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International Civil Liberties

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The International Civil Liberties Alliance is a project of the Center for Vigilant Freedom Inc.  We are an international network of groups and individuals from diverse backgrounds, nationalities and cultures who strive to defend civil liberties, freedom of expression and constitutional democracy.

We aim to promote the secular rule of law, which we believe to be the basis of harmony and mutual respect between individuals and groups in the increasingly globalised world, and to draw attention to efforts to subvert it.  We believe in equality before the law, equality between men and women, and the rights of the individual and are open to participation by all people who respect these principles.

We believe that freedom of speech is the essential prerequisite for free and just societies, secular law, and the rights of the individual.

We are committed to building and participating in coalitions in all parts of the world to effect significant progress in protecting rights of the individual which are sadly being eroded in many countries including those in the West.


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The Center for Vigilant Freedom

11 juin 2010 5 11 /06 /juin /2010 03:42
Excellente vidéo sur Rutube extraite de l'émission "100% foot" de l'ancien footballeur de l'Equipe de France, Vikash Dhooraso, qui met les pieds dans le plat de l'islamisation de cette équipe et de l'ignominie de son sélectionneur : buffet halal imposé à tous les joueurs, pas de boudin créole ou de colombo de porc pour Malouda, pas de charcuterie bretonne, pyrénéenne ou catalane pour Gignac, Gourcuff ou Lloris, tout le monde au régime halal !

Vikash Dhorasoo ne semble pas avoir quant à lui exigé de régime végétarien ni hindouiste, ni sikh, lorsqu'il chaussait les crampons, sûr que les musulmans de l'équipe ne risquaient pas de pousser à sélectionner un de ceux qui s'expriment avec une telle franchise, bravo Vikash.
 

La sueur paye, cousin : les vrais salaires des Bleus

 

"Il faut te battre pour tes études ma fille, la sueur paye, tu verras" me disait mon père. J'ai emprunté 30000 euros pour financer mes études que je rembourserai encore les huit prochaines années. A 1300 euros mensuels après deux DESS, et à la vue du match d'hier soir, j'ai compris que mon père était le vrai génie de la famille. La preuve par le compte bancaire des guignols d'hier soir. Bilan chiffré de l'enquête.

Ces salaires ne tiennent pas compte des primes de match (prime de motivation par match (sic), prime de but, prime de qualification pour diverses coupes, prime de classement, prime de titre) et ne tiennent pas compte non plus des contrats publicitaires, souvent titanesques, des joueurs ci-dessous, ni les primes de qualification à cette Coupe du Monde (+ primes liées aux droits marketing des Bleus de 563.111 euros par joueur).  On ne tient pas compte non plus des 10.000 euros touchés par joueur lorsqu'ils étaient convoqués pour un match de qualification, qu'ils jouent ou non. Au passage, la FFF ajoute même quelques précisions, notamment sur les barèmes qui s'appliquent aux matches amicaux (18.000 euros par joueur en cas de victoire contre une équipe qui figure dans le Top 10 au classement Fifa, 9.000 euros pour un match nul), et sur certains frais liés à d'autres dépenses. Le Monde nous apprend ainsi que les voyages préparatoires à l'organisation du futur déplacement en Afrique du Sud ont coûté 116.000 euros et que Fabien Barthez a touché 7.000 euros pour ses missions auprès des gardiens de l'équipe de France. Le gardien champion du monde s'est en revanche vu refuser le règlement d'une note de frais de taxi de 1.000 euros, preuve pour la FFF qu'elle reste vigilante sur ses dépenses.

  • Raymond Domenech, en plus de sa prime de 862000 euros pour sa qualification à la Coupe du Monde 2010 en Afrique du Sud, touche un salaire de 47000 euros nets mensuels depuis 2004. (bonus de 30000 par victoire et 15000 par match nul).
  • Franck Ribéry [Bayern Munich], l'homme qui a exigé la tête de Gourcuff en Afrique du Sud : salaire de 835000 euros nets mensuels depuis la dernière revalorisation de son contrat au Bayern Munich.
  • Thierry Henry [remplaçant au FC Barcelone] : 1,5 millions d'euros nets mensuels.
  • Karim Benzema [remplaçant au Real Madrid], le fan de Rohff, ex-client de Zahia,  : 708000 euros nets mensuels.
  • Eric Abidal [FC Barcelone], le responsable direct des deux buts mexicains hier soir : 535000 euros nets mensuels.
  • Evra [Manchester United], le capitaine des Bleus : 400000 euros nets mensuels.
  • William Gallas [Arsenal], complètement cramé, continue de toucher 550000 euros nets mensuels.
  • Jérémy Toulalan [Olympique Lyonnais], un des rares joueurs combattifs de cette Coupe du Monde : 260000 euros nets mensuels.
  • Djibril Cissé [Panathinaikos] : 400000 euros nets mensuels.
  • Bacary Sagna [Arsenal]: 216000 euros nets mensuels.
  • Hugo lloris [Olympique Lyonnais]: 210000 euros nets mensuels.
  • Abou Diaby [Arsenal] : 292000 euros nets mensuels.
  • Sydney Govou [Olympique Lyonnais, en fin de contrat] : (ex-client de Zahia) 375000 nets mensuels.
  • Yohann Gourcuff [Girondins de Bordeaux], vrai talent mais victime d'une mise à l'écart orchestrée par le caïd Ribery pour délit d'éducation et de belle gueule : 310000 euros nets mensuels. 

 

 

 J'espère que c'est assez clair : mettez vos progénitures au foot dès la rentrée prochaine. Revendez vos écrans plats, misez sur la sueur et devenez l'agent de votre champion en herbe, 10% sur ses revenus, les frères Anelka vous le diront, c'est pas les affaires cousin, c'est la famille.

Karen Sedviv


Mes excuses aux fans de Nathalie Portman


 

  Thuram, 20000 euros à l'heure et un bestseller

 

Les Étoiles Noires best-seller. Retour sur l'homme qui va foutre une raclée planétaire au racisme (à 20000 euros de l'heure)

 


Lorsqu'on s'attaque à Lillian Thuram le penseur (Nous verrons que lui et moi avons en commun les oxymores), il faut d'abord rappeler qu'il est membre du Haut conseil à l'intégration, qu'il soutient l'idée lumineuse d'organiser une coupe du monde de football en Israël et en Palestine, et qu'il critique sans réserve notre pays sarkoïsé depuis son Italie de résidence.  Communautariste jusqu'aux prénoms de ses fils (Khéphren et Marcus), et en dépit de quelques coups d'éclats, comme l'invitation de clandestins dans les tribunes du stade de France, Lillian Thuram ne doit pas être jugé hâtivement. Le renvoyer constamment à sur son gazon de footballeur est un peu facile.

Concentrons-nous très fort et admettons que Thuram pense. Affirmer qu'il ne suffit pas de soutenir son menton avec trois doigts en portant des lunettes pour devenir un intellectuel est un peu facile. D'autres ont été qualifiés d'intellectuels pour moins que ça… 

Avant de parler de son bouquin, et pour comprendre le parcours improbable de Thuram, du football à la réflexion, il faut aller sur son site officiel (la fondation Lilian Thuram, sous-titré modestement "éducation contre le racisme"). On peut relever quelques détails amusants : dans la rubrique Lilian Thuram, il y a deux articles. "Qui est Lilian" et "Il n'y a qu'une seule race, la race humaine". Ce second article contient une vidéo, où un tas de gens très bien écrivent cette même phrase sur un tableau (noir) avec une craie (blanche), comme d'excellents écoliers. Ceux qui s'attendaient à un développement seront déçus : c'est bien plus simple. Il suffit de le dire, de l'écrire et de l'apprendre par cœur. Une méthode d'enseignement pourtant décriée… Mais la cause est bonne, donc on passe l'éponge (pas sur le tableau, malheureux !).



En parcourant le site, maintenant qu'on a bien en tête la phrase magique, on comprend très vite qu'une certaine partie de cette race unique l'obsède.

Pour résumer, le site prétend "comprendre le racisme et apprendre à lutter contre les préjugés". Pour ce faire, le site réclame… des dons. Ben oui, le nerf de la guerre, quelle qu'elle soit, ne change pas. Attention, ce n'est pas un combat vain : "Nous devons nous mobiliser jusqu'à ce que le racisme disparaisse", peut-on lire. Sur le côté, les rubriques se succèdent : "Pourquoi le racisme existe-t-il encore ? Ne sommes-nous tous pas un peu racistes ? Nous prennent-ils vraiment nos emplois ?"

Si les races n'existent pas, on sent que le racisme se porte à merveille. Dans la rubrique Projets, on tombe sur "Des noirs dans les bleus". Des articles exclusivement consacrés aux noirs de l'équipe de France. Oui, c'est une sélection raciale, mais c'est pour la bonne cause. D'ailleurs, toujours pour la bonne cause, rappelons que Thuram facture la leçon d'antiracisme à 20 000 euros. Oui, faut pas déconner quand même. Une Étoile Noire, ça se paye cash.

C'est Dernières Nouvelles d'Alsace qui raconte : "Adrien Zeller avait invité l'ex-footballeur, connu pour ses engagements contre le racisme, à venir témoigner face à des lycéens, pour la clôture du Mois de l'Autre. Thuram a répondu avec un tarif : 20 000 € pour une intervention d'une heure et demie. La Région a fait une nouvelle tentative en expliquant le sens de la démarche qu'elle mène auprès des jeunes, avec le rectorat, en faveur de la tolérance ; elle ne pouvait lui proposer que 1 500 €, tous frais payés. Nouveau refus de Thuram. « On ne vit hélas pas dans le même monde », lui a alors écrit Adrien Zeller en faisant référence à celui du foot pourri par l'argent".

[650, 300]

Ceci posé, parlons-en, de ses Étoiles Noires. Patrick Lozès a dû mouiller sa culotte en lisant les chiffres de vente. Avec 12 000 exemplaires écoulés en 9 jours, et désormais 70000 ventes au compteur (mieux qu'Ennemis Publics avec tout de même Houellebecq au volant), le livre fait un joli carton. 

Suffit de comparer à BHL, qui plafonne à 3000 et 5000 ventes avec ses deux derniers bouquins, à Yann Moix qui atteint péniblement les 1000 ventes, alors que Valérie Pécresse, par exemple, a vendu… 269 exemplaires de son dernier livre.

La terreur de Thuram, c'est de "banaliser le discours du Front national". Ce qui ne peut que s'applaudir des deux mains et des deux pieds, sauf que pour quelqu'un qui joue les intellectuels, c'est mal parti. L'objectivité, pour exister, devrait éviter de prêter serment à l'antiracisme réglementaire.

Passons. Lilian explique que ce livre s'inscrit en réaction à ce qu'on lui a enseigné, c'est-à-dire une "histoire de blancs". Étrange, alors qu'on enseigne l'histoire de Toussaint Louverture, de Martin Luther King et de Mandela depuis déjà un certain temps… Le problème, c'est que cette histoire de blancs n'a pas été écrite pour exclure les noirs. À l'inverse du livre de Thuram, qui est objectivement une sélection raciale, consciente et assumée. La race humaine est peut-être une, n'empêche qu'elle se divise au moins en deux catégories : ceux qui peuvent discriminer, et ceux qui ne peuvent pas. Nous ne sommes plus à une incohérence près dans l'antiracisme. N'y prêtons donc pas attention et passons à ce fameux bouquin.

D'abord, le titre. Attention, interdiction de rire (sinon, c'est le procès). Mes Étoiles Noires. C'est du lourd. Un peu comme le "Soleil noir" de Villepin, on sort la grosse oxymore qui, dans l'esprit sagace des lecteurs de Thuram, aura surement l'air inédite.

Le sous-titre : De Lucy à Barack Obama. Non, ce n'est pas une oxymore… Il aurait presque pu ajouter : "La boucle est bouclée".

Barack Obama, premier président beige des États-unis (englué dans une marée noire qui n'a rien à voir avec une étoile), et Lucy, australopithèque de son état, vague cousine du genre homo, peu médiatisée en son temps et qui n'a sans doute jamais été élue nulle part… La comparaison est gonflée pour le commun des mortels. Thuram a ici totalement raison d'être noir, à défaut de quoi il serait sans doute classé parmi les nauséabonds.

Le journal l'Humanité, nullement choqué par l'obsession raciale du livre,  s'enflamme en ces termes : "Rares sont les enfants et les adultes à pouvoir citer un philosophe noir, un scientifique noir ou un pharaon noir".

Il faut le reconnaitre ! Même si cet argument sonne presque comme un engagement à recenser les philosophes et les scientifiques noirs… Quant aux citations pharaoniques, il faut bien avouer que, noirs ou blancs, ce n'est pas ce que l'on retient le mieux du programme scolaire. Une lacune à étudier de près. Au passage, L'Huma nous informe que le but du livre est de "briser les préjugés".  "Lilian Thuram a choisi quarante cinq personnes qui ont refusé d’être d’éternelles victimes, qui ont dit « non » à l’esclavage ou à la discrimination raciale". Les Noirs de l'Huma sont donc d'abord et avant tout des victimes de l'esclavage et de la discrimination. Oh, le beau préjugé.

Le reste vous attend : quarante cinq hagiographies sommaires et naïves, quelques entretiens indigestes et soporifiques, et un style à la hauteur de l'ensemble, c'est-à-dire passablement lourd. Bref, un bouquin parfait pour les salles de classes. Voilà pour la publicité, toutefois loin d'être à la hauteur de l'œuvre du génial défenseur qui fit les belles heures de l'équipe de France. Vous n'avez plus qu'à vous ruer en librairie, faire un don à la fondation Lilian Thuram, et répéter après lui.

Laurent Obertone

Sur le RING

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9 juin 2010 3 09 /06 /juin /2010 01:25
"Pour simplement survivre et préserver nos précieux droits et libertés, nos cultures, nos religions et nos civilisations, nous devons déclarer une guerre idéologique au djihad universel. Il faut le faire maintenant : il y a longtemps qu’il nous a déclaré la guerre". - Vijay Kumar

Dans cet article publié sur le blog Political Islam, l'américain Vijay Kumar propose une stratégie mondiale pour mettre fin au djihad universel, définitivement.

Flag_of_jihad

 

Aussi posté sur Muslims Against Sharia et Bivouac-ID

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Le djihad universel : la guerre mondiale de l’islam radical contre les démocraties libérales, par Vijay Kumar

Le 11 septembre 2001, une guerre a débarqué sur nos rivages avec un meurtre de masse commis par une bande d’hommes liés par une idéologie militante. Les États-Unis ont répondu par ce qu’on a appelé la « guerre contre le terrorisme », un réflexe qui s’est avéré aussi inefficace que coûteux. 

Nous avons dépensé plus de mille milliards de dollars dans les invasions de l’Afghanistan et de l’Irak. Plus de 5000 soldats américains ont été tués au cours des huit dernières années, et des dizaines de milliers ont été blessés.

Que nous ont apporté ces flots de sang et d’argent ?

Il n’y a pas eu de victoire durable des États-Unis. Il n’y a pas de victoire, ni stratégique, ni politique, ni morale. Et il n’y a pas de paix. Le terrorisme islamique continue à travers le monde comme si de rien n’était. 

L’administration Obama veut maintenant éviter toute connotation déplaisante de l’expression « guerre contre le terrorisme » et s’enfonce encore davantage dans l’ambiguïté en parlant désormais des « opérations de contingence à l’étranger ». Mais c’est toujours la même guerre perdante, toujours aussi coûteuse, toujours aussi inefficace.

Une « guerre contre le terrorisme » est une guerre contre des ombres, une guerre contre rien et contre personne. C’est la démarche d’un insensé.

La « guerre contre le terrorisme » - quel que soit le nom qu’on lui donne - menée par les administrations Bush et Obama, est un échec, et cela pour une raison toute simple : une « guerre contre le terrorisme », cela n’existe pas. Le terrorisme est une technique, une méthode, une arme, un moyen utilisé pour atteindre un objectif. Ce n’est pas un ennemi identifiable, et encore moins susceptible d’être combattu efficacement. Une « guerre contre le terrorisme » est une guerre contre des ombres, une guerre contre rien et contre personne. C’est la démarche d’un insensé.

Et pourtant, une guerre fait rage. Dirigée contre des nations, des cultures et des civilisations entières, elle faisait rage depuis 1400 ans avant d’atteindre nos rivages. C’est le djihad universel, la guerre mondiale éternelle contre toutes les nations infidèles. 

 

Avant que l’islam politique ne vienne supplanter le christianisme, la Turquie, la Syrie, le Liban et l’Egypte étaient des pays chrétiens. Avant que l’islam radical ne ravage leurs civilisations et leurs cultures, l’Afghanistan était bouddhiste, l’Iran était zoroastrien, et le Pakistan était hindou.

L’interminable conflit entre Israéliens et Palestiniens n’est pas une banale querelle isolée sur le territoire ou entre factions, ou aucune des autres fausses raisons qu’on lui trouve. C’est simplement l’un des fronts de la guerre impérialiste menée par le djihad universel pour dominer l’esprit et le cœur des hommes. Il n’y a jamais eu là-bas de paix durable parce que l’islam politique n’a aucune envie de faire la paix avec des infidèles - et, pour lui, tout homme, toute femme, tout enfant non musulman, où que ce soit dans le monde, est un infidèle. 

La crise du Moyen-Orient est sans fin parce que l’islam politique ne cède jamais à une autre idéologie. Il ne croit pas à la coexistence pacifique, et ne l’autorise pas. Le problème, ce ne sont ni les juifs ni Israël. La seule chose qui perpétue le conflit en un affrontement insoluble et interminable, c’est l’idéologie suprémaciste universelle qui exige la soumission des juifs, des chrétiens, des hindous, des bouddhistes, des Chinois, de l’Occident et de l’Afrique subsaharienne. 

En islam politique, aucune forme de paix permanente avec les infidèles n’est envisagée.

L’objectif du djihad universel, sa mission, sa raison d’être, est la soumission des infidèles et de leurs nations - toutes leurs nations - par la conversion, par la domination ou par la mort. En islam politique, il n’y a pas d’autre choix. Aucune forme de paix permanente avec les infidèles n’est envisagée. 

Là où ils sont démographiquement et politiquement faibles, les musulmans peuvent proposer une trêve. Mais la différence entre trêve et paix est importante : la trêve est un stratagème temporaire destiné à se donner le temps de se renforcer, la paix est un respect mutuel durable. Les musulmans ne souhaitent pas la paix, jamais, avec les infidèles, considérés comme des inférieurs. Là où ils sont forts, les musulmans mènent le djihad universel, une guerre mondiale contre les infidèles. Le djihad est l’impératif de l’islam politique, il est commandé par les écritures, et les infidèles en sont la cible.

Pour le djihad universel, par conséquent, toutes les tactiques, tous les moyens, toutes les armes se justifient, de sorte que le terrorisme et le meurtre de masse sont considérés comme des méthodes parfaitement licites pour atteindre ses objectifs théologiques et politiques.

Le meurtrier de masse responsable de l’attentat de Lockerbie a récemment été accueilli en héros par la Libye, parce que c’est un héros de guerre du djihad universel conduit par l’islam. 

L’assassinat de masse du 11 septembre 2001 aux États-Unis était un acte saint, et il a été non seulement approuvé mais aussi fêté. 

Le djihad universel est une guerre contre la pierre angulaire des principes démocratiques : les droits de la personne et les libertés.

La doctrine du djihad universel a un objectif global très clair : la suprématie de l’islam partout dans le monde. Elle exige la suprématie théologique, politique et culturelle - c’est à dire l’impérialisme islamique - sur le monde entier. Il n’y a pas de place pour le pluralisme politique.

Dans l’islam politique, aucune loi n’est valable hormis la loi islamique, la charia. Les constitutions des démocraties libérales ne sont rien d’autre que les égarements d’hommes faillibles et ne valent même pas le papier et l’encre gaspillés pour les écrire. Le djihad universel est une guerre contre la pierre angulaire des principes démocratiques : les droits de la personne et les libertés. C’est une guerre déclarée contre l’existence même de la démocratie et de la liberté de pensée dans le monde. 

L’impérialisme islamique est la plus grande force impérialiste que le monde ait jamais connue. Il y a peu de temps encore, l’Occident était dans une large mesure isolé et protégé du djihad universel par des barrières géographiques et technologiques. Aujourd’hui, tout cela a changé. 

Les États-Unis ne sont guère que l’une des nations le plus récemment prises comme cible par le djihad universel pour attaque et invasion. Il serait puéril de penser que c’est à cause du soutien de l’Amérique à Israël que le djihad universel a étendu à l’Occident sa guerre de 1400 ans. Le djihad universel précède de mille ans la naissance des États-Unis et d’Israël, et il a déjà conquis la quasi-totalité du Moyen-Orient et des parties de l’Europe.

L’islam politique est un état dans l’état, quelle que soit la nation où il pénètre.

L’Amérique est soumise aux mêmes stratégies et tactiques, déclarées ou secrètes. Le terrorisme n’est que l’une de ces tactiques.

La conquête démographique est la forme de conquête la plus constante. L’infiltration légale et illégale de combattants du djihad universel en Europe occidentale et en Amérique du nord est en train de modifier radicalement le tissu même de la civilisation occidentale. L’islam politique est un état dans l’état, quelle que soit la nation où il pénètre.

L’islam politique voit le monde comme divisé en deux camps éternellement opposés : le Dar al Harb (« Maison de la guerre », gouvernée par les infidèles) et le Dar al Islam (« Maison de la paix », sous la loi des musulmans). Toute terre qui n’est pas islamique et régie par les musulmans est considérée comme terre de la guerre. Le djihad universel a l’obligation théologique de conquérir les nations non musulmanes par tous moyens et de remplacer les gouvernements des hommes par la théocratie islamique. L’assimilation de l’islam dans une société hôte est donc tout simplement impensable.

Ce que l’esprit occidental n’a pas su comprendre c’est que, dans l’islam, la séparation de l’église et de l’état est catégoriquement, définitivement, impossible : c’est dans les écritures, c’est dans le dogme. 

L’impérialisme intrinsèque au djihad universel constitue pour les démocraties libérales une menace bien plus terrible que le nazisme et le communisme à eux deux.

C’est pourquoi l’impérialisme intrinsèque au djihad universel constitue pour les démocraties libérales une menace bien plus terrible que le nazisme et le communisme à eux deux. Contrairement aux islamistes, les nazis et les communistes n’avaient pour eux ni métaphysique transcendante ni force démographique globale. Le nazisme a été vaincu dans les dix ans suivant son arrivée au pouvoir en Allemagne, et le communisme s’est effondré à cause de ses propres contradictions internes ; la Russie postcommuniste et l’Allemagne postnazie sont devenues des démocraties libérales.

Ce n’est pas le cas des nations et civilisations conquises par le djihad universel.
Il y a mille ans, en Inde, les hindous se trouvaient dans la même situation que le monde occidental aujourd’hui. Leur vision du monde était trop rationnelle, leurs idées métaphysiques trop abstraites et tolérantes. Leur principe de non-violence même envers ceux qui voulaient les annihiler, eux et leur mode de vie, était leur pire erreur. Une erreur fatale. L’attitude actuelle du monde occidental rappelle celle des anciens hindous. 

 

La crise actuelle entre l’Occident et la doctrine du djihad universel est d’ordre philosophique.

La crise actuelle entre l’Occident et la doctrine du djihad universel est d’ordre philosophique, c’est une guerre du rationalisme et de la liberté intellectuelle contre un dogme théologique virulent. Mais c’est une guerre. Elle a été déclarée il y a 1400 ans. Elle aborde aujourd’hui aux rivages de l’Amérique. 

Depuis le début, le djihad universel gagne grâce à sa patience et sa ténacité universelles, fruits de sa métaphysique transcendantale et de sa conviction centrale qui veut que le monde entier soit destiné à être gouverné par la théocratie islamique. Ce qui lui manque en technologie, il le compense par sa force démographique, par sa diversité géographique, par sa clarté idéologique et par un fanatisme qui relève du quotidien le plus banal. 

La menace se complique de l’ignorance qui règne parmi les fidèles. Sur les quelque 1,5 milliards de musulmans que compterait le monde, 90 % ne parlent pas arabe, et pourtant les plus radicaux des théologiens de l’islam proclament que le Coran ne peut pas être traduit dans une autre langue. Si l’on s’en tient à cette affirmation, 90 % des musulmans s’accrochent aux contours d’un dogme qu’ils n’ont aucune chance de parvenir à comprendre complètement. 

L’enjeu, ce sont nos libertés intellectuelles et spirituelles, et les principes les plus précieux de la démocratie. Pour les préserver, il nous faut gagner cette guerre que nous n’avons pas voulue. La seule alternative est la capitulation sans conditions. Le djihad universel est le produit d’une idéologie militante, pas le contraire. Tant que nous n’affronterons pas cette idéologie pour ce qu’elle est, de manière logique et tenace, tous nos efforts sont vains et le resteront. 

Les politiciens américains des deux partis n’ont pas su ou voulu définir la vraie nature de l’ennemi et de ses intentions. L’ennemi n’est pas Al Qaïda, ni les talibans, le Hamas, les frères musulmans, ou aucun des groupes islamistes fondamentalistes qui fourmillent par centaines de l’Algérie au Moyen-Orient, à l’Asie du sud et à l’Indonésie. Chacun de ces groupes n’est qu’un tentacule d’un seul et même monstre vorace, le djihad universel. La multiplicité même des factions n’est rien qu’une autre stratégie du djihad universel pour disperser, troubler et affaiblir les infidèles en les forçant à combattre trop d’ennemis sur trop de fronts. Et ça marche.

La crise est universelle et menace pareillement toutes les nations non musulmanes, quels que soient leur héritage, leur culture, leur philosophie ou leur forme de gouvernement.
Le seul véritable ennemi est le djihad universel dans toutes ses manifestations. La crise est universelle et menace pareillement toutes les nations non musulmanes, quels que soient leur héritage, leur culture, leur philosophie ou leur forme de gouvernement. 

La campagne militaire actuellement menée par les États-Unis et par une poignée toujours plus réduite d’alliés fourvoyés dans l’erreur de la « guerre contre le terrorisme » (quel que soit le nom qu’on lui donne) est bien plus qu’inefficace : elle est suicidaire. En huit longues années, elle a gaspillé des milliards de dollars et des milliers de vies innocentes en attaquant les mauvais ennemis, sans toucher aux vrais détenteurs du pouvoir du djihad universel et même en les acceptant en tant qu’« alliés » et partenaires commerciaux.

La guerre en Afghanistan monte en puissance, et les deux derniers mois ont été les deux plus meurtriers des huit longues années de l’intervention américaine. Pourtant, l’Afghanistan n’est qu’un prête-nom pour le Pakistan, l’une des nations qui forment le triumvirat de l’Empire du djihad universel. Au Pakistan, c’est l’agence Inter Services Intelligence qui exerce, en sous-main, la réalité du pouvoir. Grâce à l’argent saoudien, elle a créé les talibans et Al Qaida. C’est elle aussi qui soutient les deux grandes exportations de l’Afghanistan, l’héroïne et le terrorisme, et qui fournit un refuge aux combattants du djihad universel. Pourtant, nous avons fait du Pakistan un « allié ». 

Les sièges de l’Empire du djihad universel sont l’Arabie saoudite, l’Iran et le Pakistan. Ils constituent l’état major général.
Les sièges de l’Empire du djihad universel sont l’Arabie saoudite, l’Iran et le Pakistan. Ils constituent l’état major général. Ce sont des ennemis déclarés de la démocratie et des libertés et droits fondamentaux à travers le monde. Tant qu’ils ne seront pas reconnus, nommés et traités comme tels, le djihad universel continuera à ravager tous les pays et cultures non islamiques, partout dans le monde, et perpétuellement.

Il est possible de gagner définitivement la guerre menée par le djihad universel contre l’humanité et la démocratie. Nous pouvons trouver une solution durable et complète à la plus grave menace impérialiste que la civilisation occidentale ait jamais rencontrée. Nous avons des milliards d’alliés de bonne volonté partout dans le monde. Mais notre succès, notre victoire ne sont possibles que si nous connaissons et nommons le véritable ennemi, si nous connaissons l’ampleur et la réalité de la menace, et si nous lançons des actions décisives et ciblées.

Je l'affirme :

La guerre contre le djihad universel peut être gagnée partout en moins de cinq ans.

Elle peut être gagnée pour moins d’un milliard de dollars.

Elle peut être gagnée sans perte supplémentaire d’aucune vie américaine ou occidentale.

Pour gagner cette guerre qui nous a été déclarée sans que nous soyons en faute, il est d’abord indispensable de reconnaître qu’il s’agit d’une guerre idéologique. C’est la théocratie totalitaire islamique contre les droits et libertés fondamentaux et contre toutes les démocraties du monde.

Il faut aussi reconnaître que les causes de la pauvreté, de l’illettrisme et de la misère qui règnent dans les pays islamiques sont la surpopulation, la suppression de la liberté intellectuelle, l’hostilité à la pensée critique, et le fait que le gouvernement soit aux mains d’une dictature théocratique. Le colonialisme n’est pas en cause, pas plus que des conspirations sionistes ou anglo-américaines.

Le conflit entre djihad universel et Occident est philosophique. La force est nécessaire pour imposer et maintenir l’ordre, mais la force ne peut pas régner seule. La raison, l’empirisme et la méthode scientifique sont nos plus grandes armes contre le fanatisme religieux de la théocratie militante de l’islam politique.

Les nations non islamiques doivent répertorier correctement la doctrine du djihad universel : c’est un mouvement politique paramilitaire subversif dont l’idéologie centrale, rappelons-le, exige le renversement des formes de gouvernement existantes. Pour les nations civilisées, une pareille subversion en temps de guerre constitue une trahison.

Or le djihad universel est une guerre déclarée. C’est une guerre de l’exclusivisme théologique islamique contre le pluralisme des traditions démocratiques. Ces deux notions sont exclusives l’une de l’autre. La charia islamique est l’antithèse de la liberté intellectuelle et spirituelle de l’individu. Elle s’oppose directement à l’existence même de toute démocratie constitutionnelle, et au simple droit à l’existence de toute autre religion ou croyance. 

Pour gagner dans cette guerre contre le reste de l’humanité, voici donc ce que nous devrons faire :

  • Constituer une alliance générale unifiée des nations contre le djihad universel. Juifs et gentils, anglo-saxons et slaves, hindous et bouddhistes, Norvégiens et Nigérians, tous ont été les victimes du djihad. Aucun impérialisme barbare n’a jamais menacé l’humanité de manière aussi universelle, sans considération des frontières nationales, ethniques, philosophiques ou géopolitiques. Quelles que soient nos différences, nous sommes alliés dans cette guerre, unis contre un ennemi commun impitoyable qui n’aura pas de repos tant que nous, nos cultures et nos nations n’aurons pas été conquis par la conversion, la domination ou la mort. Unis, nous ne pouvons pas être vaincus.
  • Expulser systématiquement tous les avocats du djihad universel de l’islam politique hors de toutes les nations du monde occidental - qui, selon les propres termes de l’islam, constitue le Dar el Harb, le pays de la guerre, gouverné par les infidèles. L’exigence d’un régime théocratique prescrite par l’islam politique est une déclaration de guerre qui appelle au renversement des formes de gouvernement de l’Amérique et de l’Occident, et les adeptes du djihad universel ont commis et approuvé des actes de guerre sur notre sol, contre notre peuple et contre nos nations. C’est de la trahison.
  • En tant qu’alliance unifiée des nations contre le djihad universel, rompre toutes relations commerciales et diplomatiques avec l’Empire du djihad universel : Iran, Pakistan et Arabie saoudite. Maintenir ces sanctions jusqu’à ce que leurs gouvernements, dans une proclamation officielle, désavouent le djihad universel et y renoncent publiquement et formellement.
  • En tant qu’alliance unifiée des nations contre le djihad universel, utiliser l’ensemble des ressources de ces nations pour démilitariser, séculariser et démocratiser l’Empire du djihad universel.
  • En tant qu’alliance unifiée des nations contre le djihad universel, exiger et obtenir de l’Empire du djihad universel une indemnisation juste pour avoir soutenu le terrorisme mondial depuis au moins un demi-siècle.

Si l’une ou l’autre de ces étapes vers la victoire vous paraît extrême ou non démocratique, prenez le temps de réfléchir : elles sont bien plus humaines et civilisées que les stratégies et tactiques de l’islam politique et ses 1400 années de guerre qui ont décimé des civilisations entières et assassiné des millions de personnes. Ces mesures sont bien plus humaines que de lâcher des bombes atomiques sur des populations civiles. Ce ne sont pas quelques « modestes propositions » dans la tradition de Swift. Ce sont des étapes simples, réalisables et nécessaires par lesquelles il faut passer si l’on veut que la raison et les libertés auxquelles l’humanité a accédé avec des milliers d’années d’évolution sociale aient la moindre chance de survivre à l’attaque violente menée par le djihad universel pour imposer par la barbarie et le meurtre de masse une domination totalitaire sur le monde. 

Pour simplement survivre et préserver nos précieux droits et libertés, nos cultures, nos religions et nos civilisations, nous devons déclarer une guerre idéologique au djihad universel. Il faut le faire maintenant : il y a longtemps qu’il nous a déclaré la guerre.

Blogue québécois sur l'islamisme, le multiculturalisme, la liberté d'expression et la langue de bois

 


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 Gilles Kepel

Professeur des universités à l’IEP de Paris, dirige le programme doctoral sur le monde musulman. Il a récemment publié Jihad, expansion et déclin de l’islamisme (Gallimard, 2000) et Chronique d’une guerre d’Orient (Gallimard, 2002).

Le terme jihad est désormais entré sous sa robe arabe dans le vocabulaire du français – comme de la plupart des langues occidentales. Connu des seuls spécialistes il y a encore une dizaine d’années, il est aujourd’hui pour un large public l’objet d’une identification spontanée, au même titre que le sont dans un autre registre, toubib ou ramadan. Pourtant la perception commune de ce mot « translaté » est limitative par rapport à sa vaste carrière sémantique dans son idiome d’origine, l’arabe. Alors qu’il évoque simplement en langue européenne la « guerre sainte » menée par des musulmans contre leurs ennemis – l’envers de la croisade – et a, depuis le 11 septembre 2001, des connotations qui le réduisent quasiment au terrorisme pratiqué par certains militants islamistes –, son usage dans son domaine langagier originel est infiniment plus vaste. Ainsi, Jihad est un prénom porté par musulmans comme chrétiens arabes. Il n’a alors rien de belliqueux : le mot arabe signifie « effort » – l’effort que fait le croyant (même chrétien) pour s’élever par plus de piété sur l’échelle de la perfection humaine. C’est, à ce titre, une haute vertu. Cet effort peut se décliner dans le registre individuel de la foi qui lie la créature au Créateur. On parlera alors du « jihad de l’âme » (jihad an-nafs) ou du « plus grand jihad » (al jihad al akbar) : il désigne, dans le langage des mystiques, l’ascèse qui mène à combattre sans relâche les penchants mondains et les vices à eux attachés (alcoolisme, débauche, déviances diverses), afin de rechercher la perfection psychique, voire la fusion en Dieu.


2 - Mais cet « effort » se réalise aussi au sein de la communauté des croyants et au-delà d’elle, dans le domaine social et politique, pour étendre le domaine de l’islam à l’ensemble de la planète, selon la conception messianique propre à la plupart des religions. Sans entrer ici dans le détail de sa codification, on a distingué, à travers la doctrine comme au long de l’histoire des sociétés musulmanes, deux modalités de ce jihad sociétal. La première, qualifiée d’ordinaire de « jihad offensif », a assuré le gros de l’expansion territoriale du domaine de l’islam, légitimé la conquête – ou « l’ouverture à l’islam » (fath) – des pays où le pouvoir n’était pas musulman. Pour n’évoquer qu’un exemple qui appartient à l’époque moderne, l’expansion européenne de l’empire ottoman était pensée comme un jihad et structurée selon ses règles. Celles-ci codifiaient tant la conduite de la guerre que les modes de capitulation, de soumission, de réduction en esclavage de telle catégorie de vaincus, le pillage de leurs biens, la répartition du butin, etc. Ce « jihad offensif » est considéré par la doctrine comme une « obligation collective » (fard kifaya) : il ne concerne, au nom de la collectivité, que le calife et les membres de son armée ou les volontaires, motivés en principe par un zèle pieux. Il ne perturbe pas plus que toute autre guerre extérieure l’ordre ni la taxonomie sociale, les renforce même en pourvoyant le commandeur des croyants d’une manne provenant de la mise en coupe réglée des territoires soumis qui alimenteront la cassette de l’État et en permettront la redistribution. Avec le temps, ce jihad-là est devenu une ressource financière essentielle pour l’empire – et l’échec de l’armée musulmane devant Vienne en 1683, suivi par le « roll-back » graduel infligé par les États européens, en tarissant pour de bon ce flux de biens et d’argent, a précipité le système ottoman dans un déclin fiscal, militaire et politique dont l’engrenage a conduit à un inéluctable effondrement.


3 - Dans le même registre, jihad fut le nom donné par les barbaresques à la course qui assurait la prospérité d’Alger, Bougie ou Salé : c’était la capture des navires de commerce européens, le butin des cargaisons, la revente des captifs contre rançon et l’approvisionnement des harems des puissants par ces femmes très convoitées à la peau claire dont les entrailles ont porté une part de l’élite maghrébine issue des cités corsaires d’Afrique du Nord. La justification religieuse, en l’espèce, ne constituait guère qu’une légitimation sacrée de la piraterie, une inscription dans l’ordre transcendantal de l’une des pratiques universellement tenues de tout temps comme des plus amorales. Retournant en un bien un mal – grâce à l’invocation d’un principe religieux souverain –, le jihad manifeste ici sa capacité à bouleverser les valeurs communes, soumettant celles-ci à l’impératif supérieur (fût-il simplement prétexté) de la guerre contre les infidèles.


4 - Ce bouleversement de toutes les valeurs se situe au cœur de celle des modalités du jihad qui présente le caractère le plus contraignant : le jihad de défense, proclamé lorsque la « terre d’islam » est attaquée par les non-musulmans. Il s’agit en ce cas d’une « obligation individuelle » (fard ‘ayn) et non plus collective. Chaque croyant est concerné par cette « mobilisation générale » qui proclame « l’Oumma [la communauté des croyants] en danger ». Celui qui le peut doit prendre les armes, toutes affaires cessantes « pour Allah », à défaut il contribue financièrement à la cause et, s’il est réduit au dénuement, il priera à tout le moins pour le triomphe du jihad. Ce jihad défensif pose des problèmes fondamentaux, comparables à ceux que soulève l’état d’exception dans les systèmes juridiques issus du droit romain. En effet, au nom d’un principe supérieur qui est la défense de l’Oumma en danger, il suspend les règles canoniques d’organisation de la communauté – lorsque leur mise en œuvre peut faire obstacle à cette fin. Ainsi quand le jihad est proclamé durant le mois de Ramadan, le jeûne n’est plus obligatoire – car on ne peut envoyer combattre des soldats au ventre vide. Plus encore le jihad peut aussi suspendre la prière, rendre licite ce qui est illicite et vice versa, afin d’assurer la sauvegarde de la communauté des croyants en danger. Il s’agit donc d’une situation exceptionnelle, dérogatoire à proprement parler, car sa perpétuation ruinerait les fondements mêmes de l’ordre établi sur les bases de la loi de Dieu, telle qu’elle ressortit des textes sacrés et de la jurisprudence des docteurs.


5 - Nous nous intéresserons dans la suite de ce texte aux problèmes politiques que pose ce jihad de défense – ou jihad d’obligation individuelle – dont la prolifération incontrôlée marque le monde musulman depuis la dernière décennie du xxe siècle. En premier lieu, il importe de définir qui dispose du droit de le proclamer. C’est là une question très complexe – car il n’existe pas dans l’islam, à la différence du christianisme romain, d’autorité suprême et infaillible à laquelle obéit une hiérarchie cléricale organisée. La croisade était proclamée par le pape : il n’y a pas de pape musulman. Il revient donc aux docteurs de la loi – que l’on connaît en français sous le nom d’oulémas[1] [1] Le terme « ouléma » provient du pluriel du... suite – de proclamer le jihad, en jaugeant les désordres d’ici-bas au regard de la norme transcendantale et en décidant de l’opportunité de déclencher celui-ci. Or le corps des oulémas est hétérogène, non hiérarchisé, et chacun de ses membres s’autorise de son seul savoir pour juger en la matière. Dans les faits, certains oulémas disposent d’un plus grand rayonnement que d’autres. À l’époque contemporaine, ce sont ceux qui combinent une réputation d’indépendance envers l’autorité politique à l’accès privilégié aux mass media. Par exemple, lors de l’invasion de l’Afghanistan par l’armée Rouge en décembre 1979, le jihad de défense fut proclamé à l’échelle du monde entier par un consensus d’oulémas appartenant à la mouvance des Frères musulmans – une organisation islamiste fondée en Égypte à la fin des années 1920 – et à celle du salafisme wahhabite, une école rigoriste et conservatrice d’interprétation des textes sacrés particulièrement influente en Arabie Saoudite. De fait, nombre de ces oulémas vivaient dans la dépendance, au moins indirecte, du pouvoir de Riyad, sur les plans politique ou financier – mais ils étaient parvenus à sauver les apparences auprès des ouailles de leur « paroisse virtuelle » à laquelle ils avaient accès grâce à la presse arabe internationale, basée à Londres à cette époque, et largement contrôlée par des capitaux saoudiens. D’autres oulémas, notamment dans les pays musulmans liés alors à l’Union soviétique (Algérie, Syrie, Palestine, Irak, etc.), avaient refusé de proclamer pareil jihad contre leur principal allié, mais le rapport de forces médiatique musulman international, si l’on peut dire, avait tourné en leur défaveur. Ainsi, une apparence de consensus était née parmi des oulémas prééminents pour qualifier de jihad la résistance contre l’invasion de l’armée Rouge en Afghanistan. Cela avait légitimé non seulement l’envoi de fonds et d’armes vers les « moujahidines » (mot à mot « combattants du jihad ») afghans, mais aussi l’enrôlement de « jihadistes » d’autres pays dans les camps d’entraînement pakistano-afghans. Jusque dans les États dont les dirigeants étaient des clients de Moscou, les militants partant pour mener le jihad en Afghanistan excipaient d’une légitimation religieuse de leur acte opposable à la loi locale. Certes, les pouvoirs pouvaient n’en avoir cure – mais ils prenaient alors le risque politique de s’aliéner les soutiens des courants islamistes conservateurs et de leur parrain saoudien, lequel savait se montrer généreux en cas de besoin.


6 - La proclamation du jihad de défense est donc le fruit du consensus de certains oulémas dotés d’un rayonnement important à un moment donné. Ceux-ci sont toujours soucieux de limiter dans l’espace et le temps l’objet de ce jihad, de lui assigner une cible particulière. En effet, si celui-ci est lancé sans précaution, il peut s’avérer une boîte de Pandore impossible à refermer. Les conséquences en sont, aux yeux des oulémas, désastreuses : il s’agit de l’anarchie, caractérisée par la guerre menée par tels ou tels camps de musulmans contre d’autres qu’ils jugent « mauvais musulmans ». Le vocabulaire islamique, qui nomme ce phénomène fitna (mot à mot « sédition ») le considère comme le pire péril que peut subir la communauté des croyants, car, en introduisant le germe de la division interne, il la fragmente et la livre plus aisément à ses ennemis, menaçant la survie même de l’islam. Arme absolue, le jihad doit être mené avec prudence et circonspection, faute de se retourner contre les apprentis-sorciers qui en feraient un usage immodéré.


7 - Pour ces raisons, les oulémas ont toujours regardé à deux fois avant de prendre une décision aussi grave. Lors de la formation du pouvoir saoudien moderne, le futur roi Ibn Saoud et les oulémas proches de lui ont fait usage du concept de jihad pour justifier, dans les années 1920, les raids lancés par les corps de bédouins regroupés dans « l’Ikhwan » – mot à mot « les Frères » – et structurés par une discipline religieuse très stricte contre les tribus arabes hostiles. Celles-ci étaient décrites pour les besoins de la cause comme hérétiques, et l’étendard du jihad – brandi par les oulémas wahhabites en cette occasion – s’avéra un indispensable adjuvant à la conquête et à la soumission des oasis et des cités rebelles au pouvoir d’Ibn Saoud – qui devait constituer le royaume d’Arabie Saoudite. Toutefois, l’engrenage du jihad devint rapidement incontrôlable, au point qu’Ibn Saoud lui-même fit l’objet d’attaques virulentes de l’Ikhwan dès lors qu’il commença à organiser son pouvoir avec l’aide de conseillers étrangers, notamment britanniques, puis américains. Il dut écraser les partisans trop zélés d’un jihad qui se retournait contre lui, et y parvint avec l’appui de la Royal Air Force qui bombarda les lignes de ses ennemis puritains.


8 - Selon le même modèle, le jihad d’Afghanistan durant la décennie 1980 échappa in fine à ses inspirateurs. Les combattants venant d’Algérie, d’Égypte, de la péninsule arabique, du Pakistan ou du Sud-Est asiatique, une fois l’armée Rouge partie en février 1989, ne retournèrent pas paisiblement vaquer à leurs occupations dans leur pays d’origine. Bien plutôt, ils constituèrent une brigade de plusieurs milliers de « jihadistes professionnels » passés par un entraînement militaire intensif et un endoctrinement intense que l’on nomme le « salafisme jihadiste », auxquels s’adjoignaient des dizaines de milliers de sympathisants, transportés d’enthousiasme par un séjour plus bref dans les camps et constituant autant de relais du jihad, une fois retournés chez eux.


9 - C’est dans pareil contexte que s’effectuèrent la prolifération et l’emballement du jihad de défense dans le monde à partir du début des années 1990. La première occasion en fut fournie par l’arrivée d’un demi-million de soldats « infidèles » sur le sol tenu pour sacré de la péninsule arabique à partir de l’été 1990, appelés par le roi Fahd pour contenir la poussée de Saddam Hussein qui venait de conquérir le Koweït – puis pour lancer l’opération « Tempête du désert » qui devait libérer l’émirat. Bien que le monarque saoudien et les oulémas proches de son trône eussent pris soin de fournir des justifications islamiques à pareille expédition, elle fut dénoncée par les militants qui la considérèrent analogue à l’invasion de l’Afghanistan par l’armée Rouge dix ans auparavant – et méritant la même réplique : le jihad de défense contre ceux qui avaient envahi la terre d’islam. Il ne se trouva pas de consensus d’oulémas, contrairement à la situation de 1979-1980, pour appuyer cette pétition de principe. En particulier, les docteurs de la loi proches de la mouvance wahhabite philo-saoudienne refusèrent de cautionner cette interprétation du jihad. Il devait revenir à Oussama Ben Laden d’incarner la figure de ce jihad-là, sans toutefois qu’il dispose d’une véritable crédibilité de docteur de la loi, ce qui limitait son impact auprès des seuls militants passés par les camps et l’empêchait de mobiliser les masses musulmanes nécessaires à tout soulèvement d’ampleur – par-delà la réalisation d’actions terroristes spectaculaires. Dans le même mouvement, les militants salafistes jihadistes issus des camps afghano-pakistanais se lancèrent dans des opérations de jihad contre les régimes algérien et égyptien – au prétexte que ceux-ci étaient, à leurs yeux, des apostats de l’islam méritant la mort. D’autres opérations de jihad furent lancées par les militants en Bosnie – pour défendre la « terre d’islam » bosniaque contre l’invasion des « infidèles » serbes – en Tchétchénie, au Cachemire, etc., selon le même paradigme que celui qui avait légitimé le jihad afghan. Pour les oulémas sollicités par leurs ouailles afin de se prononcer sur la licéité de tel combat au regard des critères du jihad, la situation devenait extrêmement complexe. En effet, les plus politiques d’entre eux étaient conscients du piège dans lequel la prolifération des fronts du jihad, menée sans disposer des forces suffisantes à sa réussite, risquait d’entraîner la communauté des croyants dans son ensemble : le spectre de la fitna, de la sédition interne à l’islam qui en ferait une proie aisée pour ses ennemis, n’avait de cesse de se profiler sur le proche horizon. Mais il leur fallait résister à cette surenchère tout en donnant des gages à la jeunesse musulmane radicalisée qui se serait détournée d’eux et aurait sollicité le magistère d’autres docteurs plus engagés. La plupart des oulémas influents jugèrent ainsi au cas par cas : l’un des plus célèbres téléprédicateurs, le cheikh égyptien Youssef al Qardhawi, qui officie sur la chaîne Al-Jazeera, estima que le jihad était avéré en Tchétchénie et au Cachemire, mais ne s’appliquait pas en Algérie. Dans le même esprit, le pouvoir algérien, pour convaincre certains islamistes radicaux de déposer les armes en 1997, sollicita des fatwas d’oulémas saoudiens particulièrement rigoristes – comme le cheikh Mohammed Ben Otheimin – stipulant que la guerre civile algérienne des années 1990 ne saurait être assimilée à un jihad.


10 - Le problème se posa de nouveau avec acuité lors des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis et de leurs suites. Sollicités, la plupart des oulémas célèbres, à l’instar du cheikh Qardhawi et des religieux proches des Frères musulmans, refusèrent de qualifier les attentats de jihad, allant même, pour le premier cité, jusqu’à préciser que les dix-neuf pirates de l’air ne sauraient exciper du statut de martyr, mais devaient être proprement tenus pour des « suicidés », ayant commis par là un péché qui leur vaudrait de brûler à tout jamais dans les flammes de l’enfer. Par rapport à l’enthousiasme qui s’était emparé d’une partie de la jeunesse dans le monde musulman à la suite d’attentats perçus comme un coup porté à la superpuissance américaine par de pieux militants, les oulémas manifestaient par leur avis contraire leur souci de maintenir la pérennité d’une Oumma dont l’affrontement direct avec les forces supérieures du monde occidental – selon le schéma du « clash des civilisations » – s’avérerait à proprement parler suicidaire. De même, lorsque l’armée américaine attaqua l’Afghanistan des Talibans en octobre 2001, les militants qui soutenaient Ben Laden et le régime de Kaboul en appelèrent les musulmans du monde à un jihad de défense contre les envahisseurs « infidèles » d’une terre d’islam. Mais l’entrée en scène des troupes musulmanes de l’Alliance du Nord contre les Talibans permit aux oulémas précédemment mentionnés – qui n’auraient pu faire autrement que de constater la licéité du jihad de défense contre l’armée américaine « infidèle » – de se défausser en considérant que le jihad ne s’appliquait plus, dès lors que des musulmans se combattaient entre eux.


11 - Au terme de ce bref tour d’horizon, et dans l’attente, au moment où ces lignes sont rédigées (octobre 2002), d’une guerre annoncée contre l’Irak qui ne peut que poser de nouveau la question de son statut au critère du jihad, on constatera que celui-ci est d’abord et avant tout un état d’exception qui ne peut être proclamé que par des docteurs de la loi qualifiés et pour un objectif circonscrit – au risque de précipiter la communauté des croyants dans la sédition, le chaos et une anarchie qui lui serait fatale. Mais force est de constater que, depuis que s’est mis en marche l’engrenage du jihad afghan, il est devenu presque impossible d’en arrêter le mouvement et la prolifération – même si celle-ci reste limitée à des groupes marginaux dépourvus de capacité à mobiliser les masses, en l’absence d’une caution que les oulémas refusent pour l’heure de leur donner. Mais les groupes militants – l’organisation al-Qaïda ou autres –, par la surenchère d’actions terroristes « héroïques » et médiatisées ayant pour objet de galvaniser les masses, en particulier face à l’incapacité de toute armée d’un État musulman à opposer une quelconque résistance à la superpuissance américaine, s’efforcent de changer la donne et de contraindre les docteurs de la loi à leur conférer une onction qui permettrait de faire basculer en nombre significatif les ouailles qui suivent ceux-ci dans la « guerre sainte » contre les États-Unis et l’Occident. Tel est sans doute l’un des enjeux majeurs du jihad aujourd’hui.

 

Notes

[ 1] Le terme « ouléma » provient du pluriel du mot arabe « ‘alim », qui désigne le détenteur du « ‘ilm » – ou science des textes sacrés. On le rend d’ordinaire par « docteur de la loi ». En arabe moderne, « ‘ilm » désigne le savoir en général, dans un sens technique.Retour

Résumé

Le concept de jihad est central dans la doctrine islamique, mais il caractérise une situation d’exception, surtout lorsqu’il mobilise chaque individu pour défendre la communauté contre l’agression. Justifiant le recours aux armes et le bouleversement des hiérarchies établies, il peut se retourner contre ceux qui l’ont initié, et entraîner la sédition et la ruine. Pour cela, les docteurs de la loi, ou oulémas, ont toujours été soucieux de le circonscrire et d’éviter qu’il ne soit proclamé par des individus non habilités. Or, depuis la fin du jihad afghan en 1989, on assiste à une prolifération du jihad tous azimuts – qui pose des problèmes fondamentaux sur les plans doctrinal et politique.



Jihad is a central concept of the Islamic doctrine, but it relates to an exceptional situation, above all when it mobilizes every individual to defend the community from an aggression. As it justifies the use of arms and the upsetting of established hierarchies, it can be turned against those who launched it and lead to sedition and ruin. For this very reason, the doctors of the Law – the ulemas – have always tried to delimit its application and to avoid its being launched by unauthorized individuals. However, since the end of the Afghan Jihad in 1989, there has been a proliferation of jihad, a situation that raises major doctrinal and political problems.

POUR CITER CET ARTICLE

Gilles Kepel « Jihad », Pouvoirs 1/2003 (n° 104), p. 135-142.

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8 juin 2010 2 08 /06 /juin /2010 21:36
L’« islamophobie » et le jihad idéologique moderne

Que font les Musulmans modérés des preuves indubitables que les terroristes jihadistes oeuvrent bien dans le cadre des traditions islamiques classiques et se basent sur le Coran et sur l’exemple de Mahomet pour exhorter leurs coreligionnaires à combattre les infidèles ? Ont-il explicitement et définitivement rejeté les enseignements des jihadistes comme incompatibles avec l’Islam du XXe siècle ? Ont-ils confronté et réfuté l’exégèse jihadiste du Coran et de la Sunna ? Ont-ils présenté une vision alternative de l’Islam suffisamment convaincante pour rivaliser avec « le pur Islam » des jihadistes dans la lutte mondiale pour emporter l’opinion des Musulmans ?

De manière générale, la réponse à toutes ces questions est non. Au lieu de cela, les Musulmans « modérés » ont inventé l’ « islamophobie ».


Aux Nations Unies: un nouveau mot, un nouvel outil de manipulation politique


Jusqu’il y a quelques années, personne n’avait entendu parler d’ « islamophobie ». Mais une année, c’est beaucoup pour une machine de propagande bien rôdée. À l’heure actuelle, ce concept – vague et somme toute creux – est pris au sérieux aux plus hauts niveaux. En décembre 2004, Kofi Annan présida un séminaire onusien consacré à l’ « islamophobie », expliquant avec la plus grande gravité et la plus grande rectitude morale : « (…) lorsque l’on est contraint de forger un néologisme pour décrire la généralisation constante d’un préjugé, c’est d’une évolution bien troublante, bien attristante, qu’il s’agit de rendre compte. C’est ce qui se passe avec l’islamophobie. Le mot est apparu semble-t-il à la fin des années 1980 et au début des années 1990, mais le phénomène lui-même existait depuis des siècles. Le poids de l’histoire et les répercussions des événements récents font qu’aujourd’hui beaucoup de musulmans se sentent blessés et incompris, qu’ils s’inquiètent de voir rogner leurs droits et qu’ils craignent même pour leur personne (…) »[1].


Sans surprise, l’attention de l’ONU resta principalement concentrée sur ces Musulmans blessés et incompris, sans que la question des racines islamiques du terrorisme jihadiste soit évoquée ; sans qu’il y eut non plus de débat quant à la compatibilité de l’Islam avec l’idée mondialement acceptée des droits de l’homme, incarnés par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, des Nations Unies elles-mêmes.


La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : réactions islamiques


Nous avons déjà vu que le cheik iranien Tabandeh rédigea une critique islamique de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Le monde islamique a cru bon de formuler deux réponses majeures au document de l’ONU : La « Déclaration Islamique Universelle des Droits de l’Homme » en 1981, et la « Déclaration du Caire sur les Droits de l’Homme en Islam » en 1990. L’article 18 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, que nous devons au courageux libanais Charles Malik, stipule que « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction (…)»[2].


Vous ne trouverez de garantie analogue quant à la liberté de changer de religion dans aucune des deux chartes islamiques; en effet, comme nous l’avons vu, la loi traditionnelle islamique requiert la peine de mort contre ceux qui quittent l’Islam. Qui plus est, la Déclaration du Caire précise : « Tout homme a le droit d’exprimer librement son opinion pourvu qu’elle ne soit pas en contradiction avec les principes de la Charia ; Tout homme a le droit d’ordonner le bien et de proscrire le mal, conformément aux préceptes de la Charia (…) »[3].


En se penchant sur l’ « islamophobie » plutôt que sur certaines réalités déplaisantes de l’Islam, l’ONU déshonore les victimes passées et présentes du jihad, et se montre de connivence avec les terroristes. Bien que cette position soit le résultat d’une attitude politiquement correcte et d’un prétendu souci d’éviter que d’innocents Musulmans aient à souffrir de diffamation, elle nuit en réalité aux efforts que fournissent certains Musulmans et non-Musulmans pour examiner les sources réelles de la terreur jihadiste et pour trouver des moyens d’éloigner les Musulmans du chemin de la violence.


Qu’est-ce que l’islamophobie, de toute façon?


Le journaliste et apologiste de l’Islam Stephen Schwartz défini ainsi l’ « islamophobie »:

En dépit de ce que disent certains occidentaux, l’islamophobie existe ; ce n’est pas un mythe. L’islamophobie consiste à …

  • s’attaquer à la religion islamique toute entière, considérée comme un problème pour le monde ;
  • condamner tout l’Islam et son histoire comme extrémiste ;
  • nier l’existence active, dans le monde d’aujourd’hui, d’une majorité musulmane modérée ;
  • insister sur le fait que les Musulmans doivent céder aux requêtes (fondées sur l’ignorance et l’arrogance) des non-Musulmans et faire subir certaines modifications théologiques à leur religion ;
  • traiter tout conflit impliquant des Musulmans (comme, par exemple, en Bosnie-Herzégovine il y a une dizaine d’années) comme causé par les Musulmans eux-mêmes;
  • inciter à la guerre contre l’Islam dans son ensemble.[4]

Bien qu’il puisse exister un certain nombre d’islamophobes dans le monde suivant cette définition, Schwartz embrouille les choses plus qu’il ne les clarifie. Qualifier d’« islamophobe » le fait « de s’attaquer à la religion islamique toute entière, considérée comme un problème pour le monde » signifie-t-il qu’il est également « islamophobe » d’attirer l’attention sur le fait que le Coran et la Sunna du prophète servent de motivation aux activités terroristes ? Si c’est le cas, les jihadistes de par le monde sont eux-mêmes « islamophobes », puisque, comme nous l’avons vu, ils relèvent systématiquement les passages jihadistes du Coran et de la Sunna pour justifier leurs actes. Et discuter clairement de la doctrine du jihad islamique ne revient pas à dire que « la religion islamique toute entière » est « un problème pour le monde ». Personne n’affirme que le tayammum (ablutions au moyen de sable plutôt que d’eau) ou le dhikr (pratique rituelle des derviches notamment) ou encore d’autres éléments de l’Islam posent problème au monde.


Qualifier la condamnation de « tout l’Islam et son histoire comme extrémiste » comme « islamophobe » est tout aussi problématique – et pas seulement du fait de l’imprécision du terme « extrémiste ». Le jihad et la dhimmitude font partie de l’Islam. Mais aucun commandement d’aucune religion n’a jamais été observé uniformément par tous les croyants, ni aucune loi universellement appliquée ; les Juifs et les Chrétiens vivant en territoire islamique ont parfois connu, en différentes époques et différents lieux, un grand degré de liberté. Cependant, cela n’invalide pas le fait que les lois de la dhimma restèrent toujours dans les textes, prêtes à être appliquées par tout dirigeant musulman.


De même, alors qu’il peut sembler « islamophobe » de « nier l’existence active, dans le monde d’aujourd’hui, d’une majorité musulmane modérée », cela n’est en rien pertinent. Qu’une majorité musulmane modérée existe ou non dépend ce que vous entendez par « modérée ». Cela désigne-t-il quelqu’un qui ne prendrait jamais part à un acte de terrorisme ? Cela rendrait modérés une écrasante majorité des Musulmans de la planète. Ou le « modéré » est-il celui qui réprouve sincèrement ces actes de terrorisme ? Cela réduirait le nombre des modérés. Ou un Musulman « modéré » est-il quelqu’un qui s’élève ouvertement contre ces actes et travaille énergiquement à contrer les jihadistes ? Cela ferait encore baisser ce nombre. Ou, enfin, un Musulman « modéré » est-il quelqu’un qui affronte résolument les jihadistes, dans une lutte théologique, pour tenter de convaincre ses coreligionnaires, sur des bases islamiques, que le terrorisme est mauvais ? Il ne nous resterait plus alors qu’une minuscule poignée de modérés.


Enfin, il serait stupide de la part de quiconque de « traiter tout conflit impliquant des Musulmans (…) comme causé par les Musulmans eux-mêmes » ou d’ « inciter à la guerre contre l’Islam dans son ensemble ». Entrer en guerre avec l’Islam dans son ensemble – depuis les bergers grisonnants du Kazakhstan jusqu’à Ben Laden et Zarqawi en passant par les joviales secrétaires de Jakarta – serait absurde et inutile. Mais que veut réellement dire Schwartz lorsqu’il explique que ceux qui préconisent la « guerre contre l’Islam dans son ensemble » sont « islamophobes » ? Y inclut-il ceux qui ont compris qu’un jihad islamique a été déclaré contre les Américains et qui exhortent à la résistance ?


Tout ceci indique que l’ « islamophobie » n’est pour ainsi dire d’aucune utilité en tant qu’outil analytique. Adopter ce concept, c’est accepter la forme la plus virulente d’équivalence théologique, et affirmer, en dépit de l’évidence, que toutes les traditions religieuses sont pareillement capables d’inspirer la violence. Dans de nombreux cas, cela fait partie de l’arsenal mis en œuvre pour salir la civilisation occidentale, en comparant les fautes des Chrétiens à un Islam fictif et idéalisé. Oser cette comparaison, c’est nier cette remarque judicieuse du philosophe Antony Flew, éminent athée (devenu théiste par la suite) : « Jésus est une figure charismatique extrêmement séduisante, ce que n’est absolument pas le prophète de l’Islam. »[5] À nouveau, il ne s’agit pas de prôner l’une ou l’autre théologie comme étant la seule réellement légitime, mais d’analyser le jihad islamique de manière réaliste. Et aussi de renforcer l’idée que la civilisation occidentale vaut la peine d’être défendue.


L’ « islamophobie » en tant qu’arme du jihad


L’accusation d’ « islamophobie » est fréquemment utilisée pour détourner l’attention portée aux jihadistes. Ainsi, en Suisse, suite à une recrudescence du militantisme jihadiste et à l’arrestation de huit personnes soupçonnées d’avoir aidé des islamikazes en Arabie Saoudite, certains Musulmans n’étaient aucunement d’humeur à faire le ménage dans leur communauté : « Ce que nous constatons », déclara Nadia Karmous, à la tête d’un groupe musulman féminin en Suisse, « ce n’est pas une augmentation de l’islamisme, mais une aggravation de l’islamophobie ».[6]


Ce schéma s’est reproduit un peu partout dans le monde ces dernières années, et l’ « islamophobie », industrie florissante, est passée dans le vocabulaire courant. Dans les pays occidentaux, l’ « islamophobie » a rejoint le « racisme », le « sexisme » et l’ « homophobie ». L’absurdité de tout ceci est bien illustrée par un récent incident en Angleterre : alors qu’une équipe de tournage filmait le harcèlement d’un Musulman pour un film intitulé « Islamophobia », deux badauds anglais, qui n’avaient pas remarqué les caméras, se détournèrent de leur chemin pour défendre la personne attaquée. Mais ni les cinéastes ni les journalistes ayant rapporté l’incident ne semblent avoir réalisé la signification de celui-ci, à savoir que les Britanniques ne sont peut-être pas aussi violents et xénophobes que le film en cours de tournage veut le suggèrer.[7]


L’historien Victor Davis Hanson a habilement expliqué le dangereux glissement de centre d’attention que l’ « islamophobie » implique :

En réalité, il n’existe pas un phénomène d’ « islamophobie » – en tout cas pas plus qu’il n’y avait de « germanophobie » à haïr Hitler ou de « russophobie » à détester le stalinisme. Toute injustice ou grossièreté qu’il puisse y avoir à « profiler » certains jeunes hommes du Moyen-Orient est minime par rapport aux efforts déployés par les fascistes islamiques eux-mêmes – ici aux U.S.A., au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en France, en Turquie, en Israël – pour massacrer des Occidentaux et faire exploser des bombes parmi des civils. Le vrai danger, pour des milliers d’innocents, ce n’est pas l’occasionnel fanatique évangéliste ou le politicien mal dégrossi vomissant l’Islam, mais l’anti-sémitisme et l’anti-américanisme pathologiques et savamment orchestrés qui inondent les ondes du monde entier depuis l’Iran, le Liban ou la Syrie bien sûr, mais aussi à partir de pays qui furent nos alliés, comme l’Égypte, l’Arabie Saoudite et le Qatar.[8]

Réforme ou refus de se rendre à l’évidence ?


Un étrange manque de sincérité de la part des réformateurs musulmans va souvent de pair avec les accusations d’islamophobie. En avril 2005, le Toronto Star brossa un élogieux portrait de la féministe musulmane indonésienne Musdah Mulia, se réjouissant de ce qu’elle « blâme les Musulmans, et non l’Islam, pour les inégalités entre hommes et femmes » dans le monde islamique. Ce n’est que l’un des nombreux articles publiés dans les quotidiens et les magazines du monde occidental qui dépeignent le « vrai » Islam comme étant une religion de tolérance, de liberté et d’ouverture. Pourtant l’idée que le « vrai Islam » est plus semblable au pacifisme des Quakers qu’à la religion d’Oussama Ben Laden est fausse et dangereusement fallacieuse. Elle maintient les gens dans l’ignorance quant aux motivations et aux buts réels des jihadistes.


Mulia, selon le journaliste Haroon Siddiqui, « porte le hijab mais précise que ce n’est pas exigé par l’Islam, une position soutenue par une importante majorité des Musulmanes indonésiennes, et même du monde entier, qui ne le mettent pas mais ne se sentent pas moins musulmanes pour autant. » Pourtant, ni Siddiqui ni Mulia ne font mention de la tradition islamique qui rapporte les instructions du prophète : « quand la fille devient pubère, il ne convient pas de voir d’elle une autre partie que le visage et les mains. »[9] Ils ne mentionnent pas non plus, en mentionnant qu’elle « souhaite l’abolition de la polygamie », que Mulia devra mener un combat extrêmement difficile, puisque le Coran dit aux hommes « d’épouser des femmes de leur choix, deux ou trois ou quatre ».[10]


Musdah Mulia, exulte Siddiqui, « n’est pas une féministe occidentalisée et laïque. C’est une spécialiste de l’Islam, et elle est titulaire d’un doctorat obtenu à l’institut des Études Islamiques » de Jakarta. « Elle y enseigne à temps partiel, mais son occupation principale est le poste de directrice de recherche au ministère des affaires religieuses, d’où elle harcèle le gouvernement. Lorsque ses patrons publièrent un rapport gouvernemental à propos de la mise à jour des lois religieuses l’an dernier, elle rédigea une critique de 170 pages qui les mit dans l’embarras et irrita les conservateurs. »


Mulia n’a pas toujours été une telle enquiquineuse. « Petite-fille d’un religieux », elle « a vécu dans un internat islamique et a grandi dans un environnement strict ». Elle garde des souvenirs cuisants de son enfance : « Je ne pouvais pas rire fort. Mes parents ne me permettaient pas de me lier d’amitié avec des non-Musulmans. Si j’en fréquentais, ils m’ordonnaient de prendre une douche après. » Mais ensuite, elle a voyagé « dans d’autres nations musulmanes » et a réalisé que « l’Islam offre de nombreux visages. Cela m’a ouvert les yeux. Une partie de ce que mon grand-père et les oulémas m’avaient appris était juste, mais le reste n’était que mythes. »


Scoop : L’Islam vécu par les musulmans n’est pas l’Islam authentique!


Qu’est-ce qui a donc mené à la transformation de Mulia ? Il s’avère que ses parents, son grand-père, les religieux, tous ont mal compris l’Islam, et qu’elle, Mulia, a mis la main sur le véritable Islam : « plus elle étudiait l’Islam, plus elle le trouvait moderne et génial. »


Le hijab, la burka, le tchador, la polygamie, le divorce qu’un homme peut décréter simplement en prononçant une phrase par trois fois, les lois successorales inéquitables, l’impossibilité pour les femmes de quitter la maison sans l’escorte d’un mâle de la famille dans nombre de contrées islamiques, l’interdiction même, dans certains pays musulmans, de conduire un véhicule… tout ceci, selon Mulia, n’a rien d’islamique. Après tout, dit-elle, « l’Islam a libéré les femmes il y a 1400 ans, bien avant l’Occident ».


L’affirmation selon laquelle Mahomet a amélioré le sort des femmes est curieuse. Elle est basée sur l’allégation selon laquelle les femmes étaient épouvantablement traitées dans la société arabe païenne. Mais les choses se sont-elles réellement améliorées avec la création de l’Islam ? Comme nous l’avons vu, même Aïcha, la bien aimée femme enfant de Mahomet, confia : « je n’ai vu aucune femme souffrir autant que les croyantes. »[11]


Tant de gens qui luttent pour les droits des femmes ou pour une plus large réforme de l’Islam adoptent la même attitude que Mulia. Ils ne peuvent pas admettre que c’est l’Islam lui-même, à travers ses textes sacrés, qui est responsable des problèmes qu’ils cherchent à résoudre. Ils expliquent d’un ton mielleux que les jihadistes, les terroristes, les wahhabites, ou les méchants du moment, quels qu’ils soient, « ont détourné l’Islam », sans offrir aucun plan cohérent pour transformer ces « détourneurs » d’Islam en des êtres paisibles et tolérants.


Mulia n’explique pas comment les « traditions et interprétations culturelles » auxquelles elle s’oppose sont nées dans les contrées islamiques. Comment les Musulmans d’Arabie Saoudite et d’Iran ont-il modelé leurs lois et façonné leurs mœurs si ce n’est à travers l’Islam ? Au-delà de l’essentiel de la foi, explique Mulia, la plupart des lois affectant les femmes sont la création des hommes ; « rien de tout cela n’a été faxé depuis les cieux ». Mais ceux qui légifèrent en Arabie Saoudite, en Iran, au Soudan et au Pakistan pensent précisément suivre un « fax des cieux », à savoir le Coran. Car en définitive, qu’est donc une série de révélations dictées par Allah à Mahomet sinon un « fax des cieux » ?


Comme tant d’autres réformateurs islamiques autoproclamés, Mulia semble poursuivre un noble but, mais elle contribue en fait à entretenir la confusion au sujet de l’Islam. Ibn Warraq l’a fort bien écrit : « Il y a des Musulmans modérés, mais l’Islam lui-même n’est pas modéré ». Trop de réformateurs musulmans pensent devoir défendre l’Islam à tout prix, quelles que soient les contorsions mentales à effectuer pour y parvenir – et quitte à passer sous silence certaines choses et à refuser de faire face aux éléments de l’Islam employés par les jihadistes pour justifier leurs actes. Les responsables (wahhabites, extrémistes, etc.), nous dit-on, ne sont que de « mauvais Musulmans ». Et pourtant, ce sont ces mêmes « mauvais Musulmans » qui s’empressent avec le plus de ferveur d’embrasser, dans tous les domaines de la vie, les véritables enseignements de l’Islam, tandis que ce sont les croyants les plus souples, les moins pratiquants, enfin les moins enclins aux interprétations littérales, qui traitent le mieux les femmes et sont le plus attachés à un certain pluralisme et à la coexistence paisible avec les non-Musulmans.

C’est un état des choses que même Musdah Mulia et ses semblables ne pourront refuser de voir éternellement.


Donner une fausse image de l’Islam


En plus de leurs refus de reconnaître que certains éléments déplaisants de l’Islam font bien partie de l’Islam « authentique », certains groupes de pression musulmans et leurs alliés qualifient systématiquement des comptes-rendus véridiques sur l’Islam de « discours incitant à la haine ». En décembre 2004, le CAIR réagit avec mauvaise humeur, comme on pouvait s’y attendre, aux propos tenus par un ex-officiel de la CIA, Bruce Tefft. Le CAIR[12] lui reprochait des déclarations telles que « le terrorisme islamique est basé sur l’Islam tel qu’il est révélé dans le Coran », « prétendre que l’Islam n’a rien à voir avec le 11 septembre, c’est délibérément ignorer une évidence et mal interpréter durablement les évènements » et « il n’y a pas de différence entre l’Islam et le fondamentalisme islamique, qui est une construction totalitaire ». Le CAIR appela la branche canadienne du Centre Simon Wiesenthal, sous l’égide de laquelle l’allocution de Tefft avait eu lieu, à « condamner ces commentaires islamophobes avec la plus grande vigueur. Dépeindre l’Islam et son livre sacré comme promouvant le terrorisme ne peut que conduire à aggraver les préjugés et l’intolérance envers les Musulmans ».


« En tant qu’organisation œuvrant soi-disant à ‹ favoriser la tolérance et la compréhension › », fulmina le CAIR, « le Centre Simon Wiesenthal doit immédiatement rejeter toute rhétorique islamophobe, et tenir son bureau canadien responsable de n’avoir pas récusé les opinions haineuses de l’orateur. »[13]


Bien entendu, beaucoup de musulmans préconisent le jihad en basant leur raisonnement sur le Coran et la Sunna, et Tefft n’a pas inventé cette connexion. Mais au lieu de réfuter ce lien en travaillant sur ces sources islamiques, le CAIR s’est attaqué à Tefft.


Le CAIR indique que le but de sa création consiste à « promouvoir une image positive de l’Islam et des Musulmans en Amérique » et déclare : « nous pensons que les déformations de l’image de l’Islam résultent la plupart du temps de la méconnaissance qu’en ont les non-Musulmans et de la réticence qu’ont les Musulmans à s’expliquer clairement. »[14] Cela sonne bien si vous êtes du genre bien-pensant sentimental – mais les remèdes offerts par le CAIR sont peut-être pires que le mal.


Dhimmitude des médias et des officiels


Que ce soit de peur d’alarmer la population, ou – de manière plus politiquement correcte – de crainte de blesser les Musulmans, ou encore pour ces deux raisons, la réticence des autorités à tirer des conclusions de certains signes témoignant d’une activité jihadiste aux États-Unis frise parfois le ridicule.


En avril 2005, des pompiers conduisant une inspection de routine dans un supermarché de Brooklyn y découvrirent deux cent airbags d’automobile et une pièce tapissée de posters d’Oussama Ben Laden et de photos de décapitations en Irak. Certaines pièces des airbags peuvent être utilisées pour fabriquer des bombes artisanales. Selon le New York Post, le propriétaire du bâtiment « a, selon les dossiers, fait de la prison à la fin des années 70 et au début des années 80 pour incendie criminel, comportement irresponsable, possession d’armes et conspiration ». Mais les autorités furent formelles : le stock caché n’avait rien à voir avec le terrorisme.


Ah bon? Avec quoi avait-il quelque chose à voir, alors ? La pratique du macramé ?


De même, lorsque quinze personnes furent tuées et plus d’une centaine blessées par des explosions dans une raffinerie pétrolière de Texas City, le 23 mars 2005, le FBI élimina rapidement le terrorisme des causes potentielles.[15] Lorsque des groupes jihadistes revendiquèrent la responsabilité des explosions, le FBI continua d’en faire peu de cas.[16] Puis, il apparut que les enquêteurs n’avaient visité le site que huit jours après les faits, et donc après avoir écarté l’hypothèse d’un acte terroriste. Un enquêteur ayant gardé une certaine indépendance d’esprit posa la question : « Comment pouvez-vous éliminer une possibilité alors que vous n’avez encore aucune idée de la cause ? »[17]  Plus tard encore, on apprit que, contrairement à qui avait été rapporté initialement, non pas une, mais jusqu’à cinq explosions différentes avait eu lieu dans cette raffinerie. [18]


Il est possible que ces détonations aient été accidentelles, que cinq choses différentes aient cafouillé dans l’usine, déclenchant cinq explosions indépendantes et à peu près simultanées. Et peut-être n’y a-t-il eu aucune participation terroriste. Mais comment le FBI a-t-il pu conclure cela avant même d’enquêter ?


Et ce ne sont que deux exemples d’un schéma usuel, comme l’a documenté l’expert en terrorisme Daniel Pipes:


• Le 1er mars 1994, sur le pont de Brooklyn, un Musulman nommé Rashid Baz cribla de balles un minibus occupé par de jeunes garçons hassidim, tuant l’un d’entre eux[19]. Selon le FBI, il s’agissait d’une « crise de rage dans la circulation routière »[20].


• Le 24 février 1997, dans l’Empire State Building, un Musulman nommé Ali Abu Kamal ouvrit le feu sur des touristes, en tuant un et en blessant six autres avant de se donner lui-même la mort[21]. Le maire de New York, Rudolph Giuliani, informa le public qu’il s’agissait d’un « homme pour qui le monde était rempli d’ennemis ».[22]


• Le 4 juillet 2002, un Musulman nommé Hesham Mohamed Ali Hadayet ouvrit le feu sur les passagers présents au comptoir de la compagnie aérienne israélienne El Al à l’aéroport international de Los Angeles, tuant deux personnes. Le FBI déclara dans un premier temps que « rien n’indiquait qu’il s’agisse d’un acte terroriste ». Toutefois, après qu’il soit apparu qu’Hadayet avait pu être en contact avec Al Qaïda et était connu pour sa haine d’Israël, le FBI classa finalement l’affaire comme acte de terrorisme.[23]


• Les snipers de Washington, John Muhammad et Lee Malvo, qui sont liés à dix-huit fusillades et dix meurtres dans la région de Washington D.C. en octobre 2002, sont deux convertis à l’Islam. Avant qu’ils ne soient pris, les enquêteurs attribuaient ces crimes à un « homme blanc en colère » ; les malfrats s’avérèrent être deux hommes noirs. Après leur capture, les média firent constamment référence à John Muhammad en tant que John Williams, omettant de signaler sa conversion à l’Islam et son changement de nom. Et même après que les croquis de Lee Malvo représentant Oussama Ben Laden (qu’il nomme « un Serviteur d’Allah ») et ses divagations sur le « jihad » aient été révélés, les autorités continuèrent de minimiser la possibilité que les meurtres aient pu avoir un lien quelconque avec l’Islam ou le terrorisme.[24]


• Le 6 août 2003, à Houston, un Musulman nommé Mohammed Ali Alayed égorgea son ami Ariel Sellouk, un Juif. Alayed avait rompu ses relations amicales avec Sellouk après avoir commencé à se plonger davantage dans sa foi. La nuit du meurtre, Alayed téléphona à Sellouk et ils se rencontrèrent dans un bar avant de revenir à l’appartement d’Alayed, où ce dernier tua son ami. Dans le bar, personne n’a vu les deux hommes se disputer. Bien qu’Alayed ait tué Sellouk de la même façon que les bouchers jihadistes en Irak, et bien qu’il se soit rendu à la mosquée après avoir commis le meurtre, les autorités indiquèrent qu’il n’y avait « aucun signe que Sellouk (…) ait été tué à cause de ses origines ou de sa religion »[25].


Il y a beaucoup d’autres exemples similaires : lorsqu’un Musulman nommé El Sayyid Nosair assassina l’activiste politique israélien Meir Kahane à New York le 5 novembre 1990, les autorités attribuèrent le meurtre non pas au jihad mais à la dépression de Nosair ; et lorsqu’un copilote fit s’abîmer en mer le vol 990 d’EgyptAir, le 31 octobre 1999, causant la mort de 217 personnes, les officiels ne postulèrent aucune connexion terroriste, bien que le copilote ait répété à onze reprises « je m’en remets à Allah » en faisant plonger l’appareil.[26]


Les officiels essayent-ils de ne pas alarmer les Américains ? Ou bien tentent-ils de protéger d’innocents Musulmans d’un retour de manivelle ? Quelles que soient leurs motivations, ils maintiennent les Américains dans l’ignorance de la vraie nature du terrorisme jihadiste et de l’ampleur de cette menace.

__________

[1] Discours du Secrétaire Général de l’ONU, 7 décembre 2004 ; http://www.un.org/News/fr-press/docs/2004/SGSM9637.doc.htm
[2] Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, 1948 ; http://www.un.org/french/aboutun/dudh.htm#18
[3] Déclaration du Caire sur les droits de l’homme en Islam, 5 août 1990, article 22 ; http://www.aidh.org/Biblio/Txt_Arabe/inst_org-decla90.htm
[4] Stephen Schwartz, « The ‘Islamophobes’ That Aren’t », TechCentralStation.com, 28 avril 2005 ; http://www.frontpagemag.com/Articles/ReadArticle.asp?ID=17874
[5] « Atheist Becomes Theist: Exclusive Interview with Former Atheist Antony Flew », Philosophia Christi, hiver 2004 ; http://www.biola.edu/antonyflew/flew-interview.pdf
[6] « Swiss arrests over Saudi attacks », BBCNews, 9 janvier 2004 ; « Muslims in Switzerland fear ‘witch-hunt », Swissinfo, 22 avril 2004
[7] Stuart Jeffries, « Coming to a small screen near you », Guardian, 13 janvier 2005
[8] Victor Davis Hanson, « Cracked Icons », National Review, 17 décembre 2004.
[9] Abou Da’oud, livre 32, n° 4092 ; http://www.usc.edu/dept/MSA/fundamentals/hadithsunnah/abudawud/032.sat.html#032.4092
[10] Coran 4:3
[11] Boukhari, vol. 7, livre 72, n° 5825 ; http://www.usc.edu/dept/MSA/fundamentals/hadithsunnah/bukhari/072.sbt.html#007.072.715
[12] Conseil des relations américano-islamiques (Council on American-Islamic Relations)
[13] Conseil des relations américano-islamiques, « CAIR Calls on Wiesenthal Center to Repudiate Islamophobia », 11 décembre 2004 ; http://www.cair-net.org/default.asp?Page=articleView&id=1349&theType=NR
[14] Council on American-Islamic Relations, « About CAIR », http://www.cair-net.org/asp/aboutcair.asp
[15] Pam Easton, « Terrorism Ruled Out in Oil Refinery Blast », Associated Press, 25 mars 2005
[16] SITO Institute, « Qaeda al-Jihad in the United States Claims Responsibility For Texas Refinery Bombing », 25 mars 2005; « Terror cover-up in Texas City ? », WorldNetDaily.com, 5 avril 2005
[17] « Terror cover-up in Texas City ? », WorldNetDaily.com, 5 avril 2005
[18] « Multiple blasts struck refinery», Associated Press, 29 avril 2005.
[19] Uriel Heilman, « Murder on the Brooklyn Bridge », Middle East Quarterly, été 2001; http://www.meforum.org/article/77
[20] Daniel Pipes, « Le terrorisme ignoré », New York Post, 9 juillet 2002; http://fr.danielpipes.org/article/1722
[21] « Gunman shoots 7, kills self at Empire State Building », CNN, 24 février 1997; http://www.cnn.com/US/9702/24/empire.shooting/
[22] Daniel Pipes, « Aveuglement face au terrorisme », New York Sun, 8 février 2005; http://fr.danielpipes.org/article/2400;
[23] Daniel Pipes, « Le terrorisme ignoré », New York Post, 9 juillet 2002;
[24] Michelle Malkin, « Lee Malvo, Muslim hatemonger », Townhall.com, 10 décembre 2003; http://www.townhall.com/opinion/columns/michellemalkin/2003/12/10/160454.html
[25] Andrew Tilghman, « Saudi pleads guilty to killing Jewish friend in Houston », Houston Chronicle, 12 janvier 2004.
[26] Daniel Pipes, « Aveuglement face au terrorisme », New York Sun, 8 février 2005;

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Robert Redeker clandestin dans son propre pays

Les menaces de mort réelles contre Robert Redeker pour la seule raison qu'il a osé critiqué l'islam montrent à quel point l'islamisation de notre pays est bien avancée...

Mais qui est Robert Redeker ?

Voici un lien qui devrait nous aider à mieux le connaître, car R. Redeker a un site internet : http://www.robertredeker.net/accueil.htm

Où l'on apprend que Monsieur Redeker n'est pas qu'un simple professeur de lycée mais aussi Agrégé de Philosophie, Membre du comité de rédaction de la revue Les Temps Modernes, Membre de la commission " philosophie- sciences religieuses- psychanalyse " du Centre National du Livre... etc

Et dans ce site voici un article. Ce texte a été publié dans La Dépêche du Midi le 21 octobre 2003.

L'islamophobie, l'arme des islamistes contre la laïcité.

Un néologisme vient de tailler sa place de façon fracassante sur notre scène politique: " islamophobie ". Ce mot, proche accoustiquement de " xénophobie ", est autant destiné à faire peur - en évoquant subliminalement la haine, les persécutions, les discriminations - qu'à culpabiliser. Quelques uns voudraient le voir devenir synonyme de " racisme " et symétrique d' " antisémitisme ", deux monstres qui ne dorment que d'un oeil. Son usage, pourtant, est-il bien adéquat à la double exigence républicaine: sauvegarder la laïcité et combattre le racisme? N'engendre-t-il pas des amalgames aux résultats ruineux pour la République, ses valeurs et son héritage?

Une enquête (conduite par Caroline Fourest et Fiammetta Venner dans leur livre: ) sur ses origines et son histoire réserve des surprises, donnant à voir les intentions de ses concepteurs. Il n'est pas innocent que le vocable d' " islamophobie " ait été forgé initialement (dans les années 1970) par des islamistes radicaux s'attaquant aux féministes. La guerre contre les femmes est le berceau de ce terme; ainsi, Kate Millet, célèbre militante du mouvement de l'émancipation féminine, fut violemment insultée puis traitée d'islamophobe pour avoir incité les iraniennes au refus de porter le voile. C'est à nouveau autour de la question de l'apartheid des femmes - foulard à l'école, dans des institutions, dans la rue, autoségrégation dans des piscines - que se concentre la crispation, et que l'accusation d'islamophobie menace quiconque s'élève contre la tentative d'officialisation de cet apartheid. Dans les années 1990 le terme d' " islamophobie " a été diffusé plus largement par les islamistes londoniens dans le cadre des campagnes anti-Rushdie. L'écrivain et les défenseurs de la liberté de penser et de publier se trouvaient accusés du crime d'islamophobie tout en étant menacés de mort. Le concept d' " islamophobie " est originairement une arme forgée par les islamistes dans le but d'imposer leur vision totalitaire du monde. Il plonge ses racines dans le plus sordide obscurantisme. Au départ " islamophobie " était donc un mot de combat - et chacun se souvient de la formule du poète révolutionnaire Maïakovski, " les mots sont des balles "! En le réutilisant naïvement, de sincères amis de la liberté se placent sur le terrain de ses adversaires. Peut-on, comme le souhaitent les islamistes, identifier l'islamophobie avec un racisme et l'équivaloir avec l'antisémitisme?

L'amalagame entre l'islamophobie et le racisme est destiné à se retourner contre toute critique de la religion, si importante dans notre culture depuis Bayle et Voltaire, si importante aussi dans l'élaboration de l'idée républicaine. Est-il " raciste " de refuser les exactions qui se pratiquent, de la Mauritanie jusqu'au Pakistan, au nom de l'Islam? De refuser la charia, les lapidations, les mutilations, l'esclavage (encore vivace dans des sociétés musulmanes), la criminalisation de l'homosexualité, le statut inférieur des femmes, etc? Est-il raciste de rappeler que dans aucun pays musulman les droits de l'homme ne sont à l'honneur, pas plus d'ailleurs que la démocratie? Est-il raciste d'estimer que des centaines de millions d'êtres humains vivent quotidiennement sous le joug imposé par cette religion? Est-il raciste de s 'inquiéter des exigences dans notre société d'une religion qui a aussi peu fait la preuve de sa capacité à intérioriser les valeurs issues des Lumières? Est-il raciste de se poser la question: un Islam à visage humain est-il possible, comme on se demandait naguère si un socialisme à visage humain est possible?

Si le racisme (par exemple: l'arabophobie) est absolument condamnable, le combat contre les empiétements du religieux sur la vie civique, combat dont sont issues les valeurs républicaines, ne l'est aucunement. L'Islam est une religion - un ensemble d'idées, de mythes, de superstitions et de rites - pas une " race " (si ce mot a un sens) ni une ethnie. Il existe des musulmans de tous les types humains; cette religion, semblablement au christianisme, vise l'universalité. Etant une religion, l'Islam est aussi une idéologie, comme le communisme et le libéralisme [NDLR : philosophie politique]. Doit-on condamner l'antilibéralisme ou l'anticommunisme, le refus de leurs idéologies et de l'organisation du monde qu'elles impliquent, comme s'il s'agissait de racisme? L'attitude accusée d' islamophobie n'est pas du racisme dans la mesure où loin d'être la haine de tel ou tel peuple, elle est le refus véhément de ce que certains prêchent et veulent imposer au nom de l'Islam. Elle est le refus des aspects archaïques et incompatibles avec les valeurs républicaines que véhicule une certaine interprétation l'Islam.

L'antisémistisme, pour sa part, ne stigmatise pas une religion, mais un peuple. Or, il n'y a pas un peuple musulman comme il y a un peuple juif; par suite, la mise en parallèle de l'islamophobie et l'antisémitisme est abusive. L'Islam est un attribut accidentel, applicable - du fait de sa nature prosélyte - à tout être humain, quelle que soit son ethnie et sa couleur de peau. Au contraire Juif ne désigne qu'un seul peuple, à cause de son non-prosélytisme. Loin d'être le simple combat contre une religion, l'antisémitisme est la haine immotivée et inextinguible d'un certain peuple, le peuple juif. Les Juifs pourraient bien être athées, changer de religion, que l'antisémitisme persisterait. S'il existe des Juifs athées (parce que le mot " juif " énonce l'appartenance à un peuple, quelles que soient les idées de ceux qui sont ainsi indexés), la locution " musulman athée " s'avère absurde (parce qu'être musulman signifie adhérer à une croyance).

Les islamistes voient dans la bataille du vocabulaire un enjeu d'importance. Le terme d'islamophobie cache le piège tendu aux institutions laïques par les intégristes musulmans pour empêcher la critique de la religion tout en soumettant des segments de l'existence sociale (spécialement celle des femmes) à une emprise totalitaire. Perdre la bataille sémantique, en réutilisant le vocabulaire mis en circulation par les islamistes comme s'il allait de soi, est désastreux. Le mot " islamophobie " rabat à faux-titres la défense de la liberté et de la laïcité sur l'intolérance et sur la haine. Il réussit à contraindre les valeurs républicaines à demeurer sur la défensive: ce sont elles désormais qui, mises en difficulté par la sophistique d'un tour de passe-passe lexical, se voient accusées d'intolérance et d'intégrisme. La prestidigitation de ce mot consiste à renverser la réalité en plaçant l'obscurantisme en position de victime et la laïcité d'agresseur. La laïcité doit maintenir le mot " islamophobie " hors du cercle des débats, tout en pourchassant le racisme, en particulier l'arabophobie.

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6 juin 2010 7 06 /06 /juin /2010 23:03
Méthodes et tactiques
Les Frères musulmans et l'Europe

20 Mai 2010 par Point de Bascule

Mots clés: Frères musulmans, Europe, Ikwan

Brotherhood_logo.jpgLa Conquête de l'Europe par les Frères Musulmans
 

par Lorenzo Vidino
Middle East Quarterly
Hiver 2005

Translation of the original text: The Muslim Brotherhood's Conquest of Europe

Traduction française de Simon Pilczer, volontaire de l'IHC: La Conquête de l'Europe par les Frères Musulmans

Note de présentation de PdeB:

La version originale (v.o.) anglaise de cet article a été publiée en 2005. Plusieurs des hyperliens proposés par son auteur ne fonctionnent plus. L'article n'en est pas moins toujours fort pertinent car il offre une bonne récapitulation du programme poursuivi par les Frères tout en exposant les liens qui unissent plusieurs organisations islamistes d'Europe. Dans le contexte du projet de nouvelle mosquée à Montréal, sur le site patrimonial de l'ancienne propriété des Soeurs Grises, projet élaboré par un groupe d'organisations islamistes s'affichant ouvertement de la mouvance des Frères musulmans, cet article est d'une actualité criante. N'oublions pas qu'en Allemagne, il suffit d'être lié à la mouvance des Frères musulmans pour qu'un projet de mosquée soit arrêté par le Gouvernement, alors qu'ici au Canada et surtout au Québec, nos autorités gouvernementales et institutionnelles ne semblent pas encore faire les liens entre la confrérie des Frères musulmans et le radicalisme islamique mondial.


Depuis sa fondation en 1928, les Frères musulmans (Hizb al-Ikhwan al-Muslimun) ont profondément influencé la vie politique au Moyen-Orient. La devise de la confrérie déclare : « Allah est notre objectif. Le Prophète est notre chef. Le Coran est notre loi. Le Jihad est notre voie. Mourir dans la voie d'Allah est notre plus grande espérance ». (1) 

Alors que les idées radicales des « Frères » a donné forme à des générations d'islamistes, au cours des deux dernières décennies, elles ont perdu quelque peu de leur puissance et de leur attraction au Moyen-Orient, écrasées par une répression sévère par les régimes locaux et rejetées par les plus jeunes générations d'islamistes qui préfèrent souvent des organisations plus radicales.

 Mais le Moyen-Orient n'est qu'une partie du monde musulman. L'Europe est devenue un incubateur de la pensée et du développement politique islamistes. Depuis le début des années 1960, les membres des Frères musulmans et leurs sympathisants ont migré vers l'Europe et ont lentement mais constamment établi un large réseau bien organisé de mosquées, d'œuvres de charité, et d'organisations islamiques. A l'opposé de la plus large communauté islamique, l'objectif final des Frères musulmans peut ne pas être simplement « d'aider les musulmans à être les meilleurs citoyens qu'ils puissent être », mais plutôt d'étendre la loi islamique à travers l'Europe et les Etats-Unis. (2)

Quatre décennies d'enseignement et de culture ont payé. Les réfugiés étudiants qui ont émigré du Moyen-Orient il y a quarante ans, et leurs descendants dirigent aujourd'hui des organisations qui représentent les communautés musulmanes locales dans leur engagement avec l'élite politique de l'Europe. Financés par de généreux contributeurs du golfe persique, ils président à un réseau central qui s'étend sur presque chaque pays européen.

Ces organisations se présentent elles-mêmes comme le courant dominant, même si elles continuent d'embrasser les vues radicales des Frères et de maintenir des liens avec les terroristes. Suivant une rhétorique modérée et un Français, Flamand, ou Allemand bien parlé, ils ont gagné leur acceptation par les gouvernements européens et les médias aussi. Des politiciens de tout le spectre politique se précipitent pour s'engager à tout moment si une question impliquant des musulmans est soulevée, ou plus selon leur clocher, quand ils recherchent le vote de la communauté musulmane bourgeonnante.

Mais, parlant arabe ou turc avant leurs compagnons musulmans, ils abandonnent leur façade et adhèrent au radicalisme. Alors que leurs représentants parlent de dialogue interreligieux et d'intégration à la télévision, leurs mosquées prêchent la haine et mettent en garde les fidèles des maux de la société occidentale. Alors qu'ils condamnent publiquement les meurtriers des passagers à Madrid et des enfants des écoles en Russie, ils continuent de lever des fonds pour le Hamas et d'autres organisations terroristes. Des Européens, avides de créer le dialogue avec leur minorité musulmane de plus en plus désaffectée, ignorent cette duplicité. Le cas est particulièrement visible en Allemagne, qui occupe une position clé en Europe, non seulement à cause de sa position au cœur de l'Europe, mais aussi parce qu'elle a servi d'hôtesse à la première vague majeure d'immigrants Frères musulmans, et est l'hôtesse à la présence des « Frères » les mieux organisés. La réaction du gouvernement allemand est aussi instructive pour démontrer les dangers d'accepter seulement la rhétorique des « Frères musulmans » à sa valeur faciale, sans observer la portée plus générale de ses activités.


Les « Frères musulmans »

La situation en Allemagne est particulièrement parlante. Plus que partout ailleurs en Europe, les « Frères musulmans» en Allemagne ont gagné un pouvoir significatif et une acceptation politique. Des organisations islamistes dans d'autres pays européens suivent maintenant consciemment le modèle dont leurs pairs allemands se sont faits les pionniers.

Pendant les années 1950 et 1960, des milliers d'étudiants musulmans ont quitté le Moyen-Orient pour étudier dans des universités allemandes, attirés non seulement par la réputation des institutions techniques, mais aussi par le désir de fuir des régimes répressifs. Le régime du dirigeant égyptien Gamal Abdel Nasser était particulièrement vigoureux dans ses tentatives pour déraciner l'opposition islamiste. Débutant en 1954, plusieurs membres des « Frères musulmans » s'enfuirent d'Egypte pour échapper à l'arrestation ou à l'assassinat. L'Allemagne de l'Ouest apporta un refuge de bienvenue. Les motivations de Bonn n'étaient pas seulement altruistes. Comme l'expert du terrorisme Khalid Duràn l'a expliqué dans ses études sur le jihadisme en Europe (3), le gouvernement d'Allemagne de l'Ouest avait décidé d'interrompre ses relations diplomatiques avec les pays reconnaissant l'Allemagne de l'Est. Quand l'Egypte et la Syrie établirent des relations diplomatiques avec le gouvernement communiste, Bonn décida d'accueillir des réfugiés politiques égyptiens et syriens. Souvent, ces dissidents étaient des islamistes. De nombreux membres des « Frères musulmans » étaient déjà familiarisés avec l'Allemagne. Plusieurs avaient coopéré avec les nazis avant et pendant la deuxième guerre mondiale (4). Certains avaient même, selon des sources, combattu dans l'infâme division bosniaque Handschar des ‘SchutzStaffel' (SS) (5).

L'un des premiers pionniers des « Frères musulmans » en Allemagne était Saïd Ramadan, le secrétaire personnel du fondateur des « Frères musulmans » Hassan al Banna (6). Ramadan, un égyptien qui dirigea les irréguliers des « Frères musulmans » en Palestine en 1948 (7) partit à Genève en 1958 et fréquenta l'école de Droit de Cologne (8) en Allemagne, il fonda ce qui est devenu l'une des trois principales organisations musulmanes en Allemagne, the « Islamische Gemeinschaft Deuschland (IGD) » (Société Islamique d'Allemagne) qu'il présida de 1958 à 1968 (9). Ramadan cofonda aussi la Ligue Musulmane Mondiale (Muslim World League - MWL ) (10), une organisation bien financée que les Saoudiens utilisent pour étendre l'interprétation radicale de l'Islam à travers le monde. Le gouvernement américain surveille étroitement les activités de la MWL, qu'il accuse de financer le terrorisme. En mars 2002, un groupe de travail conduit par le département du trésor américain a lancé un raid sur les bureaux de Virginie du nord du groupe à la recherche des documents liant le groupe à Al Qaïda, au Hamas, et au jihad islamique palestinien. En janvier 2004, le comité des finances du Sénat demanda au service des revenus intérieurs ses dossiers sur la Ligue Musulmanes Mondiale (MWL) « comme partie d'une enquête sur les liens possibles entre des organisations non gouvernementales et des réseaux de financement du terrorisme » (11). Cette relation privilégiée avec le royaume riche en pétrole assura à Ramadan un afflux d'argent, qu'il utilisa pour financer le puissant centre islamique de Genève (CIG) et alimenter les comptes de plusieurs activités financières et religieuses. Hani Ramadan, fils de Saïd, dirige actuellement le centre de Genève. Parmi les autres membres du conseil d'administration figure l'autre fils de Saïd, Tariq Ramadan, qui a fait récemment les titres des journaux aux Etats-Unis quand le département de la Sécurité intérieure a révoqué son visa pour enseigner à l'Université Notre Dame (12). Le cas de Saïd Ramadan n'est pas isolé (13).

Après 10 ans de présidence de l'IGD par Ramadan, le citoyen pakistanais Fazal Yazdani le dirigea brièvement avant que Ghaleb Himmat, un Syrien doté de la citoyenneté italienne, prît la barre. Pendant son long service (1973 - 2002), Himmat fit la navette entre l'Italie, l'Autriche, l'Allemagne, la Suisse et les Etats-Unis (14). Des agences de renseignement dans le monde ont longtemps enquêté sur les relations terroristes d'Himmat. Il est l'un des fondateurs de la banque al Taqwa, un puissant conglomérat doublé par le renseignement italien. « Banque des ‘Frères musulmans », qui a financé des groupes terroristes depuis le milieu des années 1990 si ce n'est avant (15). Himmat a aidé Youssef Nada, l'un des cerveaux financiers des « Frères musulmans », dirige al-Taqwa et une toile de compagnies ayant leur siège dans des lieux comme la Suisse, le Liechtenstein, et les Bahamas, qui maintiennent peu de réglementations sur l'origine ou la destination des fonds. Aussi bien Himmat que Nada sont réputés avoir acheminé de large sommes à des groupes tels que le Hamas et le Front Islamique du Salut (FIS) algérien (16) et ont mis en place une ligne de crédit secrète pour un associé au sommet d'Oussama ben Laden (17).

En novembre 2001, le département du trésor des USA a désigné aussi bien Himmat et Nada comme des financiers du terrorisme (18). Selon le renseignement italien, le réseau al-Taqwa a aussi financé plusieurs centres islamiques à travers l'Europe (19), et beaucoup de publications islamistes, dont Risalatul Ikhwan (20), le magazine officiel des « Frères musulmans ». Après son classement par le département du trésor des USA, Himmat démissionna de la présidence de l'IGD. Son successeur fut Ibrahim el-Zayat, âgé de 36 ans et d'ascendance égyptienne, et chef charismatique de nombreuses organisations étudiantes.

Le fait que les dirigeants de l'IGD, Ramadan et Himmat sont parmi les plus importants membres des « Frères musulmans » du demi siècle écoulé suggère les liens entre l'IGD et l'Ikhwan. De plus, des rapports provenant des agences de renseignement intérieur de plusieurs états allemands désignent ouvertement l'IGD comme une ramification des « Frères musulmans » (21). En particulier, selon un rapport du renseignement, la branche égyptienne des « Frères musulmans » a dominé l'IGD depuis ses premiers jours (22).

« Les Frères musulmans » - conduits par Ramadan et Himmat (23) - ont parrainé la construction de l'imposant centre islamique de Münich en 1960 (24). Aidés par de larges donations de dirigeants du Moyen Orient tels le roi Fahd d'Arabie Saoudite qui, selon un article du Sueddeutsche Zeitung de 1967, a donné 80.000 marks (25). Le ministre de l'intérieur de Rhénanie du nord -Westphalie déclare que le centre islamique de Münich a été l'un des quartiers généraux européens des « Frères » depuis sa fondation (26). Le centre publie un magazine, Al Islam, dont les efforts (selon un dossier du renseignement italien) (27), sont financés par la banque al-Taqwa. Selon le ministre de l'intérieur du Bade-Wurtemberg, Al - Islam montre explicitement comment les « Frères musulmans allemands » rejettent le concept d'état laïc (28). Son numéro de février 2002, par exemple, déclare :


« Dans le long terme, les Musulmans ne pourront se satisfaire de l'acceptation de la loi de la famille allemande, du sol, et du tribunal... Les Musulmans doivent avoir pour objectif un agrément entre les Musulmans et l'état allemand avec pour but une juridiction séparée pour les Musulmans. »


l'IGD, dont le centre islamique de Münich est l'un des membres les plus importants, représente la principale ramification des « Frères égyptiens » en Allemagne. Mais l'IGD est aussi l'exemple quintessenciel de la manière dont les « Frères musulmans » ont gagné en puissance en Europe. L'IGD a grandi significativement au cours des années, et il inclut aujourd'hui des douzaines d'organisations islamiques à travers le pays. Des centres islamiques de plus de trente villes allemandes se sont placées sous son égide (29). Aujourd'hui, la force réelle de l'IGD réside dans sa coopération avec, et le parrainage de nombreuses organisations de jeunesse et d'étudiants islamiques à travers l'Allemagne.

Ce ciblage sur les organisations de jeunesse est intervenu après la succession de Zayat. Il comprit l'importance de se concentrer sur la génération suivante des Musulmans allemands et lança des campagnes de recrutement pour engager les jeunes musulmans dans les organisations islamiques. Mais un rapport de la police de Meckenheim sur Zayat habillé avec acuité révèle aussi des connexions alarmantes. Les autorités allemandes disent ouvertement qu'il est un membre des « Frères musulmans ». Ils le relient aussi à « l'Assemblée Mondiale des la Jeunesse Musulmane (WAMY en anglais, ndt) », une organisation non gouvernementale saoudienne qui cherche à étendre le Wahhabisme, l'interprétation radicale et intolérante saoudienne de l'Islam, à travers le monde, par sa littérature et ses écoles (30). WAMY, qui se place sous l'égide de la Ligue Islamique Mondiale, a pour objectif déclaré « d'armer la jeunesse musulmane d'une pleine confiance dans la suprématie du système islamique sur tous les autres systèmes ». C'est la plus grande organisation de jeunesse musulmane dans le monde qui peut se vanter de ressources inégalées (31). En 1991 WAMY a publié un livre appelé Tawijhat Islamiya (Vues islamiques) qui déclarait, « Enseigne à nos enfants d'aimer à prendre sa revanche sur les Juifs et les oppresseurs, et enseigne leur que nos jeunes libèreront la Palestine et al-Qods (Jérusalem) quand ils reviendront à l'Islam et feront le jihad au nom d'Allah » (32). Les sentiments dans Tawjihat Islamiya sont la règle plutôt que l'exception. Beaucoup d'autres publications de WAMY sont remplies d'une forte rhétorique antisémite et antichrétienne.

La police de Meckenheim lie aussi Zayat à l'Institut Européen des Sciences Humaines, une école française qui forme les imams européens. Plusieurs clercs radicaux donnent des conférences à l'école et plusieurs agences européennes de renseignement accusent l'école de répandre la haine religieuse (33). Des autorités allemandes soulignent aussi le fait qu'il est impliqué dans plusieurs enquêtes de blanchiment d'argent (34). Zayat n'a jamais été accusé d'activité terroriste, mais il a des opérations financières douteuses et maintient des liens avec beaucoup d'organisations qui répandent la haine religieuse. L'IGD pourrait avoir changé de dirigeant après la désignation de Himmat par le trésor des US, mais il n'a pas changé de direction.

Alors que la branche égyptienne des « Frères musulmans » a choisi Münich comme base d'opérations en Allemagne, sa branche syrienne a son siège à Aix-la-Chapelle |Aachen, ndt], ville allemande proche de la frontière hollandaise. Ancienne capitale carolingienne, avec sa fameuse université, elle est maintenant le foyer d'une grande population musulmane, dont l'importante famille syrienne Al Attar. Le premier Attar qui migra à Aachen fut Issam, qui fuyait la persécution de son pays natal dans les années 1950 lorsqu'il était chef de la branche syrienne des « Frères musulmans ». D'autres membres des « Frères musulmans » syriens suivirent bientôt. Avec le temps, des islamistes d'autres pays adoptèrent la mosquée Bilal d'Attar à Aix-la-Chapelle comme leur base d'opérations (35). Depuis l'accueil de terroristes algériens exilés (36) à l'organisation caritative désignée par le département du trésor des USA comme le front financier du Hamas (37), Aix-la-Chapelle est bien connue des agences de renseignement à travers le monde.

La base des « Frères musulmans » syriens à Aix-la-Chapelle a conservé des relations étroites avec leurs répondants égyptiens. Par exemple, confirmant la tendance d'importantes familles des « Frères musulmans » à des alliances étroites par des mariages croisés, le fils d'Issam al-Attar est marié à la fille du banquier d'al-Taqwa Youssef Nada (38). Des liens entre les deux branches des « Frères musulmans » sont plus larges qu'un seul mariage, cependant. Le centre islamique d'Aix-la-Chapelle a reçu un financement d'al-Taqwa (39). Les membres du personnel ont fait des rotations entre les centres islamiques à Aix-la-Chapelle et Münich (40). Cependant, il demeure une certaine distance. Les « Frères musulmans » syriens n'ont jamais rejoint l'IGD, préférant à la place garder une certaine forme d'indépendance.


Milli Görüþ

De toutes les activités financières de Zayat, celle qui a attiré la plus forte suspicion des autorités allemandes a été son association avec des officiels de Milli Gorüp (Vision nationale, en turc). Milli Gorüp, qui compte 30.000 membres et peut-être 100.000 sympathisants de plus (41) revendique la défense des droits de la population turque immigrée en Allemagne, pour leur donner une voix dans l'arène politique démocratique en « préservant leur identité islamique ». (42). Mais Milli Gorüb a un autre objectif. Alors qu'il proclame publiquement son intérêt pour le débat démocratique et sa volonté de voir les immigrants turcs intégrés dans les sociétés européennes, quelques dirigeants de Milli Gorüb ont exprimé leur mépris pour la démocratie et les valeurs occidentales. Le Bundesverfassungsschutz, agence intérieure de renseignement allemande, a mis en garde de façon réitérée au sujet des activités de Milli Gorüb, décrivant le groupe dans ses rapports annuels comme une « organisation étrangère extrémiste » (43). L'agence a aussi rapporté que « bien que Milli Gorüb, dans ses déclarations publiques, prétend adhérer aux principes de base des démocraties occidentales , l'abolition du système de gouvernement laïque en Turquie et l'établissement d'un état et d'un système social islamiques, sont, comme auparavant, parmi ses buts ». (44)


L'histoire de Milli Gorüb elle-même montre pourquoi le groupe doit être considéré radical. Le précédent Premier Ministre Nehmettin Erbakan, dont le parti Refah a été interdit par la Cour Constitutionnelle turque en janvier 1998 pour « activités contre le régime laïc du pays » (45), est encore le chef indiscuté de Milli Gorüp, même si son neveu Mehmet Sabri Erbakan en est le président. Le meeting européen en 2002 de Milli Gorüp tenu dans la cité hollandaise d'Arnhem, où Nehmetin Erbakan était le principal orateur, apporte un éclairage à l'idéologie de Milli Gorüb. Après une tirade contre les maux de l'intégration en Occident et la politique américaine, Erbakan déclara « qu'après la chute du mur, l'Occident a trouvé un ennemi dans l'Islam » (46). Un rapport du groupe de renseignement fédéral révèle les buts réels de Milli Görüp:


Alors que dans les périodes récentes, le Milli Görüp a souligné de façon croissante l'accord de ses membres pour être intégrés dans la société allemande et affirme son adhésion à la loi fondamentale, ces déclarations prennent souche dans un calcul tactique plutôt que dans une quelconque modification interne de l'organisation. (47)


Milli Görüþ pousse un plan d'action identique à celui de l'IGD, même si sa cible est plus limitée. Cependant, aussi bien Milli Görüþ et l'IGD collaborent dans de nombreuses initiatives. Il existe aussi une connexion familiale. Zayat s'est marié avec Sabiha Erbakan, la sœur de Mehmet Sabri Erbakan (48). La mère des frère et sœur est aussi engagée en politique et dirige une importante organisation de femmes islamiques en Allemagne. La famille Zayat est active aussi, le père d'Ibrahim el-Zayat est l'imam de la mosquée de Marburg ; d'autres membres de sa famille sont impliqués dans des organisations islamiques. Comme le note Udo Ulfkotte, un professeur de Sciences Politiques spécialisé dans le contre-espionnage à l'université de Lueneburg et expert du terrorisme islamique, les Erbakan et les Zayat dirigent des réseaux d'organisations qui ont pour objet la radicalisation, respectivement des communautés turques et musulmanes en Allemagne. (49)

L'IGD et Milli Görüþ s'efforcent d'augmenter leur influence politique et de devenir les représentants officiels de toute la communauté musulmane allemande. Avec des budgets bien dotés, leurs mosquées procurent des services sociaux, organisent des conférences, et distribuent de la littérature dans tout le pays. Comme l'Office de Protection de la Constitution (Landesverfassungsschutz) en Hesse (50) le note :


La menace de l'islamisme pour l'Allemagne est posée... d'abord par Milli Görüþ et d'autres groupes affiliés. Ils tentent de répandre les vues islamistes dans les limites de la loi. Puis ils essaient d'appliquer... pour tous les Musulmans en Allemagne, une stricte application du Coran et de la sharia... Leur soutien public de la tolérance et à la liberté religieuse doit être traité avec prudence (51).


Il représente un problème que les politiciens et les services de sécurité en Allemagne voient l'IGD et Milli Görüþ de façon si différente. Mais comme Ulfkotte l'a écrit sur Zayat dans son livre « La guerre dans nos cités » (Der Krieg in unseren Staedten) (52) « Des politiciens de toutes les couleurs, et des partis essaient de l'aider » (53). Par exemple, la prestigieuse Académie Catholique de Berlin a invité Zayat à représenter le point de vue musulman dans une réunion interreligieuse organisée par l'Académie en octobre 2002 (54). Des politiciens allemands et des institutions chrétiennes prennent régulièrement pour partenaire Milli Görüþ dans différentes initiatives. Milli Gazete, le journal official de Milli Görüþ, a déclaré un jour que "Milli Görüþ est un bouclier protégeant nos concitoyens contre l'assimilation à l'Europe barbare » (55). Cependant, des politiciens allemands rencontrent régulièrement des officiels de Milli Görüþ pour discuter des problèmes de l'immigration et de l'intégration. Le fait qu'un officiel comme Ahmed al-Khalifah, secrétaire général de l'IGD, représente l'Islam devant des membres du parlement qui discutent de tolérance religieuse (56) monte le succès des efforts des organisations liées aux « Frères » pour gagner l'acceptation comme représentants des Musulmans allemands. L'Office pour la Protection de la Constitution a bien décrit ces efforts, disant que Milli Görüþ (et l'IGD) « s'efforce de dominer les fédérations régionales et nationales et les organisations recouvrant les Musulmans qui gagnent sans cesse en importance comme interlocuteurs de l'état et des autorités ecclésiastiques, et ainsi étendre son influence dans la société (57).


Zentralrat (assemblée centrale), la couverture Islamiste

En 1989, sous les auspices d'Abdullah al-Turki, le puissant doyen de l'Université Bin Saud de Ryadh, les Saoudiens ont créé le « Konzil Deutschland » (Concile Islamique d'Allemagne). Turki a assumé sa présidence ainsi que d'autres positions éminentes tenues par Ibrahim el-Zayat, Hassan Özdögan, un officiel de haut rang de Milli Görüþ, et Ahmad Khalifa, un officier du Centre islamique de Münich (58). Alors qu'un rapport officiel du parlement allemand décrit l'Islamische Konzil comme juste « une autre organisation sunnite », une telle hypothèse montre une dangereuse incompréhension de la relation des Saoudiens avec les islamistes allemands (59).

Le courant vers la consolidation a fait un pas en avant en 1994 quand les islamistes allemands ont réalisé qu'une coalition unie se traduisait en une importance et une influence politiques plus grandes. Dix-neuf organisations, dont l'IGD, le Centre Islamique de Münich, et le Centre Islamique d'Aix-la-Chapelle, ont créé une organisation de couverture, le « Zentralrat der Muslim » [conseil central des Musulmans, ndt]. Selon un officiel de haut rang du renseignement allemand, au moins neuf de ces dix-neuf organisations appartiennent aux « Frères musulmans » (60). La presse allemande a récemment enquêté sur le président du Zentralrat, Nadeem Elyas, un médecin saoudien éduqué en Allemagne, et un officiel du Centre §Islamique d'Aix-la-Chapelle. Die Welt a lié Elyas à Christian Ganczarski, un opérateur d'al Qaïda emprisonné comme l'un des cerveaux de l'attaque de 2002 contre une synagogue en Tunisie (61). Ganczarski, un allemand d'ascendance polonaise converti à l'islam, déclara aux autorités qu'al Qaïda l'avait recruté à l'Université Islamique de Médine où Elyas l'avait envoyé pour étudier (62). Elyas déclara qu'il ne se souvenait pas de l'avoir rencontré mais ne nia pas la possibilité que Ganczarski, qui ne termina jamais le lycée, ait pu être l'un des nombreux individus qu'il avait envoyé au cours des années dans des écoles radicales d'Arabie saoudite (63). Des donateurs saoudiens toutes les dépenses de Ganczarski (64). Ganczarski n'était pas seul. Elyas admit avoir envoyé des centaines de Musulmans allemands étudier dans l'une des plus radicales des Universités d'Arabie saoudite (65).

Le ‘Zentralrat', qui se décrit lui-même comme l'organisation couvrant les organisation musulmanes allemandes, est devenu, avec l'IGD et Milli Görüþ, le représentant de facto de trois millions de Musulmans allemands. Même si l'IGD est un membre du Zentralrat, les deux organisations opèrent souvent indépendamment. Leur indépendance apparente est planifiée. Avec beaucoup d'organisations opérant sous différents noms, les « Frères Musulmans » trompent les politiciens allemands qui croient qu'ils consultent un éventail d'opinion (66). Les médias cherchent les officiels du ‘Zentralrat' quand ils veulent avoir la vue musulmane sur tout, depuis le débat sur l'admissibilité du hijab (foulard couvrant la tête) dans les écoles publiques, jusqu'à la guerre en Irak, etc... Les politiciens recherchent l'approbation du Zentralrat quand ils veulent atteindre la communauté musulmane. Beaucoup de politiciens allemands sont mal informés sur l'Islam et ne comprennent pas que la vue et l'interprétation de l'Islam que le Zentralrat exprime, comme le font l'IGD et le Milli Görüþ, est celui des « Frères musulmans » et non celui cde l'Islam traditionnel. De même, le Zentralrat exprime une opposition totale à toute interdiction du hijab, soutient l'éducation islamique influencée par le wahhabisme dans les écoles, et approuve une position radicale dans la situation au Moyen-Orient (67). Alors que beaucoup de Musulmans soutiennent ces vues, le problème est que le Zentralrat ne représente ni ne tolère ceux qui ont des vues divergentes. Les groupes de Musulmans allemands modérés manquent du financement et de l'organisation des groupes liés aux « Frères musulmans ». en termes de nombre, d'influence sur la communauté musulmane, et d'importance politique, le Zentralrat et ses deux plus importantes parties constituantes, l'IGD et le Milli Görüþ, dominent la scène. Avec un ample financement saoudien, les « Frères musulmans » sont parvenus à devenir la voix des Musulmans en Allemagne.

Récemment, le public allemand a été choqué d'entendre ce qui est prêché dans les mosquées et les écoles financées par les Saoudiens. A l'automne 2003, un journaliste équipé d'une caméra cachée de la télévision allemande ARD s'est infiltré à l'Académie du roi Fahd de Bonn construite par les Saoudiens., et a enregistré ce qui était enseigné aux jeunes enfants musulmans. Un enseignant appelait au jihad contre les infidèles (68). Alors que les images provoquaient une réprimande des politiciens allemands, le débat plutôt stérile autour de l'influence de l'Arabie saoudite sur les musulmansallemands n'a pas entraîné un changement tangible. Des officiels saoudiens et des organisations non gouvernementales continuent à lustrer les organisations des « Frères Musulmans ».


L'Allemagne d'abord, puis l'Europe

Alors que les "Frères musulmans" et leurs financiers saoudiens ont travaillé à cimenter l'influence islamiste sur la communauté musulmane allemande, ils n'ont pas limité leur infiltration à l'Allemagne. Grâce à de généreux financements étrangers, à une organisation méticuleuse, et à la naïveté des élites européennes, les organisations liées aux « Frères musulmans » ont gagné des positions proéminentes à travers l'Europe. En France, l'extrémiste « Union des Organisations Islamiques de France » (UOIF) est devenue l'organisation prédominante au conseil islamique du gouvernement (69). En Italie, l'extrémiste « Unione Delle Communita' ed Organizzazioni Islamiche in Italia » (Union des Communautés et organisations islamiques en Italie) est le premier partenaire du gouvernement dans le dialogue concernant les questions islamique en Italie (70).

En parallèle aux efforts d'intégration européens, les "Frères musulmans" cherchent aussi à intégrer leurs différents mandataires européens. Dans les quinze dernières années, les « Frères Musulmans » ont créé une série d'organisations paneuropéennes telles que la Fédération des Organisations Islamiques en Europe, dans laquelle des représentants d'organisations nationales peuvent se rencontrer et planifier des initiatives (71). Peut-être le plus grand impact paneuropéen des « Frères musulmans » a-t-il été, comme avec « l' Islamische Gemeinschaft Deutschland » (IGD), son organisation de jeunesse. En juin 1996, des organisations de jeunesse de Suède, de France, et d'Angleterre ont joint leurs forces avec la Fédération des Organisations Islamiques en Europe et l'Assemblée Mondiale de la Jeunesse Musulmane pour créer une organisation de la jeunesse islamique européenne (72). Trois mois plus tard, trente-cinq délégués de onze pays se sont rencontrés à Leicester et ont lancé formellement le Forum de la jeunesse musulmane européenne et des organisations étudiantes [FEMYSO en anglais, ndt] qui maintient son siège à Bruxelles (73).

Selon ses publications officielles, le FEMYSO est un « réseau de 42 organisations nationales et internationales rassemblant des jeunes de 26 pays différents. Le «FEMYSO » a déclaré fièrement en 2003 que durant les quatre années précédentes, il était devenu :


« La voix de facto de la jeunesse musulmane en Europe. Il est régulièrement consulté sur des questions concernant les Musulmans en Europe. Il a aussi développé des liens utiles avec : les Parlement Européen, le conseil de l'Europe, les Nations Unies, le Forum Européen de la Jeunesse, et de nombreuses ONG importantes au niveau européen (74).


Ibrahim el-Zayat, qui tint la présidence jusqu'à ce que ses engagements en Allemagne l'aient obligé à se retirer, a même utilisé le perchoir de la FEMYSO pour s'adresser au Parlement Européen (75). Parce que les « Frères musulmans » apportent la matière première des organisations constituant la FEMYSO , il apporte « la voix de facto de la jeunesse musulmane en Europe ». Alors que la FEMYSO clame qu'elle est « engagée à combattre les préjugés à tous les niveaux, de sorte que le futur de l'Europe soit multiculturel, accueillant et respectueux de chacun » (76) de telles déclarations sonnent faux étant données les positions des parrains comme l'Assemblée Mondiale de la Jeunesse Musulmane qui croit que « les Juifs sont les ennemis du fidèle, de Dieu, et des anges ; les Juifs sont les ennemis de l'humanité...Chaque tragédie qui afflige les Musulmans est causée par les Juifs (77).

Les larges finances et l'organisation des "Frères musulmans" ont contribué à leur succès en Europe. Mais leur acceptation dans le courant principal de la société, et leur irrésistible ascension vers le pouvoir n'aurait pas été possible si les élites européennes avaient été plus vigilantes, avaient donné plus de valeur à la substance qu'à la rhétorique, et compris les motivations des ceux qui financent et construisent ces organisations islamistes. Pourquoi les européens ont-ils été aussi naïfs ? Bassam Tibi, un professeur allemand d'ascendance syrienne et expert de l'Islam en Europe, pense que les européens - et les allemands en particulier - craignent l'accusation de racisme (78). Des radicaux sous une peau de mouton ont appris qu'ils peuvent faire taire presque tout un chacun sous l'accusation de xénophobie. Toute critique des organisations liées aux « Frères musulmans » est suivie de tollés de racisme et de persécution antimusulmane. Des journalistes qui ne sont pas effrayés par ces appellations sont inondés de poursuites judiciaires sans fondement et sans succès mais coûteuses.

Dans certains cas, des politiciens échouent tout simplement à vérifier les déterminants de ceux qui prétendent être les représentants légitimes de la communauté musulmane. Comme aux Etats-Unis, des représentants autoproclamés de la communauté musulmane sont beaucoup plus radicaux que les populations qu'ils représentent. Dans d'autres cas, des politiciens réalisent que ces organisations ne sont pas les partenaires idéaux pour un dialogue constructif mais ils ne prennent pas le temps de rechercher des organisations moins visibles mais plus modérées, dont plusieurs existent seulement au niveau de base, gênés par des contraintes financières.

Ce que la plupart de politiciens européens ne parviennent pas à comprendre est que, en rencontrant des organisations radicales, ils leur donnent du pouvoir et assurent la légitimité des « Frères musulmans ». Il y a un appui implicite à toute réunion, spécialement quand les mêmes politiciens ignorent les voix modérées qui n'ont pas accès au généreux financement saoudien. Cela crée un cycle auto perpétué de radicalisation, parce que plus la politique de légitimation politique des « Frères musulmans » est grande, plus ‘opportunité pour qu'eux et leurs groupes affiliés gagnent en influence et radicalisent diverses communautés musulmanes européennes. L'ironie ultime est que le fondateur des « Frères musulmans », Hassan al Banna rêvait de répandre l'Islamisme à travers l'Egypte et le monde musulman. Il n'aurait jamais rêvé que sa vision aurait pu aussi devenir une réalité en Europe.

Lorenzo Vidino est directeur adjoint du Projet d'Enquête, un institut de recherche antiterroriste basé à Washington D.C.

[1] "Homepage," Muslim Brotherhood Movement website, accessed Dec. 22, 2004.
[2]
The Chicago Tribune, Sept. 19, 2004; also see Daniel Pipes, The Islamic States of America?, FrontPageMagazine.com, Sept. 23, 2004.
[3] Khalid Duran, "Jihadism in Europe," The Journal of Counterterrorism and Security International, Fall 2000, pp. 12-5.[4] Richard Labeviere, Dollars for Terror: The U.S. and Islam (New York: Algora Publishing 2000), p. 141.
[5] Georges Lepre, "Himmler's Bosnian Division: The Waffen SS Handschar Division 1943-45," Schiffer Aviation History, Jan. 2000, pp. 31-4.
[6] M. H. Faruqi, "Les Frères musulmans. Politique de ‘rabbaniyya,' les prières avant le pouvoir Dr. Saïd Ramadan, 1926-1995," Historique du Centre Islamique, Islamic Center of Geneva.[7] Ibid.[8] Ibid.[9] "Prasidenten der IGD," Islamische Gemeinschaft in Deutschland website, accessed Dec. 22, 2004.[10] Faruqi, "Les Frères musulmans," Historique du Centre Islamique.[11] "Senators Request Tax Information on Muslim Charities for Probe," U.S. State Department news release, Jan. 14, 2004.[12] Fouad Ajami, "Tariq Ramadan," The Wall Street Journal, Sept. 7, 2004.[13] Labeviere, Dollars for Terror, p. 122.[14] Official dossier on Ahmed Nasreddin (hereafter Nasreddin dossier), Servizio per le Informazioni e la Sicurezza Democratica (Italian secret service, SISDE), Apr. 6, 1996, p. 10.[15] Ibid., p. 24.[16] Ibid., p. 31.[17] Newsweek, May 12, 2004.[18] "Recent OFAC Actions," U.S. Department of the Treasury, Office of Foreign Assets Control, Nov. 7, 2001.[19] Nasreddin dossier, p. 31.[20] Ibid.
[21] "Islamische Gemeinschaft in Deutschland" Innenministerium, Nordrhein-Westfalen land website, accessed Dec. 22, 2004; "Islamismus," Landesamt fur Verfassungsschutz, Hessen website, accessed Dec. 22, 2004.
[22] "Islamische Gemeinschaft in Deutschland," Innenministerium, Nordrhein-Westfalen land.
[23] Official Guide to the Munich Mosque (Munich: The Islamic Center of Munich), purchased by the author at the Milli Görüþ' bookstore, Cologne, Feb. 2004.
[24] "Islamische Gemeinschaft in Deutschland," Innenministerium, Nordrhein-Westfalen land.
[25] Sueddeutsche Zeitung (Munich), July 29-30, 1967.
[26] "Islamische Gemeinschaft in Deutschland," Innenministerium, Nordrhein-Westfalen land.
[27] Nasreddin dossier, p. 31.
[28] Report on radical Islam, Baden Württenberg state Verfassungsschutzbericht, 2003, p. 48.
[29] "Koordination mit Zentren in folgenden Städten," Islamische Gemeinschaft in Deutschland website, accessed Dec. 22, 2004.[30] Report on Ibrahim el-Zayat, Cologne police, Aug. 27, 2003, p. 3.[31] David Kane, FBI senior special agent, affidavit in "Supplemental Declaration in Support of Pre-Trial Detention," United States of America v. Soliman S. Biheiri, U.S. District Court for the Eastern District of Virginia. The affidavit also details WAMY's links to the Palestinian terrorist organization Hamas.[32] Kane, "Supplemental Declaration in Support of Pre-Trial Detention."[33] The Wall Street Journal, Apr. 15, 2003.[34] Report on el-Zayat, Aug. 27, 2003, p. 4.[35] Duran, "Jihadism in Europe," pp. 12-5.
[36] Klaus Gruenewald, "Defending Germany's Constitution," Middle East Quarterly, Mar. 1995, p. 10.[37] See Al-Aqsa Foundation, "Recent OFAC Reports," U.S. Department of the Treasury, Office of Foreign Assets Control, June 6, 2003.[38] Nasreddin dossier, p. 9.[39] Ibid., p. 30.[40] Duran, "Jihadism in Europe," pp. 12-5.
[41] "Islamische Gemeinschaft Milli Gorus," Innenministerium, Nordrhein-Westfalen land website, accessed Dec. 22, 2004.[42] Annual report of the Office for the Protection of the Constitution (Bundesverfassungsschutz), 2000, Cologne, p. 174.[43] Annual report of the Office for the Protection of the Constitution (Bundesverfassungsschutz), 1999, Cologne, p. 165.[44] Ibid.[45] Agence France-Presse, Jan. 16, 1998.[46] Mehmet Ülger, "Manifestatie Milli Görüþ in Arnhem," De Humanist, July 2003.[47] Annual report, Bundesverfassungsschutz, 2000, p. 198.[48] Udo Ulfkotte, Der Krieg in unseren Staedten (Frankfurt: Eichborn Publishing, 2003), pp. 32-3.[49] Author interview with Udo Ulfkotte, Frankfurt, Feb. 2004.[50] Within the German federal system, each state has its own Office of the Protection for the Constitution (Landesverfassungsschutz), which is independent from the national Bundessverfassungsschutz.[51] "Islamismus," Landesamt fur Verfassungsschutz, Hessen.[52] Frankfurt: Eichborn Publishing, 2003.[53] Ulfkotte, Der Krieg in unseren Staedten, p. 38.
[54] "Christentum und Islam," German Association of Muslim Social Scientists (GMSG), Oct. 26, 2002.[55] Anti-Semitism Worldwide 1998/9 (Tel Aviv: Stephen Roth Institute, Tel Aviv University, 2000).[56] Ulfkotte, Der Krieg in unseren Staedten, p. 38.[57] Annual report, Bundesverfassungsschutz, 2000, p. 174.[58] Ulfkotte, Der Krieg in unseren Staedten, p. 164.[59] Ibid., p. 162.
[60] Hartwig Mueller, head of the Verfassungsschutz of Nordrhein Westfahlen, interview on German television SWR, Mar. 21, 2003.[61] Die Welt (Berlin), May 6, 2003.[62] Michael Waller, testimony before the Senate Judiciary Committee Subcommittee on Terrorism, Technology, and Homeland Security, Oct. 14, 2003.[63] The Wall Street Journal, Feb. 21, 2003.[64] Die Welt, May 6, 2003.[65] Ibid.[66] Author interview with Ulfkotte, Frankfurt, Feb. 2004.[67] Ibid.[68] Time, Nov. 2, 2003.[69] Ibid., Apr. 27, 2003.[70] Renzo Guolo, Xenofobi e Xenofili. Gli Italiani e l'Islam (Bari: Laterza Publishing, 2003), p. 14.[71] "The Global Community," MABOnline, Muslim Association of Britain, Dec. 20, 2004.[72] Forum of European Muslim Youth and Student Organizations brochure, emailed to author by a representative of FEMYSO, Jan. 2004.[73] Ibid.[74] Ibid.[75] "L'Islam en Europe ou L'Islam d'Europe," conference program, European Parliament, Brussels, Dec. 11, 2002.[76] FEMYSO brochure.[77] "Animosity toward the Jews, " A Handy Encyclopedia of Contemporary Religions and Sects (WAMY), FBI translation from Arabic; Steven Emerson, statement to the National Commission on Terrorist Attacks upon the United States, July 9, 2003; Kane, "Supplemental Declaration in Support of Pre-Trial Detention."[78] Bassam Tibi, Islamische Zuwanderung, Die gescheiterte Integration (Munich: DVA, 2002), p. 135.


Conquete_de_loccident.jpgA la conquête de l’Occident? 


par Paul Grossrieder,
MAGAZINE
L'islamisme politique,
le 22 novembre 2005


Il y a des années qu'en Occident – et en Europe en particulier – l'on s'interroge sur le rôle de l'islam en politique. Sylvain Besson, un journaliste du «Temps», vient de publier un livre très documenté sur cette question fondamentale. «La conquête de l'Occident» suit pas à pas l'histoire de la découverte d'un document des islamistes tenu secret jusqu'ici et qui s'appelle le «Projet».

Sylvain Besson s’interroge sur la vision politique et «conquérante» de certains mouvements islamistes, comme les Frères musulmans. Le «Projet» est une trouvaille de policiers suisses et italiens quelques semaines après les attentats du 11 septembre 2001. Il s’agit d’un texte de 14 pages, daté de décembre 1982 et s'ouvre ainsi: «Ce rapport présente une vision globale d'une stratégie internationale pour la politique islamique.» Le premier intérêt de ce document réside dans le fait qu'il provient des milieux des Frères musulmans, qui aiment se présenter comme l'alternative «modérée» au terrorisme islamiste, représentée, entre autres, par l'intellectuel musulman suisse Tariq Ramadan.

A travers l'analyse du contenu du Projet, l'auteur veut «montrer qu'au sein du Mouvement islamique, un noyau dur de penseurs et d'organisateurs a gardé vivant le rêve des origines – faire de l'islam la civilisation dominante et mettre fin à l'hégémonie de l'Occident matérialiste sur l'humanité». L'objectif est rien moins qu'établir «un pouvoir islamique sur toute la terre». L'ambition est non seulement affirmée, mais des conseils sont donnés sur les instruments de propagande et de prédication à mettre sur pied, et des moyens financiers sont mis à disposition. Il ne s'agit donc pas simplement d'un exposé théorique, mais d'une feuille de route à mettre en pratique.  

Essentiellement, le Projet ne propose pas un soutien au terrorisme, mais plutôt un «projet de société qui place le groupe au-dessus de l'individu, l'autorité divine au-dessus de la liberté humaine, le texte sacré au-dessus des lois profanes». L'auteur est convaincu que ce document est à la base du développement de l'islamisme dans le monde depuis vingt ans.


La filiation de l'islamisme

Le livre s'arrête longuement sur les filiations intellectuelles et spirituelles du document. Deux noms dominent: Saïd Ramadan, le défunt père de Tariq, et Yousouf al-Qaradawi, le prédicateur et théologien d'origine saoudienne le plus connu des musulmans actuellement en raison de ses apparitions régulières sur la chaîne de télévision arabe Al Jazira. De ces pages ressort clairement la parenté de pensée avec celle du Projet.

L'auteur décèle une ambiguïté fondamentale chez les Frères musulmans «modérés par rapport aux terroristes d'Al-Qaïda et aux intégristes qui rejettent l'ensemble du monde moderne, extrémistes si l'on compare leurs opinions sur la société et le monde à celles qui ont généralement cours en Occident». Au plan institutionnel, les relais pour l'exécution du Projet sont la FOIE (Fédération des organisations islamiques européennes) en Europe et l'IIIT (Institut international de la pensée islamique) aux Etats-Unis. En France, c'est l'UOIF (Union des organisations islamiques de France) qui est la branche du Mouvement islamique dont les liens avec les Frères musulmans sont clairs et qui a un poids déterminant au sein du très officiel et gouvernemental Conseil français du culte musulman (CFCM), au grand dam des musulmans libéraux.


L'islamisme politique

Vient ensuite la très grave question des relations des Frères musulmans avec Al-Qaïda et l'islamisme terroriste: une chose est sûre, rappelle Sylvain Besson, les Frères ont fermement condamné les attentats du 11 septembre 2001 en ce qu'ils sont responsables du massacre de civils innocents. En revanche, lorsqu'on en vient aux responsabilités de ces attaques, les Etats-Unis, en raison de leur politique envers les Palestiniens entre autre, sont les vrais coupables. De plus, al-Qaradawi émet l'hypothèse d'un complot interne aux Etats-Unis, sans lequel ces atrocités n'auraient pu être commises. Sylvain Besson conclut de son enquête que le discours des Frères musulmans est à double tranchant, puisqu'ils disent oui au «jihad» et non au terrorisme. Concrètement, cela signifie qu'il ne faut pas attaquer des civils innocents, mais que les attentats du Hamas contre les Israéliens sont légitimes, puisqu'à travers leur conflit avec les Palestiniens ils sont les ennemis directs de l'islam. Reste, après l'enquête, à se prononcer sur la politique à adopter à l'égard du Mouvement islamique qui s'inspire, dans ses pratiques, du Projet. Sur ce point, l'auteur ne brille pas par la clarté. D'une part, on le sent tenté par une position très dure qui assimilerait ces islamistes aux terroristes dont ils feraient le lit en préparant mentalement les populations musulmanes d'Occident à collaborer aux activités violentes d'Al-Qaïda. D'autre part, il ne veut pas être pris pour un paranoïaque qui voit un terroriste derrière chaque musulman. C'est pourquoi il dénonce «les politiciens revendiquant plus ou moins ouvertement leur mépris de l'islam».


Réalités démographiques

Le livre de Sylvain Besson inspire quelques réflexions sur l'Occident et l'islam. Premièrement, le côté alarmiste de ses conclusions – reflété par le titre La conquête de l'Occident – ne prend pas suffisamment en compte les réalités démographiques.

En Suisse, on dénombre 152000 musulmans. Sur l'ensemble du territoire de l’Union européenne, les chiffres connus parlent de 27 millions, dont 5 millions en France, pour une population totale de plus de 350 millions d'individus. Même en supposant que l'ensemble des musulmans européens adhère aux thèses des Frères musulmans – ce qui est très loin d'être le cas – on serait encore à bonne distance d'une transformation culturelle en Occident et de l'avènement d'un homo islamicus qui se substituerait à l'homo occidentalis de l'UE. Les craintes de Sylvain Besson font penser à l'analyse d'Hélène Carrère d'Encausse dans L'Empire éclaté. Dans cet ouvrage prémonitoire, l'auteure prédisait la dissolution de l'URSS en raison de la montée de l'idéologie musulmane contre la pensée soviétique, surtout en Asie centrale. Le risque n'est pas du tout le même en Europe occidentale, car les réalités démographiques sont tout autres. L'islam était majoritaire en Asie centrale alors qu'il est statistiquement peu significatif chez nous.


Majorité laïque

Deuxièmement, l'auteur ne fait pas assez justice à la multiplicité des courants islamistes ni aux positions des populations. Par exemple, une universitaire britannique, Jytte Klausen, conclut – sur la base d'interviews de 300 membres de l'élite musulmane dans six pays européens – que «l'écrasante majorité est laïque et défend les valeurs libérales de base». De son côté, l'Institut Pew a mené une enquête en Jordanie qui démontre que 72% de la population approuve les attaques contre le CICR et l'ONU à Bagdad. Ces différences d'opinions ne peuvent s'expliquer que par une analyse politique plutôt qu'idéologique des relations islam-occident. Les nouvelles générations qui adhèrent à l'idéologie islamiste le font parce qu'elles se laissent convaincre que la cause principale de leur marginalisation est l'impérialisme capitaliste laïque occidental en général et américain en particulier. Aussi, arrêter la fatalité du choc islam-occident passe par un combat sur un double front. Primo, les responsables occidentaux doivent abandonner leur politique arrogante et de puissance parfois délirante, travailler sérieusement à la création d'un Etat palestinien, contrer les slogans des extrémistes anti-musulmans, revitaliser le multilatéralisme via un renforcement du rôle politique de l'ONU, prendre les mesures éducatives, sociales et économiques pour offrir aux jeunes marginalisés de nos sociétés une égalité de chances et un avenir. Ainsi, une grande partie des justifications de la confrontation islam-Occident tomberaient. Secundo, instaurer parallèlement un dialogue avec les leaders musulmans d'Occident pour débattre des réformes engagées sans céder sur les principes fondamentaux de nos sociétés. Car trop souvent les leaders européens et américains oublient que l'équation est à deux termes et que l'examen critique des politiques occidentales est tout aussi nécessaire que la mise en question des approches islamistes pour créer une coexistence solidaire et pacifique.

****

Le français Éric Gaillot, de Point Mort, a développé un modèle de ce qu'il appelle le tic tac islamiste. Il a développé une version plus détaillée du tic-tac à partir du « Projet » des Frères musulmans dont il a fait une libre adaptation en français à partir de cette traduction anglaise.


Phase 1 – Implanter une population musulmane modérée de base doublée d'une population appelée à être musulmane (les Africains en France) 1.1 - Gestion de réseau et actions coordonnées entre les organisations islamistes de même courant ; 1.2 - Éviter les alliances ouvertes avec des organismes et des individus réputés terroristes pour protéger l’image des musulmans modérés ;  


Phase 2 – Développer la population de base destinée à devenir islamiste

2.1 - Infiltrer les organismes de musulmans modérés existants et s’y substituer pour les réaligner vers les buts collectifs de la confrérie musulmane ;

2.2 - Tenir un double langage, la takya, pour masquer les buts réels des actions islamistes aussi longtemps qu'il n'est pas en conflit avec la loi de shari'a ;

2.3 - Éviter les conflits sociaux avec les Occidentaux localement, nationalement ou globalement, qui pourraient compromettre la capacité à long terme d'augmenter le l’influence islamiste dans l'ouest ou de provoquer des retours de manivelle contre des musulmans ;

2.4 - Établir les réseaux financiers pour assurer le travail de la conversion de l'occident, y compris le soutien des imams et des mosquées ;

2.5 - Surveiller les agissements pour accumuler des renseignements et établir des fichiers à grande échelle ;

2.6 - Installer un système de chien de garde pour surveiller les médias occidentaux pour avertir les musulmans «des parcelles de terrain internationales fomentées contre elles»;  


Phase 3 – Amadouer l'ennemi européen en l'habituant au fait musulman : mosquée, voile, nourriture, écoles musulmanes, scouts musulmans, etc.


3.1 - Développer une communauté intellectuelle islamiste par l'établissement de groupe de réflexion et des personnalités de référence et publier des études d'«universitaire», pour légitimer les positions islamistes et pour faire la chronique de l'histoire des mouvements islamistes ;

3.2 - Concevoir l’aboutissement du projet islamiste mondiale à l’échelle du siècle.

3.3 - Objectifs internationaux d'équilibrage avec la flexibilité locale ;

3.4 - Les réseaux sociaux étendus de construction des écoles, des hôpitaux et des organismes charitables doivent être au service des idéaux islamistes de sorte que le contact entre le mouvement et les musulmans modérés occidentaux soit constant ;


Phase 4Obtenir des élus musulmans par la voie démocratique avant de s’emparer du pouvoir rapidement pour instaurer un émirat islamique ayant vocation à se rattacher à un califat musulman.


4.1 - Faire élire des musulmans dans les établissements démocratiques à tous les niveaux en occident, y compris le gouvernement, des O.N.G.S, des organismes privés et des syndicats ;

4.2 - Travailler les établissements occidentaux existants jusqu'à ce qu’ils puissent être contrôlés et mis au service de l'Islam ;

4.3 - Préparer des constitutions, lois et politiques islamiques en vue de leur application rapide et radicale ;

4.4 - Éviter les conflits entre les mouvements islamistes à tous les niveaux, y compris dans la manière de résoudre les conflits ;

4.5 - Etablir des alliances avec les partis politiques "progressifs" occidentaux qui peuvent partager des objectifs communs avec des musulmans modérés.  


Phase 5 – Instaurer par des moyens légaux des « points de sécurité » : faire reconnaître institutionnellement la charia dans les territoires, quartier, banlieue, cité, etc.


5.1 - Créer des « forces de sécurité autonomes » pour protéger les musulmans de l’occident;

5.2 - Valoriser le fanatisme et sensibiliser les musulmans modérés d’occident à l’esprit du jihad.

5.3 - Favoriser les actions de soutien au jihad à travers le monde musulman par la prédication, la propagande, le recrutement et l’accueil de volontaires et la mise en place des structures d'appui technique et opérationnel ;

5.4 - Faire de la cause palestinienne le ciment entres les musulmans ;  


Phase 6 – Massifier la présence musulmane (substitution de population)


6.1 - Soutenir la libération de toute la Palestine en vue de substituer à l’Etat d’Israël un Etat islamique comme clef de voûte dans le plan pour la domination islamique globale ;

6.2 - Susciter une campagne constante pour inciter la haine des musulmans contre les juifs et rejeter toutes discussions de conciliation ou de coexistence avec eux ;

6.3 - Créer activement des cellules de terroristes jihadistes dans la Palestine;  


Phase 7 – Eliminer les non-musulmans et les musulmans non-pratiquants


7.2 - Harmoniser les activités de terrorisme en Palestine avec le mouvement global de terreur ;

7.3 - Rassembler sans cesse l

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6 juin 2010 7 06 /06 /juin /2010 02:21

Tariq Ramadan et les Frères musulmans

 
Par Tarek Fatah
Point de Bascule, le 15 avril 2010
Traduction de Tariq Ramadan and the Muslim Brotherhood par Point de Bascule
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Tarek Fatah participera à la conférence de presse, organisé par Point de Bascule aujourd'hui le 15 avril 2010 (La conférence sera présenté en direct sur Point de Bascule)

Tariq Ramadan, le chouchou de l'establishment islamiste, est de retour à Montréal. Cette fois,l'érudit de l'islam qui dissimule sa vision islamiste sous le niqab du double langage, va lever le voile qui lui a permis d'éviter un examen sérieux de ses vraies positions.

Jusqu'à présent, Ramadan a su parer habilement aux allégations d'association avec les Frères musulmans, en soulignant que c'est son grand-père, Hassan al-Banna qui a fondé ce mouvement et pas lui; qu'il ne peut être tenu responsable de la philosophie de son grand-père ni de ses actions.

Cette fois, Tariq Ramadan est invité à Montréal par une organisation qui affiche sa filiation avec l'idéologie des Frères musulmans - la Muslim Association of Canada (MAC). MAC affirme sur son site web qu'il: «retrace ses origine jusqu'au renouveau islamique du début du 20e siècle, dont le point culminant a été la fondation des Frères musulmans». Si on a le moindre doute sur le lien de MAC avec les Frères musulmans, on n'a qu'à visiter son site web où l'on peut lire:

« MAC a pour objectif d'implanter l'islam....tel qu'il a été compris par feu Hassan Albanna, le fondateur des Frères musulmans, dans le contexte qui était le sien
http://www.macnet.ca/about-mac.php

On peut s'étonner de l'audace de MAC à épouser aussi ouvertement la vision de Hassan al-Banna, au Canada, età promouvoir la vision d'un homme qui fait appel au djihad ou au martyre pour faire avancer ses objectifs. Al-Banna affirme que: «le djihad est une obligation pour chaque musulman» et que mourir martyr pour Allah est préférable à la vie sur terre.

Tariq Ramadan n'a cessé de répéter que ses idées sont très différentes de celles des Frères musulmans. Mais est-ce vrai? L'écrivain socialiste français Yves Coleman ne le croit pas. Dans un article intitulé«40 raisons de croire que Tariq Ramadan n'est qu'un réactionnaire sectaire», Coleman donne de nombreux exemples de double langage. Il note:


«Quand on lui demande ce qu'il pense des idées politiques de son grand-père, Ramadan est incapable de formuler des critiques précises. Il répond: «Hassan al-Banna a résisté à la colonisation et a fondé des écoles, mais il a aussi usé de slogans ambigus, et a structuré une organisation dont les règles et les mécanismes ont quelquefois étouffé la réflexion et l'initiative.» Comprenez-vous vraiment ce que cela veut dire?»


Quelque soient les efforts pour l'acculer au pied du mur, Ramadan, comme une anguille, vous glisse entre les mains. Par exemple, en 1998, Ramadan a écrit la préface d'un livre de fatwas (avis juridiques) de Yusuf al Qaradawi, un islamiste notoire.

Dans ce livre Qaradawi soutient qu'un homme " a le droit d'interdire à sa femme de rendre visite à une autre femme, s'il croit que cette visite peut causer un tort à sa femme, ses enfants ou sa vie matrimoniale ". Il soutient également: " qu'une femme ne doit pas prendre l'initiative de parler à un homme qu'elle ne connaît pas." et qu'une femme «ne devrait pas jouer avec des enfants qui dansent»! L'illustre imam répond à des questions aussi profondes que celles-ci: «une musulmane peut-elle utiliser une carte de crédit?» ou «devrait-elle se couper les cheveux sans l'autorisation de son mari?». Et il affirme que l'avortement est interdit.

Dans sa préface, Ramadan parle de «son profond respec» envers ce théologien réactionnaire partisan du djihad. Quand on l'interroge à ce sujet, sa réponse vague laisse perplexe.

Ramadan dit:


«Je cite un avis de Qaradawi quand je le trouve intéressant. Je l'ai également critiqué et je me suis écarté de certaines de ses positions qui s'expliquent du fait qu'il ne vit pas dans une société occidentale. Il développe des analyses sociales, politiques et géostratégiques qui n'appartiennent qu'à lui et que je ne partage pas toujours.»


En février dernier, le même Qaradawi a lancé un appel aux musulmans canadiens dansle mensuel Al-Ummah de Calgary, les invitant à convertir les non-musulmans, soulignant que cette tâche est des plus difficiles. Le mensuel a publié un message de la «Ligue des disciples d'Al Qaradawi», nouvellement fondée à Doha, capitale du Qatar. Dans ce message, on lit ceci:


« Le scheik Qaradawi a recommandé à ses frères et ses partisans d'organiser une campagne " Dawa " (conversion des non-musulmans à l'islam). Il a ajouté que le chemin " Dawa " n'est pas jonché que de fleurs, mais est parfois jonché de cadavres et de sang. »


Et bien demain soir, Tariq Ramadan aura l'occasion d'expliquer ses liens avec les Frères musulmans, le scheik Qaradawi et de dire s'il est prêt à se distancier de la doctrine du djihad armé, défendu par son grand-père et par MAC. Peut-être acceptera-t-il de commenter les mots «sang et cadavres» utilisés par Qaradawi.

Ramadan est un représentant de la nouvelle tendance du mouvement islamique mondial qui considère l'Occident comme une terre de djihad culturel et intellectuel. Ce mouvement plus ‘moderne' cible particulièrement les jeunes qui en ont assez de la vieille garde: les barbus en djellaba, vociférant contre l'Occident, source de tout le mal. La nouvelle stratégie est de miner l'Occident de l'intérieur, comme les parasites et les termites, sans inquiéter les sociétés d'accueil qui ne comprendront ce qui leur arrive que lorsqu'il sera trop tard. Le cas de la Grande-Bretagne en est un bon exemple. Je termine avec ces mots du journaliste français musulman Mohamed Sifaoui que chaque Canadien et Québcois doivent méditer: «Tariq Ramadan est un islamiste. Il fait parti de ceux qui veulent que l'islam politique, version européenne des Frères musulmans, infiltre les institutions, les sociétés, les associations, les partis politiques, les médias, etc. afin de faire pression sur ces mêmes sociétés pour les ‘réformer' de l'intérieur, les islamiser ou les ré-islamiser, pire, les pervertir pour les amener progressivement à accepter une vision médiévale de l'islam.»

Et en tant que Canadien musulman d'origine pakistanaise, j'ai ce message pour Tariq Ramadan:

Frère Tariq, votre père Said est venu dans mon Pakistan natal en 1948 en tant qu'émissaire des Frères musulmans et il a contribué à faire d'un pays sécularisé un des principaux foyers de l'extrémisme islamique. Je ne laisserai pas le fils de Said Ramadan faire la même chose avec mon pays d'adoption, le Canada, sans me battre. Votre père a causé la ruine du pays qui m'a vu naître. Il ne causera pas la ruine du pays où j'ai l'intention de mourir paisiblement.


Mais qui est Tariq Ramadan ? 

   


Cette enquête journalistique de Mohammed Sifaoui, un journaliste, écrivain et réalisateur algérien installé en France, qui se décrit comme un laïque démocrate de confession musulmane, a fortement déplu à Tariq Ramadan. Sur son blogue, M. Sifaoui écrit que ce « reportage ne pouvait être qu’à « charge » comme le furent d’ailleurs la majorité des travaux journalistiques qui lui avaient été consacrés au cours des années passées et notamment le livre de Caroline Fourest intitulé « Frère Tariq » ou encore celui de Lionel Favrot : « Tariq Ramadan dévoilé » (...) « Oui Tariq Ramadan est un islamiste. Il est de ceux qui veulent que l’islam politique, la version européenne des Frères musulmans, infiltre les institutions, la société, les associations, les partis, les médias et j’en passe pour pouvoir peser sur ces mêmes sociétés, les « réformer » de l’intérieur, les islamiser ou les réislamiser, pour mieux les pervertir et les amener progressivement à accepter une vision moyenâgeuse de la religion musulmane. »

« Les musulmans croyants dans les valeurs universelles – qui d’ailleurs ne sont guère en contradiction avec le corpus islamique – ceux qui tiennent à la démocratie et aux droits de l’homme comme valeurs essentielles, ceux qui pensent que l’intégrisme est en train de ronger leur religion ou la religion de leurs parents et ceux qui s’estiment aujourd’hui citoyen européen, doivent bannir l’islam politique, le salafisme, l’obscurantisme et les idéologues qui font la promotion de ces idées nauséabondes, inacceptables pour un monde moderne, et qui font passer l’islam aujourd’hui, aux yeux d’une partie de la planète, pour la religion la plus rétrograde, la plus débile et la plus violente qui puisse exister de nos jours. Les musulmans doivent aujourd’hui se révolter, mais pas contre l’Amérique ou Israël ni contre la Russie ou l’Europe, ils doivent se révolter contre leurs propres démons, leurs fanatiques, leurs extrémistes, leurs salafistes et leurs intégristes. »


« Tariq Ramadan dévoilé »


par Lionel Favrot

Lyon Mag Hors série

Septembre 2004

10 €

275 pages hors annexes

 

La takia (dissimulation) de Tariq Ramadan,

Faux intellectuel et vrai militant islamiste

Ce document, considéré comme un hors série de Lyon Mag’ est un livre, écrit par un journaliste et préfacé par Soheid Bencheikh, grand mufti de Marseille.

La préface n’est pas inintéressante, puisque l’auteur, musulman et « dignitaire » donne le ton par le titre même de son texte : « La République doit affirmer ses valeurs ».

Ce livre d’actualité, œuvre d’un enquêteur dévoile effectivement le jeu de Tariq Ramadan :

les liens tissés avec les intégristes les plus radicaux d’une part et l’opération charme plus ou moins réussie en direction d’intellectuels tiers mondialistes ou laïques d’autre part…

Il commence par l’histoire de ce personnage qui a su occuper le terrain médiatique, sa filiation et ses liens pas seulement généalogiques mais politiques avec son grand-père Hassan Al Banna fondateur des frères musulmans et son père Said Ramadan.

Il ne s’agit pas de sortir des banalités comme « tel père tel fils » mais d’indications précises, de citations, de déclarations faites par Tariq Ramadan qui montrent que cet héritage politique existe et est revendiqué.

C’est aussi tout l’intérêt du livre car l’auteur affirme et sort les références exactes…Il a d’ailleurs raison, c’est une question de déontologie et nous commençons à savoir que cet « intellectuel » n ’hésite jamais à recourir aux tribunaux.

C’est en septembre 1993 que Ramadan a commencé à faire parler de lui en faisant interdire la sortie à Genève d’une pièce de Voltaire appelée : « Mahomet ou le fanatisme »…

Cette pièce écrite en 1741 était une critique de la hiérarchie catholique de l’époque et non une attaque contre l’islam…Le plus étonnant dans cette affaire qui a défrayé la chronique en Suisse c’est que Tariq Ramadan ait pu obtenir des soutiens de la part de la gauche.

C’est le tout début de la carrière d’un dissimulateur qui côté cour fait des grandes déclarations sur la modernité, se liant d’ailleurs avec des courants alter mondialistes peu regardant et côté jardin forme et organise les intégristes et étend son influence sur les cités.

Mais malheureusement pour lui, il n’évite pas les dérapages à la télévision comme lorsque qu’il demande un moratoire sur la lapidation ! et surtout ses livres et cassettes sont largement diffusées.

Certaines de ses positions sont aujourd’hui connues, elles ont été dévoilées par de nombreuses féministes de toutes origines qui ont vite saisi la véritable nature de ce prêcheur au sourire charmeur.

D’autres positionnements, d’ailleurs très réactionnaires, et encore l’adjectif est un euphémisme sont présents dans ses ouvrages comme « la conception islamique de la sexualité »

Lionel Favrot cite et commente : « …Ce prêcheur expérimenté sait jouer sur les mots et mettre en avant de fausses ouvertures. Ainsi, il répète souvent qu’il faut se débarrasser d’un certain nombre de « traditions ». Ce qui pourrait faire croire qu’il souhaite faire évoluer la religion musulmane. Mais en fait, pour lui, cette évolution ne doit concerner que des pratiques abusivement présentées comme islamiques, que le Coran n’a jamais imposées. Exemples : l’excision que Ramadan se contente de tolérer à condition d’inciser « légèrement » le sexe des femmes. »… !

Et dire que des militant(e)s et militants alter mondialistes ont invité cet individu à discuter fraternellement avec Tariq Ramadan !

Ce livre est contribution importante, d’autres ouvrages apporteront certainement d’autres éclairages sur ce personnage qu’il nous faut absolument combattre, car derrière le sourire, se profile une idéologie réactionnaire des plus dangereuses !

Jean-François CHALOT

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2 juin 2010 3 02 /06 /juin /2010 10:14

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Ce Depuis 1997, le processus de paix initié à Madrid et à Oslo au début des années 90 s'est progressivement grippé. Et depuis la fin septembre 2000, l'Intifada Al-Aqsa vient rappeler la violence du conflit identitaire qui oppose Israéliens et Palestiniens. Mais contrairement à l'idée selon laquelle Ariel Sharon porterait seul la responsabilité du nouvel embrasement des territoires occupés, c'est la stratégie belliciste de l'OLP et son rapprochement avec la mouvance islamiste qui frappent le plus. Certes, la marge de manoeuvre de Yasser Arafat est étroite face à une opinion palestinienne fascinée par la "victoire" du Hezbollah contre Tsahal au Sud-Liban. D'autant plus étroite que ses compatriotes commençaient à voir en lui un "collaborateur" de l'occupant israélien. Il n'empèche : la coopération étroite engagée entre l'Autorité palestinienne d'un côté, le Hamas et le Djihad islamique de l'autre, illustre le renforcement d'une synthèse national-islamiste que la politique moyen-orientale des Etats-Unis ne fait qu'aggraver depuis 1991. Au-delà de l'islamisation de l'Intifada, c'est à une montée du péril islamique que nous assistons. Mais l'"islamiquement correct" en vigueur en Europe et le retour d'un antisémitisme larvé nous empèchent de prendre conscience de l'enjeu.

 


L'islamisation de l'Intifada, ou le fondement religieux du conflit israélo-palestinien

Politique Internationale

 

 

 

 

Source : Politique Internationale

Le processus de paix entamé à Madrid et à Oslo au début des années 90 prévoyait la mise en place d'une « Autonomie palestinienne », embryon d'Etat doté de compétences propres(1). Depuis 1997, ce processus s'est progressivement grippé.

L'Autorité palestinienne reproche aux Israéliens de restreindre sa souveraineté en se réservant la possibilité d'intervenir discrétionnairement en zone sous contrôle palestinien, au nom de la lutte anti-terroriste et de la sécurité des implantations juives- colonies dont l'extension est, précisément, un casus belli pour les Palestiniens. De son côté, la partie israélienne prend prétexte de la « menace terroriste » pour ne pas appliquer les accords d'Oslo. Force est de reconnaître que, s'il constitue parfois un épouvantail utile pour les Israéliens, l'argument sécuritaire n'est pas pour autant dénué de fondements. L'Autorité palestinienne et ses forces spéciales ou alliées (Garde présidentielle, Force 17, Fatah, Tanzim (2)) ont, en effet, une attitude ambivalente envers les mouvements islamistes et terroristes. Yasser Arafat ne peut ni ne veut réellement les démanteler, tablant sur une nouvelle « stratégie de l'embrasement » et sur une islamisation du conflit. Ce qui explique que la seconde Intifada - déclenchée fin septembre 2000 et nommée « Intifada Al-Aqsa », en référence à la mosquée Al-Aqsa de Jérusalem - revête un caractère bien plus religieux que la première (1987-1993).

De Jérusalem à Camp David

Comme on l'a vu lors du sommet de Camp David II, en juillet 2000, le statut de Jérusalem divise non seulement les Israéliens et les Palestiniens, mais également les Israéliens entre eux. L'un des principaux reproches formulés par Ariel Sharon à l'encontre de son prédécesseur, Ehoud Barak, n'est-il pas d'avoir « sacrifié » sur l'autel des négociations « l'indivisibilité de Jérusalem » et abandonné les droits d'Israël sur le Mont du Temple ?

L'enjeu symbolique

Jérusalem, mentionnée près de 700 fois dans l'Ancien Testament, est à la fois le Lieu Saint par excellence du judaïsme, première des trois religions abrahamiques, la terre de prédication du Christ où se trouve le Saint-Sépulcre, et la « troisième ville sacrée » de l'Islam, après La Mecque et Médine. Pour les musulmans, Jérusalem (Al-Qods (3), c'est-à-dire « La Sainte »), abrite la « noble enceinte » - haram Al-Sharif - où se trouvent le Dôme du rocher et la mosquée Al-Aqsa. Pour les juifs, cette « Esplanade des Mosquées » est, depuis toujours, l'« Esplanade du Mont du Temple », puisqu'elle correspond à l'emplacement exact du premier temple (4) édifié près de deux mille ans avant le Dôme et la mosquée Al-Aqsa. Or la judéité de Jérusalem, attestée par les archéologues, est violemment niée par les Palestiniens, à commencer par le grand mufti de Jérusalem et par Yasser Arafat. Dans les représentations judaïques et sionistes, au contraire, Jérusalem est la capitale des juifs du monde entier « depuis le roi David », c'est-à-dire depuis 3004 ans. Ces quelques arpents de terre sont donc le lieu d'une triple légitimité religieuse. Aussi le statut de la Ville sainte est-il l'enjeu d'une véritable guerre de représentations symboliques et spirituelles. Il est au coeur d'un « conflit identitaire » (5).

En présentant la visite de M. Sharon sur l'Esplanade, le 28septembre 2000, comme une «provocationsioniste» ou une « profanation envers l'islam », la grande presse et les milieux philo-palestiniens déformaient, par conséquent, la réalité. D'abord, ils occultaient la dimension judaïque de l'Esplanade, accréditant la thèse musulmane selon laquelle il s'agirait d'un site « sacré » exclusivement islamique. Ensuite, ils reconnaissaient objectivement la légitimité de la rébellion palestinienne et faisaient endosser au seul Ariel Sharon la responsabilité de la nouvelle Intifada.

La réalité est, bien évidemment, moins manichéenne. La visite du « faucon » Sharon avait été agréée par le Waqf, l'institution islamique palestinienne qui gère l'Esplanade. Ariel Sharon avait du reste procédé, les années précédentes, au même déplacement sans jamais susciter pareille indignation médiatique. Il faut également préciser qu'une manifestation anti-Sharon avait été autorisée au même moment, ce qui justifiait la présence de 400 policiers - et non de « 5 000 soldats » comme certains l'ont prétendu (6). Enfin, l'argument de la « profanation » ne tient pas : Sharon, peu religieux, n'a jamais prié sur l'Esplanade.

L'échec de Camp David

Lors du sommet de Camp David, à l'été 2000, Ehoud Barak, en dépit du caractère central que revêt le Mont du Temple pour les juifs dans leur ensemble, et dans la formation de l'identité israélienne en particulier, avait pourtant envisagé de renoncer aux prétentions israéliennes sur l'Esplanade et sur Jérusalem-Est. Il était allé beaucoup plus loin que tous ses prédécesseurs, reconnaissant même Al-Qods - au cours de divers entretiens - comme la capitale palestinienne, en échange de l'annexion des confins municipaux de Jérusalem (Givat Ze'ev, Ma'ale Edomim et Gush Etzion). Dans la dernière phase des pourparlers de paix (et dans le Plan Clinton de décembre 2000), il était question de restituer aux Palestiniens 97 % des territoires, y compris à Jérusalem-Est. En renonçant, fût-ce partiellement, à la souveraineté israélienne sur les quartiers arabes de la ville, le premier ministre espérait obtenir, en contrepartie, la paix. Or c'est le contraire qui se produisit. Les concessions offertes encouragèrent Arafat - négociateur bien plus expérimenté que Barak et soumis à de fortes pressions de la part des radicaux - à exiger encore plus(reconnaissance préalable de la souveraineté palestinienne sur l'ensemble de Jérusalem-Est ; retour des réfugiés).

La victoire des radicaux

La stratégie des radicaux palestiniens a toujours consisté à faire échouer les accords de paix. Les premiers attentats perpétrés dans les autobus et dans les supermarchés en Israël même (Jérusalem, Tel-Aviv, Netanya, etc.) avaient suivi de peu la célèbre poignée de main échangée par Itzhak Rabin et Yasser Arafat lors de la Déclaration de principes (accords d'Oslo) du 13 septembre 1993. Le but était de déclencher, par réaction, un vote des Israéliens en faveur de candidats « de droite » moins « pacifistes », ce qui se produisit en 1996 lors du triomphe de Benyamin Netanyahou. Les radicaux palestiniens espèrent ainsi discréditer les Israéliens, en stigmatisant les « faucons » dont ils ont facilité l'accession au pouvoir. L'assassinat de Rabin, en novembre 1995, par un ultra-nationaliste religieux israélien qui accusait le dirigeant travailliste d'avoir « trahi » Israël et compromis sa sécurité en « pactisant » avec l'« ennemi », semble confirmer cette alliance des « durs » des deux bords. Quant à la victoire électorale de Sharon, en 2001, elle apparaît, elle aussi, comme une réponse «sécuritaire» face au terrorisme.

Contrairement à l'idée selon laquelle Ariel Sharon en serait le principal responsable, la nouvelle flambée de violence dans les territoires occupés résulte, avant tout, des concessions d'Ehoud Barak et de la stratégie belliciste choisie par l'OLP, le Fatah et leurs alliés islamistes. Comment imputer l'échec de Camp David à Sharon alors que les germes de l'Intifada étaient perceptibles dès le 25 juillet 2000, lorsque Yasser Arafat, poussé par les radicaux et par plusieurs pays musulmans (Arabie Saoudite, Syrie et Iran), rejeta toutes les propositions de paix formulées par Ehoud Barak, Hosni Moubarak et Bill Clinton ?

Rétrospectivement, on s'aperçoit qu'avec la libération, au cours de l'année 2000, d'une centaine d'activistes du Hamas et du Jihad islamique, et surtout depuis le retrait sans conditions de Tsahal du Liban-Sud en mai 2000, l'ancien premier ministre israélien a non seulement signé son arrêt de mort politique, mais a incité les mouvements palestiniens les plus agressifs à reprendre la lutte.

Du point de vue israélien, le vote en faveur d'Ariel Sharon consiste à subordonner toute concession à des garanties en matière de sécurité. On attend d'Arafat qu'il prenne des mesures contre l'infrastructure terroriste. Ce que, contrairement aux promesses faites à Oslo, il n'a jamais fait. Certes, la marge de manoeuvre de Yasser Arafat est étroite : la répression contre le Hamas et le Djihad islamique, de plus en plus populaires, risque de fragiliser son propre pouvoir. Car avant le déclenchement de la nouvelle Intifada, Arafat avait déjà perdu une grande part de sa légitimité historique. Les Palestiniens, de plus en plus fascinés par l'« héroïsme » du Hezbollah, s'indignaient de la politique répressive conduite par l'Autorité contre les fedayin islamistes. Pour nombre de responsables palestiniens radicaux, Arafat commençait même à être assimilé à un « collaborateur » des forces « colonialistes sionistes ». En fait, l'application du volet sécuritaire des accords d'Oslo constituait, en elle-même, un facteur de délégitimation pour Yasser Arafat, contraint de faire le « sale boulot » pour le compte de l'« occupant ».

Désormais, les islamistes, à commencer par le Hezbollah, coopèrent étroitement avec la troupe la plus loyale d'Arafat, la Garde présidentielle, tout comme avec les autres structures théoriquement soumises à son autorité, Fatah et Tanzim. Un courant islamiste a, au demeurant, toujours existé au sein du Fatah. Et Yasser Arafat lui-même fut, jadis, membre des Frères musulmans avant de refonder, par la création du Fatah, le nationalisme palestinien aux côtés de cadres « laïques » ou chrétiens. Ce même Fatah tente actuellement de couper l'herbe sous le pied du Hamas en développant son image «islamique». Fait largement passé sous silence par la presse, les islamistes ne sont pas seuls en cause dans les événements actuels. Le Tanzim de Marwan Barghouti, chef du Fatah en Cisjordanie, et le Fatah dans son ensemble contrôlent en réalité, depuis le début, l'Intifada Al-Aqsa. Hostile au volet sécuritaire des accords d'Oslo, Barghouti porte, d'ailleurs, une lourde responsabilité dans l'échec des négociations de Camp David II au cours desquelles il avait exigé un retrait israélien total des territoires occupés depuis 1967.

Qui est Marwan Barghouti ? Chef de file des radicaux, considéré comme l'un des successeurs potentiels de Yasser Arafat, il bénéficie d'un avantage par rapport au président de l'Autorité palestinienne. Car si cette dernière, fille de l'exil, incarne l'ancienne génération, le Tanzim, lui, se targue d'être une structure locale, vraiment représentative des Palestiniens des Territoires. Dès lors, quand bien même M. Arafat essaierait sincèrement de tenir les engagements anti-terroristes pris à Oslo, rien n'indique que les autres tendances de l'OLP, à commencer par celle de Barghouti, ont renoncé à la raison d'être du nationalisme palestinien : la destruction de l'Etat hébreu. Quant aux islamistes, ils ne se contentent pas de dénoncer les excès israéliens (« apartheid ethnique », installation de colons, etc.) : ils contestent Israël dans son existence même.

Le refus islamique du « pouvoir infidèle »

Ce qui est insupportable pour les islamistes, en effet, ce n'est pas tant la présence de juifs en terre d'islam que la reconstitution, en 1948, d'un espace juridico-politique « infidèle » autonome, en plein coeur du dar al-Islam (« territoire de l'islam »). Al-Qods ne saurait devenir la capitale de l'Etat israélien, et il est impensable que des musulmans autochtones soient gouvernés par des dhimmis (7). Le problème des Israéliens est, à cet égard, voisin de celui des chrétiens libanais à qui les musulmans reprochaient - cause réelle de la guerre civile de 1975-1989 - de détenir un pouvoir politique sur les «Vrais croyants».

Désireux de ne pas perdre sa légitimité auprès d'une base gagnée aux thèses radicales, Yasser Arafat n'hésite plus à jouer sur le registre religieux. Il fait ainsi, de facto, le jeu des islamistes qui justifient le refus de donner le contrôle de Jérusalem aux Infidèles par les textes sacrés de l'islam désignant les juifs comme des « impurs » (Coran, IX, 28 et IX, 113), sur lesquels pèse la « colère d'Allah » (I, 7). Le Coran interdit non seulement aux musulmans de se lier d'amitié avec les Infidèles (V, 56), mais il accuse chrétiens et juifs d'avoir « falsifié » les écritures Saintes qui leur avaient été révélées par Dieu (II, 72 ; II, 73). Après avoir « violé » l'Alliance avec Dieu (IV, 154), ils auraient sciemment nié les signes divins (III, 63), ce qui décida Allah à les maudire (V, 16) et à leur promettre l'enfer éternel (III, 112).

Les islamistes déploient une force de mobilisation considérable lorsqu'ils font de l'Etat sioniste une forme moderne du colonialisme occidental, lui-même issu de la Croisade (Salibiyyia). Dès lors, Israël devient l'incarnation contemporaine de l'« agression démoniaque » perpétrée contre les «Vrais croyants» par les « Infidèles » depuis 622. « Nous assistons actuellement - écrit l'un des grands idéologues islamistes contemporains, Sayyid Qotb, disciple du fondateur des Frères musulmans Hassan El-Banna - au vaste rassemblement des démons humains, croisés, sionistes, idolâtres et communistes, qui divergent entre eux mais convergent en une même offensive contre l'Islam pour détruire l'avant-garde des mouvements de la résurrection islamique sur la terre » (8). Or il est évident qu'au sein de cette « confédération anti-islamique », l'« Occident croisé » (el-Gharb el-salibi) détient une très grande part de responsabilité. Un Occident que les islamistes assimilent toujours au christianisme.

L'exode des chrétiens arabes

Certains responsables religieux chrétiens, occidentaux ou palestiniens, tel Mgr Sabbah (9), se sont lancés dans une surenchère de propos anti-israéliens, pensant de la sorte inciter les islamistes à les épargner au nom de l'alliance contre l'« ennemi sioniste commun ». Leur tentative apparaît d'autant plus vaine que la laïcité n'a pas du tout le même sens en Orient qu'en Europe. La sourate de « la Table servie » souligne l'hostilité et la collusion des Infidèles (juifs et chrétiens)entre eux : « Ils sont amis les uns des autres. Celui qui, parmi vous, les prend pour amis est des leurs. » Nombre de chrétiens palestiniens qui, comme leurs frères de tous les pays arabo-musulmans, font figure de « cinquième colonne » des Occidentaux, préfèrent donc l'exil aux brimades, discriminations ou persécutions dont ils sont victimes.

Même s'ils n'osent généralement pas le dire, les Palestiniens chrétiens savent que leur avenir risque d'être assombri par la ré-islamisation du mouvement palestinien. Et la promesse de Yasser Arafat de « faire flotter le drapeau palestinien sur toutes les églises et les mosquées » renforce leurs craintes. Dans ce contexte, la récente visite de Jean-Paul II en Syrie témoigne à sa manière de la situation de « dhimmitude » des chrétiens d'Orient, contraints pour survivre de faire le jeu de l'islam et des tyrannies en place. Non seulement le Saint-Père a accusé indirectement Israël, sans souffler mot de l'occupation syrienne du Liban, mais on a vu Bachar Al-Assad entonner, devant un pape amoindri, le vieux refrain antisémite qui fait des juifs le « peuple déicide », collectivement coupable d'avoir « tué le Christ ».

Les inquiétants signes de radicalisme islamique constatés dans le monde entier, et jusque dans les banlieues françaises (attaques de synagogues par des groupes de Beurs lors du déclenchement de l'Intifada Al-Aqsa), ne doivent pas être perçus comme de simples « réactions désespérées » (Gilles Kepel) que l'on pourrait calmer aisément en se « désolidarisant » d'avec Tel-Aviv ou en condamnant Ariel Sharon. Certes, il est plus urgent que jamais de faire en sorte qu'Israël s'entende avec ses voisins arabo-musulmans et fasse reculer la haine anti-sioniste en trouvant une solution équitable pour les Palestiniens. Mais indépendamment des responsabilités israéliennes, ces signes constituent des facteurs aggravants du conflit et des indications précieuses sur ses sources religieuses. Ils participent du défi lancé par l'islamisme international aux démocraties occidentales dans leur ensemble, dont le gouvernement d'Ariel Sharon est, qu'on le veuille ou non, un avant-poste en Orient.

Le jihad contre les « Judéo-Croisés »

La révolte palestinienne est autant un jihad contre les Infidèles qu'une simple Intifada. Lors des funérailles des « martyrs » palestiniens tombés sous les balles israéliennes, les processions s'accompagnent systématiquement du cri de ralliement « Allah ou Akbar », et les militants du Fatah y brandissent le drapeau jaune et noir du Hezbollah. Des fatwas transformant les fedayin palestiniens en « martyrs de l'islam » sont édictées d'une extrémité à l'autre du monde islamique, de l'université d'Al-Azhar, en Egypte, à l'Afghanistan des Talibans. C'est ainsi que le mufti de Jérusalem, cheikh Ikrima Sabri, en appelle à la « libération complète » non seulement de Jérusalem mais de toute la Palestine, encourageant les enfants palestiniens au « sacrifice » et au « martyre ». Interrogé par le journal Al Ahram al-Arabi (27 octobre 2000), le grand mufti déclare : « Chaque Palestinien est, en fait, en état de jihad ; je pense que le martyr est heureux parce que les anges le conduisent à son mariage avec le Ciel (...). Plus jeune est le martyr, plus je l'estime et le respecte (...). En sacrifiant volontairement leurs rejetons, les mères participent à la grande récompense du jihad qu'est la Libération d'Al-Aqsa (...). Je n'ai jamais salué un seul juif, ce sont les créatures les plus couardes qu'Allah ait jamais créées. » Sortant de son habituelle réserve, le grand mufti de La Mecque, Oussama Ben Abdellah Khayat, appelle lui aussi au jihad : « Le sacrifice de soi est le plus noble des sacrifices pour la défense de l'islam », précisait-il lors de la prière du vendredi 20 octobre 2000 consacrée aux « martyrs (chahid) de l'Intifada ».

Cette sortie du religieux wahhabite contre les « sionistes » ne signifie pas pour autant que les Saoudiens se soucient du sort des populations palestiniennes. Les réfugiés, on le sait, ne furent jamais soutenus par les pays du Golfe. En dénonçant l'« arrogance israélienne », la position de l'imam répond en réalité à deux objectifs : tout d'abord, redorer le blason de la monarchie wahhabite auprès des masses arabo-islamiques, devenues anti-saoudiennes depuis la guerre du Golfe et l'installation de GI's américains sur la terre d'Arabie - et cela, bien qu'elle soit interdite aux Infidèles. Ensuite, l'imam rappelle l'essence religieuse du conflit et l'interdiction islamique faite aux dhimmis d'exercer un pouvoir sur de «Vrais croyants».

Au plan politique, le prince héritier Abdallah, dont les positions fondamentalistes sont notoires, a pesé de tout son poids politico-financier pour pousser Arafat à saborder les accords de paix. Lors de la conférence de la Ligue islamique à Doha, Abdallah a même menacé de rompre les relations diplomatiques avec les Etats-Unis si les Américains transféraient leur ambassade à Jérusalem. Abdallah, bien plus américano-sceptique que son père et que les membres du clan pro-occidental des Sudaïris, représente, au sein des classes dirigeantes saoudiennes, l'un des pôles les plus proches de la mouvance islamiste et du wahhabisme traditionnel. Signe des temps, la compagnie McDonald's a dû, pour ne pas être expulsée du Royaume, accepter de financer les hôpitaux palestiniens.

Bref, grâce au soutien des piliers mondiaux du fondamentalisme, les islamistes sont parvenus à attiser les braises religieuses du conflit israélo-palestinien. Et ils en ont fait un affrontement religieux qui s'inscrit dans le cadre du choc des civilisations entre l'Occident judéo-chrétien et l'islam. Certes, ils n'ont pas tort de mettre l'accent sur l'injustice et la misère qui frappent les Palestiniens des camps et des territoires occupés. Mais pourquoi passent-ils sous silence les millions de dollars que leur octroient les pays du Golfe et l'Iran, voire l'Irak, pour promouvoir le fanatisme et acheter des armes ? Désireux de compromettre tout processus de paix et de pousser Israël à la faute, via l'Intifada et les attentats terroristes, les islamistes adoptent la stratégie du harcèlement qui est celle du Hezbollah et endossent le rôle du David musulman défiant le Goliath israélien.

L'islamisation de l'Intifada

Pour les Palestiniens, le retrait (volontaire) de Tsahal du Sud-Liban, en mai 2000, fut perçu comme une manifestation de l'« héroïsme islamique ». Désormais, les forces radicales tels le Hamas ou le Jihad islamique semblent, seules, capables de vaincre les « Judéo-Croisés ».

Aussi n'est-il pas si surprenant que des nationalistes palestiniens « laïques », comme l'ex-communiste Barghouti, fassent aujourd'hui cause commune avec le Hamas et le Hezbollah. Les islamistes palestiniens et le Tanzim s'inspirent de l'action du Hezbollah libanais : multiplication des embuscades pour bloquer les couloirs reliant les implantations juives à Israël et empêcher l'entrée de Tsahal dans les enclaves palestiniennes ; généralisation des attentats kamikazes, pourtant longtemps rejetés par les islamistes sunnites (y compris durant la première Intifada).

L'effet Hezbollah

Le départ israélien du Sud-Liban fut célébré, dans tout le monde arabe, comme « un premier pas vers la libération de la Palestine et des Lieux Saints de Jérusalem ». Depuis, le prestige du Hezbollah n'a cessé de croître et ses coups d'éclat ont été salués avec enthousiasme. Le 7 octobre 2000, le «Parti de Dieu» s'emparait de trois soldats israéliens en patrouille dans la zone frontalière du Liban. Le 16 octobre, il enlevait, à Lausanne, Elchanan Tannenbaum, colonel de réserve de l'aviation israélienne et consultant auprès des plus grandes firmes électroniques et de communication militaire de l'Etat hébreu, Tadiran et Rafael. Ces deux opérations témoignent du très haut niveau de capacité opérationnelle atteint par le « Parti de Dieu ».

Le Hezbollah libanais est plus présent que jamais en Palestine. Ses drapeaux -le fait est nouveau- sont exhibés autour de la Coupole du Rocher et de la mosquée d'Al-Aqsa. Nombre d'étudiants, d'intellectuels et de militants politiques, y compris ceux qui n'ont jamais eu de sympathies pour l'islamisme politique, exhortent les dirigeants palestiniens à imiter le Hezbollah. C'est que l'ancien groupuscule extrémiste chiite, créé dans les années 80 par les services secrets iraniens, est devenu une véritable force politique régionale dotée d'une légitimité « résistante » jusque chez les « laïques » ou les non-musulmans (chrétiens, druzes, etc.).

Désigné à la tête du Hezbollah en 1992, à la mort de son prédécesseur Abbas Moussaoui, le cheikh Nasrallah est le principal artisan de la métamorphose du mouvement terroriste en parti politique au rayonnement international. Le Hezbollah, qui dispose d'un puissant groupe parlementaire à Beyrouth, gère des banques, des biens immobiliers, des écoles, des hôpitaux et des organismes d'assistance sociale. Il contrôle des journaux, des radios, une chaîne de télévision (Al-Manar, « le Flambeau »), et possède un site Internet (www.hizbollah.org). Sa popularité, non seulement au sein de la société palestinienne mais dans l'ensemble du monde arabe, est illustrée par le succès croissant d'Al-Manar diffusée par satellite depuis le début de l'Intifada. La chaîne n'a pas eu de difficultés à étendre son audience au-delà des frontières du Sud-Liban. De l'Algérie à la Palestine, les images de commandos suicide ont galvanisé les masses.

Mais cette « force de frappe culturelle » n'est pas la seule ressource dont disposent les 20 000 miliciens du mouvement, qui ne manquent ni d'armes ni de fonds. Les liens avec Damas et Téhéran demeurent étroits. L'Association de secours mutuel pour les blessés et les mutilés de guerre et la Fondation des martyrs sont jumelées avec les richissimes associations homonymes iraniennes. Impressionnant, l'arsenal du Parti de Dieu est composé de missiles anti-chars à haute précision (les Tow américains, hérités de l'affaire Iran-Contras), de mortiers de 120millimètres, de mines télécommandées ou encore de missiles iraniens Al Fajr 3 et 5. On le voit : nul ne devrait sous-estimer le potentiel économique, financier, politique et militaire du Hezbollah. A la différence d'Arafat, contraint de faire des concessions et de renoncer au thème fondateur de la « destruction d'Israël », il persiste en effet à prêcher l'anéantissement de l'Etat sioniste. Mais le Hezbollah n'est pas le seul à tirer sa légitimité de son maximalisme.

La popularité du Hamas

En octobre 1997, le chef historique du Hamas, cheikh Ahmed Yassine, fut libéré en échange de quatre agents du Mossad. Depuis, son parti, installé à Gaza et étroitement lié au Hezbollah, s'emploie à saper le pouvoir de Yasser Arafat. La popularité du Hamas au sein de la société civile palestinienne est indéniable. Elle repose principalement sur l'action caritative et sociale du mouvement, doté de fonds considérables en provenance du Golfe, d'Iran et des diasporas islamiques d'Europe et des Etats-Unis. Ainsi, le Hamas se substitue partiellement à l'Autorité palestinienne en assumant des missions que cette dernière n'est pas en mesure de remplir. Parallèlement, ce sont les brigades Ezzedine al-Kassam, bras armé du Hamas, qui sont responsables de la majeure partie des attentats perpétrés, depuis 1997, contre des objectifs israéliens. Et c'est avec leur concours que les branches les plus radicales de la Centrale palestinienne ont sabordé les accords de paix et relancé l'Intifada.

Rapprochement avec Téhéran

Il n'est pas inutile de rappeler que Yasser Arafat, ces dernières années, s'est rapproché de Téhéran, parrain du Hezbollah. Ce rapprochement s'inscrit, à l'évidence, dans le cadre de la nouvelle orientation national-islamiste du mouvement palestinien, de plus en plus instrumentalisé par les différentes mouvances de l'islamisme mondial qui se livrent à une véritable concurrence pour récupérer la très porteuse cause palestinienne. Le 10août 2000, Arafat s'est rendu à Téhéran, qui venait de retrouver la présidence de la Conférence islamique mondiale. Il exposa aux dirigeants iraniens les raisons de l'échec des accords de Camp David et demanda l'aide du président Khatami pour « la libération des Lieux Saints d'Al-Qods » (10). En réponse, le gouvernement iranien prôna l'unité de toutes les « forces de résistance palestiniennes », du Hamas et du Jihad islamique aux « laïcs » du Fatah en passant, naturellement, par le Hezbollah, atout principal de Téhéran. C'est également à Téhéran que sera décidée une rencontre entre Arafat et la personnalité montante du Hamas, Khaled Mashal, physicien originaire de Ramallah qui vit semi-clandestinement au Qatar. Au début d'octobre, Khaled Mashal avait évoqué ses relations avec Arafat devant Khatami et Khamenei. Ces derniers ont alors aussitôt décidé de renouveler leur appui politique et financier au Hamas. En novembre, le même Mashal s'entretint avec Arafat à l'occasion de la Conférence islamique de Doha. Du point de vue iranien, on le voit, l'Intifada Al-Aqsa n'est pas un phénomène exclusivement palestinien : elle participe de « la lutte contre les ennemis de l'Islam dans le monde ».

La synthèse national-islamiste

Jusqu'à la fin de la guerre froide, les Etats islamiques les plus fondamentalistes - du Pakistan à l'Arabie Saoudite - n'avaient jamais rien entrepris de concret pour venir au secours des « frères » de Palestine, trop liés à leurs yeux au bloc de l'Est. Le nationalisme palestinien faisait figure, à l'époque, d'entreprise « impie ». D'une part, parce que le nationalisme constitue, pour les islamistes, le péché politique suprême. Assimilé au « séparatisme » (ina'ziliyya), il est accusé de diviser la communauté musulmane. D'autre part, on reprochait à l'OLP d'être noyautée par des « apostats » marxisants, parfois d'origine chrétienne, tels Georges Habbache ou Ibrahim Souss. Tout autre est la situation depuis la chute du mur de Berlin et la seconde guerre du Golfe.

Le tournant géopolitique de 1991

Avec la disparition de l'URSS, le mouvement nationaliste arabe perd l'un de ses plus précieux appuis extérieurs, cependant que les Etats-Unis et Israël prennent leurs distances avec une mouvance intégriste qu'ils avaient encouragée mais qui se retourne contre eux lors de l'opération Tempête du désert. On assiste alors à une véritable révolution géostratégique à l'intérieur de l'islamisme sunnite, longtemps tenu pour un contrepoids « conservateur » et « pro-occidental » à l'islamisme révolutionnaire iranien.

Depuis 1991 donc, le nationalisme arabe s'est partiellement réconcilié avec l'islamisme, avant d'être peu à peu phagocyté par ce dernier. L'islamisme se prévaut, en effet, d'une plus grande légitimité idéologico-religieuse que le nationalisme laïcisant de type baassiste (Irak, Syrie), dont l'origine philosophique occidentale est « impie ». Partout dans le monde arabo-musulman, l'option pan-arabe, socialisante et nassérienne laisse la place à la « solution islamique », « autochtone » et non héritée de la colonisation. Cette évolution explique, en grande partie, la ré-islamisation soudaine non seulement du régime de Saddam Hussein, contraint de suivre la mode « national-islamiste » pour retremper sa légitimité, mais également de révolutionnaires ou terroristes pro-palestiniens comme Ibrahim Abdallah ou Carlos(11).

La guerre du Golfe est le moment fondateur de la synthèse « arabo-islamiste » révolutionnaire. La « croisade » contre l'Irak suscitera une réaction anti-occidentale extrêmement violente de nombreux islamistes, jadis financés par les services secrets saoudiens, pakistanais et américains. Ce sera l'occasion pour les islamistes, au départ fort peu enthousiasmés par le régime « impie » de Saddam Hussein, de reconstruire leur légitimité populaire et d'opérer une « OPA » sur le nationalisme arabe. Saddam, l'ancien « apostat » fasciné par Nabuchodonosor, se met à jouer la carte islamique pour rassembler son peuple et les nations musulmanes. L'Irak, champion de l'anti-islamisme au cours de ses dix années de guerre contre l'Iran khomeyniste, se ré-islamise (12) : construction de gigantesques mosquées, diffusion de programmes télévisés islamiques, recrudescence des sentiments anti-occidentaux et anti-chrétiens, inscription sur le drapeau de la mention « Allah ou Akbar », etc. Saddam se lance même dans une surenchère avec les islamistes sur le terrain symbolique et hautement mobilisateur de la lutte contre l'« Occident croisé » et l'« occupation d'Al-Aqsa ».

D'où le lien étroit entre les théâtres palestinien et irakien. Peu après le déclenchement de la nouvelle Intifada, en novembre 2000, près de 4 millions de jeunes Irakiens ont signé un « livre blanc » de soutien aux « frères » des territoires occupés. Le gouvernement lance une vaste campagne de solidarité, suscitant une telle ferveur que le thème de la « libération » de Jérusalem et de la Palestine a désormais détrôné celui de la nation irakienne « agressée », Saddam Hussein se présentant comme le « nouveau Saladin » venu « libérer la Oumma » arabo-islamique « occupée » par les «Judéo-Croisés». Telle est la grille de lecture passionnelle non seulement de millions d'Irakiens, d'autant plus enclins au fanatisme qu'ils souffrent depuis de longues années, mais aussi d'une large fraction des masses arabes.

La périlleuse stratégie islamo-pétrolière des Etats-Unis

Quoi que l'on pense de la guerre du Golfe et de l'embargo contre l'Irak, ce dernier pénalise gravement, depuis dix ans, les seules populations civiles. La politique américaine « des raids et des embargos » (général Gallois dixit) et la présence de GI's en Arabie Saoudite ont, sans conteste, nettement contribué à la radicalisation des masses arabo-musulmanes qui y voient une agression «impérialiste» liée à un « complot sioniste ». Cette évolution, qui dégrade encore la très négative image de l'Etat hébreu dans la région, risque fort de compromettre toute résolution du conflit israélo-palestinien. Voilà dix ans, le stratège américain Edward Luttwak prédisait que l'intervention occidentale nuirait, à terme, aux intérêts et à la sécurité d'Israël. Le déclenchement d'une vague de haine anti-occidentale et judéophobe sans équivalent depuis les Croisades semble lui donner raison.

La guerre du Golfe fut livrée, on le sait, pour des raisons essentiellement pétrolières. Mais elle fut, également, un conflit pour la défense d'Israël, ce qui déboucha sur une fanatisation anti-israélienne au sein du monde arabo-musulman. Les mouvements islamistes et les dirigeants arabes (Saddam Hussein, Bachar Al-Assad) ou palestiniens s'accordent aujourd'hui pour décrire de façon symétrique le drame des peuples palestinien et irakien.

Les dirigeants américains ont beau le présenter (avec raison) comme une garantie de sécurité pour Israël, le maintien des sanctions contre l'Irak a également une autre finalité. Il doit, avant tout, permettre aux Etats-Unis de contrôler et de réguler le marché du pétrole à la faveur du protectorat de fait qu'ils ont instauré, dans le Golfe, depuis 1991. L'Irak est ainsi, au gré des priorités économiques américaines du moment, tantôt exclu tantôt réintégré sur le marché international du brut. Mais la géopolitique du pétrole étant inséparable de celle de l'islamisme sunnite, la « diplomatie coercitive » de Washington renforce puissamment les passions anti-occidentales. L'« arrogante » politique américaine dans la région (Samuel Huntington) constitue une source de conflit majeure entre l'Occident et l'Islam. Mais les Etats-Unis peuvent se permettre de continuer à souffler sur les braises de l'islamisme revanchard. Primo, parce que ce nouvel ennemi est plus utile que réellement menaçant pour Washington. Secundo, parce que le projet de bouclier antimissile (MD) et les lois de la géographie inciteront les Cavaliers d'Allah à déverser prioritairement leur haine anti-impérialiste sur les éléments les plus vulnérables de l'entité « occidentale » : Israël et la vieille Europe, « ventre mou » de la famille occidentale (général Gallois). L'ambivalence de la politique étrangère américaine, faut-il le préciser, est lourde de dangers. La stratégie pétrolière et pro-wahhabite de Washington risque d'être compromise par son soutien, de plus en plus « encombrant », à Israël. Si bien que, à moyen ou long terme, l'hypothèse d'un lâchage partiel d'Israël par son protecteur américain n'a plus rien de farfelu.

Une perception faussée du phénomène

Parallèlement, une nouvelle forme de terrorisme intellectuel sévit en Occident. Cet « islamiquement correct » s'interdit de comprendre l'une des raisons profondes, « civilisationnelle » et religieuse, de l'exacerbation du conflit israélo-palestinien. Cette autocensure s'accompagne, particulièrement en France, d'autres phénomènes tels que la désinformation et l'instrumentalisation idéologique de la question israélo-palestinienne.

Le conflit israélo-palestinien est inséparable du contexte géopolitique proche et moyen-oriental. Il doit être analysé en tenant compte de la montée générale d'un fanatisme islamiste et d'un anti-sionisme qui masquent mal la recrudescence des idéologies antisémites. Les liens entre national-socialisme d'une part, panarabisme et islamisme de l'autre, sont bien souvent occultés afin de conforter la perception manichéenne de «victimes» palestiniennes et musulmanes luttant contre les «colonisateurs» israélo-occidentaux. Résultat de cette analyse aussi partielle que partiale du conflit : on est parvenu, en fin de compte, par une étrange ruse de l'Histoire, à faire d'Israël un Etat « fasciste », seul responsable de la situation régionale.

« Islamiquement correct » et instrumentalisation de la Shoah

En fait, si l'une des parties au conflit a entretenu des liens avec les régimes européens d'extrême droite des années 30, c'est bien le radicalisme palestinien ! Le nationalisme palestinien fut créé dans l'entre-deux-guerres par le grand mufti de Jérusalem, Al-Hadj Amin Al-Husseini, ami personnel d'Hitler. C'est à son instigation que furent formées des légions SS musulmanes bosniaques et albanaises (13). Plus tard, nombre de personnalités nazies, accueillies dans les pays arabes après la défaite de 1945, prêteront main forte aux terroristes palestiniens et aux régimes arabes nationalistes (Irak, Syrie et Egypte nassérienne). Depuis les années 70-80, heures les plus sanglantes du terrorisme palestinien, pro-arabes d'extrême droite et milieux palestiniens(14) n'ont jamais cessé de coopérer. Ajoutons que, jusque dans l'entourage de Yasser Arafat (15), on continue de s'inspirer des Protocoles des Sages de Sion (16), référence fort prisée dans les écoles palestiniennes, tandis que Mein Kampf reste un best-seller dans le monde arabe.

Il n'empêche : pour beaucoup d'Occidentaux, le Palestinien joue le rôle de nouvelle « victime essentielle », d'où la nécessité de « fasciser » Israël et de retourner la Shoah contre ses victimes historiques et leur postérité. Les raisons en sont multiples : au plan électoral, les partis politiques tentent de s'attirer les suffrages des communautés musulmanes ; d'un point de vue psychologique, l'Occident ressent une vive culpabilité face aux anciens peuples colonisés ; idéologiquement, enfin, l'Islam représente l'antithèse de l'Occident, honni par la gauche « anti-impérialiste ». Quoi qu'il en soit, on assiste, depuis l'accession au pouvoir de l'« extrémiste de droite » Ariel Sharon, à une instrumentalisation médiatique tous azimuts des douleurs de l'Holocauste. Le but est, naturellement, de diaboliser Israël, tout comme on diabolisa la Serbie pour justifier la campagne militaire de l'OTAN (17). En qualifiant de « génocide » la mort de 3 000Kosovars qui, pour la plupart, étaient des terroristes de l'UCK, on procéda à une grave « banalisation de la Shoah »(18). Claude Lanzmann, Simon Wiesenthal ou Simone Veil s'en indignèrent à juste titre. De même, aujourd'hui, les islamistes palestiniens mais aussi les journaux égyptiens représentent les soldats de Tsahal avec des casques frappés de la croix gammée !

Tout se passe comme s'il était devenu impossible de dénoncer les violences politiques autrement qu'en déployant un arsenal idéologique et émotionnel emprunté à l'histoire de la Seconde Guerre mondiale. Procédé d'autant plus inapproprié que, en ex-Yougoslavie comme au Proche-Orient, ce sont précisément les adversaires et les victimes du national-socialisme que l'on réduit « ad Hitlerum » (19). L'identité de l'Etat hébreu repose en partie sur la Shoah, tandis que la Yougoslavie titiste s'est forgée dans la lutte contre le pan-germanisme et le nazisme. Certes, la Yougoslavie n'est pas Israël, et Milosevic n'est ni Barak ni Sharon. Mais s'il était parfaitement légitime de dénoncer le régime anti-démocratique de Milosevic, encore faut-il rappeler que sa nature totalitaire procédait du socialisme «auto-gestionnaire» et non du fascisme ou du nazisme.

L'instrumentalisation de la Shoah comme arme de propagande contre les Serbes ou les Israéliens est, en outre, au coeur de la rhétorique des révisionnistes, d'extrême gauche comme d'extrême droite. Comment expliquer de telles simplifications et de si dangereux parallélismes ? Comment peut-on ne pas s'apercevoir « qu'à tout ramener au nazisme, on normalise totalement le nazisme ; et qu'à instrumentaliser à des fins partisanes (ou narcissiques) la question juive, on ne cesse de donner du grain à moudre à l'antisémitisme ? » (20).

Pour nombre d'intellectuels « bien pensants », les juifs ne sont les « bons » que lorsqu'ils revêtent le statut de minorité persécutée. A l'inverse, les mêmes milieux antisionistes ou islamophiles retournent cyniquement la Shoah lorsqu'il s'agit d'incriminer Israël et de justifier les violences palestiniennes et islamistes. Les juifs incarnent tout à coup la figure du Mal dès lors qu'ils possèdent un Etat souverain et qu'ils portent l'uniforme. Car, comme l'explique si bien William Goldnadel, « toute vision de l'uniforme est considérée comme négative depuis le traumatisme de la Deuxième Guerre mondiale (...) ; ainsi, toute violence légale exercée par l'Etat est devenue, inconsciemment, moins légitime que la violence illégale exercée par des individus en colère » (21).

Au-delà des responsabilités ou des torts d'Israël, les clercs d'une certaine « pensée unique » néo-soixante-huitarde, réfractaire à toute forme d'ordre, reprochent à l'Etat hébreu ce qu'ils reprochent à tout autre Etat. Assurer la sécurité constitue nécessairement une « dérive sécuritaire » ; quant à la moindre répression, elle est par essence « fasciste » en vertu de l'adage « il est interdit d'interdire ». C'est la notion même de frontières nationales que les adeptes des utopies égalitaristes et internationalistes cherchent à disqualifier, faute de pouvoir proposer une argumentation pertinente. En appliquant le slogan traditionnel « CRS = SS » à Tsahal, on tente de démontrer que « les juifs aussi peuvent être des SS ».

En somme, les sentiments philo-palestiniens de certains milieux radicaux cachent de plus en plus mal une forme d'antisémitisme. Comme l'a dit Jorge Semprun : « Le palestinisme est la nouvelle forme, subtile et perverse, de l'antisémitisme » (22). Dès lors, on comprend mieux pourquoi les groupuscules néo-nazis, imités par une partie de l'extrême droite traditionnellement anti-arabe et réfractaire aux «races sémites», s'enflamment brusquement pour les Palestiniens ou les Irakiens. D'autres approuvent les attaques lancées contre des synagogues par des bandes de jeunes maghrébins« antisionistes », ces derniers ayant l'avantage d'être non « fascisables » puisque musulmans et arabes, donc «victimes» du racisme. Si bien que, comme le dit la psychologue Rachel Israël, « le racisme de l'Europe consiste à pardonner aux Arabes ce qu'elle nommerait fascisme chez les autres peuples » (23).

En guise de conclusion... A l'évidence, la mauvaise conscience occidentale et l'« islamiquement correct » accréditent une perception manichéenne des événements actuels. Les radicaux palestiniens font figure de victimes alors que les Israéliens, acculés à des réactions violentes par les actions terroristes, tiennent le rôle des « méchants ».

En dépit de terribles images - parfois « retravaillées »(24)-, on ne peut se borner à reproduire certains lieux communs en vogue depuis le déclenchement de la seconde Intifada. « Aux jets de pierre des enfants palestiniens, les Israéliens répondent avec des rafales de fusils automatiques » nous dit-on. Ce qui est pudiquement passé sous silence, c'est que les jeunes Palestiniens ne lancent pas «spontanément» leurs pierres. Encadrés par des responsables du Fatah et du Tanzim dotés d'armes sophistiquées et liés aux structures terroristes internationales, ils sont sacrifiés, non sans cynisme, dans le seul but de susciter l'émoi médiatique international, ardemment relayé par les bonnes consciences « progressistes » d'Occident. Lesquelles cautionnaient, il n'y a pas si longtemps, les pires actions terroristes palestiniennes. Au Liban, par exemple, les victimes maronites de l'OLP étaient assimilées à des « fascistes » tandis que les Palestiniens et leurs alliés islamistes, responsables de la guerre civile, étaient qualifiés d'« islamo-progressistes », l'horreur de Sabra et Chatila étant supposée excuser les villages chrétiens rasés par l'organisation d'Arafat...

Autre exemple du biais anti-israélien : le thème, hautement mobilisateur, du « droit au retour » des centaines de milliers de réfugiés palestiniens et de leurs descendants est ressassé... sans que quiconque invoque le même principe au bénéfice des centaines de milliers de juifs qui durent quitter les pays arabes entre 1948 et 1967 (25) !

Mais les faits sont têtus : en dépit de l'« islamiquement correct », le péril majeur du XXIesiècle est, qu'on le veuille ou non, le fanatisme islamique, qui tente de dresser l'Islam, voire le tiers-monde, contre l'Occident judéo-chrétien. Ce « totalitarisme théocratique », que des « intellectuels de gauche » tel Michel Foucault ont pu saluer, naguère, comme « progressiste » et « anti-impérialiste », menace aussi bien les Etats-Unis et l'Europe qu'Israël. Ses premières et ses plus nombreuses victimes demeurent toutefois, de l'Algérie à l'Afghanistan, les musulmans eux-mêmes.


Notes :

(1) En vertu des clauses de l'accord de Washington, la Cisjordanie était répartie en trois zones (A, B et C), dotées d'une autonomie plus ou moins large. La zone A (4 % de la Cisjordanie et 20 % de sa population) exclut Jérusalem-Est et une partie d'Hébron. L'Autorité palestinienne y détient des pouvoirs de police et civils, sauf à Hébron. En zone B, qui comprend 450 villages palestiniens et représente 23 % de la superficie de la Cisjordanie, l'Autorité détient les pouvoirs civils et une partie des pouvoirs de police. La zone C, enfin, soit 73 % de la Cisjordanie, demeure sous contrôle de l'État israélien.
(2) Le Tanzim (« Organisation ») est une structure paramilitaire issue d'une faction du Fath. Il fut créé à Ramallah par Marwan Barghouti, dirigeant de la première Intifada et secrétaire général du Fath en Cisjordanie.
(3) Jérusalem, jamais mentionnée sous ce nom dans le Coran, y apparaît sous diverses appellations : Al Qods, Bayt al Maqdis, Bayt al-Muqqades, ou la « Maison sainte ». Mahomet, tentant dans un premier temps de convaincre les juifs d'Arabie de rejoindre sa communauté, décréta que l'on prierait en se tournant vers le Nord, en direction de Jérusalem. Mais après avoir rompu avec les juifs de Médine qu'il fit massacrer en masse, il fixa l'orientation de la prière (Qibla) vers La Mecque. En outre, c'est via Jérusalem que Mahomet aurait accompli un ultime voyage nocturne sur le dos de sa jument blanche, Al-Buraq. Partant du mur situé à l'ouest du Mont du Temple, il serait monté au Septième ciel avec l'ange Gabriel, en passant par le Dôme du Rocher, Hébron, Bethléem et tous les autres lieux de la tradition biblique, rencontrant sur sa route Adam, Noé, Abraham, David et Jésus, devenus « musulmans ». Jérusalem est donc le lieu par excellence de la « captation », par l'islam, de l'héritage biblique judéo-chrétien.
(4) Dans leurs nombreuses déclarations et fatwas, nombre d'imams et de muftis palestiniens nient le caractère sacré du Mont du Temple et du « Mur des lamentations » (mur occidental de l'ancien Temple). L'Autorité palestinienne et le Waqf interdisent donc l'ouverture, dans l'enceinte, de tout chantier archéologique visant à prouver l'existence de vestiges du Temple. C'est dans le cadre de cette même bataille symbolico-historique que les responsables palestiniens ont fait détruire le tombeau de Joseph, sans que Tel-Aviv réagisse. Ce qui sera vivement reproché à Ehoud Barak.
(5) La géopolitique sous-estime d'autant moins le poids symbolique considérable du « conflit d'antériorité » relatif à Jérusalem que les hommes se sont toujours battus pour ce type de « patrimoine identitaire ». Mais Jérusalem n'est pas le seul théâtre de cette guerre des représentations. La ville d'Hébron abrite, par exemple, outre des Palestiniens arabes, de nombreux juifs, perçus comme « extérieurs » alors même qu'ils y ont toujours vécu. Du point de vue judaïque, la présence de juifs à Hébron est capitale, car c'est là que se trouvent les tombeaux d'Abraham et Sarah, d'Isaac et Rébecca, de Jacob et Leah. Le Caveau des patriarches, vieux de près de 4 000 ans, a une valeur inestimable.
(6) La grande presse a abondamment dénoncé le caractère sacrilège du projet israélien consistant à creuser un tunnel sous l'Esplanade des mosquées. En réalité, le tunnel en question ne faisait que longer le mur extérieur de l'Esplanade.
(7) Les dhimmis (de l'arabe « Ahl al-dhimma » ou les « gens du pacte ») sont les juifs et les chrétiens vivant en terre d'islam, que la loi islamique (Charia) oblige à payer un tribut (jiziyya) en échange d'une liberté de culte limitée. Le dhimmi n'est pas considéré comme un citoyen à part entière : il ne peut ni commander un Vrai croyant ni porter les armes. Il doit accepter la supériorité du musulman, ainsi que son prosélytisme.
(8) Sayyid Qutb, Fi Zilal Al Qur'an, III, p. 1208.
(9) Mgr Sabbah est le patriarche catholique de rite latin de Jérusalem.
(10) Cité in Limes, « Teheran si prepara alla guerra, Israele/Palestina, la terra stretta », janvier 2001.
(11) Jadis persuadé que l'islamisme était une création de la CIA et du Mossad, Carlos explique aujourd'hui que l'islamisme « néo-wahhabite » de Bin Laden constitue la seule voie « radicalement révolutionnaire » face à l'« hégémonie américano-sioniste ». Voir la lettre adressée par le terroriste à Jeune Afrique (n° 1966, 15-21 septembre 1998) depuis la prison de la Santé.
(12) La ré-islamisation de l'Irak est patente à tous les niveaux du pouvoir : armée, gouvernement et parti Baas. Elle se manifeste de diverses manières, depuis le soutien apporté aux associations islamiques jusqu'à la traque des boissons alcoolisées lors du Ramadan. De même, les discours officiels commencent tous, désormais, par la formule islamique : Bismallah al Rahman al Rahim (« Au nom de Dieu le clément et le miséricordieux »). Les cadres du parti ne boivent plus d'alcool en public, fréquentent ostensiblement les mosquées et exaltent le thème de la « récupération » de Jérusalem.
(13) A l'instar des Frères musulmans, le grand mufti de Jérusalem Al-Hadj Amin Al-Husseini prôna le jihad contre les juifs dans l'ensemble du monde islamique. Il édicta une fatwa stipulant que l'enrôlement des musulmans dans les armées allemandes correspondait à une « obligation religieuse ». A son appel, 20 000 musulmans bosniaques s'engagèrent dans la division Waffen SS Handchar. D'autres unités furent également constituées : la division musulmane SS Kama, la milice des Cadres verts de Nasid Topcic et Hajji Effendic, la Légion islamique de Huska Milikovic, ainsi que la division albanaise SS Skanderbeg. Entre décembre 1943 et mai 1944, la division Skanderbeg massacra la quasi-totalité des juifs de Pristina. Près de soixante ans plus tard, les nationalistes albanais, profitant de l'appui occidental, expulsèrent de Pristina tous les non-albanophones, Turcs et Juifs compris. Rappelons, enfin, que l'ancien président bosniaque Alijà Izetbegovic dirigea, à partir de 1942, les « Jeunesses musulmanes » pro-hitlériennes.
(14) L'ouvrage de référence, sur ce sujet, est Le Croissant et la Croix Gammée. Les secrets de l'alliance entre l'Islam et le nazisme d'Hitler à nos jours, Roger Faligot et Rémi Kauffer, Albin Michel, 1990.
(15) Dans sa livraison du 25 janvier 2001, le journal officiel de l'Autorité palestinienne, Al-Hayat Al-Jadida, cite abondamment  Les Protocoles des sages de Sion pour fustiger la politique israélienne et la « perfidie des Juifs ».
(16) Les Protocoles des Sages de Sion sont un faux antisémite notoire, rédigé à Paris, à la fin du XIXe siècle, par un membre de la police du tsar (Okhrana), dans le but de faire croire en l'existence d'un « complot juif mondial » visant à s'emparer des leviers de commande de l'univers, sous le couvert de la démocratie.
(17) Cette précision me permet de répondre à la note de lecture consacrée, par M. Jacques Baudouin, à mon livre Guerres contre l'Europe, Bosnie, Kosovo, Tchétchénie dans le n° 90 de Politique Internationale. M. Baudouin, qui relaie sans recul la propagande de l'Otan visant à « nazifier les Serbes », présente mes thèses relatives à la guerre du Kosovo comme « anti-américaines » et favorables au régime de Slobodan Milosevic. Or il ne prouve à aucun moment ce qu'il avance sur mes prétendues accointances « slavo-bolcheviques », et il omet de préciser que je qualifie à 21 reprises le régime de Milosevic d'« autoritaire », de « dictatorial », de « détestable »… Ce n'est pas la volonté affichée par l'Otan et l'Occident d'« empêcher une catastrophe humanitaire » que je dénonçais, mais le fait qu'il s'agissait d'un simple prétexte visant à légitimer l'opération Force alliée. En utilisant les termes de « génocide », de « charniers » et de « camps de la mort », les médias et les responsables occidentaux instrumentalisèrent cyniquement les douleurs de la Shoah. Cette « propagande de guerre » masquait deux réalités gênantes : le fait que l'intervention otanienne profitait aux terroristes de l'UCK, et l'absence de réaction occidentale à des massacres de bien plus grande ampleur perpétrés ailleurs dans le monde. Or comme l'ont dit Claude Lanzmann ou Simone Veil, ce type de manipulation risque de banaliser l'Holocauste, pour le plus grand profit des négationnistes.
(18) Voir l'intervention de Claude Lanzmann, « La nouvelle Affaire Dreyfus », lors du colloque organisé par la Fondation Marc Bloch sur la guerre du Kosovo : « Je n'ai pas besoin de la Shoah pour dire que ce qui se passe en ex-Yougoslavie est effrayant (...). Rien n'est plus épouvantable que la comparaison des horreurs, mais quand on dit déportation, cela a pour moi un sens précis : on déporte vers les camps de la mort. » Cité dans Le Figaro, 31 mai 1999.
(19) Pierre André Taguieff « L'antiracisme en crise, éléments d'une critique réformiste », in Michel Wieviorka (éd), Racisme et Modernité, La Découverte, 1993, p. 367. Taguieff écrit : « La vulgate anti-nationaliste contemporaine applique à l'objet de sa haine la reductio ad hitlerum, le réduisant à un inquiétant mélange d'irrationnel et de barbarie. »
(20) François Darras, « Les juifs de France pris en otage », Marianne, 17-23 juillet 2000.
(21) William Goldnadel, discour

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1 juin 2010 2 01 /06 /juin /2010 07:13

LIBERTÉ D'IMMIGRER
OU INTÉGRATION FORCÉE ?*

Hans-Hermann HOPPE

 

Comme l'indique l'immigrationnisme forcené des bandits communistes, la véritable liberté en matière d'immigration est le contraire exact de l'intégration forcée qu'imposent les gouvernements démocrates-sociaux à l'échelle du monde. A défaut d'une société totalement libre, l'Etat ne peut mener une politique d'immigration raisonnable que s'il agit comme le ferait un roi [F. G.].


L'argument classique en faveur de l'immigration sans frein se présente comme suit : toutes choses égales par ailleurs, les entreprises vont là où le travail coûte moins cher, réalisant ainsi une approximation du principe "à travail égal, salaire égal"**, de même que la meilleure affectation du capital possible. Un influx d'immigrants dans une région à salaires élevés abaissera les salaires nominaux. Cependant, il ne réduira pas les salaires réels si la population se trouve en-deçà de sa taille optimum (et il est certain que les Etats-Unis, dans leur ensemble, ont bien moins de population que sa taille optimale). Si c'est le cas, en fait la production augmentera tellement que les revenus réels augmenteront. De sorte que les restrictions à l'immigration feront plus de mal aux travailleurs protégés en tant que consommateurs qu'elles ne leur feront gagner en tant que producteurs***. En outre, des restrictons à l'immigration accroîtront la "fuite" de l'épargne à l'étranger (l'exportation des capitaux qui seraient restés autrement), provoquant une égalisation des taux de salaire (quoique plus lentement), mais
conduisant à un gaspillage du capital, détériorant ainsi les niveaux de vie dans le monde.
Tel que présenté plus haut, l'argument en faveur de l'immigration sans frein est irréfutable et exact. Il serait aussi stupide de le contester que de nier que la liberté des échanges conduit à des-


* Titre original : "Free Immigration or Forced Integration?" paru dans Chronicles, Vol. 19, N° 7, juillet 1995, publication mensuelle (ISSN 0887-5731) du Rockford Institute, 934 North Main Street, Rockford, IL 61103-7061.
Traduit par François Guillaumat.
** Etant entendu que l'expression "travail égal" ne se réfère pas à de caractéristiques physiques du travail, ni même à un
niveau de formation, mais à une productivité en valeur effectivement comparable [F. G.].
*** Tout en soulignant que cet accroissement du revenu réel fait baisser le chômage (les services s'échangent contre
les services et tout accroissement de l'offre réelle de services est ipso facto un accroissement de la demande de travail) rappelons que la question du chômage ne se pose de façon aiguè qu'en France et dans les autres pays européens
où les hommes de l'Etat mettent un zèle particulier à :
- interdire de travailler : dispositions autoritaires du code du travail, dont le salaire minimum, les conditions de diplômes, d’âge, etc. et autres interdictions de produire et d'échanger.
- Punir ceux qui ont travaillé : tous les pillages auxquels ils se livrent sur le revenu des travailleurs, au titre de la “sécurité sociale” ou de l’“Etat”.
- Récompenser ceux qui ne travaillent pas : tout l’argent volé aux travailleurs qu'ils distribuent indépendamment de tout travail, à commencer par l'“indemnisation” du chômage et le RMI.
- Planifier la production de monnaie sur le mode soviétique : (la “politique monétaire”, source inépuisable de crises financières et conjoncturelles).


-niveaux de vie plus élevés que le protectionnisme. Ce serait aussi une erreur de contester l'argumentaire immigrationniste en faisant remarquer que, du fait de l'existence d'un Etat-providence, l'immigration concerne désormais dans une large mesure des parasites des systèmes sociaux* qui, alors même que la population des Etats-Unis est en-deçà du niveau optimum, n'accroissent pas le niveau de vie général mais le diminuent. En effet, il ne s'agit pas d'un argument contre l'immigration mais contre l'Etat-providence. Bien sûr, celui-ci doit être détruit, éradiqué. Mais les problèmes de l'immigration et de l'Etat-providence sont des problèmes analytiquement distincts, et on doit les traiter en conséquence.
Le problème de l'argumentaire qui précède est qu'il souffre de deux défauts connexes qui invalident sa conclusion d'immigrationnisme inconditionnel, ou qui limitent son applicabilité à une situation hautement irréaliste —depuis longtemps évanouie dans l'histoire humaine.
On ne mentionnera qu'en passant le premier défaut : pour les libéraux conséquents de l'Ecole autrichienne d'économie politique, il est évident que ce qui constitue le "bien-être" est un jugement de l'esprit, et les ressources matérielles ne forment qu'une part de ses considérations.
Même si les revenus réels augmentent du fait de l'immigration, il ne s'ensuit pas que l'immigration doive en être automatiquement tenue pour "bonne", car on pourrait préférer un niveau de vie plus bas et une plus faible population à une plus grande richesse matérielle dans un peuplement plus dense.
C'est sur la seconde impasse que nous allons nous concentrer ici : c'est sur un territoire particulier que les gens immigrent. Or, l'analyse présentée au départ ne traite absolument pas la question de savoir qui, s'il existe, possède (maîtrise) le territoire en question. En fait, pour rendre l'analyse applicable, on suppose —implicitement— que le territoire en question n'appartient à personne, et que les immigrants arrivent sur un espace vierge (la "frontière ouverte" de l'histoire américaine). Il est évident que cette hypothèse, on ne peut plus la faire. Or, si ce postulat est abandonné, le problème de l'immigration acquiert un sens fondamentalement différent, et exige d'être repensé de fond en comble.
Pour illustrer ce que j'entends, imaginons une société anarcho-capitaliste : quoique je sois persuadé qu'une telle société est le seul ordre politique que l'on puisse défendre comme juste, je n'essaierai pas d'expliquer ici pourquoi c'est le cas**. Je vais plutôt l'utiliser ici comme un point de départ conceptuel, pour contribuer à faire comprendre l'erreur fondamentale de la plupart des apôtres contemporains de l'immigration illimitée.
Supposons donc que toute la terre soit propriété privée : cela inclut toutes les rues, routes, aéroports, ports, etc. Pour certains terrains, le titre de propriété n'est soumis à aucune servitude : c'est-à-dire que le propriétaire est libre de faire tout ce qui lui plaît aussi longtemps qu'il ne porte pas atteinte à la propriété des autres. Pour d'autres, l'usage peut être plus ou moin
s-


* Et pas seulement à l'initiative des intéressés : la politique de "regroupement familial" a eu précisément pour effet de subventionner l'immigration de femmes et d'enfants, parasites par vocation (multipliant en outre démesurément les problèmes de délinquance que la deuxième génération a toujours posés dans tout pays d'immigration) [N.d.T.].
** Cf. Murray Rothbard : L'Ethique de la liberté, Paris, Les Belles Lettres, 1991 [N.d.T.].

 

-étroitement restreint. Comme c'est aujourd'hui le cas dans certains lotissements, le propriétaire peut être soumis à des limites contractuelles à ce qu'il peut faire de sa propriété (des règles d'urbanisme librement acceptées) telles que : usage résidentiel ("occupation bourgeoise") et non usage commercial, hauteur des immeubles limitée à trois étages, pas de vente ni de location aux Juifs, Allemands, Catholiques, homosexuels, Haïtiens, aux familles avec ou sans enfants, ou aux fumeurs, entre autres exemples.
Il est clair que dans cette société strictement libérale, il n'existe absolument aucun "droit à l'immigration". Ce qui existe, à la place, c'est le Droit de multiples propriétaires indépendants d'inviter ou de ne pas inviter les autres chez eux, conformément à leurs titres de propriété illimités ou limités. L'accès à certains terrains pourra être facile, et à d'autres quasiment impossible ; dans tous les cas, être accepté sur la propriété de celui qui vous invite n'implique aucun "droit" de se promener dans les environs, à moins que les autres propriétaires n'acceptent de telles déambulations. Il y aura sur chaque terrain exactement autant d'immigration et de nonimmigration, d'exclusion et de non-exclusion, d'intégration ou de ségrégation, de non discrimination ou de discrimination fondée sur des critères raciaux, ethniques, linguistiques, religieux, culturels ou (n'importe quels) autres, que l'auront décidé les propriétaires privés et ssociations de propriétaires privés.
Remarquez que rien de tout cela, même pas la forme la plus extrême du ségrégationnisme, n'a le moindre rapport avec le refus du libre échange et l'adoption du protectionnisme. Du fait qu'on ne désire pas fréquenter des Nègres, des Turcs, etc. ou vivre dans leur voisinage, il ne s'ensuit pas qu'on ne souhaite pas échanger à distance avec eux. Bien au contraire, c'est précisément le caractère absolument volontaire de l'association et de la séparation —l'absence de toute forme d'intégration forcée— qui rend possible les relations pacifiques —le libre échange— entre des gens culturellement, ethniquement, ou confessionnellement différents*.
Dans une société totalement libérale (anarcho-capitaliste), il n'y a pas de gouvernement central, et par conséquent pas de distinction précise entre les nationaux (citoyens du pays) et les étrangers. Cette distinction n'apparaît qu'avec l'institution d'un Etat, c'est-à-dire d'un groupe de personnes qui détiennent un monopole de l'agression (de l'impôt). Le territoire sur lequel s'étend le pouvoir fiscal devient "national" (intérieur) et quiconque réside au-delà de ce territoire devient un étranger. Les frontières d'Etat (avec les passeports), à la différence des bornes de la propriété privée, ne sont pas des institutions naturelles (elles sont imposées par la force). En fait, leur existence (et celle d'un gouvernement national) fausse à deux titres l'inclination naturelle des gens à s'associer les uns avec les autres. Tout d'abord, les résidents ne peuvent pas exclure de leur propriété les hommes de l'Etat (les envoyés du fisc), mais sont victimes de ce qu'on pourrait appeler l'"immigration forcée" des agents de l'Etat.
Deuxièmement, pour pouvoir faire intrusion sur la propriété privée de ses sujets afin de les taxer,-


* Cela implique que certains terrains soient ouverts à la libre circulation des marchandises ; outre que les propriétaires des routes ont intérêt à cette circulation, aucun résident n'ira s'installer sur un terrain dont l'accès pourrait légalement lui être barré par un autre propriétaire [N.d.T.].

 

-un gouvernement doit invariablement prendre le contrôle des routes existantes, et il emploiera ses recettes fiscales à produire encore davantage de routes, dans le but de faciliter son accès à toute propriété privée, comme matière fiscale potentielle. Ainsi, cette surproduction de routes n'implique pas seulement une facilitation innocente du commerce interrégional —un abaissement des coûts de transaction, comme les économistes naïfs voudraient nous le faire croire ; c'est aussi une intégration nationale forcée (une déségrégation artificielle de localités séparées).
En outre, avec l'installation d'un gouvernement et de frontières d'Etat, l'immigration prend un sens entièrement différent. L'immigration devient une immigration d'étrangers, à travers des frontières d'Etat, et la question de savoir si une personne doit être admise n'incombe plus à des propriétaires privés ou à une association de propriétaires privés, mais aux hommes de l'Etat en tant que souverains ultimes de tous les résidents nationaux et comme propriétaires de fait de toutes leurs possessions. Cependant, si les hommes de l'Etat excluent une personne alors même qu'un résident national est disposé à l'accueillir sur sa propriété, le résultat est une exclusion forcée (phénomène qui n'existe pas dans une anarchie de propriété privée). En outre, si les hommes de l'Etat laissent entrer une personne alors qu'il ne se trouve pas ne serait-ce qu'un seul résident national qui souhaite admettre cette personne sur sa propriété, le résultat est une intégration forcée (qui n'existe pas non plus dans une anarchie de propriété privée).
Maintenant, ajoutons quelques postulats historiquement "réalistes" : supposons que l'Etat est propriété privée. Le souverain possède littéralement l'ensemble du pays dans les limites de ses frontières. Il est pleinement propriétaire d'une partie du territoire (son titre de propriété y est illimité), et possède partiellement le reste (en tant que propriétaire ultime ou prétendant au revenu résiduel de toutes les possessions immobilières, quoique contraint par une espèce de contrat de location préexistant). Il peut vendre et léguer sa propriété, et il peut calculer et "réaliser" la valeur de son capital (son pays).
Les monarchies traditionnelles —et les rois— sont les exemples historiques les plus proches de cette forme de gouvernement. Que sera la politique d'immigration et d'émigration caractéristique d'un roi ? Dans la mesure où il possède l'ensemble de la valeur en capital du pays, il aura tendance, en ne lui supposant pas d'autre intérêt que le sien, à choisir les politiques de migration qui préservent ou accroissent la valeur de son royaume, au lieu de la diminuer. En ce qui concerne l'émigration, un roi voudra empêcher l'émigration de sujets productifs, et
particulièrement de ses sujets les meilleurs et les plus productifs, parce que les perdre diminuerait la valeur du royaume. Par exemple, de 1782 à 1824, une loi interdisait aux ouvriers qualifiés de quitter la Grande-Bretagne. En revanche, un roi souhaitera expulser ses sujets improductifs et destructeurs (les criminels, clochards, mendiants, romanichels, vagabonds, etc.), car les extirper du royaume accroîtra sa valeur. C'est pour cela que la Grande- Bretagne a expulsé des dizaines de milliers de délinquants de droit commun en Amérique du Nord et en Australie.
En ce qui concerne par ailleurs l'immigration, un roi souhaitera tenir la tourbe à l'écart, de même que les gens aux capacités productives inférieures. Cette dernière catégorie ne sera admiseque temporairement, si elle l'est seulement, comme travailleurs saisonniers sans droit de cité (comme quand nombre de Polonais furent admis comme travailleurs saisonniers en Allemagne après 1880), et on leur interdira toute possession immobilière permanente. Un roi ne permettrait l'immigration permanente qu'à des individus supérieurs ou du moins au-dessus de la moyenne (c'est-à-dire à ceux qui accroîtraient la valeur de son royaume en y résidant), comme lorsqu'après 1685 (la révocation de l'Edit de Nantes), des dizaines de milliers de Huguenots furent autorisés à s'installer en Prusse et lorsque Pierre le Grand, Frédéric le Grand et Marie-Thérèse d'Autriche facilitèrent l'immigration et l'établissement de grands nombres d'Allemands en Russie, en Prusse et dans les provinces orientales de l'Autriche-Hongrie. Bref, même si les politiques de migration d'un roi n'éviteraient pas entièrement les cas d'exclusion et d'intégration forcée, elles feraient grosso modo ce que feraient des propriétaires privés, s'ils pouvaient décider qui admettre et qui exclure. Le roi serait particulièrement regardant, se souciant à l'extrême d'améliorer la qualité du capital humain résident, afin d'accroître la valeur du sol ou d'éviter de la diminuer.
On peut prédire que les politiques de migration prendront un tour différent une fois l'Etat devenu propriété publique. Le dirigeant n'est plus propriétaire de la valeur en capital du pays, il n'en dispose plus qu'à titre temporaire. Il ne peut pas vendre ni léguer sa place de dirigeant, n'étant qu'un gérant provisoire. En outre, la "liberté d'entrer" existe dans cette profession de gérant étatique*. N'importe qui, en principe, peut devenir dirigeant d'un pays.
Les démocraties telles qu'elles sont apparues sur une large échelle après la Première guerre mondiale présentent des exemples historiques de gouvernement public. Encore une fois, si on ne leur prête pas d'autre intérêt que personnel (le souci d'accroître au maximum leur revenu pécuniaire et psychique : l'argent et le pouvoir), les maîtres démocratiques cherchent à accroître au maximum le revenu courant aux dépens de la valeur en capital, dont ils ne peuvent pas s'emparer à titre privé. De sorte que, se conformant à l'égalitarisme inhérent au suffrage universel**, ils ont tendance à mener des politiques nettement égalitaires —non discriminatoires— en matière d'émigration et d'immigration.
En ce qui concerne la politique d'émigration, cela implique que le dirigeant démocratique se soucie peu de savoir si ce sont des gens productifs ou improductifs, des cerveaux ou des clochards, qui quittent le pays. Les uns et les autres ont le même droit de vote. En fait, le dirigeant démocratique pourrait bien s'inquiéter davantage de la perte d'un parasite que de celle d'un génie productif. Car si la perte du second dégrade certainement la valeur du pays, alors que la disparition du premier pourrait l'accroître, un dirigeant démocratique n'est pas propriétaire du pays. A court terme, un paumé qui vote pour des mesures égalitaristes pourrait même avoir plus de valeur pour le dirigeant démocratique que n'en a le génie productif : celui-ci,-


* Ce qu'on pourrait appeler un satrape, en vertu non du statut juridique exact de ces nobles prédateurs, mais de leur conduite vis-à-vis des richesses temporairement mises à leur disposition [N.d.T.].
** Cf. Anthony de Jasay : L'Etat, Paris, Les Belles Lettres, 1995 [N.d.T.].

 

-victime de choix de l'égalitarisme, a plus de chances de voter contre le dirigeant en question*.
Pour la même raison, un dirigeant démocratique, tout à l'opposé d'un roi, en fera peu pour expulser les gens dont la présence dans le pays constitue une nuisance (les indésirables, dont la présence fait baisser les valeurs immobilières). En fait, ces indésirables-là —parasites, tordus, délinquants— ont des chances de figurer parmi ses plus fidèles électeurs. En ce qui concerne les politiques d'immigration, les raisons d'agir ou de ne pas agir sont tout aussi faussées, et les résultats sont également pervers. Pour un démocrate officiel, peu importe que ce soient des gueux ou des génies, des gens plus ou moins civilisés que la moyenne, ou plus ou moins productifs, qui entrent dans le pays. Il ne se soucie pas beaucoup non plus de la distinction entre travailleurs temporaires (titulaires d'un permis de travail) et les immigrés définitifs, propriétaires permanents (les citoyens naturalisés). En fait, les nécessiteux et les improductifs pourraient bien être préférables comme résidents et comme citoyens parce qu'ils posent davantage de ce qu'on appelle les "problèmes sociaux", et que ces dirigeants-là prospèrent de l'existence de tels problèmes. En outre, les tarés, les gens inférieurs, auront plus de chances d'appuyer ses politiques égalitaristes, alors que les génies et les gens supérieurs s'y refuseront. Le résultat de ces politiques de discrimination est une intégration forcée : on impose des masses d'immigrants inférieurs à des propriétaires nationaux qui, s'ils avaient décidé eux mêmes, auraient fortement discriminé et se seraient choisis des voisins très différents. Ainsi, les lois sur l'immigration aux Etats-Unis de 1965, le meilleur exemple de démocratie en action, a éliminé tous les critères de "qualité" préalablement existants et la préférence explicite pour les immigrants européens, la remplaçant par une politique de non-discrimination presque complète (de "multiculturalisme").
En fait, même si on l'a rarement fait observer, la politique d'immigration d'une démocratie est le reflet de sa propre politique interne relativement aux mouvements de population : vis-à vis des choix volontaires d'association ou de désassociation, de ségrégation ou d'intégration, de rapprochement ou d'éloignement physique des différents propriétaires. Comme le ferait un roi, un dirigeant démocratique favorisera la surintégration spatiale en produisant à l'excès le "service collectif" des voies publiques. Cependant, pour un dirigeant démocratique, à la différence d'un roi, il ne suffira pas que tout le monde puisse "aller et venir" jusqu'à la porte de tout un chacun sur les routes des hommes de l'Etat. Soucieux d'accroître son revenu et son pouvoir actuels aux dépens du capital installé et sous l'influence du préjugé égalitariste, le démocrate patenté ira bien plus loin. Le gouvernement fera des lois "contre la discrimination" —on ne pourra plus choisir de ne pas côtoyer les Juifs, Nègres, bougres, etc.— pour forcer l'entrée de la propriété de chacun et en ouvrir l'accès à n'importe qui. Il n'est donc guère surprenant que la législation des "droits civiques" aux Etats-Unis, qui interdisait les distinctions privées sur le critère de la couleur, de la race, de l'origine nationale, etc. et imposait de ce fait
la déségrégation, a coïncidé avec l'adoption d'une politique d'immigration non-discriminatoire, ce qui signifiait une déségrégation internationale imposée (l'intégration forcée).

 

*** Que la redistribution politique se fasse au nom de l'"égalité" conduira certainement à une discrimination- persécution —éventuellement ostensible— contre les plus productifs (cf. l'impôt sur le revenu). En revanche les "pauvres", tout comme "l'égalité", y sont surtout un prétexte rhétorique, n'ayant que rarement un pouvoir politique, alors que la redistribution politique est par définition menée par les puissants, au détriment des faibles (cf. L'Etat, ch. 3 et 4) [N.d.T.].

La situation actuelle des Etats-Unis et de l'Europe occidentale en matière d'immigration n'a donc absolument rien à voir avec un quelconque "libéralisme". Il s'agit d'intégration forcée, purement et simplement, et l'intégration forcée est le résultat prévisible de la démocratie sociale* où règne le principe "un homme-une voix". Abolir l'intégration forcée exige de combattre la démocratie sociale, pour finalement abolir le caractère "public" des décisions**. Plus spécifiquement, le pouvoir d'inviter ou d'exclure doit être retiré aux hommes de l'Etat central pour être remis aux régions, provinces, départements, villes, villages, quartiers résidentiels et finalement aux propriétaires privés et à leurs associations volontaires. On atteint ces objectifs par la décentralisation et la sécession (l'une et l'autre par essence contraires à la démocratie sociale et à la règle majoritaire). On serait par conséquent bien engagé dans la voie d'une restauration de la liberté d'association et d'exclusion qui procède de l'idée libérale et de l'institution de la propriété privée, et une bonne partie des conflits qui naissent actuellement de l'intégration forcée disparaîtraient si seulement les villes et villages pouvaient, et voulaient faire ce qu'ils faisaient tout naturellement bien avant dans le XIX° siècle en Europe et aux Etats-Unis : afficher des pancartes énonçant les conditions d'entrée dans la ville (pas de mendiants, ou de clochards, ou de vagabonds, mais aussi pas de Musulmans, pas de Juifs, ou de Catholiques, ou de Protestants, ou d'Américains) ; chasser comme contrevenant quiconque ne répond pas aux conditions affichées ; et résoudre la question de la "naturalisation" à la manière suisse, où ce sont les assemblées locales, et non le gouvernement central, qui décident qui peut, ou ne peut pas devenir citoyen.
Que doit-on espérer et prôner comme politique d'immigration correcte, aussi longtemps que l'Etat central démocratique existe toujours et qu'il s'arroge avec succès le pouvoir d'imposer une politique uniforme d'immigration ? La meilleure que l'on puisse espérer va "contre la nature" de la démocratie, et n'a donc pas beaucoup de chances d'arriver : c'est que les dirigeants démocratiques se conduisent "comme si" ils étaient personnellement propriétaires du pays, comme s'ils avaient à décider qui admettre et qui exclure dans leur propre propriété privée (dans leur propre maison même). Cela signifie pratiquer une politique de discrimination
extrême : de stricte discrimination en faveur de ceux qui présentent les plus grandes qualités humaines d'expertise, de caractère et de compatibilité culturelle.

Plus spécifiquement, cela veut dire que l'on distingue strictement entre les "citoyens" (les immigrés "naturalisés") et les "étrangers résidents", en excluant ces derniers de tout "avantage social". Cela signifie exiger, pour l'acquisition du statut de résident étranger aussi bien que celui de citoyen, le parrainage personnel d'un citoyen résident, se portant garant pour toute-


* L'auteur avait écrit "démocratie", ne croyant pas non plus que celle-ci puisse être autre que "sociale", c'est-à-dire pillarde [N.d.T.].
** Même remarque : l'auteur avait écrit : "la dé-démocratisation de la société, et finalement l'abolition de la démocratie". J'affiche une version plus politiquement correcte, mais on n'est pas obligé de la reprendre... [N.d.T.].

 

-atteinte à la propriété causée par l'immigrant. Cela implique d'exiger un contrat d'embauche en vigueur avec un citoyen résident ; en outre, pour les deux catégories, mais particulièrement celle de la citoyenneté, cela implique que l'immigrant doit présenter non seulement une connaissance de [notre] langue mais encore des capacités intellectuelles générales supérieures (au-dessus de la moyenne) et des qualités de caractère compatibles avec notre système de valeurs —avec pour résultat prévisible une tendance systématique à favoriser l'immigration des Européens.


Lisez le DOSSIER  sur LE LIBERTARIANISME

 

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31 mai 2010 1 31 /05 /mai /2010 04:05

Burqa et espace public : les libertariens ne sont pas des libertaires


Francois_Guillaumat_moyen.gif Comme il n'y a pas d'autre norme politique justifiée que le principe de non agression, il n'y a pas d'autre Droit de l'homme que le Droit naturel de propriété.

Si on ne comprend pas cela, on peut être dupe de prétendus "droits" qui lui sont contraires.

Dans un "état", qui par définition a imposé un prétendu "espace public" avec l'accord conditionnel de certains mais en violant aussi massivement le consentement de ceux qui s'y opposaient et qui s'en sont trouvés dépossédés, viole le Droit naturel de propriété tout usage de cet "espace public" que n'approuvent pas ses véritables propriétaires, c'est-à-dire ceux qui n'ont accepté la création de cet "espace public" qu'à certaines conditions déterminées, ainsi que les victimes de cette usurpation qui ne l'ont de toutes façons pas acceptée.

Cet usage abusif, et injuste, de cet "espace public" en partie usurpé ne se limite pas au fait de s'approprier les richesses qu'il contient contre le gré de ses véritables propriétaires spoliés pour vivre sur leur dos comme le font les receleurs des prétendus "droits sociaux" : il inclut aussi le fait de s'y conduire d'une manière que ces véritables propriétaires n'acceptent pas, y compris de s'y trouver contre leur gré.

 Il est donc crucial de distinguer dans ce qui, au sein de ce prétendu "droit public", cherche à se faire passer pour des "libertés publiques", ce qui reflète les vestiges de la liberté naturelle et ce qui n'est qu'un moyen de rationaliser l'intégration forcée.

Par conséquent postuler un "droit" d'occuper ce prétendu "espace public" à n'importe quelles conditions, y compris d'y construire ce qu'on veut ou de s'y montrer habillé n'importe comment, cela veut dire qu'on est dupe d'un étatisme usurpateur de ce prétendu "espace public", et qu'on se fait sans le vouloir le complice de cette injustice que Hans-Hermann Hoppe appelle l'"intégration forcée".

C'est ce que Rothbard avait fini par comprendre, après avoir pour un temps prôné cet accès inconditionnel, dans l'idée de faire voir l'anomie qui découle de l'usurpation : prôner cet accès inconditionnel est bien une forme d'injustice envers les véritables propriétaires de l'"espace public", une forme de complicité avec son usurpation qui contribue à aggraver celle-ci, une forme d'approbation implicite non seulement de ses prétendus "droits sociaux" qui ne peut rendre leur esclavagisme que plus écrasant, mais encore de l'intégration forcée qu'elle nous impose d'une façon de plus en plus totalitaire.

Alors, le prétendu "droit public" qui prétend régir le prétendu "espace public" n'est par nature qu'un Ersatz de Droit, qu'un simulacre du véritable Droit, puisque celui-ci ne peut être assis que sur la propriété naturelle ; dans une pseudo-démocratie socialiste il n'en a même plus que les apparences, n'étant plus guère là que pour dire à quelles conditions ses Parasites Sociaux Institutionnels abusent de ce prétendu "espace public" aux dépens de ses propriétaires légitimes, qu'il a spoliés et qu'il spolie.

Il n'en est que plus crucial de distinguer dans ce qui, au sein de ce prétendu "droit public", cherche à se faire passer pour des "libertés publiques", reflète les vestiges de la liberté naturelle et ce qui n'est qu'un moyen de rationaliser l'intégration forcée.

A défaut, on prendra pour du "libéralisme" ce qui n'est en réalité que de l'anarcho-communisme, directement contraire au premier : c'est d'ailleurs peut-être pour ne pas l'avoir compris que, dans les pays anglo-saxons, les soi-disant "liberals" sont devenus de purs socialistes, avec seulement un mensonge de plus, alors que les "conservatives" sont beaucoup plus libéraux, quand ce ne serait que parce qu'ils en tiennent pour une forme d'organisation politique plus ancienne et de ce fait, désormais, moins usurpatrice du pouvoir social.

A ce titre la gestion démocratique de ce prétendu "espace public", c'est-à-dire conforme aux voeux de la majorité de ses supposés "co-propriétaires" plus ou moins forcés est certainement elle aussi un minable substitut à la véritable solution, qui serait de réduire celui-ci à ce que ces propriétaires-là accepteraient vraiment -- y compris si c'était pour l'abolir ; mais elle est moins injuste que de permettre à n'importe qui d'en faire n'importe quoi.

Ce serait donc un contresens sur le libéralisme, contradictoire avec à son principe, que de croire que n'importe qui aurait nécessairement un "droit" inconditionnel de construire n'importe quoi ou de s'habiller n'importe comment sur le supposé "espace public" conditionnellement accepté par certains et imposé à d'autres en violation de leurs Droits légitimes.

C'est le contresens que commettent les"libertaires" qui conçoivent "la liberté" d'une façon subjective comme un absurde rejet de toute contrainte juridique, donc en-dehors du principe de la propriété naturelle et en fait contre elle.

Cette incohérence des soi-disant "libertaires", en fait des "anarcho-communistes", a pour conséquence qu'ils n'ont en fait aucune pensée politique, et qu'ils ne se retrouvent jamais qu'à jouer plus ou moins consciemment les auxiliaires du gangstérisme socialiste, que celui-ci soit pseudo-démocratique, fasciste ou communiste.

 Ne pas reconnaître que la "propriété publique" est par essence conditionnelle ou usurpée engendre une conception contradictoire du Droit et des libertés, dont tous les gangsters antisociaux profitent pour en abuser au détriment de ses propriétaires véritables.

Ce n'est pas un hasard si c'est pour l'essentiel la gauche socialo-communiste qui soutient le prétendu "droit" inconditionnel des intrus à conquérir le prétendu "espace public" par leur présence marquée, en violation des préférences de ses véritables propriétaires -- c'est-à-dire au mépris affiché de leurs Droits : le sans-papiérisme est un communisme, et tout autant dans les faits l'affirmation du "droit" des islamistes à y porter les marques de leur volonté de conquête.

Ce n'est donc pas de la "démocratie libérale" qu'il méprise, mais de son ennemie la pseudo-démocratie socialiste, que l'islamiste Tariq Ramadan exploite les contradictions : la pseudo-démocratie socialiste n'a rien à opposer à la Loi islamique puisque ni l'une et l'autre ne peuvent être justifiées en raison, l'une et l'autre foulant aux pieds la justice naturelle.

En effet, ne pas reconnaître que la "propriété publique" est par essence conditionnelle ou usurpée engendre une conception contradictoire du Droit et des libertés, dont tous les gangsters antisociaux profitent pour en abuser aux dépens de ses propriétaires véritables ; et qui par conséquent n'est que faussement "universaliste" et n'inspire aucune espèce d'"égalité" des Droits, puisqu'au contraire elle conduit à ce qu'on attribue des privilèges à ceux qui sont les plus résolus à les violer, ces Droits.

A bien des égards, c'est la prétention même de les dire "universels" qui signale l'injustice de ces "principes", puisqu'en l'espèce, dans une société vraiment juste, ce ne seraient pas les mêmes choses que les différents propriétaires légitimes autoriseraient ou interdiraient.

Qu'elle vise à rationaliser l'usurpation ou au contraire à combattre ses effets, le stigmate qui permet d'identifier comme contradictoire cette conception du Droit et des libertés est que sa prétendue "légitimité" ne se réfère pas à la propriété naturelle, c'est-à-dire au caractère objectivement juste ou injuste d'actes accomplis et de contrats conclus dans le passé ; mais qu'elle prétend au contraire mettre en avant de prétendus "principes", qu'elle peut bien présenter comme universels et donc intemporels, mais qui ne peuvent pratiquement pas l'être, dans la mesure où ils sont le règlement intérieur d'une "propriété publique" incompatible avec le seul principe qui le soit vraiment : celui de la non agression.

Et dans la mesure où ils la contredisent, cette propriété naturelle, les prétendus "principes" de ce pseudo-"universalisme" seront contradictoires entre eux et contradictoires en eux-mêmes : avec pour conséquence nécessaire qu'ils ne peuvent pas être appliqués jusqu'au bout, et qu'ils ne l'ont jamais été. A bien des égards, c'est la prétention même de les dire "universels" qui signale l'injustice de ces "principes", puisqu'en l'espèce, dans une société vraiment juste, ce ne seraient pas les mêmes choses que les différents propriétaires légitimes autoriseraient ou interdiraient. C'est évidemment le cas de prétendus "droits" de construire n'importe quoi ou de s'habiller n'importe comment sur le prétendu "espace public".

C'est pourquoi les Suisses défendaient la justice naturelle contre les pseudo-élites juridiques qui entendaient la violer -- en même temps que leur propre législation ! quand par referendum ils ont interdit la construction de minarets sur leur territoire. C'est aussi pourquoi c'est à bon Droit que les nudistes sont parqués dans des propriétés privées, et que la burqa l'a été en Belgique et pourra l'être en France.

Quant à ceux qui se plaignent de l'excès de contraintes qui s'ensuivrait, ou qui crient à l'injustice, qu'ils réclament la privatisation de cet "espace public" qui en est la véritable cause ; pour une fois ils ne feront pas dans l'absurdisme ni dans la malhonnêteté.


Voir aussi :

- les articles de Hans-Hermann Hoppe sur le sujet :

Pour le libre échange et une immigration limitée

La vertu de la "Discrimination"

Natural order, the state and the "immigration problem".

- Les émissions de Lumière 101 avec Georges Lane

L'intégration forcée

Les pseudo élites judiciaires contre la justice naturelle

Le sans-papiérisme est un communisme


Débat sur la burqa : pour l'interdiction

 

Corentin de Salle Pour Corentin de Salle, si la burqa est dangereuse, c'est parcequ'elle constitue la négation même du principe de reconnaissance qui est au fondement du droit et donc au fondement de la société toute entière. 

 

 

 


Le 31 mars dernier, la commission de l’Intérieur de la Chambre belge des représentants adoptait à l’unanimité une proposition de loi interdisant la burqa dans l’espace public. Elle est devenue la première loi du genre en Europe.

Une proposition similaire a été déposée par l’UMP en France. Le 30 mars, le Conseil d’Etat français, sollicité par le Premier ministre pour étudier les possibilités juridiques d’une interdiction du port du voile intégral, a conclu qu’il n’existait « aucun fondement juridique incontestable » pour justifier une telle prohibition dans l’ensemble de l’espace public(1).

Ni le principe de laïcité, ni le principe de sauvegarde de la dignité humaine, ni celui de l’égalité entre les hommes et les femmes, ni celui de la sécurité publique ou celui de la non-discrimination ne fournissent cette base juridique qui, dans le respect de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, permettrait de justifier une limitation à la liberté religieuse consacrée par l’article 9.

A rebours de cette interprétation, nous estimons que cette proposition peut bel et bien s’appuyer sur un fondement juridique incontestable.

Lequel ? Celui de l’ordre public consacré par l’article 10 de la Convention et qui dispose que « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ».

Quand ils traitent de cette notion, les juristes ont coutume de distinguer la dimension matérielle (laquelle regroupe trois composantes traditionnelles: sécurité, tranquillité et salubrité) de la dimension immatérielle (désignant la moralité publique et le respect de la dignité de la personne humaine).

Soucieux de trouver une base juridique à la proposition de loi et dans le strict cadre de la mission qui lui a été impartie, le Conseil d'Etat français a passé en revue toute une série de principes (dont ceux constitutifs de l’ordre public) et les a écartés. Même si les raisonnements sont souvent très pertinents, cette disqualification est contestable dans certains cas. Ainsi en est-il, par exemple, de la thèse selon laquelle la sécurité publique ne justifierait pas une interdiction générale du voile dans l’espace public mais nécessiterait uniquement son interdiction en certains lieux (aéroports, banques, bijouteries, tribunaux, bureaux de vote, école, poste, etc.) ou à l’occasion de la délivrance de produits ou services requérant l’identification de l’un des cocontractants. En effet, toute personne masquée à proximité immédiate de l’un de ces lieux, constitue une menace potentielle (ainsi, le 6 février 2010, deux hommes habillés en burqa ont braqué un bureau de poste en Essonne). Le problème, c’est que dans une ville modernes, ces lieux sont à ce point nombreux et disséminés qu’on voit mal comment les agents chargés de verbaliser les contrevenants pourraient déterminer les zones critiques où il faudrait enlever sa burqa : cela reviendrait à obliger ces personnes à l’ôter plusieurs fois dans chaque rue, ce qui est évidemment absurde. On pourrait aussi objecter, face au raisonnement du Conseil d’Etat qui, dans l’hypothèse d’un recours devant la Cour Européenne, privilégie, relativement au principe de sauvegarde de la dignité humaine, le « principe d’autonomie personnelle » que, ce faisant, il s’écarte de sa propre jurisprudence : le 27 octobre 1995, il a effectivement validé l’interdiction par la commune de Morsang-sur-Orge, une manifestation sportive de « lancer de nains » (alors même que ces derniers étaient évidemment consentants) car jugée contraire au principe de sauvegarde de la dignité humaine.

Mais supposons - l’espace d’un instant - que ces divers raisonnements du Conseil d’Etat français ne soient en rien contestables, on pourrait néanmoins encore reprocher au Conseil d’Etat d’avoir manqué le problème en raison de la méthode « fragmentaire » qui fut la sienne. Expliquons nous : les principes à l’aune desquels le Conseil a, à chaque fois, apprécié la légitimité de la proposition de loi, ont chacun leur dignité intrinsèque et poursuivent une finalité qui leur est propre. Mais ce qu’on ne voit pas toujours, c’est qu’ils ont pour dénominateur commun un objet général situé, en quelque sorte, en amont. Or, l’erreur du Conseil d’Etat consiste précisément à ne pas avoir identifié cet objet que, au-delà d’eux-mêmes, ces principes défendent. Quel est-il ? Il s’agit de l'espace public.

L’espace public, qui permet l’expression pluraliste de nos diverses convictions, doit être impérativement protégé. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit d’un endroit fragile qui constitue le lieu par excellence de reconnaissance mutuelle des citoyens. Cette reconnaissance réciproque est - philosophiquement - ce qui fonde le droit lui-même et, partant, la société toute entière. En d’autres termes, tout ce qui, comme la burqa, menace ce mécanisme permanent de reconnaissance dans l’espace public menace le lien social et doit en être banni. Et ce en vertu du paragraphe 2 de l’article 9 de la Convention qui autorise pareille restriction à la liberté d’expression.

D’ailleurs, le Conseil d’Etat français envisage lui-même l’hypothèse d’une définition juridiquement inédite, une définition « positive » de l’ordre public qui répondrait plus adéquatement aux problèmes de nos sociétés interculturelles : « un socle minimal d’exigences réciproques et de garanties essentielles de la vie en société ». Ces dernières seraient à ce point fondamentales qu’elles conditionneraient l’exercice des autres libertés. La préservation de cette plate-forme impliquerait qu’un individu qui circule dans l’espace public et qui, par là, est susceptible de croiser autrui fortuitement ne pourrait ni renier son appartenance à la société ni se la voir déniée en dissimulant son visage de façon à empêcher toute reconnaissance. Le Conseil d’Etat cite alors un certain nombre de décisions de la Cour constitutionnelle confortant cette conception novatrice de l’espace public mais, en fin de raisonnement, probablement effrayé par sa propre audace spéculative, il recule subitement et affirme qu’il s’agit d’une « solution risquée en l’état actuel du droit ». Cette attitude regrettable témoigne d’une conception quelque peu pessimiste de la jurisprudence de la Cour Européenne en la matière. En effet, le 24 février 2010, dans l’arrêt Arslan C. Turquie, la Cour a considéré que l’Etat turc avait eu tort de limiter l’exercice de la liberté religieuse dans l’espace public vu que les tenues vestimentaires portées par les requérants ne constituaient pas une menace pour l’ordre public. Cela laisse supposer que, a contrario, il est des tenues qui, aux yeux de la Cour, constitueraient un danger de cette nature.

L’interdiction d’arborer des signes convictionnels dans certains lieux (école, administration, juridictions, etc.) se justifie par le fait que ces signes constituent, du fait de leur caractère affirmatif, une sorte d’agression voire de négation des convictions des autres personnes situées dans ces lieux. L’obligation de neutralité permet de respecter les convictions de tous ceux qui doivent fréquenter ces derniers. Evidemment, l’espace public est d’une nature différente car il permet justement, au nom du pluralisme, l’affirmation de ces diverses convictions. Cependant, il s’agit également d’un espace nécessitant l’observation de certaines limites précisément destinées à garantir ce pluralisme. En vertu du principe de proportionnalité, il semble donc nécessaire d’interdire une affirmation convictionnelle d’un radicalisme exacerbé de nature telle qu’elle puisse troubler l’ordre public nécessaire à la préservation de ce pluralisme. C’est le cas de la burqa. Il est à craindre que si la pratique du port de la burqa se généralisait dans certains quartiers, les citoyens déserteraient ces derniers en raison de leur atmosphère jugée trop inhospitalière, créant ainsi des zones qui seraient purement et simplement confisquées au profit d’une communauté. Un tel état des choses irait à l’encontre du principe du libre accès de l’espace public garanti à chacun. L’interdiction de la burqa, étant de nature pénale, serait évidemment assortie de toutes les limitations et garanties protégeant la personne soupçonnée.

L’authentique problème posé par la burqa à nos sociétés démocratiques ne se laisse pas aisément appréhender au moyen de nos concepts juridiques et politiques traditionnels. Faute de l’approcher avec des outils adéquats, nous risquons de le laisser passer entre les mailles du filet. D’où la tentation de méconnaître le potentiel destructeur de ce phénomène ou d’en minimiser la portée.(2)

Raison pour laquelle il semble judicieux d’opérer un petit détour philosophique. Nous avons dit que la reconnaissance réciproque des citoyens était une condition d’existence du droit. Pour assurer la stabilité d’une société, il est nécessaire que, de génération en génération, ses membres apprennent et adhèrent à l’idée même du droit. Comment émerge et se pérennise l’idée du droit dans l’esprit des citoyens ? Par la prise de conscience, que, très jeunes, nous opérons chacun, de l’existence d’autres personnes que nous-mêmes. Ce processus est dit « ontogénétique », c’est-à-dire qu’il permet à l’enfant de se constituer en tant qu’individu. L’enfant réalise qu’il n’est pas seul au monde, que sa mère n’est pas un appendice de sa personnalité : d’autres consciences existent indépendamment de lui et sont libres comme lui. Le philosophe allemand Johann Gottlieb Fichte (1762-1814) expose cela en termes philosophiques : le « Moi » s’aperçoit que tout ce qui n’est pas lui (le « non-Moi ») comprend d’autres « Moi ». La première rencontre avec un autre « Moi » est vécue comme un choc (« Anstoss ») ou, plutôt, un appel, une sollicitation (« Aufforderung ») : cet autre est libre, est doté d’une volonté, est titulaire de droits et d’obligations. Sous peine de demeurer autiste, la conscience choisit de répondre à cet appel, c’est-à-dire de reconnaître la conscience qui lui fait face. Elle limite sa propre liberté pour reconnaître celle d’autrui et réciproquement.

Cette rencontre de deux libertés qui se reconnaissent mutuellement est un évènement qui engendre simultanément deux conséquences importantes. Première conséquence : la constitution de l’individu, en s’auto-limitant, prend conscience de lui-même en même temps qu’il prend conscience de l’existence d’autrui (thèse reprise et vulgarisée par une multitude d’auteurs, notamment par Martin Buber qui la synthétise ainsi : « je deviens je en disant tu »). L’homme ne devient homme que parmi les hommes. Seconde conséquence : la création du droit conçu ici comme l’ensemble des relations nécessaires entre individus libres vivant en société. Comme l’écrit Fichte : « Aucun ne peut reconnaître l’autre s’ils ne se reconnaissent pas tous deux réciproquement ; et aucun ne peut traiter l’autre comme un être libre si tous deux ne se traitent pas ainsi réciproquement » (3). Avec les moyens de moderne communication (courrier, téléphonie, internet, etc.), nous pouvons certes sympathiser, correspondre, traiter, échanger, contracter avec des gens que nous ne voyons jamais physiquement : il demeure que cette reconnaissance mutuelle de visage à visage est primordiale. Elle rend possible tous les échanges ultérieurs.

On objectera peut-être que le droit existe également dans des sociétés non démocratiques et qu’il n’est pas nécessaire que s’opère une rencontre entre deux consciences libres pour qu’il y ait droit. Sans doute mais ce n’est pas le droit au sens que Fichte donne à ce terme qui, lui, vise expressément (du moins à cette période dite « libérale » de son parcours intellectuel) une société libre. Ainsi, une société non démocratique peut être normée. Mais, pourrait-on dire en prolongeant la réflexion de Fichte, ces normes sont celles d’une communauté qui, comme en Iran (par exemple) (4), impose sa logique à l’ensemble de la société. Dans cette hypothèse, il n’y a plus de distinction entre valeurs (en l’occurrence les valeurs religieuses de l’Islam) et les normes juridiques de la société, ce qui revient à étouffer tout ce qui n’est pas islamique. C’est un cas où la communauté phagocyte l’ensemble de la société, où la religion se substitue à l’Etat.

Avant d’être purement conceptuelle comme c’est le cas du droit, cette reconnaissance du sujet de droit situé en face de moi doit d’abord être concrète, matérielle, « corporelle ». L’homme est une liberté incarnée. Cette liberté doit être appréhendée de manière « sensible ». Comment la liberté se manifeste-t-elle ? Par l’expressivité. L’humain se reconnaît par l’expression. C’est un être capable d’expressivité. En quel lieu cette expressivité s’exerce-t-elle ? Sur le visage. C’est là, précisément que se lit, dit Fichte, « intelligence du regard, et la bouche qui dépeint les élans les plus intimes du cœur » (5). Le niquab permet encore l’échange des regards. La burqa, elle, est la négation ultime de l’humain car la femme intégralement voilée est, pour ainsi dire, réifiée, « chosifiée » (pour reprendre un concept de Sartre). La femme intégralement voilée n’est pas seulement une personne asservie aux membres masculins de sa famille. Elle n’est même plus une personne. C’est une chose, une chose qui appartient à d’autres. Selon Fichte « la figure humaine est nécessairement sacrée pour l’homme ».(6) Les belles formules de Levinas dans Totalité et Infini, ne disent pas autre chose : « c’est par le visage que se manifeste l’humanité » car le visage est signification.

Le mécanisme de reconnaissance qui s’opère quotidiennement – et qui est indispensable à la perpétuation de la conscience juridique - nécessite une obligation de nudité du visage. Ne fût ce que pour des raisons de sécurité publique, une société moderne de plusieurs millions d’individus où une majorité de citoyens, voire une partie importante d’entre eux, ne pourraient pas être identifiés dans l’espace public, deviendrait impossible à gérer. Evidemment, les détracteurs de la proposition de loi ont coutume d’ironiser contre le caractère apparemment fantaisiste, voire grotesque, des exceptions à cette interdiction : les loups de carnaval, la barbe de Saint-Nicolas, le masque du soudeur, la coquille contre la pollution, la cagoule en hiver, la casque du motard, la gaze entourant les grands brûlés, etc. On pourrait dresser une liste de ces exceptions et cette dernière ne serait probablement jamais exhaustive. Interrogeons-nous plutôt sur ce qui les relie : qu’ont en commun ces diverses exceptions ? Ceci : elles ne sont pas animées par la volonté de se dérober de manière permanente à cette reconnaissance mutuelle requise par le maintien de l’espace public.

L’application de la mesure ne sera pas chose aisée. Sans même parler d’un éventuel attentat en Belgique en guise de représailles, elle donnera probablement lieu à des confrontations entre forces de l’ordre et les proches de la personne interpellée, surtout lorsqu’il faudra procéder à l’identification de cette dernière. Est-ce à dire que pareille indignation est légitime ? Absolument pas. Peut-on accepter, dans une Etat de droit, que certaines personnes se voient, de facto, reconnaître le droit de ne pas être identifiées ? Poser la question, c’est y répondre. Il ne manquera évidemment pas de belles âmes pour affirmer qu’une telle interdiction trouble plus l’ordre public qu’il ne le protège.

Il existe beaucoup d’objections contre la burqa : elle témoignerait de la volonté de vivre sa religion dans le mépris absolu des coutumes du pays d’accueil ; ce pourrait, dans certains cas, être un moyen commode pour dissimuler au public les séquelles des violences infligées aux corps des femmes ; la burqa, quoique son utilisation n’est pas prescrite dans le Coran, est, pour nombre de musulmans, une obligation légale formulée par des juristes : dès lors, la burqa est la matérialisation d’une normativité juridique concurrente à celle de la législation du pays d’accueil, ce qui est pour le moins problématique : par sa logique, le communautarisme est nécessairement destructeur de la société via sa normativité..

Mais ces objections, quoique fort pertinentes, restent périphériques par rapport au problème fondamental. Ce n’est pas - fondamentalement - parce qu’elle incommode et choque nos consciences que la burqa doit être proscrite. Il ne faut pas l’interdire parce qu’elle attenterait au « vivre ensemble », ce concept guimauve qui, dans la novlangue actuelle des ONG et autres officines subsidiées, a remplacé celui d’« intégration » jugé trop politiquement incorrect (subissant ainsi le même sort que le concept « d’assimilation » qu’il avait détrôné quinze ans plus tôt). Non. Car, à suivre cette logique, on pourrait s’en prendre à quantité d’accoutrements et accessoires vestimentaires exprimant l’hostilité ou la révolte face aux valeurs humanistes.

Ne nous trompons pas : si la burqa est dangereuse, ce n’est pas parce qu’elle serait un obstacle à toute convivialité mais bien parce qu’elle constitue la négation même du principe de reconnaissance qui est au fondement du droit et donc au fondement de la société tout entière. La burqa est, par principe, anti-sociale au sens premier du terme, c’est-à-dire qu’elle mine les fondements d’une société libre.

Dès lors, il n’est pas étonnant qu’il soit, à première vue, malaisé de trouver le fondement « juridique » à la prohibition du voile intégral. La proposition de loi ne répond pas exclusivement à des objectifs de nature sécuritaire. Croire cela, c’est manquer le principal. Le principe juridique - « l’ordre public établi par la loi » dont la Convention européenne, en son article 10, exige le respect - vise, in fine, à garantir, par la préservation de l’espace public, un principe de nature philosophique : le principe de reconnaissance. Ce dernier est encore antérieur au droit, plus fondamental que le droit lui-même. A la base de tout lien juridique, le principe de reconnaissance fonde le droit lui-même.

Pour le dire plus simplement, le droit se doit d’interdire la burqa car il importe d’anéantir cela même qui corrode ses propres conditions d’existence.  

NOTES

(1) Conseil d’Etat, Etude relative aux possibilités juridiques d’interdiction du port du voile intégral, Rapport adopté par l’assemblée plénière du Conseil d’Etat le jeudi 25 mars 2010

(2) Dans plusieurs pays du Maghreb, la burqa n’existait tout simplement pas il y a encore quelques décennies. Pourtant, la propagation de cette dernière s’est faite de manière fulgurante. Affirmer que ce danger n’existe pas du tout dans nos sociétés démocratiques relève de l’ignorance et de la myopie intellectuelle.

(3) J.G. Fichte, Fondement du Droit Naturel selon les principes de la Doctrine de la science, 1796-1797 (1984), PUF, p.59

(4)La réalité iranienne est évidemment plus nuancée et contrastée que ce qu’on va en dire mais elle montre néanmoins que cette hypothèse n’est pas un cas d’école.

(5) J.G. Fichte, Fondement du Droit Naturel selon les principes de la Doctrine de la science, 1796-1797 (1984), PUF, p.98.

(6) J.G. Fichte, Fondement du Droit Naturel selon les principes de la Doctrine de la science, 1796-1797 (1984), PUF, p.100.


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Institut Turgot

 

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23 mai 2010 7 23 /05 /mai /2010 00:34

mercredi 19 août 2009, par Cthulhu

"La monnaie, c’est de la liberté frappée" (Dostoievsky). Jamais cette analyse n’a été plus vrai qu’en ces temps où des pans entiers de notre économie sont rachetés directement (Arcelor, les hôtels Ritz et Meurice…) ou indirectement (Heuliez, Christian Lacroix, DMS…) par des fonds étrangers, notamment en provenance des pays du Golfe.


Cette sujétion économique se traduit par un asservissement touchant notamment aux bases de notre droit monétaire et financier. Trois grands textes organisent le retour de notre économie moderne, fondée sur des principes de rationalité, critiquables dans leurs effets et leurs applications, à une économie basée sur des principes théologiques : les propositions dite "de Paris – Europlace", en date du 2 septembre 2008 [1] (I) et deux avis de l’autorité des marchés financiers (AMF) en date du 17 juillet 2007 et du 2 juillet 2008 (II).


I – Les propositions de Paris

Ces dernières ont pour objet non d’examiner la comptabilité entre notre droit et un droit bâti sur des principes totalement étranger, mais, comme l’indique son titre "la promotion de la finance islamique en France".

Cette "promotion" est nécessaire car s’il appartient à chacun d’investir selon sa conscience, certaines pratiques des fonds d’investissement musulmans apparaissaient comme clairement discriminatoires. De plus l’intérêt, notion centrale dans la finance actuelle assise sur l’écoulement temps et l’importance estimé d’un risque, est proscrit par l’islam.

Afin de permettre à la finance islamique de se développer, il a donc fallu procéder à des "aménagements" nécessaires à l’adaptation du droit français à la finance islamique, aménagements destinés à cautionner des montages juridiques aussi complexes (et donc polémogènes) qu’hypocrites : leur but explicite est, au travers du respect de la lettre du droit islamique, d’en effacer l’esprit en aboutissant rigoureusement au même résultat de maximisation financière que ceux de la finance "classique".

Les propositions de Paris examinent les quatre principaux domaines de l’intervention financière, à savoir la gestion des actifs (a), le financement des actifs (b), le financement de l’activité (c) et l’assurance (d).

a - La gestion d’actif

En la matière, l’essentiel des "avancées" ont déjà été obtenues par une note de l’autorité financière des marchés (AMF) du 17 juillet 2007 autorisant les établissements de crédit et les sociétés d’investissement à s’affranchir des règles prudentielles, notamment en recourant à des indices spécifiquement religieux [2], tel un indice de valeur compatible avec la Sharia (sharia compliant), spécifiquement crée et contrôlé par un sharia board, lui aussi crée pour l’occasion.

b - Le financement des actifs

Afin de garantir un financement islamiquement correct, il est institué la murahaba pour remplacer le prêt à intérêt, interdit en islam, l’ijara qui est un crédit-bail ordinaire garanti par un fond commun de créances, et l’istisna [3].

Pour que ces opérations puissent être menées à bien, plusieurs réformes d’ampleur sont actuellement en cours de réalisation, affectant de multiples branches du droit, notamment civil, commercial et fiscal. Leurs effets collatéraux viennent ébranler un édifice complexe, notamment :

- En admettant la cession de créances de nature civiles (comme une créance de loyer), à titre de garantie pour que ces opérations soient accessibles au plus grand nombre, alors que seuls les créances commerciales (comme une lettre de change) peuvent pour l’instant être cédées en garantie [4]. Il s’agit là d’un revirement de jurisprudence particulièrement dangereux, dans la mesure où les créances commerciales possèdent une liquidité et des possibilités de recouvrement sans commune mesure avec les créances civiles.

- En exonérant de la garantie des vices cachés [5] le revendeur d’un bien acquit temporairement aux fins de garantir le financement d’une opération de murahaba, d’ijara ou d’istisna. Les pires abus pourraient ainsi être commis par le détenteur temporaire du bien, le vendeur initial du bien supportant seul la responsabilité des déprédations éventuelles.

- En transformant la fiducie [6] en wakf, fiducie au régime considérablement assouplie, diminuant ainsi les garanties octroyées aux bénéficiaires de la fiducie, essentiellement des fondations caritatives ou des mineurs.

Ces effets juridiques impliquent également des changements organisationnels profonds : ainsi sera-t-il nécessaire de permettre à n’importe quelle société détenue à 90 % par une banque islamique de bénéficier automatiquement du statut d’établissement bancaire. Cette réforme est particulièrement critiquable en ce qu’elle va permettre à des établissements non soumis aux strictes règles du monopole cambiaire, destinée à protéger les consommateurs, de bénéficier du droit de consentir des crédits-bails.

c - Le financement de l’activité générale

Concernant ce financement, si la musharaka [7] est un joint-venture des plus ordinaires, tout à fait compatible avec le droit actuel, le financement par sukuks [8] est beaucoup plus problématique, la rémunération perçue par leur porteur ne dépendant absolument pas du temps de détention mais de la seule performance financière des actifs auxquels ils sont adossés.

Cette amputation d’un des deux facteurs essentiels du calcul du risque oblige le droit français à de sérieuses contorsions afin d’arriver à créer des obligations qui puissent être émises sans danger pour la souscription par un consommateur, et possédant une rémunération correcte et objectivement déterminable. Ainsi, est-il nécessaire de réglementer strictement ces obligations, notamment en s’assurant que l’actif auquel elles sont adossées est constituée de valeurs mobilières corporelles (des objets tangibles…) afin d’éviter les sukuks de pure complaisance, de fixer un rendement financier obligatoire de l’actif sous-jacent et d’interdire la rémunération des sukuks si ce dernier n’est pas atteint, afin d’éviter les opérations de pure spéculation. Le plus surprenant (et périlleux) demeure toutefois la soumission des sukuks à l’institution religieuse du Sharia Board, qui est seul garante de la régularité et de la bonne fin des opérations et qui se prononce par fatwa (avis) sur ces sujets.

Enfin, les sukuks, s’inscrivant dans le droit musulman, ignorent la notion de "taux d’usure", cette notion étant directement liée à celle de taux d’intérêts. Ainsi est-il possible, entre professionnels seulement à l’heure actuelle, de créer des sukuks présentant des obligations de rendement ahurissantes, qui les ferait qualifier "d’usuraire" (et concomitamment, interdire) s’ils étaient soumis à la législation bancaire classique.

d - L’assurance

L’assurance Takaful repose essentiellement pour l’investissement des fonds collectés sur le mécanisme de la Mudaraba [9]. Cette assurance du risque est toutefois très particulière : les primes des souscripteurs doivent être investies dans des activités halal (conforme à la loi islamique), un Sharia Board étant en charge du contrôle de ces investissements. De plus, les risques haram (contraires à la loi islamique) comme la conduite en état d’ivresse, la consommation d’alcool étant prohibée en islam, font soit l’objet d’une éviction de garantie, soit de franchises considérablement relevées.


II – Les avis de l’AFM

Les avis de l’AMF concernent les critères extra-financiers de sélection de titres dans lesquels investissent les fonds islamiques. Il est en effet possible d’investir en fonction de critères autres que ceux de la rentabilité financière (tels les fonds d’investissement socialement responsables [10] ou ceux intéressant le développement durable) et de distribuer les revenus ainsi obtenus de manière particulière, comme les fonds dit "de partage" [11].

Concernant les fonds investissant dans des produits jugés conformes à l’islam, l’AMF exige notamment :

- Que le Sharia board ne procède pas à la sélection des titres dans lesquels les fonds investissent mais se contente d’émettre un avis sur leur conformité ou non aux règles de l’islam, ce qui impose que chaque banque proposant un fond d’investissement islamique soit dotée d’un Sharia Board. En effet, il ressort des dispositions conjointes des articles 322-12 et 322-21 du règlement général de l’AMF que l’organisme proposant de tels produits doit conserver son autonomie, notamment dans les moyens d’apprécier seul la pertinence des critères extra-financier émis par un organisme tiers. Or qui d’autres qu’un Sharia Board (interne) est à même de valider les critères émis par un autre Sharia Board... ?

- Que les critères extra-financiers choisis respectent l’ensemble des dispositions législatives et réglementaires en vigueur... Ce qui pourrait paraître une évidence l’est beaucoup moins lorsque l’on connait le contenu des textes coraniques, tout particulièrement à l’encontre des non-musulmans, des femmes et des Juifs... Un Sharia Board pourrait-il, à titre d’exemple, licitement exclure une entreprise détenue majoritairement par des capitaux israéliens ou diriger par des israéliens ?

- Que la partie des dividendes ainsi gagnée que les musulmans considèrent comme "impure" [12] (environ 10 %) soit versée à un organisme islamique caritatifs et / ou reconnu d’utilité publique. En France, c’est l’Institut du Monde Arabe qui reçoit ces dons.

La finance islamique introduit donc de nombreuses distorsions contraires à certains principes directeurs de notre droit, qui établit, sauf exception, une distinction très claire entre morale et mécanisme techniques, ces derniers n’étant pas en eux-mêmes (im)moraux, seul la finalité de leur utilisation l’étant : toutefois cette dernière dépend de la seule volonté de l’Homme... Dans la finance islamique, il est soumis à la nature des choses, déclarées bonnes ou mauvaises, ce qui traduit une inquiétante réification de sa personne réduite au rang de sujet. Le droit n’est alors plus fait par l’Homme pour lui, mais en contemplation de buts immanents. La soumission de techniques juridiques régissant des mathématiques financières inscrites au cœur de nos sociétés à la fatwa de quelques assemblées religieuses prend alors des allures spectaculairement régressives.



Notes

[1] Dont le résumé se trouve sur le site du ministère des finances..

[2] Les définitions de ces nouveaux termes se trouvent pour partie intégrés dans l’index officiel (annexe 5) du Code Monétaire et Financier dont certaines pages sont reproduites ci-après.

[3] L’isitina est une variante de la réserve de la clause de réserve de propriété dans un contrat de vente (clause par laquelle la propriété de la marchandise demeure acquise au vendeur jusqu’au complet paiement du prix), mais appliquée à un contrat d’entreprise (le contrat ou une partie demande à une autre de lui fabriquer ou construire un ouvrage moyennant une rémunération, payable d’avance, de manière échelonnée ou à terme).

[4] Cour de cassation, Chambre commerciale, SARL DIVA vs Crédit mutuel du Nord de la France, 19 décembre 2006.

[5] Un vice caché est un défaut que l’acheteur ne pouvait pas déceler et dont il n’a pas eu connaissance au moment de la vente. Le caractère caché du vice s’apprécie en fonction de la qualité de l’acheteur (professionnel du domaine ou non) ou la nature de la chose vendue (complexe ou non). Cette garantie légale prévue aux articles 1641 et suivants du Code Civil s’applique à tous les biens meubles achetés quotidiennement.

[6] La fiducie est le contrat par lequel une personne (le constituant) transfère temporairement la propriété de biens ou de droits à une autre, à charge pour ce dernier d’agir dans l’intérêt du constituant (ou d’autres personnes) dans un but déterminé. Les anglo-saxons appellent ce contrat trust.

[7] la musharaka est une formule de financement participatif où une banque et un client participent ensemble au financement d’une opération. Les profits ou les pertes résultant de l’opération sont répartis entre eux au prorata de leurs apports respectifs

[8] Les sukuks représentent une obligation dont le rendement est basé sur un ou plusieurs actifs (un portefeuille d’emprunts immobiliers, de créances commerciales)

[9] La mudaraba est identique à la musharaka , sauf qu’il s’agit d’une association à court terme constituée essentiellement de la mise en commun de capitaux.

[10] Ces fonds n’investissent que dans des entreprises respectant certaines normes éthiques envers leurs salariés (interdiction du travail des enfants, versement d’une juste rémunération, etc…).

[11] Ces fonds reversent une partie de leurs dividendes à des associations caritatives, culturelles ou promouvant la recherche scientifique.

[12] Cette partie alimente le zakat, l’aumône, un des 5 piliers de l’islam.


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La finance islamique et l'imposition de la charia

1. L’Occident alléché par la finance islamique

Vous qui pensiez que tout ce qui touche à la charia, la « loi islamique », revêt forcément aux yeux des Occidentaux un aspect négatif, détrompez-vous : la finance islamique, qui, comme son nom le souligne, relève de règles éthiques et religieuses islamiques, semble avoir de beaux jours devant elle dans les pays d’Europe et d’Occident. De fait, ceux-ci, par l’odeur des pétrodollars alléchés, voient aujourd’hui dans la finance islamique un moyen de renflouer leurs caisses. Les chiffres d’ailleurs ne parlent-ils pas d’eux-mêmes : « 1000 milliards de dollars en 2010, c’est l’encours prévu par les économistes pour la finance islamique. Un chiffre en constante progression depuis de nombreuses années. De 2003 à 2007, il a engendré une hausse de 15 % » (Chaker Nouri). En France, le porte-parole de la cause de la finance islamique n’est autre que le ministre de l’Économie, Christine Lagarde. En 2009, à l’occasion d’un colloque, celle-ci a ainsi déclaré que pour « les banques qui souhaiteraient réaliser des opérations conformes aux dispositions de la charia, le territoire français est évidemment prêt à les accueillir… Considérez le territoire français comme une terre d’accueil. » Les enjeux de cette opération ? 120 milliards d’euros à l’horizon 2020 et rattraper ainsi la City londonienne qui se conduit en « terre d’accueil » pour la finance islamique depuis déjà une dizaine d’années.


2. Une finance islamique ?

Lorsqu’on parle de « finance islamique », certains s’interrogent encore : « Mais voyons, il ne peut exister de finance à proprement parler "islamique", la finance c’est la finance, point ! » Erreur. La finance islamique est conforme à la charia, la « loi islamique ». À la suite des récents – et futurs ? - désastres qui ont frappé la finance mondiale, certains tentent même de présenter la finance islamique comme une finance « éthique », du seul fait qu’elle interdit les intérêts, l’incertitude, la spéculation et qu’elle vise au partage des profits. C’est là, disons-le, une vision très idéalisée de la finance islamique. Ainsi, Charles Garreau (54 ans), un entrepreneur pourtant favorable à la finance islamique, a bien dû admettre que « contrairement à ce que l’on croit, ce n’est pas une finance éthique », mais d’ajouter aussitôt : « [L]e principe fondateur de la finance islamique, c’est le partage des risques. En clair, un investisseur qui investit dans une boîte prend autant de risque que le porteur du projet, contrairement au système classique. Vous contractez un prêt auprès de votre banquier afin de financer votre activité commerciale. Si votre boîte par la suite fait faillite, vous serez toujours redevable. Or, en théorie, votre banque est un partenaire pour le pire et le meilleur…surtout pour le meilleur en l’occurrence. » Et Xavier Ducros, un trader de 38 ans, de renchérir : « J’ai travaillé sur la finance islamique, où l’accession à la propriété est le fruit d’un partenariat entre la banque et le client. La banque achète le bien, le revend au client avec une plus-value. On détermine une durée de remboursement sur plusieurs années. Le client détiendra la pleine propriété uniquement lorsque la somme totale sera remboursée. Pendant ce temps, le bien sera en copropriété. » Et d’aucuns d’en conclure un peu vite que voilà un sujet issu de l’islam qui semble recueillir l’unanimité.


3. L’imposition de la charia par les pétrodollars ?

En effet, que pouvons-nous retenir principalement de cette finance islamique, sinon que ce qu’elle subventionne lui appartient en droit (islamique) jusqu’à ce que vous ayez totalement remboursé votre dette ? Quelles implications ces « règles du jeu » islamiques pourraient-elles avoir dans le contexte d’un endettement public que l’on sait généralisé et chronique dans les pays occidentaux ? Est-ce à dire qu’un État qui serait, par exemple, endetté envers des banques islamiques ne s’appartiendrait plus vraiment jusqu’à ce qu’il ait totalement remboursé sa dette ? Quel impact cet endettement, qu’au vu de l’état de nos finances publiques, l’on sait permanent et croissant, aura-t-il sur la politique de nos États ? Liés financièrement à la charia, les États d’Occident, endettés, ne devront-ils pas par la suite se plier à d’autres desiderata de la loi islamique ? Alors, unanimité en faveur de la finance islamique ? Certainement pas !


4. Le témoignage de Guy Millière

Ainsi, Guy Millière nous met-il opportunément en garde : l’islam militant, nous dit-il, qui inclut l’islam radical mais ne se limite pas à lui, loin s’en faut, se livre aujourd’hui à une offensive planétaire et « son instrument de prédilection, ces derniers temps, n’est pas le foulard ou la burqa dont on parle tant, n’est pas non plus la construction des minarets, mais bien la finance islamique » que les serviteurs d’une Europe qui pratique activement la soumission préventive, tentent de nous présenter, comme nous l’avons signalé, comme une « finance éthique ». « Les investissements, poursuit Monsieur Millière, faits dans le cadre de la finance islamique doivent être conformes à la charia : certaines activités et façons de se livrer à ses activités sont illicites (haram). Sont concernés non seulement les jeux de hasard et l’alcool, mais aussi la liberté de parole et la liberté religieuse. Critiquer l’islam est inconcevable, dit la charia. Placer toutes les religions sur un pied d’égalité est inconcevable aussi. Tous les investissements doivent être supervisés par un bureau de la charia : ce qui équivaut à réintroduire une surveillance des activités économiques par des religieux. » En clair, « vouloir attirer des capitaux en mettant le doigt dans les engrenages de la soumission à des valeurs et des modalités étrangères au capitalisme démocratique implique le risque de se trouver broyé entièrement par ces engrenages. »

Éric Timmermans



Sources :

 

Guy Millière explique au Cri du Contribuable les dangers de la finance islamique 


Lisez le DOSSIER sur le WEB RESISTANT

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22 mai 2010 6 22 /05 /mai /2010 04:23

Dialogue sur Islam et Libéralisme

 

Yves Montenay lors d'une réunion à l'Institut Turgot (avril 2009) Le mardi 13 octobre 2009, à 19h30, l'Institut Turgot reçoit Youssef Courbage, Directeur de recherches à l'INED, et Yves Montenay pour une réflexion sur le thème "Islam et ouverture". En avant-propos à cette réunion nous vous invitons à lire ce document où Yves Montenay dialogue avec François Facchini, Maître de conférence à l'Université de Reims, sur les rapports entre Islam, monde musulman et libéralisme. 


Ce dialogue cherche à cerner les rapports entre d’une part l’islam, les musulmans et leurs pays avec le libéralisme. Nous distinguons d’emblée dans le terme « musulmans » trois idées : la religion, les individus et les pays où ils vivent, d’où les trois parties de ce dialogue.

 

 

 

 


L’Islam comme religion et libéralisme économique

François Facchini : Je pense que l’Islam, comme religion, soutient un idéal économique qui n’est pas celui de l’ordre économique des libéraux

Le libéralisme soutient un ordre social où les règles garantissent les libertés civiles. Elles déterminent ce que l’homme a le droit de faire et de ne pas faire. S’interroger sur la place des libertés dans les pays musulmans c’est étudier la place des libertés de culte, de la liberté de conscience, de la liberté d’opinion, des libertés économiques, de la liberté de réunion, de la liberté syndicale, de la liberté politique, etc. dans ces pays.

La liberté de culte donne le choix de sa religion. La liberté de conscience permet de ne pas avoir de croyances religieuses. La liberté d’opinion est un préalable aux libertés d’expression, de pensée et de la presse. Elle garantit la liberté de dire, d’écrire, et de diffuser n’importe quelle opinion. La liberté économique est la liberté de travailler et de consommer.

François FacchiniLa liberté de travailler donne la possibilité de travailler pour soi (entrepreneur), pour les autres (salariat) ou de ne pas travailler. La liberté politique est principalement la liberté de désigner son chef et de contrôler ses décisions. Elle peut donner sous certaines conditions le droit de choisir son droit. Elle peut, aussi, entrer en opposition avec les autres libertés. Cela explique pourquoi les libéraux qui ne prônent pas la dissolution de l’Etat cherchent à encadrer les libertés politiques par une constitution qui garantit les droits individuels.

La relation entre l’islam et le libéralisme ne pose pas, pour cette raison, les mêmes problèmes et n’a pas les mêmes enjeux s’il s’agit du libéralisme économique, du libéralisme politique et/du libéralisme en matière de culte. Cette discussion porte uniquement sur les libertés économiques, sur le rapport qu’entretient l’Islam aux institutions du libre marché.

L’Islam est la deuxième religion dans le monde en nombre de croyant derrière le christianisme. Son expansion débute en 622, date à laquelle le prophète Mahomet est chassé de la Mecque et se réfugie à Médine. En 629 il reprend la Mecque et instaure le premier Etat de la civilisation islamique. L’histoire de l’islam n’est pas, en ce sens, que l’histoire d’une aventure spirituelle c’est aussi une aventure politique. Le prophète a dirigé un pays. Il a inspiré par sa parole et ses pratiques l’invention d’un système juridique, le droit musulman. Le droit musulman institutionnalise l’idéal de la cité de l’envoyé de Dieu. L’idéal de la cité musulman est l’équivalent de l’idéal de la cité libérale. Au lieu de donner naissance à la Common Law et au Code Civil il a produit le droit musulman. Ce droit est né autour des années 609-632 (ap. JC) dans la péninsule arabique avec les révélations du prophète. Ce droit musulman se distingue sur de nombreux points de l’idéal de l’ordre économique libéral. 1) Il sacralise un certain nombre d’inégalités là où le libéralisme économique défend l’égalité formelle devant le droit. Le droit musulman a sanctifié trois inégalités formelles : les relations maîtres – esclaves, les relations femmes – hommes et les relations entre croyants et non croyants. 2) Il statue sur le butin là où le libéralisme économique soutient les droits du propriétaire contre la coercition d’Etat (Sourate VIII Le Coran).. 3) Il privilégie la propriété collective des ressources naturelles et restreint les libertés des propriétaires sur la base de principes moraux là où le libéralisme économique légitime la privatisation et exclut toute forme de paternalisme moral. Ces règles morales restreignent les droits du propriétaire de plusieurs manières. Les libertés individuelles sont limités par l’interdit de l’usure, l’obligation de l’aumône légale, le droit de succession, l’absence de personnalité morale, les terres collectives, le droit éminent de l’Etat sur la terre, et l’interdiction de s’approprier l’eau et l’herbe. Toutes ces restrictions sont à l’origine d’institutions distinctes des institutions du free market. Toutes ces restrictions empêchent de soutenir que le droit musulman est favorable aux institutions du libre marché. Il est possible que ce droit ait évolué ou qu’il n’ait pas été complètement appliqué, mais il a inventé un idéal économique qui n’est pas l’idéal de la société libre des libéraux. Le droit musulman issu de l’interprétation des textes sacrés de l’islam ne prédisposait donc pas la civilisation musulmane à découvrir les institutions du capitalisme libéral. Elles créaient un esprit non capitaliste défavorable au libre marché.

La justification religieuse de l’esclavage, des inégalités hommes – femmes, musulmans – non musulmans, du butin, de la propriété collective des ressources naturelles, de l’interdiction de l’usure et de la spéculation, de l’obligation de la solidarité ont inspiré un modèle économique non capitaliste. Ce modèle est un modèle de rente et de distribution de privilège aux individus qui font allégeances au pouvoir.  L’idéal de la cité musulmane a eu pour effet de composition un système institutionnel non capitaliste et plutôt hostile à ses valeurs puritaines. Il a crée les conditions d’existence d’une civilisation prospère pour ses membres et avancée, mais qui n’était pas préparée à la concurrence avec un modèle économique alternatif, le capitalisme libéral. L’histoire des modèles économiques des empires musulmans conduit donc à soutenir que l’islam n’a pas prédisposé les musulmans à découvrir le libéralisme économique à l’institutionnaliser.

Yves Montenay : La description de « l’islam comme religion », ci-dessus, est celle des textes fondateurs dans leur ensemble, ce qui est certes très, et même extrêmement, important. Mais trois autres facteurs sont à prendre en considération : le flou et les contradictions et de certains passages, leur côté souvent très contingent et le fait que l’économie et la politique ont une autonomie par rapport à la religion. Ce sont trois facteurs de natures très différentes les uns des autres, et il faut donc examiner séparément.

Premièrement le flou et les contradictions de certains passages des textes fondateurs. Nous savons que le Coran a été « récité » par Mahomet à des témoins variés sur une époque très longue. Il n'a été écrit que plus tard dans des circonstances que tous les musulmans apprennent : le Calife a rassemblé les témoins survivants et leurs notes (pour les amateurs de pittoresque il est précisé qu'elles étaient prises sur des écorces, et des omoplates de chameaux...) puis le Calife a rassemblé ces textes dans un ordre arbitraire qui ne correspond pas du tout à l'ordre chronologique de « descente » (du ciel).

Nous savons également que le Coran comprend deux séries de textes, les textes « spirituels » plutôt de la période où il allait dans le désert recueillir « la parole de Dieu », et celle dite « de Médine » où l'inspiration divine lui a soufflé des textes de guerre et de gouvernement. Ces deux sources d'inspiration et le découpage non chronologique, ainsi que probablement d'autre raisons, font que l’ensemble n'a pas de logique propre, et que l'on peut trouver certains passages flous et contradictoires. Cela fait d'ailleurs le délice de certains commentateurs, les uns opposant par exemple la sévérité, voir les menace de mort envers les infidèles et les autres citant le fameux verset « pas de contrainte en religion ». Donc, sans remettre en cause la moindre virgule des textes, chacun peut trouver certains appuis (plus ou moins justifiés ) à sa thèse : interdiction de l'alcool ou de l'ivresse ? Interdiction de l'intérêt ou de l'usure ?

Deuxièmement, certains passages sont par ailleurs très contingents, surtout les passages « de Médine ». Ils se rapportent à des évènements très particuliers, par exemple ceux relatifs à la bataille de Badr remportée par Mahomet contre les Mecquois et aux discussions sur le partage du butin qui ont suivi. Toute une école, aujourd'hui très vivante dans les pays du Nord mais également au Sud là où elle peut s'exprimer, pense qu'il faut remettre ces passages dans leur contexte et n'en retenir qu'une idée générale et des principes et non la lettre. C'est la tradition de l'itjihad. Un exemple extrême mais important est celui de la Tunisie : l'islam y est religion d'État et le Coran précise bien que chaque homme peut avoir quatre femmes, plus des concubines. Mais comme il est dit à un autre endroit qu'il doit les « traiter également », l'interprétation officielle tunisienne, qui est enseignée à l'école, est que le prophète savait bien que cette égalité de traitement était impossible et donc qu'il était en fait contre la polygamie, ce qu'il ne pouvait dire directement compte tenu des mœurs de l'époque. Je répète que c'est la position du gouvernement tunisien qui est enseignée à des millions d'élèves, et dont une grande partie des Tunisiens (et surtout des Tunisiennes) est maintenant persuadée. Les textes peuvent donc avoir (ou se voir prêter) une souplesse certaine.

Troisièmement, il est souvent dit que l'Islam ne connaît pas la laïcité ou la séparation de la religion et de l'État. D’après les textes, c'est tout à fait exact et correspond d'ailleurs à la vie de Mahomet qui a été à certains moments à la fois prophète, commerçant, chef de guerre et administrateur de la vie courante de la Cité. Mais les hommes étant ce qu'ils sont, des rivalités entre « le Palais » et « la Mosquée » sont vite apparues, chacun cherchant à subordonner l'autre. Les problèmes nouveaux et complexes auxquels doivent faire face les États, problèmes qui ne sont bien sûr pas prévus par les textes, poussent à cette séparation de fait et l'on retombe sur la nécessité de l’itjihad. La pression d’un monde extérieur plus ou moins laïque, et en tout cas davantage que la plupart des États musulmans, pousse également dans le même sens, ne serait-ce que pour mettre en place les administrations ou organismes parallèles à ceux de l'extérieur. Je ne m'étendrais pas plus longtemps ici sur ce point, qui concerne plutôt « les musulmans » (par opposition à « l'islam ») et « les États musulmans », deux points abordés plus loin.

Une autre façon de vérifier que les textes sont importants mais pas seuls à peser, notamment sur l’attitude face au libéralisme, serait de voir ce qu’il en a été et en est aujourd’hui du christianisme, du bouddhisme, du confucianisme dont certains présupposés ne sont pas libéraux.

Les musulmans et le libéralisme économique

François Facchini : Si le droit musulman conduit à soutenir que l’islam n’a pas pour idéal économique du free market il y a peu de chance pour que les musulmans soient dans leur majorité favorable au libéralisme. Malgré les interprétations libérales des paroles de l’envoyé de Dieu donné par un institut comme le Minaret Institut de nombreuses enquêtes montrent que les musulmans sont généralement hostiles aux valeurs du libre marché et à ses institutions (Guiso et al. 2003, Zingages, 2004, Rajan et Zingales, 2004, Crosette, 2000, Inglehart, 2005)i. Elles exploitent généralement les résultats des enquêtes du World Value Survey. Nous ne présentons que les informations qui permettent de faire correspondre le droit musulman aux croyances économiques des musulmans. Nous constatons que les musulmans restent hostiles à l’égalité homme – travail sur le marché du travail, à la concurrence, et à la propriété privée. Ils sont, en revanche, plutôt favorables à la redistribution des richesses. Cela correspond aux restrictions juridiques ancestrales du droit musulman sur la propriété privée et les libertés individuelles décrites dans la première section.

Yves Montenay : Là aussi l’exactitude de l’exposé n’empêche pas le jeu d’autres facteurs. Si tout cela est effectivement important et négatif d'un point de vue libéral, ce n’est (malheureusement) que la confirmation que le libéralisme n'est pas une notion évidente et populaire et je pense que dans beaucoup de pays non musulmans on arriverait à des résultats analogues, notamment en France.

Heureusement le libéralisme ne fait pas l'objet d'un vote, au sens de celui d'une élection générale, sinon il n'y a pas beaucoup de pays où il serait appliqué. Il est petit à petit diffusé, je n'ai pas dit imposé, par les marchands, puis les entrepreneurs. Il peut l'être également par une décision politique au sommet, lorsque des décideurs ont été convaincus de prendre ces mesures. Cela peut être soit par de bonne connaissance des théories économiques ou par constat de la meilleure réussite de certains pays ou encore, et peut être plus souvent, par simple nécessité.

Ce fut le cas pour le thatcherisme, c'est le cas de la Chine, de l'Inde, et, dans une large mesure, de la France. Ce passage au libéralisme malgré l'opinion publique est difficile, mais est facilité par le fait qu'il n'apparaît que rarement « en bloc », sauf cas particulier comme par en Europe de l'Est après la chute du Mur, ce qui d'ailleurs ne lui a pas forcément été favorable à long terme. Donc, heureusement, une partie des mesures libérales apparaissent au coup par coup pour résoudre des problèmes concrets, et donc, soit paraissent logiques, soit paraissent inévitables. Évidemment la conséquence en est qu'aucun pays n'est complètement libéral, puisque le libéralisme y est apparu « problème par problème » et que tout ce qui peut durer sans s'effondrer, et par exemple les corporatismes, reste inchangé. Je reviens de Chine, et la majorité des hommes n'a pas bien « digéré » l'égalité hommes/femmes (ce qui est vrai également en Inde et dans bien d'autres pays), ni la propriété privée et encore moins, comme dans la plupart des autres pays, la concurrence. Les consommateurs qui se donnent la peine de réfléchir et d'interroger l'histoire récente, peuvent à posteriori trouver un avantage à la concurrence, mais tous les pouvoirs établis, que ce soit les entrepreneurs, les politiques, les syndicats, ou tout autre groupement, lui est en général fondamentalement hostile. Ça n'a pas empêché le libéralisme de progresser cahin-caha.

En résumé les musulmans sont vis à vis des valeurs et des institutions libérales dans un état d’esprit assez analogue à la plupart de celui des pays du monde. C'est un obstacle, mais peut-être pas plus qu’ailleurs.

Par ailleurs, en tant qu’individus, les musulmans ne se réduisent pas à leur religion, aussi prégnante soit-elle.

Les Etats musulmans et libéralisme économique

François Facchini : Si le droit musulman ancestral et les croyances économiques des musulmans ne sont pas favorables aux valeurs du free market et à ses institutions il est peu probable que les pays où la population est majoritairement affiliée à l’islam respectent les libertés économiques. Pour s’en convaincre il suffit de se référer aux indices de libertés économiques proposés par un certain nombre d’organisation à but non lucratif américaine. Sur la base des indices de liberté économique de la fondation Heritage pour 2009 on peut affirmer que ce sont les pays dont la population est majoritairement affiliées à la religion chrétienne protestante qui possèdent les indices de liberté économique les plus élevés viennent ensuite les catholiques romains, malgré la faiblesse des indices moyens en Afrique noire, en Amérique du Sud, dans les Caraïbes et dans les Iles du Pacifique. Les autres affiliations religieuses sont représentées dans trop peu de pays pour donner une information significative. Les pays de l’aire musulmane sont, en revanche, plutôt non libres (source : World Fact Book pour les affiliations religieuses et Fraser Institute pour les indices de liberté économique : 1995 – 2007).

Si on décompose par pays il apparaît, cependant de grandes différences entre les pays du Golfe Persique, la Turquie et les trois pays de l’ex bloc soviétique sont classés parmi les pays plutôt libres. Cela signifie que les pays musulmans et leurs Etats ne sont pas imperméables aux influences extérieures. Les colonisations européenne, russe puis soviétique ont eu des effets très importants sur l’institution des modèles économiques des pays de l’aire musulmane. Elles ont façonné leur rapport à l’Occident et introduit dans le monde des possibles institutionnels de ces pays la possibilité de choisir les différents modèles de croissance de l’occident, autrement dit des modèles d’économies centralement planifiées aux différentes formes d’économie sociale de marché. Elles ont donné aux gouvernements des pays musulmans la possibilité de choisir une forme de socialisme (autogestion, planification centrale et/ou sociale démocratie) et/ou des formes d’économie sociale de marché (scandinave, français, japonais, allemand, et/ou anglo-saxon). (Source : economic freedom index, heritage.org, rapport 2009).

Si on décompose l’indice on peut aussi préciser la nature du modèle économique des pays musulmans plutôt libres. Les pays de la péninsule arabique sont classés plutôt libres parce qu’ils n’ont pratiquement pas de système fiscal et un Etat de petite taille. Ils respectent les libertés monétaires, contractuelles sur le marché du travail et le libre échange. Ils sont non libres en matière de liberté d’investissement, de liberté financière, et de propriété Ils ont aussi des indices de corruption de mauvaise qualité. L’absence de fiscalité s’explique par l’existence d’Etat rentier dans cette zone. Les Etats utilisent la tendance naturelle du droit musulman à ne pas privatiser la terre et ses richesses pour entretenir une économie de rente qui n’est plus construite sur le butin mais la rente pétrolière. On comprend, alors, mieux, pourquoi les indices de respect des droits de propriété sont faibles. Cette faiblesse correspond à la tradition juridique musulmane ancestrale et à l’organisation de son système judiciaire (Scully, 1987) : absence d’appel, dépendance de la justice au pouvoir et relations très étroites entre l’Etat et le juge. Cette faiblesse des droits de propriété n’est pas propre aux pays de la péninsule arabique, mais caractérise l’ensemble des pays de l’aire musulmane. Cet indice repose sur la collecte d’informations sur l’indépendance de la justice, les conditions d’expropriation, l’existence de corruption dans les institutions judiciaires, la capacité des individus à faire respecter les conditions des contrats. Un bon indice de droit de propriété renvoie à un ordre où l’Etat garantit la propriété privée, où les institutions judiciaires mettent en œuvre rapidement et efficacement les contrats où il n’y a ni expropriation ni corruption Les pays plutôt libres de l’aire musulmane ont donc des caractéristiques qui font clairement résonances avec le modèle musulman classique.

La seule présentation d’un indice de liberté économique et de ces évolutions sur courte période manque néanmoins de profondeur historique. L’évolution plutôt libérale ou plutôt socialiste des pays de l’aire musulmane sur longue période s’explique aussi par les stratégies juridiques de l’empire ottoman au XIX° siècle, par l’action des colonisateurs européens et les choix des gouvernements au moment de l’indépendance.

L’empire ottoman et le colonisateur européen ont généralement cherché à moderniser les relations économiques existantes. L’empire ottoman par la Tanzimat a montré qu’il était possible de réformer formellement le droit musulman mais que cela pouvait déclencher d’importantes oppositions des populations. La colonisation européenne a aussi essayé de modifier les pratiques en faisant cohabiter le droit musulman et le droit occidental. Au XIX° siècle et au XX° siècle les autorités ottomanes et les colonisateurs européens ont conçu l’Islam comme un obstacle au développement économique. Ils ont cherché pour cette raison à moderniser le droit et les pratiques des musulmans. Cela a annoncé les réformes libérales de 1909 – 1918 et plus tard l’action de Mustafa Kemal Atatürk qui alla jusqu’à imposer le costume occidental pour les hommes (loi de 1925) et à adopter le code civil. Les Turcs durant cette période ont cherché à moderniser le droit et les mœurs de leur pays. On peut supposer, alors, que la présence turque est plutôt favorable à la libéralisation. Il place dans l’histoire de ces pays le germe de la liberté, l’idée de la libéralisation.

La tradition juridique des colonisateurs joue aussi un rôle d’incubateur. Il y a les britanniques et leur tradition de Common Law, les Français et l’ensemble des pays européens de droit continental et les russes qui vont inventer en 1917 un nouveau modèle économique, le modèle soviétique. L’importance du droit français dans le domaine commercial et public dans les anciens pays colonisés est à noter (Algérie car département français, Protectorat Marocain et Tunisien (réformisme), Egypte (Napoléon)). En Algérie, par exemple, et comme dans de nombreux pays musulmans la pensée religieuse, avant l’occupation française, avait une forte influence en droit fiscal (Bin, 2007, p.15). La colonisation a écarté l’islam et imposé un système fiscal occidentalisé. Globalement il est admis que la colonisation britannique a légué une tradition juridique plus libérale que la tradition continentale française et russe (soviétique) (Scully, 1987). Les pays où la Common Law a été imposée sont des pays généralement plus libéraux que les pays de droit continental et de droit soviétique (Scully, 1987). Derrière ces trois types de tradition se dessinent trois modèles économiques : le capitalisme anglo-saxon, l’économie sociale de marché scandinave, française ou allemande et l’économie centralement planifiée. L’histoire des modèles économiques des pays musulmans est, dans ces conditions, l’histoire de choix institutionnels contraints par des mondes des possibles situés dans une époque donnée. L’idéal d’une cité musulmane occidentalisée dans un sens socialiste ou libéral ne peut, alors qu’infléchir le rapport qui peut exister entre le droit musulman issu de l’interprétation des textes sacrés et le droit d’aujourd’hui.

Après l’occupation ottomane et européenne vient le moment de l’indépendance. Globalement les pays musulmans ont soit choisi les modèles socialistes et centralisés (Egypte, Algérie, Syrie, Turquie, Libye, Irak) soit des structures féodales et clientélistes (Maroc, Yémen du Nord, Iran, Pakistan) (Nienhaus, 1997). Gamal Abdel Nasser en Egypte et un certain nombre de leader du parti Baa en Syrie et en Irak ont tenté d’imposer une forme plus ou moins élaborée de socialisme arabe. Des leaders comme Kadhafi en Libye (Livre Vert) ou Boumediene en Algérie ont aussi cherché dans le socialisme une voie pour le développement économique et social de leur pays. Bin (2008, p.16) estime que le droit fiscal de l’indépendance en Algérie est totalement sécularisé et indépendant de l’islam. Les autorités ont même écarté l’islam comme source du droit fiscal. La situation algérienne est, cependant, très différente des pays où la loi islamique, fondé sur la charia est appliquée; comme la Mauritanie, la Libye, la Jordanie, l’Arabie Saoudite, le Yémen, l’Oman, les Emirats Arabes Unis, le Koweït, l’Iran et le Pakistan. Dans ces pays l’influence de la religion est très importante. Talahite (2000) rapporte, aussi pour l’Algérie que l’accès à la propriété du logement a longtemps été entravé et découragé. La menace d’être nationalisé ou tout simplement dépossédé de son bien par un gradé de l’armée ou un personnage influent, pesait comme une épée de Damoclès sur le citoyen ordinaire. Cette insécurité qui reste forte conduit à l’accumulation occulte, à la fuite à l’étranger et au sous-investissement. Seules les individus, qui ont accès à l’appareil d’Etat, sont protégés par la loi, c’est-à-dire le discrétionnaire des puissants auxquels on fait allégeance.

Les autres pays ont choisi l’économie féodale et clientéliste où les marchés sont contrôlés par une petite minorité à qui l’Etat a donné un monopole via des droits exclusifs, des licences ou d’autres privilèges étatiques (Nienhaus, 1997). Alors que le socialisme a fait disparaître le marché pour le remplacer par le plan, l’économie de rente élimine la concurrence pour y substituer une économie de distribution et de protection des rentes. Ces systèmes bloquent l’activité productive des entrepreneurs et favorisent les activités improductives, de prédation. On retrouve parfaitement le modèle de rente de l’empire.

L’indépendance a donc permis la reconstitution d’économies dirigées et contrôlées par de petits groupes : des familles (Salad en Arabie Saoudite, Chaykh Sa’ad au Koweit), des partis politiques en Irak (Ba’th), des groupes de militaires putchistes en Egypte et en Syrie ou une minorité ethnique en Jordanie. Ce modèle de prédation d’Etat ne tient, alors, que par le montant des rentes qu’il redistribue. Il ne tient qu’en redistribuant une partie de la richesse pétrolière et assure ainsi sa légitimité par le gain. L’Etat, pour survivre, doit cependant toujours distribuer plus de rente. Il crée de nouveaux postes de fonctionnaires dans la fonction publique. Il offre des salaires plus élevés que dans le privé. Il propose des emplois et embauche la main d’œuvre éduquée qui ne trouve pas de travail dans le privé. Il organise ainsi via son secteur public une trappe à capital humain dans les secteurs improductifs (Youssef, 2004, p.103). Les gains ont aidé à la mise en œuvre de marchandages entre les dictatures et les citoyens qui ont échangé un manque de liberté civile contre de la sécurité économique et la fourniture de services sociaux et de bien être L’importance des revenus du pétrole atténue le besoin d’impôt et permet la redistribution. La baisse du prix du pétrole met, en revanche en péril cet équilibre. La baisse du prix du pétrole baisse les revenus des pays pétroliers, mais surtout diminue les revenus des migrants qui envoient leur devise en Egypte, au Yemen, en Syrie, etc. Cela réduit les flux de revenu et replace l’économie dans la concurrence mondiale. L’équilibre politico-économique devient ainsi plus fragile et les zones de conflits se multiplient (Liban, Algérie, Iran – Irak, Israël, etc.).

Le modèle dominant des pays musulmans et arabes en particulier reproduit les modèles de rente des empires arabes et ottomans. Il réhabilite une aristocratie d’Etat à l’origine d’un secteur public hégémonique et au service d’un système de redistribution caractérisé par le clientélisme, la menace et la corruption

Yves Montenay :Tout cela est exact, et d'ailleurs très intéressant à rappeler, puisque mal connu. Mais justement, tous ces systèmes nationaux, étatiques ou impériaux ont mené le monde musulman à la ruine. Cette ruine a eu deux conséquences opposées.

Premièrement celle d'un retour vers le passé : « puisque nous avons été vaincu militairement et économiquement, alors que Dieu décide de tout, c'est qu'il nous punit d'être devenus de mauvais musulmans. Nous devons donc revenir aux sources et à l'époque du prophète. » Cela a donné notamment les courants islamistes et parmi ceux ci une branche violente, qui pense que ce retour doit se faire au besoin par la force, c'est à dire concrètement en tuant les autres responsables musulmans qualifiés d'apostats de fait.

Mais cette analyse de l’échec a généré aussi un autre type de réaction que l'on pourrait appeler « japonaise ». A la fin du XIXe siècle et au début du XXe on tenta de voir ce qu'il y avait de bon chez les Occidentaux, de l'imiter et de les égaler en puissance et en efficacité. Cette voie, la nadah dans les pays musulmans, a en gros échoué, mais certains éléments en ont survécu par exemple en Turquie. En général la colonisation n'a pas permis de pousser l'expérience, qui de toute façon se heurtait aux sentiments profonds de la population, ce qui justifie les remarque de F.F. Mais nous verrons que cet état d’esprit revient inévitablement.

Plus tard si les indépendances se sont très souvent traduites par le dirigisme, le socialisme, et l'hyper nationalisme, cela tient à mon avis largement à des causes extérieures à l'islam. L'un d’entre eux est l’ambiance intellectuelle de l'époque, matérialisée au Maghreb par les « pieds rouges », conseillers gauchistes des gouvernements indépendants. Mais cela tient plus encore à la nature même des gouvernements, en général des dictatures militaires, plus ou moins couplées, sincèrement ou non, à des autorités religieuses. Or la tendance de tout gouvernement est de se servir de son pouvoir, et donc à s'écarter d'autant plus du libéralisme qu'il est autoritaire et tout puissant. Dans une bien moindre mesure, c'est ce qui se passe en France.

Mais tout cela a entraîné de nouveaux échecs économiques et militaires et la question de la réforme s'est posée et parfois imposée. Et on l’en arrive aux libéralisations actuelles.

Occidentalisation ?

François Facchini : Le passé ne peut, néanmoins, déterminer l’avenir. L’avenir s’explique aussi par les idéaux des élites et des peuples qui composent les pays musulmans d’aujourd’hui. C’est là encore l’islam et plutôt les islams jouent un rôle décisif. Les institutions futures sont déterminées par l’idéal de société qui est à l’origine du principe de civilisation commune. L’idéal dans le monde musulman a pour référence l’islam et la charia. Il existe plusieurs idéaux, mais tous sont inspirés par la charia, par un passé idéalisé, une histoire qui devient une utopie.

Le XX° siècle a été, d’ailleurs, le siècle de l’occidentalisation d’une part et du renouveau de l’islam, et de sa cité idéale, d’autre part. La plupart des débats à l’intérieur des pays musulmans font références à ce que dit ou ce qu’est censé dire l’islam sur le marché, la démocratie ou la modernité européenne. Sans avoir l’ambition de recenser toutes les positions en présence on peut malgré tout voir que les élites politiques et intellectuelles des pays musulmans proposent des diagnostics très différents mais tous centrés autour de la question religieuse. La question de l’adaptation institutionnelle des pays musulmans à la modernité européenne n’est pas nouvelle. Elle a donné naissance à la politique de sécularisation forcée d’Atatürk, au parti de l’islam (Jama’ati Islami) en Inde, à la politique de sécularisation de Reza Shah d’Iran, à l’occidentalisation sans reniement de l’islam au Pakistan, l’islam restant la source de toute vérité et de toute autorité. Elle est aujourd’hui à l’origine de multitude de doctrines économiques qui rivalisent pour donner une direction aux réformes futures. Les islams modernes sont les offres idéologiques produites par les entrepreneurs idéologiques pour les entrepreneurs politiques. Sans souci d’exhaustivité on peut citer le libertarianisme islamique du Minaret of Freedom instituteii, l’islam modéré et l’islam radical moderne des frères musulmans, des wahhabites saoudiens ou de la révolution iranienne. L’une des innovations de ce radicalisme musulman moderne est de proposer un modèle économique alternatif au capitalisme. Le retour à la Charia ne signifie pas seulement le retour au droit pénal musulman. Il veut aussi dire la mise en œuvre de finances islamiques. Sans que cela soit encore généralisé on peut observer que les activités de finance islamique sont en forte croissance (LEMONDE.FR 17.12.07). La finance islamique trouve ses origines dans le Coran, mais est une construction contemporaine. Elle s’est développée initialement en Malaisie dans les années trente, puis au Pakistan dans les années 50 et en Egypte dans les années soixante (Ariff, M. 1988). Elle oblige les prêteurs et emprunteurs de capitaux à ne pas définir d’intérêt (interdiction de l’usure ou riba), à partager les profits et les pertes, à ne pas spéculer (interdiction de l’incertitude, gharar), à reposer sur des biens réels ou des actifs sous-jacents et à ne pas financer des biens illicites comme l’alcool, le tabac, les jeux d’argent ou l’armement (Martens, 2001, p.10). Au début des années 80 deux pays ont introduit officiellement à grande échelle les pratiques de la finance islamique : l’Iran et le Pakistan (Martens, 2001, p.2). Outre les mauvais résultats économiques de ces deux pays il est intéressant de noter à la suite de Martens (2001, p. 12) que ces principes généraux sont en fait très difficiles à appliquer. Ils rendent les contrats confus et augmentent inéluctablement les coûts de l’échange. L’islam inspire donc les mondes des possibles institutionnels du monde musulman contemporain.

Quelque soit sa vision de la cité musulmane idéale l’intellectuel musulman propose des innovations idéologiques légitimes parce qu’en accord avec la parole du prophète. Ces innovations utilisent l’imaginaire de la cité musulman parfaite pour persuader de leur bien fondé. Les réformes sont portées par des entrepreneurs idéologiques qui perçoivent dans la diffusion d’une idée un gain personnel (notoriété, réputation) et le moyen d’être en accord avec leur conception du Bien (rationalité axiologique). Leurs idées une fois reprises par un leader politique et/ou le peuple elles sont à l’origine des changements institutionnels. L’idée est le germe du changement. Elle s’incarne dans des hommes, des choix et in fine dans des institutions. La dépendance de sentier ne produit pas que le statu quo. Elle met aussi en évidence une dépendance des hommes à leur monde des possibles. L’invention d’une nouvelle cité musulmane construite sur l’idéalisation du passé relève parfaitement de cette théorie.

Le modèle le plus influent est le celui des islams fondamentalistes et/ou réformistes. Leurs innovations ont profondément modifié le monde des possibles institutionnels de la plupart des pays du monde musulman. Elles sont en passe de faire d’une fiction, la cité musulmane idéal, une réalité. Elles s’incarnent dans des mouvements politiques, dans des peuples, dans des leaders politiques. Elles se diffusent et progressent dans les esprits des élites politiques, du peuple et des juges. -1- Les élites politiques acceptent la ré-islamisation pour garder leur pouvoir et le contrôle des finances publiques et du pouvoir politique que leur confère leur position à la tête de l’Etat. Ils cherchent à renforcer leur légitimité religieuse en donnant plus de place à l’islam dans leur discours et leurs décisions législatives (Laborel, 2004, p.82). -2- Les juges sont aussi influencés en partie par le retour de l’islamisation des sociétés musulmanes (Dupret, 1997, p.137, Dupret, 1996, Laborel, 2004, p.87). Ils ne peuvent pas ignorer le développement du discours de nature identitaire qui se manifeste dans les pays musulmans. Ils vont avoir, pour cette raison, à interpréter la loi dans un sens islamiste au lieu de juger sur la base d’une conception plus occidentale du droit. -3- Ce retour à l’identité religieuse de l’islam peut-être interprétée comme la défense d’un intérêt individuel au sens restreint (self-interest) ou comme un combat pour des valeurs (rationalité axiologique). La défense de l’identité religieuse par intérêt renvoie à la défense d’un capital social (Hardin, 1995, pp.34 – 37). C’est aussi de cette manière que Kuran (2004) analyse l’invention de la finance islamique. L’économie islamique ne cherche pas l’efficacité, mais un moyen de résister à la globalisation et de défendre son identité. Ce retour à l’islam est aussi le résultat d’un effet d’apprentissage. Si l’occidentalisation et la sécularisation sont associés à la pauvreté et à la misère provoquées par des modèles institutionnels socialistes et/ou clientélistes il est logique que les jeunes générations cherchent une autre alternative qui redonne de la valeur à leur capital social et religieux et invente une alternative non encore expérimentée.

Le renouveau de l’islam et la force de l’islam radical moderne est donc la conséquence d’une sorte d’occidentalisation forcée soit sous une forme plutôt libérale (colonisation), soit sous une forme plutôt socialiste et clientéliste (indépendance). Il est en échec en Syrie et en Algérie par la force. Il est en échec relatif en Egypte. En Indonésie la place de la shari’a dans les institutions est une question récurrente depuis la colonisation britannique (Madinier, 2005). Il y a de surcroît l’échec du mouvement en Tunisie (Ennahdha). Dans tous ces pays, cependant, l’islam radical moderne progresse. Ce qui oblige les autorités politiques à en tenir compte dans leurs décisions afin de renforcer leur légitimité religieuse. L’islam radical est un succès en revanche au Soudan (1989, en Palestine (Gaza), en Mauritanie, au Nord du Nigeria , en Arabie Saoudite la Shari’a dans sa forme wahhabite, en Iran. Un grand nombre de pays sont donc inspirés par l’islam radical moderne, parce que leur population est séduite pour des raisons axiologiques et/ou identitaires par l’islamisation de l’économie et plus généralement de l’ordre social.

L’islam n’a donc ni prédisposé les musulmans à découvrir les institutions de la liberté économique ni à les adopter.

Yves Montenay : il y a effectivement beaucoup d’exemple de tout cela, mais on peut aussi trouver des exemples de sens contraire, dans l’agacement d’une frange de la population « musulmane » au Nord comme devant l’envahissement par la religion. Il y a aussi l’élévation du niveau général, notamment en ce qui concerne les bilinguismes (anglo-arabe et franco-arabe) qui varie les références et les visions du mondeiii1 La « modernisation » du statut de la femme en Turquie (1924), en Tunisie (1956) et au Maroc (2004) en est la conséquence directe2iv. Il y a enfin la diffusion de la lecture de l’arabe classique, qui perd sa position de « latin » des clercs, ce qui me paraît mener à une sorte de « protestantisation » de l’islam, laquelle fut pour le christianisme une étape vers la laïcité et le libéralisme.

Pour en rester à ce dernier, la finance islamique est certes identitaire, mais me semble surtout acclimater la connaissance de l’économie d’entreprise. Sur le fond, je ne vois pas de différence de nature avec les multiples formes de « limited partneship » en usage depuis toujours en Amérique, puis accessibles dans le monde entier. Le label « islamique » est largement marketing, ce qui est important pour les organismes concernés (presque toutes les grandes banques aujourd’hui, y compris les françaises) et pour les clients, par ailleurs souvent arnaqués … comme tout autre citoyen du monde lors du lancement d’un nouveau produit miracle.

Le poids croissant des islamistes (je n’ai pas dit des djihadistes) va de pair avec leur montée économique concurremment aux élites « socialistes » souvent relativement plus laïques, cela grâce aux libéralisations économiques. Cet « islam de marché », tant chez les puissants entrepreneurs notamment turcs et égyptiens que dans les milieux connexes, marie religion et capitalisme (Patrick Haenni) comme chez les « victoriens » ou les puritains. Dans ce cas, islam et libéralisme ont progressé de pair, et, pour parler de l’avenir, il n’est pas impossible que se frotter à l’économie mondialisée et cosmopolite se fasse à la longue au détriment de certains présupposés musulmans, comme cela s’est passé en Occident.

Conclusion commune

Il est important d’être conscient de l’influence très prégnante de l’islam et de ses textes fondateurs, et de leur caractère souvent éloigné de des soubassements du libéralisme. Mais individus et États sont soumis à d’autres influences et contraintes et le résultat global de ces interactions reste ouvert.



Notes

1 - INGLEHART, R. (2005). “The Worldviews of Islamic Publics in Global Perspective”, forthcoming in Mansoor

2 - Le président du Minaret of Freedom Institute est un américain, Dean Ahmad. Il cherche à travers cette organisation à diffuser les idées libérales dans le monde musulman. Il défend l’idée que Voir son intervention au Colloque « islam et libéralisme » à l’institut euro92 en avril 1995, « L’économie politique de la société islamique classique ».

3 - Voir mes travaux sur « l’ouverture » et « la fermeture » des pays arabes, où je constate que les évolutions culturelles, éducatives (par le secteur privé) et économiques (via les entreprises occidentales délocalisées) se renforcent mutuellement, avec la baisse de la fécondité comme indicateur d’efficacité.

4 - Via le bilinguisme et la profonde culture politique française d’Atatürk, de Bourguiba et de Mohammed VI, ainsi que celle de leur entourage.


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Institut Turgot

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