lorsque dans un consistoire public, il dit que «la fin de l'homme ce n'est pas l'État, mais que l'homme est la fin de l'État*». (*Parmi les propositions erronées, que la «Congrégation des séminaires et universités » a signalées, dans la lettre du 13 avril 1938, la VIII est la suivante: chaque homme n'existe que par l'État et pour l'État. Tout ce qu'il possède de droit dérive uniquement d'une concession de l'État.)

Que les rapports entre l'Église et l'État soient légalement réglés, ainsi qu'il en va en Italie depuis le 11 février 1929 jusqu'à ce jour; ou bien qu'ils soient pleins de trouble et de lutte, comme en Allemagne malgré le concordat de 1933; ou encore tout à fait abolis, comme en Russie; tout cela appartient à la phénoménologie historico-politique commencée il y a dix-neuf siècles avec l'arrivée de Jésus-Christ et le massacre des Innocents. À part cela, l'incompatibilité entre le christianisme et l'État totalitaire est déjà manifeste, si l'on se réfère aux postulats historiques de la conception de l'État, qui a toujours penché vers un

monisme social-politique au détriment de la personne humaine et des raisons de l'esprit; mais cette incompatibilité est encore plus évidente dans les prémisses logiques du «totalitarisme», qui se traduisent pratiquement par l'exaltation mystique d'un principe surhumain: le caractère d'absolu donné à la classe, à la nation ou à la race.

Un tel état de choses nous conduit au bouleversement de la civilisation chrétienne, parce qu'il enlève aux rapports de justice (selon une saine conception du droit privé et public, intérieur et international) le fondement de la morale naturelle et pose, à sa place, le principe de la morale intrinsèque de l'État ou «éthicité» de l'État. Les individus, d'après cette idéologie, ne sont plus considérés ni comme citoyens, ni comme sujets, mais seulement comme membres du troupeau, comme unités d'une collectivité de fer, dont les actes moraux s'intègrent dans les fins de l'État. La personne se perd, absorbée dans la pancollectivité, désignée par les noms symboliques de nation, de classe ou de race.

Toute morale comporte l'exigence d'une religion; la morale subjective nous donne la divinisation de l'individu; la morale naturiste peut arriver jusqu'à la divinisation du «totem» et au culte magique; la morale d'État engendre la divinisation de l'État et des idées qui, dans l'État, se sont presque «hypostasiées», telles que la race, la nation ou la classe; seule la morale chrétienne nous fait participants de la divinité du Christ.

Depuis Machiavel et Luther, l'État n'a cessé de s'acheminer vers la divinisation. Aujourd'hui l'État totalitaire est la forme la plus claire et la plus explicite de l'État panthéiste.


Lisez le DOSSIER sur le SOCIALISME

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26 avril 2011 2 26 /04 /avril /2011 02:09
Les Schtroumpfs sont-ils communistes ?

 

En 1958, le premier épisode des schtroumpfs est crée ! Les schtroumpfs noirs. En 1981, la télé lance les Schtroumpfs pour la première fois sur des ondes hertziennes. L'émission télévisée des Schtroumpfs était plus que juste un dessin animé. C’était une allégorie du socialisme. Plus spécifiquement, le programme était une propagande communiste employée pour représenter une société utopique tout en illustrant les problèmes avec le capitalisme afin d'essayer de convertir la jeunesse.

Afin de comprendre le raccordement entre les Schtroumpfs et le socialisme, une compréhension de base de ce qui est signifiée par « socialisme » est d'abord exigée. Le socialisme est une limite générique dont le marxisme et le communisme sont des divisions. Les trois éléments de base du socialisme sont égalité relative, communalisme, et propriété communale. Le marxisme est un point culminant des philosophies de Karl Marx et Friedrich Engles dans lequel toutes les formes précédentes du socialisme (socialisme de guilde, socialisme chrétien, socialisme de syndicat, socialisme agraire, socialisme anarchiste, etc.) ont été combinées et reformées. Vladimir Ilyich Ulyanov, connu comme Lénine, présenté pour mettre les philosophies marxistes dans les applications pratiques. De cette manière, il a modifié le marxisme et a ajouté les aspects de l'organisation et de la conduite. Cette forme de marxisme est maintenant désigné sous le nom du léninisme. La combinaison du marxisme et du léninisme égale le communisme. Pour la clarté et la facilité de la compréhension, je vais employer le terme générique du socialisme au lieu d'employer la forme spécifique de socialisme à la laquelle je me réfère. Avec une compréhension de base de socialisme et de ses dérives, il est maintenant possible de voir comment elles s'appliquent à l'émission télévisée des Schtroumpfs.

 

Avant d'analyser le raccordement entre le socialisme et les Schtroumpfs, il est impératif que les trois éléments principaux du socialisme soient présents. Le premier élément, de nouveau, est l’égalité relative. Dans les Schtroumpfs, la présence de l'égalité est incontestable. Si ce n’est une compétence importante comme ceux exécutée par le Schtroumpf Bricoleur ou le Schtroumpf Fermier, ou une tâche relativement inutile comme celle de Schtroumpf Paresseux ou de Schtroumpf Maladroit, ils sont tous logés dans des maisons champignon de taille égale et considérés au même niveau social. La structure de supériorité et de classe est absente du village des Schtroumpf. En fait, la manière dont ils s’adressent l’un a l’autre est également d’une égalité totale. Chaque Schtroumpf dans le village a été nommé par un « Schtroumpf » suivi d’une qualité ou d’un défaut, c'est-à-dire, le Schtroumpf Farceur, le Schtroumpf à Lunettes, Le Schtroumpf Bricoleur, etc. Ceci élimine des titres élitistes et est un autre exemple d'égalité inhérent à leur langue elle-même. De plus tout les Schtroumpfs porte les mêmes uniformes, chapeaux blancs et pantalon blanc.

Le deuxième élément du socialisme est le communalisme. C'est-à-dire que le bien-être de la société dans l'ensemble est plus important que n'importe quel un de ses membres. Une coopération des individus est nécessaire afin d'accomplir un but commun. Dans les Schtroumpfs, le communalisme est également évident. Tout d'abord, le nom de la BD, les Schtroumpfs, reflète cette même idée. La plupart des dessins animés, ou BD, sont baptisés du nom de leur caractère principal. Gaston, Largo winch, etc. Les Schtroumpfs, cependant, ne suivent pas ce modèle. À la différence d'autres BD, le titre inclus la société dans son ensemble. Il est absurde d’imaginer la BD étant baptisée du nom d'un Schtroumpf en particulier, par exemple, la Schtroumpfette ou le Grand Schtroumpf. C'est parce que la communauté dans son ensemble est plus grande que n'importe quelle partie. Mais le thème du communalisme court encore plus profond dans les Schtroumpfs. Aucun des Schtroumpfs n'a de propriété privée ou de possession personnelle. En outre, ils n'ont même pas un système monétaire. Tout est propriété du collectif.

 

La troisième force caractéristique du socialisme est la « propriété et commande communales des sources principales de richesse nationale dans l'intérêt de la communauté dans son ensemble ». Dans les Schtroumpfs, le barrage représente celui-ci. C'est la une seule pièce du capital, qui est établi, possédé, actionné, et réparé par les Schtroumpfs en tant que communauté. Les similitudes entre le socialisme et les Schtroumpfs sont déjà remarquables, mais le raccordement général entre les deux continue.

Marx a cru que « l'état humain est un état de travail, de productivité, et de créativité ». Il ne veut pas dire le travail en tant que travail. Pour Marx, le « travail est n'importe quel activité, manuel ou intellectuel humain. Fossés à creuser, paysages à peindre, écrire de la musique - ce sont toutes les expressions de travail d'humain et de personnalité humaine. En un mot, le travail est réalisation humaine ». La vision de Marx de l'état humain en termes de socialisme est réalisée par les Schtroumpfs. Ils ne font pas cinquante travaux, mais cherchent plutôt la réalisation personnelle à travers le travail. Le Schtroumpf Vaniteux et le Schtroumpf à Lunettes sont deux exemples parfaits. Ils ne sont pas des membres de ce que notre société de capitaliste considérerait de main-d'oeuvre. Ils vivent afin d'essayer de réaliser un niveau de la réalisation personnelle.

Une autre croyance marxiste était que la société a été aliénée de la nature et était nécessaire pour se rebrancher avec elle. Le « communisme pour Marx est la communauté cherchant l'homme avec sa nature vraie et originale ». Le Schtroumpfs vit au milieu d'une forêt dans des maisons de champignon. Par définition, elles sont l’incarnation du communisme aux yeux de Marx lui-même. Non seulement elles sont entourées par la nature, Et les Schtroumpfs ont toujours vécus la !

 

L'utilisation excessive du mot « schtroumpf » et ses nombreux dérivés (schtroumpfer, schtroumpfant, etc.) dans leurs expressions est une des caractéristiques les plus mémorables. C'est symbolique du nationalisme. « La conduite communiste », selon la croyance de Lénine, devrait se concentrer sur l’appel au nationalisme des personnes. « La chose que chaque classe comprend intuitivement que - la chose qui unit des peuples – est le nationalisme ». Par l'utilisation constante du mot « schtroumpf », c’est une sorte d'identité nationale qui a été forgée et renforcée dans la société des Schtroumpfs. C’est une manière pour que les Schtroumpfs mette en oeuvre l'allégeance à leur croyance dans le système du gouvernement dans lequel ils vivent.

Avec une analyse générale à l'écart, des observations spécifiques des caractères particuliers peuvent être explorées. En premier lieu, je pense qu'il est important de jeter un coup d'oeil plus étroit chez le Grand Schtroumpf. Le caractère du Grand Schtroumpf est comme un parallèle direct à Lénine lui-même. Tous deux croient au marxisme, mais pour l'application pratique, comprennent que d’une certaine façon, une organisation est nécessaire. Dans chaque cas, ils ont intensifié la condition de conduite. Mais à un certain degré, le Grand Schtroumpf représente également Marx parce qu'il reste vrai par rapport à la croyance utopique de Marx tandis que Lénine a vagué un peu davantage. Il est également remarquable que la barbe portée par le Grand Schtroumpf découvre une ressemblance saisissante aux cheveux faciaux de Marx. Le Grand Schtroumpf se tient en dehors du reste du groupe parce qu'il porte le chapeau rouge. C'est également un point commun que le rouge soit la couleur symbolique du socialisme. En anglais, le nom « SMURF » être un acronyme pour les « Small Men Under Red Father », autrement dit les petits hommes sous le père rouge !

 

Le seul autre personnage avec un chapeau coloré différemment est Grand Père Schtroumpf, qui est également placé indépendamment du Schtroumpf « commun ». Il est le vieux, sage Schtroumpf qui porte un chapeau jaune. Il rempli le rôle d'une sorte de prophète, un philosophe. Son caractère a été basé sur Marx qui était également un philosophe et n'a jamais eu l'occasion d'appliquer ses théories lui-même.

Le Schtroumpf à Lunettes représente Trotski, un fonctionnaire de haut rang sous Lénine. Dans les Schtroumpfs, le Schtroumpf à Lunettes est le seul rival intellectuel du Grand Schtroumpf (qui représente Lénine) et il l’interroge souvent, provocant les idéaux mêmes de la vie des Schtroumpf. Pendant le règne de Staline, Trotski a été traité de traître parce que ses idées étaient en conflit avec celles de Staline. Dans beaucoup d'épisodes des Schtroumpfs, le Schtroumpf à Lunettes est banni du village pour ses croyances. Dans les années 20, Trotski avait été exilé d’URSS au Mexique où il a été assassiné vingt ans après. Trotski possède une ressemblance saisissante avec le Schtroumpf à Lunettes, de plus il possède tous deux une paires de lunettes rondes, peut-être une coïncidence? Je ne pense pas.

Cela nous laisse avec seulement deux figures principales dans la série des Schtroumpfs que je n’ai pas encore citer, les rivaux des Schtroumpfs, Gargamel et Azrael. Gargamel est le vieil homme mauvais qui a toujours voulu transformer le Schtroumpf en or. Gargamel représente les maux de l'avarice et le capitalisme. Il est un hermite impitoyable et égocentrique, qui illustre les dangers de l'action de poursuivre de la richesse. Il n’est pas étonnant non plus de voir que Gargamel, possède des caractéristiques distinctes et juives. Sous les systèmes communistes plus radicaux, les personnes juives ont été persécutées pour, entre autres, leur amour stéréotypé de l’argent. Il y a un système distinct de classe dans le royaume de Gargamel. Il est le bourgeois et Azrael, le compagnon félin de Gargamel, représente le prolétariat. Azrael le chat représente l'ouvrier exploité et de classe inférieur du système capitaliste, sous payé, et incapable de négocier pour de meilleures conditions. Azrael est souvent exigé pour risquer sa vie et partir à la poursuite des Schtroumpfs pour son maître comme les ouvriers consacrent leurs vies aux intérêts de leurs patrons. Le mot Azrael lui-même est semblable au mot Israël, la patrie des personnes juives.

Les parallèles entre le socialisme et les Schtroumpfs sont accablants. Etant donné la présence des trois éléments principaux du socialisme ou la relation des chefs socialistes mise en avant des principaux personnages dans la BD, il est évident que Peyo a intentionnellement essayé de peindre un tableau d'une société utopique et socialiste. Le programme des Schtroumpfs est une propagande socialiste flagrante, afin d'essayer de convertir la jeunesse, et peut-être que cela a fonctionné réellement. Maintenant que la génération qui a grandi avec les Schtroumpfs est devenue adulte, la crainte du communisme est pratiquement inexistante. Quand vous pensez aux chefs infâmes du socialisme tels que Lénine et Marx, n'oubliez pas d'ajouter le Grand Schtroumpf !


  S.M.U.R.F. (Soviet Men Under Red Father)

 

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23 avril 2011 6 23 /04 /avril /2011 05:02

L’Etat corporatiste fasciste 



L'affaire du sauvetage d'AIG, un cas d'école du capitalisme corrompu par l'état

AIG BuildingMa recherche sur la régulation financière avance à petits pas, et je n'espère pas publier quelque chose de conséquent avant décembre. Mais d'ores et déjà, je parviens à une certitude: la façon dont la loi se crée aujourd'hui favorise l'émergence d'un monstre sociétal, que le terme de néo-corporatisme peine à rendre dans toute sa nuance. Je parlerais bien de "collusionnisme", une co-gestion de l'économie par les élites politiques et financières au détriment de ceux qui veulent gagner leur vie dans honnêtement dans l'économie que l'on dira "réelle", quoique le terme soit également impropre. En tant que libéral, ce phénomène me touche particulièrement, car les politiques ainsi promulguées sont souvent étiquetées "néo-libérales" par leurs contempteurs, alors qu'elles en sont l'exact opposé.


La faillite d'AIG

J'ai déjà évoqué cette faillite de la cogestion de l'économie par des élites co-optées. Bien que j'aie déjà souligné l'existence du phénomène au niveau Franco-français dès 2005, dans mon discours pour le congrès de l'ISIL à Cologne, j'étais loin de me douter que le pays le plus proche de la France en terme de conduite des affaires se révèlerait être les USA. Et si vous croyez que j'exagère, plongeons nous dans les délices de la très possible "affaire AIG", car la faillite du premier assureur américain (voire mondial) semble avoir été l'occasion de manoeuvres que la justice pourrait qualifier de frauduleuses... si elle peut suivre son cours.

Rappelons les origines de la faillite d'AIG à la mi 2008.

Après que son ancien patron durant plus de 40 ans, le très emblématique Maurice Greenberg, ait été poursuivi pour divers soupçons de fraude par le sulfureux procureur Eliott Spitzer (affaires civiles toujours en cours - Toutes les poursuites au pénal ont été abandonnées), la nouvelle équipe dirigeante décida de mettre les bouchées doubles sur un marché porteur sur lequel le "vieux" Greenberg, en bon risk manager, avait souhaité limiter l'exposition de son entreprise, les "Credit Default Swaps". 

Quand une assurance devient un produit dérivé hautement spéculatif...

Que sont ces produits dérivés ? Un Credit Default Swap est en quelque sorte une assurance sur une obligation. L'assureur vend une option sur la valeur future d'une obligation, que le détenteur de l'obligation va acheter pour se prémunir contre le défaut éventuel de paiement de l'émetteur de l'obligation. En contrepartie, il paie une prime d'assurance. Si l'émetteur de l'obligation fait défaut, non seulement le détenteur d'une CDS doit recevoir le capital restant dû, mais aussi, selon le contrat, une partie des intérêts qu'il aurait reçus si l'obligation était allée jusqu'à son terme !

Nb. La société de l'analyste très en vue Janet Tavakoli publie de nombreux papiers explicatifs sur les CDS. Pour les mordus !

L'ensemble des primes collectées par l'assureur doit être supérieur aux sinistres enregistrés, sinon, l'assurance perd de l'argent, et si les pertes sont trop importantes, la faillite est... assurée !

Le très gros problème des CDS est que le principal "Market Maker" de ces instruments, AIG, a transformé ce produit d'assurance en gigantesque marché spéculatif.

Accepteriez vous que votre assureur vende des assurances sur votre vie à votre chirurgien ?

Imaginez que votre assureur vende des assurances contre l'incendie de votre maison non seulement à vous même, ce qui est normal, mais aussi à des tiers qui n'ont aucun lien juridique avec votre maison: vous ne seriez pas étonné d'observer une recrudescence d'individus louches se promenant avec des jerricanes d'essence autour de votre domicile, espérant toucher la valeur de votre maison en cas de sinistre. Bref, l'assureur créerait une forte incitation à ce que vous soyez sinistré. Fort heureusement, votre assureur n'est pas fou, et de toute façon, la loi le lui interdit: vendre de telles assurances à des tiers non juridiquement liés à la maison serait évidemment considéré comme la justice comme un préjudice porté au propriétaire de la maison.

Pourtant, c'est exactement ce que AIG a fait en vendant des CDS "à découvert" à des personnes n'ayant aucun lien de propriété ni avec les maisons servant de collatéral au prêt, ni les obligations CDO packagées à partir de prêts immobiliers. 

Un assureur devenu spéculateur fortement leveragé...

Pourquoi un assureur agirait il aussi curieusement ? Officiellement, le raisonnement était le suivant: en vendant plusieurs contrats d'assurance sur chaque émission d'obligations, AIG encaissait beaucoup de primes, et si elle avait bien calculé son risque, multipliait les bénéfices. Et donc les bonus pour ses cadres.

Mais que AIG ait mal estimé le potentiel de faillites immobilières, même de quelques pour-cent, et alors l'effet de levier permis par la multiplication des contrats se retourne contre lui. Et la clause contractuelle permettant au détenteur du CDS de recevoir non seulement le montant du nominal restant dû de l'obligation, mais aussi une partie des intérêts escomptés, avec une simple décote, fait de la faillite de l'émetteur une très bonne affaire pour le spéculateur qui a acheté un CDS, en pariant sur la faillite du marché immobilier, et une très mauvaise pour l'assureur.

Bref, AIG a cessé d'être un simple assureur pour spéculer sur la solidité financière des produits qu'il assurait, et voilà pourquoi, lorsque la faillite de Fannie Mae et Freddie Mac est devenue patente, en Août 2008, AIG s'est retrouvé en situation de faillite.

Malversations en tout genre autour d'AIG

La justice américaine se pose quelques questions. D'abord, il semblerait que des personnes impliquées dans des transactions immobilières, ou dérivées, tels que des gros courtiers, ou des gros employés au sein de banques d'affaires qui vendaient des obligations "CDO" sur les marchés, voire de grandes banques en tant que telles, aient plus ou moins secrètement spéculé contre la faillite de ces CDO en achetant eux mêmes des CDS, et aient donc au sein de leur entreprise encouragé le repackaging de prêts douteux sur le marché sans se montrer trop regardants sur la qualité des prêts collatéralisés, jouant leur intérêts personnel contre celui de leur boite: un cas évident de "predatory capitalism".

Mais plus grave encore, il est possible que le sauvetage d'AIG par la FED, sur lequel je reviendrai, ait été l'objet de fraudes massives impliquant des membres du conseil d'administration de la FED de New York, dont nous rappellerons que le directeur de l'époque s'appelait Tim Geithner, actuel ministre des finances de Barrak Obama.

Mike Shedlock livre ici le contenu de la lettre envoyée par un sénateur républicain de Californie, Darell Issa, qui mène une investigation du congrès sur ces question, à l'actuel directeur de la Fed de New York. J'en livre quelques extraits :

Mr. William C. Dudley
President - Federal Reserve Bank of New York
 
Dear Mr. Dudley:
 
As Ranking Member of the Committee on Oversight and Government Reform, I
am deeply concerned by news reports that the Federal Reserve Bank of New York (“FRBNY”) may have unnecessarily cost the American taxpayers billions of dollars.
 
As you know, in late 2008 American International Group (“AIG”) was attempting to negotiate a haircut for banks that held $62 billion in credit default swaps (“CDS”) from AIG. AIG was reportedly seeking to persuade the banks to accept haircuts of as much as 40 cents on the dollar in order to retire these CDS contracts.

On September 16, 2008, the FRBNY extended AIG an $85 billion line of credit,
effectively nationalizing it. According to news reports, late in the week of November 3, then-FRBNY President Timothy Geithner, along with the U.S. Department of the Treasury and the Federal Reserve Board in Washington, took over negotiations with AIG’s counterparties.

News reports indicate that Mr. Geithner’s team circulated a draft term sheet to set the terms under which AIG would settle its CDS obligations, including a blank space in which the haircut for creditors was to have been inserted. However, the haircut provision was reportedly crossed out and, after less than a week of secret negotiations between the FRBNY and the banks, FRBNY ordered AIG to pay its creditors at par – 100 cents on the dollar – not 60 cents as AIG had been attempting to negotiate.

Thus, behind closed doors and with no approval from Congress, the FRBNY may have added an additional $13 billion of debt on the backs of taxpayers.

These allegations, if true, amount to nothing less than a backdoor bailout of AIG’s creditors, including Goldman Sachs, Merrill Lynch, Société Générale and Deutsche Bank.

The lack of transparency and accountability in this transaction is disturbing enough. However, there is evidence that this $13 billion expenditure was entirely unnecessary. According to Janet Tavakoli of Tavakoli Structured Finance, “There’s no way they should have paid at par. AIG was basically bankrupt.”

Another expert has said that the typical outcome in cases like this involves counterparties being forced to accept haircuts of anywhere from 30 to 50 cents on the dollar.

This suggests that the FRBNY may have paid AIG’s counterparties at par to surreptitiously provide another bailout for large financial institutions. According to Donn Vickrey of Gradient Analytics, “Some of those banks needed 100 cents on the dollar or they risked failure.”

However, another source close to the transaction suggested the FRBNY may have paid AIG’s counterparties at par out of pure expediency: “[S]ome counterparties insisted on being paid in full and the [FRBNY] did not want to negotiate separate deals.”

Furthermore, many of AIG’s counterparties reportedly hedged their exposure to the troubled insurance giant, obviating any need for a taxpayer bailout of these large financial institutions. According to Goldman Sachs’ Chief Financial Officer, “There would have been no credit losses [at Goldman Sachs] if AIG had failed.”

All of this begs the question why the FRBNY would not drive a better bargain for the American taxpayer. If the FRBNY thought it was necessary to provide another taxpayer bailout of AIG’s counterparties, it should have come to Congress and made its case that this action was necessary. However, if the FRBNY simply paid AIG’s counterparties at par out of expediency, it raises serious questions about its judgment and motives.

It is also disturbing that, at the time this secret deal was made, FRBNY Chairman Stephen Friedman, a member of the board of Goldman Sachs, purchased more than 50,000 shares of Goldman Sachs before knowledge of the FRBNY’s bailout of Goldman Sachs and other AIG counterparties became public knowledge.

According to news reports, this transaction has earned Mr. Friedman over $5 million in profit.

Finally, according to one AIG executive quoted in news reports, the FRBNY may have attempted to manage public disclosure of its decision to pay AIG’s counterparties at par by pressuring the company not to file pertinent documents with the U.S. Securities and Exchange Commission (“SEC”):

They’d tell us that they don’t think that this or that should be disclosed. They’d say, “Don’t you think your counterparties will be concerned?” It was much more about protecting the Fed.

These allegations raise serious questions about the transparency, accountability and wisdom of the FRBNY’s actions. 

(...)

Sincerely, Darrell E. Issa

En résumé: avant la faillite, AIG négociait avec les détenteurs de CDS un rabais sur les sommes dues au titre de la couverture du sinistre obligataire, de 40%. Mais la FED de New York a agi sans la moindre publicité pour que ce rabais soit ramené à zéro après la nationalisation de fait d'AIG, ce qui n'est rien moins qu'un énorme cadeau (estimé au minimum à 19 Milliards de $) fait par le contribuable américain aux détenteurs de CDS, et notamment Goldman, Merill, notre bonne vieille société générale et Deutsche Bank. Et au passage, un dirigeant de la FED de New York a fort opportunément réalisé 5 millions de dollars de profit personnel en achetant au très bon moment des actions d'une des banques ayant ainsi reçu, que les employés de la Générale m'excusent cette plaisanterie facile, un "coup de pouce" de quelques milliards de dollars.

Une faillite aurait été nettement préférable au sauvetage par l'état

Il apparait évident qu'en vendant des CDS à des acheteurs à découvert, AIG a quitté son rôle d'assureur et est devenu spéculateur, et a encouragé la mise sur le marché de produits de très mauvaise qualité, dont les acheteurs sincères sont les dindons de la farce. Ajoutons qu'AIG, en se trompant de métier, s'est révélé très mauvais, puisqu'elle a gravement sous estimé la prime  de risque qu'elle aurait dû exiger des acheteurs de CDS.

Ajoutons que tout assureur doit, lorsqu'un sinistre se fait jour, effectuer un minimum de recherches pour vérifier si le bénéficiaire du contrat n'a pas commis une fraude. Il semble qu'AIG ait été bien peu diligent en la matière.

Si l'on met à part les questions d'ordre purement frauduleux, il est évident que les détenteurs de CDS auraient dû être pénalisés, au même titre que l'émetteur, par une faillite en ordonnée d'AIG. Et si les mauvaises créances d'AIG avaient provoqué en cascade d'autres faillites, pourvu que le processus de ces dernières ait été correctement géré et vite, avec des accords express d'échange "capital contre dette" (cf cet article et celui ci), alors l'affaire AIG n'aurait en rien représenté le "risque systémique" dont on nous a rebattu les oreilles fin 2008, qui a justifié tant de plans de sauvetage de gros intérêts financiers par l'argent du contribuable.

Mais il y a tellement de politiciens et de hauts fonctionnaires à Washington qui semblent manger au ratelier de Merrill Lynch ou Goldman Sachs, que certains ont estimé qu'il valait mieux mettre le contribuable en coupe réglée pour éviter à ces deux géants financiers d'avoir à supporter des pertes liées à leur inconséquence. Une fois de plus, la collusion entre grandes banques d'affaires et l'état conduit à des fraudes massives.

Leçons : quel type de régulation pour les assurances obligataires ?

Face à l'ampleur du désastre AIG (plus de 90 milliards de fonds publics mobilisés à ce jour), et parce que le marché des CDS était peu réglementé, certains estiment que nous avons affaire à un cas typique de manque de régulation d'une activité privée par la puissance publique. Mais AIG et les autres compagnies qui ont opéré sur ce marché  n'ont fait qu'exploiter des manques dans un droit normatif devenu de plus en plus touffu. Un droit plus étoffé sur les CDS  n'aurait fait que déplacer le problème vers d'autres failles que le législateur n'aurait pas anticipées. Plus de réglementation ne réglera pas le problème de fond d'un droit normatif devenu foisonnant, inapplicable et plein de failles.

Certains affirment qu'il faut interdire les CDS. Cela parait excessif. Si la vente d'options sur défaut à des non détenteurs d'obligations assurées est une pratique hautement contestable du point de vue assuranciel, et génère sûrement des incitations perverses, l'on ne peut sérieusement interdire à des détenteurs de bons de vouloir s'assurer contre le défaut de paiement de l'émetteur.

La meilleure protection contre les prises de risques excessives des acteurs de la finance n'est pas de tenter de définir de façon exhaustive ce qui est permis et ce qui ne l'est pas. Le meilleur rempart contre trop de défaillances est la quasi certitude que la faillite entrainera le démantèlement de la société ou une restructuration à la hache de son passif et de ses actifs, et que ceux qui arbitreraient sciemment leurs intérêts à court terme contre ceux de l'entreprise et de ses actionnaires à long terme auraient toutes les chances d'être condamnés, quand bien même les manoeuvres incriminées ne feraient l'objet d'aucune codification formelle.

De même, AIG aurait été bien plus prudent si la législation n'avait pas tenté d'écire tout ce qui est permis et tout ce qui est interdit, mais avait simplement tenu en quelques principes de base de respect de la propriété d'autrui, à charge pour la justice de déterminer si la vente d'assurances faillite à de non détenteurs de créances ne constituait pas une incitation à "l'incendie volontaire" portant préjudice aux détenteurs "réels" d'obligations assurables.

Enfin, rappelons que les justices du monde entier semblent se montrer bienveillantes envers les puissants sur l'application du principe de "responsabilité limitée" des dirigeants d'entreprise. La responsabilité limitée ne doit exister que tant que des fautes patentes, par incompétence ou par malhonnêteté, n'ont pas été commises. Toute erreur flagrante de gestion, se traduisant par une mise en danger des créanciers et actionnaires, doit engendrer un risque personnel réel pour les dirigeants impliqués, ce qui les forcerait à se montrer plus regardants sur la gestion des risques internes à leur entreprise.

Conclusion : retrouver les bases libérales du droit

Faillite, principe de responsabilité personnelle pour faute, et jugement sans concession de l'honnêteté des actes passés: ce sont les bases de la régulation libérale des marchés. Or, l'affaire AIG-FED montre qu'à l'évidence, l'administration US actuelle prend le chemin inverse: sauvetage des institutions financières à l'évidence incompétentes, avec blanc seing d'organismes sous contrôle public pour couvrir d'évidentes irrégularités, et aucune sanction contre les dirigeants qui ont conduit AIG vers le désastre.

Répétons le: de tels agissements n'ont rien à voir avec le libéralisme. Ce capitalisme là, qu'un autre auteur a appelé "le capitalisme de Davos", n'est rien moins qu'une mise en coupe réglée de l'économie par une clique qui sait s'assurer les bonnes grâces de l'état complice. Que l'on l'appelle corporatisme, féodalisme, "crony capitalism" ou "collusionnisme", cette cogestion de l'économie par de grands barons des affaires et des hauts fonctionnaires souvent issus des même cercles n'est qu'une perpétuation d'un système de fraude et de spoliation collective.

C'est la collusion entre état et capitalisme financier qu'il faut combattre, et non le renforcement des prérogatives de l'état dans la bonne marche des affaires qu'il faut favoriser. Tout accroissement du pouvoir régulateur de l'état ou de ses satellites (tels que la FED), et toute perpétuation des liens incestueux entre grands financiers et gouvernement de Washington, ne peut qu'aboutir à la répétition de tels épisodes dommageables. La solution pour sécuriser le monde des affaires passe par une véritable séparation du capitalisme et de l'état, celui ci n'intervenant que pour sanctionner fraudes et veiller au bon déroulement du réglement des procédures de gestion ordonnée des défaillances.

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Collusion 101

Publié le 22/03/2011

Ça se passait à l’émission de radio matinale « Bouchard en parle », du FM 93, mardi dernier. Un entrepreneur en construction bien en vue de Québec, anonyme, dévoile comment la collusion fonctionne. Et pourquoi ça coûte cher au contribuable.

L’équipe de « Bouchard en parle » a d’abord vérifié la crédibilité de cet « entrepreneur masqué ». On lui a demandé de prédire, sur une période de trois mois, qui allait remporter les contrats de trois projets publics importants à Québec. Son score : 3 en 3.

Comment ça fonctionne

Prenons quatre compagnies fictives : A, B, C et D. Tout débute sur un site Internet de la Ville, où l’on voit les noms des entrepreneurs qui vont soumissionner sur les appels d’offres publics. Dans les mots de l’entrepreneur masqué : « On attend jusqu’à la date limite. Et si on voit qu’on est, disons, quatre sur le projet, ben c’est pas compliqué. On s’appelle et on va manger ensemble. Et on détermine c’est à qui le tour de ramasser le projet. »

C’est ici que ça commence. On négocie autour d’un lunch. On détermine qui va avoir le contrat. Si c’est le tour à l’entreprise A, les trois autres « complices » vont quand même en profiter. Car l’entrepreneur A va les compenser pour qu’ils « se tassent ». Sur un projet d’un million de dollars, on parle d’une enveloppe de $50.000 à chacun.

 

(Illustration René Le Honzec)

Le hic pour le contribuable, c’est qu’on va ajouter cette somme au contrat. Donc dans ce cas-ci, le projet vient de coûter $150.000 de plus. Et ce n’est pas fini. L’entrepreneur « choisi » pour exécuter le contrat va lui aussi se prendre une part du gâteau. Le coût du contrat peut ainsi monter jusqu’à $1.400.000, raconte l’entrepreneur masqué. Ce sera le montant de la soumission de l’entrepreneur A. Afin de s’assurer que ce dernier ait le contrat, les trois autres vont soumissionner un peu plus cher que $1.400.000.

Une fois le contrat en poche, l’entrepreneur A doit verser le $50.000 aux trois autres sans laisser de traces. Il leur demande s’ils ont un autre contrat en ville. Le cas échéant, ceux-ci demanderont à un de leurs sous-traitants (un plombier par exemple) de facturer $50.000 à l’entreprise A, et de leur faire un crédit de $50.000 sur les travaux en cours. B, C et D touchent de cette façon leur $50.000. Ni vu ni connu.

Les fameux dépassements de coûts

Ce genre de combines explique-t-il les fameux dépassements de coûts des projets publics ? Seulement en partie, dit Luc Martin, vice-président de la Corporation des entrepreneurs généraux du Québec. Selon lui, les dépassements de coûts se produisent la plupart du temps avant l’appel d’offres. Souvent, parce qu’on évalue mal un projet au départ. Le métro de Laval ou le CHUM sont deux exemples probants.

Mais le stratagème expliqué plus haut est quand même bien connu dans l’industrie, dit-il. Mais n’est pas si courant. « Cela se produit quand il y a peu ou pas de concurrence. C’est pour ça qu’un donneur d’ouvrage doit toujours susciter la concurrence. Quand il n’y a pas assez de soumissionnaires, il doit se mettre sur le téléphone et en trouver. »

Le gouvernement québécois investit de 5 à 6 milliards par année dans son plan d’infrastructures (routes, ponts, écoles, etc.) Des milliards qui alourdissent chaque année notre dette collective. On espère qu’il sera sur le téléphone le plus souvent possible.

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22 avril 2011 5 22 /04 /avril /2011 22:40

Le corporatisme d'État
 

Le corporatisme étatique moderne n'a que très peu de ressemblance avec la structure corporative médiévale. Les corporations du moyen âge ne pouvaient dépasser le cadre des relations de travail, situées à l'intérieur d'une hiérarchie professionnelle, à cause des particularités économiques de l'époque et de la conception à dominante théocratique de la société et de l'État. La stratification sociale elle-même s'opposait à une extension politique des corporations. Dans une situation politique où l'État lui-même est devenu corporatif, il est permis de parler de totalitarisme, sinon de fascisme.

Le corporatisme étatique moderne n'a que très peu de ressemblance avec la structure corporative médiévale. Les corporations du moyen âge ne pouvaient dépasser le cadre des relations de travail, situées à l'intérieur d'une hiérarchie professionnelle, à cause des particularités économiques de l'époque et de la conception à dominante théocratique de la société et de l'État. La stratification sociale elle-même s'opposait à une extension politique des corporations. Dans une situation politique où l'État lui-même est devenu corporatif, il est permis de parler de totalitarisme, sinon de fascisme.

L'évolution et la consolidation du corporatisme étatique ne peuvent donc dépendre que d'une idéologie totalitaire. Cette forme de corporatisme ne se réduit pas à l'organisation des seules forces matérielles d'une nation, mais intègre aussi ses forces morales et spirituelles. Elle ne signifie pas la simple mobilisation des intérêts personnels ou collectifs, mais, au contraire la subordination de tout ce qui est particulier à la Nation, considérée comme fin en soi.

Tout dans l'État, rien en dehors de l'État, rien contre l'État. Telle est la conception d'un État corporatif aux alentours des années vingt, au moment où le capitalisme libéral, déjà durement attaqué par le socialisme marxiste, avait engendré une petite bourgeoisie désemparée, en quête d'idéal et de statut. Quant au prolétariat urbain et rural, victime du clivage social accentué par la guerre, il ne pouvait qu'être séduit par le socialisme.

Les assises historiques du phénomène

Le corporatisme intégral ne peut se confondre, on l'a dit, avec le fascisme. Mais il n'en demeure pas moins tributaire, en tant que formule socio-économique servant un dirigisme politique à la fois totalitaire et anti-niarxiste. Ainsi, le fascisme italien est né et s'est développé grâce à la faiblesse des organisations ouvrières, à la détresse sociale de la petite et moyenne bourgeoisie et aux déséquilibres que la démocratie libérale était incapable d'enrayer. Le sociologue américain N. S. Preston interprète le fascisme comme un mouvement révolutionnaire nationaliste de la classe moyenne économiquement prolétarisée, à la fois contre le collectivisme marxiste et contre la tendance à la concentration de la société capitaliste. Pour toutes ces raisons, le bassin socio-économique le plus apte à l'instauration d'un corporatisme intégral était constitué par l'État fasciste italien.

La morphologie du corporatisme étatique

La consolidation de l’État fasciste en Italie comporte, avec le dirigisme, une remarquable expansion économique, une diminution spectaculaire du taux de chômage (382,000 en 1922; 122,000 en 1925), une réévaluation de la lire (1927), une politique protectionniste et la réalisation du plein emploi (1928). Le 22 juin 1925, le Grand Conseil (organe suprême et décisionnel du Parti national fasciste) proclame par décret que seuls les syndicats fascistes seront habilités à représenter les travailleurs dans les rapports avec le patronat. Un accord de collaboration entre ces mêmes syndicats et les industriels met officiellement fin aux grèves et supprime les comités d'entreprise. Suit la loi Rocco du 3 avril 1926 qui confirme ces deux points et généralise la politique contractuelle, rendant l'inscription aux syndicats obligatoire et le contrat collectif de rigueur. En cas de conflit, la magistrature du travail est juge.

Un décret du 2 juillet 1926 institue le ministère des Corporations, chargé tout à la fois du contrôle et de la coordination. Enfin, le 21 avril 1927 est publiée la «Charte du travail», oeuvre surtout de Giuseppe Bottai, sous-secrétaire d'État aux Corporations. Définissant les grandes lignes de l'État corporatif, ce texte n'en insiste pas moins sur le rôle de l'initiative privée, l'État n'intervenant qu'en cas de défaillance de cette dernière ou pour des motifs politiques.

À la veille de la grande crise, le fascisme peut ainsi se prévaloir de deux succès relatifs: l'équilibre économique et l'ordre intérieur. Mais cette révolution n'est pas appréciée par la bourgeoisie capitaliste ni par les intellectuels. Elle est plébéienne. La Rome prolétarienne remplace la Rome patricienne. Mussolini se réalise en elle. Il perdra le sens des réalités par la suite, dans la solitude de l'autorité. À partir de ce moment, la structure corporatiste de l'État prend sa forme définitive. Cette forme est complexe, capillaire. Rien, en elle, n'est laissé au hasard ou à la liberté individuelle. L'État devient ainsi l'expression suprême de la collectivité nationale et apparaît comme un instrument au service d'une finalité qui dépasse l'individu.

Les corporations sont, dans cette conception, les organes naturels par lesquels s'exprime et se manifeste la Nation. L'individu n'est pas le but de l'État. Il n'est pas non plus la base de l'État, qui est construit, pour ses propres fins sur les corporations elles-mêmes, considérées comme organes fonctionnels de l'État. Dans cette échelle hiérarchique de l'État et de l'individu, la corporation prend donc un rang intermédiaire.

Aussi les corporations sont nationales, unitaires, totalitaires, ouvertes et non exclusives. Nationales, parce qu'instruments indispensables à la réalisation de l'idéal étatique. Unitaires, parce que leurs fonctions nationales sont uniques et indivisibles. Totalitaires, car il ne reste pas une seule activité nationale qui ne soit encadrée dans une corporation. Ouvertes, car elles permettent à chacun, quelle que soit son origine, l'accès dans ses rangs, sous la réserve de remplir certaines conditions de formation et de préparation. Non exclusives, en ce sens que toute personne peut appartenir en même temps à des corporations différentes, selon les occupations qu'elle a et les fonctions qu elle remplit. Ces traits séparent nettement le corporatisme étatique du corporatisme médiéval.

L'échec du système

L'usure de la structure corporatiste ne tarde pas à se manifester. Loin de les menacer, le dirigisme adopté par le corporatisme étatique renforce les structures du capitalisme. La dissolution des organisations ouvrières classiques et l'intégration des masses dans les syndicats fascistes libèrent les patrons des revendications salariales. Ce qui pèse peut-être encore plus, c'est l'aide directe que le corporatisme accorde à la grande industrie, tout spécialement à l'industrie lourde. Les commandes de l'État permettent à celle-ci de produire ;sans tenir compte des critères de compétitivité. Ainsi, le corporatisme débouche sur un renforcement des tendances monopolistiques.

Les classes moyennes avaient placé de grands espoirs dans le fascisme corporatiste parce qu'il semblait être l'expression de leurs aspirations. Dans l'ensemble, elles ont très inégalement profité de l'ordre nouveau. Sur le plan économique, elles ont même généralement été perdantes. La situation matérielle de la petite et moyenne bourgeoisie se trouve détériorée par le fait qu'elle supporte, avec l'augmentation de la pression fiscale et du coût de la vie, le poids du soutien accordé au grand capital.

Le prolétariat agraire a, lui aussi, profité de façon inégale du corporatisme. La politique, attachant une grande importance au mythe de la terre, a permis l'assainissement des marais Pontins et la colonisation de la Lybie. Cela a eu comme conséquence une augmentation sensible des surfaces cultivables. Mais ces avantages ont été contrebalancés par la politique de blocage des prix agricoles et par l'interdiction d'émigrer, ce qui, en accentuant le surpeuplement des campagnes, a favorisé l’urbanisation et grossi rapidement les rangs des chômeurs.

Quant au prolétariat urbain, il a sans doute le moins bénéficié du système. La destruction des centrales syndicales et l'abolition du droit de grève l'ont privé de ses armes les plus sûres. Les quelques avantages apportés par le corporatisme n'ont pas suffi à entretenir l'illusion de la justice sociale. Les corporations, constituées dans le but de représenter également les travailleurs et le patronat, ont vite montré leur vrai visage, celui d'un instrument utilisé par le grand capital pour tuer dans l'oeuf toutes les revendications ouvrières.

On peut donc affirmer que tant au niveau institutionnel qu'à celui de l'organisation économique et sociale, le corporatisme étatique ne se distingue pas fondamentalement du régime capitaliste. Sans doute possède-t-il une plus grande marge d'autonomie à l'égard des forces sociales qui l'ont porté au pouvoir. Mais la politique pratiquée n'aboutit, en fin de compte, qu'au renforcement des oligarchies qui ont présidé à son avènement.

 

Giuseppe de Tollis


Barrucand Pierre - mercredi 10 octobre 2007

economie


Le terme de libéralisme désigne au moins trois choses bien distinctes, même si elles peuvent être compatibles.

1) Le libéralisme économique inspiré d’Adam Smith. Très efficace à ce point de vue, il peut néanmoins être associé à des dictatures souvent conservatrices comme ce fut le cas souvent en Amérique latine. Le dernier exemple, et pas le pire, fut celui de Pinochet. Inversement, il peut aussi être tempéré par des convergences avec certaines idées socialistes ou syndicales.

2) Le libéralisme sociétal défend avant tout les droits de la personne, notamment dans les domaines sexuel, familial et religieux. Il peut aussi préconiser l’assouplissement, plus ou moins large, de la législation sur les stupéfiants. Il est admis sans restriction ou presque, aux Pays-Bas et est la doctrine du Parti radical italien de Marco Panella.

3) Le libéralisme anticorporatiste. En effet, l’exercice d’une profession peut être régulé par l’État en en limitant le droit à certaines personnes, souvent à cause de leurs titres universitaires ou de leur compétence, mais parfois pour de simples raisons financières. On peut aussi interdire ou gêner l’exercice de professions voisines. C’est l’ensemble de ces pratiques qui constitue le corporatisme, naguère doctrine économique des pays fascistes.

Or, elles restent encore bien trop puissantes en France. Notamment mais pas uniquement hélas, dans le domaine des professions de santé.

Certes, on ne pourrait permettre l’exercice de celles-ci à « n’importe qui ». Notons quand même que beaucoup de pays, notamment l’Allemagne (même sous Hitler !) sont moins rigides que la France sur ce plan.
Il n’y a pas trop longtemps, les inscriptions en faculté de médecine étaient, sous réserve de compétence, tout à fait libres. Ainsi donc, le nombre de praticiens sortant de ces facultés ne pouvait être déterminé.
Depuis, on a transformé les conditions d’inscriptions en limitant le nombre d’étudiants par l’instauration d’un concours d’entrée (nommé par erreur numerus clausus). Le but était de « protéger » les médecins d’une concurrence excessive.
Le résultat, inévitable, fut un manque de praticiens aggravé dans certaines régions peu attractives. Contre cela, fait grave, l’ineffable Douste-Blazy, ne sut que relever très faiblement le « numerus clausus ».

La même situation se retrouve pour les infirmières. Souvenons-nous qu’assez récemment, à cause d’une pénurie de celles-ci, on dut en « importer » d’Espagne. Beaucoup ignoraient le français, ce qui a de graves inconvénients ! De même, on manque de dentistes.
Quant aux vétérinaires, ils sont formés dans des « écoles » d’accès très difficile et dirigées par le ministère de… l’Agriculture ! Une administration particulièrement autoritaire et souvent malfaisante. Heureusement, Union européenne aidant, les aspirants ont trouvé une esquive en allant s’inscrire en Belgique francophone.

Le cas des pharmaciens est encore plus étrange car, dès les années 1930-39, on empêcha ceux-ci d’installer leurs officines où ils voulaient, ce qui est paradoxal pour une profession qui est quand même, en pratique, commerciale !
De plus, il existe un « ordre des pharmaciens » chargé notamment d’empêcher toute concurrence !

Rappelons aussi la disparition des herboristeries décidée par le gouvernement de Vichy et que rien ne justifie.
Le corporatisme ne se limite pas qu’aux seules professions de santé. Ainsi l’exercice du métier d’avocat a été rendu bien plus difficile qu’avant 1939. On pourrait citer bien d’autres exemples, le plus étrange étant celui des… chauffeurs de taxis parisiens. Car pour cela, il faut être propriétaire d’une « plaque » que l’on peut céder et qui a donc une valeur financière. Résultat : Paris manque cruellement de chauffeurs de taxis et c’est là l’une des causes des difficultés de circulation. La seule solution serait de racheter ces plaques et d’ouvrir la voie à une liberté quasi-totale.

On peut également s’interroger sur les pouvoirs trop arbitraires des autorités sur bien des métiers, tels cafés et restaurants dont la fermeture, totale ou partielle, peut être décidée presque souverainement pour les motifs les plus variés…

Toutes ces mesures restrictives, souvent inspirées par de puissants intérêts particuliers, sont bien plus nuisibles qu’utiles et doivent être abrogées. Et tout particulièrement, la funeste pratique des concours, qui revêtent trop souvent un caractère aléatoire.

 

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Lisez le DOSSIER sur le CORPORATISME

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21 avril 2011 4 21 /04 /avril /2011 22:03
Corporatisme

Dans la dernière moitié des 19èmes personnes de siècle de la classe ouvrier en Europe commençaient à montrer l'intérêt pour les idées du socialisme et du syndicalisme. Quelques membres de l'intelligentsia, en particulier l'intelligentsia catholique, décidée pour formuler une alternative au socialisme qui soulignerait la justice sociale sans solution radicale de l'abolition de la propriété privée. Le résultat s'est appelé Corporatism. Le nom n'a eu rien à faire avec la notion d'une société d'affaires sauf que les deux mots sont dérivés du mot latin pour le corps, corpus.

L'idée fondamentale du corporatisme est que la société et l'économie d'un pays devraient être organisées en groupes d'intérêt principaux (parfois appelés les sociétés) et les représentants de ces groupes d'intérêt règlent tous les problèmes par la négociation et l'accord commun. Contrairement à une économie de marché de marché qui actionne par la concurrence les travaux économiques de corporation par la négociation collective. Le Président américain Lyndon Johnson a eu une expression préférée qui a reflété l'esprit du corporatisme. Il recueillerait les parties à un certain conflit et la parole, « nous a laissés raisonner ensemble. »

Sous le corporatisme la main-d'oeuvre et la gestion dans une industrie appartient à une organisation industrielle. Les représentants du salaire partenaires sociaux de banc à dossier sort par la négociation collective. Tandis que c'était la théorie dans la pratique les états corporatistes ont été en grande partie régnés selon les préceptes du chef suprême.

On premier et important théoricien de corporatisme était Adam Müller, un conseiller à prince Metternich dans ce qui est maintenant l'Allemagne et l'Autriche orientales. Müller a proposé ses vues comme antidote aux dangers jumeaux de l'égalitarisme de la révolution française et des sciences économiques de laissez-faire d'Adam Smith. En Allemagne et il y avait ailleurs une aversion distincte parmi des règles pour permettre à des marchés de fonctionner sans direction ou commande par l'état. L'héritage général de culture de l'Europe de l'ère médiévale a été opposé à l'intérêt individuel et au fonctionnement des marchés libre. Les marchés et la propriété privée étaient acceptables seulement tant que le règlement social a eu la priorité au-dessus des motivations de sinfull telles que l'avarice.

Couplé aux sentiments d'anti-marché de la culture médiévale il y avait la notion que les règles de l'état ont eu un rôle essentiel en favorisant la justice sociale. Ainsi le corporatisme a été formulé comme système qui a souligné le rôle postive de l'état en garantissant la justice sociale et en supprimant le chaos moral et social de la population poursuivant leurs propres individu-intérêts d'individu. Et surtout d'autre, comme corporatisme économique politique de philosophie était flexible. Il pourrait tolérer l'entreprise privée dans des limites et justifier des projets principaux de l'état. Le corporatisme a été parfois marqué comme troisième manière ou économie mélangée, synthèse de capitalisme et socialisme, mais c'est en fait un système économique politique séparé et distinctif.

Bien que les règles aient probablement fonctionné selon les principes du corporatisme à partir du temps immémorial c'était seulement au vingtième siècle tôt que les régimes ont commencé à s'identifier comme corporatiste. La table ci-dessous donne certains de ces régimes explicitement corporatistes.

 

Régimes corporatistes du vingtième siècle 
Nom de système Pays Période Chef
Corporatisme national L'Italie 1922-1945 Benito Mussolini
Pays, religion, monarchie L'Espagne 1923-1930 Miguel Primo de Rivera
Socialisme national L'Allemagne 1933-1945 Adolph Hitler
Syndicalisme national L'Espagne 1936-1973 Francisco Franco
Nouvel état Le Portugal 1932-1968 Antonio Salazar
Nouvel état Le Brésil 1933-1945 Getulio Vargas
Nouvelle affaire Les Etats-Unis 1933-1945 Franklin Roosevelt
Troisième
Hellénique
Civilisation
La Grèce 1936-1941 Ioannis Metaxas
Partie de justice L'Argentine 1943-1955 Juan Peron




 

Dans la table ci-dessus plusieurs des régimes étaient les dictatures brutales et totalitaires, habituellement marquées fasciste, mais non tous régimes qui ont eu une base corporatiste étaient fascistes. En particulier, la nouvelle affaire de Roosevelt en dépit de ses nombreux défauts n'a pas pu être décrite en tant que fasciste. Mais certainement la nouvelle affaire était corporatiste. L'architecte pour le programme initial de nouvelle affaire était le Général Hugh Johnson. Johnson avait été l'administrateur du programme militaire de mobilisation pour les États-Unis sous Woodrow Wilson pendant la Première Guerre Mondiale. On l'a estimé qu'il a fait un bon travail de contrôler l'économie pendant cette période et c'est pourquoi il a été donné la responsabilité principale de formuler un programme économique à l'affaire avec les problèmes graves de la dépression. Mais entre la fin de la Première Guerre Mondiale et Hugh 1933 Johnson était allé bien à un admirateur du système corporatiste national de Mussolini en Italie et il a utilisé l'expérience italienne de formuler la nouvelle affaire. Il convient noter que beaucoup d'éléments de la nouvelle affaire tôt étaient plus tard inconstitutionnels avoué et abandonné, mais certains éléments tels que la Loi nationale de relations sociales qui a favorisé la syndicalisation de la main-d'oeuvre américaine sont toujours en effet. Une part de la nouvelle affaire était le développement du Tennessee River Valley sous la société anonyme par actions contrôlée par l'Etat appelée l'autorité de vallée du Tennessee (TVA). Une partie du nouveau revendeur a vu TVA en tant que plus qu'une entreprise publique de puissance. Ils ont espéré faire à TVA un modèle pour la création des unités politiques régionales qui remplaceraient des gouvernements d'état. Leur but n'a pas été réalisé. Le modèle pour TVA était les arrangements de développement de fleuve effectués en Espagne dans les années 20 sous le gouvernement de Miguel Primo de Rivera. Jose Antonio Primo de Rivera, le fils de Miguel Primo de Rivera, était le fondateur du syndicalisme national de Franco.

Le régime corporatiste favorisent typiquement de grands projets gouvernementaux tels que TVA sur la base qu'ils sont trop grands pour être placés par entreprise privée. Au Brésil le régime de Vargas a créé beaucoup d'entreprises publiques comme dans la production de sidérurgique qui il feutre étaient nécessaire mais l'entreprise privée a refusé de créer. Il a également créé un mouvement de travail organisé qui est venu pour commander ces entreprises publiques et transformé leur en drains aux effectifs pléthoriques et inefficaces sur le budget public.

Bien que ce qui précède localise l'origine du corporatisme au 19ème siècle France elle s'enracine peut être tracée beaucoup plus loin en arrière à temps. Sylvia Ann Hewlett en son livre, les dilemmes cruels du développement : Le vingtième siècle Brésil, indique,

Le corporatisme est basé sur un corps des idées qui peuvent être tracées par Aristote, loi romaine, structures sociales et légales médiévales, et dans la philosophie sociale catholique contemporaine. Ces idées sont basées sur les lieux que la nature de l'homme peut seulement être accomplie au sein d'une communauté politique.
..........
Le noyau central de la vision corporatiste n'est pas ainsi le l'individu mais la communauté politique dont la perfection permet aux différents membres d'accomplir eux-mêmes et de trouver le bonheur.
...............
L'état dans la tradition corporatiste est ainsi clairement interventionniste et puissant.

Le corporatisme est collectiviste ; c'est une version différente de collectivisme que le socialisme mais c'est certainement collectiviste. Il place de l'importance sur le fait que la propriété privée n'est pas nationalisée, mais la commande et nationalisation de fait par le règlement est ainsi juste comme vraie. C'est nationalisation de fait sans être nationalisation de de jure.

Bien que le corporatisme ne soit pas un concept familier au grand public, la plupart des économies du monde sont corporatistes en nature.


Libre marché et corporatisme

À son origine, le capitalisme n’était qu’un système de transactions libres qui permettaient une utilisation efficace des ressources et du capital afin de produire pour la consommation de masse. Le capitalisme à rendu possible aux masses d’augmenter leur niveau de vie de façon inédite dans l’histoire et a permis aux régions qui ont adopté ce modèle économique de développer une richesse jamais connue avant et qui est accumulée par la production, contrairement à auparavant ou la richesse était accumulée plutôt par la guerre et le pillage entre membres de la noblesse. Dans ce système original, les « capitalistes » étaient en fait quiconque économisait et investissait, ce qui inclue des gens comme vous et moi. Les entrepreneurs étaient ceux qui ensuite mettaient le capital ainsi à l’oeuvre afin de produire des biens et produire la richesse.

Ce système a été perverti ou détourné par un groupe de banquiers et d’industrialistes qui ont su obtenir le concours de l’état afin de s’enrichir au dépens des masses. Ce système ainsi perverti est devenu le capitalisme corporatiste que nous connaissons maintenant. Un système qui enrichit les puissants au détriment des masses. On n’a qu’à regarder les massifs transferts de richesses consentis au banques, sous prétexte de préserver le système bancaire d’une destruction imminente, aux frais des contribuables qui ont été opérés depuis le début de la présente crise économique; pour voir à quel point ce système est tordu. C’est pourquoi depuis le début de cette crise les libertariens comme moi ne cessent de hurler: « Ceci n’est pas du capitalisme » .

Nous estimons qu’à la racine de ce problème est le contrôle de la monnaie et des intérêts par l’état et les banques. Un des grand mythe populaire de notre époque est la croyance que c’est l’argent qui fait la richesse. C’est faux. L’argent n’est qu’un intermédiaire et n’a d’utilité que dans la mesure où il peut être échangé contre des biens qui nous sont utiles. Si vous échouez sur une ile déserte avec un million de dollars, serez vous riche? Non! votre million ne serait bon qu’à bruler parce qu’il ne pourrait pas être utilisé comme médium d’échange pour obtenir quoique ce soit. Ceci étant dit, on en conclue que n’importe quelle commodité qui peut être échangée contre ce qu’on désire peut servir de monnaie d’échange. L’évolution de l’usage de la monnaie à partir du système de troc s’est opéré à travers des opérations de marché, non par décret gouvernemental. Alors pourquoi est-il nécessaire que ce soit l’état qui contrôle l’émission de monnaie? La réponse en fait est que ce contrôle n’est effectivement pas nécessaire et que c’est en grande partie de ce contrôle, et la délégation de celui-ci aux banques que proviennent les plus grandes injustices de ce monde. Quant à l’intérêt, il joue un rôle fondamental dans un marché libre.

Chaque commodité dans une économie a un prix qui fluctue selon l’offre et la demande de cette commodité. Étant donné que l’argent est fondamentalement une commodité, il a également un prix et c’est l’intérêt. L’intérêt, c’est le prix qu’on doit payer pour acquérir un bien maintenant, plutôt que plus tard. Ses fluctuations sont un indicateur de la quantité d’argent disponible à l’emprunt. Plus les gens épargnent, plus le taux baisse, donnant ainsi au marché le signal que ces ressources sont disponibles. Lorsque la quantité de cet argent baisse, les taux remontent, encourageant ainsi les gens à l’épargne. Vu de cette façon, on constate que toute manipulation artificielle et arbitraire va fausser cet important signal de marché. C’est cette manipulation qui aujourd’hui est à l’origine de cycles économiques toujours plus violents.

Les libertariens considèrent que de règlementer encore plus le système est contre-productif. Les corporatistes contrôlent les règlementations et les retournent toujours en leur faveur. Les dés règlementaires sont pipés. Il faut aller à la source. Cette source, c’est la collusion entre l’état et les corporatistes. L’état est le seul organe de la société ayant l’usage légal de la force. L’état est le seul qui peut offrir le monopole légal sur la création de monnaie et le contrôle des intérêt dont jouissent les banquiers et la main-mise règlementaire qui favorisent le Big business corporatif face au petit entrepreneur.

C’est pourquoi nous voulons une réduction des pouvoirs de l’état. Que ces pouvoirs reviennent dans les mains du peuple. L’argent peut être créé de façon libre sans le concours de l’état et des banques. La pratique frauduleuse des réserves fractionnaires devrait être illégale. Les intérêts devraient retourner à leur rôle original de signal de marché, plutôt que de servir de levier au profit des corporatistes. Les règlementations qui servent les intérêts corporatistes doivent être abolies pour être remplacées par des règlementations plus justes qui assurent que tous restent égaux devant la loi.

Pour moi et plusieurs comme moi, c’est ça la minarchie.


Lisez le DOSSIER sur le CORPORATISME

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21 avril 2011 4 21 /04 /avril /2011 20:59

 

"Le Fascisme devrait plutôt être appelé Corporatisme, puisqu'il s'agit en fait de l'intégration des pouvoirs de l'état et des pouvoirs du marché."
Benito Mussolini (1883-1945), Dirigeant Faciste de l'italie de 1922 à 1943

 

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"Tout est privilège concédé par l'état: votre voiture, votre maison, votre profession, bref votre vie; et ce que l'état donne, il peut le reprendre si vous n'êtes pas un contribuable docile."
Pierre-André Paré, ex-sous-ministre au Ministère du Revenu du Québec, devant une commission de l’assemblée Nationale du Québec, rapporté par Le Devoir, le 6 avril 1996

 


 

  CORPORATISME

Le système économique du corporatisme

 CORPORATISME ETATIQUE

 La collusion entre Etat et capitalisme financier




Corporatisme

Définition

Une corporation est un ensemble de personnes qui exercent la même profession, généralement regroupées dans une association et bénéficiant, comme ce fut le cas aussi bien dans l'Antiquité romaine que sous l'Ancien Régime, d'un ensemble de monopoles et de privilèges.

Le corporatisme désigne une organisation économique et sociale de type corporatif, telle qu'elle a pu exister sous le fascisme et qu'elle existe encore dans de nombreuses social-démocraties. Ainsi, en France, le corporatisme s'exerce au travers des organisations suivantes :

  • les syndicats (ouvriers et patronaux) qui bénéficient de privilèges historiques sans rapport avec leur nombre d'adhérents, et sont organisés par catégories professionnelles ;
  • les grands corps de l'État, qui disposent d'un grand pouvoir économique, social et politique, et qui ne recrutent que dans certaines grandes écoles (elles-mêmes très sélectives) ;
  • les organisations professionnelles, qui contrôlent elles-mêmes l'accès à la profession, et ont parfois une justice interne qui leur est propre (médecins, pharmaciens, notaires, huissiers de justice, administrateurs judiciaires, avoués, journalistes, etc), des mutuelles ou des caisses de retraites propres à la profession, etc.
  • les grandes entreprises, dominées par des anciens élèves de grandes écoles ou d'anciens hauts fonctionnaires (pratique du "pantouflage")
  • les "corporations" étudiantes, qui représentent les étudiants de par leur filière d'études.

Un courant politique

Le corporatisme est également un courant politique, apparu au XIXe siècle avec Adam Müller en Allemagne, puis - en France - avec Frédéric Le Play, développé ensuite par le marquis René de la Tour du Pin et le député Albert de Mun, tous deux légitimistes. Pour eux, il s'agissait de rompre avec la liberté de contrat et de subordonner l'organisation du travail, propre à chaque entreprise, à des conseils mixtes composés de représentants patronaux et syndicaux. De plus, chaque corporation serait déclarée d'utilité publique et devrait observer les obligations qu'elle aura contractées en échange de sa reconnaissance par l'État. La Tour du Pin a exposé ses idées dans plusieurs essais : Du régime corporatif et de ses institutions (1888) ou encore Vers un ordre social chrétien (1907).

Le corporatisme exercera une influence considérable, tant dans l'Italie fasciste (création d'un ministère des Corporations en 1926 et instauration d'une charte nationale du travail l'année suivante) qu'en Allemagne nazie (loi du du 20 janvier 1934 instaurant la charte du travail du IIIe Reich, suivie par la création du statut de "communauté d'entreprise" quelques mois plus tard). Les régimes autoritaires plus classiques ne seront pas en reste (Autriche, Portugal, etc.)

En France, le régime de Vichy promulguera le 4 octobre 1941 une charte témoignant de l'ancrage idéologique du gouvernement collaborateur dans le corporatisme à la mode. Le projet de constitution de Pétain contenait déjà un article stipulant:

L'organisation des professions, sous le contrôle de l'État, arbitre et garant de l'intérêt général, a pour objet de rendre employeurs et salariés solidaires de leur entreprise, de mettre fin à l'antagonisme des classes et de supprimer la condition prolétarienne. Par une représentation assurée à tous les échelons du travail, les professions organisées participent à l'action économique et sociale de l'État.

Il en ira de même en Espagne : l'article 24 de la Loi fondamentale du régime franquiste (promulguée le 6 juillet 1947) déclarera ainsi que "tout Espagnol a droit au travail".

Position libérale

Ce que les libéraux condamnent n'est pas l'association de personnes d'une même profession, mais le fait que de telles associations se voient accorder par le pouvoir des privilèges indus, ou qu'elles soient directement régies et règlementées par le pouvoir, ou encore qu'elles prétendent imposer leurs règles à des personnes non consentantes, par exemple en règlementant l'accès à la profession, ou en usant de violence pour imposer leurs revendications.

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21 avril 2011 4 21 /04 /avril /2011 16:08

Compte rendu de la soirée du 18 septembre 1993 avec Pascal Salin.

Bulletin du Cercle Frédéric Bastiat n° 13.

 

Le Cercle Frédéric Bastiat propage une philosophie de liberté, d'initiative, et de responsabilité individuelles, face à l'État, "cette grande fiction à travers laquelle tout le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde".

Comment cette philosophie peut-elle s'appliquer à l'immigration, sujet qui nous paraît relever du domaine exclusif de l'État ? Il n'en a pourtant pas toujours été ainsi : jusqu'au début du siècle, l'immigration était libre aux États-Unis, et le gouvernement fédéral intervenait beaucoup moins dans les affaires privées. On a vu ce que cela a donné : le pays le plus prospère et le plus puissant de la planète, et quoi qu'on en pense de ce côté-ci de l'Atlantique, le plus vigoureux sur le plan des Sciences et des Arts. Mais au fil de ce siècle, l'État fédéral, à l'image des États européens, est devenu de plus en plus interventionniste, créant ainsi là bas les mêmes problèmes que ceux que nous connaissons ici. Et s'il fallait résumer d'une phrase les enseignements de notre 13ème dîner-débat, on pourrait dire que l'État-Providence dans lequel nous vivons a transformé en problème ce qui est fondamentalement une opportunité.

Pour être un peu plus précis, de par ses réglementations et ses bienfaits, l'État attire une catégorie d'immigrés qui prélève plus sur la communauté nationale qu'elle ne lui apporte. On peut l'accepter d'un point de vue chrétien, mais il faut alors bien être conscient que cela ne peut se poursuivre indéfiniment. D'où la nécessité de limitations quantitatives.

Contrairement à ce que l'on croit, le problème n'est pas du côté de l'emploi : avec l'argent que gagnent les travailleurs immigrés, leurs familles et eux consomment des biens et des services, et contribuent ainsi à créer ou maintenir des emplois en nombre à peu près équivalent à ceux qu'ils occupent. Le problème économique est ailleurs. Comme l'expliquait le prix Nobel d'économie Maurice Allais dans le Figaro du 5.12.90, "lorsqu'un travailleur immigré supplémentaire arrive, il faudra finalement, pour réaliser les infrastructures nécessaires (logement, hôpitaux, écoles, infrastructures de toutes sortes, installations industrielles, etc.) une épargne supplémentaire égale à quatre fois le salaire annuel de ce travailleur. Si ce travailleur arrive avec sa femme et trois enfants, l'épargne nécessaire sera égale à vingt fois son salaire annuel, ce qui manifestement représente une charge très difficile à supporter". En fait c'est la communauté déjà établie qui supporte l'essentiel de cette charge par les mécanismes de prélèvements obligatoires et de redistribution. À noter que dans une véritable économie de marché, où l'État interviendrait très peu, les prix de tous les biens et services refléteraient correctement les coûts passés de toutes ces infrastructures, et que le problème économique tel que nous venons de le décrire ne se poserait pas.

Le problème social vient de l'accumulation dans certains endroits, d'immigrés dont les coutumes sont ressenties, à tort ou à raison, comme gênantes par les populations préexistantes. Ce problème est étroitement lié aux conditions "d'attribution" de logements "sociaux" dans notre société administrée, et ne se poserait pas dans un système où le logement serait un bien comme les autres dans un marché entièrement libre.

Il était donc intéressant de se demander comment se présenterait l'immigration dans une Société libre, et c'est ce qu'a fait le Professeur Pascal Salin dans son exposé, tout en convenant qu'une véritable Société libre était pour l'instant une utopie. La longue et riche discussion qui a suivi s'est concentrée, elle, sur les problèmes d'immigration dans la Société telle qu'elle est, et sur les solutions partielles qu'on pourrait lui apporter sans changer pour autant de Société. Mais on n'a pu vraiment apporter de réponses satisfaisantes à ces questions que parce que l'on avait auparavant étudié le modèle idéal d'une Société libre.

Pascal Salin n'est pas un rêveur. Sa très impressionnante carrière d'expert international en Finances Publiques, son impact personnel dans plusieurs universités étrangères du monde occidental comme du tiers monde en font foi. Il faut donc lui être très reconnaissant d'avoir fait l'effort de décrire un modèle idéal, car c'est la seule façon de s'assurer qu'un ensemble de comportements est cohérent. Mais le scientifique sait bien que la cohérence logique d'une théorie n'est pas une preuve suffisante de sa véracité. Ce qui fait la preuve, c'est l'expérience. Or cette expérience a existé, de manière plus ou moins complète, notamment aux États-Unis, en Australie, et en Suisse.

Qu'est-ce donc qu'une société libre ? C'est une société où tout individu a le droit d'agir comme il l'entend, à condition de ne rien obtenir des autres par la coercition. Dans une telle société, un homme peut évidemment se déplacer comme il l'entend, et même l'obligation de détenir un passeport constitue une atteinte qu'il ressent comme insupportable. Un peu comme nous ressentirions l'obligation de montrer un passeport pour entrer dans Saint-Sever lorsque nous venons de Saint-Loubouer. Ne rions pas, c'est ce qui se passait il n'y a pas si longtemps dans les régimes totalitaires. Il est intéressant de noter que l'opinion publique occidentale réprouvait cette limitation à la liberté individuelle. Elle réprouve aussi la limitation qui interdit au citoyen d'un pays de quitter ce pays, l'interdiction d'émigrer. En revanche, elle s'accommode assez bien des limitations imposées à l'immigration. Il y a là une contradiction que ne peut accepter un homme libre. Pour lui, la meilleure politique d'immigration consiste à ne pas en avoir.

Comment alors éviter l'invasion de hordes d'immigrants pauvres dans nos pays comparativement riches ? Il faut d'abord remarquer que les frontières établies autour des nations par les États sont la cause première de cette disparité de revenus. S'il n'y avait jamais eu d'obstacles à la libre circulation des marchandises, des capitaux, et des hommes, entre les nations, les ajustements entre elles se seraient faits de manière continue, et il n'y aurait pas plus de différences économiques ou réglementaires entre le Maroc et la France qu'il n'y en a entre le Morbihan et les Landes. Mais même si une nation était entièrement libre au milieu d'États-Nations qui ne le sont pas, le problème se résoudrait naturellement à l'avantage mutuel de la nation et de l'immigré.

Dans une Société libre, les individus s'associent de diverses façons : associations, entreprises, copropriétés, ... et même nation. (Pascal Salin fait en effet une distinction très utile entre la notion de nation, communauté de valeurs et d'intérêts qui peut se doter d'institutions acceptées par tous ses membres pour des raisons d'efficacité, et la notion d'État, pouvoir central plus souvent imposé que choisi). Les caractéristiques les plus fécondes d'une société libre sont la liberté des échanges et la liberté d'association. La liberté des échanges ne signifie pas qu'on peut m'obliger à acheter un livre que je ne veux pas lire. Elle consiste à dire qu'on est libre de me le vendre - ou de refuser de me le vendre (comme vient de le faire Gisèle Inchauspé-Latapy à Henri Tilhet pour sa ganaderia), et que je suis libre de l'acheter - ou de ne pas l'acheter.

De la même façon, un immigrant doit être libre d'offrir ses services de travail, s'il le souhaite, partout dans le monde : et les autres doivent être libres de les accepter ou de les refuser, quelles qu'en soient les raisons. La liberté de migration ne signifie donc pas qu'un "étranger" a le droit d'aller là où il veut, mais qu'il peut aller librement là où on veut bien le recevoir. Ce qui n'a pas de sens, au fond, c'est le critère de nationalité : il constitue une discrimination d'origine publique, de même que le protectionnisme donne des droits différents pour les produits nationaux et les produits en provenance de certains pays. On peut contester cette discrimination légale. Le refus de vente ou le refus d'acheter, le refus d'émigrer ou le refus d'accepter un migrant, relèvent de la perception du monde par chacun, de sa morale, de ses intérêts économiques. On ne peut pas imposer aux autres une morale de résultats. La morale, c'est précisément de respecter les droits de chacun.

Dans un système de propriété privée, les droits de chacun sont conditionnels : on entre dans la propriété d'autrui, dans une copropriété, dans une association, dans une école privée, à condition d'en respecter les règles et d'en payer le prix éventuellement demandé. Le droit de propriété se définit comme la liberté d'exclure autrui de l'usage du bien que l'on possède, quelles que soient les motivations de l'exclusion. Si le propriétaire d'une maison refuse de la louer à quelqu'un qu'il considère comme un "étranger" (parce qu'il vient d'un autre pays, qu'il a une couleur de peau différente, d'autres mœurs, ou simplement une autre moralité - par exemple une grande négligence dans le paiement des loyers), si le propriétaire d'une entreprise refuse d'embaucher quelqu'un qui ne lui plaît pas - par exemple parce qu'il a montré qu'il était un fainéant, cela peut nous choquer, mais nous devons reconnaître qu'ils en ont le droit. Dans une société vraiment libre, d'autres propriétaires les accepteront pour les raisons les plus variées, dans certains cas parce qu'ils les paieront moins cher que les autres.

Ayons l'honnêteté de l'admettre, nous passons notre vie quotidienne à définir des exclusions, car personne ne possède de droits illimités sur nos biens, notre personnalité et notre temps. Il faut donc accepter le droit d'un individu à refuser certains autres individus dans sa maison, son entreprise, sa commune, quelles qu'en soient les raisons, même si le refus tient à ce que ces individus sont perçus comme étrangers. C'est un fait : les êtres humains sont tous différents, et chacun a ses préférences en fonction de critères impénétrables. C'est bien pourquoi nous avons des amis : avoir un ami, c'est avoir quelque chose en commun avec autrui, mais c'est aussi exclure les autres de nos relations d'amitié. Dans cette logique, Pascal Salin, qui a lui-même le racisme ordinaire en horreur, trouve dangereux qu'il existe un délit de racisme, car c'est une façon pour l'État de vouloir pénétrer à l'intérieur du cerveau des gens ; en revanche il trouverait parfaitement normal que les étrangers établis dans une société libre aient le droit de vote, et même dans la Société actuelle, il s'indigne qu'il faille une autorisation de l'État pour construire une mosquée.

Nous passons notre temps à discriminer, pour des motifs que les autres peuvent considérer comme bons ou mauvais, selon leur perception et leur morale. Or le problème de l'immigration vient tout simplement du fait que l'État enlève arbitrairement aux individus le droit à la discrimination à l'égard de ce qu'il définit lui-même comme des "étrangers" (à partir du critère de nationalité), mais qu'il s'attribue ce droit de discrimination sous le nom de politique d'immigration. Établir des quotas d'immigration, des interdictions d'entrée sur le territoire national, n'est-ce pas définir des exclusions, n'est-ce pas du racisme public ? De quel droit l'État se permet-il de décider de ce qui concerne mes relations privées ? Si je souhaite par exemple recevoir chez moi tel intellectuel africain dont je me sens proche, et si je ne désire avoir aucun contact avec tel Français qui défend des thèses inadmissibles pour moi, pourquoi l'État serait-il chargé d'exclure le premier et de tolérer le second ?

Dans le contexte actuel où le niveau d'immigration est défini globalement pour l'ensemble de la nation par le pouvoir politique, et où, par ailleurs la "politique sociale" aboutit à subventionner l'immigration des moins productifs, certains, qui se disent favorables à l'immigration et proclament leur générosité par des discours contre le racisme, ne sont pas touchés par le phénomène ; d'autres lui sont opposés, parce qu'ils voient leur environnement culturel, religieux, ou de simple voisinage, se modifier profondément. N'ayant pas le moyen de décider eux-mêmes, ils en appellent à l'État pour résoudre leurs problèmes personnels, qui deviennent ainsi des problèmes nationaux.

Mais aucun compromis global ne pourra être trouvé entre les tenants de la "préférence nationale", et les partisans de la lutte contre le racisme. La définition d'une politique nationale d'immigration ne peut pas répondre aux vœux extrêmement subtils et diversifiés qu'exprimerait spontanément la population si elle était libre de le faire. Ainsi, il y a dans nos pays une distorsion de la structure de l'immigration par rapport à celle qui prendrait place dans une hypothèse de liberté individuelle. L'immigration "de mauvaise qualité", celle qui donne lieu aux problèmes d'adaptation, et qui coûte cher à la collectivité préexistante, est encouragée, parce que les immigrants peu formés sont ceux qui ont le plus intérêt à immigrer : ils bénéficient "d'avantages sociaux" et de ressources d'infrastructure, dont le financement résulte en partie de prélèvements obligatoires sur les autres. Il est clair qu'ils n'immigreraient pas s'ils devaient payer ces avantages et ces ressources à leur coût réel. Or en France on a plutôt tendance à taxer ceux qui produisent les richesses et à subventionner ceux qui les consomment.

Comme ce phénomène trouve forcément ses limites, l'État est obligé de prendre des mesures restrictives sous la pression d'une partie de l'opinion. Mais ces mesures ne peuvent être que générales. Elles aboutissent à refuser ou limiter l'entrée de tous les immigrants, quels que soient leur talent, leur valeur humaine, ou plus généralement leur potentiel de contribution à leur nouvelle collectivité. Ainsi une Madame Curie ou un Picasso seront-ils empêchés d'entrer au nom de quotas, alors que leur entrée n'aurait rencontré l'hostilité de personne !

Émigrer n'est pas facile pour celui qui doit ainsi quitter sa famille, son village, sa culture et ses habitudes. Il le fait parce que la différence de niveau de vie entre son pays d'origine et son pays d'accueil est importante, le plus souvent pour des raisons artificielles : sans doute que l'État étouffe toute initiative dans son pays d'origine, alors qu'il est protégé des aléas dans son pays d'accueil sans que cela ne lui coûte beaucoup.

Nous ne sommes évidemment pas à la veille d'un bouleversement politique qui referait de notre société une société libre, dans laquelle la régulation de l'immigration serait la conséquence de décisions individuelles. À défaut, il faut chercher des solutions qui obligeraient les immigrés à assumer la totalité des devoirs et des coûts que leur présence entraîne. Et pour commencer, l'obligation de constituer des systèmes spécifiques d'assurance maladie et de retraites, et de pourvoir au coût de l'éducation de leurs enfants, avec la liberté corrélative d'organiser eux-mêmes leur école. On peut être certain que ces écoles seraient beaucoup plus efficaces pour préparer l'intégration des enfants dans leur nouvel environnement que les écoles traditionnelles. Ces mesures auraient au moins l'avantage de supprimer une partie de l'hostilité que ressent l'opinion publique à l'égard des immigrés.

Parallèlement, il faudrait cesser de fournir quelque assistance que ce soit à tous les pays qui ne respectent pas les droits de l'homme. Cette assistance ne sert qu'à maintenir en place des régimes autoritaires corrompus qui sont la cause directe du désir d'émigrer que ressentent les plus utiles de leurs citoyens.

Mais ne nous faisons aucune illusion sur la capacité du système politique en place pour mettre en œuvre l'une ou l'autre de ces mesures, si éloignées soient-elles du passage pur et simple à une Société libre.

Cercle Frédéric Bastiat


Immigration

L'immigration (du latin immigrare, pénétrer dans) désigne l'entrée dans un pays d'étrangers qui viennent y séjourner et s'y établir pour une période de temps plus ou moins longue.

Points de vue libéraux

Libéraux et libertariens diffèrent quant à la façon de concevoir l'immigration. On peut dégager plusieurs tendances :

  • Pour les libéraux conservateurs, attachés au concept de nation, la politique d'immigration est décidée en fonction des besoins du pays. La nationalité s'obtient en remplissant certaines conditions (pas de casier judiciaire, langue parlée couramment) après quelques années et avec une période probatoire. Les immigrés clandestins sont reconduits dans leur pays. L'accès aux services sociaux est limité dans le temps pour les étrangers, même en situation légale. Les immigrés condamnés à de la prison ferme sont définitivement expulsés à l'issue de leur peine.
  • Pour les libertariens, il n'existe pas de lois particulières à l'immigration. Les étrangers sont libres de s'installer là où ils le souhaitent, à partir du moment où le propriétaire des lieux accepte de les recevoir, si l'endroit en question fait l'objet d'un droit de propriété. Certes, comme pour n'importe quel autre habitant, un étranger devrait pouvoir bénéficier d'un droit d'usucapion sur un bien resté libre de propriétaire, et dont il deviendrait le légitime propriétaire après quelques années pendant lesquelles il en aurait été le possesseur pacifique. Vu qu'un immigré est, par définition, une personne qui a émigré, refuser le principe de l'immigration revient ipso facto à refuser que quelqu'un puisse quitter son pays, et donc à cautionner l'idée de souveraineté étatique. De même, les immigrés sont libres de travailler là où ils le souhaitent si l'entreprise est prête à les embaucher. En somme, il n'y a pas de différence entre immigrés et autochtones. C'est une simple question d'isonomie, d'égalité devant la loi.
  • Cependant, certains libertariens comme Hans-Hermann Hoppe considèrent avec méfiance l'immigration. Pour Hoppe, l'immigration actuelle découle de l'irresponsabilité des gouvernants démocratiques qui agissent comme de simples détenteurs (et non propriétaires) du territoire qu'ils administrent - à la différence des monarques propriétaires de la terre, plus soucieux, selon lui, de la rentabiliser. Dans cette logique, l'État-providence fonctionne comme un appel d'air favorisant l'entrée d'immigrants intéressés prioritairement par les diverses allocations octroyées par les services gouvernementaux. Pour pallier ce problème, Hoppe envisage une décentralisation de l'autorité politique, confiée notamment aux villes et municipalités, qui décideraient souverainement qui peut ou non entrer sur leur territoire. Pour remédier à ce qu'il définit comme une "intégration forcée", le philosophe et économiste préconise donc une forme de discrimination coercitive et, partant, un contrôle politique de l'immigration.

L'immigration: un faux problème

Il y a deux manières de traiter le "problème" de l'immigration : de façon autoritaire (règlementations, contrôles, répression, "préférence nationale" et autres procédés fleurant bon l'étatisme) ou de façon libérale, en autorisant toute immigration, mais en supprimant les motivations malsaines (État-providence, protection sociale), les seules qui n'enrichissent pas le pays d'accueil. La contradiction propre à la social-démocratie est qu'elle attire les moins favorisés (immigration) et fait fuir les plus capables ou les plus taxés (émigration), ce qui alimente un processus d'appauvrissement général du pays.

Au cours du temps, l'instauration d'un État-providence de plus en plus étendu s'est accompagnée d'un surcroît de contrôles et d'entraves à l'immigration (car il faut empêcher l'étranger de bénéficier indûment des privilèges réservés aux nationaux ; de plus, un immigré clandestin qui serait salarié échapperait à l'impôt et aux charges sociales). A titre d'exemple, la Suisse, en 1848, avait une politique extrêmement libérale : avoir droit de cité quelque part entraînait l'acquisition automatique de la nationalité. Aujourd'hui cette acquisition est difficile, cependant la population étrangère représente une proportion de 22% de la population totale, un record en Europe avec l'Andorre (qui compte, elle, 60% d'étrangers : espagnols, portugais et français).

La question des frontières: autre faux problème

Enfin, les frontières étatiques ne peuvent être invoquées pour prohiber ou freiner l'arrivée d'étrangers. Dans la logique libérale et libertarienne, tant qu'elles existent, elles ne doivent pas empêcher les individus de se déplacer, mais bien plutôt contenir l'État dans le territoire qu'il administre. Les libertariens observent que c'est le contraire qui se produit de nos jours: le contrôle de l'immigration s'étend - fait relativement récent -, tandis les États continuent de ne pas respecter les limites territoriales. Par exemple, en plus de régir la vie de leurs administrés, les gouvernements contraignent sous la menace les ressortissants étrangers à porter eux aussi des pièces d'identité, faute de quoi ils sont déclarés "illégaux" et privés de liberté comme de vulgaires délinquants.

Il faut aussi relever qu'en combattant l'immigration "illégale", les gouvernements affaiblissent la coopération libre et volontaire, tout en renforçant leur propre coopération entre appareils coercitifs à travers les échanges d'informations relatives aux individus, toujours présumés coupables. Les cas les plus flagrants sont les renvois de personnes "indésirables" dans leur pays d'origine, où elles risquent d'être arrêtées, torturées, voire exécutées, par la police ou les autorités locales.

Les limites territoriales sont donc des bornes à la liberté de circulation des individus alors qu'elles devraient être considérées comme une entrave à l'expansion (militaire en particulier) des États.

L'immigration, un "choc" culturel et religieux ?

Il faut aussi voir l'immigration sous l'angle des "chocs" culturels et identitaires : En effet, selon Samuel Huntington, le monde est divisé en diverses conceptions culturelles et religieuses, au-delà des Nations et des États. Or, une immigration produit, évidemment, un "choc" culturel, car les populations "immigrantes" ont tendance à perpétuer les habitudes socio-culturelles et religieuses de leur pays d'origine, dans les pays d'immigration. Ce qui implique des tensions culturelles et religieuses entre les populations nationales ou autochtones et les populations "immigrantes" . C'est la thèse du " Choc des Civilisations " énoncées par Samuel Huntington.

Toutefois, la connaissance des références socio-culturelles et religieuses entre les populations nationales et les populations " immigrantes", quel que soit le sens que cette " immigration " puisse avoir, et dans n'importe quelle direction que cette " immigration " puisse prendre, implique la notion très importante de " l'interculturel ", en vue de se respecter les us et coutûmes des uns et des autres, d'être humble et de favoriser les échanges internationaux, dans les domaines économiques, culturels, philosophiques, tout en ne niant pas les rapports de force qui peuvent exister éventuellement, dans les négociations économiques, culturelles, voire politiques entre acteurs issus de Civilisations différentes ou parfois similaires, en sachant que lesdites sphères socio-cuturelles et religieuses peuvent soit évoluer, soit se radicaliser. Tout dépend du degré d'opposition ou de convergence de ces conceptions socio-culturelles et religieuses et du poids de l'Histoire .

Bibliographie

  • 1998, Walter Block, "A Libertarian Case for Free Immigration”, Journal of Libertarian Studies, Burlingame: The Center of Libertarian Studies n. 13/2, pp. 167-186
  • 1999, David Friedman, “Senza assistenzialismo niente immigrazione”, Enclave, Rivista Libertaria (Treviglio: Leonardo Facco Editore, n. 5) pp. 26-27, (it)

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20 avril 2011 3 20 /04 /avril /2011 06:36

 

 

Hans-Hermann Hoppe a inventé la notion d’”intégration forcée” parce que les économistes ne reconnaissaient comme telles que certaines des formes de la collectivisation injuste de ressources usurpées. Parler d’intégration forcée c’est donc d’abord montrer ce qu’il y a de commun entre ses formes connues et celles qui sont méconnues. L’intégration forcée qui fait l’actualité aujourd’hui, c’est la mise en commun des espaces “publics” nationaux, eux-mêmes déjà en grande partie volés à leurs propriétaires légitimes. Cette mise en commun s’accompagne d’un va-et-vient entre le principe majoritaire, de plus en plus bafoué dans les faits par ses soi-disant “représentants”, et les pseudo-principes incohérents, faussement universels, qui servent de couverture à l’arbitraire de l’usurpation. Et comme l’échec de l’intégration monétaire forcée risque aujourd’hui de devenir patent, on assiste à une fuite en avant pour prolonger l’illusion.


Pour le libre échange et une immigration limitée

 

par Hans-Hermann Hoppe  article tiré du "Symposium sur l'immigration", publié par The Journal of Libertarian Studies, été 1998,  volume 13 (2), traduit par Hervé de Quengo

 

[Le numéro du "Journal of Libertarian Studies" dont est tiré cet article offre différents points de vue pour et contre une immigration incontrôlée, NdT]

 

On prétend fréquemment que le "libre échange" va de pair avec la "libre immigration" comme le "protectionnisme" avec "l'immigration contrôlée". Par là, on affirme que s'il n'est pas impossible que quelqu'un puisse combiner protectionnisme et libre immigration, ou libre échange et immigration contrôlée, ces positions sont intellectuellement incohérentes, et donc erronées. Ainsi, pour autant que les gens cherchent à éviter les erreurs, ces exemples devraient être l'exception plutôt que la règle. Les faits, pour autant qu'ils soient significatifs, semblent conforter cette affirmation. Comme le montrent, par exemple, les primaires des élections présidentielles du Parti républicain de 1996, la plupart de ceux qui défendaient le libre échange étaient des avocats d'une immigration relativement (si ce n'était pas totalement) libre et non discriminatoire, alors que la plupart des protectionnistes étaient des défenseurs de politiques d'immigration limitée et sélective.

 

Je soutiendrai ici, contrairement aux apparences, que cette thèse et son affirmation implicite sont fondamentalement erronées. En particulier, je démontrerai que le libre échange et l'immigration contrôlée sont non seulement des positions parfaitement cohérentes mais même qu'elles sont des politiques qui se renforcent mutuellement. Ce qui veut dire que ce ne sont pas les avocats du libre échange et d'une immigration limitée qui sont dans l'erreur, mais les adeptes du libre échange et de la libre immigration. En supprimant la "culpabilité intellectuelle" de la position "libre échange et immigration limitée" et en la replaçant où elle doit se trouver, j'espère promouvoir un changement dans l'état actuel de l'opinion et faciliter un réalignement politique substantiel.

 

Depuis l'époque de Ricardo, les bienfaits du libre échange sont logiquement irréfutables. Pour les besoins de l'argumentation, il est utile de résumer rapidement pourquoi. La preuve consistera en une démonstration par l'absurde de la thèse protectionniste, présentée le plus récemment par Pat Buchanan [qui fut le candidat de l'alliance des paléoconservateurs et des paléolibertariens (le John Randolph Club) dont faisaient partie Murray Rothbard et Lew Rockwell (l'autobiographie de Pat Buchanan parle de Rothbard comme d'un "cherished friend of mine" et Buchanan avait par ailleurs déclaré que le "Rothbard-Rockwell Report" était son périodique favori). Rothbard et Rockwell ont cependant toujours défendu ou défendent encore le libre échange total. Il ne faut par ailleurs pas confondre Pat Buchanan, ancien membre du gouvernement Reagan, et James Buchanan, l'économiste co-créateur de l'Ecole des choix publics. Ndt].

 

L'argument central offert en faveur du protectionnisme est la préservation des emplois nationaux. Comment les producteurs américains qui paient 10 dollars de l'heure peuvent-ils concurrencer les Mexicains qui paient moins d'un dollar par heure ? Ils ne le peuvent pas, et les emplois américains seront perdus à moins que des tarifs douaniers soient imposés pour isoler les salaires américains de la compétition mexicaine. Le libre échange ne serait ainsi possible qu'entre pays avec des salaires égaux, et se concurrençant ainsi "dans des conditions égales". Tant que ce n'est pas le cas - comme entre les États-Unis et le Mexique - il faudrait égaliser les conditions par des tarifs douaniers. Buchanan et les autres protectionniste prétendent que la puissance intérieure et la prospérité sont les conséquences d'une politique de protection du travail national. Comme soutien à cette thèse, on cite les exemples des pays qui appliquaient le libre échange et qui ont perdu leur position économique autrefois prédominante, comme l'Angleterre du 19ème siècle, et les exemples des pays protectionnistes qui ont pris leur place, comme les États-Unis du 19ème siècle.

 

Tout ceci, comme les autres preuves empiriques de la thèse protectionniste doivent être rejetées immédiatement, car elles consistent à commettre l'erreur de conclure que ce qui suit un fait doit en être une conséquence (post hoc, ergo propter hoc). La déduction d'après des données historiques n'est pas plus convaincante que de tirer, du fait que les riches consomment plus que les pauvres, la conclusion que c'est la consommation qui rend riche. En fait, les protectionnistes comme Buchanan n'arrivent pas à comprendre ce qui est en jeu lorsqu'ils défendent leur thèse. Tout argument en faveur du protectionnisme international est en même temps un argument en faveur du protectionnisme interrégional et inter-quartiers. Tout comme il existe des différences de salaires entre les États-Unis d'une part, le Mexique, Haïti ou la Chine d'autre part, il existe également de telles différences de salaires entre New York et l'Alabama ou encore entre Manhattan et le Bronx ou Harlem. Ainsi, s'il était vrai que le protectionnisme international pouvait rendre une nation entière prospère et forte, il devrait être vrai aussi que le protectionnisme régional ou local pourrait rendre des régions ou des quartiers prospères et forts. En fait, on pourrait même aller plus loin. Si l'argument protectionniste était valide, il reviendrait à mettre en accusation tout échange, et à défendre la thèses selon laquelle tout un chacun serait le plus prospère et le plus fort s'il n'échangeait avec personne et restait dans un état d'isolement autosuffisant. Il est évident que dans ce cas plus personne ne perdrait son emploi et le chômage dû à une compétition "injuste" serait réduit à zéro. En allant jusqu'au bout des implications de l'argument protectionniste nous avons ainsi montré son absurdité complète, car une telle "société de plein emploi" ne serait pas forte et prospère ; elle serait composée de gens qui, malgré un travail de jour comme de nuit, seraient condamnés à la misère, voire à la famine et à la mort.

 

Le protectionnisme international, bien qu'à l'évidence moins destructeur qu'une politique de protectionnisme régional ou de quartier, aurait précisément les mêmes effets et constituerait une recette infaillible pour un déclin économique américain plus grand. Bien sûr, quelques emplois et industries américains seraient sauvés, mais à un certain prix. Le niveau de vie et le revenu réel des consommateurs américains de produits étrangers serait forcément réduit. Les coûts monteraient pour tous les producteurs des États-Unis qui emploient des produits du secteur protégé comme matière première, et ces producteurs seraient moins compétitifs au niveau international. De plus, que peuvent donc faire les étrangers avec l'argent qu'ils ont gagnés en exportant vers les États-Unis ? Ils peuvent soit acheter des biens américains, soit l'investir en Amérique. Ainsi, pour sauver quelques emplois inefficaces aux États-Unis, un bien plus grand nombre d'emplois efficaces américains seraient détruits ou empêchés de voir le jour.

 

Par conséquent, il est absurde de prétendre que l'Angleterre a perdu sa prééminence à cause de sa politique de libre échange. Elle l'a perdu malgré sa politique libre-échangiste et à cause des politiques socialistes qu'elle a adopté par la suite. De même, il est absurde de dire que la montée en puissance de l'économie américaine au cours du 19ème siècle était due au protectionnisme. Les États-Unis ont obtenu leur position prédominante malgré leur protectionnisme et à cause de leur politique intérieure de laissez faire sans égale. En réalité, le déclin économique actuel de l'Amérique, que Buchanan veut inverser, est le résultat, non pas des politiques de libre échange, mais du fait qu'elle a, au cours du 20ème siècle, adopté petit à petit les mêmes politiques socialistes qui avaient auparavant ruiné l'Europe.

 

Echange et immigration

Ayant défendu le libre échange, nous allons maintenant développer la défense de la combinaison de restrictions à l'immigration et d'une politique de libre échange. Plus particulièrement nous construirons une défense de plus en plus forte pour les restrictions à l'immigration : nous partirons de l'affirmation initiale faible que libre échange et immigration limitée peuvent aller ensemble et ne s'excluent pas mutuellement pour aboutir à l'affirmation finale forte que les principes soutenant le libre échange demandent en fait de telles limitations.

 

Dès le départ, il faut souligner que même la politique de restriction de l'immigration la plus sévère ou la forme la plus exclusive de la ségrégation n'ont rien à voir avec un rejet du libre échange et avec l'adoption du protectionnisme. Du fait que l'on ne veuille pas s'associer ou vivre avec des Mexicains, des Haïtiens, des Chinois, des Coréens, des Allemands, des Catholiques, des Musulmans, des Hindous, etc., il ne suit pas que l'on ne veuille pas échanger avec eux à distance. De plus, même s'il était vrai que le revenu réel augmenterait suite à l'immigration, il ne s'ensuivrait pas que l'immigration soit "bonne", la richesse matérielle n'étant pas la seule chose qui compte. Plus exactement, ce qui constitue le "bien-être" et la "richesse" est subjectif, et on peut préférer un niveau de vie matériel plus faible avec une distance plus grande vis-à-vis de certaines autres gens à un niveau de vie matériel plus élevé et une distance plus faible. C'est précisément le caractère absolument volontaire de l'association et de la séparation humaines - donc l'absence de toute forme d'intégration forcée - qui rend possible les relations paisibles - le libre échange - entre des peuples racialement, ethniquement, linguistiquement, religieusement ou culturellement distincts.

 

La relation entre l'échange et la migration est une relation de substituabilité élastique (plutôt que d'exclusivité rigide) : plus (ou moins) vous avez de l'un, moins (ou plus) vous avez besoin de l'autre. Les autres choses étant égales, les entreprises partent vers les zones de faibles salaires et le travail part vers les zones de hauts salaires, ce qui conduit à la tendance à égaliser les salaires (pour le même type de travail) et à l'optimisation de l'emplacement du capital. Avec des frontières politiques séparant les zones de hauts et de faibles salaires, et avec des politiques d'échanges nationaux (à l'échelle de la nation) et d'immigration, ces tendances naturelles - d'immigration et d'exportation du capital - sont affaiblies par le libre échange et renforcée par le protectionnisme. Tant que les produits mexicains - les produits de la zone à faibles salaires - peuvent entrer librement dans une zone à hauts salaires comme les États-Unis, l'incitation des Mexicains à émigrer vers les États-Unis est réduite. Au contraire, si les produits mexicains sont empêchés d'entrer sur le marché nord-américain, la tentation des travailleurs à partir pour les États-Unis augmente. De même, quand les producteurs nord-américains sont libres d'acheter et de vendre aux producteurs et consommateurs mexicains, les exportations de capital des États-Unis vers le Mexique seront réduits ; cependant, si les producteurs nord-américains sont empêchés de le faire, la tentation de délocaliser la production des États-Unis vers le Mexique augmente.

 

De façon similaire, la politique des échanges intérieurs affecte l'immigration tout comme la politique des échanges extérieurs des États-Unis. Le libre échange intérieur est ce qui est typiquement appelé le capitalisme de laissez-faire. En d'autres termes, le gouvernement national suit une politique de non-intervention en ce qui concerne les transactions volontaires entre partenaires intérieurs (citoyens) sur leur propriété privée. La politique du gouvernement consiste à protéger les citoyens et leur propriété privée de l'agression intérieure, des dommages ou de la fraude (tout comme dans le cas des échanges internationaux et des agressions de l'étranger). Quand les États-Unis suivent une politique stricte de libre échange intérieur, l'immigration en provenance de régions à faibles salaires, comme le Mexique, est réduite, alors que quand ils poursuivent une politique "sociale", cette même immigration est rendue plus attractive.

 

"Frontières ouvertes", invasion et intégration forcée

Si les États-Unis s'engagent dans la voie du libre échange sans entrave, au niveau international comme au niveau national, la pression de l'immigration en provenance des pays à bas revenus sera faible ou réduite et, donc, la question de l'immigration sera moins urgente. D'un autre côté, si les États-Unis s'engagent dans la voie d'une politique protectionniste à l'encontre des produits en provenance des pays à bas revenus et dans la voie d'une politique d'Etat-providence à l'intérieur, la pression de l'immigration restera élevée ou même augmentera, et la question de l'immigration prendra une grande importance dans le débat public.

 

A l'évidence, la plupart des régions à hauts revenus - l'Amérique du Nord et l'Europe de l'Ouest - sont dans la deuxième situation, dans laquelle l'immigration est devenue un sujet public de plus en plus urgent. A la lumière d'une immigration sans cesse croissante en provenance des pays à bas salaires, trois stratégies générales d'immigration ont été proposées : immigration totalement libre, immigration libre conditionnelle et immigration limitée. Bien que nos préoccupations se portent principalement sur les deux dernières possibilités, quelques remarques sur l'immigration totalement libre sont nécessaires, ne serait-ce que pour illustrer l'étendue de la faillite intellectuelle.

 

A en croire les partisans de l'immigration totalement libre, les États-Unis en tant que zone à hauts salaires bénéficieraient toujours de l'immigration ; ainsi, ils devraient conduire une politique de frontières ouvertes, sans prendre en compte les conditions existantes, i.e., même si les États-Unis mènent une politique de protectionnisme ou d'Etat providence. Il est sûr qu'une telle proposition est considérée par toute personne raisonnable comme folle. Supposons que les États-Unis, ou mieux encore la Suisse, annoncent qu'il n'y aura plus de contrôles aux frontières, que tous ceux qui peuvent payer le voyage auront le droit d'entrer dans le pays et, en tant que résidents, auront droit à toutes les mesures sociales intérieures "normales". N'y a-t-il pas de doute sur le caractère désastreux d'une telle expérience dans le monde actuel ? Les Etats-Unis, et plus rapidement encore la Suisse, seraient envahis par des millions d'immigrants du tiers-monde, parce que la vie dans les rues publiques des États-Unis ou de la Suisse est confortable comparée à la vie dans de nombreuses zones du tiers-monde. Les coûts sociaux grimperaient très vite et l'économie étranglée se désintégrerait et s'effondrerait, car les moyens d'existence - le stock de capital accumulé dans le passé et hérité de celui-ci - serait pillé. La civilisation disparaîtrait aux États-Unis ou en Suisse, comme elle a disparu à Rome ou en Grèce.

 

Comme l'immigration totalement libre doit être considérée comme conduisant au suicide national, la position typique des libre-échangistes est l'immigration libre conditionnelle. D'après cette idée, les États-Unis et la Suisse devraient d'abord revenir au libre échange total et abolir tous les programmes sociaux financés par les impôts, et alors seulement ils pourraient ouvrir leurs frontières à tous ceux qui voudraient venir. Dans l'intervalle, quand l'Etat-providence est encore en place, l'immigration devrait être sujette à la condition que les immigrants soient exclus des droits aux mesures sociales.

 

Bien que l'erreur de cette idée soit moins évidente et les conséquences moins dramatiques que celles associées à l'immigration libre inconditionnelle, ce point de vue est néanmoins erroné et dommageable. Il est certain que la pression de l'immigration sur la Suisse et les États-Unis serait réduite si l'on suivait cette proposition, mais elle ne disparaîtrait pas. En fait, avec des politiques de libre échange, tant international que national, les salaires en Suisse et aux États-Unis pourraient augmenter encore relativement à ceux des autres zones (soumises à des politiques économiques moins éclairées). Donc, les deux pays pourraient devenir encore plus attirants. En tout état de cause, la pression immigrationniste subsisterait et une politique d'immigration devrait continuer à exister. Les principes de base du libre échange impliquent-ils une politique "d'immigration libre" conditionnelle ? La réponse est non. Il n'y a pas d'analogie entre libre échange et libre immigration, entre limitation des échanges et limitation de l'immigration. Les phénomènes de l'échange et de l'immigration sont fondamentalement différents, et la signification des mots "libre" et "limité" en conjonction avec les deux termes est totalement différente. Les individus peuvent bouger et migrer ; les biens et les services ne le peuvent pas par eux-mêmes.

 

Pour le dire autrement, alors que quelqu'un peut aller d'un endroit à un autre sans qu'un autre veuille qu'il le fasse, les biens et les services ne peuvent se déplacer d'un endroit à un autre à moins que celui qui les envoie et celui qui les reçoit ne soient d'accord. Aussi triviale que cette distinction puisse être, elle a des conséquences capitales. Car libre en conjonction avec l'échange veut dire échange uniquement à l'invitation de propriétaires et d'entreprises privés ; et échange limité ne veut pas dire protection des propriétaires et des entreprises par rapport à des biens et des services non voulus, mais invasion et abrogation du droit des propriétaires et des entreprises privés à lancer ou refuser des invitations sur leur propre propriété. Au contraire, libre en conjonction avec l'immigration ne veut pas dire immigration par initation lancée par des propriétaires et des entreprises privés, mais invasion non voulue et intégration forcée ; et immigration limitée veut en réalité dire, ou au moins peut vouloir dire, protection des propriétaires et des entreprises par rapport à une invasion non désirée et une intégration forcée. Par conséquent, en défendant le libre échange et l'immigration limitée, on suit le même principe : demander une invitation pour les individus comme pour les biens et les services.

 

Au contraire, les avocats du libre échange et du marché libre qui adoptent l'immigration libre (inconditionnelle) sont intellectuellement incohérents. Libre échange et marché libre signifient que les propriétaires privés peuvent recevoir ou envoyer des biens entre eux sans intervention du gouvernement. Le gouvernement reste inactif vis-à-vis du processus d'échange avec l'étranger et entre concitoyens parce qu'il existe quelqu'un qui accepte de payer pour recevoir le bien ou le service vendu, et donc tous les changements de lieu des biens et services sont mutuellement bénéfiques en tant que résultat d'un accord entre expéditeur et destinataire. La seule fonction du gouvernement est de maintenir le processus d'échange (en protégeant le citoyen et la propriété intérieure).

 

Cependant, en ce qui concerne les mouvements des individus, le même gouvernement devra, pour remplir sa fonction protectrice, faire plus que permettre aux événements de suivre leur cours, parce que les individus, à l'inverse des produits, possèdent une volonté et peuvent migrer. Ainsi, un mouvement de population, à l'opposé d'un envoi de produits, n'est pas en soi un événement mutuellement bénéfique parce qu'il n'est pas toujours - nécessairement et invariablement - le résultat d'un accord entre un destinataire spécifique et un expéditeur spécifique. Il peut y avoir des envois (immigrants) sans destinataires consentants dans le pays. Dans ce cas, les immigrants sont des envahisseurs étrangers et l'immigration représente un acte d'invasion. Il est certain que le rôle protecteur de base du gouvernement comprend la lutte contre les invasions étrangères et l'expulsion des envahisseurs étrangers. Et il est tout aussi certain que, pour le faire et soumettre les candidats à l'immigration aux mêmes exigences que les importations (être invités par des résidents du pays), le gouvernement ne peut pas autoriser la libre immigration défendue par la plupart des libres-échangistes. Imaginons à nouveau que les Etas-Unis ou la Suisse ouvrent leurs frontières à tous les candidats - à la seule condition que les immigrants soient exclus des programmes sociaux, réservés aux citoyens américains ou suisses. Mis à part le problème sociologique qui résulte de la création de deux classes distinctes de résidents et les tensions sociales qui s'ensuivraient, il y a peu de doute sur le résultat d'une telle expérience dans le monde actuel. Ce résultat serait moins drastique et moins immédiat qu'avec un scénario de libre immigration inconditionnelle, mais il conduirait également à une invasion massive étrangère et à la fin à la destruction de la civilisation américaine ou suisse. Ainsi, pour remplir sa fonction première de protecteur de ses citoyens et de leur propriété, le gouvernement d'une zone à hauts salaires ne peut pas suivre une politique d'immigration de laisser passer mais doit prendre des mesures restrictives.

 

Le modèle anarcho-capitaliste

A partir de la reconnaissance du constat que les partisans du libre échange et du marché libre ne peuvent soutenir la libre immigration sans devenir inconséquents et sans se contredire et du constat que l'immigration a besoin - en toute logique - d'être limitée, il n'y a pas qu'une petite étape pour dire comment elle doit être limitée. En réalité, tous les gouvernements d'un pays à hauts salaires limitent actuellement l'immigration d'une façon ou d'une autre. Nulle part l'immigration n'est "libre", inconditionnellement ou conditionnellement. Pourtant, les restrictions imposées aux immigrants par les États-Unis ou par la Suisse, par exemple, sont assez différentes. Quelles restrictions devraient alors avoir lieu ? Ou, plus précisément, quelles sont les limitations à l'immigration qu'un défenseur du libre échange et du marché libre doit défendre et promouvoir ? Les principes qui doivent guider un pays à hauts revenus pour sa politique d'immigration sont une conséquence de l'analyse selon laquelle l'immigration, pour être libre au sens où l'échange est libre, doit être une immigration invitée. Les détails proviennent de l'éclaircissement et de l'illustration du concept d'invitation opposée à invasion et intégration forcée.

 

Dans ce but il est nécessaire de supposer, tout d'abord, en tant que référence conceptuelle, l'existence de ce que les philosophes politiques ont représenté comme une anarchie fondée sur le droit de propriété, l'anarcho-capitalisme ou anarchie ordonnée : tout le territoire est détenu par des propriétaires privés, y compris les rues, les rivières, les aéroports, les ports, etc. Pour certains territoires, le titre de propriété peut être sans limite, le propriétaire pouvant faire de sa propriété ce qu'il veut aussi longtemps qu'il ne se heurte pas physiquement à la propriété des autres. Pour d'autres territoires le titre de propriété peut être plus ou moins limité. Comme c'est actuellement le cas dans certains développements, le propriétaire peut être lié contractuellement par certaines restrictions sur ce qu'il peut et ne peut pas faire avec sa propriété (obligations restrictives, répartition volontaire en différentes zones), qui peuvent concerner l'usage résidentiel plus que commercial, l'interdiction des constructions de plus de quatre étages, l'interdiction de la vente ou de la location à des couples non mariés, à des fumeurs ou à des Allemands, par exemple.

 

Il est clair que, dans ce type de société, il n'y a rien qui ressemble à une liberté d'immigration, ou un droit de l'immigrant à aller et venir. Ce qui existe est la liberté des propriétaires privés indépendants d'admettre ou d'exclure les autres de leur propre propriété en accord avec leurs titres de propriété, limités ou non. L'admission sur certains territoires peut être facile alors que celle sur d'autres serait presque impossible. De plus, l'admission sur la propriété de quelqu'un n'implique pas la "liberté de se déplacer aux alentours", à moins que les autres propriétaires n'aient consenti à ces mouvements. Il y aura autant d'immigration ou de non-immigration, d'exclusivité ou de non-exclusivité, de ségrégation ou de non-ségrégation, de discrimination ou de non-discrimination, que le désirent les propriétaires individuels ou les associations de propriétaires.

 

La raison de citer ce modèle d'une société anarcho-capitaliste est que, par définition, rien qui s'apparente à une intégration forcée (migration non invitée) n'est possible (autorisé) dans ce cadre. Dans ce scénario il n'y a pas de différence entre les mouvements physiques des biens et la migration des populations. De même que chaque mouvement d'un produit est le résultat d'un accord sous-jacent entre un expéditeur et un destinataire, les mouvements des immigrants vers et à l'intérieur d'une société anarcho-capitaliste sont le résultat d'un accord entre l'immigrant et un ou plusieurs propriétaires de cette société. Ainsi, même si l'on rejette finalement le modèle anarcho-capitaliste - et si pour des raisons de réalisme on admet l'existence d'un gouvernement et de biens et de propriétés "publics" (en plus des biens et propriétés privés) - il met clairement en lumière ce que devrait être la politique d'immigration d'un gouvernement, si et pour autant que ce gouvernement tire sa légitimité de la souveraineté du "peuple" et est considéré comme la conséquence d'un accord ou "contrat social" (ce qui est le cas, bien sûr, de tous les gouvernements post-monarchistes). Un gouvernement "populaire" qui a accepté d'avoir comme rôle premier la protection des citoyens et de leur propriété (la protection de la sécurité intérieure) devrait certainement chercher à préserver, plutôt qu'à abolir, cette absence d'intégration forcée qui caractérise l'anarcho-capitalisme !

 

Afin de se rendre compte de ce qui en découle, il est nécessaire d'expliquer comment une société anarcho-capitaliste est modifiée par l'introduction d'un gouvernement, et comment ceci affecte le problème de l'immigration. Comme il n'y a pas de gouvernement dans une société anarcho-capitaliste, il n'y a pas de distinction tranchée entre les membres du pays (les citoyens intérieurs) et les étrangers. Cette distinction n'apparaît qu'avec l'établissement du gouvernement. Le territoire sur lequel s'étend le pouvoir de celui-ci devient le pays et tous ceux qui résident à l'extérieur de ce territoire deviennent des étrangers. Les frontières de l'Etat (et les passeports) naissent, distinctes des frontières des propriétés privées (et des titres de propriétés). L'immigration devient une immigration par des étrangers qui franchissent les frontières étatiques, et la décision d'accepter ou non une personne n'est plus du ressort exclusif des propriétaires privés ou des associations de tels propriétaires mais devient du ressort du gouvernement en tant que producteur de sécurité intérieure. Dès lors, si le gouvernement exclut quelqu'un, alors qu'il se trouve un résident qui voudrait inviter cette personne sur sa propre propriété, le résultat est une exclusion forcée ; et si le gouvernement accepte quelqu'un, alors qu'aucun résident ne souhaite cette personne sur sa propriété, le résultat est une intégration forcée.

 

De plus, en liaison avec l'institution du gouvernement arrive l'institution de la propriété publique et des biens publics, c'est-à-dire des biens et propriétés possédés collectivement par tous les résidents, contrôlés et administrés par le gouvernement. Plus ou moins important est le total de la propriété publique gouvernementale, plus ou moins grand sera le problème potentiel d'intégration forcée. Considérons, par exemple, une société socialiste comme l'ex Union soviétique ou l'ex Allemagne de l'Est. Tous les facteurs de production, y compris les terres et les ressources naturelles, font partie de la propriété publique. A cet égard, si le gouvernement admet un immigrant non invité, il l'admet potentiellement à tout endroit du pays ; car sans propriété privée des terres il n'existe pas de limitations à ses migrations intérieures autres que celles décrétées par le gouvernement. Sous le socialisme, par conséquent, l'intégration forcée peut s'étendre partout et donc s'intensifier. (En fait, dans l'Union soviétique et en Allemagne de l'Est, le gouvernement pouvait loger un étranger dans l'appartement privé ou la maison privée de quelqu'un d'autre. Cette mesure - et l'intégration forcée très puissante qui en résultait - était justifiée par le "fait" que toutes les maisons privées étaient situées sur le territoire public.)

 

Les pays socialistes se seront pas des zones à hauts salaires, bien entendu, ou au moins ne le resteront pas longtemps. Leur problème n'est pas la pression à l'immigration mais à l'émigration. L'URSS ou la RDA interdisaient l'émigration et tuaient ceux qui cherchaient à fuir le pays. Malgré tout, le problème de l'extension et de l'intensification de l'intégration forcée continue à l'extérieur du socialisme. Il est vrai que dans des pays non socialistes comme les États-Unis, la Suisse, la République fédérale allemande, qui sont des destinations favorites de l'immigration, un immigrant accepté par le gouvernement ne peut se déplacer où bon lui semble. La liberté de mouvement de l'immigrant est limitée par l'étendue de la propriété privée et de celle des terres en particulier. Mais, en empruntant les routes publiques ou les moyens de transport publics, et en restant sur les terres et parcs publics et dans les constructions publiques, un immigrant peut potentiellement se trouver sur le chemin d'un résident intérieur, et même se retrouver dans son voisinage immédiat, pratiquement à sa porte. Moins la propriété publique est importante, moins le problème sera aigu. Mais tant qu'il existe une propriété publique quelconque, on ne peut totalement y échapper.

 

Correction et prévention

Un gouvernement populaire qui cherche à sauvegarder ses citoyens et leur propriété d'une intégration forcée et des envahisseurs étrangers a deux méthodes pour le faire, l'une correctrice et l'autre préventive. La méthode correctrice doit améliorer les effets d'une intégration forcée une fois que celle-ci a eu lieu (et que les envahisseurs sont là). Comme indiqué, pour atteindre cet objectif, le gouvernement doit réduire la quantité de propriété publique autant que possible. De plus, quel que soit le mélange de propriété privée et de propriété publique, le gouvernement doit soutenir - plutôt que criminaliser - le droit de tout propriétaire privé à admettre et à exclure les autres de sa propriété. Si virtuellement toute la propriété est privée et que le gouvernement soutienne les droits de propriété, les immigrants non désirés, même s'ils réussissaient à entrer dans le pays, n'iraient pas beaucoup plus loin.

 

Plus cette mesure est appliquée (plus le degré de propriété privée est grand), moins il sera nécessaire de prendre des mesures protectrices, comme la défense des frontières. La coût de protection contre l'invasion étrangère le long de la frontière entre les États-Unis et le Mexique est, par exemple, comparativement élevé, parce qu'il y a de grandes étendues sans propriété privée du côté des États-Unis. Cependant, même si le coût de protection aux frontières peut être abaissé par la privatisation, il ne disparaîtra pas tant que des différences substantielles existeront entre les revenus et les salaires des deux territoires. Ainsi, pour remplir sa mission protectrice de base, le gouvernement d'une zone à hauts salaires doit également prendre des mesures préventives. A tous les points d'entrée et le long des frontières, le gouvernement, comme représentant de ses citoyens, doit vérifier que toutes les nouvelles personnes arrivant ont un ticket d'entrée - une invitation valide par un propriétaire du pays - et doit expulser celui qui n'aurait pas un tel ticket à ses frais.

 

Les invitations valides sont des contrats entre un ou plusieurs destinataires privés du pays, résidents ou commerciaux, et la personne arrivant. La partie invitante, par son admission contractuelle, ne peut disposer que de sa propre propriété privée. Ainsi, l'admission implique de manière négative - comme dans le scénario d'une immigration libre conditionnelle - que l'immigrant soit exclu des mesures sociales financées publiquement. De manière positive, elle implique que la partie accueillante assume la responsabilité légale des actions de son invité pour la durée de son séjour. La puissance invitante est responsable sur toute l'étendue de sa propriété des crimes que pourrait commettre l'invité contre une tierce personne ou sa propriété (tout comme les parents sont tenus responsables des crimes de leurs enfants tant qu'ils font partie du foyer familial). Cette obligation, qui implique à proprement parler que ceux qui invitent s'assurent de la responsabilité de leurs hôtes, se termine dès que ceux-ci ont quitté le pays, ou qu'un autre propriétaire a assumé la responsabilité de la personne en question (en l'accueillant chez elle).

 

L'invitation peut être privée (personnelle) ou commerciale, limitée ou illimitée dans le temps, concerner uniquement le logement (hébergement, résidence) ou le logement et l'emploi (mais il ne peut exister de contrat valide concernant seulement l'emploi et pas le logement). Dans tous les cas, cependant, toute invitation, vue comme une relation contractuelle, peut être révoquée ou terminée par celui qui invite et à la fin du contrat, l'invité - qu'il soit un touriste, un homme d'affaires en déplacement ou un résident étranger - doit quitter le pays (à moins qu'un autre citoyen résident n'établisse un contrat d'invitation avec lui).

 

L'invité ne peut perdre son statut légal de non résident ou de résident étranger, sujet à tout instant au risque potentiel d'expulsion immédiate, qu'en acquérant la citoyenneté. En accord avec l'objectif de rendre toute immigration (en tant qu'échange) contractuellement invitée, la condition fondamentale d'obtention de la citoyenneté est l'accès à la propriété immobilière, ou plus exactement à la propriété d'un bien foncier et d'une demeure résidentielle.

 

Au contraire, il serait incompatible avec l'idée d'une immigration invitée de donner la citoyenneté d'après le droit du sol, comme aux États-Unis, où un enfant né d'un étranger résident ou non-résident sur le sol d'accueil reçoit automatiquement la citoyenneté de ce pays. En fait, un tel enfant obtient, comme la plupart des autres gouvernements de pays à hauts salaires le reconnaissent, la citoyenneté de ses parents. Que le gouvernement du pays d'accueil puisse donner à cet enfant la citoyenneté signifie, à la place, qu'il ne remplit pas sa fonction protectrice fondamentale, et revient en réalité à un acte d'invasion perpétré par le gouvernement contre ses propres citoyens. Bien au contraire, devenir un citoyen signifie acquérir le droit de rester de manière permanente dans le pays, et une invitation permanente ne peut être assurée autrement qu'en achetant la propriété d'un citoyen résident. Ce n'est qu'en vendant un bien immobilier à un étranger qu'un citoyen montre qu'il est d'accord avec le fait que cet invité reste définitivement (et ce n'est que lorsque l'immigrant a acheté et payé le bien immobilier et la demeure résidentielle dans le pays d'accueil qu'il montrera qu'il porte un intérêt permanent au bien-être et à la prospérité de son nouveau pays). En outre, trouver un citoyen prêt à vendre sa résidence et avoir l'argent pour l'acheter, bien qu'étant une condition nécessaire à l'acquisition de la citoyenneté, peut ne pas être suffisant. Si la propriété en question est sujette à des clauses restrictives, les obstacles à franchir par un candidat à la citoyenneté peuvent être bien plus élevés. En Suisse, par exemple, l'obtention de la citoyenneté peut réclamer que la vente de la résidence aux étrangers soit ratifiée par la majorité ou même l'unanimité des propriétaires locaux concernés directement par cette vente.

 

Conclusion

En jugeant sur la politique d'immigration requise pour protéger ses propres citoyens d'une invasion étrangère et d'une intégration forcée - et pour rendre les mouvements de population internationaux soumis à invitation et à des contrats - le gouvernement suisse fait un bien meilleur travail que celui des États-Unis. Il est plus difficile d'entrer en Suisse comme personne non invitée ou d'y rester comme citoyen non désiré. En particulier, il est bien plus difficile pour un étranger d'acquérir la citoyenneté, et la distinction légale entre citoyen résident et étranger résident est plus clairement préservée. Malgré ces différences, les gouvernements de la Suisse et des États-Unis poursuivent une politique d'immigration qui doit être jugée bien trop permissive.

 

De plus, la permissivité excessive de leurs politiques d'immigration et l'exposition qui en résulte des populations suisse et américaine à une intégration forcée par des étrangers est aggravée par le fait que l'étendue de la propriété publique des deux pays (et des autres zones à hauts revenus) est assez substantielle ; que les mesures d'Etat-providence financées par l'impôt sont fortes et en croissance, et que les étrangers n'en sont pas exclus ; et que, contrairement aux annonces officielles, l'adhésion à une politique de libre échange est tout sauf parfaite. Par conséquent, en Suisse et aux États-Unis, et dans les autres pays à salaires élevés, les protestations populaires contre les politiques d'immigration sont de plus en plus fortes.

 

Le but de cet essai était non seulement de soutenir la privatisation du domaine public, le laissez-faire intérieur, et le libre échange international, mais aussi en particulier l'adoption d'une politique d'immigration restrictive. En démontrant que le libre échange est incompatible avec une immigration libre (inconditionnelle ou conditionnelle), et qu'il réclame à la place que les migrations soient soumises à la condition d'être invitées et contractuelles, nous espérons avoir contribué à éclairer les politiques futures dans ce domaine.


  Lisez le dossier sur LE LIBERTARIANISME

 

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19 avril 2011 2 19 /04 /avril /2011 23:00

 

Être libéral au XXIe siècle


S’étiqueter « libéral » suffit-il pour l’être ? À en juger de la multiplication de personnalités, de publications, de partis politiques qui revendiquent le mot, on pourrait croire à une véritable renaissance de l’idée libérale. Or force est de se rendre à l’évidence : de nombreux « libéraux » méconnaissent les fondements mêmes de cette philosophie distincte qu’est le libéralisme et défendent en son nom des idées antinomiques à toute conception cohérente de la liberté.


Une philosophie du droit

 

Le libéralisme se fonde sur la reconnaissance de droits individuels fondamentaux dérivés de la nature de l’être humain. C’est au libéralisme, dès la Renaissance et les Lumières, que l’humanité doit son avance spectaculaire, en particulier depuis la Révolution industrielle. Parce que le libéralisme exige le respect intégral de l’autre, il est à juste titre considéré comme la philosophie de la civilisation, privilégiant l’échange à la contrainte dans les relations interpersonnelles :

 

 

[Le véritable libéralisme] respecte la personnalité unique de chacun, sa dignité, sa liberté dans le choix de ses objectifs et il récuse par conséquent toute vision globale mécaniciste, quantitativiste de la vie des hommes en société.[1] 


 

L’ensemble de la philosophie libérale repose donc sur une prémisse sans équivoque, impliquée par l’idée même de liberté : la primauté de l’individu. Cette prémisse réaliste, fondée sur la reconnaissance de la raison, du libre arbitre et de la responsabilité de la personne, permet d’énoncer l’éthique de la liberté qui en découle : le respect des droits individuels, à commencer par la vie et la propriété de soi.[2] Le libéralisme ne s’inscrit pas dans la défense d’un nihilisme irrationnel qui admettrait que chacun puisse faire n’importe quoi, mais se définit par les droits de propriété légitimes de chaque individu, en vertu de sa personnalité, mais aussi du processus de création des richesses, qui ne décrit rien d’autre que l’application de ses facultés personnelles : les richesses n’existent pas d’emblée ou en quantité fixe, mais prennent en effet toujours leur source dans l’effort individuel, ce qui exclut nécessairement toute prétention morale d’autrui à leur égard puisque sans l’effort de celui qui les a créées ces richesses n’existeraient pas ; même la valeur des ressources naturelles les plus abondantes dépend de l’identification d’un usage productif par quelqu’un. Les droits de propriété reflètent cette créativité de l’esprit humain, que l’on peut considérer comme l’ultime ressource naturelle. Ce sont donc ces droits qui définissent la justice libérale et, dans un monde de rareté, bornent la liberté individuelle en vertu des droits légitimes des autres pour éviter les conflits. Les droits de propriété s’appliquent ainsi également à « l’économie », à savoir à l’activité humaine productive, indispensable à la vie :


 

Nous tenons de [la nature] le don qui pour nous les renferme tous, la vie – la vie physique, intellectuelle et morale. Mais la vie ne se soutient pas d'elle-même. [Celle] qui nous l'a donnée nous a laissé le soin de l'entretenir, de la développer, de la perfectionner. Pour cela, [elle] nous a pourvus d'un ensemble de facultés merveilleuses ; [elle] nous a plongés dans un milieu d'éléments divers. C'est par l'application de nos facultés à ces éléments que se réalise le phénomène de l'assimilation, de l'appropriation, par lequel la vie parcourt le cercle qui lui a été assigné. Existence, facultés, assimilation – en d'autres termes, personnalité, liberté, propriété – voilà l'homme.[3] 


 

Partant, l’économie de marché n’est pas une arrière-pensée « utilitaire » du libéralisme visant à maximiser les richesses, même si c’est sa conséquence, mais elle traduit les échanges volontaires qui régissent les relations interpersonnelles productives dans une société de liberté. « Le marché » n’est qu’un terme lapidaire pour refléter ces échanges innombrables et complexes, fondés sur la liberté contractuelle, qui ont lieu à des degrés différents dans tous les contextes sociaux, libéraux ou non : rares sont en effet les êtres humains qui choisissent de vivre en complète autarcie dans la pauvreté la plus absolue et tout aussi rares sont ceux qui se laissent dicter ce qu’ils ont le droit d’échanger paisiblement : là où les échanges libres sont interdits par la loi naissent alors des « marchés noirs ». Comme les échanges « marchands » se fondent sur une déontologie du consentement et du respect de la propriété, ils sont légitimes et moralement fondés : qu’ils aient lieu est une preuve suffisante que les parties contractantes y trouvent leur compte ; toute intervention arbitraire de tiers, par exemple de l’État, est donc forcément illégitime. Étant donné que l’activité humaine productive ne se limite pas à la seule réalisation d’objectifs matériels, mais repose sur des droits légitimes, il ne peut y avoir de liberté individuelle sans cette liberté économique : la liberté ne peut se saucissonner selon des priorités arbitraires sans violer les droits fondamentaux ; il ne peut y avoir de liberté de pensée sans liberté d’exercer l’activité lucrative de son choix ; il ne peut y avoir de liberté d’expression sans liberté d’acquérir un support de diffusion. Toute violation de la liberté économique est nécessairement une violation illégitime des droits individuels puisque l’être humain, de par sa nature, doit subvenir à sa propre existence et, pour autant qu’il respecte les droits légitimes d’autrui, doit pouvoir poursuivre ses propres aspirations dans le but d’améliorer son niveau de vie, sa longévité et son propre bien-être tel qu’il le conçoit.


Le libéralisme ne force bien sûr personne à participer au « marché » dans le but d’améliorer indéfiniment son sort, mais peu de gens choisissent de mourir jeunes : c’est la raison pour laquelle des personnes nées par hasard dans des pays opprimés par un État violant de manière outrancière les droits individuels émigrent, parfois au péril de leur vie, en quête d’une existence meilleure dans une société plus libre. Par ailleurs, la liberté individuelle et la prospérité qui en découle permettent de poursuivre d’autres valeurs personnelles, sans contester que l’accomplissement de soi par le travail productif est une valeur qui n’en appelle pas nécessairement de « supérieures » : le libéralisme ne formule évidemment aucune vision finale ou idéale dans les choix personnels, mais établit seulement la norme qui doit régir la société dans le respect de chaque personne.


Le libéralisme est donc une philosophie du droit, tel que défini par la propriété de soi et des fruits de son activité. Parce que la justice libérale est humaniste, elle est nécessairement universelle et indépendante de toute législation ; elle s’applique de la même manière à chaque être humain, quelle que soit sa situation ou la juridiction étatique à laquelle il est soumis : l’inverse ouvrirait la voie à l’arbitraire. À l’opposé du collectivisme, qui crée une dichotomie entre justice privée et justice publique, le libéralisme protège l’intégrité de l’individu en excluant l’initiation de la force et en soumettant le contexte social à la même norme de justice. L’État, démocratique ou non, qui n’est rien d’autre qu’une forme d’association humaine, n’y échappe donc pas non plus, et les actions des personnes qui le façonnent sont évaluées de la même manière : des violations du droit ne deviennent pas légitimes parce que perpétrées par des membres d’un gouvernement, une majorité parlementaire ou une majorité populaire. Chaque être humain a des droits sur lui même et les possessions dérivées de son activité, mais jamais sur autrui ou sur les possessions d’autrui ; seul l’échange volontaire, qui peut bien sûr aussi inclure le don, acquiert une légitimité dans les relations interpersonnelles.

 

Libéralisme et démocratie


Certains auteurs libéraux ont associé de manière indélébile le libéralisme à la démocratie, à savoir à la loi de la majorité et à la représentation parlementaire. Or le libéralisme n’est pas la somme des erreurs ou des compromissions de penseurs libéraux autrement méritoires, mais, comme nous l’avons vu, une philosophie du droit ancrée dans une conception réaliste de l’être humain et des relations sociales. En tant qu’association humaine particulière, un État démocratique ne saurait donc se soustraire à l’éthique libérale :


 

Les citoyens possèdent des droits individuels indépendants de toute autorité sociale ou politique, et toute autorité qui viole ces droits devient illégitime. Les droits des citoyens sont la liberté individuelle, la liberté religieuse, la liberté d'opinion, dans laquelle est comprise sa publicité, la jouissance de la propriété, la garantie contre tout arbitraire. […] Le gouvernement [autocratique] n'est qu'un despotisme concentré, le gouvernement populaire qu'une tyrannie convulsive. La souveraineté du peuple n'est pas illimitée ; elle est circonscrite dans les bornes que lui tracent la justice et les droits des individus. La volonté de tout un peuple ne peut rendre juste ce qui est injuste.[4]


 

La véritable démocratie libérale ne se trouve pas dans le processus politique, mais dans la liberté des choix individuels. Or il est évident que la démocratie étatique ne constitue pas nécessairement une garantie de ces choix, mais les viole souvent, qu’il s’agisse par exemple de la redistribution de richesses par l’intermédiaire de la fiscalité, des restrictions à la liberté individuelle par la conscription militaire, des limitations à la liberté économique par maintes lois et réglementations arbitraires. Le vote populaire de novembre 2005 sur le maintien de l’ouverture dominicale des commerces dans les gares et les aéroports illustre à quel point la démocratie, en soi, est étrangère au libéralisme : dans ce cas, le sort d’une minorité d’individus engagés dans des relations contractuelles paisibles dépendait de la décision d’une majorité de votants. Or la seule possibilité de voter sur une telle question, quel qu’en soit le résultat, viole frontalement toute justice libérale puisque les droits individuels des personnes concernées sont soumis à un arbitraire absolu.


À cette parodie de la liberté politique, le libéralisme oppose une véritable protection de la personne dans ses relations avec autrui. L’individu bénéficie d’une souveraineté circonscrite uniquement par les droits légitimes des autres : dans sa vie privée comme dans l’économie de marché, chaque décision prise engendre ainsi les conséquences correspondantes.5 Dans le processus politique, en revanche, les choix présumés se limitent généralement au statu quo institutionnel, à l’arbitraire de la majorité et à des changements qui peuvent souvent aller à l’encontre de ses propres préférences et de ses droits légitimes, comme dans l’exemple cité plus haut, sans compter que la probabilité d’un électeur d’influencer le résultat d’un vote est proche de zéro. L’économie politique montre en outre que la plupart des politiciens et des fonctionnaires défendent, avec le privilège de la contrainte légale, leurs propres intérêts et les intérêts particuliers de ceux qui les ont amenés au pouvoir plutôt qu’un quelconque « bien commun » jamais défini. [6]


Il serait tout aussi négligent de penser qu’il suffise d’une Constitution pour préserver les droits individuels contre l’arbitraire démocratique. Les Constitutions dépendent en effet de leur contenu et du respect qu’on leur porte. Or leur interprétation se vérifie plus qu’aléatoire : la Constitution fédérale garantit par exemple la liberté économique sans que cela n’empêche le gouvernement d’interdire l’ouverture de nouveaux cabinets médicaux, ni le Parlement d’entériner chaque année quelque 4000 pages de nouvelles lois limitant cette liberté, ni le peuple de voter sur maintes restrictions. De la même manière, la propriété est garantie dans la Constitution bien que la politique prélève sous diverses formes environ 50% de toutes les richesses créées ou en dirige l’allocation selon des lois arbitraires. La Constitution elle-même est truffée de contradictions entre les droits fondamentaux qu’elle énonce mais qu’elle relativise plus loin avec d’innombrables violations, de l’école obligatoire à la conscription militaire pour les hommes en passant par le monopole de la monnaie. Dans la liste même des droits fondamentaux se trouve un « droit » à obtenir de l’aide dans des situations de détresse : or comment l’État, qui ne produit rien, peut-il appliquer un tel « droit » sans violer les droits de propriété d’autrui ? De toute évidence, une Constitution n’empêche guère l’arbitraire caractéristique de l’action politique : elle en est plutôt le reflet. Le projet de Constitution de l’Union européenne en est un exemple actuel particulièrement frappant. [7]

 

La liberté politique n’équivaut donc pas à la démocratie, mais au respect de la propriété : seuls les droits de propriété protègent l’individu de l’arbitraire d’autrui et garantissent son autodétermination. À titre illustratif, l’Inde est par exemple célébrée comme une « démocratie », mais une grande partie des Indiens sont pauvres car captifs d’un État oppresseur et corrompu ; à l’inverse les résidents de Hong Kong, guère une démocratie, sont relativement prospères et libres : les droits individuels de propriété qui y sont reconnus garantissent mieux leur liberté en contenant le pouvoir de contrainte de l’État. La démocratie, même circonscrite par une Constitution, n’empêche pas l’arbitraire ; elle ne s’oppose certes pas toujours au libéralisme, mais elle n’en est ni une condition ni un principe.


Le libéralisme et l’État


Les libéraux sont parfois accusés de trop se focaliser sur les défaillances de l’État. Or l’État est non seulement inefficace, il est de par son monopole de la contrainte la négation même de la liberté.8 Les institutions étatiques actuelles s’inscrivent à l’opposé de l’éthique de coopération sociale volontaire décrite plus haut : elles ne possèdent rien qu’elles ne prélèvent pas d’abord de force auprès des créateurs de richesses du secteur privé :

 

 

L'État, c'est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde. Car, aujourd'hui comme autrefois, chacun, un peu plus, un peu moins,voudrait bien profiter du travail d'autrui. […] Que devons-nous penser d'un peuple où l'on ne paraît pas se douter que le pillage réciproque n'en est pas moins pillage parce qu'il est réciproque ; qu'il n'en est pas moins criminel parce qu'il s'exécute légalement et avec ordre ; qu'il n'ajoute rien au bien-être public ; qu'il le diminue au contraire de tout ce quecoûte cet intermédiaire dispendieux que nous nommons l'État ? [9]


 

L’État peut être nécessaire et garant de liberté s’il est limité à ses fonctions de base – l’administration de la justice, la sécurité intérieure et la défense – qui représentent une fraction infime de ses dépenses, mais une telle assertion tend de plus en plus à placer le fardeau de la preuve sur celui qui la soutient : dans la complexité du monde réel, les tribunaux d’arbitrage privés comme les services de sécurité privés semblent satisfaire à une demande croissante face aux attentes déçues vis-à-vis des prestations de l’État. Les travaux théoriques les plus avancés défient également la notion selon laquelle l’État serait indispensable ; c’est aujourd’hui une question ouverte.10 Aucune institution humaine n’a d’ailleurs accumulé tant de violations du droit à travers l’Histoire : les États ont régulièrement abusé de leur monopole de la force et massacré des millions d’innocents, aussi bien au sein qu’à l’extérieur de leurs juridictions, par des guerres, des persécutions, des confiscations, des famines – le plus cyniquement, au siècle dernier, en Allemagne nazie et en Russie soviétique, dont Cuba et la Corée du Nord servent encore aujourd’hui de réminiscences parmi les plus extrêmes. Une telle performance ne mérite guère la présomption de légitimité que les étatistes sont prêts à accorder à l’État. Même nécessaire, celui-ci doit se soumettre à la norme du respect du droit, y compris dans son mode de financement, qui ne peut être légitimement fondé sur la contrainte. [11]


Or même dans ses variantes plus indulgentes, où les pouvoirs sont séparés et relativement limités, l’État prélève ses revenus par l’impôt et consomme des ressources sans en produire ; il ne dispose ni du mécanisme des prix pour les biens et les services qu’il fournit, ni de la capacité de déterminer leurs mérites supposés, ni même de la possibilité d’établir le rendement potentiel de ses « investissements » : l’État prend invariablement ses décisions selon des critères arbitraires, car il ne les fonde pas sur un « marché » ou sur un échange, mais sur la contrainte. Qu’on le déplore ou non, avec ses structures bureaucratiques en général incapables de répondre aux changements, l’État est par nature prédestiné au gaspillage et à l’échec : il n’est ni omniscient ni omnipotent mais particulièrement faillible. C’est cette caractéristique de l’État, en plus de la criminalité de son action, qui a mené aux pires catastrophes humaines évoquées plus haut. Or une trop grande partie de l’humanité souffre encore de la corruption et de l’oppression étatiques, par exemple en Afrique,
mais aussi dans d’autres régions en crise politique permanente. Même le prétendu « modèle social » des États européens, aussi bénin qu’il puisse paraître face à des régimes tortionnaires, génère 20 millions de chômeurs et viole brutalement les droits individuels au nom de la « justice sociale » :

 

 

Or, imposer des transferts obligatoires, c’est-à-dire prendre des ressources à ceux qui les
ont créées par leurs propres efforts pour les remettre à d’autres qui ne les ont pas créées, quelles que soient les situations respectives des uns et des autres, revient à dire que les seconds ont des droits sur les premiers. Mais il est totalement incohérent de vouloir défendre la liberté humaine et d’admettre en même temps l’idée que quelqu’un a des droits sur vous et sur vos propriétés, c’est-à-dire sur le produit de votre activité. Il existe de ce point de vue une différence radicale entre les transferts obligatoires et les transferts volontaires – inspirés par l’altruisme et la morale individuelle – car on ne peut légitimement transférer que ce que l’on possède légitimement. Et on ne peut donc légitimement recevoir que ce qui vous est transféré volontairement par un propriétaire légitime. Tout le reste est violence et ne peut être que violence. La politique sociale, c’est donc la guerre des uns contre les autres. Et c’est une imposture que d’utiliser le beau mot de justice pour couvrir des actes de violence qui sont à l’opposé de la vraie solidarité et de la vraie charité. [12]


 

Les libéraux ne s’opposent pas à bon nombre des objectifs que poursuivent ou que prétendent poursuivre les personnes de l’État ; ils reconnaissent par contre que la contrainte et la spoliation légales ne sont pas de bons moyens d’y parvenir, que l’échange volontaire et pacifique est supérieur parce qu’il est légitime et qu’il implique que chaque partie y gagne – non seulement en termes matériels, mais certainement aussi en termes moraux. Le libéralisme se situe donc aux antipodes de la caricature de la « loi de la jungle » à laquelle on l’associe parfois mais qui décrit plutôt le processus politique, où toutes les violations des droits individuels deviennent possibles pour peu qu’il s’y trouve une majorité pour les soutenir.
De la même manière, le libéralisme reconnaît le danger de cartelliser ou de centraliser le pouvoir politique. Même lorsque des institutions étatiques sont censées « libéraliser » les échanges, la logique de la concentration du pouvoir implique invariablement que toute tentative d’imposer « la liberté » par le haut mène à une régression de la liberté, les politiciens et les fonctionnaires tirant toujours davantage la couverture à eux pour réglementer l’activité humaine, redistribuer les richesses, limiter la concurrence institutionnelle. L’évolution de l’Union européenne comme de tous les États fédéraux l’illustre à profusion.


Le libéralisme au XXIe siècle


Le mot libéral est-il devenu si protéiforme que les libéraux devront renoncer à l’utiliser ? Aux États-Unis par exemple, « liberal » a acquis dans l’usage courant une signification complètement opposée à l’idée de reconnaissance de la liberté individuelle telle que définie par les droits de propriété. Certains intellectuels libéraux établis aux États-Unis, parfois à l’avant-garde du développement théorique du libéralisme et de ses implications, ont dès lors créé pour leurs idées de nouvelles appellations pour éviter la confusion. Certains d’entre eux préfèrent l’appellation « classical liberal », bien que ce qualificatif tende à restreindre le corpus d’idées qu’il est censé évoquer en le figeant dans le passé. D’autres auteurs originaux choisissent de qualifier leur courant ou leur école de pensée par une dénomination spécifique ; c’est évidemment leur droit et pour autant qu’ils se rattachent à la liberté individuelle, ils n’en demeurent pas moins libéraux. L’Institut Constant de Rebecque rejette l’usage de tout autre mot que celui de libéral, le seul à saisir la grande tradition intellectuelle humaniste et son développement jamais achevé. Les libéraux doivent en effet revendiquer leurs principes et qualifier sans concession les idées étatistes, sociales-démocrates et socialistes comme telles. Toutes les idées ou les propositions émanant de penseurs réputés libéraux ne le sont pas non plus nécessairement, à l’image de la « politique de la concurrence », qui repose sur une définition fantaisiste de la concurrence : dans ce domaine comme dans d’autres vaut la devise caveat emptor.


Être libéral au XXIe siècle, c’est admettre la richesse de la pensée libérale classique et contemporaine et son évolution continue, tout en appréciant les principes du droit qui font du libéralisme une philosophie distincte plutôt qu’un fourre tout de préjugés personnels ou de recettes prémâchées pour les problèmes de l’humanité. L’éthique libérale s’oppose certes à la contrainte arbitraire de l’État, mais le libéralisme formule également des alternatives viables pour la société civile et le marché libre ; ce n’est pas parce qu’une chose ne doit pas être faite par l’État qu’elle ne doit pas être faite du tout, au contraire : elle peut l’être mieux et moins cher sur une base volontaire et légitime, car ce qui est juste est également efficace. Il n’y a pas de contradiction entre justice libérale et conséquencialisme libéral : les bons principes mènent aux bons résultats, la liberté à la prospérité. L’expérience humaine ne laisse planer aucun doute à ce sujet.

 

[1] Pascal Salin, Libéralisme (Paris, Odile Jacob, 2000), pp. 12-13. 

[2] Pour une discussion détaillée, voir par exemple parmi les auteurs libéraux contemporains Murray Rothbard, L’Éthique de la liberté (Paris, Les Belles Lettres, 1991), et Ayn Rand, La Vertu d’égoïsme (Paris, Les Belles Lettres, 1993).

[3] Frédéric Bastiat, « La loi », OEuvres complètes de Frédéric Bastiat, tome quatrième (Paris,
Guillaumin, 1863), p. 342.

[4] Benjamin Constant, Principes de politique (Paris, Guillaumin, 1872), pp. 13-16.

[5] Ludwig von Mises, Human Action (Auburn, Ludwig von Mises Institute, 1998), p. 273. 

[6] Se référer à ce sujet à l’école du « choix public » développée par James Buchanan, récipiendaire du Prix Nobel, mais aussi aux travaux importants d’Anthony de Jasay, en particulier The State (Indianapolis, Liberty Fund, 1998) et Against Politics (Londres, Routledge, 1997). 

[7] Voir notamment l’analyse de Victoria Curzon Price, « La Constitution de l’UE sous la loupe », Institut Constant de Rebecque, mars 2005. 

[8] Mises, op.cit., p. 283. 

[9] Bastiat, « L’État », op. cit, pp. 332-333. 

[10] Voir par exemple Anthony de Jasay, cité plus haut, ainsi que Hans-Hermann Hoppe, « The Private Production of Defense », Essays in Political Economy, Ludwig von Mises Institute, 1998, ou encore David Friedman, Vers une société sans État (Paris, Les Belles Lettres, 1992).

[11] Voir à ce sujet Pierre Bessard, « De l’imposition à la justice. Au-delà de la recherche d’un “impôt juste” », Institut de Recherches Économiques et Fiscales, 2006. 

[12] Salin, op. cit., p. 500.

 

© Institut Constant de Rebecque, Lausanne, mai 2006
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Libéralisme pour les nuls

 

L’économiste Bradford DeLong a estimé le PIB mondial par habitant depuis l’apparition de l’humain sur terre (voir graphique ci-bas). [1] Le constat qui en découle est stupéfiant : le niveau de vie des humains a véritablement stagné pendant 2,5 millions d’années, pour ensuite exploser à la hausse vers la fin du 18e siècle. En fait, l’humain moyen de 1750 avait un niveau de vie plus près de l’homme de Cro-magnon que de l’humain moderne de 2010 !


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Que s’est-il donc passé au 18e siècle pour déclencher une telle amélioration du niveau de vie des humains ? Le principal moteur de création de richesse est la liberté économique. Se pourrait-il donc qu’une augmentation drastique de la liberté économique se soit produite au 18e siècle, engendrant une croissance économique et une prospérité jamais vue auparavant ? C’est en effet ce qui s’est produit !

 

Celui que l’on considère comme le père du libéralisme est un philosophe anglais du nom de John Locke. Dans ses publications de la fin du 17e siècle, Locke démontrait que la propriété est un droit naturel de l’humain, étant le résultat de son travail. Il affirmait que c’est du peuple que l’État obtient son pouvoir de gouverner, et non d’une autorité supernaturelle ou divine, tel que le prétendait la monarchie à l’époque. Comme le peuple ne peut octroyer à l’État un pouvoir qu’il ne détient pas, il en va de soi que le pouvoir de l’État ne puisse pas excéder le pouvoir des individus qu’il gouverne. Le pouvoir de l’État doit être limité et non-arbitraire.

Les idées de Locke ont servi de base aux révolutions qui ont eu lieu à travers le monde durant le Siècle des Lumières (1688-1789). Il y eut d’abord la Révolution Glorieuse en Angleterre (1688), qui fut suivie de l’établissement du Parlement et de la charte des droits, ainsi que d’une réduction du pouvoir arbitraire de la monarchie. Il y eut aussi la Révolution Française (1789) et, bien entendu, la Révolution Américaine (1776), dont la Déclaration d’Indépendance et la constitution furent directement inspirées des écrits de Locke, qui eut une grande influence sur les Pères Fondateurs.

Ces révolutions ont eu comme impact d’anéantir la féodalité et d’abolir les diverses monarchies absolues à travers l’Europe, libérant ainsi le peuple de cette oppression économique et politique. Ces nouveaux systèmes politiques allaient être basés sur l’égalité de tous les citoyens devant la loi (« rule of law »), les droits individuels et la propriété privée.

Le système économique qui allait émerger découla des idées d’un dénommé Adam Smith, qui publiait en 1776 l’oeuvre la plus influente de tous les temps dans la sphère économique : La Richesse des Nations. [2] Smith y décrivait l’importance de la spécialisation du travail pour augmenter la production et donc créer de la richesse. Il y défendait aussi le libre-échange, alors qu’à l’époque le protectionnisme était très bien ancré dans les politiques économiques mercantilistes des nations. Il y constatait qu’une économie basée sur le libre-marché était plus productive et enrichissante pour la société.  Il y décrivait finalement un système économique basé sur la propriété et sur la « liberté naturelle » qui allait plus tard être nommé « capitalisme ».  Les bases théoriques du capitalisme libéral allaient par la suite se renforcir grâce aux travaux du Français Jean-Baptiste Say (loi des débouchés) et de l’Anglais David Ricardo (loi des avantages comparatifs).

C’est donc grâce à la libéralisation de l’économie mondiale que le niveau de vie des humains a été catapulté à des niveaux incroyables par rapport à ce qui avait été observé depuis l’aube de l’humanité. La pauvreté, telle que définie en 1750, a été pratiquement éradiquée dans les pays ayant participé à cette libéralisation. Cependant, bien que l’ensemble de la population ait bénéficié de cette immense création de richesse, certains en ont bénéficié plus que d’autres. Cette inégalité a engendré une certaine jalousie chez certains, ce qui a créé une opportunité pour les politiciens d’augmenter leur popularité en séduisant les moins nantis par des mesures de redistribution de richesse. C’est ainsi qu’un renversement de la tendance vers la libéralisation et l’enrichissement collectif a commencé à s’orchestrer.

Ainsi, l’État-providence serait né en Allemagne vers 1880, alors que le chancelier Otto Von Bismark a introduit divers programmes sociaux pour « acheter » la loyauté du peuple envers l’empereur et son régime. [3] Cela n’est pas passé inaperçu du regard des politiciens américains, qui ont commencé à instaurer des programmes pour les vétérans. Ces programmes ont été constamment élargis au fur et à mesure que les politiciens constataient leur efficacité à sécuriser le soutien électoral.

Ceci étant dit, c’est le New Deal de Franklin D. Roosevelt qui a vraiment fait avancer l’État-providence aux États-Unis, notamment avec le Social Security Act de 1935. Ces idées bourgeonnaient depuis longtemps dans l’esprit des socialistes américains et la Grande Dépression allait leur fournir la justification idéale pour les instaurer. Par la suite, les budgets associés au Social Security Act ont été augmenté à chaque élection par des politiciens opportunistes. Le salaire minimum fut introduit en 1938. Le Food Stamp Act en 1964. Les programmes d’assurance-santé Medicare et Medicaid furent instaurés en 1965. Depuis ce temps, la couverture de ces programmes n’a cessé d’augmenter au fil des élections. En 2000, le gouvernement américain couvrait 43% des dépenses médicales alors que c’était seulement 21% en 1960. [4]

Au Québec, c’est la Révolution Tranquille qui, durant les années 1960, a instauré des programmes sociaux, dans le but de sortir la nation de la « grande noirceur ». Pourtant, les choses n’étaient pas si sombres à l’époque. À la veille de la Révolution Tranquille, le Québec n’avait rien d’une société sous-développée. La moitié des francophones occupaient un emploi dans le secteur des services. Durant tout le 20e siècle, la proportion de travailleurs québécois oeuvrant dans le secteur industriel fut comparable aux proportions observées aux États-Unis et dans plusieurs pays européens. On ne constatait pas non plus de retard d’urbanisation dans la province. Le Québec affichait même un taux d’urbanisation supérieur à celui l’Ontario de 1900 jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, et allait se maintenir au-dessus de la moyenne canadienne par la suite. La société québécoise d’avant la Révolution Tranquille comptait aussi de nombreux entrepreneurs francophones dans le domaine industriel et commercial. Dès le 19e siècle, ils se dotent d’institutions financières soutenant l’essor économique régional : banques, sociétés de fiducie et compagnies d’assurance. Les chambres de commerce foisonnaient et se regroupèrent en fédération provinciale dès 1909. En 1935, elle comptait 49 chambres affiliées. En 1953, le Québec affichait le deuxième revenu par habitant le plus élevé au monde après les États-Unis (en excluant le reste du Canada). [5] Dans les circonstances, comment peut-on parler de « grande noirceur »?

Néanmoins, c’est pour s’attirer les votes d’une majorité montante qu’était la génération des « baby-boomers », dont les revenus étaient inférieurs vu leur jeunesse, que les politiciens de l’époque menés par Jean Lesage ont mis en place ces programmes sociaux. Ces réformes ont touché la santé, les services sociaux, l’éducation, la culture et l’interventionnisme économique, notamment par la création de la Régie des Rentes, de la Caisse de Dépôts et par la nationalisation de l’électricité sous Hydro-Québec. L’État-providence québécois n’a pratiquement pas cessé de prendre de l’expansion depuis; intervenant dorénavant dans toutes les sphères de nos vies.

Trop occupés à redistribuer la richesse qu’ils subtilisent pour mousser leur carrière, les politiciens oublient ce qui a permis de créer cette richesse au préalable : la libre coopération des individus cherchant à améliorer leur sort. Pour justifier leurs actes, ils accusent, de façon boiteuse, le capitalisme de tous les maux de la terre : inégalités, crises financières, fraude, corruption, destruction de l’environnement, etc. Ils ne se rendent pas compte que ce sont leurs interventions qui créent ces problèmes en premier lieu et que leurs interventions subséquentes visant à corriger le tir ne font qu’empirer les choses.

La marche arrière vers le vrai capitalisme libéral n’est pas une solution pour eux puisque cela signifierait une diminution de la taille de leur empire et donc de leur prestige et de leur influence, les raisons mêmes de leur implication en politique. Sans oublier le fait qu’il n’est pratiquement pas possible de se faire élire avec un programme visant la réduction de la taille de l’État puisque trop d’électeurs y perdraient au change étant dépendants d’une façon ou d’une autre de l’État.

Bien entendu, la taille de l’État a connu quelques courtes périodes de régression au cours des 30 dernières années aux États-Unis, au Canada et au Québec, sous les gouvernements de Reagan, Clinton, Chrétien et Charest. Cependant, ces brefs et timides épisodes n’ont été que des accidents de parcours et n’ont pas changé la tendance de croissance de l’État. Bien que le socialisme totalitaire ne persiste plus qu’à Cuba, en Chine et en Corée du Nord, le socialisme démocratique continue de progresser. Néanmoins, la croissance économique mondiale a grandement bénéficié de la libéralisation lente et graduelle de la Chine, de l’Inde, de la Russie, du Chili et du Brésil depuis les années ’80. Cependant, plutôt que de s’en réjouir, les pays industrialisés les perçoivent comme une menace et interviennent défavorablement à leur égard ; nuisant à la coopération économique mondiale et surtout à leur propre population.

Les programmes sociaux déresponsabilisent les individus et les rendent dépendants de l’État. Ils ne contribuent pas à éradiquer la pauvreté, mais plutôt à entretenir celle-ci. Ils détruisent la richesse et encourage le parasitisme. Comme disait le disait Bastiat : « L’État, c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde. »

Évidemment, ces programmes de dépenses, aujourd’hui gigantesques, ont dû être financés, d’abord par des taxes et impôts croissants, puis par l’endettement et la création de monnaie. Ce n’est pas pour rien que les banques centrales des États-Unis et du Canada ont été créées au début du 20esiècle, en même temps que la progression de l’État-providence. Nous avons donc observé une augmentation constante de l’endettement gouvernemental dans les pays industrialisés.

Il y a quelques décennies, cet endettement était soutenu par une croissance économique plus ou moins forte, aidée par une bonne croissance démographique, et donc par l’augmentation des recettes fiscale de l’État, mais dans les années 2000, un gros problème s’est pointé à l’horizon. Nés en 1946, les premiers baby-boomers ont fêté leur 65e anniversaire en 2010-2011 et auront atteint l’âge normal de la retraite, alors que plusieurs d’entre eux bénéficient d’une retraite anticipée. Nous observons donc une baisse de la population active et une augmentation de la population inactive. Selon le scénario de référence de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), en 2031, il y aura deux travailleurs pour un retraité. En 2001, ce ratio était de cinq travailleurs pour un retraité.

En quoi cela est-il un problème ? Si la population active diminue, la production aussi diminue, ce qui est un problème majeur pour l’État puisque ses recettes fiscales diminueront alors que ses dépenses continueront d’augmenter. En outre, les retraités sont de grands consommateurs de services sociaux, surtout en santé. Cette situation est exacerbée par les mauvais rendements des caisses de retraite ces dernières années ainsi que par les mauvais rendements boursiers durant la dernière décennie, qui ont grugé le peu d’épargne existant. D’ailleurs, au 20e siècle, les banques centrales ont créé de la monnaie à profusion pour stimuler l’économie, faisant baisser les taux d’intérêt pour encourager l’endettement au détriment de l’épargne. Le résultat est que la population est endettée et dispose de peu de fonds pour la retraite.

Devant ces faits, les programmes sociaux de l’État apparaissent insoutenables. D’ailleurs, la plupart des pays industrialisés voient leurs gouvernements rapporter des déficits budgétaires chroniques. Autrement dit, on s’endette pour payer « l’épicerie ». Le niveau d’endettement de ces pays a atteint un niveau qui donne la frousse aux marchés financiers. Nous avons vu les problèmes financiers encourus par la Grèce et plusieurs autres pays européens en 2010. Il est à prévoir que d’autres pays se retrouveront dans cette situation bientôt, incluant les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et le Québec.

Ces pays font alors face à trois choix : hausser les taxes et impôts au risque de grandement nuire à l’économie ; monétiser la dette en créant de la monnaie au risque de générer de l’hyper-inflation et de provoquer une forte hausse des taux d’intérêt qui nuirait à l’économie et aux finances de l’État ; ou réduire les dépenses au risque de se mettre les dépendants de l’État et les fonctionnaires à dos, un véritable suicide politique. Il y a fort à parier que les deux premières solutions seront considérées par les politiciens, même si cela impliquera la dilapidation du capital productif de l’économie, lequel permet de générer la richesse.

Les bénéficiaires des largesses du gouvernement que sont les fonctionnaires, les assistés sociaux et tous ces groupes de pression qui financent les campagnes des politiciens dans le but d’en soutirer des privilèges, continueront de protéger leurs acquis au détriment du reste de la population puisqu’ils détiennent l’hégémonie sur le processus électoral. L’intervention de l’État dans la sphère monétaire dans le but de maintenir une inflation positive et constante continuera d’affaiblir le pouvoir d’achat des gens et de générer de l’endettement, des bulles spéculatives et de violents cycles économiques se terminant par de terribles récessions. Depuis la crise financière de 2008, la règlementation et le protectionnisme sont aussi en forte progression dans le monde, au détriment de la liberté économique.

En somme, la progression de l’interventionnisme étatique au détriment de la liberté économique est en train d’atteindre son apogée. Le choc démographique pourrait très bien sonner le glas de l’État-providence, qui est déjà en faillite, mais quelle sera l’ampleur des dommages à notre niveau de vie d’ici là ?

La solution

La solution à cet impasse est fort simple : l’État doit se rétracter et cesser d’intervenir dans l’économie, lassant le champ libre aux créateurs de richesse.

Tout d’abord, l’État doit cesser de manipuler la monnaie et abolir la politique monétaire. Un retour à l’étalon-or ou la solution de Milton Friedman devraient être considérés. L’État doit cesser d’agir en tant que prêteur de dernier recours pour les banques, ce qui leur permet d’opérer avec de faibles réserves. De plus, les droits de propriété des déposants doivent être respectés par les banques (c’est-à-dire que les banques doivent cesser de s’approprier les dépôts à vue pour les utiliser à leur avantage). Ainsi, l’ampleur des bulles et des boums économiques serait fortement réduite et le capital cesserait d’être gaspillé à des fins non-productives.

En second lieu, l’État doit libérer le commerce international ; c’est-à-dire anéantir unilatéralement l’ensemble des mesures protectionnistes encore en vigueur. Cela aura comme impact de grandement augmenter le pouvoir d’achat de la population et de rendre nos entreprises plus compétitives.

Troisièmement, l’État doit diminuer ses dépenses de façon à pouvoir diminuer le fardeau fiscal des contribuables. Nous pourrions commencer par les dépenses militaires, qui devraient être strictement limitées à la défense préventive du pays. L’élimination totale des subventions aux entreprises serait aussi de mise.

Évidemment, il faudrait aussi que l’État réduise l’ampleur de sa dispendieuse bureaucratie. Une bonne façon d’y parvenir serait par la privatisation de certains services publics. Les entreprises privées sont motivées par le profit, ce qui implique qu’elles ne peuvent pas se permettre d’entretenir une trop lourde bureaucratie. La bureaucratie est présentement omniprésente dans les systèmes de santé et d’éducation du Québec, alors que ces ministères accaparent la part du lion des dépenses du gouvernement. Notez que le financement public de ces services n’implique pas nécessairement que la prestation du service doive aussi être publique.

L’autre façon de réduire la bureaucratie est de réduire la règlementation excessive qui non seulement constitue une entrave à des échanges volontaires entre individus consentants et crée des distorsions néfastes, mais nuit aussi au dynamisme de l’économie et donc à notre niveau de vie. La règlementation du marché du travail devrait notamment être allégée et le pouvoir excessif des syndicats réduit.

Finalement, les programmes sociaux devraient être simplifiés et réduits de façon à maintenir un certain « filet de sécurité » pour les moins bien nantis sans toutefois entretenir une classe parasitaire et influencer le comportement des individus. À cet égard, le revenu minimum du citoyen ou l’impôt négatif sont des solutions à considérer.

Ces réductions de dépenses pourraient être utilisées pour réduire les taxes et impôts. Une bonne partie de cette réduction du fardeau fiscal serait réinvestie dans le capital productif de l’économie à travers l’épargne, contribuant ainsi à augmenter notre niveau de vie. L’introduction d’un taux d’imposition fixe serait aussi souhaitable, de façon à ne plus décourager la prise de risque, le travail et l’excellence, de même qu’une simplification de la loi de l’impôt.

La démocratie est malade. Nous sommes menés par des politiciens corrompus qui dispose de plus de pouvoir que jamais au cours des 150 dernières années. Ils abusent constamment de leur pouvoir, menés par des groupes de pression qui font passer leurs intérêts au détriment de ceux de la population. Le système politique est complètement monopolisé par des socialistes de gauche et des socialistes de droite, qui croient que le gouvernement est la solution à tous nos problèmes alors que le gouvernement EST le problème ; par des partis biens financés qui dilapident l’argent des contribuables pour acheter les clientèles électorales nécessaires à garder le pouvoir. La démocratie est en train de devenir une forme de viol collectif dans lequel les violeurs, qui sont en majorité, n’ont que faire des objections de la pauvre victime, les simples contribuables.

Alexis de Tocqueville l’expliquait déjà dans De la Démocratie en Amérique, publié en 1835. Dans cette oeuvre célèbre, il fait l’analyse de la démocratie aux États-Unis, ce jeune pays libre regorgeant d’entrepreneurs dynamiques et individualistes : « La république américaine durera jusqu’au jour ou le Congrès découvrira qu’il peu corrompre le public avec l’argent du public. »

Le confort relatif qui a rendu la population indifférente à cette problématique n’est pas là pour rester. Il est impératif que la population réalise que nous sommes bien engagés sur la route de la servitude et de la pauvreté.

Notes :

[1] « Estimating world GDP, one million B.C. to present », Bradford DeLong, University of California, Berkeley.
[2] “An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations”, Adam Smith, 1776.
[3] « The Welfare State and the Promise of Protection”, Robert Higgs, Mises Institute, 24 août 2009.
[4] « What’s Really Wrong with the Healthcare Industry”, Vijay Boyapati, Mises Institute, 26 mai 2010.
[5] « La Révolution Tranquille, Rupture ou Tournant? », Jacques Rouillard, Journal of Canadian Studies/Revue d’études canadiennes, vol. 32, 4 (hiver 1998), p. 23-51.


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