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International Civil Liberties

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The International Civil Liberties Alliance is a project of the Center for Vigilant Freedom Inc.  We are an international network of groups and individuals from diverse backgrounds, nationalities and cultures who strive to defend civil liberties, freedom of expression and constitutional democracy.

We aim to promote the secular rule of law, which we believe to be the basis of harmony and mutual respect between individuals and groups in the increasingly globalised world, and to draw attention to efforts to subvert it.  We believe in equality before the law, equality between men and women, and the rights of the individual and are open to participation by all people who respect these principles.

We believe that freedom of speech is the essential prerequisite for free and just societies, secular law, and the rights of the individual.

We are committed to building and participating in coalitions in all parts of the world to effect significant progress in protecting rights of the individual which are sadly being eroded in many countries including those in the West.


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The Center for Vigilant Freedom

11 avril 2011 1 11 /04 /avril /2011 15:59
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Le JIHAD est un crime contre l'humanité
Article 7
CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ

1.   Aux fins du présent Statut, on entend par crime contre l'humanité l'un des actes ci-après commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile et en connaissance de cette attaque :

  a) Meurtre;

  b) Extermination;

  c) Réduction en esclavage;

  d) Déportation ou transfert forcé de population;

  e) Emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international;

  f) Torture;

  g) Viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée et toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable;

  h) Persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d'ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste au sus du paragraphe 3, ou en fonction d'autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en corrélation avec tout acte visé dans le présent paragraphe ou tout crime relevant de la compétence de la Cour;

  i) Disparitions forcées;

  j) Apartheid;

  k) Autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l'intégrité physique ou à la santé physique ou mentale.


2  Aux fins du paragraphe 1 :

  a) Par attaque lancée contre une population civile, on entend le comportement qui consiste à multiplier les actes visés au paragraphe 1 à l'encontre d'une population civile quelconque, en application ou dans la poursuite de la politique d'un État ou d'une organisation ayant pour but une telle attaque;

  b) Par extermination, on entend notamment le fait d'imposer intentionnellement des conditions de vie, telles que la privation d'accès à la nourriture et aux médicaments, calculées pour entraîner la destruction d'une partie de la population;

  c) Par réduction en esclavage, on entend le fait d'exercer sur une personne l'un ou l'ensemble des pouvoirs liés au droit de propriété, y compris dans le cadre de la traite des être humains, en particulier des femmes et des enfants à des fins d'exploitation sexuelle;

  d) Par déportation ou transfert forcé de population, on entend le fait de déplacer des personnes, en les expulsant ou par d'autres moyens coercitifs, de la région où elles se trouvent légalement, sans motifs admis en droit international;

  e) Par torture, on entend le fait d'infliger intentionnellement une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, à une personne se trouvant sous sa garde ou sous son contrôle; l'acception de ce terme ne s'étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légales, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles;

  f) Par grossesse forcée, on entend la détention illégale d'une femme mise enceinte de force, dans l'intention de modifier la composition ethnique d'une population ou de commettre d'autres violations graves du droit international. Cette définition ne peut en aucune manière s'interpréter comme ayant une incidence sur les lois nationales relatives à l'interruption de grossesse;

  g) Par persécution, on entend le déni intentionnel et grave de droits fondamentaux en violation du droit international, pour des motifs liés à l'identité du groupe ou de la collectivité qui en fait l'objet;

  h) Par apartheid, on entend des actes inhumains analogues à ceux que vise le paragraphe 1, commis dans le cadre d'un régime institutionnalisé d'oppression systématique et de domination d'un groupe racial sur tout autre groupe racial ou tous autres groupes raciaux et dans l'intention de maintenir ce régime;

  i) Par disparitions forcées, on entend les cas où des personnes sont arrêtées, détenues ou enlevées par un État ou une organisation politique ou avec l'autorisation, l'appui ou l'assentiment de cet État ou de cette organisation, qui refuse ensuite d'admettre que ces personnes sont privées de liberté ou de révéler le sort qui leur est réservé ou l'endroit où elles se trouvent, dans l'intention de les soustraire à la protection de la loi pendant une période prolongée.

 

3.  Aux fins du présent Statut, le terme sexe s'entend de l'un et l'autre sexes, masculin et féminin, suivant le contexte de la société. Il n'implique aucun autre sens.

 

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/3/30/Flag_of_Jihad.svg/800px-Flag_of_Jihad.svg.png
 

L'intervention de VV&D en vidéo
 

 

 

 

9 Avril 2011, la France face à une provocation islamique

 

Un groupuscule islamique en recherche de notoriété organise une manifestation à Paris sur la place de la Nation pour protester contre la loi d'interdiction du voile intégral. Des organisations extémistes venant d'Angleterre et de Belgique annoncent leur soutien et leur présence lors de la manifestation du 9 Avril.

 

france-20flyer-20front.jpg

 

 

Vous pouvez remarquer le logo de la France recouverte par le drapeau noir du Jihad, symbole de guerre et de haine envers les non-Musulmans.

 

Ces drapeaux apparaissent de plus en plus régulièrement dans les rues d'Europe mais ils sont encore une nouveauté en France.

 

Profitant de l'ignorance des services de Police et de l'inertie des pouvoirs publics, les adeptes de la Charia pensent pouvoir encore une fois défier la France et humilier les mécréants.

 

Mauvais calcul...

 

Cette fois-ci les défenseurs de la Liberté ont décidé d'agir !

 

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8 avril 2011 5 08 /04 /avril /2011 17:35

 

La philosophie: qui en a besoin

 

Ayn Rand


l'Académie Militaire des États-Unis à West Point

Discours donné à la classe diplômée de

New York — 6 mars 1974


Puisque que je suis un auteur de fiction, commençons par une toute petite nouvelle. Supposons que vous êtes un astronaute qui avez perdu le contrôle de votre vaisseau spatial, et vous écrasez sur une planète inconnue. Quand vous reprendrez vos esprits, et après avoir vérifié que vous n'avez pas de blessure grave, les trois premières questions à vous venir à l'esprit seront sans doute: Où suis-je? Comment le découvrir? Que dois-je faire?

Dehors, vous voyez une végétation peu familière, et il y a de l'air respirable; la lumière du soleil vous semble plus pâle que dans vos souvenirs, et plus froide. Vous levez la tête pour observer le ciel, mais vous arrêtez. Vous êtes frappé par un sentiment soudain: si vous ne regardez pas, vous n'aurez pas à savoir que vous êtes, peut-être, trop loin de la terre et que tout retour est impossible; tant que vous ne le saurez pas, vous serez libre de croire ce que bon vous semble — et vous ressentez un certain espoir, vague, agréable mais quelque peu coupable.

Vous vous tournez vers vos instruments: ils sont peut-être endommagés, vous ne savez pas à quel point. Mais vous vous arrêtez, frappé par une peur soudaine: Comment pouvez-vous faire confiance à vos instruments? Comment pouvez-vous être sûr qu'ils ne vont pas vous tromper? Comment pouvez-vous savoir s'ils fonctionnent dans un monde différent? Vous vous détournez de vos instruments.

Maintenant vous commencez à vous demander pourquoi vous n'avez aucune envie de faire quoique ce soit. Il est tellement plus rassurant d'attendre que quelque chose survienne d'une manière ou d'une autre; il vaut mieux, vous dîtes-vous, ne pas trop bouger pour éviter de faire tanguer le vaisseau. Au loin, vous voyez des espèces d'êtres vivants qui s'approchent; vous ne savez pas s'ils sont humains, mais ils se déplacent sur deux jambes. Vous décidez de vous en remettre à eux pour savoir quoi faire.

On n'entend plus jamais parler de vous.

Voici une histoire purement imaginaire, vous direz-vous. Vous ne vous conduiriez pas ainsi, et aucun astronaute ne le ferait jamais non plus. Peut-être pas. Mais c'est de cette façon que la plupart des hommes vivent leur vie, ici, sur terre.

La plupart des hommes passent leurs jours à tout faire pour éviter trois questions, dont les réponses servent de fondation à toute pensée, tout sentiment, toute action de tout homme, qu'il en soit conscient ou qu'il n'en soit pas conscient: Où suis-je? Comment le sais-je? Que dois-je faire?

Quand ils atteignent l'âge où ils sont capables de répondre à ces questions, les hommes croient qu'ils connaissent les réponses. Où suis-je? Disons, à New York. Comment le sais-je? C'est une évidence. Que dois-je faire? Là, ils ne sont pas trop sûrs, mais la réponse habituelle est: faire comme tout le monde. Le seul problème semble être qu'ils ne sont pas très actifs, pas très confiants, pas très heureux, et qu'ils ressentent parfois une peur qui n'a pas de cause précise et une culpabilité qui n'a pas d'objet défini, qu'ils ne peuvent pas expliquer, et dont ils ne peuvent pas se débarrasser.

Ils n'ont jamais découvert le fait que le problème vient des trois questions laissées sans réponse — et qu'il n'y a qu'une seule science qui puisse apporter ces réponses: la philosophie.

La philosophie étudie la nature fondamentale de l'existence, de l'homme, et de la relation de l'homme à l'existence. À l'opposé des sciences particulières, qui ne se préoccupent que d'aspects particuliers, la philosophie se préoccupe de ces aspects de l'univers qui touchent tout ce qui existe. Dans le domaine de la cognition, les sciences particulières sont les arbres, mais la philosophie est le terreau sur lequel pousse la forêt.

La philosophie ne vous dira pas, par exemple, si vous êtes à New York ou à Zanzibar (par contre, elle vous donnera le moyen de le découvrir). Mais voici ce qu'elle peut vous dire: êtes-vous dans un univers qui est régi par des lois naturelles et, par conséquent, est stable, fixe, absolu — et connaissable? Ou êtes-vous dans un chaos incompréhensible, le domaine de miracles inexplicables, un flot imprévisible, inconnaissable, que votre esprit est incapable de saisir? Les choses autour de vous sont-elles réelles — ou ne sont-elles qu'une illusion? Existent-elles indépendamment de tout observateur — où sont-elles créées par l'observateur? Sont-elles l'objet ou le sujet de la conscience humaine? Sont-elles ce qu'elles sont — ou peuvent-elles être changées par un simple acte de votre conscience, tel qu'un souhait?

La nature de vos actions — et de votre ambition — sera différente, selon l'ensemble de réponses que vous aurez fait vôtre. Ces réponses constituent la province de la métaphysique — l'étude de l'existence en tant que telle ou, pour reprendre les mots d'Aristote, de « l'être en tant que tel » — la première branche de la philosophie.

Quelle que soit la conclusion à laquelle vous parveniez, vous serez confrontés à la nécessité de répondre à une autre question, corollaire: Comment le sais-je? L'homme n'étant pas omniscient ni infaillible, vous devez découvrir ce que vous pouvez prétendre savoir et la façon d'établir la validité de vos conclusions. L'homme acquiert-il la connaissance par un processus rationnel — ou par révélation soudaine de par une puissance surnaturelle? Est-ce que la raison est la faculté qui identifie et intègre la matière fournie par les sens de l'homme — ou se nourrit-elle d'idées innées, implantées dans l'esprit de l'homme avant sa naissance? La raison est-elle compétente pour percevoir la réalité — ou l'homme possède-t-il quelqu'autre faculté cognitive qui est supérieure à la raison? L'homme peut-il atteindre la certitude — ou est-il condamné au doute perpétuel?

La mesure de votre confiance en vous-même — et de votre succès — variera, selon l'ensemble de réponses que vous aurez fait vôtre. Ces réponses constituent la province de l'épistémologie, la théorie de la connaissance, qui étudie les moyens de cognition de l'homme.

Ces deux branches sont la fondation théorique de la philosophie. La troisième branche — l'éthique — peut être considérée comme sa technologie. L'éthique ne s'applique pas à tout ce qui existe, seulement à l'homme, mais s'applique à tous les aspects de la vie de l'homme: son caractère, ses actions, ses valeurs, sa relation à l'ensemble de l'existence. L'éthique, ou la morale, définit un code de valeurs pour guider les choix et les actions de l'homme — les choix et les actions qui déterminent le cours de sa vie.

De même que l'astronaute de mon histoire ne savait pas ce qu'il devait faire, parce qu'il refusait de savoir où il était et comment le découvrir, de même vous ne pouvez pas savoir ce que vous devez faire tant que que vous ne connaissez pas la nature de l'univers auquel vous avez à faire, la nature de vos moyens de cognition — et votre propre nature. Avant d'en venir à l'éthique, vous devez répondre aux questions posées par la métaphysique et l'épistémologie: l'homme est-il un être rationnel, capable d'affronter la réalité — ou est-il un handicapé incurablement aveugle, une brindille emportée par le flux universel? Est-ce que l'accomplissement et l'assouvissement sont possibles pour l'homme sur terre — ou est-il condamné à l'échec et l'insatisfaction? Selon vos réponses, vous pouvez procéder à la considération des questions posées par l'éthique: qu'est-ce qui est bon ou mauvais pour l'homme — et pourquoi? Le premier souci de l'homme doit-il être une quête de la joie — ou un échappatoire à la souffrance? Un homme doit-il tenir l'accomplissement de soi — ou l'auto-destruction — comme but de sa vie? Un homme doit-il poursuivre ses valeurs — ou doit-il placer l'intérêt d'autrui par-dessus le sien propre? Un homme doit-il poursuivre le bonheur — ou rechercher son propre sacrifice?

Je n'ai pas besoin de préciser les différences de conséquences en ces deux ensembles de réponses. Vous pouvez les voir partout — en vous-même et autour de vous.

Les réponses fournies par l'éthique déterminent la façon dont un homme doit traiter les autres hommes, et constituent ainsi la quatrième branche de la philosophie: la politique, qui définit les principes d'un système social correct. Pour illustrer la fonction de la philosophie, la philosophie politique ne vous dira pas combien d'essence rationnée doit être distribuée et en quel jour de la semaine — elle vous dira si le gouvernement a le droit d'imposer quelque rationnement sur quoi que ce soit.

La cinquième et dernière branche de la philosophie est l'esthétique, l'étude de l'art, qui se fonde sur la métaphysique, l'épistémologie et l'éthique. L'art s'occupe des besoins — le réapprovisionnement — de la conscience de l'homme.

Maintenant, d'aucuns parmi vous diront, comme disent de nombreuses personnes: « Oh, je ne pense jamais en de tels termes abstraits — je veux m'occuper de problèmes réels, particuliers, concrets — à quoi bon me soucier de philosophie? » Ma réponse est: pour être capable de s'occuper de problèmes réels, particuliers, concrets — c'est-à-dire, pour être capable de vivre sur terre.

Vous pourrez affirmer — comme le font la plupart des gens — que vous n'avez jamais été influencé par la philosophie. Je voudrais mettre en doute cette affirmation. Avez-vous jamais pensé ou dit l'une des choses suivantes? « Ne soyez pas si sûr — on ne peut jamais être certain de rien. » Vous avez reçu cette idée de David Hume (et de bien, bien d'autres), même si vous n'avez jamais entendu parler de lui. Ou: « C'était une action méprisable, mais c'est humain, personne n'est parfait en ce bas-monde. » Vous l'avez reçu de Saint Augustin. Ou: « C'est peut-être vrai pour vous, mais ce n'est pas vrai pour moi. » Vous l'avez reçu de William James. Ou: « Je n'ai pas pu m'en empêcher! Personne ne peut s'empêcher de faire ce qu'il fait. » Vous l'avez reçu de Hegel. Ou: « Je ne peux pas le prouver, mais je sens que c'est vrai. » Vous l'avez reçu de Kant. Ou: « C'est logique, mais la logique n'a rien à faire avec la réalité. » Vous l'avez reçu de Kant. Ou: « C'est mal, parce que c'est égoïste. » Vous l'avez reçu de Kant. Avez-vous jamais entendu des activistes modernes dire: « Agir d'abord, penser ensuite »? Ils ont reçu cette idée de John Dewey.

D'aucuns pourront répondre: « Bien sûr, j'ai dit ces choses à un moment ou un autre, mais je n'ai pas besoin de croire ces choses tout le temps. Ça peut avoir été vrai hier, mais ce n'est pas vrai aujourd'hui. » Ils ont reçu cette idée de Hegel. Ils pourront dire: « La cohérence est le démon des esprits mesquins. » [1] Ils l'ont reçu d'un esprit particulièrement mesquin, Emerson. Ils pourront dire: « Mais ne peut-on pas faire des compromis et emprunter différentes idées à diverses philosophies selon les convenances du moment? » Ils l'ont reçu de Richard Nixon [2] — qui l'a reçu de William James.

Maintenant demandez-vous: si vous n'êtes pas intéressés aux idées abstraites, pourquoi vous sentez-vous (comme tous les hommes) forcés d'y faire appel? Le fait est que les idées abstraites sont des intégrations conceptuelles qui reprennent un nombre incalculables de choses concrètes — et que sans ces idées abstraites vous ne seriez pas capables de traiter de problèmes réels, particuliers, concrets. Vous seriez dans la situation d'un nouveau né, pour qui chaque objet est un phénomène unique, sans précédent. La différence entre son état mental et le vôtre réside dans le nombre d'intégrations conceptuelles que votre esprit a effectuées.

Vous n'avez pas le choix quant à la nécessité d'intégrer vos observations, vos expériences, votre savoir en idées abstraites, c'est-à-dire, en principes. Votre seul choix est entre des principes vrais ou faux, qui représentent vos convictions rationnelles, conscientes — ou un tas informe de notions prises au hasard, dont les sources, la validité, le contexte et les conséquences vous sont inconnus, des idées que, le plus souvent, vous abandonneriez bien vite si vous saviez.

Mais les principes que vous acceptez (consciemment ou inconsciemment) peuvent entrer en conflit ou se contredire l'un l'autre; eux aussi doivent être intégrés. Qu'est-ce qui les intègre? La philosophie. Un système philosophique est une vue intégrée sur l'existence. En tant qu'être humain, vous n'avez pas le choix quant au fait que vous avez besoin d'une philosophie. Votre seul choix est entre définir votre philosophie par un processus de pensée conscient, rationnel, discipliné et par une délibération scrupuleusement logique — ou de laisser votre subconscient accumuler un tas d'ordure de conclusions infondées, de fausses généralisations, de contradictions indéfinies, de slogans non digérés, de vœux non identifiés, de doutes et de peurs, rassemblés au hasard, mais intégrés par votre subconscient en une sorte de philosophie bâtarde et fusionnés en un seul poids écrasant: le doute de soi, comme une chaîne et un boulet là où les ailes de votre esprit auraient dû pousser.

Vous pourrez dire, comme de nombreuses personnes, que ce n'est pas toujours facile d'agir selon des principes abstraits. Non, ce n'est pas facile. Mais n'est-il pas beaucoup plus difficile d'agir selon ces principes sans savoir desquels il s'agit?

Votre subconscient est comme un ordinateur — plus complexe que tout ordinateur que les hommes peuvent construire — et sa fonction principale est l'intégration de vos idées. Qui le programme? Votre esprit conscient. Si vous laissez faire, si vous n'atteignez aucune conviction ferme, votre subconscient est programmé au hasard — et vous vous livrez au pouvoir d'idées que vous avez acceptées sans le savoir. Mais d'une façon ou d'une autre, votre ordinateur vous donne des sorties, tous les jours et toutes les heures, sous la forme d'émotions — qui sont les estimations instantanées du monde qui vous entoure, calculées selon vos valeurs. Si vous avez programmé votre ordinateur par une pensée consciente, vous connaissez la nature de vos valeurs et de vos émotions. Sinon, vous ne la connaissez pas.

Nombreux sont ceux, surtout de nos jours, qui prétendent que l'homme ne peut pas vivre de la seule logique, qu'il faut considérer l'élément émotionnel de sa nature, et qu'ils font confiance à leurs émotions pour les guider. Eh bien, ainsi le faisait l'astronaute de mon histoire. D'où sa perte — et d'où la leur: les valeurs et les émotions d'un homme sont déterminées par sa vue fondamentale de l'existence. Le programmeur ultime de son subconscient est la philosophie — la science qui, selon les émotionnalistes, est incapable d'affecter ou de pénétrer les mystères ténébreux de leurs sentiments.

La qualité des sorties d'un ordinateur est déterminées par la qualité de ses entrées. Si votre subconscient est programmé au hasard, ses sorties auront un caractère en conséquence. Vous avez probablement entendu parler de ce terme éloquent des informaticiens, « GIGO », — qui veut dire « garbage in, garbage out », n'importe quoi en entrée, n'importe quoi en sortie. La même formule s'applique à la relation entre les pensées et les émotions d'un homme.

Un homme qui se laisse diriger par ses émotions est comme un homme dirigé par un ordinateur dont il ne sait pas lire les résultats en sortie. Il ne sait pas si sa programmation est vraie ou fausse, bonne ou mauvaise, si elle le mène au succès ou à la destruction, si elle sert ses propres buts ou ceux d'une puissance maligne inconnue. Il est aveugle de deux façons: aveugle au monde autour de lui et à son propre monde intérieur, incapable de saisir la réalité et ses propres motivations, et il éprouve une terreur chronique pour l'une comme pour les autres. Les émotions ne sont pas des moyens de cognition. Les hommes qui ne se soucient pas de philosophie sont ceux qui en ont le plus besoin: ils sont le plus sûrement en son pouvoir.

Les hommes qui ne se soucient pas de philosophie absorbent ses principes dans l'atmosphère culturelle ambiante — les écoles, les universités, les livres, les magazines, les journaux, le cinéma, la télévision, etc. Qui donne le ton de la culture? Une petite poignée d'hommes: les philosophes. Les autres suivent, soit par conviction, soit par absence de conviction. Depuis à peu près deux siècles, sous l'influence d'Emmanuel Kant, la tendance dominante de la philosophie a été dirigée dans un seul but: la destruction de l'esprit humain, de la confiance de l'homme en le pouvoir de la raison. Aujourd'hui, nous pouvons voir cette tendance à son zénith.

Quand les hommes abandonnent la raison, il s'aperçoivent non seulement que leurs émotions ne peuvent pas les guider, mais qu'ils ne savent plus éprouver qu'une seule émotion: la terreur. La diffusion de l'addiction à la drogue parmi les jeunes gens élevés dans les modes intellectuelles du jour, démontre l'insupportable état intérieur d'hommes qui sont privés de leurs moyens de cognition et qui cherchent à s'évader de la réalité — de la terreur de leur propre incapacité à affronter l'existence. Observez l'effroi chez ces jeunes gens à l'idée d'indépendance et leur désir frénétique de « faire partie », de s'attacher à quelque groupe, clique ou gang. La plupart d'entre eux n'a jamais entendu parler de philosophie, mais ils sentent qu'ils ont besoin de certaines réponses fondamentales aux questions qu'ils n'osent pas poser — et ils espèrent que la tribu leur dira comment vivre. Ils sont prêts à se laisser diriger par le premier guérisseur, gourou ou dictateur venu. Une des choses les plus dangereuses qu'un homme puisse faire est d'abandonner son autonomie morale au soin d'autrui: comme l'astronaute de mon histoire, il se sait pas si ces autres sont humains, même s'ils marchent sur deux jambes.

Maintenant, vous demanderez peut-être: Si la philosophie peut être si vicieuse, pourquoi l'étudier? En particulier, pourquoi devrions-nous étudier ces théories philosophiques qui sont évidemment fausses, qui n'ont aucun sens, et qui n'ont aucun rapport avec la vie réelle?

Ma réponse est: pour votre propre défense, — et pour la défense de la vérité, de la justice, de la liberté, et de toute valeur que vous avez jamais tenue en estime ou tiendrez jamais en estime.

Toutes les philosophies ne sont pas mauvaises, bien que de trop nombreuses le sont, surtout dans l'histoire moderne. D'un autre côté, à l'origine de tout accomplissement de la civilisation, comme la science, la technologie, le progrès, la liberté, — à l'origine de toutes les valeurs dont nous jouissons aujourd'hui, y compris la naissance de ce pays — vous trouverez l'accomplissement d'un seul homme, qui a vécu plus de deux mille ans auparavant: Aristote.

Si vous ne ressentez que de l'ennui en lisant les théories pratiquement inintelligibles de certains philosophes, vous avez toute ma sympathie. Mais si vous les rejetez négligemment, en disant: « pourquoi devrais-je étudier ces choses quand je sais que ce sont des absurdités? » — vous vous trompez. Ce sont des absurdités, mais vous ne le savez pas — pas tant que vous continuez d'accepter leurs conclusions, et tous les slogans vicieux produits par ces philosophes. Et pas tant que vous n'êtes pas en mesure de les réfuter.

Ces absurdités concernent les questions les plus cruciales de l'existence de l'homme, des questions de vie ou de mort. À la base de toute théorie philosophique importante, il y a une question légitime — au sens qu'il y a un besoin authentique de la conscience de l'homme, que certaines théories s'efforcent de clarifier, cependant que d'autres s'efforcent de les obscurcir, de les corrompre, d'empêcher l'homme de jamais les découvrir. La bataille des philosophes est une bataille pour l'esprit de l'homme. Si vous ne comprenez pas leurs théories, vous êtes vulnérables aux pires d'entre elles.

La meilleure façon d'étudier la philosophie est de l'approcher comme une enquête policière: suivre chaque piste, indice et implication, de façon à découvrir qui est un meurtrier et qui est un héros. Le critère de l'enquête est dans ces deux questions: Pourquoi? et Comment? Si une thèse donnée semble juste — pourquoi? Si une autre thèse semble fausse — pourquoi? et comment y a-t-on fait croire? Vous ne trouverez pas toutes les réponses tout de suite, mais vous acquerrez un talent appréciable: la capacité à penser en termes de l'essentiel.

Rien n'est donné automatiquement à l'homme, ni la connaissance, ni la confiance en soi, ni la sérénité intérieure, ni la bonne façon d'utiliser son esprit. Chaque valeur dont il a besoin ou qu'il désire doit être découverte, apprise et acquise — même la bonne posture de son corps. Dans ce contexte, je dois dire que j'ai toujours admiré la posture des diplômés de West Point, une posture qui projette l'homme en avant par un contrôle fier et discipliné de son corps. Eh bien, la pratique philosophique donne à l'homme la bonne posture intellectuelle — un contrôle fier et discipliné de son esprit.

Dans votre propre profession, dans la science militaire, vous connaissez l'importance de suivre l'évolution des armes, stratégies et tactiques de l'ennemi — et d'être prêt à les contrer. La même chose est vraie en philosophie: vous devez comprendre les idées de l'ennemi, et être prêts à les réfuter, vous devez connaître ses arguments fondamentaux et être capable de les anéantir.

Dans une guerre physique, vous n'enverriez pas vos hommes sur une mine: vous feriez tous les efforts pour découvrir son emplacement. Eh bien, le système de Kant est la mine la plus grande et la plus élaborée dans l'histoire de la philosophie — mais il est tellement plein de trous que quand vous avez compris son truc , vous pouvez le désamorcer sans problème et avancer par dessus en toute sécurité. Et une fois que vous l'avez désamorcé, les Kantiens de second ordre — les sous-officiers de son armée, les sergents, deuxièmes classes et mercenaires philosophiques d'aujourd'hui — s'écrouleront sous leur propre vacuité, par réaction en chaîne.

Il y a une raison particulière pour laquelle vous, les futurs dirigeants de l'Armée des États-Unis, avez besoin d'être armés philosophiquement aujourd'hui. Vous êtes la cible d'une attaque particulière par l'establishment Kantien-Hegelien-collectiviste qui domine nos institutions culturelles à notre époque. Vous êtes l'armée du dernier pays semi-libre qui reste sur terre, et pourtant vous êtes accusés d'être un outil de l'impérialisme — et « impérialisme » est le nom donné à la politique étrangère de ce pays, qui ne s'est jamais engagé dans la conquête militaire et n'a jamais profité de deux guerres mondiales, qu'il n'a jamais initiées, mais dans lesquelles il s'est engagé et a vaincu. (C'était, soit dit en passant, une politique stupide par sa générosité exagérée, qui a fait que ce pays a gâché ses richesses à aider ses anciens ennemis autant que ses anciens alliés.) Une chose appelée « le complexe militaro-industriel » — qui est un mythe ou pire — est accusée d'être responsable de tous les problèmes de ce pays. La racaille brutale des universités vocifère ses exigences que les unités de formation d'officiers de réserve soient expulsées des campus universitaires. Le budget de notre défense est attaqué, dénoncé et coupé par des gens qui prétendent que la priorité financière devrait être donnée à des jardins de roses écologiques et à des classes d'expression esthétique pour les résidents des bas quartiers.

Certains parmi vous sont sans doute interloqués par cette campagne et se demandent, en toute bonne foi, quelles erreurs vous avez commises pour la susciter. Si c'est le cas, alors il est d'une importance urgente que vous compreniez la nature de l'ennemi. Vous êtes attaqués, non pour vos erreurs ou vos défauts, mais pour vos vertus. Vous êtes dénoncés, non pour vos faiblesses, mais pour votre force et votre compétence. Vous êtes pénalisés parce que vous êtes les protecteurs des États-Unis. À un niveau moindre du même problème, une campagne similaire est menée contre les forces de police. Ceux qui veulent détruire ce pays, cherchent à le désarmer — intellectuellement et physiquement. Mais ce n'est pas une simple affaire de politique: la politique n'est pas la cause, mais la conséquence dernière des idées philosophiques. Il ne s'agit pas d'une conjuration communiste, même si des communistes sont impliqués — comme les asticots qui profitent d'un désastre qu'ils n'ont pas le pouvoir de provoquer. Le motif des destructeurs n'est pas l'amour du communisme, mais la haine de l'Amérique. Pourquoi une telle haine? Parce que l'Amérique est la réfutation vivante de l'univers Kantien.

De nos jours, le souci mièvre et la compassion pour les faibles, les handicapés, les souffrants, les coupables, est un masque pour la haine Kantienne profonde de l'innocent, du fort, du capable, du couronné de succès, du vertueux, du confiant, de l'heureux. Une philosophie qui cherche à détruire l'esprit de l'homme est nécessairement une philosophie de haine envers l'homme, envers la vie de l'homme, et envers toute valeur humaine. La haine envers le bien parce qu'il est bien, est la marque distinctive du vingtième siècle. Voilà l'ennemi que vous affrontez.

Une bataille de ce genre demande des armes particulières. Elle doit être menée avec une pleine compréhension de votre cause, une pleine confiance en vous-même, et la plus grande certitude de la justesse morale de l'une et de l'autre. Seule la philosophie peut vous fournir ces armes.

La mission que je me suis donnée pour ce soir n'est pas de vous faire vous intéresser à ma philosophie, mais à la philosophie en tant que telle. J'ai, cependant, parlé implicitement de ma philosophie à chaque phrase — car aucun d'entre nous et aucune de nos affirmation ne peut échapper à nos prémisses philosophiques. Quel est mon intérêt égoïste en cette affaire? Je suis assez confiante pour penser que si vous acceptez l'importance de la philosophie et de la tâche de l'examiner avec un esprit critique, c'est ma philosophie que vous viendrez à accepter. Formellement, je l'appelle l'Objectivisme, mais informellement, je l'appelle une philosophie pour vivre sur terre. Vous en trouverez une présentation explicite dans mes livres, et tout particulièrement dans Atlas Shrugged [3].

En conclusion, permettez-moi de parler en termes personnels. Cette soirée a une grande signification pour moi. Je suis profondément honorée par cette opportunité de parler devant vous. Je peux dire — non pas comme un poncif patriotique, mais avec une pleine connaissance des fondements métaphysiques, épistémologiques, éthiques, politiques et esthétiques — que les États-Unis d'Amérique sont le plus grand, le plus noble et, dans ses principes fondateurs originels, le seul pays moral dans l'histoire du monde. Il y a une sorte de rayonnement serein associé dans mon esprit au nom de West Point — parce vous avez préservé l'esprit de ces principes fondateurs originaux et vous en êtes le symbole. Il y avait des contradictions et des omissions dans ces principes, et il y en a peut-être en vous — mais je parle de l'essentiel. Il y a sans doute eu dans votre histoire des individus qui ne se sont pas montré à la hauteur de vos standards élevés — comme il y en a dans toutes les institutions — puisque qu'aucune institution et aucun système social ne peut garantir la perfection automatique de tous ses membres; elle dépend du libre arbitre de chaque individu. Je parle de vos standards. Vous avez préservé trois qualités de caractère qui étaient typiques au temps de la naissance de l'Amérique, mais qui font cruellement défaut de nos jours: l'ardeur — la persévérance — et le sens de l'honneur. [4] L'honneur est le respect de soi-même rendu visible dans l'action.

Vous avez choisi de risquer vos vies pour la défense de ce pays. Je ne vous insulterai pas en disant que vous vous êtes consacrés à un service désintéressé — ce n'est pas une vertu selon ma moralité. Selon ma moralité, la défense de son pays signifie qu'un homme refuse personnellement de vivre comme l'esclave conquis d'aucun ennemi, étranger ou domestique. Voilà une vertu énorme. Certains parmi vous n'en êtes peut-être pas pleinement conscient. Je veux vous aider à vous en rendre compte.

L'armée d'un pays libre a une grande responsabilité: le droit d'utiliser la force, mais non pas comme un instrument de compulsion et de conquête brutale — comme les armées des autres pays l'on fait dans leur histoire — seulement comme un instrument de l'auto-défense d'une nation libre, ce qui signifie: la défense des droits individuels de l'homme. Le principe de l'emploi de la force seulement en réponse à ceux qui initient son utilisation, est le principe de subordination de la force au droit. La plus haute intégrité et le plus grand sens de l'honneur sont requis pour une telle tâche. Aucune autre armée au monde n'y est arrivé. Vous, si.

West Point a donné à l'Amérique une longue lignée de héros, connus et inconnus. Vous, les diplômés de cette année, avez une tradition glorieuse à porter — ce que j'admire profondément, non pas parce qu'il s'agit d'une tradition, mais parce qu'elle est glorieuse.

Comme je viens d'un pays coupable de la pire tyrannie sur terre, je suis tout spécialement capable d'apprécier le sens, la grandeur et la valeur suprême de ce que vous défendez. Aussi, en mon propre nom et au nom de nombreuses personnes qui pensent comme moi, je voudrais dire, à tous les hommes de West Point, passés, présents et futurs: Merci.


Notes

[1]: Traduction tentative d'une formule répandue aux États-Unis: « Consistency is the hobgoblin of little minds. » (Note du traducteur)

[2]: Nixon était alors président des États-Unis, et englué dans l'affaire du « Watergate ». (Note du traducteur)

[3]: Atlas Shrugged, publié en 1957, est l'œuvre ultime d'Ayn Rand en tant que romancière, après quoi elle n'a écrit que des essais. Il n'est toujours pas traduit en français, Ayn Rand ayant à l'époque répudié un projet de traduction. Il existe actuellement un projet pour compléter une traduction de cette œuvre monumentale, mais même s'il aboutit, rien ne sera disponible en librairie avant de nombreux mois voire des années. Le roman, dont le titre pourrait être traduit en « Atlas laisse tomber », possède des éléments de roman policier, de roman de science-fiction, mais est bel et bien un roman philosophique. (Note du traducteur)

[4]: J'ai rendu plutôt mal que bien ces vertus qui dans la version originale sont earnestness, dedication, a sens of honor et qui n'ont pas d'équivalent en français moderne — la traduction de la dernière vertu étant d'ailleurs d'autant plus trompeuse qu'elle semble évidente. (Note du traducteur)


Ci-dessus est une traduction par mes soins de Philosophy: Who Needs It d'Ayn Rand, effectuée en septembre-octobre 2004. J'ai essayé de rendre le sens de l'original, mais j'avoue n'avoir pas su en conserver toute la valeur littéraire. Je vous invite donc à lire cet original si l'anglais vous est intelligible.


Consultez le sous-dossier sur l'Objectivisme

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8 avril 2011 5 08 /04 /avril /2011 17:24

Les droits de l'Homme

Ayn Rand



Si l'on veut prôner une société libre - c'est-à-dire le capitalisme - l'on doit se rendre compte que son fondement indispensable est le principe des Droits individuels.

Si l'on veut défendre les Droits individuels, l'on doit comprendre que le capitalisme est le seul système qui peut les promouvoir et les protéger. Et si l'on veut évaluer le rapport entre la liberté et les objectifs que se donnent aujourd'hui les intellectuels, l'on peut en trouver une image significative dans le fait que le concept des Droits individuels est brouillé, perverti, déformé, presque jamais discuté, et que la plus grande réticence à en parler se trouve justement du côté de la soi-disant "droite".

Les "Droits" sont un concept moral : le concept qui fournit une transition logique entre les principes qui guident l'action d'une personne et ceux qui gouvernent ses relations avec les autres. Le concept qui maintient et protège la morale individuelle dans un contexte social. Le lien entre le code moral d'une personne et le code juridique d'une société, entre l'éthique et la politique. Les Droits individuels sont le moyen de soumettre l'ordre politique à la règle éthique.

Tout système politique est fondé sur un code moral ou sur un autre. Les déontologies dominantes au cours de l'histoire humaine ont été des variantes de la doctrine altruiste-collectiviste qui subordonnait l'individu à quelque entité supérieure, soit mystique, soit sociale.

En conséquence, la plupart des systèmes politiques ont été des variantes de la même tyrannie étatiste, ne différant que par le degré et non par le principe fondateur, limités seulement par les accidents de la tradition, les désordres, les conflits sanglants et l'effondrement périodique. Dans tous les systèmes de ce genre, la morale était un code applicable â la personne, mais pas à la société. La société était placée en dehors de la loi morale, comme son incarnation, sa source ou son interprète exclusive. L'on considérait qu'inculquer la dévotion sacrificielle au devoir social était la fonction principale de l'éthique dans la vie terrestre de l'homme.

Comme la "société" n'est pas une entité, comme il ne s'agit que d'un groupe de personnes singulières, cela signifiait, en pratique, que les règles sociales étaient exemptes d'un jugement par la loi morale. Elles n'étaient soumises qu'aux rituels traditionnels; elles exerçaient un pouvoir total et exigeaient une obéissance aveugle. Le principe implicite était alors: " Le Bien est ce qui est bon pour la société (ou pour la tribu, la race, la nation) et les édits des dirigeants de celle-ci sont sa retranscription sur la terre. "

Ce fonctionnement s'est retrouvé dans tous les systèmes étatistes, sous toutes les variantes de l'éthique altruiste-collectiviste, mystiques ou sociales. " Le Droit divin de la monarchie " résume la conception politique des premières, ""Vox populi, vox Dei " celle des secondes. En témoignent la théocratie de l'Egypte, avec le pharaon comme dieu incarné, le règne illimité de la majorité ou démocratie d'Athènes, l'Etat-providence de l'Empire romain, l'inquisition de la fin du Moyen-Age, la monarchie absolue de la France d'Ancien régime, l'interventionnisme socialisant de Bismarck, les chambres à gaz de l'Allemagne nazie, la boucherie de l'Union soviétique.

Tous ces systèmes politiques étaient des expressions de l'éthique altruiste-collectiviste, et leur caractéristique commune est le fait que la société s'y trouvait placée au-dessus de la loi morale, dans une position d'omnipotence souveraine et d'acceptation aveugle de l'arbitraire. Ainsi, politiquement, tous ces systèmes étaient des variantes d'une société amorale.
La réussite la plus profondément révolutionnaire des Etats-Unis d'Amérique fut de subordonner la société politique à la règle morale.

Le principe des Droits individuels de l'homme représentait l'extension de la morale au système politique, comme une limitation au pouvoir de l'Etat, comme une protection de la personne contre la force brutale du collectif, comme la subordination de la force au Droit. Les Etats-Unis furent la première société morale de l'histoire des hommes.

Tous les systèmes précédents avaient considéré l'homme comme un objet sacrificiel soumis aux intérêts des autres, et la société comme une fin en soi. Les Etats-Unis ont considéré la personne comme une fin en elle-même, et la société comme le moyen d'une coexistence paisible, ordonnée et volontaire entre les individus. Tous les systèmes précédents avaient soutenu que la vie de l'homme appartenait à la société, que la société pouvait en disposer de la manière qui lui plaisait, et que toute la liberté dont celui-ci pouvait jouir lui était accordée par faveur, par la permission de la société, permission qui pouvait être révoquée à tout instant. Les Etats-Unis ont pensé que la vie de l'homme lui appartient de Droit, (ce qui signifie : par principe moral et de par la nature des choses), qu'un Droit est le propre d'une personne, que la société en tant que telle n'a donc aucun Droit, et que la seule fonction morale de l'Etat est de protéger les Droits individuels.

Un " Droit " est un principe moral qui définit et sanctionne la liberté qu'une personne a d'agir dans un contexte social. Il n'existe en ce sens qu'un Droit fondamental (tous les autres ne sont que ses conséquences ou ses corollaires) : le Droit d'un homme de posséder sa propre vie. La vie est un processus d'action auto-engendré et auto-entretenu; le Droit de posséder sa propre vie signifie qu'on a le Droit d'exécuter les actions qui permettent son engendrement et son entretien. Ce qui signifie : le Droit de faire tout ce qui est nécessité par la nature d'un être rationnel pour le maintien, la promotion, l'accomplissement et la réussite de sa propre vie. (Tel est le sens de la formule parlant du Droit de vivre, d'être libre et de rechercher le bonheur que l'on retrouve dans la Déclaration d'Indépendance. )

Le concept de " Droit " ne peut faire référence qu'à l'action, spécifiquement à la liberté d'action. Il désigne la liberté par rapport à une contrainte, une coercition ou une ingérence physique de la part d'autres hommes.
Pour tout individu, un Droit est ainsi la sanction morale d'une capacité positive: sa liberté d'agir conformément à son propre jugement, de poursuivre ses buts personnels par un choix autonome, volontaire et sans coercition. Ses Droits n'imposent à ses voisins aucune obligation autre que négative : l'impératif qu'ils s'abstiennent de les violer.

Le Droit de contrôler sa propre vie est la source de tous les Droits, et le Droit de Propriété est leur seule concrétisation possible. Sans Droit de Propriété, aucun autre Droit n'est concevable. Comme il faut à l'homme subvenir à son existence par ses propres efforts, l'homme qui n'a pas de Droit sur les produits de son effort n'a pas les moyens d'entretenir sa vie. Celui qui produit alors que les autres disposent de ce qu'il a produit est un esclave.

Gardez bien en tête que le Droit de Propriété est un Droit d'agir, comme tous les autres. Ce n'est pas un " droit à " un objet, mais un Droit à l'action et à ce qu'il résulte de celle-ci sur le plan de la production et de la valeur de ce qui est produit. Ce n'est pas la garantie qu'un homme unira par disposer d'une quelconque richesse ; c'est la garantie qu'il pourra posséder ce qu'il a gagné s'il l'a obtenu par son action productive. C'est donc le Droit d'acquérir, de conserver, d'utiliser et de disposer des valeurs incarnées dans les objets matériels.

Le concept de Droits individuels est tellement nouveau dans l'histoire de l'humanité que la plupart des hommes ne l'ont pas encore complètement compris à ce jour. Se référant aux deux conceptions de l'éthique, la mystique et la sociale, certains affirment que les Droits sont un don de Dieu, les autres qu'ils sont un privilège social. En fait, la source des Droits est la nature de l'homme.

La Déclaration d'Indépendance affirmait que les hommes " ont été dotés par leur Créateur de certains Droits inaliénables ". Que l'on croie que l'homme est le produit d'un Créateur ou celui de la nature, la question de l'origine de l'homme ne change rien au fait qu'il est une entité d'un certain type, un être rationnel, qu'il ne peut pas fonctionner efficacement sous la menace de la violence, et que les Droits sont une condition nécessaire de son mode d'existence spécifique.

" La source des Droits de l'Homme n'est pas la loi de Dieu ni la loi du Congrès, mais la Loi de l'Identité. Toute chose est ce qu'elle est, et l'Homme est un homme. Les Droits sont les conditions d'existence nécessitées par la nature de l'homme afin que celui-ci vive décemment. Dès lors que l'homme doit vivre sur terre, il a le droit de se servir de sa conscience rationnelle, il a le droit d'agir librement d'après son propre jugement. Il a le Droit de travailler conformément à ses propres valeurs et de disposer du produit de son travail. Si ce qu'il veut c'est vivre sur terre, il a le Droit de vivre comme un être rationnel: la nature même lui interdit l'irrationalité " (Atlas Shrugged, discours de John Galt).

Violer les Droits d'un homme signifie l'obliger à agir contre son propre jugement, ou s'emparer par la force de ce qu'il a produit. Fondamentalement, il n'y a qu'une façon de parvenir à cela: recourir à la violence physique. Deux groupes de personnes peuvent violer les Droits de l'Homme: les malfaiteurs et les hommes de l'Etat. La grande réussite des Etats-Unis fut d'établir une différence entre les deux, en interdisant aux seconds d'exercer une version légalisée des activités des premiers.

La Déclaration d'Indépendance posa le principe que " C'est pour assurer ces Droits que les Etats ont été institués parmi les hommes ". Ce principe a fourni la seule justification valable de l'existence d'un Etat et a défini sa seule fonction légitime : assurer les Droits des hommes en protégeant ceux-ci de la violence physique.
Ainsi le rôle des hommes de l'Etat fut-il transformé: de maîtres, ils devinrent serviteurs. L'Etat était institué pour protéger les personnes contre les malfaiteurs, et la Constitution était écrite pour les protéger des hommes de l'Etat. La Déclaration des Droits n'était pas dirigée contre les citoyens privés, mais contre les décideurs publics, comme une déclaration explicite soulignant que les Droits individuels l'emportent sur tout pouvoir politique.

Le résultat fut un modèle de société civilisée que, pour la brève période de quelque cent cinquante ans, les Etats-Unis furent bien près de réaliser effectivement. Une société civilisée est une société où la violence physique est bannie dans les relations humaines, et dans laquelle les hommes de l'Etat, agissant comme des gendarmes, ne peuvent faire usage de la force qu'au titre de riposte et seulement contre ceux qui ont enclenché cet usage.
Tels étaient la signification et le but essentiels de la philosophie politique américaine, implicites dans le principe des Droits individuels. Mais cette signification et ce but ne furent pas formulés explicitement, et dès lors ne furent ni complètement acceptés, ni mis en pratique de façon cohérente.

L'élément contradictoire interne à les Etats-Unis était l'existence en elle de l'éthique altruiste - collectiviste.
L'altruisme est incompatible avec la liberté, avec le capitalisme et avec les Droits individuels. On ne peut pas combiner la recherche du bonheur avec le statut moral d'animal sacrificiel.

C'est le concept de Droits individuels qui avait donné naissance à la possibilité d'une société libre. C'est par la destruction des Droits individuels que la destruction de la liberté devait commencer.

Une tyrannie collectiviste ne peut se permettre de réduire tout un pays à l'esclavage par la confiscation ouverte de ses productions, matérielles ou morales. Elle ne peut parvenir à cette fin que par un processus de corruption interne. De même que dans le domaine matériel le pillage de la richesse d'un pays se fait par une politique d'inflation sur la monnaie, l'on peut aujourd'hui observer la mise en place d'un processus d'inflation dans le domaine des Droits. Ce processus repose sur une telle prolifération de "nouveaux droits" récemment proclamés que les gens ne se rendent pas compte que le sens du concept est inversé. De même que la mauvaise monnaie est imposée à la place des bonnes, ces droits en monnaie de singe détruisent les Droits authentiques.
Considérez ce fait curieux : jamais l'on n'a observé à un tel point, tout autour du monde, la prolifération de deux phénomènes apparemment contradictoires : les prétendus "nouveaux droits" et les camps de travail forcé.
L'astuce a consisté à faire glisser le concept de Droit du domaine politique à celui de l'économie.

Le programme du Parti Démocrate en 1960 résume ce tour de passe-passe avec hardiesse et franchise. Il proclame que les Démocrates s'ils parviennent au pouvoir " réaffirmeront la Déclaration des droits économiques que Franklin Roosevelt inscrivit dans notre conscience nationale il y a seize ans. "

Gardez bien présent à l'esprit ce que signifie le concept des " Droits ", en lisant la liste de ce que propose ledit programme :

" 1. Le 'droit à' un travail utile et rémunérateur dans l'industrie, le commerce, le secteur agricole ou le secteur minier.

" 2. Le 'droit à' gagner assez d'argent pour obtenir une quantité suffisante de nourriture, de vêtements et de moyens de distraction.

" 3. Le 'droit de tout agriculteur à cultiver et à vendre ses produits' en étant sûr d'en tirer suffisamment pour obtenir, pour lui et sa famille, les moyens d'une vie acceptable.

" 4. Le 'droit de tout entrepreneur, grand ou petit, à échanger dans une atmosphère libérée de la concurrence déloyale et du poids dominateur des monopoles' chez lui et à l'étranger.

" 5. Le 'droit de toute famille à' une maison confortable.

" 6. Le 'droit à' des soins médicaux suffisants et à la possibilité de vivre en bonne santé.

" 7.Le 'droit à' une protection adéquate contre les risques économiques liés à l'âge, à la maladie, aux accidents et au chômage.

" 8. Le 'droit à' une bonne éducation. "


Une simple question ajoutée à chacune des clauses ci-dessus suffirait à faire comprendre de quoi il s'agit : "aux dépens de qui?"

Les emplois, la nourriture, les vêtements, les moyens de distraction, les maisons, les soins médicaux, l'éducation, etc, ne poussent pas sur les arbres. Ce sont des produits de l'action humaine; des biens et des services qui ont été créés par quelqu'un. Qui sera là pour les fournir ?
Si certains ont le " droit " de vivre aux dépens du travail des autres, cela veut dire que ces autres sont privés de leurs Droits et condamnés à travailler comme des esclaves.

Tout prétendu " droit " d'un homme, qui nécessite de violer les Droits d'un autre homme, n'est pas, et ne peut pas être un Droit. Personne ne peut avoir le Droit d'imposer une obligation que l'on n'a pas choisie, un devoir sans récompense ou une servitude involontaire. II ne peut pas y avoir de " droit de réduire des hommes à l'esclavage ".

Un Droit n'implique pas sa concrétisation matérielle par l'action d'autres hommes; il implique uniquement la liberté pour chacun de parvenir à cette concrétisation grâce à son propre effort.

Remarquez, dans ce contexte, la précision intellectuelle des Pères Fondateurs des Etats-Unis : ils parlaient du Droit de rechercher le bonheur, et pas du " droit au " bonheur. Cela veut dire qu'un homme a le Droit d'entreprendre les actions qu'il juge nécessaires pour atteindre le bonheur; cela ne veut pas dire que les autres ont le devoir de le rendre heureux.

Le Droit de vivre implique que tout homme a le Droit de subvenir aux nécessités matérielles impliquées par le fait qu'il vit grâce à son travail (quel que soit le niveau où celui-ci se situe dans l'économie); il n'implique pas que les autres doivent lui fournir ses moyens d'existence.
Le Droit de Propriété implique qu'un homme a le Droit d'entreprendre les actions économiques nécessaires pour acquérir une propriété, il n'implique pas que les autres doivent lui fournir une propriété.

Le Droit de libre expression implique qu'une personne a le Droit d'exprimer ses idées sans courir le risque d'être réprimée, entravée ou punie par les hommes de l'Etat. Il n'implique pas que les autres doivent lui fournir une salle de conférences, une station de radio ou une imprimerie pour exprimer ses idées.

Toute entreprise qui implique plus d'une personne nécessite le consentement volontaire de chacun des participants. Chacun d'entre eux a le Droit de prendre ses propres décisions, et personne n'a celui d'imposer ses décisions aux autres.

Il n'existe pas ainsi de " droit à l'emploi ". Il n'existe que le Droit d'échanger librement, c'est-à-dire : le Droit que chacun possède d'être embauché si une autre personne décide de payer ses services. Il n'y a pas de " droit au logement ", il n'y a que le Droit là encore d'échanger librement : le Droit de louer un logement ou de l'acheter. Il n'y a pas de " droit à un salaire décent " ou à un prix " acceptable " si personne n'accepte de payer ce prix ou ce salaire. Il n'y a pas de " droit à consommer " du lait, des chaussures, des places de cinéma ou des bouteilles de champagne si aucun producteur n'a décidé de fabriquer ces articles; il n'y a que le Droit de les fabriquer soi-même. Il n'y a pas de " droits catégoriels ": pas de " droits des agriculteurs, des travailleurs, des employés, des employeurs, des vieux, des jeunes, des enfants à naître ". Il n'y a que les Droits de l'Homme, des Droits possédés par toute personne singulière et par tous les hommes en tant qu'individus.

Le Droit de Propriété et le Droit d'échanger librement qui en découle sont les seuls " Droits économiques " de l'Homme. Il s'agit en fait de Droits politiques, et il ne peut y avoir de " Déclaration des droits économiques de l'homme ". Remarquez seulement que les partisans des seconds ont quasiment détruit les premiers.

Rappelez-vous que les Droits sont des principes moraux qui définissent et protègent la liberté d'action d'une personne, mais n'imposent aucune obligation aux autres hommes. Les citoyens privés ne sont pas une menace pour les Droits ou pour les libertés les uns des autres. Un citoyen privé qui a recours à la violence physique en violation des Droits des autres est un malfaiteur, et les hommes ont contre lui la protection de la loi.

Dans tous les pays et à toutes les époques, ces malfaiteurs-là ont toujours été une petite minorité, et le mal qu'ils ont fait à l'humanité est infinitésimal quand on le compare aux horreurs : bains de sang, guerres, persécutions, confiscations, famines, réduction à l'esclavage, ou destructions massives, perpétrées par les castes politiques de l'humanité. Potentiellement, un Etat est la plus grande menace qui pèse sur les Droits de l'Homme : il possède en général le monopole légal de l'usage de la force physique contre des victimes légalement désarmées. Quand son pouvoir n'est ni limité ni restreint par les Droits individuels, l' Etat est le plus mortel ennemi des hommes. Ce n'est pas en raison de la nécessité de se protéger contre les actions privées, mais en raison de celle de se protéger contre les décisions publiques que la Déclaration des Droits a été écrite.

Considérez maintenant quel procédé se trouve utilisé pour détruire cette protection.
Le procédé consiste à attribuer aux citoyens privés d'être les auteurs de violations spécifiques du Droit que la constitution interdit aux hommes de l'Etat (et que les citoyens privés n'ont pas dans les faits le pouvoir de commettre) - ce qui permet de libérer les hommes de l'Etat de toute contrainte. Les résultats sont au présent particulièrement visibles dans le domaine de la liberté d'expression. Pendant des années, les collectivistes ont propagé l'idée que lorsqu'une personne privée refuse de financer un opposant, elle commet une " violation de la liberté d'expression " de cet opposant et un acte de " censure ".

C'est de la " censure ", prétendent-ils, lorsqu'un journal refuse d'employer ou de publier des auteurs dont les idées sont diamétralement opposées à sa politique.
C'est de la " censure ", prétendent-ils encore lorsqu'un homme d'affaire refuse de faire publier des publicités dans un magazine qui le dénonce, l'insulte et le traîne dans la boue.

C'est de la " censure ", prétendent-ils enfin, lorsque quelqu'un qui finance une émission de télévision proteste contre une ignominie - telle l'invitation faite à Alger Hiss de venir calomnier en direct Richard Nixon - perpétrée au cours d'une émission pour laquelle il donne son argent.
A ce propos un certain Newton N. Minow a déclaré: " il y a la censure des indices d'écoute, celle des annonceurs, celle des chaînes, des stations associées qui refusent les programmes qu'on offre à leurs zones d'émission ". C'est le même M. Minow qui menace à présent de révoquer l'autorisation de toute station qui ne se soumettrait pas à ses conceptions des programmes, et qui prétend que cela, ce ne serait pas de la censure. Examinez les implications de tout ceci.

La " censure " est un terme uniquement applicable aux actions de l'Etat. Aucune action privée ne peut être énoncée comme un acte de censure. Aucun individu et aucune agence non publique ne peut réduire un homme au silence, ni réprimer une publication. Seul un Etat peut y parvenir. La liberté d'expression d'une personne privée inclut le Droit de ne pas être d'accord avec ses adversaires, de ne pas les écouter et de ne pas les financer.

Pourtant, selon la doctrine dite des " droits économiques de l'homme ", un individu n'aurait pas le Droit de disposer de ses propres moyens matériels et de les utiliser selon ses propres convictions, mais devrait donner son argent sans discrimination à n'importe quel discoureur ou propagandiste, qui aurait ainsi un " droit à " ... ce qui ne lui appartient pas. Cela signifie que la capacité de produire les moyens matériels nécessaires à l'expression des idées serait ce qui prive un homme du Droit de penser ce qu'il pense. Cela signifie aussi qu'un éditeur devrait publier des livres qu'il trouve mauvais, falsificateurs ou pervers, que le financier d'une émission de télévision devrait rétribuer des commentateurs qui ont choisi de s'en prendre à ses convictions. Que le propriétaire d'un journal devrait livrer ses pages éditoriales à tout jeune voyou qui fait de l'agitation pour réduire la presse à la servitude. Cela signifie donc qu'un groupe d'hommes aurait le droit illimité de faire n'importe quoi, alors qu'un autre groupe se trouverait réduit à la dépossession et à l'impuissance.

Mais comme il serait évidemment impossible de fournir à quiconque les réclame, un emploi, un micro ou les colonnes d'un journal, qui décidera de la " distribution " des " droits économiques " et choisira leurs bénéficiaires, lorsque le Droit de choisir qui appartenait aux propriétaires aura été aboli? Eh bien, cela au moins, M. Minow l'a indiqué avec beaucoup de clarté.

Et si vous faites l'erreur de croire que tout ce qui précède ne s'applique qu'aux grands possédants, il serait temps pour vous de vous rendre compte que la théorie des " droits économiques " implique pour n'importe quel théâtreux en mal de spectacle, pour n'importe quel poète baba, pour n'importe quel compositeur de bruits ou pour tout " artiste " non objectif (pourvu d'appuis politiques), le " droit au " soutien financier que vous aviez choisi de ne pas leur donner en n'assistant pas à leurs exhibitions. Quelle autre signification peut avoir la décision de dépenser l'argent de vos impôts pour subventionner la " culture "?

Ainsi, pendant que des gens se promènent la bouche pleine de ces " droits économiques " le concept des Droits politiques est en train de disparaître. On oublie que le Droit de libre expression désigne la liberté de prôner ses propres opinions et d'en subir les conséquences, y compris le désaccord avec les autres, leur opposition, leur hostilité et leur refus de vous soutenir. La fonction politique du Droit de libre expression est de protéger les dissidents et les minorités impopulaires contre la répression violente, non de leur garantir le soutien matériel, les avantages et les récompenses d'une popularité qu'ils n'ont rien fait pour mériter.

La Déclaration des Droits stipule : " Le Congrès ne fera aucune loi... limitant la liberté de parole, ni celle de ta presse... ", il n'y est pas exigé des citoyens privés qu'ils fournissent un micro à l'homme qui prône leur destruction, ou un passe au voleur qui cherche à les cambrioler, ou un couteau à l'assassin qui veut leur couper la gorge.

Tel est l'état de l'un des débats les plus cruciaux du temps présent: celui où s'opposent les Droits politiques et les " droits économiques ". Il faut choisir. Car ils sont incompatibles entre eux, et les seconds détruisent les premiers. En fait, il n'y a pas de " droits économiques ", pas de " droits collectifs ", pas de " droits de l'intérêt général ". Le terme " Droits de l'individu " est une redondance: il n'y a pas d'autre forme de Droit et personne d'autre n'en possède.

Les partisans du capitalisme de laissez-faire sont les seuls défenseurs des Droits de l'Homme.

Publié dans The Objectivist Newsletter en avril 1963.


Consultez le sous-dossier sur l'Objectivisme


De Wikiberal

Les droits de l'homme sont les droits naturels supérieurs aux lois et autres normes étatiques, sensés concerner tout être humain sans distinction de nationalité, de race ou de classe sociale, et dont chaque individu dispose nécessairement et irrévocablement.

La déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 « reconnait et déclare » (et non proclame) ainsi les droits de liberté, propriété, sûreté et résistance à l'oppression.

D'abord constituée de droits contre la puissance publique (droit-résistances), l'acception moderne du terme -erronée- englobe aussi des droits sur l'État (droit-créances, ou faux droits) comme l'éducation ou la culture. Cette évolution a pour pendant celle du sentiment général selon lequel c'est à l'État de garantir les droits de l'homme.

Ainsi dans le droit positif, les droits de l'homme seraient défendus par la loi, les conventions et institutions internationales et le juge.

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8 avril 2011 5 08 /04 /avril /2011 12:37

Ayn Rand à l'âge de 19 ans.

img_455_fr.gifAyn Rand (prononcé [ˈaɪn ˈrænd]), née Alissa Zinovievna Rosenbaum (en cyrillique russe : Алиса Зиновьевна Розенбаум), est une philosophe[1], scénariste et romancière[note 1] américaine d'origine russe, juive athée, née le 2 février 1905 à Saint-Pétersbourg et morte le 6 mars 1982 à New York.

Ayn Rand est connue pour sa philosophie rationaliste, proche de celle du mouvement politique libertarien, à laquelle elle a donné le nom d'« objectivisme ». Elle a écrit de nombreux essais philosophiques sur des concepts tenant de la pensée libérale, comme la liberté, la justice sociale, la propriété ou l'État et dont le principal, et le seul traduit en français, est La Vertu d'égoïsme (The Virtue of Selfishness en langue originale). Ses contributions principales s'inscrivent néanmoins dans les domaines de l'éthique, de la philosophie politique et de l'épistémologie.

Ayn Rand a également publié des œuvres de fiction telles que La Révolte d'Atlas (Atlas Shrugged), La Source vive (The Fountainhead ) et Nous, les vivants (We the Living), qui figurent parmi les plus vendues aux États-Unis. Elle a par ailleurs écrit de nombreux scénarios pour le cinéma, dont des adaptations de ses propres œuvres de fiction.

Ayn Rand est considérée comme la théoricienne d'un capitalisme individualiste ainsi que d'un libertarianisme refusant toute forme de coercition et prônant les valeurs de la raison, du travail et de l'« égoïsme rationnel », son concept central. Figure de l'anti-communisme radical, Ayn Rand prône également l'indépendance et le « laissez-faire » face à toute forme de collectivisme ou de religion établis.

De nombreux penseurs, comme le psychothérapeute Nathaniel Branden, les économistes Alan Greenspan et M. Northrup Buechner[note 2], le romancier Terry Goodkind, le président Ronald Reagan ou le fondateur de Wikipédia, Jimmy Wales, se réclament de ses conceptions. Ayn Rand a aussi profondément nourri la vision libertarienne dite minarchiste, replaçant l'individu au centre de la société et de l'éthique.

Elle avait trouvé dans Ludwig von Mises, lui aussi émigré aux États-Unis, le grand théoricien contemporain du laissez-faire qui complétait sa compréhension de l'économie.

Selon Alain Laurent, un des spécialistes francophones de son œuvre, Ayn Rand représenterait l'incarnation de la « self-made woman immigrée », « car elle réussit cet exploit tout en professant un athéisme radical (...) et critiquant violemment l'altruisme au nom de l'"égoïsme rationnel" »[2]. Ayn Rand fut par ailleurs la cible de nombreuses critiques dont la principale s'attache à expliquer qu'en dépit d'un argumentaire se voulant rationnel, elle n'en maîtrisait pas toujours les raisonnements[3].

Biographie

Jeunesse russe et études
L'université de Saint Pétersbourg où Ayn Rand étudia.

Ayn Rand naît à Saint-Pétersbourg le 2 février 1905 (le 20 janvier du calendrier julien) dans une famille juive agnostique de la classe moyenne, composée de trois enfants dont elle est l'aînée[4]. Son père, Zinovy Zacharovich Rosenbaum, pharmacien, est né à Brestlitovsk le 18 novembre 1869 alors que sa mère, Anna Borisovna Kaplan, est née à Saint-Pétersbourg le 15 octobre 1880[5].

Elle s'intéresse très jeune à la littérature et au cinéma, écrivant dès l'âge de 7 ans des romans ou des scénarios. À l'âge de 9 ans, elle décide de devenir écrivain. Elle lit notamment Walter Scott et Alexandre Dumas et s'enthousiasme pour le courant romantique. Elle lit avec passion le roman d'aventure La Vallée mystérieuse (1915) du romancier français Maurice Champagne. Son personnage principal, figure de l'homme héroïque et vertueux, marque l'imagination d'Ayn Rand. Ce type de personnage se retrouve dans toute son œuvre et, en particulier, à travers le personnage principal d'Atlas Shrugged, John Galt[6]. Elle découvre à 13 ans celui qui devient son auteur favori et qu'elle considère comme le plus grand écrivain : Victor Hugo. Au collège, elle se montre brillante en mathématiques ; sa carrière universitaire semble alors toute tracée. En 1912, sa famille s'installe dans la Perspective Nevski, dans le quartier Znamenskaya. La jeune Ayn Rand y assiste à sa première exposition, consacrée aux images de films, en 1913. Le cinéma la passionnera en effet toute sa vie.

La ville de Saint-Pétersbourg est depuis longtemps l'un des foyers des troubles révolutionnaires qui agitent la Russie tsariste. Rand soutient au début la révolution menée par Kerensky mais, l'arrivée au pouvoir des Bolchéviques, à la suite de la révolution d'octobre 1917, puis la confiscation de la pharmacie de son père par le gouvernement révolutionnaire, contraint sa famille à fuir la Russie pour l'Ukraine puis pour la Crimée. Les Rosenbaum s'installent donc à Yevpatoria, jusqu'à ce que celle-ci soit envahie par les révolutionnaires en 1921[7]. Rand nourrit dès ce jour une haine vigilante pour les communistes, sentiment qui traverse tous ses écrits. Elle brûle alors son journal intime car elle a pris l'habitude d'y consigner des réflexions et des critiques sur les révolutionnaires.

Le 30 juin  1921, Ayn Rand est diplômée du lycée de Yevpatoria. L'année suivante, la famille Rosenbaum retourne à Petrograd[8]. Ayn Rand, qui a alors 16 ans, entame des études d'histoire et de philosophie à l'université de Petrograd et y découvre les œuvres d'Edmond Rostand, de Friedrich Schiller, d'Aristote et de Fiodor Dostoïevski. Ses études lui donnent accès, selon ses propres termes, à une « culture millénaire » à travers laquelle elle juge comme néfaste l'influence des idées communistes sur la Russie d'alors. Ces dernières années en Union des républiques socialistes soviétiques, où elle est obligée d'intégrer la propagande communiste, formeront la base de sa critique des systèmes collectivistes.

Dispersion de la foule sur la perspective Nevski, pendant les journées de juillet 1917.

  Le 13 octobre 1924, Rand sort diplômée de l'université. Elle continue à écrire et entre à l'Institut d'État des Arts cinématographiques en 1924[9]. La jeune Rand y étudie l'histoire et la politique américaine et découvre aussi le cinéma nord-américain, dont les westerns, mais aussi toute la culture des États-Unis. Elle devient alors une admiratrice de la société américaine et de ses valeurs d'individualisme et d'optimisme. Comprenant qu'elle ne peut réaliser son rêve d'écrire des romans en Union des républiques socialistes soviétiques en raison de la censure communiste, elle se résigne à quitter le pays pour les États-Unis[7]. En 1925 elle publie une brochure sur l'actrice de cinéma Pola Negri, à Moscou et à Léningrad, puis en 1926 elle publie un petit essai intitulé « Hollywood: American Movie City » à Moscou[10]. À la fin de l'année 1926, elle se voit accorder un visa pour rendre visite à des proches habitant aux États-Unis et ce pour une courte période, ce qui lui permet d'immigrer dans ce pays où elle s'installe pour le reste de sa vie.

Débuts aux États-Unis

Après s'être arrêtée dans plusieurs villes d'Europe de l'ouest, dont le port du Havre en France, d'où elle prend un bateau, le « De Grasse », Ayn Rand arrive à New York le 19 février 1926. Ses premières impressions devant les gratte-ciels la marquent profondément et inspirent les descriptions de son roman La Source vive. Elle rejoint ensuite Chicago, dans l'Illinois, où elle vit pendant 6 mois et apprend la langue anglaise. Elle commence également à mettre en forme ses idées de romans et de films et décide de devenir scénariste. Elle se voit accorder une extension de son visa par les autorités soviétiques. Rand choisit alors de ne pas retourner en URSS et part pour Hollywood où elle devient scénariste sous la direction du réalisateur et producteur Cecil B. DeMille, qui s'intéresse à elle par hasard, alors que Rand fait le pied de grue devant son studio[11]. Rand lui explique qu'elle est passionnée de cinéma américain et qu'elle arrive de Russie. DeMille travaille alors sur le film The King of Kings et l'emploie comme figurante. La jeune femme y rencontre également l'acteur Frank O'Connor dont elle dira qu'il était son « visage idéal »[6]. Ils se marient le 15 avril 1929, et le resteront jusqu'à la mort d'O'Connor, en 1979.

Cecil B. DeMille.

Rand est naturalisée américaine le 13 mars 1931. Elle s'en montre fière et déclare ainsi en 1974, dans un discours aux élèves de l'académie militaire de West Point : « Je peux dire - et il ne s'agit pas d'une banalité patriotique, mais avec une connaissance complète des racines métaphysiques, épistémologiques, morales, politiques et esthétiques nécessaires - que les États-Unis d'Amérique sont le pays plus grand, le plus noble et, dans ses principes, le seul moral de l'histoire du monde »[12]. C'est alors qu'elle change son nom en « Ayn Rand », en référence selon elle à la transcription en cyrillique du nom de sa famille. Une autre explication veut que ce serait en référence à la machine à écrire Remington Rand, mais celle-ci n'a été vendue qu'ultérieurement[13].

Rand travaille très dur comme lectrice de Scénario, pour DeMille, ayant à cœur de se faire une place dans le monde d'Hollywood[6]. Parallèlement, elle écrit afin de réaliser son rêve. Avant de vivre de sa plume, elle occupe divers emplois, notamment à la garde-robe de la RKO Radio Pictures[14] jusqu'en 1932, année où elle réussit à vendre le scénario de Red Pawn à Universal Studios. Son niveau de vie s'améliore alors considérablement, et Rand peut s'acheter une automobile, ce qui est pour elle à cette époque le signe d'une réussite sociale certaine qui contraste avec ses années en Union des républiques socialistes soviétiques[6]. Le producteur Josef Von Sternberg pense à donner le premier rôle à l'actrice Marlène Dietrich mais le thème anti-soviétique étant encore mal considéré à cette époque, le projet échoue[15].

Elle écrit ensuite en 1934 les pièces de théâtre Ideal et Woman on Trial, cette dernière étant jouée à Hollywood le 22 octobre. La pièce Woman on Trial, qui retrace le parcours peu commun de l'industriel et autodidacte suédois Ivar Kreuger, est recomposée en 1935 puis produite sous le titre Night of January 16th qui est représentée d'abord à Hollywood puis à Broadway le 16 septembre. La pièce est originale : l'action consiste en un procès dont le jury, choisi parmi les spectateurs, pouvait déterminer la fin. Deux épilogues sont donc possibles, suivant la décision du jury populaire.

Le manuscrit de son roman Nous, les vivants (We the Living, partiellement inspiré par sa propre expérience) lui demande beaucoup de travail. L'ayant achevé en 1933, elle ne parvient cependant à le faire publier que le 18 avril 1936, après l'avoir fait parvenir à de nombreux éditeurs. Ce sont les éditions Macmillan pour les États-Unis et Cassell pour l'Angleterre qui l'ont accepté. Elle le considère comme la plus autobiographique de ses œuvres de fictions : en effet, le roman décrit la vie de son héroïne sous la domination communiste, sa confrontation avec la violence absurde du régime et sa fuite pour l'étranger. Cependant, Nous, les vivants ne reçoit pas un accueil enthousiaste de la critique américaine, en partie à cause du fait que, dans les années 1930, période nommée la « décennie rouge » (Red Decade), le communisme étant encore relativement bien considéré dans les milieux intellectuels et artistiques américains[7]. Néanmoins Rand considérait elle-même Nous, les vivants comme davantage qu'une simple autobiographie  : « Ce n'est pas une autobiographie proprement dite, l'ouvrage a davantage un sens intellectuel. L'intrigue est inventée mais l'arrière-plan non »[16].

Le succès littéraire

Ayn Rand travaille dès 1935 sur son projet principal, la rédaction du roman La Source vive (The Fountainhead), à dimension plus philosophique.

En 1938, elle publie en Angleterre le roman dystopique Hymne (Anthem), qui décrit une société dans laquelle le collectivisme a triomphé. Hymne n'avait été accepté par aucun éditeur aux États-Unis alors que We the Living n'avait pas non plus rencontré un grand succès. Stephen Cox, de l’Objectivist Center, considère que cela est dû à l’époque : « We the Living fut publié quand la popularité du socialisme russe était au plus haut parmi les faiseurs d'opinions américains » explique-t-il[17]. En 1939 Ayn Rand reçoit les dernières nouvelles de ses parents demeurés en URSS, elle a ainsi définitivement coupé toute relation avec son passé russe.

En 1940, Rand participe, avec son mari, à la campagne présidentielle américaine pour le candidat libéral Wendell Willkie dans sa section de la ville de New York. Cet activisme lui permet de rencontrer des intellectuels favorables au capitalisme de laissez-faire. Le journaliste du New York Times Henry Hazlitt et sa femme permettent à Rand et à son mari de rencontrer l'économiste autrichien Ludwig von Mises qui admire les travaux de Rand, en dépit de différences philosophiques[18].

La même année, l'adaptation théâtrale de We the Living, The Unconquered, par George Abbott, est représentée à Broadway le 13 février. Abbott a néanmoins adouci la dimension critique du roman, le rendant davantage au goût du public, notamment en ajoutant des dialogues sentimentaux[6]. Son premier grand succès arrive avec la publication de La Source vive, le 8 mai 1943, qu'elle a mis sept années à écrire. Refusé par douze éditeurs, le manuscrit est finalement accepté par la maison d'édition Bobbs-Merrill grâce à l'insistance d'Archibald Ogden, membre du comité éditorial, qui avait menacé de démissionner s'il ne publiait pas l'ouvrage[19]. Le livre devient un succès planétaire, vendu à six millions d'exemplaires (il s'en vend encore 100 000 par an) et adapté au cinéma en 1949 par les productions Warner Brothers, avec les acteurs Gary Cooper et Patricia Neal. Le film est distribué en France sous le titre Le Rebelle la même année.

Rand commence à pouvoir vivre de ses écrits. Elle travaille dès lors comme scénariste à mi-temps, toujours pour le producteur Hal B. Wallis. Sous sa direction, elle adapte en 1945 le roman Pity My Simplicity de Christopher Massie, nommé aux Oscars sous le titre Love Letters ainsi que You Came Along[20]. Rand travaille ensuite, en août 1943 à un article « The Moral Basis of Individualism » puis emménage en Californie pour rédiger le scénario de The Fountainhead.

Elle s'installe donc à la Von Sternberg House construite par l'architecte Richard Neutra. Elle rencontre par ailleurs le célèbre architecte Frank Lloyd Wright à Taliesin East, qu'elle admire beaucoup : « Wright fut un innovateur, défendant l’architecture moderne contre la tradition » dit-elle[21]. Rand y rencontre aussi d'autres figures intellectuelles du moment comme Morrie Ryskind, Janet Gaynor, Gilbert Adrian et Leonard Read. L'architecte devient un fervent admirateur de son roman The Fountainhead ; il dessine pour elle une maison, qui ne sera toutefois jamais bâtie. Rand rédige le scénario de Love Letters en septembre 1944. The Fountainhead est classé 6e best-seller de l'année par le New York Times le 26 août 1945[22].

Ayn Rand se lie d'amitié avec l'écrivain libertarienne Isabel Paterson (1886 - 1961). Rand apprend grâce à elle l'histoire des États-Unis. Leur amitié cesse par la suite, Rand n'ayant pas apprécié le comportement de Paterson lors d'une cérémonie à Hollywood. Les deux femmes entretiennent alors une abondante correspondance. Le biographe de Paterson, Stephen Cox, explique que les pensées des deux femmes se sont mutuellement influencées[23]. Ayn Rand considère l'essai d'Isabel Paterson, The God of the Machine (1943), comme l'équivalent pour les défenseurs du capitalisme de ce qu'est Le Capital pour les communistes et la Bible pour les chrétiens[24].

Dès 1946, Ayn Rand travaille au manuscrit de son roman Atlas Shrugged, tout en assurant un emploi de scénariste pour le producteur Hal B. Wallis. En 1947, en pleine période du maccarthysme, elle témoigne à charge dans les procès des Dix de Hollywood, qui débouchent sur la constitution des « listes noires »[25], devant le United States House Un-American Activities Committee qui identifie les personnalités pro-communistes américaines[26]. Ayn Rand est l'une des premières intellectuelles américaines à dénoncer la propagande communiste dans le milieu du cinéma. En effet, elle écrit Screen Guide for Americans qui recommande 13 principes face au communisme et rejoint la « MPA » (la Motion Picture Alliance for the Preservation of the American Ideals) la même année[6]. Anthem est par ailleurs publié aux États-Unis, en juillet 1946.

En 1949 The Fountainhead est adapté à l'écran, le 23 juin. Ayn Rand décide en 1951, en compagnie de son mari, de quitter Hollywood pour emménager à New York (au 120 East de la 34e rue), sa ville préférée en raison de ses gratte-ciel qui la fascinent, et où elle travaille à plein temps sur son nouveau roman, Atlas Shrugged, qu'elle n'achève que 6 ans plus tard. La rédaction de ce long roman provoque une dépression néanmoins vite surmontée[27].

Diffusion de l'objectivisme

En 1950, Ayn Rand et quelques proches créent un groupe qui prend par provocation le nom de « Le Collectif », formé par Alan Greenspan, futur président de la Fed et le psychologue Nathanael Blumenthal (qui deviendra Nathaniel Branden, l'auteur de The Psychology of Self-Esteem), futur amant de Rand, sa femme, Barbara Branden, et Leonard Peikoff, profondément influencé par The Fountainhead. Avec ce groupe, qui multiplie les conférences publiques, Rand compte diffuser sa philosophie et ses écrits. Le cercle d'amis prend ainsi un rôle de plus en plus important, aidant Ayn Rand à diffuser son système philosophique, auquel elle donne le nom d'«objectivisme». Sous l'impulsion de Branden, le groupe fonde le Nathaniel Branden Institute (« N.B.I »), qui édite un périodique, The Objectivist, actif de 1962 à 1965. Le périodique devient ensuite The Objectivist Newsletter, de 1966 à 1971. Puis le groupe édite, de 1971 à 1976, une lettre d'information, The Ayn Rand Letter[note 3]. Ayn Rand y publie des articles, qui forment la base pour ces essais philosophiques, et en premier lieu l'ouvrage The Virtue of Selfishness qui développe sa théorie du point de vue éthique. La compilation Capitalism: The Unknown Ideal (1966) regroupe ses études économiques et politiques alors que Introduction to Objectivist Epistemology (1971) présente sa théorie des concepts, sa contribution la plus importante à la philosophie. Rand écrit également une étude esthétique, The Romantic Manifesto (1969).

Alan Greenspan.

En 1957 est publiée sa principale œuvre, Atlas Shrugged (La Révolte d'Atlas), aux éditions Random House, roman de près de 1 500 pages qui met en scène des entrepreneurs en butte à l'étatisme d'une société socialiste pré-totalitaire. Le tirage initial est de 100 000 exemplaires et le livre devient rapidement un best-seller mondial puisque son tirage annuel est de 200 000 unités. Selon une étude de 1991 de la Bibliothèque du Congrès américain, le livre est cité par les Américains comme celui qui les a le plus influencés, après la Bible[28]. Le roman mêle divers thèmes et sujets de réflexion, passant de l'épistémologie à la métaphysique, suivant une action classique, centrée autour du combat d'un mystérieux personnage, John Galt, qui n'apparaît qu'à la fin. Il marque aussi la fin de l'activité romanesque de Rand, et le début de ses écrits philosophiques[29].

En 1958, Rand anime des séminaires d'écriture et, le 6 mars, elle fait sa première conférence au Queens College de New York. Elle prend la parole pour la première fois à la télévision américaine, sur le plateau de Mike Wallace en 1959[30]. Elle présente son essai Faith and Force: Destroyers of the Modern World à l'université Yale le 17 février 1960. Le rythme de ses lectures publiques mais également universitaires s'accélère. En 1961, Rand publie For the New Intellectual le 24 mars et fait une conférence au Ford Hall Forum, « The Intellectual Bankruptcy of Our Age » le 26 mars. Le Ford Hall Forum devient le lieu privilégié de ses conférences qui ont lieu de 1962 à 1976. Elle réalise également des allocutions et des ateliers (workshops) au Nathaniel Branden Institute qui ouvre en janvier 1962. Le même mois le premier numéro de The Objectivist Newsletter est publié.

La popularité de Rand s'accroît également. De plus en plus sollicitée par les journaux, elle signe, le 17 juin 1961, sa première intervention dans la « Weekly column » du Los Angeles Times qu'elle animera quelques années durant. Ses conférences sont toutes enregistrées et diffusées aux États-Unis et dans d'autres pays. Ayn Rand enseigne par ailleurs dans de nombreuses universités à partir de 1960, à Yale, à Princeton et à Columbia. Elle enseigne également à Harvard, à l'université du Wisconsin, à l'université Johns Hopkins et au MIT. Durant ses dernières années, Ayn Rand prend également position sur de grandes questions de société, s'opposant à l'engagement américain dans la Seconde Guerre mondiale, et soutenant Israël pendant la guerre du Kippour. Elle s'exprime sur tous les thèmes de société où sa morale objectiviste peut trancher : l'égalité des sexes et l'homosexualité, le racisme et le travail.

Le 2 octobre 1963 Rand reçoit un honorary doctorate de l'université Lewis et Clark et publie en décembre 1964 The Virtue of Selfishness (La Vertu d'égoïsme), l'essai qui présente le mieux sa pensée éthique et philosophique. En juillet 1966, elle écrit une autre étude, en plusieurs parties, publiée dans le périodique The Objectivist intitulé « Introduction to Objectivist Epistemology » destinée à exposer les fondements de sa philosophie de la connaissance.

Dernières années

La relation sentimentale de Rand avec le psychothérapeute Nathaniel Branden s'intensifie dans les années 1960. Branden publie également divers textes psychologiques dans la revue d'Ayn Rand. En 1968, le couple illégitime rompt, en partie à cause du fait que chacun était marié[31].

Dès mars 1969, Ayn Rand donne des cours d'écriture, pour les essais cette fois, à des membres du Nathaniel Branden Institute. Le 11 octobre, elle anime des ateliers autour de l'épistémologie objectiviste. Le 16 juillet, elle assiste comme V.I.P. au lancement de la fusée Apollo 11. Cet événement lui inspire deux essais[note 4] vantant le progrès technique permis par le capitalisme : « La signification fondamentale du triomphe d'Apollo 11 n'est pas politique ni même philosophique, elle est davantage épistémologique et morale »[32] dit-elle à cette occasion qui la marque beaucoup. Rand se lie par ailleurs d'amitié avec l'astronaute Michael Collins[33] ainsi qu'avec l'écrivain Mickey Spillane et le critique musical Deems Taylor avec qui elle entretient une longue correspondance[34].

La santé d'Ayn Rand se détériore au début des années 1970. Elle est opérée en 1974 pour un cancer du poumon car c'est une grande fumeuse. La fin de la relation avec Branden signe la fin de facto du Nathaniel Branden Institute et certains amis objectivistes s'éloignent d'elle. Rand publie dans The Objectivist une critique de Nathaniel Branden, qu'elle juge avoir été malhonnête envers elle et d'avoir eu un « comportement irrationnel dans sa vie personnelle »[35]. Le 6 mars 1974 Rand fait une conférence à West Point intitulée « Philosophy: Who Needs It », ouvrage parachevant sa philosophie de la réalité et de l'homme[36]. Le 14 avril, elle reçoit sa sœur, Nora Drobysheva, qui a pu obtenir une autorisation de quitter l'URSS. Rand tente de lui proposer son aide pour qu'elle immigre aux États-Unis, mais sa sœur refuse et rentre en URSS après quelques jours.

En janvier 1976, Rand publie son dernier article dans le recueil The Ayn Rand Letter, « The Energy Crisis » qui traite des enjeux géopolitiques. Le 27 juillet, elle est invitée à la Maison blanche pour diner avec l'homme politique libéral australien Malcolm Fraser, futur premier ministre d'Australie : c'est le signe d'une reconnaissance nationale. Le 10 avril 1977, elle est invitée au Ford Hall Forum pour un dîner en son honneur, avec tous les membres du Nathaniel Branden Institute.

En septembre 1979, Atlas Shrugged est scénarisé pour un projet de série télévisée puis, en avril, son dernier essai, Introduction to Objectivist Epistemology, est publié par la New American Library. Le 9 novembre, son mari Frank O’Connor décède et, dès lors les activités d'Ayn Rand au sein du mouvement objectiviste se raréfient. Sa santé décline par ailleurs. L'un de ses derniers projets est une adaptation télévisée d'Atlas Shrugged ainsi qu'un roman, To Lorne Dieterling, dont elle ne laisse que des brouillons préparatoires.

La tombe d'Ayn Rand et de Frank O'Connor au cimetière de Kensico, à Valhalla, New York.

 En 1981 Rand anime ses dernière conférences : au Ford Hall Forum avec « The Age of Mediocrity », le 26 avril et « The Sanction of the Victims » à la Nouvelle Orléans le 21 novembre. Elle travaille aux dernières pages du scénario télévisé d'Atlas Shrugged, qu'elle achève en janvier. Elle meurt d'une insuffisance cardiaque le 6 mars 1982 chez elle, à New York.

De nombreux compagnons objectivistes se rendent à son enterrement, dont Alan Greenspan et David Kelley, qui lit lors des obsèques le poème If, de Rudyard Kipling[note 5]. Rand est enterrée au cimetière de Kensico, à Valhalla, New York. Dans ses dernières volontés, elle désigne Leonard Peikoff comme héritier de sa propriété intellectuelle et le reconnaît également comme le meilleur spécialiste de sa philosophie[37]. Peikoff fonde le Ayn Rand Institute pour propager ses idées.

Son œuvre

Ayn Rand a, au fur et à mesure de ses écrits, constitué un mouvement philosophique intitulé l'« objectivisme »[note 6] reposant sur le postulat selon lequel « ma philosophie conçoit essentiellement l'Homme comme un être héroïque dont l'éthique de vie est la poursuite de son propre bonheur, la réalisation de soi son activité la plus noble, et la Raison son seul absolu. »[38].

Influences philosophiques
Citation tirée du roman The Fountainhead et gravée sur le mur de la rotonde à l'entrée de l'attraction The American Adventure du parc EPCOT de Walt Disney World Resort.

Ayn Rand a été influencée par de nombreux philosophes comme Aristote en premier lieu[39], mais aussi John Locke, Thomas d'Aquin, Friedrich Nietzsche, Max Stirner, Henryk Sienkiewicz, Ludwig von Mises ou Isabel Paterson. Néanmoins, Douglas B. Rasmussen décrit son approche de l'enseignement d'Aristote comme étant « extrêmement imprécis », alors que sa connaissance de son système éthique est, elle, « très mince »[40].

L'influence de Nietzsche est, selon Ronald E. Merrill, auteur de The Ideas of Ayn Rand, réelle[41], notamment à travers la notion de « surhomme » qui se retrouve dans tous ses écrits.

Pour elle, au sein de l'histoire de la philosophie, seuls trois auteurs, dont elle-même, ont marqué l'éthique, qu'elle nomme les « trois A », pour Aristote, Thomas d'Aquin et Ayn Rand[42]. Parmi les philosophes, Rand éprouve un dédain particulier pour Emmanuel Kant, qu'elle dit être un « monstre » et « le plus mauvais homme de l'histoire » car il prône un système éthique fondé sur la responsabilité envers la collectivité. Elle critique la position de Kant, qui veut expliquer que la raison ne peut connaître la réalité en soi : pour Rand, sa philosophie est l'exacte opposé des positions kantiennes[43]. Pour les philosophes objectivistes George Walsh[44] et Fred Seddon[45], Rand n'a pas su interpréter l'apport de Kant ; pour le premier elle exagère l'ambition du philosophe allemand. D'autres critiques condamnent sa vision du kantisme comme étant simplement « ignorante et indigne »[46]. L'influence du courant libertarien fut également décisive sur la pensée d'Ayn Rand.

L'objectivisme
Article détaillé : objectivisme (Ayn Rand).

Rejetant la foi considérée comme opposée à la raison, Rand condamne toute forme de mysticisme, y compris les religions, et prône le réalisme philosophique[47]. Rand met en avant ce qu'elle nomme l'« égoïsme rationnel », ou « égoïsme de l'intérêt personnel », seul principe moral digne d'être suivi par opposition à l'altruisme, de mentalité collectiviste. L'individu est selon elle la base de toute morale, « il se doit d'exister pour lui-même » écrit-elle en 1962 et de « ne jamais se sacrifier pour les autres, ni sacrifier les autres pour lui-même »[48]. En 1976, Rand explique que sa contribution principale à la philosophie est sa « théorie et [s]es concepts, [s]on éthique, et [s]a découverte que, en politique, le mal - la violation des droits - consiste en un commencement de pouvoir et de force »[49].

Sculpture d'Atlas à New York, symbole du mouvement objectiviste.

Rand pose que le seul système moral pertinent est celui du « laissez-faire », le capitalisme. Elle est donc profondément individualiste et s'oppose à tout système collectiviste, en premier lieu au communisme. Elle critique de manière véhémente autant certains libéraux et conservateurs américains, comme les partisans du régime soviétique[note 7].

D'inspiration aristotélicienne, la philosophie d'Ayn Rand se veut profondément rationaliste et objectiviste, les émotions de l'homme se devant d'être soumises à sa raison, faute de quoi, l'homme baserait son existence sur des chimères issues de ses représentations du monde et non sur les faits. Elle ne renie pas pour autant la sphère émotionnelle mais considère que l'homme qui se perd dans ses émotions essaie de fuir la réalité au lieu de s'y adapter. Ayn Rand a ainsi défini la « psycho-épistémologie », socle de son système objectiviste, comme « l'étude des processus cognitifs humains vus à partir de l'interaction entre l'esprit conscient et les fonctions automatiques de l'inconscient »[50]. Harry Binswanger a continué ses travaux sur ce point. La vie de l’homme est considérée comme le fondement de toute valeur, et sa propre vie est le but éthique de tout individu. Le passage dit de l'allocution de John Galt (John Galt speaking), personnage principal du livre Atlas Shrugged, représente la quintessence de sa pensée à propos de l'individu[51].

Ayn Rand insiste de façon récurrente sur l'estime de soi et sur le fait que l'être humain n'a pas besoin de se justifier pour exister : il est une fin en soi. Ce faisant, elle rejette les courants de pensée en vogue à son époque, bâtis, selon elle, sur la culpabilité et le rejet des aspirations profondes de l'individu au profit d'un collectif aliénant et irrespectueux de la réalisation de chacun. Alain Laurent parle bien plutôt, à propos de sa philosophie, de conservative libertarian, Rand « défendant un individualisme classiquement libéral mais radical »[52].

Ayn Rand distingue quatre niveaux constituant l'objectivisme, explicités dans son article « Introducing Objectivism »[53] :

  1. un niveau métaphysique qui pose que la réalité est un fait objectif ;
  2. un niveau épistémologique fondé sur le primat de la raison ;
  3. un niveau éthique représenté par l'« égoïsme rationnel » ;
  4. un niveau politique qui est le capitalisme.

Selon Stephen R. C. Hicks, l'éthique de Rand est en droite continuité avec celle du libéralisme, dans la mesure où selon ce courant de pensée l'individu poursuit ses propres intérêts[7].

Principales œuvres
Signature d'Ayn Rand.

Fichier:Sign Ayn Rand.pngAyn Rand est surtout connue pour ses fictions, principalement Atlas Shrugged, véritable best-seller, et The Fountainhead. Les personnages de ses romans sont ainsi devenus des références clés dans la culture américaine comme John Galt, Dagny Taggart ou Kira Argonouva[54]. Rand se dépeint elle-même comme une « romantique réaliste », et toute son œuvre reflète cette double tendance[55].

Atlas Shrugged
Article détaillé : La Révolte d'Atlas.

La Révolte d'Atlas est un roman de plus de 1 000 pages qui fit d'Ayn Rand une romancière populaire, dès sa publication en 1957. En 2007, soit cinquante années après la première publication du roman, près de 185 000 exemplaires furent vendus d'après le Ayn Rand Institute[56]. Selon un sondage réalisé par Freestar Media/Zogby conduit en 2007, 8 % des Américains ont lu Atlas Shrugged[57]. Le livre ne fut pourtant jamais traduit en français[note 8].

D'après l'auteur elle-même, Atlas Shrugged a pour thème « le rôle de l'esprit humain dans la société »[58]. L'intrigue met donc en scène des « hommes de l'esprit » (men of the mind : scientifiques indépendants, entrepreneurs honnêtes, artistes individualistes, en somme les individus productifs) qui disparaissent mystérieusement, provoquant crises et catastrophes, dans un futur (pour les années 1950) proche. Il s'agit d'un « roman à idées », par lequel Rand développe sa conception de la vérité, de la liberté et de l'égoïsme rationnel, tout en présentant les méfaits de l'étatisme qui, selon elle, est un produit du refus de la vérité objective. La titre Atlas Shrugged fait référence à l'importance des « hommes de l'esprit », les entrepreneurs et créateurs de valeurs, assimilés au titan grec Atlas. Ce roman décrit également la manière dont l'intervention de l'état détruit la production et la régulation sociale ; à cet égard, sa description du rôle de l'information dans la société rappelle les travaux de Friedrich Hayek et Israel Kirzner[59]. Le récit présente certains aspects de science-fiction mais fait en même temps des références directes à la catastrophe du New Deal et aux politiques contemporaines de Rand.

Le personnage principal du roman, John Galt, est l'archétype du héros vertueux et entreprenant. La première phrase du récit, « Who is John Galt? » a marqué la culture populaire américaine, de même que son allocution, long passage de 62 pages[note 9], qui est un « morceau majeur de la philosophie, car il expose les racines profondes de l'idéologie étatiste, qui sont à chercher en premier lieu, et dans l'ordre, dans les domaines de la métaphysique, de l'épistémologie et enfin de l'éthique. » explique le traducteur suisse, Pierre-Louis Boitel[60]. Aujourd'hui, les entrepreneurs qui réduisent leurs activités aux États-Unis pour ne pas subir les lois sociales de l'administration Obama appellent leur démarche le « going Galt » (c'est-à-dire « faire comme John Galt »)[61].

The Fountainhead
Article détaillé : La Source vive.

Publié en 1943 le roman La Source vive connut un grand succès et fut ensuite adapté au cinéma par King Vidor en 1949 sous le titre Le Rebelle. Le titre du livre fait référence à une déclaration d'Ayn Rand : « l'ego de l'Homme est la source vive du progrès humain  »[62]. Refusé par de nombreux éditeurs car non « commercial », le livre est pourtant parmi les plus vendus au monde au sein de l'œuvre de Rand[63].

Le récit décrit la vie d'un architecte individualiste, Howard Roark, dans le New-York des années 1920 qui ne parvient pas à faire accepter ses créations. Par lui, Rand développe les thèmes contenus dans sa doctrine objectiviste, à savoir l'intégrité, l'égoïsme rationnel, la vertu d'indépendance et la créativité. Chaque chapitre est dévolu à un personnage, emblème d'une valeur randienne. Ayn Rand y esquisse deux philosophies antagonistes, à travers les deux personnages en opposition. Le premier, incarné par Roark, est l’homme volontariste et libre, qui représente « l’égoïste absolu », et doté de liberté de jugement alors que Keating est l'archétype du parasite social.

The Fountainhead peut, selon Mimi Reisel Gladstein, être lu comme « une version moderne d'une pièce médiévale de moralité »[64].

Réceptions de ses écrits

Les romans de Rand furent l'objet de vives critiques lors de leur publication[65]. Selon Jeff Britting, la popularité des écrits de Rand doit beaucoup au « bouche à oreille »[66]. En effet, les milieux universitaires et littéraires ont longtemps ignoré les romans de Rand. Le philosophe John Lewis déclare cependant, dans sa Literary Encyclopedia de 2001, que « Rand a écrit les œuvres de fiction les plus intellectuellement brillantes de sa génération »[67].

Les premiers comptes-rendus de la critique apparaissent avec sa pièce de théâtre Night of January 16th. Ses autres premiers écrits, We the Living et Anthem ont reçu une faible attention des critiques, seul son best-seller The Fountainhead mobilisa véritablement la presse et en particulier le New York Times[68], journal que Rand appréciait grandement[33]. C'est surtout son roman Atlas Shrugged qui reçut la plus grande critique, principalement négative. L'écrivain conservateur Whittaker Chambers de la National Review qualifia l'ouvrage d'« immature » et de « remarquablement stupide ». Il ajouta qu'« il peut être appelé roman seulement en dévaluant le mot »[69]. En plus de critiquer le style du roman, il accusa Rand de soutenir le même système politique athée que celui qu'elle récusait, à savoir le communisme.

Les travaux de Rand éveillèrent peu d'intérêt dans les milieux académiques et universitaires[70]. La première étude sur son travail fut publiée en 1971 ; ce fut celle de William F. O'Neill, With Charity Toward None: An Analysis of Ayn Rand's Philosophy[71]. L'auteur fut vivement critiqué par ses pairs, qui lui reprochèrent d'être de parti-pris et de prendre Rand et ses écrits au sérieux. La revue The Personalist publia après sa mort de nombreux articles et le philosophe Robert Nozick y rédigea l'article « On the Randian Argument »[72] .

Comme le souligne Alain Laurent, la popularité d'Ayn Rand a été telle qu'aux États-Unis, presque tout le monde l'a lue et a eu son « moment Ayn Rand » comme l'a confié Hillary Clinton[52]. Après sa mort, elle est « demeurée bien vivante dans le paysage intellectuel et politique américain », influençant le classical liberalism comme le Cato Institute.

Une éthique de l'égoïsme
Article détaillé : La Vertu d'égoïsme.

L'essai The Virtue of Selfishness, traduit en français sous le titre La Vertu d'égoïsme synthétise la pensée éthique d'Ayn Rand[note 10]. Publié en 1964, il s'agit de ses principaux textes issus des conférences. Annoncé par ses précédents écrits, la doctrine du « vivre pour soi » est le sujet de ce livre qui expose la plupart des axiomes objectivistes et en premier lieu le principe selon lequel l'« ego » est la seule référence éthique : « Aucune loi, aucun parti ne pourra jamais tuer cette chose en l'homme qui sait dire « je » »[73]. Ainsi résume Pierre Lemieux, « La nature de l'homme lui impose un code d'éthique rationnel (...) Les droits de l'homme se résument dans le droit pour un individu d'utiliser sa raison, à l'exclusion de toute coercition, pour mener sa propre vie. Raison et liberté vont de pair » pour Ayn Rand[74].

Le capitalisme est ainsi le seul système où les hommes productifs sont libres d'agir et de coopérer en vertu de leurs libertés. Contrairement à une critique répandue, Rand n'est pas anarchiste, ni anarcho-capitaliste, car elle considère que « l'anarchie en tant que concept politique, est une abstraction vague et naïve »[75]. Néanmoins

Rand est souvent considérée comme une théoricienne anarchiste, notamment par Ulrike Heider qui la surnomme « the queen of reason »[76]. Par ailleurs elle ne prône pas une société sans État. Elle propose un système alternatif où l'État est limité à une activité judiciaire, via le monopole du contrôle des contrats entre citoyens. Selon Alain Laurent, Rand est minarchiste, c'est une adepte du limited government. L'État doit ainsi seulement « protéger l'individu de la violence physique, protéger son droit à la vie, à la liberté, à la propriété et à la poursuite de son propre bonheur ». Ces objectifs coïncident exactement avec les principes des Founding Fathers, les pères fondateurs des États-Unis[77]. L'éthique de Rand renoue avec le concept aristotélicien de « valeur » qui est ainsi pour elle « ce pourquoi l'on entreprend une action pour acquérir et (ou) conserver quelque chose »[78].
Ayn Rand voit dans la déclaration d'indépendance américaine une réussite de l'éthique rationnelle[note 11].

La méthode de Rand se fonde sur l'objectivité définie comme « Une méthode pour évaluer la connaissance basée sur sa conformité ou non à la réalité »[79]. La première partie de ce livre est consacré à démontrer en quoi la vie, et l'individu, est essentiellement rationnel, et que son existence doit être objective, c'est-à-dire conforme à la réalité. Le rationnel est donc le moyen de survie, et, par extension, l'éthique régulant son comportement et ses choix[80]. Rand s'oppose aux doctrines philosophiques et politiques qui posent que l'éthique est irrationnelle et donc que la raison n'est pas inhérente à l'homme, justifiant par là un altruisme au service de la collectivité. Ces doctrines justifient le recours à la force, caractéristique de l'État. La conduite éthique est donc celle de « la réflexion et du travail productif »[81]. Selon Alain Laurent, dans Le Libéralisme américain, « De ces prémisses [Rand] déduit une éthique anti-sacrificielle et anti-collectiviste affirmant la légitimité exclusive de la poursuite du « self-interest » calé sur le droit individuel de propriété, l'« échange librement consenti » et le principe de « non-initiation de la force »[82].

Prises de position et enjeux éthiques

Politique internationale

Ayn Rand s'est opposée à l'engagement américain dans la Première Guerre mondiale et dans la Seconde Guerre mondiale[83] puis lors de la guerre de Corée, considérant que la seule justification de la guerre doit être le principe d'autodéfense. Elle s'est ainsi publiquement opposée à la guerre du Vietnam en déclarant : « Si vous voulez voir l'ultime, suicidaire extrême de l'altruisme, à une échelle internationale, observez la guerre du Vietnam, une guerre où chaque soldat américain meurt sans raison d'aucune sorte »[84].

Rand s'oppose, au nom de la souveraineté, à toute politique d'intervention et d'ingérence. Elle interpréta la guerre du Kippour de 1973 comme une attaque contre un gouvernement défenseur des droits individuels et soutint en conséquence Israël. Elle déclara ainsi : « Les Arabes sont une des cultures les moins développées. Ils sont typiquement nomades. Leur culture est primitive et ils éprouvent du ressentiment contre Israël car c'est la seule tête de pont de la science moderne et de la civilisation sur leur continent. Quand vous avez des hommes civilisés qui combattent des sauvages, vous soutenez les hommes civilisés, peu importe qui ils sont. »[85].

Ayn Rand s'est opposée à la guerre du Vietnam, la considérant comme le résultat suprême de l'altruisme. Manifestation de protestation contre la guerre aux États-Unis le 21 octobre 1967.

Ses fondamentaux objectivistes proposent une vision tranchée de la politique internationale. Dans « The Foreign Policy of a Mixed Economy », Rand condamne le concept d'aide internationale, qui nourrit les guerres économiques et diminue les libertés humaines, contribuant à balkaniser, selon le titre de son article « Global Balkanization », les pays, notamment par la notion d'« ethnicité ». Selon Rand, l'irrationnel (dont l'aboutissement historique et meurtrier est le communisme, thèse qu'elle développe dans son article « Capitalism vs. Communism ») se propage, conduisant à un nouveau fascisme, celui du culte du consensus (« The New Fascism: Rule by Consensus ») et de l'administration publique, toujours plus dépensière. Rand y voit par ailleurs la cause de la volonté de certains États, comme les États-Unis, de conduire des guerres d'ingérence injustes (« The Wreckage of the Consensus ») car altruistes, c'est-à-dire non respectueuses des libertés individuelles.

Essentialisme, sexe et race

Plusieurs des ouvrages de Rand présentent les femmes et les hommes comme égaux sur le plan intellectuel. Toutefois, elle a, à plusieurs reprises, affirmé que les différences physiologiques entre les deux sexes conduisaient à des différences psychologiques fondamentales, sources d'une différenciation naturellement sexuée des rôles sociaux. Il s'agit là d'un des postulats de ce qu'elle nomme la « psycho-épistémologie », la science qui examine le rapport du psychisme humain à la réalité. Rand affirma par exemple que, si les femmes sont compétentes pour occuper la fonction de Présidente, aucune femme rationnelle ne devrait chercher à atteindre cette position ; elle expliqua plus tard qu'une telle fonction serait psychologiquement perturbante pour une femme[86]. Rand pense ainsi que l'« essence de la féminité est la vénération - le désir d'admiration de l'homme », qu'une « femme idéale doit vénérer les hommes, et qu'un homme idéal est le plus haut symbole de l'humanité »[87]. Le sexe est pour elle « l'expression de l'estime de soi »[88].

Ayn Rand s'est exprimée publiquement à une unique occasion sur le thème de l'homosexualité, lors d'une conférence au Ford Hall Forum de 1968. En 1971, elle publia un recueil d'essais, The New Left, dans lequel elle attaque les mouvements féministes et gay estimant que la discrimination positive menée par l'État n'est pas éthique et explique que l'homosexualité est immorale en soi. En dépit de cette critique, elle estime que « la loi ne doit pas intervenir dans une relation entre deux adultes consentants ». Dans des conversations tenues en 1980 avec le philosophe Harry Binswanger, elle nuança sa position, revenant sur le terme d'immoral sans retirer sa critique[89]. Rand défendit par ailleurs le droit des entreprises de discriminer sur la base de l'orientation sexuelle, de la race ou de n'importe quel autre critère. Elle estimait qu'aucun droit n'est violé par le refus d'une personne ou d'une organisation de traiter avec un autre parti, même si la raison avancée est irrationnelle, raciste ou homophobe[90].

Dans ses articles « Racism » et « Balkanisation globale », Rand estime que le « racisme est la forme la plus basse, la plus crûment primitive de collectivisme »[91]. Que cette notion implique qu'un homme soit jugé non sur ses propres actions mais sur celles d'un collectif d'ancêtres apparaissait intolérable dans son système de pensée[92] car le racisme, permis par l'État absolu, nie les deux aspects de la vie de l'homme : sa raison et sa moralité pour y substituer un déterminisme génétique. Elle était opposée à toute intervention gouvernementale à ce sujet, estimant que « le racisme n'est pas un problème légal mais un problème moral et ne peut être combattu que par des moyens privés, tels que le boycott économique ou l'ostracisme social. »[93].

Culture et environnement
« Le Capitalisme est un système social basé sur la reconnaissance des droits individuels, y compris sur celle des droits de propriété »[94].

« La culture n'est pas le produit anonyme de masses indifférenciées, mais la somme des réalisations intellectuelles d'hommes individuels »[95] selon Ayn Rand qui fait de la culture et du progrès scientifique des domaines éthiques. Cependant, dans son article « Our Cultural Value-Deprivation » (1966), elle note la perte de valeur dans la culture et notamment la valeur individualiste. Son essai « The Intellectual Bankruptcy of Our Age » (1961)[96] a pour but de condamner une culture de masse mondialisée, celle du XXe siècle qui refuse l'héritage libéral du siècle précédent.

En matière d'écologie et d'environnement, Rand y voit une manipulation des gouvernements, destinée à réduire les libertés et à faire primer l'émotion sur la raison. Critiquant l'environnementalisme, dans « Against Environnementalist », elle considère que l'écologie est un retour du religieux et de l'irrationnel, alors que seul le progrès technique peut améliorer la condition humaine[97].

L'étatisme

Fondatrice du minarchisme et d'un libertarisme anti-État, Rand oppose l'étatisme à l'intérêt privé de l'individu. Selon elle l'État qu'elle qualifie d'« absolu » lorsqu'il ambitionne de régenter toute la sphère sociale et économique fait en sorte de changer les règles du jeu éthique. « L'étatisme a toujours été le corollaire politique du collectivisme »[98] explique-t-elle, sa démesure culminant dans le communisme.

Ses jugements sur les formes de gouvernements sont très véhéments et ont suscité des admirations dans tous les mouvements anti-étatiques. La phrase « L'État absolu n'est simplement qu'une forme institutionnalisée du banditisme, quel que soit le gang particulier qui prend le pouvoir »[98] résume au mieux sa pensée. Cependant, Rand n'est pas pour l'anarchisme, qui prône la disparition de l'État. Elle considère qu'il doit veiller à ce que les citoyens jouissent de toute leur liberté de choix et de raison : « Le gouvernement agit seulement comme un agent de police qui protège l'homme des droits, il utilise la force physique uniquement et seulement à titre de représailles contre ceux qui prennent l'initiative de son utilisation, tels que des criminels ou des envahisseurs étrangers. »[99]. En d'autres termes, l'État doit veiller à la conservation des droits individuels (la liberté et la propriété), dont « la source est la nature de l'homme » car : « la seule justification valable de l'existence d'un État [est d'] assurer les Droits des hommes en protégeant ceux-ci de la violence physique »[100].

Seul le système du « laissez-faire » capitaliste peut garantir les libertés individuelles, en d'autres mots, Rand préconise un État minimal. La société doit veiller à ce qu'une complète séparation de l'État et l'économie existe, de la même manière et pour les mêmes raisons que la séparation de l'État et l'Église existe[101].

Influence

Les écrits d'Ayn Rand continuent d'être largement vendus et lus, à travers le monde, avec plus de 25 millions d'ouvrages vendus en 2007, et près de 800 000 de plus chaque année selon le Ayn Rand Institute[102], y compris dans le milieu scolaire[103]. Selon une étude conduite par la Library of Congress américaine et par Book of the Month Club (« le club du livre du mois ») dans les années 1990, Atlas Shruggled est le livre le plus influent après la Bible aux États-Unis[7].

Influence sur la société et sur des personnalités
Dans Capitalism: A Treatise on Economics (1996), George Reisman, l'un des quatre économistes qui ont fait leur doctorat avec Ludwig von Mises, associe l'objectivisme à la méthodologie autrichienne.

Une certaine branche du mouvement féministe américain se revendique des travaux de Rand. Dans Feminist interpretations of Ayn Rand[104] Mimi Reisel Gladstein et Chais Matthew Sciabarra analysent la nature de cette influence et expliquent même en quoi la philosophe peut être qualifiée de « féministe avant l'heure »[105].

Ayn Rand a eu également une profonde influence sur des penseurs et des personnalités contemporains tels John Hospers (le premier candidat du parti libertarien aux élections présidentielles américaines de 1972), George Hamilton Smith (pédagogue et auteur libertarien), le philosophe et épistémologue Allan Gotthelf, les philosophes et universitaires Robert Mayhew (auteur de Essays on Ayn Rand's Atlas Shrugged) et Tara Smith, l'économiste George Reisman, le psychologue comme Edwin A. Locke, créateur de la goal-setting theory, l'historien Robert Hessen, et les politologues Charles Murray (créateur de l'American Enterprise Institute) et Peter Schwartz[note 12]. Selon Pierre Lemieux Rand, en dépit de son aversion pour l'anarchie, est également un modèle des mouvements anarcho-capitalistes[74]. Les théoriciens anarchistes et minarchistes Murray Rothbard et Robert Nozick reconnaissent l'apport de Rand dans le champ éthique surtout. L'écrivain Mario Vargas Llosa est un de ses admirateurs[note 13]. Alain Laurent, citant une confidence Alan Greenspan explique même que le président russe Vladimir Poutine non seulement connaît ses écrits mais de plus aime à en discuter[52].

L'ancien président de la « Fed », Alan Greenspan, a beaucoup été influencé[note 14] par Rand et déclara à son propos : « Elle m'a montré que le capitalisme n'est pas seulement efficace, mais aussi moral »[106]. Ayn Rand a aussi eu une influence sur James Clavell, George Reisman, Alan Greenspan, Terry Goodkind et le professeur de marketing Jerry Kirkpatrick. L'ancien président des États-Unis, Ronald Reagan se dit lui-même un admirateur de Rand, dans sa correspondance privée[107]. Le dessinateur de comics Steve Ditko est un lecteur de Rand[note 15]. Parmi d'autres personnalités publiques, l'actrice Angelina Jolie et son mari et acteur Brad Pitt, Frank Miller, Vince Vaughn ou Ron Paul, ancien candidat à la Présidence américaine, se disent influencés par l'objectivisme d'Ayn Rand.

Ayn Rand est admirée par le fondateur de l'encyclopédie libre Wikipédia. Ayant lu The Fountainhead, Jimmy Wales se qualifie lui-même de libertarien : « La catégorie de personnes dans laquelle je peux le mieux me considérer serait celle des libertariens »[108] dit-il. La pensée de Rand « colore tout ce que je fais et tout ce que je pense »[109]. Wales a ainsi animé, de 1992 à 1996 une mailing list électronique nommée Moderated Discussion of Objectivist Philosophy. Il donna une interview qui fit la première page du numéro de juin 2007 du magazine libertarien Reason[110].

Jimmy Wales : « Me concernant, l'un des principes qui forme le cœur de ma vie est la vertu d'indépendance »[111].

Un groupe d'entrepreneurs décidés à fonder une cryptarchie en 1998, baptisée « Laissez Faire City » d'abord en Indonésie, sur l'île de Bintan, puis au Costa Rica voulaient mettre en application les directives objectivistes. Le projet échoua faute de trouver un territoire libre et en dehors de tout contrôle étatique[112].

Les héritiers d'Ayn Rand

Dès ses débuts Ayn Rand a su réunir autour d'elle une génération de penseurs considérés comme « objectivistes »[113]. Plusieurs d'entre eux continuent, après sa mort, à promouvoir sa philosophie, aux États-Unis et dans le monde.

En 1985, Leonard Peikoff, en qui Rand avait totale confiance pour représenter sa philosophie, fonde le Ayn Rand Institute (ARI), qui a pour but de « faire connaître la pensée de Rand aux jeunes générations, de soutenir et développer ses idées, et de promouvoir les principes de la raison, de l'intérêt privé rationnel, des droits individuels et du capitalisme du laissez-faire le plus largement possible ». En 1989, David Kelley crée quant à lui l’Institute for Objectivist Studies, devenu The Atlas Society, et qui s'intéresse davantage à la dimension philosophique et universitaire des travaux d'Ayn Rand. En 2000, l'historien John McCaskey organise l’Anthem Foundation for Objectivist Scholarship, qui offre des bourses et des récompenses pour des écrits universitaires liés à l'objectivisme, pour les universités de Pittsburgh et du Texas à Austin. L'association américaine Rebirth of Reason fondée en 2005 par Joseph Rowlands et qui siège à Santa Clara, en Californie regroupe la plupart des continuateurs de l'objectivisme[114].

En France, Alain Laurent, philosophe et essayiste, fonda la Ayn Rand French Society, avec José Luis Goyena. Laurent a écrit La Philosophe Libérale et Le Libéralisme américain : Histoire d'un détournement et fut directeur de la collection « Bibliothèque des Classiques de la Liberté » aux éditions Belles Lettres ; il est considéré comme le spécialiste français des écrits de Rand. La Ayn Rand French Society organise des conférences pour présenter la pensée libérale et réalise des articles, tous publiés dans le périodique numérique Le Nouvel 1dividualiste[note 16].

Influence sur d'autres mouvements de pensée

Jim Powell, du Cato Institute, considère Ayn Rand comme l'une des trois plus importantes femmes du mouvement libertarien moderne américain, aux côtés de Rose Wilder Lane et d'Isabel Paterson[115]. Alain Laurent parle lui des Founding Mothers (« les mères fondatrices ») du néo-libéralisme[116]. Pourtant, Rand a toujours refusé d'être considérée comme une théoricienne du mouvement libertarien.

Le mouvement philosophique pro-technologique dit de l'« extropianisme », ainsi que celui du transhumanisme, reconnaît dans les concepts d'égoïsme et de productivité de Rand des valeurs ontologiques fondatrices. Dans ses Principles of Extropy, le fondateur de ce courant de pensée, Max More définit l'« optimisme pratique » (« practical optimism »), l'« auto-transformation » (« self-transformation »), ainsi que l'« auto-direction » (« self-direction ») en référence aux considérations de l'Objectivisme ; les parallèles étant en effet nombreux[117]. L'Objectivisme étant une philosophie qui vante le progrès scientifique et technique, à la manière du scientisme, des courants technophiles comme celui dit du Neo-Tech et qui a pour but l’élimination du mysticisme de la pensée humaine, se revendiquent « néo-Objectiviste »

La doctrine de l'égoïsme radical et de l'individualisme d'Ayn Rand a été récupérée par nombres de personnalités sectaires ; Rand est ainsi l'un des principaux auteurs cités dans la Bible de Satan d'Anton LaVey, qui explique que sa religion est « uniquement la philosophie d'Ayn Rand à laquelle a été ajoutée des cérémonials et des rituels »[118],[119].

Critiques

Les écrits et la philosophie d'Ayn Rand ont été la cible de diverses critiques, tenant soit à sa personnalité, à son système d'idées ou à son style littéraire.

La contestation de l'altruisme de la part d'Ayn Rand a d'abord attiré des critiques d'ordre éthique. Par exemple, l'écrivain Gore Vidal formule ainsi en 1961 : « Dès lors que nous devons vivre ensemble, dépendants les uns des autres, l'altruisme est nécessaire à la survie". Il explique la popularité d'Ayn Rand en ces termes : "Elle a un grand attrait pour les gens simples, perdus dans une société organisée, réticents à payer des impôts, n'aimant pas l'État providence, qui se sentent coupables face à la souffrance des autres mais voudraient durcir leur coeur. Elle leur propose une prescription alléchante : l'altruisme est source de tous les maux, l'intérêt individuel est le seul bien, et si vous êtes stupide ou incompétent, c'est votre problème » [120].

La présentation de la vie d'Ayn Rand est elle-même sujet à controverse. Dans The Passion of Ayn Rand's Critics[121], James Valliant axe son étude sur les manipulations biographiques possibles faites par Nathaniel Branden et sa femme de la vie de la philosophe après sa mort. Pour Valliant, les héritiers de Rand ont embelli son parcours et dissimulé certaines notes de son journal[122].

L'économiste et philosophe libertarien Murray Rothbard.

L'anarcho-capitaliste Murray Rothbard, dans The Sociology of the Ayn Rand Cult (1972), après avoir soutenu Rand[123], décrit les rouages de la société objectiviste, la comparant à une secte : « non seulement la secte d’Ayn Rand était explicitement athée, anti-religieuse, non seulement elle glorifiait la Raison, mais elle professait une dépendance de type maître-esclave envers le gourou au nom de l’indépendance, une adoration et une obéissance au chef au nom de l’individualité de chacun et une croyance aveugle dans le gourou au nom de la Raison »[124]. Les critiques universitaires et politiques anti-libertariennes sont nombreuses[125]. Le célèbre psychologue américain Albert Ellis présente le mouvement randien comme une religion dans son article « Is Objectivism A Religion? »[126](1968).

D'autres considèrent que le raisonnement philosophique de Rand est sophistique, détournant le concept de rationalité, tel Scott Ryan dans Objectivism and the Corruption of Rationality : A Critique of Ayn Rand's Epistemology qui s'attaque, lui, aux fondements épistémologiques de la pensée randienne, considérée comme une pseudo-philosophie[127].

La pensée de Rand continue à gagner des défenseurs, en dépit de la critique continuelle la qualifiant de « mal construite et peu méthodique »[128]. Son style est ainsi décrit, même au sein de ses partisans, comme étant « littéraire, hyperbolique et émotionnel »[129]. Le philosophe Jack Wheeler note « la grandiloquence incessante et la décharge continue de haine des écrits de Rand », en dépit de cela, il voit son système éthique comme « le plus achevé et le plus fécond des études contemporaines »[130]. Enfin, le populaire et satirique The Philosophical Lexicon réalisé par les philosophes Daniel Dennett et Asbjørn Steglich-Petersen, définit le « rand » comme « une tirade énervée due à une erreur philosophique occasionnelle et/ou une preuve d'une corruption morale ineffable. Quand je questionne cette seconde prémisse, je tombe dans un rand »[131].

Ayn Rand dans la culture populaire

De nombreux dessins animés américains font référence à Rand. Un épisode de Futurama imagine Rand dans le futur alors qu'elle vit dans les égouts. Un épisode de South Park parle d'Atlas Shrugged comme d'un « morceau de déchet » alors que de multiples références sont faites dans Les Simpsons, particulièrement dans l'épisode « Four Great Women and a Manicure » où une allusion critique est faite au livre The Fountainhead.

Des jeux télévisés font également référence à Rand, Jeopardy! mais aussi des séries dramatiques, Gilmore Girls (2000) et Mad Men (2007), ou des émissions comiques (The Colbert Report...)[132].

Le groupe de rock canadien Rush, dans l'album 2112 fait référence au monde décrit dans Anthem. En littérature, l'écrivain objectiviste Kay Nolte Smith présente un roman à clef, Elegy for a Soprano inspiré par le groupe du Collectif avec Rand et Branden. Le roman de William F. Buckley, Getting it Right fait également allusion à Rand. Le jeu vidéo BioShock utilise des éléments de l'action du livre Atlas Shrugged.

Le visage de Rand apparaît sur un timbre crée le 22 avril 1999 à New York par le United States Postal Service[133].

Whoisjohngalt est un code dans l'extension Frozen throne de Warcraft 3 pour obtenir de façon rapide l'ensemble des améliorations disponibles.

 

[Source]

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6 avril 2011 3 06 /04 /avril /2011 14:05

par Marilee Haylock1


Le Libertarianisme est une nouvelle philosophie politique. Bien que ses racines puissent être retracées à travers toute l'histoire des idées, ce n'est que depuis 20 ans qu'elle se présente comme une philosophie bien définie. Cette politique se base sur une idée nouvelle en ce qui concerne le rôle précis du gouvernement au sein d'une société libre.

Aujourd'hui, nous vivons dans un monde où pratiquement tous les pays se heurtent semble-t-il, vers une forme ou autre d'étatisme, qu'elle soit communiste ou celle de l'État-providence. De tout côté, on nous informe que le monde est devenu trop compliqué pour permettre à l'individu de diriger lui-même sa propre vie. Même l'idée de l'individu devient de plus en plus démodée et désuète.

Le Libertarianisme s'oppose à la prémisse de base de l'orientation mentionné ci-haut, ce point de vue qui voudrait que l'État puisse disposer des droits de l'individu pour lui imposer ceux qu'il estime conformes au "bien commun" - et ce, particulièrement en ce qui suit : dans le domaine des droits civils, on appuie toutes les libertés civiles et on s'oppose à toute tentative du gouvernement de refaçonner la vie personnelle de ses citoyens. Dans le domaine de l'économie, on met à défi le droit du gouvernement de limiter de quelque façon que ce soit, ou d'obliger le citoyen à supporter par des taxes des projets qu'il ne supporterait pas volontairement sur le marché libre.

Les Libertariens ne perçoivent pas le gouvernement comme étant sacro-saint, qui ne peut pas être mis en question, mais plutôt comme une simple agence qui détient le monopole de l'usage de la force de la loi. Les Libertariens se concernent alors avec une seule question de base: "Où repose la justification qui permets au gouvernement l'usage abusif du pouvoir ?" La réponse Libertarienne en est que le pouvoir du gouvernement devrait se limiter à protéger l'individu de l'agression et de la fraude.

Depuis quelques centaines d'années, la civilisation occidentale accepte l'idée que la société ne devrait pas être assujettie aux désirs arbitraires d'un Souverain; et malgré le fait que nous avons éliminé le "droit divin des rois", il semble que nous l'avons simplement substitué par le "règne absolu de la majorité". Mais les individus peuvent aussi bien être réprimés sous une dictature que dans une démocratie socialisante. Contrairement à l'idée libertarienne qu'à chaque individu appartient sa propre vie, dans toute société orienté vers l'État, l'individu appartient à l'État à un degré plus ou moins élevé.

Le principe que l'État, représentant la société en son entier, peut agir sur la vie du citoyen comme si elle lui appartient en toute propriété, explique la raison d'être de beaucoup des lois aujourd'hui en vigueur au Canada. L'État contrôle ses citoyens afin de réaliser ses propres objectifs. L'État se permet de juger quels livres sont appropriés pour le citoyen, et à quel prix le citoyen pourra échanger ses services ou vendre son produit. L'État oblige le respect des congés religieux qu'il juge à propos. L'État redistribue les fortunes des individus, pénalise l'individu s'il achète un produit d'un autre pays, exproprie l'individu pour prendre sa propriété s'il estime en trouver une meilleure utilisation et finalement, oblige l'individu de faire la guerre même si cela devra lui coûter la vie. Naturellement, tous ces gestes sont posés au nom de l'intérêt national ou public.

Aujourd'hui, la propriété des droits de l'individu n'étant plus reconnue, les groupes de pression viennent décider de l'intérêt public. Les Libertariens choisissent de ne pas participer à la course des faveurs que chacun recherche pour son groupe en particulier, plutôt, les Libertariens demandent une fin à toute subvention gouvernementale, tout prêt, tout tarif ou autre, car de telles mesures ne servent qu'à favoriser certains individus et groupes aux dépens des autres. Ce favoritisme, nous dit-on, est pour rétablir l'égalité, la "justice sociale". La doctrine libertarienne dicte que le gouvernement devrait offrir l'égalité aux citoyens, non pas une "égalité de paie, d'habitation ou de bien-être", mais plutôt l'opportunité non-obstruée de gagner, de façon honnête, toute chose par transactions volontaires.

Quoique la philosophie Libertarienne soit idéaliste dans sa vision et dans ses fondements, elle n'est pas utopique. Elle ne cherche pas à refaire les hommes selon une vision libertarienne d'un bien commun. Elle voudrait que chaque individu soit libre de réaliser pour lui-même son propre bonheur, sans que le gouvernement vienne s'ingérer dans les arrangements entre hommes. Nous croyons qu'une société gouvernée pour maintenir à chacun la liberté de poursuivre son bonheur dans le respect de la personne et de la propriété de son concitoyen réaliserait le plus grand bonheur de tous ses citoyens.

Depuis bien des années, les gens disent que le socialisme est un "bel idéal" qui n'est pas réalisable "en pratique". En fait, depuis maintenant une centaine d'années, l'idéal socialiste se répand partout dans le monde. Les résultats sont connus : plus l'État applique le socialisme, plus la société s'appauvrit. Les Libertariens ne croient pas que ceci résulte du fait que l'idéal est difficilement réalisable. Plutôt, ils croient que cet idéal, tel qu'exercé par l'État, ne respecte pas la nature de l'humanité. Il est évident que les pays où les droits et libertés de l'individu sont les plus protégés sont les pays où l'on retrouve la plus grand prospérité. En fait, le socialisme n'est ni pratique, ni moral.

Il est intéressant à noter que le principe de base de la philosophie libertarienne (soit le droit de l'individu de poursuive ses intérêts sans contrainte ni coercition) est accepté par la plupart d'entre nous. La seule exception est en ce qui concernent le gouvernement. La plupart des gens acceptent toujours que le gouvernement puisse ainsi limiter les droits et libertés des citoyens en autant qu'il proclame, appuyé d'une logique quelconque, que c'est pour le bien commun.. Ce que recherchent les Libertariens, c'est de pouvoir appliquer les mêmes règles de bons sens au gouvernement, afin de prévenir l'ingérence dans les transactions entre individus.

Les Libertariens croient fermement que le pouvoir grandissant de l'État au Canada nous étouffe tous. Mais ce n'est pas nécessairement le gouvernement en tant que tel qui est le plus grand coupable dans cette affaire: c'est plutôt l'idée que tous nos problèmes peuvent être réglés par le gouvernement. Afin d'aller à l'encontre de cette croyance, les Libertariens veulent promouvoir une nouvelle idée - l'idée d'une liberté personnelle. Notre bataille sera une bataille éducative, et son succès n'est pas garanti.

 

Pourtant, il y a de nombreux signes qui montrent que le temps est venu d’adopter la philosophie libertarienne.

 

1Marilee Haylock (1942-1982) fut Présidente du Parti Libertarien de l'Ontario de 1976 à 1979. "What is Libertarianism?" a été écrit en 1977. La traduction de l'original fut réalisée par Michel Champagne, Coordonateur Régional pour le Québec.

 


LES FACTIONS DU MOUVEMENT LIBERTARIEN

 

par Francis Dumouchel

 

          La philosophie libertarienne est loin d’être une tradition homogène. Une théorie humoristique prétend que le libertarianisme est le sujet de discussion primordial du cyberespace, qu’on soit pour, contre ou simplement en désaccord sur ses principes; chaque fois qu’un débat dévie vers autre chose, il doit inévitablement revenir à cette source originelle(1). Je ne présenterai pas systématiquement les différents points de vue concernant chaque question précise (par exemple, sur l’avortement), ce qui serait une tâche interminable. Je m’efforcerai plutôt de présenter sommairement les principales factions du mouvement libertarien et de montrer en quoi ils s’opposent de façon générale, tout en discutant du cas des penseurs les mieux connus.

 

Économie: École autrichienne vs École de Chicago

          L’École autrichienne (ou viennoise) a été fondée par Carl Menger (1840-1921) en 1871 avec la publication de son traité Grundsätze der VolkswirtschaftslehrePrincipes d’Économie »). Ses principaux successeurs sont Eugen von Böhm-Bawerk (1851-1914), Friedrich von Wieser (1851-1926), Ludwig von Mises (1881-1973) Friedrich A. Hayek (1899-1992) et Murray Rothbard (1926-1995). L’École autrichienne s’oppose à l’utilisation des méthodes des sciences pures en économie et fonde la discipline sur la compréhension logique de l’action humaine individuelle. La plupart des économistes autrichiens ne reconnaissent aucun rôle légitime à l’État sauf peut-être la production de la justice et de la défense collective.

          L’École de Chicago est un regroupement vague d’économistes d’adhérence néoclassique qui défendent le libre marché. Le plus célèbre est Milton Friedman qui a publié de populaires justifications du capitalisme – Capitalism and Freedom (1962) et Free to Choose (1980). L’École de Chicago est extrêmement influente dans la profession économique actuelle puisque les néoclassiques constituent le courant dominant aux États-Unis. Elle s’étend aussi à l’analyse économique de la politique (public choiceJames M. Buchanan, Gordon Tullock, George Stigler) et du droit (law-and-economicsRonald Coase, Richard Posner, Gary Becker). Toutefois, plusieurs économistes de cette école ont tendance à voir des échecs du marché (market failures) partout et à demander l’intervention de l’État pour les corriger, voulant ainsi créer une situation « optimale » répondant à leurs définitions artificielles de la rationalité et de l’efficacité.

Philosophie politique: minarchisme vs. anarcho-capitalisme

          Le minarchisme est une philosophie politique qui estime que l’État doit se contenter d’exercer les fonctions régaliennes (justice et sécurité) et éviter d’intervenir dans l’économie. La plupart des libéraux classiques (John Locke, Adam Smith, Jean-Baptiste Say, Frédéric Bastiat, Alexis de Tocqueville, etc.) défendaient cette vision d’un État minimal ou « veilleur de nuit ». Le principal problème réside dans la manière de construire un système politique qui empêche le gouvernement d’accroître son pouvoir progressivement et d’abuser de sa position dominante. Différentes solutions ont été apportées pour résoudre cette difficulté: le constitutionnalisme, la séparation stricte des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, la démocratie, le fédéralisme, etc. Parmi les auteurs plus modernes, notons Ludwig von Mises (Liberalism in the Classical Tradition, 1927), Friedrich A. Hayek (La Constitution de la Liberté, 1960; Droit, législation et liberté, 1973), Robert Nozick (Anarchie, État et Utopie, 1974), James M. Buchanan (Les Limites de la Liberté, 1975), Randy Barnett (The Structure of Liberty, 2000), et Richard Epstein (Skepticism and Freedom, 2003).

          L’anarcho-capitalisme ne reconnaît aucune fonction légitime à l’État et refuse le concept même de monopole de la justice et de la sécurité sur un territoire. L’axiome de non-agression empêche toute personne, qu’elle soit en autorité ou non, d’initier la force contre une autre. Cela empêche toute collecte de revenus fiscaux et donc l’État ne peut financer son fonctionnement. La différence entre l’anarchisme socialiste et l’anarcho-capitalisme est que ce dernier considère la propriété comme un droit fondamental et fonde toute sa théorie de la justice à partir de ce principe. L’anarcho-capitalisme est le descendant de l’anarchisme individualiste du XIXe siècle (Benjamin Tucker, Lysander Spooner, Gustave de Molinari) et une forme de libéralisme radical. Les principaux penseurs modernes ayant défendu cette théorie sont David Friedman (Vers une société sans ÉtatThe Machinery of Freedom, 1971), Murray Rothbard (L’Éthique de la Liberté, 1982), Bruce Benson (The Enterprise of Law, 1990), J.C. Lester (Escape from Leviathan, 2000), Hans-Hermann Hoppe (Democracy: The God That Failed, 2001) et Robert Murphy (Chaos Theory).

Stratégie et politique étrangère: paléolibertariens vs néolibertariens

          Les paléolibertariens se sont nommés ainsi pour se distinguer de ce qu’ils voient comme la décadence et la perversion du mouvement(2). Le terme peut avoir deux sens non exclusifs, selon le contexte. Premièrement, il désigne une stratégie concernant la manière de provoquer une transition vers une société plus conforme aux idéaux libertariens. Les paléolibertariens préfèrent le révolutionnaire au progressif et rejettent les mesures qui ne constituent pas clairement une diminution du pouvoir de l'État, c'est-à-dire les « market-based initiatives » qui introduisent un élément de compétition sans être une privatisation complète (bons d'études, transformation d'une taxe en une autre, libéralisation accompagnée de nouvelles réglementations, etc.). Ils refusent de collaborer avec le pouvoir politique et ne se fient pas au processus démocratique pour disséminer leurs idées. Certains, notamment Hans-Hermann Hoppe, considèrent que le conservatisme culturel est une composante essentielle de l’idéologie (attention, nous parlons ici d’un conservatisme individuel et non de l’imposition de valeurs à la société entière). Deuxièmement, le terme désigne aussi une politique étrangère non-interventionniste et pacifique, surtout depuis le commencement de la guerre contre le terrorisme (ils rejoignent donc les paléoconservateurs sur ce point). Parmi les paléolibertariens les plus notoires, mentionnons Lew Rockwell, président du Mises Institute, qui définit son organisation comme paléolibertarienne dans les deux sens du terme.

« Les libertariens ne pourront avoir une influence décisive sur l’opinion populaire tant qu’ils ressembleront davantage à un casse-tête qu’à un authentique mouvement. »


          Les néolibertariens quant à eux adoptent une perspective plus pragmatique et croient légitime de fonder des partis politiques et des alliances circonstancielles pour avancer leur cause. Ils reprochent aux paléolibertariens leur radicalisme et leur attitude « tour d’ivoire ». Les néolibertariens ne rejettent pas la politique, que ce soit par action directe (Libertarian Party) ou par la formation de think tanks (Cato Institute). Ils ont tendance à être plus utilitaristes que les paléolibertariens qui, eux, privilégient le jusnaturalisme. Également qualifiés de « left-libertarians » par les paléolibertariens (dénomination plutôt sournoise puisque le terme désigne les libertaires socialistes en anglais), on les accuse aussi de tenter de réduire l’importance de la propriété privée par rapport aux questions sociales et de confondre liberté et libertinisme. Selon la seconde acception du terme, les néolibertariens favorisent l’interventionnisme militaire pour imposer la liberté économique et civile à l’étranger. Les néolibertariens interventionnistes sont minoritaires en Amérique du Nord(3) puisqu’ils se confondent parfois avec le mouvement néoconservateur dominant et mieux organisé. En France, par contre, l’interventionnisme militaire est beaucoup plus populaire chez les libertariens.

Éthique: utilitaristes vs jusnaturalistes

          L’utilitarisme (ou conséquentialisme) est une approche éthique fondée sur la maximisation du bonheur de la société en général. Le débat entre utilitaristes et jusnaturalistes en est un de philosophie générale et ne se rattache pas spécifiquement au mouvement libertarien. Cependant, les deux camps sont clairement opposés et leur éthique influence grandement leur philosophie politique (et parfois même leur pensée économique). Ludwig von Mises et David Friedman sont deux exemples d’utilitaristes bien que leurs définitions du concept varient. Les économistes néoclassiques sont très souvent d’un utilitarisme marqué, utilisant des critères tels que l’optimalité de Pareto ou de Kaldor-Hicks. Les économistes utilitaristes insistent sur le caractère amoral (value-free) de leur science, ils refusent de reconnaître une éthique universelle indépendante du bien-être humain.

          Le jusnaturalisme est une approche éthique fondée sur la croyance en un système de justice universel, indépendant de l’ordre politique en place et découlant des principes intrinsèques à l’existence humaine. Les jusnaturalistes pensent qu’il est possible de déduire logiquement un droit naturel à partir d’axiomes (par exemple le principe de non-agression) et que ces règles doivent s’appliquer de façon égale à tous. Le jusnaturalisme est fortement lié à la pensée aristotélicienne, thomiste et chrétienne et considère implicitement le monde comme harmonieux de par sa nature. Murray Rothbard et ses adeptes du Mises Institute favorisent ce genre d’éthique. Plusieurs penseurs classiques, dont Frédéric Bastiat, ne voyaient aucun conflit entre les approches jusnaturalistes et utilitaristes puisque ce qui est conforme au droit naturel devrait nécessairement maximiser le bonheur de la société.

Quelques autres idéologies

          L’objectivisme est une philosophie étroitement liée à la personne d’Ayn Rand (1905-1982), écrivaine et philosophe américaine d’origine russe. Ses romans La source vive (The Fountainhead, 1943) et Atlas Shrugged (1957) furent des succès populaires et influents. L’objectivisme n’est pas simplement une philosophie politique; il se veut un système complet englobant autant l’éthique que l’esthétique. Dans La vertu d’égoïsme (The Virtue of Selfishness, 1964), Rand défend l’idée que l’égoïsme ne devrait pas être découragé, mais plutôt célébré en tant que seul comportement rationnel et conforme à la nature humaine.

          Les ouvrages d’Ayn Rand ont beaucoup contribué à la popularisation du mouvement libertarien et à la défense morale du capitalisme; malheureusement de nombreux éléments caractéristiques de sa pensée lui enlèvent son sérieux et sa crédibilité. D’abord, elle ne reconnaît qu’un seul philosophe important (avant elle), Aristote, et rejette en bloc les idées de tous les autres penseurs de la civilisation occidentale. Ce point l’a conduit à un manque flagrant d’humilité(4), nourri par un culte de la personnalité entretenu par ses proches collaborateurs. Ses positions sur certains sujets comme l'athéisme et l'anarchisme sont plus dogmatiques que justifiées intellectuellement. D’ailleurs, elle refusait d’être associée à la philosophie libertarienne, car elle considérait les libertariens comme des « hippies de droite » et des plagiaires (alors qu’elle-même ne citait que rarement ses sources et reprenait souvent des idées développées par les libéraux classiques depuis des siècles)(5). Au-delà de cette bataille, nous pouvons constater que les objectivistes sont bel et bien alliés des libertariens sur une grande étendue de questions. D’ailleurs, certains économistes contemporains (George Reisman – Capitalism: A Treatise on Economics, 1996) tentent de concilier objectivisme et méthodologie autrichienne.

          Le géolibertarianisme est une autre philosophie politique, distincte du minarchisme et de l’anarcho-capitalisme, dont l’influence est toutefois plus restreinte. Ce groupe associé à l’économiste américain Henry George (1839-1897) se situe à la frontière du libertarianisme capitaliste et du libertarisme socialiste. Les géolibertariens refusent de reconnaître la propriété dans la terre, puisqu’elle n’est pas créée par le travail humain. La terre étant la propriété commune de l’humanité, tout utilisateur doit verser une taxe sur la valeur de la terre, taxe qui sera redistribuée à l’ensemble de la communauté.

          Le civil libertarianism se rattache au mouvement libertarien uniquement en ce qui a trait aux questions sociales telles que la liberté d’expression, la légalisation des drogues ou les droits constitutionnels fondamentaux. Il rejette l’ingérence du gouvernement dans la vie privée des citoyens, mais la plupart des civil libertarians sont en faveur de l’État-providence et ne défendent pas la liberté économique. Des associations telles que l’American Civil Liberties Union et l’Electronic Frontier Foundation représentent bien ce point de vue.

Conclusion

          Nous constatons en fin de compte que le mouvement libertarien, comme toute idéologie minoritaire, est particulièrement divisé, ce qui empêche jusqu’à un certain point sa propagation à grande échelle. L’analyse de Rothbard(6) sur la question est très pertinente à mon avis: d’une part, il faut éviter l’opportunisme en reniant en pratique nos principes fondamentaux; d’autre part, il faut éviter les guerres de clochers et le rejet de toute contribution de la part de quelqu’un qui n’est pas un « pur » libertarien. Pour illustrer ces deux attitudes, nous pouvons donner comme exemple d’opportunisme M. Friedman qui a aidé à mettre en place le système de retenues à la source pour faciliter l’imposition des salariés et qui défend le revenu minimum garanti, par opposition à l’intransigeance de plusieurs rothbardiens du Mises Institute qui s’attaquent à Hayek et à Keynes avec la même véhémence, comme si le premier n'était pas beaucoup plus près d'eux. Les libertariens ne pourront avoir une influence décisive sur l’opinion populaire tant qu’ils ressembleront davantage à un casse-tête qu’à un authentique mouvement.

 

1. La désignation formelle de cette théorie est le « Corollaire de Newman à la Loi de Godwin tel que reformulé par Gordon », voir: Mike Godwin, « Meme, Counter-meme », (Wired 2.10, octobre 1994).
2. Pour un exemple intéressant du conflit entre les paléolibertariens et les néolibertariens, voir la critique des livres de David Boaz (Cato Institute) par Jeffrey Tucker (Mises Institute).
3. Ni le Libertarian Party ni le Cato Institute ne donnèrent leur appui à la guerre en Iraq.
4. Dans The Art of Fiction, elle affirme sérieusement qu’elle se considère comme la meilleure écrivaine de fiction depuis Victor Hugo.
5. Pour une critique libertarienne de Rand, voir Murray N. Rothbard, « The Sociology of the Ayn Rand Cult »; pour la critique objectiviste envers les libertariens, voir Ayn Rand’s Q&A on Libertarians. Pour un regard moderne sur la controverse, voir l’édition de mars 2005 du magazine Reason.
6. Murray N. Rothbard, The Ethics of Liberty, New York, NYU Press, 1998, pp. 257-273.

http://www.quebecoislibre.org/titreql.gif


Lisez le DOSSIER  sur LE LIBERTARIANISME

 

 

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4 avril 2011 1 04 /04 /avril /2011 22:27

Cyber-Résistance : « Pouvoir total, c'est-à-dire corruption totale. »  

 

Êtes-vous un Libertarien ?    

 

http://americanbuilt.us/images/organizations/Libertarian-compass.jpg

Le diagramme de Nolan

 

Si les grands partis politiques vous déçoivent, c’est souvent parce que :

 Si en plus vous partagez certaines des idées suivantes :

Si vous vous reconnaissez dans ces idées, c’est que vous êtes un libéral dit « classique ». En référence à son attachement aux idées classiques du libéralisme. Les héritiers de ces libéraux sont appelés « libertariens ». [5]

  Le mot « libertarien » commence à être utilisé, car le terme « libéral » désigne aujourd’hui des choses très différentes. Comme par exemple :

Le libéralisme qu’on dit « classique » est celui qui défend le mérite et l'action humaine comme moteur de liberté, de responsabilité et de prospérité.

 

Le libéral classique défend :

 

Une théorie économique rationnelle, hostiles aux théories économiques douteuses des corporatistes, des socialistes et de Keynes.

Une économie basée sur les principes du libre marché, encourageant l'investissement, le travail et l'épargne - plutôt que l'endettement et la consommation.

Une approche monétaire impliquant une réduction du pouvoir absolu des banquiers centraux, qui agissent comme des planificateurs et provoquent crise après crise.

Le libre échange et la libre circulation des personnes, des capitaux et des biens.

La neutralité diplomatique.

L'État de droit, c'est-à-dire basée sur la stricte égalité de chaque personne devant la justice.

Ce qu’on nomme le « laissez-faire », c'est-à-dire la non-intervention de l'économie politique dans la vie privée des gens.


Pour le libéral classique, le rôle de l’État doit se limiter à :
 

Protection des Droits et libertés, ainsi que l’intégrité physique et la propriété des individus ; contre la criminalité et la fraude. Défense du territoire contre les agressions extérieures avec efficience et diplomatie.


Les libéraux débattent de nombreux détails sur ces points, en particulier de définir quelles sont les rares prérogatives qui doivent êtres cédées à l’État. Ils sont toutefois en désaccords sur d’importantes choses :

 

Les libéraux classiques, conservateurs et de gauches ne sont certainement pas anarchistes : Ils sont démocrates et humanistes. Pour eux l’absence d’un gouvernement est destructeur de liberté, car personne ne doit lui-même défendre son intégrité physique ou sa propriété. Ce qui serait synonyme de « loi de la jungle » ou « loi du plus fort ». Contradictoire du principe de liberté.

 

Les agoristes et les libertariens peuvent êtres anarchistes, pour eux il existe une contradiction interne dans la fonction même du gouvernement. Car si le gouvernement protège la population, qui protège la population du gouvernement ? L’état est ainsi l’incarnation même du pire monopole qui soit : celui de la violence. [6]

 

Le libéral de gauche est favorable à une allocation universelle, qui serait indistinctement donnée à quiconque afin d’assurer des « conditions de départ » équitables à chacun.

 

Le libéral conservateur intègre une dimension nationaliste et morale au libéralisme classique.

 

Si vous vous sentez désormais libertarien, alors sachez que vous appartenez à un courant philosophique qui existe depuis l'Antiquité. Qui a toujours apporté innovation et indépendance lorsqu’il a été promu. Que cette application n’a jamais été complète et que ce ne sont que les quelques rares parties qui l’ont été qui ont permis toutes les avancées que nous connaissons aujourd’hui.

La question se pose alors : pourquoi ces évolutions ne sont-elles pas plus communément formulées et appliquées ?

Pour la simple raison que le fait de défendre publiquement tous ces principes entraîne des critiques d’égoïsme par la gauche et d’utopisme par la droite. Car les progressistes se voient comme ayant le monopole de la vertu et les conservateurs le monopole de la morale

Il existe pourtant des secteurs, dans le monde, qui se distinguent particulièrement. Car ils sont la démonstration du genre d’abondance de croissance que le libéralisme apporte. Ces puissances sont la Suisse ; certains états américains [7] comme le New Hampshire ; Hong-Kong ; etc. Les principes et les idées présentées précédemment y sont communément acceptés et appliquées.

Incontestablement, la majorité des discussions politiques d’aujourd’hui et dans le monde combinent futilité et démagogie. Nous sommes en face d’un consensus « étatiste » mondial [8], où la gauche veut un État fort pour administrer l'économie et la droite un État fort pour décider de ce que doivent êtres nos valeurs. Un État minimal  , garant de liberté et de prospérité, a été oublié des deux côtés.
 
A ce stade, il est adéquat de proposer une nouvelle définition du « spectre » politique. Un régime politique devrait être considéré en plusieurs échelles. Car il est certain que les conservateurs et les progressistes se trouvent à l’opposé l’un de l’autre. Néanmoins ils peuvent être plus ou moins étatistes  : C'est ainsi qu’apparaissent les trois dimensions  ! [9]

On compte donc, à la base, tous les totalitarismes. Comme la nomocratie islamique, le communisme et le fascisme : dans tous les cas, la présence de l’État est totale ; une classe de privilégiés est libre et à tout pouvoir, là où une autre classe de  serviteurs n’existe que pour servir les idéaux de la première.

Au sommet, c’est l’absence d’État : l’anarchisme au sens strict, le « Libertarianisme ». [10] Au milieu, on trouve l’État de droit : le pouvoir et les devoirs de l’État  sont strictement limités par la constitution. Le but de cette loi est de garantir  l'égalité de tous devant elle et d’assurer la sécurité et la liberté.


La Révolution Libertarienne s'oppose aux sociétés démocratiques totalitaires,  le refus de tout pouvoir est la voie vers l’émancipation de la civilisation.


[1] Le jusnaturalisme est une doctrine philosophique et juridique fondée sur le concept de droit naturel. 

[2] Cf. Lord Acton. 

[3] Il n'y a qu'un seul droit fondamental (tous les autres sont ses conséquences ou corollaires) : le droit d'un homme à sa propre vie. La vie est un processus d'action qui s'auto-génère et s'auto-entretient ; le droit à la vie signifie le droit de s'engager dans un tel processus, c'est-à-dire la liberté de prendre toutes les actions requises par la nature d'un être rationnel pour la conservation, le développement, l'accomplissement et la jouissance de sa propre vie. Telle est la signification du droit à la vie, à la liberté et à la recherche du bonheur. (Ayn Rand, La vertu d'égoïsme)

[4] Murray Rothbard, Le Manifeste libertarien, 1973

[5] Le Gadsden Flag et sa devise libertarienne « Ne me marche pas dessus » figurent parmi l'imagerie révolutionnaire de la guerre d'indépendance reprise par les partisans du mouvement Tea Party

[6] « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux. » — Benjamin Franklin

[7] Le Free State Project (Projet d'État libre) est une invitation aux libéraux et aux libertariens à se regrouper dans l'État du New Hampshire (États-Unis) afin d'obtenir une puissance politique suffisante pour imposer par le vote leur choix politique et économique. L'objectif est de minimiser l'État et de développer de façon optimale la philosophie libérale.

[8] Votre système est une guerre civile légale, où les hommes se constituent en groupes antagonistes et se battent entre eux pour s’emparer de la machine à fabriquer les lois, laquelle leur sert à écraser leurs rivaux jusqu’à ce qu’un autre gang s’en empare à son tour pour les évincer, le tout dans une protestation perpétuelle d’attachement au bien non spécifié d’un public non précisé. (Ayn Rand, Atlas Shrugged, Discours de John Galt)

[9] Le diagramme de Nolan est un échiquier politique qui permet de se représenter sur une échelle du positionnement de partis ou mouvements politiques. Il a été élaboré par le libertarien David Nolan. Ce diagramme montre ce qu'il considère comme les « libertés économiques » (comme le niveau des impôts, le marché libre et la libre entreprise) sur l'axe des abscisses, et les « libertés individuelles » (liberté de circulation, laïcité, libre possession de son corps qui regroupe la légalisation des drogues, l'avortement, l'euthanasie,...) sur l'axe des ordonnées.

Ceci place l'aile gauche en haut à gauche de ce diagramme, l'aile droite en bas à droite, les libertariens en haut à droite, et en bas à gauche les totalitaristes (d'extrême-gauche comme d'extrême droite). Ces derniers furent regroupés par Nolan sous l'appellation de populistes pour leur tendance à s'appuyer sur le « petit peuple », toutefois cela ne recoupe pas l'usage récent du terme populiste pour désigner des programmes économiquement très libéraux. L'axe droite/gauche est donc représenté par une diagonale traversant le diagramme du coin supérieur gauche au coin inférieur droit.

[10] La panarchie est une théorie politique prônant la libre concurrence de tous les systèmes politiques. 


Selon cette définition, le monde tout entier est en train de se diriger dangereusement vers la gauche. La crise financière qui sévit en est une conséquence, une illustration, et un accélérateur (pour l’instant). C’est de ce thème que le manifeste Néo-Libertarien traitera.


 

Le Manifeste Néo-Libertarien 

 

Chapitre 1 – Notre condition actuelle: l’étatisme 

 

Chapitre 2 – Notre objectif: l’agorisme 

 

Chapitre 3 – Notre moyen: la contre-économie 

 

Chapitre 4 – Notre stratégie: la Révolution 

 

Chapitre 5 – Nos tactiques: Action ! 

 

http://www.contrepoints.org/wp-content/uploads/2011/04/Liberty.jpg

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4 avril 2011 1 04 /04 /avril /2011 18:30

AGORISME

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Chapitre 5 – Nos tactiques: Action !

Le chapitre précédent n’a que rapidement discuté d’un petit nombre de tactiques. Quelques-unes se sont montrées efficaces chez des libertariens radicaux et le MGL inclut l’infiltration des groupes moins radicaux et la scission par la présentation d’alternatives ; la confrontation de toute coercition ou déviation par la dénonciation et la protestation ; le démarchage quotidien auprès des amis ; la participation à des clubs sociaux libertariens pour échanger des informations, des biens et se soutenir à la manière d’un proto-agora ; et bien sûr la publication, la prise de parole, l’écriture de fiction agoriste [1], et les activités éducatives sous toutes formes: enseignant, consultant, amuseur, historien, économiste, etc…

On ne peut que découvrir, pratiquer et transmettre les tactiques qui marchent. Ceux qui retrouvent des conditions similaires en temps et en lieu à celles où une tactique donnée s’est montrée efficace, peuvent réutiliser cette tactique. Mais il y a toujours des risques ; c’est ainsi dans tout activisme, qui n’est qu’une forme d’entrepreneuriat, un jeu d’anticipation du marché et de subvenir à la demande. On peut devenir meilleur à ce jeu par la pratique ; c’est ce qui fait les bons entrepreneurs. Tout est indiqué dans l’Action Humaine de Ludwig von Mises.

Pour savoir ce qui a été utilisé et si ça a marché ou non, la communication est indispensable. Si vous avez téléchargé cette page et que vous êtes d’accord et que vous souhaitez aider la résistance, ou que vous avez un ardent désir de résister à la coercition, vous êtes prêt pour le MGL ou l’ANL (Chapitre 4). Libérez-vous. Agissez.

Dans quelle phase sommes-nous ? En Octobre 1980 (première édition) l’essentiel de la planète est en phase 0. Les îles brittaniques, l’Australie et le Canada sont en transition vers la phase 1 ; l’Amérique du Nord est en phase 1. On voit les premiers signes de la phase 2 parmi les concentrations les plus denses de libertariens, en Californie du Sud. En supposant que la situation ne soit pas inversée, les premières gouttes de rosée agoriste – anarcovillages – sont en train de se condenser en sous-sociétés viables.

Le MGL n’existe qu’en Californie avec quelques noyaux dispersés, des agents et des cellules, en Alliance. L’Alliance Néo-Libertarienne proclamée auparavant s’est révélée prématurée et l’ANL reste un embryon jusqu’à ce que les conditions objectives nécessaires à sa subsistance se manifestent.

Le MGL a sa voie toute tracée. De l’extérieur, l’effondrement mondial de la « Gauche » [2] a affaibli les freins imposés aux secteurs les plus compétitifs de l’Etat, qui se précipitent vers la guerre pour re-mystifier ses victimes épuisées avec du patriotisme. Les libertariens ont désormais une opportunité de s’emparer des mouvements anti-guerre, anti-impérialisme et anti-conscription avec une nouvelle et fraîche idéologie en soutien, pour devenir la nouvelle vraie Gauche. Le MGL doit se battre contre le partiarchisme et les éléments monocentristes pour prédominer. [3]

L’avidité de la ploutocratie américaine, oscillant entre inflation galopante et dépression économique, en balancements sans cesse plus prononcés, a fait paniquer un grand nombre de businessmen jusque là passifs et leur a fait douter des assurances des conservateurs de restaurer la stabilité, et fait considérer des alternatives radicales, voire révolutionnaires. Seule la Gauche Libertarienne peut convaincre ces entrepreneurs de gagner une position « idéologique » non-pragmatique. C’est là que se trouvent nos opportunités.

Le Parti « Libertarien » a connu une crise interne avec l’élection présidentielle de 1980. Le dévoilement prématuré de l’étatisme inhérent du partiarchisme par l’opportunisme évident de Crane et Clark a réussi à non seulement générer une opposition de la part de la Gauche, mais aussi de Centre et de la Droite. [4] Les défections quotidiennes se sont accumulées. [5]

L’échec de quelques éléments réformistes essayant d’évincer le Kochtopus lors de la Convention de Denver (Août 1981) et de ramener dans les rangs les moins radicaux a fait drastiquement régresser le P »L » des USA et entraîné la recrue de milliers de désabusés au MGL ainsi que la poursuite d’activités d’éducation anti-parti et de contre-économie.

Avec ce manifeste comme guide et source d’inspiration, les stratégistes et tacticiens Néo-Libertariens peuvent rechercher, développer, corriger et mettre en pratique la Stratégie Néo-Libertarienne et les tactiques appropriées aux conditions qu’ils rencontrent. Il reste encore beaucoup de travail à faire mais les projets ont des conséquences inatteignables autrement: la fin de la politique, des impôts, de la conscription, des catastrophes économiques, de la pauvreté involontaire et des massacres de masse millitaires dans une guerre finale – la société contre Notre Ennemi l’Etat.

La contre-économie fournit une gratification immédiate pour tous ceux qui abandonnent les contraintes étatiques. Le Libertarianisme récompense ses pratiquants par plus de liberté et un accomplissement personnel qu’aucune autre alternative conçue jusqu’ici ne peut proposer. Mais seul le Néo-Libertarianisme offre la possibilité de réformer la société pour y créer un mode de vie moral, fonctionnel sans exiger un changement de la nature humaine. Les utopies peuvent être réfutées ; au moins nous avons une idée de comment remodeler la société pour l’adapter à l’Homme, plutôt qu’adapter l’Homme à la société. Quel autre défi pourrait-il être plus gratifiant de relever ?

Si vous avez maintenant choisi la voie Néo-Libertarienne, vous souhaiterez peut-être joindre votre voix aux nôtres pour prononcer le serment « Triple A », ou pousser un cri de guerre commun, ou autre chose, et y revenir régulièrement pour rafraîchir votre engagement:

« Nous témoignons de l’efficacité de la liberté et applaudissons la beauté complexe de l’échange volontaire. Nous exigeons le droit de chaque égo à maximiser sa valeur sans limite autre que celle d’un autre égo. Nous proclamons l’âge du Marché sans restrictions, des conditions naturelles et adaptées d’existence pour l’humanité, de la richesse en abondance, des objectifs avec ou sans limite, et du sens de la vie déterminé par chacun, pour tous: Agora.

« Nous défions ceux qui veulent nous enchaîner de dévoiler leurs raisons ; sans preuve d’agression de notre part nous brisons nos liens. Nous apportons la justice à tous ceux qui ont été agressés, en tout temps. Nous ramenons ceux qui ont souffert de l’oppression dans leur condition légitime. Et nous banissons pour toujours le Monstre des Ages, le monopole soit-disant légitime de la coercition, de nos esprits et de notre société, le protecteur des agresseurs et le destructeur de la justice. Nous détruisons l’Etat: Anarchie.

« Nous exerçons nos volontés jusqu’à nos limites personnelles, restreints uniquement par notre moralité. Nous combattons les anti-principes qui saperaient notre détermination et combattons tous ceux qui s’opposent physiquement à nous. Nous ne cesserons la lutte ni ne gâcherons nos ressources qu’une fois l’Etat détruit et qu’une fois que l’humanité aura trouvé sa demeure agoriste. Brûlant d’un désir inextinguible de Justice pour tout de suite et de Liberté pour toujours nous vainquons: Action !

Agora, Anarchie, Action !

Samuel Edward Konkin 3ème du nom
12 octobre 1980, anarcovillage de Long Beach


Notes:

[1] Exemple: « Alongside Night » de J. Neil Schulman et ses possibles suites.

[2] La Gauche était à l’origine proto-libertarienne, tout comme les historiens sceptiques comme Léonard Liggio l’ont indiqué. A l’Assemblée Nationale française, les laissez-fairistes et défenseurs du marché libre comme Frédéric Bastiat siégeaient à côté de l’anarchiste Pierre-Joseph Proudhon. Même aujourd’hui les marxistes qualifient les anarchistes de « ultra-gauches ». Les libertariens et les marxistes étaient à peu près à égalité dans la première Internationale. Les marxistes et leurs imitateurs populistes ont connu une descente continue depuis les années 80, perdant leurs espoirs avec l’effondrement de la Nouvelle Gauche, l’invasion de la Tchécoslovaquie et de l’Afghanistan par l’URSS, et celle du Vietnam par la Chine – la guerre entre deux états marxistes étant supposée « impossible ».

[3] Actuellement, « L »P « R »C et SLS, respectivement.

[4] La « Droite » du Libertarianisme actuel est respectable idéologiquement mais beaucoup des principes qu’ils poursuivent sont en fait des anti-principes: gradualisme, conservatisme, réformisme et minarchie. Le magazine Reason et sa revue Frontlines sont ses principaux organes. Le « Centre » inclut Murray Rothbard et ses disciples, aujourd’hui organisés en Branche « Radicale » qui soutient Clark de manière « critique », c’est-à-dire de l’extérieur. Les Centristes de Rothbard ont viré à Gauche en abandonnant le monocentrisme.

[5] Murray Rothbard, comme mentionné ci-dessus ; le Directeur du Conseil du parti de Californie du Sud Dyanne Petersen, d’autres personnes qui ont informé l’auteur de leur défection imminente au cas où le clientélisme deviendrait encore plus prononcé (ce qui ne fait aucun doute).

- Note spéciale à la seconde édition: c’est ce qui s’est effectivement produit. Un flot ininterrompu de démissionaires ont rejoint les rangs du MGL chaque mois après cela. Au moins un groupe de Libertariens de Gauche, les Volontaristes, s’est levé pour faire concurrence aux ex-partiarches. Et Murray Rothbard organise, en ce moment, une dernière tentative d’arracher le contrôle du P »L » aux partisans du Kochtopus lors de la Convention de nomination présidentielle de Septembre 1983 à New York.


Lisez le DOSSIER  sur LE LIBERTARIANISME 

 

 

 

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4 avril 2011 1 04 /04 /avril /2011 18:29

AGORISME

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Chapitre 4 – Notre stratégie: la Révolution

Notre condition présente a été analysée, notre objectif défini, le mécanisme a été décrit et un certain nombre de chemins ont été découverts. En nous lançant simplement sur la voie contre-économique, en nous instruisant et en étudiant le libertarianisme tout en éduquant les autres par les paroles et les actes, nous pourrions fabriquer la société libertarienne. Effectivement, c’est suffisant pour la plupart des gens et c’est ce qui est attendu d’eux. Aucun Néo-Libertarien ne devrait diminuer l’effort d’un contre-économiste qui ne ferait rien de plus. Ils sont agoristes eux aussi, et en viendront là en leur temps.

Mais mêmes ces simples agoristes peuvent vouloir contribuer auprès d’entrepreneurs spécialisés dans l’accélération de la transition de l’étatisme à la société agoriste. Et les autres, percevant l’inflation croissante menant l’économie étatisée vers la crise, ou voyant s’amonceler les nuages de la guerre, voudront réagir. Finalement, les contre-attaques de l’Etat qui détournent les agoristes et corrompent les libertariens doivent être combattues. C’est ce qui définit l’activisme néo-libertarien. [1]

Encore une fois, pour ceux qui ne souhaitent que vivre aussi librement que possible et s’assembler avec ceux qui sont du même avis, la contre-économie est suffisante. Pas besoin d’en faire plus.

Mais pour ceux qui veulent soutenir de quelque manière qu’ils puissent les entrepreneurs héroïques qui se spécialisent dans le recrutement pour l’agora, gèrent les catastrophes causées par l’Etat, et combattent les étatistes en dehors et en dedans, il faut un guide pour distinguer ceux qui font quelque chose d’utile de ceux qui font du surplace et de ceux qui agissent de manière contre-productive (les contre-révolutionnaires) à l’avènement d’une plus grande liberté. Et pour ceux qui, comme l’auteur, brûlent du désir ardent de liberté et veulent se dévouer à cette oeuvre de toute une vie, une stratégie est essentielle. Ce qui suit est cette Stratégie Néo-Libertarienne. [2]

L’activiste néo-libertarien doit garder à l’esprit que la défense contre l’Etat est impossible tant que la contre-économie n’a pas engendré les agences de protection assez puissantes pour repousser ses attaques. Cela arrivera seulement lors de la « phase de transition » entre les troisième et quatrième étapes de chemin de l’étatisme à l’agorisme (chapitre 3).

Chaque étape de l’étatisme à l’agorisme requiert une stratégie différente ; les tactiques diffèreront même à l’intérieur de chaque étape. Voici les règles qui s’appliqueront à chacune de ces étapes.

En toute circonstance, il faut recruter et éduquer. Face à la confusion des proches qui envisagent la voie contre-économique, encouragez-les à la suivre. S’ils sont intelligents et peu enclins à se retourner contre vous, expliquez leurs les risques et les gains potentiels. Avant tout, éduquez-les par l’exemple dans la mesure où vous pouvez vous le permettre.

Tous les « Libertariens de salon » que vous connaissez, ceux qui professent une variante du libertarianisme mais n’osent pas la mettre en pratique, devraient être encouragés à joindre l’acte à la parole. Dénoncez leur inaction, applaudissez leurs premiers pas contre-économiques. Interagissez davantage avec eux à mesure que leur confiance et leur expérience croît.

Ceux qui pratiquent déjà la contre-économie peuvent être introduits au Libertarianisme, cette mystérieuse philosophie qui vous rend si confiant dans l’avenir et en vous-même, et vous libère de toute culpabilité. Parlez-en fortuitement s’ils feignent le manque d’intérêt: emportez leur adhésion par l’enthousiasme croissant à mesure qu’ils deviennent plus curieux et intéressés.

« Vendez » l’agorisme par l’exemple et l’argumentation. Contrôlez vos émotions pour exprimer l’hostilité envers l’étatisme et le déviationnisme, et l’enthousiasme envers les actions agoristes et les échecs de l’Etat. Ces tactiques deviendront vite routinières avec un peu de pratique.

Et enfin, coordonnez vos activités avec d’autres activistes néo-libertariens. A ce stade, nous en arrivons à un besoin de tactiques de groupe et d’organisation.

Beaucoup de libertariens avancent que la structure de marché des entreprises, partenariats et actionnariats [3] fournissent toute l’organisation nécessaire ou souhaitable ; sauf peut-être pour les relations personnelles et sexuelles. Dans un sens ils ont raison de dire que toutes les structures envisagées doivent être compatibles avec le Marché, sinon elles ne sont pas cohérentes avec l’agorisme. Mais dans un autre sens, ils sont coupables d’un manque flagrant d’imagination et portent plus intérêt à la forme qu’au fond.

Dans une société agoriste, la division du travail et le respect de chaque travailleur-capitaliste-entrepreneur éliminera probablement les modes d’organisation traditionnels – et en particulier la hiérarchie corporatiste, une singerie de l’Etat et non du Marché. La plupart des compagnies seront des associations d’indépendants, de consultants et autres clients ou fournisseurs. Beaucoup ne seront composées que d’un entrepreneur et ses services, ordinateurs, listes de fournisseurs et clients. Ce mode d’opération est déjà courant et croissant dans les zones les plus libres des économies occidentales.

Donc une association d’entrepreneurs de la liberté poursuivant un objectif de spécialisation, coordonnant et exécutant des activités libertariennes n’est pas une violation du Marché et pourrait bien être la forme optimale. Le nom traditionnel pour le regroupement d’unités individuelles toutes souveraines qui se séparent une fois leur objectif atteint est: Alliance. Donc le nom du mode d’organisation de base des activistes néo-libertariens est l’Alliance Néo-Libertarienne. [4]

L’organisation de l’ANL (ou des ANLs) est simple et devrait donc éviter de se transformer en organe politique voire en organisation autoritaire. Plutôt que des dirigeants, il lui faudra des tacticiens (coordinateurs locaux compétents en matière de tactique) et des stratèges (coordinateurs globaux compétents en matière de stratégie). Un Allié Néo-Libertarien ne suit pas un tacticien ou un stratégiste, mais à la place « achète » son raisonnement et son expertise. Ceux qui proposent de meilleurs plans remplacent le planificateur précédent. Les tactiques et la stratégie devraient être « achetées et vendues » par les Alliés comme n’importe quel bien, de manière cohérente avec l’agorisme.

Bien que ces étiquettes soient empruntées à l’histoire militaire et correspondent à une forme de combat, n’oubliez jamais que la confrontation physique avec les agents de l’Etat doit attendre la dernière génération d’agences de protection du Marché, de taille suffisante ; toute autre décision serait prématurée. [5]

Quelle est la stratégie mondiale, la stratégie continentale et la stratégie locale optimales qu’une ANL doit suivre ? Encore une fois, regardons les quatres étapes depuis ou vers l’étatisme et l’agorisme. Les trois premières sont des divisions un peu arbitraires ; il n’y a pas de changement abrupt entre la première, la seconde et la troisième. Comme nous le verrons, il est plus que probable que la transition de la troisième à la quatrième soit brutale, bien que ce ne soit pas requis par la nature de l’agora ; en fait, cette convulsion sera causée par la nature de l’Etat – et non fomentée par les Néo-Libertariens.

Prenez garde, vous qui souhaitez devenir paladin de la liberté: n’agressez jamais, quel que soit le résultat « libertarien » attendu. Faire ainsi revient à donner dans l’étatisme vous-même. Il n’y a aucune exception à cette règle. Soit vous restez parfaitement cohérent, soit vous ne l’êtes pas du tout. Un Néo-Libertarien est fondamentalement cohérent et celui qui n’est pas fondamentalement cohérent n’est pas Néo-Libertarien. [6]

Mais en utilisant l’analyse Néo-Libertarienne, nous pouvons prédire la possible résurgence de violence étatiste et l’anticiper en la dénonçant ou en défendant et évacuant les victimes potentielles. Nous pouvons aussi prédire les résultats possibles des déviations de groupes libertariens et là aussi anticiper les désastres ou surfer sur cette capacité pour recruter encore d’autres recrues pour le Néo-Libertarianisme. Laissez l’Etat jouer le rôle de l’incendie de forêt ; l’ANL est le pompier qui sait comment il brûle, comment lancer un contrefeu, comment les vents du changement l’affectent, où les étincelles peuvent atterrir, et finalement comment l’éteindre.

Avec cela à l’esprit, étiquettons les quatres étapes vers l’agora et définission la stratégie appropriée pour chacune.

Phase 0: la société agoriste de densité zéro

Dans cette phase, qui correspond à l’essentiel de l’Histoire humaine, il n’y a pas d’agoristes, seulement des libertariens éparpillés ou des proto-libertariens qui conçoivent et pratiquent la contre-économie. Dès l’instant où quelqu’un lit ce manifeste et souhaite l’appliquer, nous passons à la phase suivante. Tout ce qui peut être fait à la phase 0, c’est l’évolution lente des consciences, le développement par essai-erreur, et de nombreuses et frustrantes dissensions.

Jusqu’à ce que vous – le premier agoriste de la phase 0 – ayez ajouté votre présence, votre seule stratégie est de recruter, et de vivre de manière contre-économique. La meilleure forme d’organisation est alors une Alliance Libertarienne où vous détournez les membres de toute activité politique (où ils se sont aveuglément réfugiés pour tenter de fuir l’oppression) et de vous concentrer sur l’éducation, la publicité, le recrutement et peut-être quelque campagne antipolitique (« Votez pour vous-même », « Ni gauche ni droite ni centre ni extrême », « Boycottez les urnes », « Arrêtez de voter, vous les encouragez », etc.) pour faire connaître l’alternative libertarienne. Une AL peut débattre de ses propres positions, mais doit insister sur l’unanimité. Seuls les positions les plus clairement libertariennes seront alors soutenues et vous pourrez toujours opposer un véto aux positions déviationnistes. Encouragez toujours les tendances les plus « radicales » (cohérentes) et dénoncez les positions « molles » (compromis avec l’étatisme, incohérentes).

Phase 1: société agoriste de faible densité

Les premiers libertariens contre-économistes font leur apparition dans cette phase et leur mouvement connaît ses premières scissions sérieuses. Comme les libertariens ne sont pas encore très cohérents, le déviationnisme est commun et tend à saboter l’activisme. Les arnaques de type « Devenez-Libres-Rapidement », de l’anarco-sionisme (fuir vers une Terre Promise pleine de Liberté) jusqu’à l’opportunisme politique séduisent les impatients et détournent les moins bien informés. Tout cela ratera, ne serait-ce que parce que la Liberté grandit en chaque individu séparément. La conversion de masse n’est pas possible. Il y a une exception – la radicalisation autour d’une attaque étatique lancée contre un collectif. Et même là, cela nécessite que les entrepreneurs de la liberté aient suffisamment informé le collectif persécuté pour qu’ils s’échappent vers plus de Libertarianisme cohérent plutôt que de se disperser au hasard, ou pire: qu’ils se mettent à suivre la logique étatiste. Ces crises d’étatisme sont spontanées et prévisibles – mais ne peuvent pas être déclenchées par un Libertarien cohérent et moral.

La stratégie des premiers Néo-Libertariens est de combattre les anti-principes qui renforcent l’Etat et dissipent l’énergie anarchiste inutilement. La stratégie générale décrite plus haut s’applique ; poussez les Libertariens vers la contre-économie, et que les agoristes les plus actifs poussent les contre-économistes vers le Libertarianisme.

Les proto-Néo-Libertariens peuvent travailler de l’intérieur des organisations et clubs de libertariens en tant que « branche radicale », frange subversive ou comme faction clairement définie comme « Gauche Libertarienne » en général. Former une ANL serait prématuré à ce stade car elle ne serait pas encore auto-suffisante.

Ce qui peut être construit avec succès – sous toute étiquette susceptible de recruter au mieux – c’est un Mouvement de la Gauche Libertarienne. Un tel mouvement est un grand melting-pot d’individus de degré divers « d’extrêmisme » mais qui tendent tous vers l’idéal du Néo-Libertarianisme. Même à l’intérieur du MGL, la structure doit être négligée. Les plus libertariens seront les plus compétents pour coordonner et organiser ; ce qui signifie ceux qui ont la meilleure compréhension et le plus de pratique de l’agorisme, doublé de la plus grande motivation pour l’action avec des ressources naturellement directes. Chaque LdG, comme chaque allié NL, utilise comme il l’entend ses propres ressources et choisit de suivre ou non l’avis d’un tacticien ou d’un stratégiste, tout comme un entrepreneur ferait avec l’avis d’un consultant indépendant. Une façade pseudo-politique peut être nécessaire pour utiliser les forums et médias publics ; aussi, la plupart des gens ne comprendront pas l’organisation d’une société agoriste à moins de la leur traduire en termes pseudo-politiques familiers.

Au niveau des dernières étapes de la Phase 1, et avec un MGL assez développé, ces « cadres » engagés disposent d’un champ de maoeuvre suffisant pour convaincre de plus grands groupes de quasi-libertariens d’agir pour bloquer quelques actions marginales de l’Etat. C’est une tactique dépensière, qui rapporte un « gain » immédiat mais se montre peu rentable sur le long terme, et devrait donc rester rare. (Nous en parlerons plus tard ; en bref il s’agit de retarder la guerre et l’éventuelle extermination massive de libertariens.)

Pour faire suite à ces actions, il reste à radicaliser les libertariens et faire évoluer l’ANL. C’est le maximum qu’il soit possible de faire à ce stade.

Phase 2: société agoriste faiblement condensée, de densité moyenne

A ce niveau les étatistes prennent conscience de l’agorisme. Bien qu’avant cela les Libertariens puissent déjà être manipulés par une faction dominante comme instrument contre les autres factions (une sorte de « concurrence » anti-Marché menée à l’aide de bulletins de vote et de balles réelles plutôt qu’avec l’innovation et les prix), ils commencent désormais à percevoir le mouvement comme une menace. Des Pogroms (arrestations de masse) peuvent se produire, quoiqu’improbables. Rappelez-vous que la plupart des agoristes sont nichés dans la société, et que s’associent à eux les libertariens partiellement convertis et les contre-économistes. Pour atteindre cette phase, il a fallu infecter toute la société avec l’agorisme. Il est désormais possible d’établir les premiers « ghettos » ou districts d’agoristes et de compter sur la sympathie du reste de la société pour dissuader l’Etat d’organiser une attaque massive. [7]

Ces communautés, qu’elles soient ou non underground, peuvent alors suffire à entretenir l’Alliance Néo-Libertarienne, qui agit comme porte-parole de l’agora auprès de la société étatiste, exploitant chaque possibilité de démontrer la supériorité du mode de vie agoriste aux étatisés locaux et peut-être appeler à la tolérance en faveur de ceux qui qui ont « des modes de vie différents ». [8]

Dans cette phase, la société agoriste est vulnérable à la régression étatiste de la population. Donc les agoristes, qu’ils soient visibles ou non, ont un grand intérêt à maintenir une conscience libertarienne ambiante dans la population. Comme c’est ce qui est fait au mieux par l’ANL (c’est même une façon de définir l’ANL dans cette phase), l’ANL a désormais une mission et une existence. Mais en plus de « défendre » la sous-société agoriste, elle peut aussi travailler à accélerer l’avènement de l’étape suivante.

Phase 3: société agoriste à grande condensation et haute densité

Dans cette phase, l’Etat traverse une série de crises fatales, analogues au scénario bien connu établi par les marxistes mais avec des causes différentes – des causes bien réelles, celles-ci. Heureusement le potentiel de destruction a été réduit drastiquement par l’érosion des ressources de l’Etat et de son autorité par la croissance de la contre-économie.

En fait, à mesure que les ressources économiques de l’Agora et de l’Etat approchent de l’équilibre, l’Etat est poussé à la crise. Les guerres et l’inflation galopante doublées de récessions et de dépôts de bilan deviennent récurrents alors que l’Etat tente de réaffirmer son autorité. Il est possible de renverser cette tendance en corrompant l’Agora à l’aide des anti-principes, donc la tâche de l’ANL est claire: maintenir sa vigilance et sa pureté idéologique. Dans cette phase, l’ANL ne peut plus garder son ancienne étiquette ou son organisation de départ. Les Néo-Libertariens les plus motivés iront vers la recherche et le développement pour soutenir les partenaires agoristes, agences de protection et d’arbitrage, et finalement s’établiront comme directeurs de syndicats d’entreprises de protection.

La situation approche d’une révolution mais reste encore réversible. [9] Là aussi les Néo-Libertariens sont en première ligne pour maintenir et défendre ce qui a été accompli jusque là, mais aussi pour avancer vers la phase suivante.

L’ANL (qui n’est plus alors qu’une association des éléments les plus avancés) peut accélérer le processus en recherchant et en développant les méthodes optimales de protection et de défense, en théorie comme en pratique, pour capitaliser sur ces innovations et agrandir leur industrie.

Dans cette transition entre phases 3 et 4 nous observons la toute dernière éruption de violence de la Classe Dominante de l’Etat pour supprimer ceux qui les puniraient pour leurs crimes étatiques passés. Les intellectuels de l’Etat prennent conscience que leur autorité s’évanouit et qu’ils ont tout à perdre ; qu’ils doivent renverser le cours des évènements maintenant ou jamais. L’ANL doit prévenir au maximum la conscience de cet état de fait, ou toute action prématurée. C’est le dernier objectif stratégique de l’ANL.

C’est lorsque l’Etat projette sa dernière vague de répression – et que cet élan se brise sur la résistance des agoristes – qu’a vraiment lieu la Révolution. Une fois qu’il est clair que l’Etat ne peut plus ni piller, ni payer ses propres parasites, ses gens vont changer de camp pour aller vers ceux qui sont à même de les faire vivre, et l’Etat implosera rapidement en une série de poches d’étatisme dans des zones reculées – s’il en reste. [10]

Phase 4: société agoriste avec impuretés étatistes

L’effondrement de l’Etat laisse quelques opérations de balayage à faire. Puisque les compagnies d’assurance et de protection ne voient plus d’Etat contre lequel défendre, le syndicat des protecteurs alliés se retrouve en situation de concurrence et l’ANL – sans soutien – se dissout. Les étatistes sont appréhendés pour payer réparation et, s’ils vivent assez longtemps pour rembourser leurs dettes envers leurs victimes, sont réintégrés en tant que membres productifs de la société (le remboursement constituant aussi un entraînement à leur réintégration).

Nous voilà rentrés chez nous (Chapitre 2) ! Le Néo-Libertarianisme est alors appliqué naturellement dans la vie quotidienne, comme base de fonctionnement de toute société ordinaire, et nous nous attelons alors à résoudre les autres problèmes auxquels l’humanité fait face.


Notes:

[1] Beaucoup d’agoristes comme Pyro Egon ont attiré l’attention des Neo-Libertariens sur ce point. Pour autant qu’ils le sachent, ce manifeste est aussi le programme tout entier, et tout activisme additionel serait du « mouvementisme » menant de nouveau à l’étatisme.

[2] Stratégie Néo-Libertarienne est une revue du Mouvement de la Gauche Libertarienne – ce n’est pas une coïncidence.

[3] Mais pas une « corporation » qui est une identité fictive créée par l’Etat et dotée de privilèges. Certains de ces privilèges sont les subventions, tarifs douaniers protecteurs, exemptions d’impôts, licences réservées, avantages consentis par le système judiciaire. Ils ont bien quelques désavantages mais aucun qui soit comparable avec ceux des entreprises en nom propre ou d’indépendants sur le marché blanc.

[4] La première Alliance Néo-Libertarienne a été formée, prématurément, par cet auteur en 1974 à partir de raids de recrutement dans le P »L », dans les autres mouvements libertariens et parmi quelques contre-économistes. Le Marché s’est montré trop jeune pour entretenir une croissance de ce mouvement et donc tous les efforts de l’ANL à cette date sont dédiés au renforcement de ce marché. Tout groupe de Néo-Libertariens peut décider de s’appeler ANL, et voudra probablement coordonner ses efforts avec les autres ANL et se mettre d’accord sur une stratégie commune, bien que les tactiques puissent différer suivant les conditions variées des Alliés.

[5] Ce mode d’organisation de l’ANL a très bien fonctionné pour le chapitre de Long Beach qui la gardait constamment en pratique. La stratégie régionale n’a pas été totalement remise en cause par la pratique mais aucune autre ANL n’a eu un tel niveau d’Alliés motivés travaillant d’arrache-pied sur la théorie. Quant aux armées, il faut noter que Nestor Makhno a organisé une armée d’une manière assez anarchiste à partir d’un noyau d’officiers, en remplissant les rangs de volontaire à mesure des besoins apparents. Il a combattu avec succès les Rouges et les Blancs en Ukraine de 1918 à 1920 jusqu’à être dépassé en nombre par les états Rouges tous réunis contre lui.

[6] Aucune recommendation ni carte de membre n’est nécessaire ou même désirable pour rejoindre l’ANL. Bien sûr chacun peut tenir une liste de ceux avec qui il souhaite communiquer. Mais il n’y a rien de sacré ou de spécial dans ces listes ; elles ne constituent qu’un avis de tacticien ou de stratégiste de plus. Nul ne peut être expulsé de l’ANL. On est Néo-Libertarien ou on ne l’est pas suivant ce que démontre manifestement nos actes ; chaque Allié en est juge. Ceux qui vous acceptent en tant que Néo-Libertarien sont dans la même Alliance que vous ; ceux que vous rejetez n’y sont pas, et peuvent être alliés à d’autres.

[7] L’apparition prématurée de communautés agoristes mènera à leur destruction violente par l’Etat. L’ANL doit défendre ceux qui peuvent être sauvés quand les conditions historiques sont marginales, et avertir ou évacuer ceux qui sont condamnés.

[8] Il est permis par la moralité libertarienne d’expliquer à une faction des Hautes Sphères d’autorité que l’existence des agoristes leur apporte plus qu’aux autres factions. Bien qu’il ne faille assurément pas aider les étatistes à assassiner et piller, et étant donné que s’allier avec des étatistes consomme des ressources dans le but non-productif de simplement changer d’oppresseurs, le Néo-Libertarien peut concevoir qu’en existant et en exerçant simplement ses affaires habituelles, l’activité agoriste cause plus de tracas à un groupe d’étatistes qu’à un autre. Une règle facile à suivre dans ce jeu de discorde entre partis politiques, c’est de s’assurer qu’on n’y alloue pas plus de ressources que n’en sont consacrées aux publications habituelles et à la médiatisation de travaux plus importants… et que ça n’occupe pas trop les discussions privées. Cette tactique échoue à partir du moment où la société agoriste est perçue comme trop menaçante ; à ce moment-là les factions étatistes se réunissent pour sauver leur peau.

[9] Mettons qu’une région est fortement agoriste et que l’autre est à un état plus primitif. Les ressources peuvent être transférées par l’Etat pour écraser cet Agora prémturé (et donc vulnérable). Cela s’applique d’autant plus lors de la phase 2.

[10] Certains diront que l’Etat pourrait s’effondrer pacifiquement quand les étatistes voient leur fin inéluctable arriver. Si les étatistes étaient assez raisonnables pour ne pas utiliser la force brute face aux alternatives du Marché, ce ne seraient pas des étatistes. La Révolution est absolument inévitable.


Lisez le DOSSIER  sur LE LIBERTARIANISME 

 

 

 

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4 avril 2011 1 04 /04 /avril /2011 18:28

AGORISME

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Chapitre 3 – Notre moyen: la contre-économie

Après avoir détaillé notre passé et notre présent étatique, et touché un aperçu crédible d’une bien meilleure société réalisable avec notre savoir et notre technologie actuelle – sans qu’aucun changement de la nature humaine ne soit nécessaire – nous en arrivons à la partie essentielle de ce manifeste: comment aller d’ici à là ? La réponse se divise d’elle-même en deux. Sans l’Etat, la distinction entre le microscopique (l’interaction de l’individu avec son environnement – y compris le marché) et le macroscopique (interaction de collectivités) ne serait plus qu’un exercice statistique n’intéressant que quelques agences de marketing. Et quand bien même, une personne ayant un sens élevé de la décence pourrait avoir envie de comprendre l’implication de chacun de ses actes même quand ils ne causent aucun tort à personne.

En revanche, avec la présence de l’Etat pour souiller chacun de nos actes et remplir nos esprits de culpabilité artificielle, anticiper l’impact social de nos actes devient soudain très important. Par exemple, si nous ne payons pas un impôt sans être attrapé, qui en souffre ? Nous ? L’Etat ? Des tiers innocents ? L’analyse libertarienne montre que l’Etat est responsable de tout dommage aux tiers innocents dont il accuse les « fraudeurs fiscaux égoïstes » ; et les « services » que l’Etat « offre » sont tous illusoires. Mais même dans ce cas, il doit bien y avoir plus à faire que simplement frauder le fisc en douce ? Si l’usage d’un parti politique ou d’une armée révolutionnaire est inefficace, voire contre-productive pour atteindre l’objectif libertarien, quelle catégorie d’action collective peut fonctionner ? La réponse est: l’agorisme.

Il est possible, pratique et même rentable de basculer de larges portions d’humanité d’une société étatique à une société agoriste par la libre entreprise. C’est, au sens le plus strict du terme, une activité vraiment révolutionnaire qui sera décrite dans le prochain chapitre. Mais pour comprendre cette réponse, il faut d’abord la décrire à l’échelle microscopique. [1]

La fonction de l’économie pseudo-scientifique avancée par l’intelligentsia étatiste, en plus de son but officiel de faire des prédictions (comme les augures de l’Empire Romain en leur temps) pour le compte de la classe dominante, est de mystifier et d’obscurcir pour la classe dominée le comment et le pourquoi du pillage de leur richesse. Expliquer comment les gens doivent conserver leur richesse légitime et empêcher l’Etat de leur voler constitue donc la Contre-culture économique, ou Contre-économie. [2] La pratique réelle des actions humaines destinées à éviter, empêcher et tromper l’Etat constitue l’activité contre-économique, mais de la même façon que « économie » est utilisée pour parler à la fois de la science et des phénomènes qu’elle étudie, le mot Contre-économie désigne à la fois l’activité et la théorie. Puisque nous venons de définir ce qu’est la théorie contre-économique, ce qui sera par la suite décrit comme Contre-économie est la pratique elle-même.

Référencer la totalité ou même juste l’essentiel de la partie pratique de la contre-économie prendrait tout un volume. [3] Ici, nous n’aborderons que ce qui est strictement nécessaire pour comprendre le reste du manifeste.

Aller d’une société agoriste vers une société étatiste devrait être un travail hardu, comme un chemin de haute énergie dissipant beaucoup d’entropie, en physique. Après tout, une fois que l’on vit dans une société libre, fonctionnelle et bien définie, pourquoi voudrait-on retourner à un système d’oppression systématique, de pillage organisé et de propagande de masse ? Répandre l’ignorance et les superstitions irrationnelles parmi des gens rationnels et informés est très difficile ; et entourer d’une brume mystique ce qui est clairement compris par une écrasante majorité est quasiment impossible. C’est pourquoi une société agoriste serait très stable contre le retour à l’étatisme, mais au contraire ouverte à toute amélioration.

Revenons en arrière dans le temps, repassons le film à l’envers, depuis la société libre jusqu’à la société étatisée d’aujourd’hui. Que pourrions-nous observer selon toute vraisemblance ?

Des poches d’étatisme apparaîtraient, presque certainement sur des territoires contigüs puisque l’Etat a besoin d’un monopole territorial. Les victimes restantes dans ces poches deviendraient inévitablement conscientes de la liberté ambiante autour d’eux et « s’évaporeraient » hors de ces poches. Des grands assureurs contre le crime et des divisions privées des agences de protection contiendraient ces poches d’étatisme, en accord avec les gens habitant à proximité, qui seraient bien avisés de souscrire une assurance « musclée » contre le risque non-négligeable d’esclavage étatique pesant sur eux. De même, les voyageurs se rendant dans les zones menacées par l’Etat doivent peser les risques et financer d’une manière ou d’une autre leur protection. Les agoristes pourraient coexister pacifiquement avec les sous-sociétés étatistes, à ce moment-là, en maintenant une « politique étrangère » isolationniste, puisque les coûts d’une invasion de ces poches d’étatisme et la libération de leurs esclaves coûterait plus que les bénéfices potentiels (sauf si, à l’inverse, c’est l’Etat qui essaie d’envahir dans un mouvement désespéré), mais il n’y a aucune raison valable d’imaginer que les victimes restantes choisiraient de rester opprimées tandis que l’alternative libertarienne autour d’eux serait si visible et si accessible. Les zones d’Etat seraient alors comme une solution chimique sursaturée, prête à précipiter une anarchie.

Revenons encore en arrière d’une étape, et nous trouvons une situation inversée. Nous voyons de larges secteurs de société soumis à l’étatisme et de plus petits vivant aussi agoristement que possible. En revanche, il y a une différence notable: les agoristes n’ont pas besoin de contigüité territoriale. Ils peuvent vivre n’importe où, bien qu’ils aient tendance à s’associer avec leurs camarades agoristes, pour non seulement se soutenir mutuellement, mais aussi pour réduire leurs frais et donc augmenter leurs profits et opportunités de partage et d’échange. C’est toujours plus sûr et plus rentable pour gérer des relations de confiance entre clients et fournisseurs. Ces raisons poussent les individus agoristes à s’associer spontanément entre eux et à se séparer des étatistes. (Cette tendance n’est pas juste théorique, elle existe partout en pratique à l’état embryonnaire, même dans les sociétés les plus étatisées et collectivisées comme la Corée du Nord.) Certains territoires plus faciles à défendre, comme des colonies spatiales, des îles ou des quartiers de grandes villes peuvent même être entièrement agorisés, partout où l’Etat est incapable de les écraser facilement. Mais la plupart des agoristes vivent à cette étape dans des territoires officiellement sous contrôle de l’Etat.

Il y aura alors tout un spectre graduel d’agorisme parmi la plupart des individus ; tout comme il y en a un aujourd’hui, certains bénéficiant d’un étatisme plus poussé, d’autres pleinement conscients de l’alternative agoriste et capables de vivre « en dessous du radar », avec tout le reste vivant quelque part entre ces deux extrêmes à des degrés divers de confusion.

Finalement, revenons encore en arrière à l’étape où il n’y a que quelques personnes qui comprennent l’agorisme, tandis que l’écrasante majorité des gens s’imagine bénéficier de l’Etat ou ignore l’existence de l’alternative, plus une poignée d’étatistes: l’appareil étatique et la classe dominante, qui seule reçoit réellement un bénéfice de l’intervention de l’Etat dans le Marché. [4]

C’est notre société actuelle. Nous somme revenus à la « maison ».

Avant de renverser la vapeur et de décrire le trajet de l’étatisme à l’agorisme, observons la société actuelle avec notre nouvelle capacité de perception agoriste. Comme un voyageur rentrant chez lui après un séjour exotique voyant d’un oeil neuf le monde dans lequel il vit grâce à ce qu’il a appris à l’étranger, nous avons maintenant une vision plus ouverte des circonstances présentes.

Mis à part les quelques Néo-Libertariens éclairés tolérés dans les zones étatistes les plus libérales de cette planète (une « tolérance » qui existe grâce à une contamination partielle de l’étatisme par le libertarianisme), nous voyons quelque chose: un grand nombre de gens qui agissent de manière agoriste sans avoir conscience de toute théorie, uniquement motivés par leur intérêt individuel, et qui sont occupés à éviter, empêcher et tromper l’Etat. Il y a certainement un espoir potentiel ici ?

Dans l’Union Soviétique, une forteresse de l’hyper-étatisme dotée d’une « économie » officielle en ruine, un marché noir gigantesque fournissait les Russes, les Arméniens, les Ukrainiens et tous les autres de tout ce dont ils avaient besoin: nourriture, équipement électronique, faux papiers et privilèges dispensés par la classe dominante. Comme l’a rapporté le Guardian Weekly, la Birmanie est presque entièrement couverte d’un marché noir où l’Etat est réduit à l’armée, la police et quelques politiciens vieillissants. A des degrés divers, c’est aussi le cas de presque tous les pays du Second et Tiers Monde. (NdT: c’était vrai dans les années 70, mais plus tellement aujourd’hui à cause des efforts de l’ONU, l’OMC, le FMI, l’interventionnisme des Etats occidentaux – notamment contre le trafic de drogue – etc…)

Qu’est-ce que le « Premier Monde » ? Dans les pays socio-démocrates, le marché noir est plus petit car le « marché blanc » constitué des transactions légales est plus gros, pourtant il reste substantiel. Par exemple, l’Italie a un « problème » causé par ses services publics fonctionnant uniquement de 7h du matin à 14h, car les fonctionnaires vont travailler illégalement le reste du temps pour obtenir un revenu supplémentaire non taxé. Les Pays-Bas ont un vaste marché noir de l’immobilier à cause de l’hyper-régulation de l’Etat dans ce domaine. Le Danemark est peuplé de champions de l’évasion fiscale, au point que ceux-ci forment la seconde plus grosse formation politique du pays. Et ce ne sont que les exemples les plus visibles que la presse a été capable de, ou a voulu, dévoiler. Les réglementations sur le change sont largement ignorées ; en France, par exemple, on considère que tout le monde cache de l’argent (sous un matelas, traditionnellement), et les voyages en Suisse pour faire autre chose que du ski sont très courants.

Pour comprendre vraiment l’étendue de cette activité contre-économique, il faut regarder dans les économies relativement libres et « capitalistes ». Observons les marchés noirs et gris [5] en Amérique du Nord et rappelons-nous que c’est là où cette activité est la plus faible au monde aujourd’hui.

D’après le fisc fédéral américain, il y a au moins vingt millions d’individus participant à « l’économie underground » d’évasion fiscale payant leurs transactions en cash ou par troc pour ne pas être détectés. D’autres millions gardent de l’or chez eux ou ont des comptes secrets à l’étranger pour combattre la taxation et l’inflation. Des millions « d’immigrés illégaux » travaillent, d’après le Ministère de l’Immigration et du Service de Naturalisation. Encore d’autres millions commercent et consomment de la marijuana et autres drogues pharmaceutiques comme le laetrile ou d’autres drogues illicites.

Et tous ces gens pratiquent les « crimes sans victimes ». En plus de la drogue, il y a la prostitution, la pornographie, la contrebande, les faux papiers, le jeu et certaines pratiques sexuelles proscrites entre adultes consentants. En dépit des « mouvements de réforme » défendant la légalisation de tout ça, la population elle-même a déjà tranché et commencé à agir – et en faisant tout ça, elle crée la contre-économie.

Mais ça ne s’arrête pas là. Depuis que les limites de vitesse ont été imposées aux USA par le gouvernement fédéral, la quasi-totalité des conducteurs américains se sont mis à la contre-économie. L’industrie des transports routiers a développé l’usage de la CB pour contourner la surveillance de l’Etat. Pour un indépendant qui peut faire quatre voyages à 75 miles à l’heure au lieu de trois à 55, la contre-économie est une question de survie.

La tradition de la contrebande pousse aujourd’hui des cargaisons entières de marijuana et de contrefaçons ou d’appareils et biens sortant des quotas d’importation, et des fournées entières de gens sans papiers depuis les pays du tiers monde jusqu’ici ; jusqu’aux touristes revenant de voyage avec un peu plus que ce qu’ils déclarent à la douane.

Pratiquement tout le monde participe d’une façon ou d’une autre à fausser la déclaration ou représentation des revenus au fisc et aux douanes, depuis les prêts entre amis, les transactions à l’intérieur de la famille, les pourboires non déclarés, et même la pratique de positions sexuelles interdites par la loi.

D’une façon ou d’une autre, donc, tout le monde est contre-économiste ! C’est un résultat prévisible à travers la théorie libertarienne. Chaque aspect de l’action humaine a sa régulation étatique pour l’interdire, la réguler, la contrôler et la taxer. Ces lois sont si nombreuses que le Parti « Libertarien », qui a pourtant empêché la proclamation d’une bonne dizaine de plus à chaque session législative, n’aurait aucun espoir de parvenir à les éliminer toutes (et encore moins éliminer le mécanisme bien huilé qui les fabrique en série !) en un millénaire ! [6]

Il est évident que l’Etat est parfaitement incapable de faire appliquer tous ses décrets. Pourtant, il essaie. Et si tout le monde fait dans la Contre-économie, pourquoi la Contre-économie n’a-t’elle pas déjà envahi l’économie toute entière ?

En dehors de l’Amérique du Nord, on peut ajouter l’effet de l’impérialisme. L’Union Soviétique a reçu le soutien de pays plus développés dans les années 1930 et de grandes quantités d’instruments de violence pendant la Seconde Guerre Mondiale. Même aujourd’hui le « commerce » fortement subventionné par des prêts non-remboursables pousse un peu plus les régimes soviétiques et chinois. Ce flux de capital (ou plutôt d’anti-capital, puisque il est destructeur de valeur), en plus de l’aide militaire de la part des deux grands blocs, maintiennent de nombreux régimes partout sur le globe. Mais ça n’explique pas la situation nord-américaine.

Ce qui existe partout sur la planète et qui permet à l’Etat de persister, c’est l’accord de la victime. [7] Chaque victime de l’étatisme a internalisé le système de l’Etat à un degré ou un autre. La proclamation annuelle du fisc fédéral américain que l’impôt sur le revenu dépend de « l’obéissance volontaire » est vraie, ironiquement. Si les contribuables coupaient le cordon ombilical, l’Etat-vampire périrait inévitablement, la bête perdrait ses griffes. Si tout le monde abandonnait la « monnaie légale » pour l’or ou d’autres biens comme paiement dans les contrats et transactions, il semble douteux que la taxation puisse encore maintenir en place l’Etat. [8]

C’est là que le contrôle de l’Etat exercé sur les systèmes d’éducation et sur les médias, directement ou à travers son appropriation par des membres de la classe dominante, devient cruciale. Au départ, le clergé existait pour approuver le roi et l’aristocracie, entourant de mythologie les relations entre oppresseurs et opprimés, et induisant un sentiment artificiel de culpabilité chez les insoumis. Le démantèlement de la religion d’état a transféré cet office sur le dos d’une nouvelle classe d’intellectuels (que les Russes ont baptisé intelligentsia). Certains intellectuels, tenant la vérité comme sacrée (comme le faisaient avant eux les prêtres tombant en hérésie) travaillent à clarifier et expliquer au lieu de mystifier, mais ils sont rejetés et salis, tenus à distance de l’Etat et écarté de ses sources contrôlées de revenu. C’est comme cela qu’est créé le phénomène de dissidence, de scepticisme et de révisionisme ; et de là que vient l’attitude d’anti-intelligence induite dans la population, qui doute du fonctionnement des instances scientifiques ou ne le comprend pas.

Notez comme les intellectuels anarchistes sont attaqués et réprimés systématiquement par tous les Etats ; et comment ceux qui plaident pour le renversement de la classe dominante – même dans le but de les remplacer par une autre – sont censurés. Ceux qui proposent des réformes qui éliminent certains bénéfices de l’Etat pour en créer d’autres sont souvent applaudis par les membres bénéficiaires des Hautes Sphères, et attaqués par les perdants potentiels.

Une des caractéristiques communes des participants du marché noir même les plus enhardis, c’est la culpabilité. Ils souhaitent souvent « en finir avec ça » et revenir ensuite « se mettre au vert ». Les contrebandiers et les prostituées rêvent tous d’être réacceptés par la société – même quand ils forment déjà une « sous-société » de parias qui s’entraident. Pourtant il y a eu des exceptions à ce phénomène de désir de reconnaissance: les communautés religieuses déviantes du XVIIème siècle, les communautés utopiques du XIXème, et plus récemment la contre-culture hippie et la Nouvelle Gauche. Ce qu’ils avaient, c’était une conviction que leur sous-société était supérieure au reste de la société. La réaction de crainte envers eux, produite par leur existence sur le reste de la population, n’était rien de moins que la peur qu’ils aient raison.

Tous ces exemples de sous-sociétés autonomes ont échoué pour la même raison: l’ignorance de l’économie. Aucune cohésion sociale, même la plus sincère, ne peut aller à l’encontre de ce qui constitue la fondation ultime de toute société: la division du travail. Les communes anti-marché défient la seule loi qui s’exerce sans l’intervention de l’homme: la loi de la nature. L’organisation structurelle de base de la société (en dehors de la famille) n’est pas la commune, ni la tribu, ni la tribu étendue, ni l’Etat, mais l’agora. Peut importe la force du désir de voir le communisme fonctionner réellement, et les efforts pour y parvenir, cela ne peut qu’échouer. Ils peuvent tenter de repousser l’agorisme déséspérément pendant un long moment, au prix d’efforts insensés, mais une fois qu’il passe le « flux » ou la « main invisible » ou la « grande marée de l’Histoire » ou la « recherche de l’intérêt personnel » ou « l’instinct naturel » ou « l’émergence » ou la « spontanéité » emporte inexorablement toute société en direction de l’agora.

Pourquoi une telle résistance au bonheur concret ? Les psychologistes se sont confrontés au problème dès les premiers pas de leur science embryonnaire. Mais nous pouvons toutefois donner deux réponses générales aux questions d’ordre socioéconomiques: l’internalisation des anti-principes (ceux qui ressemblent à des principes mais sont contraires à la loi naturelle) et l’opposition aux intérêts opportunistes.

Maintenant nous voyons clairement ce qui est nécessaire pour créer une société libertarienne. D’un côté il faut l’instruction des activistes libertariens et la prise de conscience croissante des contre-économistes des principes libertariens et de leur soutien mutuel. « Nous avons raison, nous agissons mieux, nous vivons d’une façon morale et cohérente, et nous construisons une meilleure société – dans notre intérêt et celui des autres », comme pourrait l’affirmer nos « groupes de rencontre » contre-économiques.

Notez que les libertariens qui ne sont pas eux-même pratiquants contre-économiques ne seraient pas forcément convaincus. Les candidats politiques « libertariens » affaiblissent leurs propos par leurs propres actes ; certains ont même travaillé aux impôts ou dans les ministères de la défense !

D’un autre côté, nous devons nous défendre contre les intérêts opportunistes, ou au moins atténuer autant que possible leur caractère oppressif. Si nous présentons l’activité réformiste comme contre-productive, comment la faire accepter ?

Une façon de faire est d’attirer de plus en plus de gens vers la contre-économie et réduire les opportunités de pillage disponibles pour l’Etat. Mais l’évasion n’est pas suffisante ; comment nous défendre et même contre-attaquer ?

Lentement mais sûrement nous irons vers une société plus libre, détournant les contre-économistes vers le libertarianisme, et les libertariens vers la contre-économie, pour finalement réunir la théorie et la pratique. La contre-économie croîtra et s’étendra vers l’étape suivante, vue dans notre voyage à rebours du temps, avec une sous-société agoriste toujours plus grande nichée à l’intérieur de la société étatisée. Certains agoristes pourraient condenser des districts et des ghettos tout entiers, et prévaloir dans des îles ou des colonies spatiales entières. C’est à ce moment-là que la protection et la défense deviendront importantes.

A l’aide de notre modèle agoriste (chapitre 2), nous pouvons voir comment l’industrie de la protection doit évoluer. D’abord, pourquoi s’engager dans la contre-économie en l’absence de protection ? Le gain par rapport au risque qu’ils prennent est plus grand que la perte probable. C’est également vrai de toute activité économique, bien sûr, mais plus encore pour la contre-économie:

Le principe fondamental de la contre-économie est d’échanger le risque contre le profit. [9]

Plus le profit escompté est élevé, plus le risque pris est grand. Notez qu’à mesure que le risque décroît, beaucoup plus d’activité serait tentée et accomplie – c’est un indicateur sûr qu’une société libre est plus riche qu’une socété asservie.

Le risque peut être réduit par une prudence plus élevée, les précautions, la sécurité (verrous et cachettes), et en faisant confiance avec discernement et parcimonie. Ce dernier point indique la préférence d’échanger avec un camarade agoriste et une incitation économique forte d’adhésion à une sous-société agoriste, poussant au recrutement et à la loyauté.

Les entrepreneurs contre-économiques ont un intérêt direct à fournir une meilleure sécurité, des cachettes plus discrètes, des instructions plus efficaces pour l’évasion et la sélection de clients potentiels ou fournisseurs potentiels. C’est ce qui fait naître l’industrie contre-économique de protection.

En grossissant, elle pourrait assurer contre les « raids », diminuant ou étalant ainsi les risques contre-économiques et accélérant la croissance contre-économique. Puis ils pourraient proposer des points de rencontre gardés et des espaces de stockage secrets protégés par des alarmes et dissimulés par tout ce que la technologie peut offrir. Des gardes peuvent être proposés pour les défendre contre les vrais criminels (autres que ceux de l’Etat). L’industrie officielle de la sécurité privée s’est déjà bien immiscée dans le monopole de protection des citoyens réservé à l’Etat.

Sur ce chemin le risque de violation de contrat entre agents contre-économiques sera diminué par l’arbitrage privé. Puis les agences de protection fourniront des services d’application de contrats, bien que le plus grand « applicant » du genre sera encore l’Etat auquel l’une des parties peut dénoncer l’autre. Mais une telle action l’expulserait très vite de la sous-société ; un mécanisme d’application interne aurait donc une grande valeur.

Au stade final les transactions contre-économiques avec les étatistes deviendraient applicables par les agences de protection et les agoristes se protègeraient mutuellement de la criminalité étatique. [10]

A ce niveau nous atteignons la dernière étape avant l’avènement de la société libertarienne. La société est divisée en grandes zones agoristes superposées entourant quelques secteurs étatisés. Et nous sommes au bord de la Révolution.


Notes:

[1] Micro et macro se réfèrent à la pseudo-science économique de l’Etat. Bien que la contre-économie fasse partie de l’agorisme (jusqu’à la disparition de l’Etat), l’agorisme recouvre à la fois la pratique contre-économique et la théorie libertarienne. Comme cette théorie implique une conscience des conséquences de la pratique massive de contre-économie, j’utilise « agoriste » dans le sens macroscopique et « contre-économique » dans le sens microscopique. Et comme cette distinction est ambigüe, il y a parfois confusion et collision entre les deux.

[2] « Contre-économie » est à l’économie ce que « contre-culture » est à la culture. Ce n’est pas de « l’anti-économie », pas plus que la contre-culture n’est de « l’anti-culture ».

[3] Ce volume, Contre-Economie, a été entamé et devrait être terminé d’ici 1981, et publié en 1982 d’une façon ou d’une autre, avec l’aide du Marché !

- Note à la Seconde édition: le Marché n’aide pas encore, mais bientôt…

[4] Cette classe a été appelée Classe dominante, Elite ou encore Conspiration, suivant que sa dénonciation vienne d’un marxiste, d’un démocrate ou d’une personne familière avec la nomenclature de Bircher. Ces termes sont ici interchangeables, pour montrer qu’une telle identification est courante.

[5] Bien que certains actes d’agression soient souvent associés au terme « marché noir », comme le meurtre et l’extorsion, l’écrasante majorité des autres « crimes organisés » sont parfaitement légitimes pour un libertarien, même s’ils peuvent parfois être d’un goût douteux. La Mafia, par exemple, ne fait pas partie du marché noir mais au contraire agit exactement comme un Etat en collectant des tributs de protection (taxes) de ses victimes, et maintient son contrôle par des exécutions et des actes de violence chaque fois que son monopole territorial est menacé. Ces actes sont appelés le marché rouge pour les différencier des actes moraux du marché noir, discuté plus loin. En bref, le « marché noir » est tout ce qui est interdit par l’Etat, qui n’est pas violent, et qui est réalisé malgré son illégalité. Le terme de « marché gris » utilisé ici concerne les biens et services qui ne sont pas illégaux en soi mais qui sont obtenus et distribués d’une façon prohibée par l’Etat. Ce qu’on appelle communément « crime de col blanc » tombe dans cette catégorie et provoque rarement l’indignation de la plupart des gens. La ligne de démarcation entre marché gris et marché noir dépend largement de l’état de conscience de la société pour celui qui fait la distinction. Le marché rouge est clairement défini et entièrement distinct. Le meurtre: marché rouge ; se défendre contre un criminel (quand l’Etat interdit de se défendre) – y compris un criminel de l’Etat comme un policier – ça tient du marché noir à New-York et gris dans le Comté d’Orange.

[6] C’est pourquoi un Parti « Libertarien » ne peut que perpétuer l’étatisme. De plus, le P »L » laisserait la classe dominante jouir de son butin mal acquis et maintiendrait le système d’application et de répression de l’Etat.

[7] Un exemple de fonctionnement peut aider à comprendre. Supposez que je souhaite recevoir et vendre des biens de contrebande ou éviter un impôt ou circonvenir à une réglementation. Imaginons qu’ainsi je puisse gagner 100 000$.

D’après les taux de capture fournis par le gouvernement, toujours gonflés à outrance par rapport à la réalité en leur faveur pour la simple et bonne raison que personne n’ira les contredire et parce qu’ils n’ont aucun moyen de découvrir tout ce que nous faisons qui leur échappe entièrement, je trouve un taux de 20%. Il y a ensuite le taux de ces capturés qui vont au tribunal et sont condamnés même avec un bon avocat. Disons 25% vont au tribunal, et 50% sont condamnés. (J’exagère ce dernier taux pour inclure les frais de justice car dans ce cas même un acquittement est une perte sèche). Je cours donc un risque de 2,5% (0,2 x 0,25 x 0,5 = 0,025). C’est même un taux élevé pour la plupart des cas réels.

Supposons que l’amende maximale est 500 000$ ou 5 ans de prison, ou les deux. En excluant mes transactions contre-économiques (elles ne comptent pas pour décider si il faut les faire ou pas), je peux gagner 20 000$ par an donc les années de prison me feraient perdre 100 000$ de plus. C’est difficile de calculer le coût réel d’une année d’incarcération, mais au moins dans notre société actuelle ce n’est pas tellement pire que les autres institutionalisations (conscription, maison d’arrêt, pension scolaire, internement médical) et au moins un contre-économiste n’est pas poursuivi par la culpabilité et le remord.

Donc je pèse 2,5% d’une perte potentielle de 600 000$ et 5 années, contre un gain de 100 000$ ! Et je peux m’assurer pour 14 000$ ou moins pour payer tous les coûts et amendes ! En bref, ça marche.

[8] Il faut rappeler que les entreprises peuvent croître considérablement dans la contre-économie. On peut débattre de la probable existence de « salariés » à la place de « contractuels indépendants » pour les étapes de production mais l’auteur juge le concept de « contre-maître » ou « patron » est un héritage anachronique du féodalisme et non, comme Marx le prétend, du « capitalisme ». Bien sûr, l’étato-capitalisme est le contraire de ce que les libertariens défendent. De plus les grandes entreprises d’aujourd’hui pourraient devenir partiellement contre-économiques, en laissant une partie de leur activité dans le « marché blanc » pour endormir les agents de l’Etat et s’acquitter officiellement de leurs taxes et en rapportant un nombre partiel de leurs véritables employés. Le reste de l’entreprise pourrait (comme c’est à peu près toujours le cas en pratique) se développer rapidement en dehors de la comptabilité officielle en contact avec des indépendants fournissant biens et services, et distribuant le produit fini. Personne, ni employé ni entreprise ni entrepreneur, n’a besoin d’être dans le marché blanc.


Lisez le DOSSIER  sur LE LIBERTARIANISME

 

 

 

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4 avril 2011 1 04 /04 /avril /2011 18:26

AGORISME

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Chapitre 2 – Notre objectif: l’agorisme

Le principe de base menant un libertarien de l’étatisme jusqu’à la société libre est le même que celui que les fondateurs du Libertarianisme ont utilisé pour établir la théorie elle-même. Ce principe, c’est la cohérence. Par conséquent, l’application cohérente de la théorie du Libertarianisme à chaque action de l’individu libertarien crée la société libertarienne.

Beaucoup de penseurs ont exprimé le besoin de cohérence entre les moyens et les fins, et tous n’étaient pas libertariens. Ironiquement, beaucoup d’étatistes ont dénoncé l’incohérence entre des objectifs respectables et des moyens hors-de-propos ; et pourtant quand leurs objectifs de plus de pouvoir et plus d’oppression ont été identifiés, leurs moyens se sont révélés très cohérents. Cela fait partie de la mythologie étatique, de mentir sur la nécessité de la cohérence entre les moyens et les fins ; il est donc essentiel pour les libertariens de dénoncer ces incohérences. Beaucoup de théoriciens y ont admirablement réussi ; mais en chemin nous avons oublié de décrire la cohérence entre les fins et les moyens des libertariens. [1]

Ce principe peut aussi servir à déterminer si ce manifeste est correct. Si ce test de cohérence échoue, alors tout ce qui s’y rapporte est absurde ; en fait, sans cohérence le langage n’est que baragouinage et l’existence est un mensonge. C’est un point extrêmement crucial. Si une incohérence est découverte dans ces pages, alors c’est la correction de cette incohérence qui constitue le vrai Néo-Libertarianisme, et non ce qui a produit cette incohérence. Le Néo-Libertarianisme (agorisme) ne peut être discrédité à moins que la Liberté ou la Réalité elles-mêmes ne soient discrédités: seule une formulation erronée du Néo-Libertarianisme peut être incohérente.

Commençons par définir notre but. A quoi ressemble une société libre, ou du moins une société aussi libre que l’on puisse concevoir d’après notre entendement présent ? [2]

Sans aucun doute, la société la plus libre envisagée à ce jour est celle décrite par Robert LeFevre. Toutes les relations entre les individus y sont des échanges volontaires – un marché libre. Personne ne blesse personne ni ne spolie personne, d’aucune façon.

Bien sûr, cela nécessite d’éliminer bien plus que l’étatisme des esprits individuels, pour établir une telle société. Le plus gros risque d’une telle société est son absence de mécanisme correctif. [3] Tout ce qu’il faut, alors, c’est une poignée de pratiquants de la coercition profitant de leur butin en compagnie suffisamment nombreuse pour s’établir et continuer – et alors la liberté est morte. Même si tout le monde vit libre, une seule « bouchée de cette pomme », un seul échec, une seule régression, par la lecture de l’Histoire humaine passée ou simplement en redécouvrant le mal par accident, et cette société parfaite sera asservie.

L’option juste en dessous de la société parfaitement libre, c’est la société libertarienne. Le prix de la liberté, c’est la vigilance éternelle (Thomas Jefferson) et il serait possible d’avoir des gens, sur le marché, prêts à empêcher tout agression sporadique. Ou alors un grand nombre de gens pourrait conserver le savoir et l’attitude nécessaire pour se défendre, afin d’empêcher les attaques aléatoires (sachant le l’agresseur ne pourrait pas savoir à l’avance si sa proie est capable de se défendre), et ainsi d’éliminer toute rentabilité de l’agression.

Même ainsi, il reste deux problèmes très compliqués dans cette « Anarchie avec autodéfense spontanée ». Premièrement, il y a le problème de défendre ceux qui sont manifestement incapables de se défendre. Une technologie assez avancée réduit ce problème de sorte qu’il ne reste plus que les paraplégiques, les très jeunes enfants, les comateux et les attardés dans cette catégorie, mais ceux-ci nécessitent déjà une surveillance constante de toute façon. Puis il y a ceux qui se sont sans défense pendant un bref instant, et les cas encore plus rares de ceux qui sont débordés par des agresseurs testant leurs capacités contre une proie qu’ils espèrent plus faible (c’est très rare car une situation de ce genre a un retour sur investissement ridicule en regard des risques).

Ceux qui ne devraient pas être, et n’ont pas besoin, d’être défendus sont ceux qui choisissent de ne pas se défendre: les pacifistes. LeFevre et ses disciples n’auraient jamais rien à craindre d’un libertarien, même si celui-ci utilise pour se défendre des méthodes qu’eux trouvent répugnantes. (Ils pourraient par exemple porter un badge en forme de colombe, pour indiquer clairement leurs convictions ?)

Ce qui est encore plus important, c’est quoi faire d’un agresseur après s’être défendu. Le cas où quelqu’un s’empare de la propriété d’un autre sans que celui-ci soit là pour défendre ses droits vient spontanément à l’esprit. Et enfin, bien que ce ne soit qu’un cas particulier de la situation précédente, il y a la possibilité d’arnaque, de fraude et autres formes de violations de contrat. [4]

Ces situations pourraient être réglées par la méthode primitive et barbare d’un « duel à l’arme à feu », ou de manière civilisée – c’est-à-dire, par l’intervention d’un tiers impartial. C’est le problème fondamental de la société. [5]

Toute tentative pour imposer une solution contre l’avis des personnes concernées viole le principe libertarien. Par conséquent un « duel » qui ne risque pas de blesser une tierce personne est une solution acceptable – mais elle n’est ni idéale ni civilisée, sauf peut-être de l’avis de quelques passionés.

La solution alternative requiert donc un juge, un « témoin impartial » ou un arbitre. Une fois qu’un tel arbitre ou juge a donné son avis sur la dispute ou l’agression, un mécanisme d’application est nécessaire. (Les pacifistes peuvent aussi choisir l’arbitrage sans application.)

Le système suivant a été proposé par Murray Rothbard, Linda et Morris Tannehill, et d’autres ; il n’est pas forcément définitif ni ultime, et peut être amélioré par les avancées sur la théorie libertarienne et la technologie (comme cet auteur l’a déjà fait). Actuellement, il semble optimal et est présenté ici comme modèle fonctionnel de départ.

D’abord, à l’exception de tous ceux qui ne souhaitent pas participer, chacun s’assure contre l’agression et le vol. On peut même assurer sa vie pour le montant que l’on estime qu’elle vaut, pour les cas de meurtres (ou d’homicide involontaire) ce qui peut aller de, par exemple, saisir la vie du meutrier pour (si c’est technologiquement faisable) utiliser ses organes transplantables afin de rendre la vie à la victime, jusqu’à une indemnité payable à ceux qui poursuivront l’oeuvre de sa vie. Ce qui est crucial ici est que la victime décide de la valeur de sa vie, de son corps et de ses biens avant l’agression. (Tout ce qui est remplaçable pourra être racheté au prix du marché, voir plus bas.)

Imaginons que A découvre qu’un de ses biens a disparu, et le signale à son assureur IA. IA va, par exemple au moyen de sa division d’enquête, ou en mandatant un détective privé D, enquêter sur cette disparition (exactement comme le ferait la Police étatique). En parallèle, IA remplace à ses frais le bien manquant pour minimiser l’effet de la perte sur A (les assureurs auto proposent déjà des véhicules de remplacement de nos jours). [6] Si D échoue à retrouver le bien manquant, la perte de A et son rachat sont couverts par les primes d’assurance. Notez que IA a intérêt à retrouver le maximum de biens volés ou perdus pour maximiser sa rentabilité. (L’équivalent étatique serait de garantir l’efficacité de la police par un « droit opposable » à la sécurité… ce que, curieusement, jamais aucun politicien sain d’esprit et conscient n’oserait proposer, étant donné l’énorme coût social et l’inefficacité du monopole de l’état en matière de prévention du crime.)

En revanche, si D retrouve le bien, par exemple dans les mains de B, et que B rend ce bien spontanément, l’affaire est close. C’est uniquement dans le cas où B prétend à un droit de propriété sur le bien appartenant à A, qu’il y a conflit.

Mettons que B a l’assurance IB, qui peut diligenter sa propre enquête et convaincre IA que D s’est trompé. En dehors de ce cas, IA et IB sont alors en conflit. A cette étape, l’objection traditionnelle à l’anarchie de marché est avancée, pour déclarer que la « guerre » entre A et B s’est étendue à deux grandes compagnies d’assurance disposant de plusieurs escadrons armés, ou de contrats avec des milices privées (PA et PB). Mais dans ce cas, où est l’intérêt de IA et IB d’utiliser la violence pour détruire non seulement le capital de son concurrent, mais aussi une partie du sien ? Cet intérêt est d’autant plus réduit que l’anarchie de marché est établie depuis longtemps ; le capital de ces entreprises serait déjà presque entièrement engagé et la compagnie ne disposerait que de spécialistes de la défense. Une assurance de ce type qui se spécialiserait dans l’attaque serait immédiatement suspecte et n’attirerait pas de client libertarien.

Très simplement et pour bien moins cher (ce qui rend l’opération bien plus rentable), IA et IB peuvent tout simplement mandater un arbitre pour régler la dispute, en présentant chacune ses preuves et ses réclamations. Si B a raison, IA lâche l’affaire, perd un peu d’argent (c’est préférable au financement une guerre !) et a désormais une raison impérieuse d’améliorer ses méthodes d’investigation (ou de trouver un meilleur fournisseur d’infos). Si c’est A qui a raison, c’est IB qui a intérêt à améliorer ses propres méthodes (en plus de se débarrasser d’un client pourri).

A ce moment, une fois que l’affaire a été entendue, jugée, et si B refuse toujours de rendre le bien volé, alors seulement l’usage de la violence devient légitime. (B aurait jusque là seulement reçu notification de l’affaire en cours contre lui, il n’y aurait eu aucune saisie effectuée jusqu’à ce que la décision du juge soit rendue.) Mais PB et IB ne le défendent plus, et B se retrouve face à une équipe compétente, équipée, et expérimentée dans la récupération de propriété volée.

Même si B résiste, irrationnellement, il sera selon toute probabilité neutralisé avec un minimum d’efforts et de dégâts par une agence soucieuse de son image auprès du public et cherchant à augmenter ses marges et le nombre de ses clients – y compris, pourquoi pas, B lui-même. En effet, PA doit intervenir sans causer de dommages à la propriété des tiers.

B, ou IB, est alors condamné à réparation. Cela peut se diviser en trois étapes: restitution, préférence temporelle, et appréhension.

La restitution est le fait de rendre le bien original ou son équivalent. Cela peut même s’appliquer à des organes ou à la valeur marchande que l’on assigne à sa propre vie.

La préférence temporelle est la restitution pour la perte d’usage temporaire et est aisément déterminée par les taux d’intérêt en cours sur les frais qu’IA a dû engager pour couvrir A.

L’appréhension est le coût de l’enquête, de la détection, de l’arbitrage et de l’application (en gros, les frais de justice). Notez comment le Marché fonctionne de manière à donner à B un intérêt maximal à résister le moins possible voire à rendre spontanément ce qu’il a volé, et le plus vite possible (les intérêts courent), pour réduire au maximum le coût d’appréhension.

Et aussi, notez comme tous les intérêts des uns et des autres convergent pour inciter tout le monde à causer le minimum possible d’embarras, de dégâts et de délais. Comparez ça avec les autres systèmes en opération aujourd’hui ; notez aussi que des morceaux de ce système ont déjà été mis en pratique avec succès dans le passé. Les assembler en un tout cohérent est une nouveauté exclusive de la théorie libertarienne.

Ce modèle de réparation a été défini si spécifiquement, bien qu’il puisse être encore développé et amélioré, parce qu’il résout le seul vrai problème social qui implique la violence. Le reste de la société libertarienne pourrait au mieux être présenté par des auteurs de science fiction imaginatifs et disposant de connaissances de base en praxéologie (c’est le nom que von Mises donne à l’étude de l’action humaine, qui inclut, mais n’est pas limitée à, l’économie).

Les avantages essentiels de cette société – théorie libertarienne et marché libre mis en pratique, appelée agoriste du grec Agora pour « place de marché » – sont l’innovation rapide en science, technologie, communication, transport, production et développement de la culture et des sciences humaines pour tenir le rythme face au progrès matériel ; aussi, ce progrès non-matériel est plausible car la liberté totale implique le développement de formes d’art non-violentes et aussi de sa transmission accélérée aux autres. La littérature libertarienne décrivant dans le détail ces progrès constitue déjà une masse respectable, et continue de croître.

On peut conclure cette description du mécanisme de réparation en répondant à quelques objections obscures qui lui sont opposées parfois. La plupart d’entre elles se réduisent à des désaccords personnels sur la valeur des biens et des vies. Laisser le marché libre, impersonnel, et la victime décider est la meilleure solution à la fois pour la victime et pour l’agresseur, donc au final, pour la société toute entière.

Ce dernier point choque certaines personnes qui considèrent qu’une punition est nécessaire contre ceux qui ont « mal pensé » ; la réparation du méfait ne leur semble pas suffisante. [7]

Bien que personne ne soit jamais parvenu à fournir une base morale pour les punitions, Murray Rothbard et David Friedman en particulier avancent la nécessité économique de la dissuasion. Ils disent que pour tout pourcentage d’appréhension inférieur à 100%, il y a un certain pourcentage de « réussite » du crime ; et donc, un « criminel rationnel » pourrait choisir de tenter sa chance pour un gain. Par conséquent une dissuasion additionnelle doit être ajoutée à la réparation, sous la forme d’une punition. Le fait que ça diminue l’intérêt que l’agresseur a de se rendre au plus vite, et donc dégrade un peu plus le taux d’appréhension, ne leur vient pas du tout à l’esprit, ou alors la punition doit être en augmentation toujours plus rapide pour compenser le taux croissant de fuite. Au moment où ceci est écrit, le taux de fuite le plus faible pour les crimes définis par l’Etat est 80% ; la plupart des criminels ont au moins 90% de chances de ne pas être attrapés. Ceci dans un système de punition-réhabilitation où il n’y a pas réparation (au contraire, la victime est volée encore un peu plus par le fisc pour payer le système pénal afin de nourrir et réhabiliter son agresseur), le marché n’a pas son mot à dire. Comment s’étonner alors de l’existence d’un « marché rouge » où s’achète et se vend de l’agression non-étatique !

Par ailleurs, cette critique de la réparation agoriste ne traite pas du facteur « entropique ». L’agresseur potentiel doit mettre en balance le gain espéré contre la perte de ce gain plus l’intérêt courant plus les coûts d’appréhension. C’est vrai que s’il se rend immédiatement, ces deux coûts sont minimaux – mais alors, les coûts à la victime et son assureur aussi sont minimaux. [NdT: on peut aussi ajouter le fait que le voleur attribue souvent une valeur plus faible au bien volé que ce qu'il va devoir payer en réparation: c'est encore un coût supplémentaire imposé au crime.]

Non seulement la réparation agoriste est une dissuasion en elle-même, proportionnelle au renoncement aux gains criminels, mais le coût marchand dû au taux d’appréhension permet de mesurer précisément le coût social du crime. Il n’existe aucun autre système qui propose une telle chose. Comme le disent les libertariens: la liberté, ça marche.

Nulle part ailleurs dans la théorie de la réparation agoriste on ne juge des pensées et intentions de l’agresseur. L’agresseur est supposé être le seul acteur humain et le seul responsable de ses actions. De plus, en quoi serions-nous concernés par les pensées et intentions intimes de l’autre ? La seule chose qui importe, c’est ce qu’il a fait. La pensée, la simple intention, ce n’est pas une action ; en pensée, l’anarchie reste absolue. [8]

Si vous me voyiez passer à travers la fenêtre de chez vous sans causer plus de dégâts, cela ne vous importe pas de savoir si j’ai juste trébuché ou si j’ai agi sous l’effet d’une colère irrationnelle ou si c’était une action planifiée de ma part pour attirer l’attention et faire diversion pendant que mes complices braquent la banque voisine. Ce qui vous importe, c’est que la fenêtre soit réparée sur le champ (et les débris nettoyés). Mes intentions sont entièrement distinctes de la réparation souhaitée. En fait, on peut aisément démontrer que la moindre dépense d’énergie à ce sujet est en pure perte. La motivation – ou l’intention suspectée, pour être exact [8] – peut être intéressante pour la phase d’enquête et peut même servir de pièce à conviction devant un arbitre pour départager deux suspects probables, mais ce qui compte pour la justice – du point de vue libertarien – est que la victime soit revenue à un état aussi proche que possible de celui précédant l’agression, et que les dégâts qu’elle a subis soient réparés. Laissez Dieu, la conscience individuelle ou Gémini Cricket s’occuper de punir les « pensées coupables ». [9]

Une autre objection courante concerne le sort des agresseurs qui ont payé leurs dettes (à la victime, pas à la « société »), et sont « libres » de recommencer – avec une plus grande expérience. Qu’en est-il de la recidive, omniprésente dans la société étatique ?

Bien sûr, une fois coupable d’agression, on est certainement mis sous surveillance par les assureurs et immédiatement suspecté dès qu’une agression similaire est commise dans le voisinage. Et bien que les camps de travail puissent être envisagés pour payer réparation dans certains cas extrêmes, la plupart des agresseurs y travailleraient dans une relative liberté. Il n’y aurait donc pas « d’académies du crime » comme les prisons et maisons d’arrêt pour enseigner et encourager les pratiques criminelles.

La caractéristique spécifique d’un système de justice et de défense des droits hautement efficace et précis sera d’occuper une fraction négligeable du temps et des moyens d’un individu. On peut dire que nous n’avons pas encore dépeint du tout 99% de la société agoriste. Qu’en est-il de l’élimination de l’autodestruction (avec lequel le libertarianisme n’interfère pas du tout), l’exploration et la colonisation de l’espace, l’extension de la longévité, l’amélioration de l’instruction et des capacités cognitives, les relations sociales et les variations esthétiques ? Tout ce qu’il vaut la peine de mentionner, c’est qu’alors que l’homme d’aujourd’hui doit passer la moitié (ou plus !) de son temps et de son énergie à servir l’Etat ou à lui résister, cette énergie et ce temps pourrait à la place être utilisé pour améliorer tous les aspects d’accomplissement et de mise en service des ressources naturelles. Il faudrait être absolument désabusé et cynique pour imaginer tout sauf une société plus prospère et plus heureuse dans ces conditions.

Voilà pour l’aperçu de notre objectif, et la dépiction détaillée ou générale de la justice et la protection. Nous avons notre « Ici » et notre « Là ». Maintenant il nous reste à voir le chemin – la Contre-économie.


Notes:

[1] Pour citer les plus spectaculaires:

- Murray Rothbard est prêt à utiliser toute politique passée pour faire avancer le libertarianisme, remontant aux méthodes passées plus radicales encore chaque fois qu’elles échouent.

- Robert LeFevre promeut un monde de pureté des pensées et des actes de chaque individu que l’auteur trouve très inspiré. Mais il se retient de décrire une stratégie complète résultant de ces tactiques personnelles, en partie à cause de la peur d’être accusé de prescrire autant que décrire. L’auteur présent n’a pas cette peur. Le pacifisme de LeFevre dilue aussi l’attraction de ses tactiques libertariennes, peut-être plus qu’elles ne le méritent, d’ailleurs.

- Andrew J. Galambos défend une position plutôt contre-économique (voir le chapitre suivant) mais en dévie ceux qu’il recrute par ses tendances anti-mouvement et sa tactique d’organisation en « société secrète ». Son déviationnisme de « propriété primordiale », comme le pacifisme de LeFevre, repousse probablement plus de monde de sa théorie qu’elle n’en mérite.

- Harry Browne, dans « Comment j’ai trouvé la liberté dans un monde asservi » est un guide immensément populaire de libération personnelle. Influencé par Rothbard, LeFevre et Galambos, Browne décrit précisément bien que superficiellement, les tactiques valides pour survivre et prospérer dans une société étatique. Il n’offre pas de stratégie générale, et ses techniques ne marcheraient pas dans un système contre-économique assez avancé sur la voie de la société libre.

- Une déviation sans défenseur particulier mais associée largement avec la Connection Libertarienne, est celle d’obtenir la liberté en distançant l’Etat par le progrès technologique. Il y a une certaine plausibilité à cela car dans un cas récent l’Etat US a décidé de ne pas réguler l’industrie, en expansion rapide, des technologies de l’information. Mais cela ne tient pas en compte de l’ingénuité des gens qui maintiendront l’étatisme en place tant que les gens le réclameront.

[2] Quand notre entendement progresse, la société libre paraît toujours plus accessible.

[3] Dans La grande explosion, l’écrivain de SF Eric F. Russell décrit une société proche de celle imaginée par LeFevre. Les Gands pacifistes avaient bien un mécanisme de correction pour traiter des individus irrationnels – les cas de « Jack Solitaire ».

Malheureusement, le boycott ne marcherait pas dès que les agresseurs atteindraient une « masse critique » suffisante pour s’auto-entretenir. Le fait que ce soit possible devrait être évident, puisque c’est ce qu’ils ont fait sur notre planète !

[4] La position de Mises-Rothbard est que la fraude ou la violation de contrat est du vol: celle de biens futurs. La base du contrat est l’échange de biens présents contre des biens futurs. Tout vol est une initiation de violence, soit par l’usage de la force pour séparer le propriétaire de son bien contre sa volonté, ou en prévenant la réception ou récupération de biens qui avaient été transférés d’après accord préalable.

[5] La société, comme le montre Mises, existe du fait des avantages de la division du travail. En se spécialisant dans divers domaines ou étapes de production, les individus obtiennent la production de plus de richesse.

[6] A ce niveau nous devons introduire le concept, énoncé par Mises, de préférence temporelle. Les biens futurs sont toujours meilleur marché que les biens présents à cause de leur moindre temps d’usage disponible. Bien que les valeurs individuelles de préférence temporelle varient pour chacun, ceux qui ont une haute préférence temporelle empruntent à ceux qui ont une plus faible préférence temporelle, car les haute-préférence paient plus aux basse-préférence que la valeur qu’ils abandonnent en échange. Le moment où ces transactions s’opèrent sur le marché libre définit le taux d’intérêt de base pour les prêts et l’investissement.

[7] Murray Rothbard prend la position la plus modérée: il défend la double réparation ; cela veut dire que l’agresseur doit ramener la victime à son état antérieur (autant que possible), et devenir lui-même victime dans une mesure égale ! Non seulement ce doublement semble arbitraire mais en plus rothbard ne donne jamais aucune base morale pour cette punition, si ce n’est un « calcul moral » (à la manière de Bentham). Les autres auteurs font pires encore en exigeant un pillage encore plus important de l’agresseur, rendant certain que seul le plus idiot des criminels irait se dénoncer, et où un criminel sensé essaierait au contraire de vendre le plus chèrement possible sa peau. Beaucoup de Randiens n’hésiteraient pas à descendre un enfant pour avoir volé un bonbon (c’est la position littérale de Gary Greenberg) ; d’autres enchaîneraient des adolescents à leur lit pour une violation triviale de propriété. Et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. La position selon laquelle il ne faut pas restituer mais au contraire punir raisonnablement et réhabiliter l’agresseur parodie encore plus le concept même de justice. Bien que certains réhabiliteurs un peu plus éclairés que les autres accepteraient le principe de repayer une dette envers la victime, ils saisiraient le droit de la victime à déléguer librement sa défense (la fondation de toute justice légale) pour incarcérer et laver le cerveau de l’agresseur neutralisé. Non seulement ils puniraient la mauvaise personne, mais ils laisseraient pourrir le corps en cellule, et certains défendent même l’usage de torture physique. Les réhabiliteurs cherchent à détruire les valeurs et la motivation, autrement dit, ils veulent annihiler la personnalité. En termes plus crus mais plus vrais, ils veulent dévorer l’âme de l’agresseur attrapé !

[8] Si la télépathie était découverte et possible en pratique, il serait alors peut-être envisageable d’enquêter sur les motiviations et intentions ; en attendant la seule utilisation possible serait dans une demande de grâce – le pardon aux dépens de la victime. Cette note est doublement importante pour le paragraphe, c’est pourquoi elle est indiquée deux fois.

[9] Une bonne question est « où commence la punition ? » Le concept est applicable uniquement aux esclaves qui n’ont rien à perdre sinon l’absence de souffrance, aux miséreux absolus qui n’ont rien de valeur à par leur propre existence, et aux très jeunes enfants incapables de repayer la victime et qui sont généralement considérés comme irresponsables de leurs dettes. Bien sûr, une économie primitive avait bien trop de problèmes à fournir rationnalité et technologie suffisante pour obtenir une détection et une mesure de la valeur fiables. Toutefois, certaines sociétés primitives comme l’Irlande celtique, L’Islande médiévale et les Ibo ont introduit des systèmes de réparations des torts pour mitiger les effets de la vengeance – et ont promptement évolué en quasi-anarchies.


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