Être libéral au XXIe siècle
S’étiqueter « libéral » suffit-il pour l’être ? À en juger de la multiplication de personnalités, de publications, de partis politiques qui revendiquent le mot, on pourrait croire à une véritable renaissance de l’idée libérale. Or force est de se rendre à l’évidence : de nombreux « libéraux » méconnaissent les fondements mêmes de cette philosophie distincte qu’est le libéralisme et défendent en son nom des idées antinomiques à toute conception cohérente de la liberté.
Une philosophie du droit
Le libéralisme se fonde sur la reconnaissance de droits individuels fondamentaux dérivés de la nature de l’être humain. C’est au libéralisme, dès la Renaissance et les Lumières, que l’humanité doit son avance spectaculaire, en particulier depuis la Révolution industrielle. Parce que le libéralisme exige le respect intégral de l’autre, il est à juste titre considéré comme la philosophie de la civilisation, privilégiant l’échange à la contrainte dans les relations interpersonnelles :
[Le véritable libéralisme] respecte la personnalité unique de chacun, sa dignité, sa liberté dans le choix de ses objectifs et il récuse par conséquent toute vision globale mécaniciste, quantitativiste de la vie des hommes en société.[1]
L’ensemble de la philosophie libérale repose donc sur une prémisse sans équivoque, impliquée par l’idée même de liberté : la primauté de l’individu. Cette prémisse réaliste, fondée sur la reconnaissance de la raison, du libre arbitre et de la responsabilité de la personne, permet d’énoncer l’éthique de la liberté qui en découle : le respect des droits individuels, à commencer par la vie et la propriété de soi.[2] Le libéralisme ne s’inscrit pas dans la défense d’un nihilisme irrationnel qui admettrait que chacun puisse faire n’importe quoi, mais se définit par les droits de propriété légitimes de chaque individu, en vertu de sa personnalité, mais aussi du processus de création des richesses, qui ne décrit rien d’autre que l’application de ses facultés personnelles : les richesses n’existent pas d’emblée ou en quantité fixe, mais prennent en effet toujours leur source dans l’effort individuel, ce qui exclut nécessairement toute prétention morale d’autrui à leur égard puisque sans l’effort de celui qui les a créées ces richesses n’existeraient pas ; même la valeur des ressources naturelles les plus abondantes dépend de l’identification d’un usage productif par quelqu’un. Les droits de propriété reflètent cette créativité de l’esprit humain, que l’on peut considérer comme l’ultime ressource naturelle. Ce sont donc ces droits qui définissent la justice libérale et, dans un monde de rareté, bornent la liberté individuelle en vertu des droits légitimes des autres pour éviter les conflits. Les droits de propriété s’appliquent ainsi également à « l’économie », à savoir à l’activité humaine productive, indispensable à la vie :
Nous tenons de [la nature] le don qui pour nous les renferme tous, la vie – la vie physique, intellectuelle et morale. Mais la vie ne se soutient pas d'elle-même. [Celle] qui nous l'a donnée nous a laissé le soin de l'entretenir, de la développer, de la perfectionner. Pour cela, [elle] nous a pourvus d'un ensemble de facultés merveilleuses ; [elle] nous a plongés dans un milieu d'éléments divers. C'est par l'application de nos facultés à ces éléments que se réalise le phénomène de l'assimilation, de l'appropriation, par lequel la vie parcourt le cercle qui lui a été assigné. Existence, facultés, assimilation – en d'autres termes, personnalité, liberté, propriété – voilà l'homme.[3]
Partant, l’économie de marché n’est pas une arrière-pensée « utilitaire » du libéralisme visant à maximiser les richesses, même si c’est sa conséquence, mais elle traduit les échanges volontaires qui régissent les relations interpersonnelles productives dans une société de liberté. « Le marché » n’est qu’un terme lapidaire pour refléter ces échanges innombrables et complexes, fondés sur la liberté contractuelle, qui ont lieu à des degrés différents dans tous les contextes sociaux, libéraux ou non : rares sont en effet les êtres humains qui choisissent de vivre en complète autarcie dans la pauvreté la plus absolue et tout aussi rares sont ceux qui se laissent dicter ce qu’ils ont le droit d’échanger paisiblement : là où les échanges libres sont interdits par la loi naissent alors des « marchés noirs ». Comme les échanges « marchands » se fondent sur une déontologie du consentement et du respect de la propriété, ils sont légitimes et moralement fondés : qu’ils aient lieu est une preuve suffisante que les parties contractantes y trouvent leur compte ; toute intervention arbitraire de tiers, par exemple de l’État, est donc forcément illégitime. Étant donné que l’activité humaine productive ne se limite pas à la seule réalisation d’objectifs matériels, mais repose sur des droits légitimes, il ne peut y avoir de liberté individuelle sans cette liberté économique : la liberté ne peut se saucissonner selon des priorités arbitraires sans violer les droits fondamentaux ; il ne peut y avoir de liberté de pensée sans liberté d’exercer l’activité lucrative de son choix ; il ne peut y avoir de liberté d’expression sans liberté d’acquérir un support de diffusion. Toute violation de la liberté économique est nécessairement une violation illégitime des droits individuels puisque l’être humain, de par sa nature, doit subvenir à sa propre existence et, pour autant qu’il respecte les droits légitimes d’autrui, doit pouvoir poursuivre ses propres aspirations dans le but d’améliorer son niveau de vie, sa longévité et son propre bien-être tel qu’il le conçoit.
Le libéralisme ne force bien sûr personne à participer au « marché » dans le but d’améliorer indéfiniment son sort, mais peu de gens choisissent de mourir jeunes : c’est la raison pour laquelle des personnes nées par hasard dans des pays opprimés par un État violant de manière outrancière les droits individuels émigrent, parfois au péril de leur vie, en quête d’une existence meilleure dans une société plus libre. Par ailleurs, la liberté individuelle et la prospérité qui en découle permettent de poursuivre d’autres valeurs personnelles, sans contester que l’accomplissement de soi par le travail productif est une valeur qui n’en appelle pas nécessairement de « supérieures » : le libéralisme ne formule évidemment aucune vision finale ou idéale dans les choix personnels, mais établit seulement la norme qui doit régir la société dans le respect de chaque personne.
Le libéralisme est donc une philosophie du droit, tel que défini par la propriété de soi et des fruits de son activité. Parce que la justice libérale est humaniste, elle est nécessairement universelle et indépendante de toute législation ; elle s’applique de la même manière à chaque être humain, quelle que soit sa situation ou la juridiction étatique à laquelle il est soumis : l’inverse ouvrirait la voie à l’arbitraire. À l’opposé du collectivisme, qui crée une dichotomie entre justice privée et justice publique, le libéralisme protège l’intégrité de l’individu en excluant l’initiation de la force et en soumettant le contexte social à la même norme de justice. L’État, démocratique ou non, qui n’est rien d’autre qu’une forme d’association humaine, n’y échappe donc pas non plus, et les actions des personnes qui le façonnent sont évaluées de la même manière : des violations du droit ne deviennent pas légitimes parce que perpétrées par des membres d’un gouvernement, une majorité parlementaire ou une majorité populaire. Chaque être humain a des droits sur lui même et les possessions dérivées de son activité, mais jamais sur autrui ou sur les possessions d’autrui ; seul l’échange volontaire, qui peut bien sûr aussi inclure le don, acquiert une légitimité dans les relations interpersonnelles.
Libéralisme et démocratie
Certains auteurs libéraux ont associé de manière indélébile le libéralisme à la démocratie, à savoir à la loi de la majorité et à la représentation parlementaire. Or le libéralisme n’est pas la somme des erreurs ou des compromissions de penseurs libéraux autrement méritoires, mais, comme nous l’avons vu, une philosophie du droit ancrée dans une conception réaliste de l’être humain et des relations sociales. En tant qu’association humaine particulière, un État démocratique ne saurait donc se soustraire à l’éthique libérale :
Les citoyens possèdent des droits individuels indépendants de toute autorité sociale ou politique, et toute autorité qui viole ces droits devient illégitime. Les droits des citoyens sont la liberté individuelle, la liberté religieuse, la liberté d'opinion, dans laquelle est comprise sa publicité, la jouissance de la propriété, la garantie contre tout arbitraire. […] Le gouvernement [autocratique] n'est qu'un despotisme concentré, le gouvernement populaire qu'une tyrannie convulsive. La souveraineté du peuple n'est pas illimitée ; elle est circonscrite dans les bornes que lui tracent la justice et les droits des individus. La volonté de tout un peuple ne peut rendre juste ce qui est injuste.[4]
La véritable démocratie libérale ne se trouve pas dans le processus politique, mais dans la liberté des choix individuels. Or il est évident que la démocratie étatique ne constitue pas nécessairement une garantie de ces choix, mais les viole souvent, qu’il s’agisse par exemple de la redistribution de richesses par l’intermédiaire de la fiscalité, des restrictions à la liberté individuelle par la conscription militaire, des limitations à la liberté économique par maintes lois et réglementations arbitraires. Le vote populaire de novembre 2005 sur le maintien de l’ouverture dominicale des commerces dans les gares et les aéroports illustre à quel point la démocratie, en soi, est étrangère au libéralisme : dans ce cas, le sort d’une minorité d’individus engagés dans des relations contractuelles paisibles dépendait de la décision d’une majorité de votants. Or la seule possibilité de voter sur une telle question, quel qu’en soit le résultat, viole frontalement toute justice libérale puisque les droits individuels des personnes concernées sont soumis à un arbitraire absolu.
À cette parodie de la liberté politique, le libéralisme oppose une véritable protection de la personne dans ses relations avec autrui. L’individu bénéficie d’une souveraineté circonscrite uniquement par les droits légitimes des autres : dans sa vie privée comme dans l’économie de marché, chaque décision prise engendre ainsi les conséquences correspondantes.5 Dans le processus politique, en revanche, les choix présumés se limitent généralement au statu quo institutionnel, à l’arbitraire de la majorité et à des changements qui peuvent souvent aller à l’encontre de ses propres préférences et de ses droits légitimes, comme dans l’exemple cité plus haut, sans compter que la probabilité d’un électeur d’influencer le résultat d’un vote est proche de zéro. L’économie politique montre en outre que la plupart des politiciens et des fonctionnaires défendent, avec le privilège de la contrainte légale, leurs propres intérêts et les intérêts particuliers de ceux qui les ont amenés au pouvoir plutôt qu’un quelconque « bien commun » jamais défini. [6]
Il serait tout aussi négligent de penser qu’il suffise d’une Constitution pour préserver les droits individuels contre l’arbitraire démocratique. Les Constitutions dépendent en effet de leur contenu et du respect qu’on leur porte. Or leur interprétation se vérifie plus qu’aléatoire : la Constitution fédérale garantit par exemple la liberté économique sans que cela n’empêche le gouvernement d’interdire l’ouverture de nouveaux cabinets médicaux, ni le Parlement d’entériner chaque année quelque 4000 pages de nouvelles lois limitant cette liberté, ni le peuple de voter sur maintes restrictions. De la même manière, la propriété est garantie dans la Constitution bien que la politique prélève sous diverses formes environ 50% de toutes les richesses créées ou en dirige l’allocation selon des lois arbitraires. La Constitution elle-même est truffée de contradictions entre les droits fondamentaux qu’elle énonce mais qu’elle relativise plus loin avec d’innombrables violations, de l’école obligatoire à la conscription militaire pour les hommes en passant par le monopole de la monnaie. Dans la liste même des droits fondamentaux se trouve un « droit » à obtenir de l’aide dans des situations de détresse : or comment l’État, qui ne produit rien, peut-il appliquer un tel « droit » sans violer les droits de propriété d’autrui ? De toute évidence, une Constitution n’empêche guère l’arbitraire caractéristique de l’action politique : elle en est plutôt le reflet. Le projet de Constitution de l’Union européenne en est un exemple actuel particulièrement frappant. [7]
La liberté politique n’équivaut donc pas à la démocratie, mais au respect de la propriété : seuls les droits de propriété protègent l’individu de l’arbitraire d’autrui et garantissent son autodétermination. À titre illustratif, l’Inde est par exemple célébrée comme une « démocratie », mais une grande partie des Indiens sont pauvres car captifs d’un État oppresseur et corrompu ; à l’inverse les résidents de Hong Kong, guère une démocratie, sont relativement prospères et libres : les droits individuels de propriété qui y sont reconnus garantissent mieux leur liberté en contenant le pouvoir de contrainte de l’État. La démocratie, même circonscrite par une Constitution, n’empêche pas l’arbitraire ; elle ne s’oppose certes pas toujours au libéralisme, mais elle n’en est ni une condition ni un principe.
Le libéralisme et l’État
Les libéraux sont parfois accusés de trop se focaliser sur les défaillances de l’État. Or l’État est non seulement inefficace, il est de par son monopole de la contrainte la négation même de la liberté.8 Les institutions étatiques actuelles s’inscrivent à l’opposé de l’éthique de coopération sociale volontaire décrite plus haut : elles ne possèdent rien qu’elles ne prélèvent pas d’abord de force auprès des créateurs de richesses du secteur privé :
L'État, c'est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde. Car, aujourd'hui comme autrefois, chacun, un peu plus, un peu moins,voudrait bien profiter du travail d'autrui. […] Que devons-nous penser d'un peuple où l'on ne paraît pas se douter que le pillage réciproque n'en est pas moins pillage parce qu'il est réciproque ; qu'il n'en est pas moins criminel parce qu'il s'exécute légalement et avec ordre ; qu'il n'ajoute rien au bien-être public ; qu'il le diminue au contraire de tout ce quecoûte cet intermédiaire dispendieux que nous nommons l'État ? [9]
L’État peut être nécessaire et garant de liberté s’il est limité à ses fonctions de base – l’administration de la justice, la sécurité intérieure et la défense – qui représentent une fraction infime de ses dépenses, mais une telle assertion tend de plus en plus à placer le fardeau de la preuve sur celui qui la soutient : dans la complexité du monde réel, les tribunaux d’arbitrage privés comme les services de sécurité privés semblent satisfaire à une demande croissante face aux attentes déçues vis-à-vis des prestations de l’État. Les travaux théoriques les plus avancés défient également la notion selon laquelle l’État serait indispensable ; c’est aujourd’hui une question ouverte.10 Aucune institution humaine n’a d’ailleurs accumulé tant de violations du droit à travers l’Histoire : les États ont régulièrement abusé de leur monopole de la force et massacré des millions d’innocents, aussi bien au sein qu’à l’extérieur de leurs juridictions, par des guerres, des persécutions, des confiscations, des famines – le plus cyniquement, au siècle dernier, en Allemagne nazie et en Russie soviétique, dont Cuba et la Corée du Nord servent encore aujourd’hui de réminiscences parmi les plus extrêmes. Une telle performance ne mérite guère la présomption de légitimité que les étatistes sont prêts à accorder à l’État. Même nécessaire, celui-ci doit se soumettre à la norme du respect du droit, y compris dans son mode de financement, qui ne peut être légitimement fondé sur la contrainte. [11]
Or même dans ses variantes plus indulgentes, où les pouvoirs sont séparés et relativement limités, l’État prélève ses revenus par l’impôt et consomme des ressources sans en produire ; il ne dispose ni du mécanisme des prix pour les biens et les services qu’il fournit, ni de la capacité de déterminer leurs mérites supposés, ni même de la possibilité d’établir le rendement potentiel de ses « investissements » : l’État prend invariablement ses décisions selon des critères arbitraires, car il ne les fonde pas sur un « marché » ou sur un échange, mais sur la contrainte. Qu’on le déplore ou non, avec ses structures bureaucratiques en général incapables de répondre aux changements, l’État est par nature prédestiné au gaspillage et à l’échec : il n’est ni omniscient ni omnipotent mais particulièrement faillible. C’est cette caractéristique de l’État, en plus de la criminalité de son action, qui a mené aux pires catastrophes humaines évoquées plus haut. Or une trop grande partie de l’humanité souffre encore de la corruption et de l’oppression étatiques, par exemple en Afrique,
mais aussi dans d’autres régions en crise politique permanente. Même le prétendu « modèle social » des États européens, aussi bénin qu’il puisse paraître face à des régimes tortionnaires, génère 20 millions de chômeurs et viole brutalement les droits individuels au nom de la « justice sociale » :
Or, imposer des transferts obligatoires, c’est-à-dire prendre des ressources à ceux qui les
ont créées par leurs propres efforts pour les remettre à d’autres qui ne les ont pas créées, quelles que soient les situations respectives des uns et des autres, revient à dire que les seconds ont des droits sur les premiers. Mais il est totalement incohérent de vouloir défendre la liberté humaine et d’admettre en même temps l’idée que quelqu’un a des droits sur vous et sur vos propriétés, c’est-à-dire sur le produit de votre activité. Il existe de ce point de vue une différence radicale entre les transferts obligatoires et les transferts volontaires – inspirés par l’altruisme et la morale individuelle – car on ne peut légitimement transférer que ce que l’on possède légitimement. Et on ne peut donc légitimement recevoir que ce qui vous est transféré volontairement par un propriétaire légitime. Tout le reste est violence et ne peut être que violence. La politique sociale, c’est donc la guerre des uns contre les autres. Et c’est une imposture que d’utiliser le beau mot de justice pour couvrir des actes de violence qui sont à l’opposé de la vraie solidarité et de la vraie charité. [12]
Les libéraux ne s’opposent pas à bon nombre des objectifs que poursuivent ou que prétendent poursuivre les personnes de l’État ; ils reconnaissent par contre que la contrainte et la spoliation légales ne sont pas de bons moyens d’y parvenir, que l’échange volontaire et pacifique est supérieur parce qu’il est légitime et qu’il implique que chaque partie y gagne – non seulement en termes matériels, mais certainement aussi en termes moraux. Le libéralisme se situe donc aux antipodes de la caricature de la « loi de la jungle » à laquelle on l’associe parfois mais qui décrit plutôt le processus politique, où toutes les violations des droits individuels deviennent possibles pour peu qu’il s’y trouve une majorité pour les soutenir.
De la même manière, le libéralisme reconnaît le danger de cartelliser ou de centraliser le pouvoir politique. Même lorsque des institutions étatiques sont censées « libéraliser » les échanges, la logique de la concentration du pouvoir implique invariablement que toute tentative d’imposer « la liberté » par le haut mène à une régression de la liberté, les politiciens et les fonctionnaires tirant toujours davantage la couverture à eux pour réglementer l’activité humaine, redistribuer les richesses, limiter la concurrence institutionnelle. L’évolution de l’Union européenne comme de tous les États fédéraux l’illustre à profusion.
Le libéralisme au XXIe siècle
Le mot libéral est-il devenu si protéiforme que les libéraux devront renoncer à l’utiliser ? Aux États-Unis par exemple, « liberal » a acquis dans l’usage courant une signification complètement opposée à l’idée de reconnaissance de la liberté individuelle telle que définie par les droits de propriété. Certains intellectuels libéraux établis aux États-Unis, parfois à l’avant-garde du développement théorique du libéralisme et de ses implications, ont dès lors créé pour leurs idées de nouvelles appellations pour éviter la confusion. Certains d’entre eux préfèrent l’appellation « classical liberal », bien que ce qualificatif tende à restreindre le corpus d’idées qu’il est censé évoquer en le figeant dans le passé. D’autres auteurs originaux choisissent de qualifier leur courant ou leur école de pensée par une dénomination spécifique ; c’est évidemment leur droit et pour autant qu’ils se rattachent à la liberté individuelle, ils n’en demeurent pas moins libéraux. L’Institut Constant de Rebecque rejette l’usage de tout autre mot que celui de libéral, le seul à saisir la grande tradition intellectuelle humaniste et son développement jamais achevé. Les libéraux doivent en effet revendiquer leurs principes et qualifier sans concession les idées étatistes, sociales-démocrates et socialistes comme telles. Toutes les idées ou les propositions émanant de penseurs réputés libéraux ne le sont pas non plus nécessairement, à l’image de la « politique de la concurrence », qui repose sur une définition fantaisiste de la concurrence : dans ce domaine comme dans d’autres vaut la devise caveat emptor.
Être libéral au XXIe siècle, c’est admettre la richesse de la pensée libérale classique et contemporaine et son évolution continue, tout en appréciant les principes du droit qui font du libéralisme une philosophie distincte plutôt qu’un fourre tout de préjugés personnels ou de recettes prémâchées pour les problèmes de l’humanité. L’éthique libérale s’oppose certes à la contrainte arbitraire de l’État, mais le libéralisme formule également des alternatives viables pour la société civile et le marché libre ; ce n’est pas parce qu’une chose ne doit pas être faite par l’État qu’elle ne doit pas être faite du tout, au contraire : elle peut l’être mieux et moins cher sur une base volontaire et légitime, car ce qui est juste est également efficace. Il n’y a pas de contradiction entre justice libérale et conséquencialisme libéral : les bons principes mènent aux bons résultats, la liberté à la prospérité. L’expérience humaine ne laisse planer aucun doute à ce sujet.
[1] Pascal Salin, Libéralisme (Paris, Odile Jacob, 2000), pp. 12-13.
[2] Pour une discussion détaillée, voir par exemple parmi les auteurs libéraux contemporains Murray Rothbard, L’Éthique de la liberté (Paris, Les Belles Lettres, 1991), et Ayn Rand, La Vertu d’égoïsme (Paris, Les Belles Lettres, 1993).
[3] Frédéric Bastiat, « La loi », OEuvres complètes de Frédéric Bastiat, tome quatrième (Paris,
Guillaumin, 1863), p. 342.
[4] Benjamin Constant, Principes de politique (Paris, Guillaumin, 1872), pp. 13-16.
[5] Ludwig von Mises, Human Action (Auburn, Ludwig von Mises Institute, 1998), p. 273.
[6] Se référer à ce sujet à l’école du « choix public » développée par James Buchanan, récipiendaire du Prix Nobel, mais aussi aux travaux importants d’Anthony de Jasay, en particulier The State (Indianapolis, Liberty Fund, 1998) et Against Politics (Londres, Routledge, 1997).
[7] Voir notamment l’analyse de Victoria Curzon Price, « La Constitution de l’UE sous la loupe », Institut Constant de Rebecque, mars 2005.
[8] Mises, op.cit., p. 283.
[9] Bastiat, « L’État », op. cit, pp. 332-333.
[10] Voir par exemple Anthony de Jasay, cité plus haut, ainsi que Hans-Hermann Hoppe, « The Private Production of Defense », Essays in Political Economy, Ludwig von Mises Institute, 1998, ou encore David Friedman, Vers une société sans État (Paris, Les Belles Lettres, 1992).
[11] Voir à ce sujet Pierre Bessard, « De l’imposition à la justice. Au-delà de la recherche d’un “impôt juste” », Institut de Recherches Économiques et Fiscales, 2006.
[12] Salin, op. cit., p. 500.
© Institut Constant de Rebecque, Lausanne, mai 2006
www.institutconstant.ch
Libéralisme pour les nuls
L’économiste Bradford DeLong a estimé le PIB mondial par habitant depuis l’apparition de l’humain sur terre (voir graphique ci-bas). [1] Le constat qui en découle est stupéfiant : le niveau de vie des humains a véritablement stagné pendant 2,5 millions d’années, pour ensuite exploser à la hausse vers la fin du 18e siècle. En fait, l’humain moyen de 1750 avait un niveau de vie plus près de l’homme de Cro-magnon que de l’humain moderne de 2010 !
Que s’est-il donc passé au 18e siècle pour déclencher une telle amélioration du niveau de vie des humains ? Le principal moteur de création de richesse est la liberté économique. Se pourrait-il donc qu’une augmentation drastique de la liberté économique se soit produite au 18e siècle, engendrant une croissance économique et une prospérité jamais vue auparavant ? C’est en effet ce qui s’est produit !
Celui que l’on considère comme le père du libéralisme est un philosophe anglais du nom de John Locke. Dans ses publications de la fin du 17e siècle, Locke démontrait que la propriété est un droit naturel de l’humain, étant le résultat de son travail. Il affirmait que c’est du peuple que l’État obtient son pouvoir de gouverner, et non d’une autorité supernaturelle ou divine, tel que le prétendait la monarchie à l’époque. Comme le peuple ne peut octroyer à l’État un pouvoir qu’il ne détient pas, il en va de soi que le pouvoir de l’État ne puisse pas excéder le pouvoir des individus qu’il gouverne. Le pouvoir de l’État doit être limité et non-arbitraire.
Les idées de Locke ont servi de base aux révolutions qui ont eu lieu à travers le monde durant le Siècle des Lumières (1688-1789). Il y eut d’abord la Révolution Glorieuse en Angleterre (1688), qui fut suivie de l’établissement du Parlement et de la charte des droits, ainsi que d’une réduction du pouvoir arbitraire de la monarchie. Il y eut aussi la Révolution Française (1789) et, bien entendu, la Révolution Américaine (1776), dont la Déclaration d’Indépendance et la constitution furent directement inspirées des écrits de Locke, qui eut une grande influence sur les Pères Fondateurs.
Ces révolutions ont eu comme impact d’anéantir la féodalité et d’abolir les diverses monarchies absolues à travers l’Europe, libérant ainsi le peuple de cette oppression économique et politique. Ces nouveaux systèmes politiques allaient être basés sur l’égalité de tous les citoyens devant la loi (« rule of law »), les droits individuels et la propriété privée.
Le système économique qui allait émerger découla des idées d’un dénommé Adam Smith, qui publiait en 1776 l’oeuvre la plus influente de tous les temps dans la sphère économique : La Richesse des Nations. [2] Smith y décrivait l’importance de la spécialisation du travail pour augmenter la production et donc créer de la richesse. Il y défendait aussi le libre-échange, alors qu’à l’époque le protectionnisme était très bien ancré dans les politiques économiques mercantilistes des nations. Il y constatait qu’une économie basée sur le libre-marché était plus productive et enrichissante pour la société. Il y décrivait finalement un système économique basé sur la propriété et sur la « liberté naturelle » qui allait plus tard être nommé « capitalisme ». Les bases théoriques du capitalisme libéral allaient par la suite se renforcir grâce aux travaux du Français Jean-Baptiste Say (loi des débouchés) et de l’Anglais David Ricardo (loi des avantages comparatifs).
C’est donc grâce à la libéralisation de l’économie mondiale que le niveau de vie des humains a été catapulté à des niveaux incroyables par rapport à ce qui avait été observé depuis l’aube de l’humanité. La pauvreté, telle que définie en 1750, a été pratiquement éradiquée dans les pays ayant participé à cette libéralisation. Cependant, bien que l’ensemble de la population ait bénéficié de cette immense création de richesse, certains en ont bénéficié plus que d’autres. Cette inégalité a engendré une certaine jalousie chez certains, ce qui a créé une opportunité pour les politiciens d’augmenter leur popularité en séduisant les moins nantis par des mesures de redistribution de richesse. C’est ainsi qu’un renversement de la tendance vers la libéralisation et l’enrichissement collectif a commencé à s’orchestrer.
Ainsi, l’État-providence serait né en Allemagne vers 1880, alors que le chancelier Otto Von Bismark a introduit divers programmes sociaux pour « acheter » la loyauté du peuple envers l’empereur et son régime. [3] Cela n’est pas passé inaperçu du regard des politiciens américains, qui ont commencé à instaurer des programmes pour les vétérans. Ces programmes ont été constamment élargis au fur et à mesure que les politiciens constataient leur efficacité à sécuriser le soutien électoral.
Ceci étant dit, c’est le New Deal de Franklin D. Roosevelt qui a vraiment fait avancer l’État-providence aux États-Unis, notamment avec le Social Security Act de 1935. Ces idées bourgeonnaient depuis longtemps dans l’esprit des socialistes américains et la Grande Dépression allait leur fournir la justification idéale pour les instaurer. Par la suite, les budgets associés au Social Security Act ont été augmenté à chaque élection par des politiciens opportunistes. Le salaire minimum fut introduit en 1938. Le Food Stamp Act en 1964. Les programmes d’assurance-santé Medicare et Medicaid furent instaurés en 1965. Depuis ce temps, la couverture de ces programmes n’a cessé d’augmenter au fil des élections. En 2000, le gouvernement américain couvrait 43% des dépenses médicales alors que c’était seulement 21% en 1960. [4]
Au Québec, c’est la Révolution Tranquille qui, durant les années 1960, a instauré des programmes sociaux, dans le but de sortir la nation de la « grande noirceur ». Pourtant, les choses n’étaient pas si sombres à l’époque. À la veille de la Révolution Tranquille, le Québec n’avait rien d’une société sous-développée. La moitié des francophones occupaient un emploi dans le secteur des services. Durant tout le 20e siècle, la proportion de travailleurs québécois oeuvrant dans le secteur industriel fut comparable aux proportions observées aux États-Unis et dans plusieurs pays européens. On ne constatait pas non plus de retard d’urbanisation dans la province. Le Québec affichait même un taux d’urbanisation supérieur à celui l’Ontario de 1900 jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, et allait se maintenir au-dessus de la moyenne canadienne par la suite. La société québécoise d’avant la Révolution Tranquille comptait aussi de nombreux entrepreneurs francophones dans le domaine industriel et commercial. Dès le 19e siècle, ils se dotent d’institutions financières soutenant l’essor économique régional : banques, sociétés de fiducie et compagnies d’assurance. Les chambres de commerce foisonnaient et se regroupèrent en fédération provinciale dès 1909. En 1935, elle comptait 49 chambres affiliées. En 1953, le Québec affichait le deuxième revenu par habitant le plus élevé au monde après les États-Unis (en excluant le reste du Canada). [5] Dans les circonstances, comment peut-on parler de « grande noirceur »?
Néanmoins, c’est pour s’attirer les votes d’une majorité montante qu’était la génération des « baby-boomers », dont les revenus étaient inférieurs vu leur jeunesse, que les politiciens de l’époque menés par Jean Lesage ont mis en place ces programmes sociaux. Ces réformes ont touché la santé, les services sociaux, l’éducation, la culture et l’interventionnisme économique, notamment par la création de la Régie des Rentes, de la Caisse de Dépôts et par la nationalisation de l’électricité sous Hydro-Québec. L’État-providence québécois n’a pratiquement pas cessé de prendre de l’expansion depuis; intervenant dorénavant dans toutes les sphères de nos vies.
Trop occupés à redistribuer la richesse qu’ils subtilisent pour mousser leur carrière, les politiciens oublient ce qui a permis de créer cette richesse au préalable : la libre coopération des individus cherchant à améliorer leur sort. Pour justifier leurs actes, ils accusent, de façon boiteuse, le capitalisme de tous les maux de la terre : inégalités, crises financières, fraude, corruption, destruction de l’environnement, etc. Ils ne se rendent pas compte que ce sont leurs interventions qui créent ces problèmes en premier lieu et que leurs interventions subséquentes visant à corriger le tir ne font qu’empirer les choses.
La marche arrière vers le vrai capitalisme libéral n’est pas une solution pour eux puisque cela signifierait une diminution de la taille de leur empire et donc de leur prestige et de leur influence, les raisons mêmes de leur implication en politique. Sans oublier le fait qu’il n’est pratiquement pas possible de se faire élire avec un programme visant la réduction de la taille de l’État puisque trop d’électeurs y perdraient au change étant dépendants d’une façon ou d’une autre de l’État.
Bien entendu, la taille de l’État a connu quelques courtes périodes de régression au cours des 30 dernières années aux États-Unis, au Canada et au Québec, sous les gouvernements de Reagan, Clinton, Chrétien et Charest. Cependant, ces brefs et timides épisodes n’ont été que des accidents de parcours et n’ont pas changé la tendance de croissance de l’État. Bien que le socialisme totalitaire ne persiste plus qu’à Cuba, en Chine et en Corée du Nord, le socialisme démocratique continue de progresser. Néanmoins, la croissance économique mondiale a grandement bénéficié de la libéralisation lente et graduelle de la Chine, de l’Inde, de la Russie, du Chili et du Brésil depuis les années ’80. Cependant, plutôt que de s’en réjouir, les pays industrialisés les perçoivent comme une menace et interviennent défavorablement à leur égard ; nuisant à la coopération économique mondiale et surtout à leur propre population.
Les programmes sociaux déresponsabilisent les individus et les rendent dépendants de l’État. Ils ne contribuent pas à éradiquer la pauvreté, mais plutôt à entretenir celle-ci. Ils détruisent la richesse et encourage le parasitisme. Comme disait le disait Bastiat : « L’État, c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde. »
Évidemment, ces programmes de dépenses, aujourd’hui gigantesques, ont dû être financés, d’abord par des taxes et impôts croissants, puis par l’endettement et la création de monnaie. Ce n’est pas pour rien que les banques centrales des États-Unis et du Canada ont été créées au début du 20esiècle, en même temps que la progression de l’État-providence. Nous avons donc observé une augmentation constante de l’endettement gouvernemental dans les pays industrialisés.
Il y a quelques décennies, cet endettement était soutenu par une croissance économique plus ou moins forte, aidée par une bonne croissance démographique, et donc par l’augmentation des recettes fiscale de l’État, mais dans les années 2000, un gros problème s’est pointé à l’horizon. Nés en 1946, les premiers baby-boomers ont fêté leur 65e anniversaire en 2010-2011 et auront atteint l’âge normal de la retraite, alors que plusieurs d’entre eux bénéficient d’une retraite anticipée. Nous observons donc une baisse de la population active et une augmentation de la population inactive. Selon le scénario de référence de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), en 2031, il y aura deux travailleurs pour un retraité. En 2001, ce ratio était de cinq travailleurs pour un retraité.
En quoi cela est-il un problème ? Si la population active diminue, la production aussi diminue, ce qui est un problème majeur pour l’État puisque ses recettes fiscales diminueront alors que ses dépenses continueront d’augmenter. En outre, les retraités sont de grands consommateurs de services sociaux, surtout en santé. Cette situation est exacerbée par les mauvais rendements des caisses de retraite ces dernières années ainsi que par les mauvais rendements boursiers durant la dernière décennie, qui ont grugé le peu d’épargne existant. D’ailleurs, au 20e siècle, les banques centrales ont créé de la monnaie à profusion pour stimuler l’économie, faisant baisser les taux d’intérêt pour encourager l’endettement au détriment de l’épargne. Le résultat est que la population est endettée et dispose de peu de fonds pour la retraite.
Devant ces faits, les programmes sociaux de l’État apparaissent insoutenables. D’ailleurs, la plupart des pays industrialisés voient leurs gouvernements rapporter des déficits budgétaires chroniques. Autrement dit, on s’endette pour payer « l’épicerie ». Le niveau d’endettement de ces pays a atteint un niveau qui donne la frousse aux marchés financiers. Nous avons vu les problèmes financiers encourus par la Grèce et plusieurs autres pays européens en 2010. Il est à prévoir que d’autres pays se retrouveront dans cette situation bientôt, incluant les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et le Québec.
Ces pays font alors face à trois choix : hausser les taxes et impôts au risque de grandement nuire à l’économie ; monétiser la dette en créant de la monnaie au risque de générer de l’hyper-inflation et de provoquer une forte hausse des taux d’intérêt qui nuirait à l’économie et aux finances de l’État ; ou réduire les dépenses au risque de se mettre les dépendants de l’État et les fonctionnaires à dos, un véritable suicide politique. Il y a fort à parier que les deux premières solutions seront considérées par les politiciens, même si cela impliquera la dilapidation du capital productif de l’économie, lequel permet de générer la richesse.
Les bénéficiaires des largesses du gouvernement que sont les fonctionnaires, les assistés sociaux et tous ces groupes de pression qui financent les campagnes des politiciens dans le but d’en soutirer des privilèges, continueront de protéger leurs acquis au détriment du reste de la population puisqu’ils détiennent l’hégémonie sur le processus électoral. L’intervention de l’État dans la sphère monétaire dans le but de maintenir une inflation positive et constante continuera d’affaiblir le pouvoir d’achat des gens et de générer de l’endettement, des bulles spéculatives et de violents cycles économiques se terminant par de terribles récessions. Depuis la crise financière de 2008, la règlementation et le protectionnisme sont aussi en forte progression dans le monde, au détriment de la liberté économique.
En somme, la progression de l’interventionnisme étatique au détriment de la liberté économique est en train d’atteindre son apogée. Le choc démographique pourrait très bien sonner le glas de l’État-providence, qui est déjà en faillite, mais quelle sera l’ampleur des dommages à notre niveau de vie d’ici là ?
La solution à cet impasse est fort simple : l’État doit se rétracter et cesser d’intervenir dans l’économie, lassant le champ libre aux créateurs de richesse.
Tout d’abord, l’État doit cesser de manipuler la monnaie et abolir la politique monétaire. Un retour à l’étalon-or ou la solution de Milton Friedman devraient être considérés. L’État doit cesser d’agir en tant que prêteur de dernier recours pour les banques, ce qui leur permet d’opérer avec de faibles réserves. De plus, les droits de propriété des déposants doivent être respectés par les banques (c’est-à-dire que les banques doivent cesser de s’approprier les dépôts à vue pour les utiliser à leur avantage). Ainsi, l’ampleur des bulles et des boums économiques serait fortement réduite et le capital cesserait d’être gaspillé à des fins non-productives.
En second lieu, l’État doit libérer le commerce international ; c’est-à-dire anéantir unilatéralement l’ensemble des mesures protectionnistes encore en vigueur. Cela aura comme impact de grandement augmenter le pouvoir d’achat de la population et de rendre nos entreprises plus compétitives.
Troisièmement, l’État doit diminuer ses dépenses de façon à pouvoir diminuer le fardeau fiscal des contribuables. Nous pourrions commencer par les dépenses militaires, qui devraient être strictement limitées à la défense préventive du pays. L’élimination totale des subventions aux entreprises serait aussi de mise.
Évidemment, il faudrait aussi que l’État réduise l’ampleur de sa dispendieuse bureaucratie. Une bonne façon d’y parvenir serait par la privatisation de certains services publics. Les entreprises privées sont motivées par le profit, ce qui implique qu’elles ne peuvent pas se permettre d’entretenir une trop lourde bureaucratie. La bureaucratie est présentement omniprésente dans les systèmes de santé et d’éducation du Québec, alors que ces ministères accaparent la part du lion des dépenses du gouvernement. Notez que le financement public de ces services n’implique pas nécessairement que la prestation du service doive aussi être publique.
L’autre façon de réduire la bureaucratie est de réduire la règlementation excessive qui non seulement constitue une entrave à des échanges volontaires entre individus consentants et crée des distorsions néfastes, mais nuit aussi au dynamisme de l’économie et donc à notre niveau de vie. La règlementation du marché du travail devrait notamment être allégée et le pouvoir excessif des syndicats réduit.
Finalement, les programmes sociaux devraient être simplifiés et réduits de façon à maintenir un certain « filet de sécurité » pour les moins bien nantis sans toutefois entretenir une classe parasitaire et influencer le comportement des individus. À cet égard, le revenu minimum du citoyen ou l’impôt négatif sont des solutions à considérer.
Ces réductions de dépenses pourraient être utilisées pour réduire les taxes et impôts. Une bonne partie de cette réduction du fardeau fiscal serait réinvestie dans le capital productif de l’économie à travers l’épargne, contribuant ainsi à augmenter notre niveau de vie. L’introduction d’un taux d’imposition fixe serait aussi souhaitable, de façon à ne plus décourager la prise de risque, le travail et l’excellence, de même qu’une simplification de la loi de l’impôt.
La démocratie est malade. Nous sommes menés par des politiciens corrompus qui dispose de plus de pouvoir que jamais au cours des 150 dernières années. Ils abusent constamment de leur pouvoir, menés par des groupes de pression qui font passer leurs intérêts au détriment de ceux de la population. Le système politique est complètement monopolisé par des socialistes de gauche et des socialistes de droite, qui croient que le gouvernement est la solution à tous nos problèmes alors que le gouvernement EST le problème ; par des partis biens financés qui dilapident l’argent des contribuables pour acheter les clientèles électorales nécessaires à garder le pouvoir. La démocratie est en train de devenir une forme de viol collectif dans lequel les violeurs, qui sont en majorité, n’ont que faire des objections de la pauvre victime, les simples contribuables.
Alexis de Tocqueville l’expliquait déjà dans De la Démocratie en Amérique, publié en 1835. Dans cette oeuvre célèbre, il fait l’analyse de la démocratie aux États-Unis, ce jeune pays libre regorgeant d’entrepreneurs dynamiques et individualistes : « La république américaine durera jusqu’au jour ou le Congrès découvrira qu’il peu corrompre le public avec l’argent du public. »
Le confort relatif qui a rendu la population indifférente à cette problématique n’est pas là pour rester. Il est impératif que la population réalise que nous sommes bien engagés sur la route de la servitude et de la pauvreté.
Notes :
[1] « Estimating world GDP, one million B.C. to present », Bradford DeLong, University of California, Berkeley.
[2] “An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations”, Adam Smith, 1776.
[3] « The Welfare State and the Promise of Protection”, Robert Higgs, Mises Institute, 24 août 2009.
[4] « What’s Really Wrong with the Healthcare Industry”, Vijay Boyapati, Mises Institute, 26 mai 2010.
[5] « La Révolution Tranquille, Rupture ou Tournant? », Jacques Rouillard, Journal of Canadian Studies/Revue d’études canadiennes, vol. 32, 4 (hiver 1998), p. 23-51.
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