Les productions artistiques constituent un témoignage historique des moeurs, de la culture, des valeurs et des attentes d’une société à un moment donné de son histoire.
Par Daniel Jagodzinski, Montréal, Québec
Le dernier siècle a vu apparaître et se développer ce qui, un peu abusivement, a été appelé le « septième art » ou cinéma. Le cinéma a beaucoup en commun avec le rêve. Tout comme le dormeur, le spectateur s’installe en position de relaxation dans une camera obscura, une chambre obscure, où il peut s’abandonner à des émotions parfois inavouables et accomplir par procuration des actions réprouvées dans la vie réelle. La complicité tacite qui l’unit aux autres spectateurs garantit son impunité tandis que s’accomplissent ses désirs.
Le principe de plaisir qui guide les conduites humaines a fait le succès du cinéma, art « industriel », dont l’impact sur les masses a été et continue d’être considérable. Empiriquement, le cinéma a cherché à connaître les attentes de son public car son existence est étroitement liée à la satisfaction de ce dernier. L’imagination et les fantasmes font le travail et il est vain d’évoquer le caractère virtuel des satisfactions éprouvées car leur intensité est souvent bien réelle, à la mesure de tout ce qui demeure hors de portée dans la vie réelle.
En d’autres termes, ces puissantes satisfactions sont dues à la libération de forces qu’il convient de réprimer en temps ordinaire. Elles traduisent en jargon psychanalytique le retour du refoulé, en particulier à travers la réalisation imaginaire de désirs agressifs, sexuels ou sadiques. L’exploitation de cet imaginaire constitue une mine d’or pour le cinéma.
La mise en scène de ces désirs insatisfaits, de ces fantasmes peut déboucher sur des phénomènes de masse avec la réalisation de film à succès planétaire: les « blockbusters », sources de profits immenses pour les producteurs.
Au sein des blockbusters, le genre qui actuellement semble faire le plus recette est celui des « films catastrophes », dont les scénarios varient en fonction des cataclysmes imaginés: collision avec des météorites, pandémies diverses avec ou sans génération de morts-vivants, réchauffement planétaire, invasion d’extra-terrestres, émancipation de robots ennemis du genre humain, etc.
Quelques points sont néanmoins communs à toutes ces déclinaisons :
- Un phénomène planétaire et brutal vient menacer l’espèce humaine de disparition.
- Un (ou quelques-uns) citoyen ordinaire vit à cette occasion une existence extraordinaire, en quelque sorte une promotion non voulue. Notre quidam devient « l’Élu »; il parvient à survivre et à réamorcer un futur de l’humanité dans un monde dévasté.
- L’expérience vécue transforme notre héros et lui fait découvrir les potentialités jusqu’alors inconscientes de son humanité. Loin des leçons apprises et des habitudes de vie antérieures, il doit se réinventer très vite pour pouvoir affronter les dangers qui le guettent. Sans étayage social, sans le secours des institutions de l’État, seule sa réactivité et sa capacité d’improvisation lui offrent une chance de survie. Le film fait souvent une part belle à l’ahuri qui se transforme en bête sauvage, avec néanmoins un message souvent positif: il dépend de lui de garder une part d’humanité.
Bref, dans l’anarchie totale qui prévaut, les héros sont libres, libres et seuls au milieu de tous les dangers, nouveaux Robinsons affranchis de toute règle sauf celle de survivre.
« Dans l’anarchie totale qui prévaut, les héros sont libres, libres et seuls au milieu de tous les dangers, nouveaux Robinsons affranchis de toute règle sauf celle de survivre. » | ![]() |
Qu’est-ce qui explique le succès de ces films ?
Les interprétations usuelles et banales font toutes référence à l’angoisse générale du futur, soigneusement entretenue par les médias sur fond d’écologie, d’épidémie, de terrorisme, de crise économique. Il s’agit d’une simple paraphrase sur la trame du film: le film fait peur, donc il exprime une peur.
Je ne vois dans ces interprétations rien qui puisse expliquer la jubilation des spectateurs, bien au contraire. En fait, là où il y a plaisir, il doit bien y avoir satisfaction d’un désir, d’une profonde attente.
Il est alors avancé que le spectateur s’identifie au survivant et éprouve le bonheur de survivre aux épreuves… et de retrouver sa petite vie douillette en sortant du cinéma. Ouf, ce n’était qu’une fiction où on a joué à se faire peur. Opération nulle de réassurance ?
Cette explication contient sans doute une part de vérité mais n’épuise pas, tant sans faut, les ressorts du plaisir éprouvé. Quid en effet de la violence qui a trouvé dans la fiction de quoi se repaître? Le héros a dû vaincre et tuer pour survivre. Il y a trouvé une excitation – le goût du sang – bien incorrecte mais tellement délicieuse. Il a pu le faire non seulement légitimement mais parce qu’il n’y avait plus rien pour faire obstacle à sa sauvagerie retrouvée: plus de police, plus d’armée, plus d’institutions ni d’État (dont les représentants sont souvent représentés comme d’impuissantes marionnettes dont les fils sont rompus – ce qui en dit long sur l’antiétatisme des spectateurs...), rien dis-je, l’anarchie ! Oui mais la liberté et l’autonomie en cadeau !
Révélation des tendances profondes des attentes du public, le cinéma se révèle bien être un indicateur sociologique majeur de l’état d’une société et parfois de la fracture qui s’annonce entre cet état et les désirs des citoyens.
Les fins du monde complaisamment illustrées par ces films viennent combler les frustrations de ces publics et leur ambivalence à l’égard du monde dans lequel nous vivons. En effet, tout en affirmant de façon quasi unanime la supériorité de l’organisation étatique, du welfare social, et en privilégiant en général l’égalité aux dépends de la liberté, ces publics trahissent dans le plaisir iconoclaste pris à l’anéantissement de ce monde l’idée que leur vrai épanouissement ne peut s’éprouver qu’en imaginant sa disparition. Ces films sont vécus comme une fête, une délivrance, l’advenue d’un monde nouveau, comme une nouvelle épiphanie, parce qu’ils comblent une éternelle nostalgie, celle de la liberté perdue.
Le libertarianisme serait-il tapi dans le coeur des hommes et Hollywood en serait-il le révélateur ?
Tenter de démontrer l’ampleur de l’attachement du peuple des États-Unis d’Amérique aux valeurs véhiculées par la mouvance libertarienne au moyen de productions audiovisuelles qui en font mention relève de la gageure, tellement ces dernières sont peu nombreuses! Il faut savoir que l’abime est grand entre les aspirations de cette Amérique profonde et réelle, et ce que veulent bien nous montrer les grands studios de l’industrie états-unienne du spectacle audiovisuel.
Si les valeurs libertariennes trouvent un large écho au sein de la population, elles sont en revanche et sans surprise bien sûr pour le moins méprisées par l’intelligentsia « culturelle » californienne et new yorkaise, c’est-à-dire les personnes qui font la pluie et le beau temps au niveau du spectacle aux États-Unis. En fait, pour mentionner l’industrie du cinéma et de la télévision, si un certain nombre d’acteurs, tels les Clint Eastwood, Mel Gibson, Tom Selleck et autre Chuck Norris revendiquent volontiers et à titre individuel leur sensibilité libertarienne, c’est bien le criant manque de productions à caractère libertarien qui pose problème.
Des films et séries TV d’inspiration libertarienne trouveraient facilement un public large, la demande existant dans l’Amérique profonde (surtout à l’heure où les Tea Parties sont en vogue!). Bien sûr, la culture ne se limite heureusement pas à l’industrie du spectacle audiovisuel, il y a la littérature et d’autres supports qui heureusement subsistent encore de nos jours! Cependant, c’est quand même les films et les séries que le public préfère, on est bien obligé d’en tenir compte. Il serait bien alors que plus de productions grand public fassent aussi la promotion des valeurs libertariennes (défense des libertés individuelles, des libertés économiques, promotion du pouvoir local, de la souveraineté face à un pouvoir centralisateur, oppressant, critique voire dénonciation de Big Brother etc.). Malheureusement, tout ceci n’est pas du tout dans l’air du temps, comme nous le verrons plus loin.
Ce qui manque pour que des œuvres audiovisuelles à caractère libertarien voient le jour, ce sont les scénaristes, producteurs et grands studios (de cinéma ou de télévision) qui accepteraient de les fabriquer. Ce n’est en effet hélas pas le Tout-hollywood boboïsant et démocrate qui va se précipiter pour mettre sur pied une superproduction aux accents libertariens. Ron Paul, une des icônes du la pensée libertarienne états-unienne, très populaire dans l’Amérique d’en bas, est aussi bien vu à Broadway qu’un Oskar Freysinger ou un Christoph Blocher à l’Usine de Genève.
D’aucuns auront remarqué que plus le temps passe, plus on nous bombarde de séries TV ou de films ou le super-héros, le Jack Bauer ou le James Marshall qui va sauver la veuve et l’orphelin, voire le monde, est un employé du gouvernement fédéral quand ce n’est pas le président des États-unis en personne. Un sociologue français (dont le nom m’échappe malencontreusement!) a écrit un livre là-dessus aux alentours de 2007. Il y dénonçait la soviétisation de la culture états-unienne, la dérive vers une fiction glorifiant toujours plus le pouvoir central de Washington et ses agents.
Ce n’est pas du tout un hasard si les nouveaux héros de fiction ne sont plus des hors-la-loi, rebelles, chasseurs de prime, détectives privés ou détenteurs de l’autorité sur le plan local (inspecteurs de police, shérifs) mais sont désormais pratiquement tous des agents du FBI ou d’une quelconque autre agence gouvernementale, donc tous représentants de ce pouvoir distant, fédéral, que l’industrie du spectacle s’échine à sublimer à longueur de films et de séries. Cela démontre que cette dernière se trouve idéologiquement à des années-lumière de la pensée libertarienne, qui elle exalte le pouvoir local, celui du shérif par exemple, voire celui du citoyen lambda qui se fait justice lui-même.
Des séries comme 24h chrono sont de véritables chefs-d’œuvre de manipulation, elles mettent dans la tête des gens que sans le gouvernement central de Washington, sans la Maison Blanche et son locataire, le citoyen états-unien lambda est fichu. Elles jettent l’anathème sur le survivaliste ou le possesseur d’arme, c’est-à-dire sur le simple citoyen visiblement en phase avec la pensée libertarienne qui se méfie du pouvoir de Washington et qui n’a pas trop confiance dans la capacité de ce dernier à assurer sa sécurité… un citoyen bien sûr toujours représenté sous des traits défavorables (par exemple dans la saison 1 de 24h chrono).
Pour nous qui vivons dans la vieille Europe, c’est à un double rideau de censure que se heurtent les rares productions US qui s’inscrivent dans le courant libertarien : censure des grand réseaux TV états-uniens qui n’aiment pas ce courant de pensée puis censure des distributeurs de film ou de séries TV européens qui voient également d’un mauvais œil ce mystérieux mouvement libertarien, courant qui pour mieux le discréditer est bien sûr systématiquement représenté en Europe, on le rappelle, comme issu de l’extrême-droite.
Pour faire clair, les œuvres libellées libertariennes ne sont déjà pas légion aux USA, du fait de la censure relative opérée là-bas par l’intelligentsia politiquement correcte du spectacle, et quand bien même une production de ce type verrait le jour par miracle, elle n’aurait pas trop de chance de séduire nos chaînes de TV ou nos distributeurs de films francophones.
Autant dire que peu d’œuvres Made in USA d’inspiration libertarienne sont arrivées jusqu’à nous ces dernières années, mais il y en a tout de même quelques-unes que nous allons mentionner. Précisons que l’absence d’œuvres de spectacle et de divertissement relatives à la mouvance libertarienne ne doit pas occulter le fait qu’il existe une culture libertarienne forte, dans l’Amérique profonde, ni faire croire que cette tendance y trouve peu d’écho. Bien au contraire, ce sont les décideurs (producteurs, réalisateurs et directeurs de studios) du Tout-Hollywood qui sont en porte-à-faux avec l’Amérique profonde et ses attentes.
Il convient, avant de présenter quelques œuvres à caractère libertarien, de préciser qu’il n’est pas dans mon intention de faire l’apologie de l’industrie du spectacle et du divertissement, ni d’encourager à regarder passivement films et séries TV, ce qui est devenu un véritable fléau actuellement (même si des fois ça peut être sympa). Les séries TV, surtout, peuvent être de véritables drogues, à l’instar des jeux vidéos. Je pense que le développement de l’industrie du spectacle et du divertissement répond à une volonté d’endormir les masses, de leur permettre de s’évader et d’évacuer la pression tous les soirs en rentrant du boulot. Comme un Ted Kaczynscki dont je lis actuellement le trait instructif manifeste publié aux éditions Xenia (dirigées par Slobodan Despot), je pense que si la TV et les jeux vidéos n’étaient pas là à haute dose pour anesthésier quotidiennement la population, une révolte voire une révolution serai(en)t inévitable(s) à court terme.
Aussi, je pense qu’il ne faut pas confondre culture et spectacle. Le folklore, les traditions, les coutumes d’un village, d’une région, d’un pays sont autant de culture authentique digne d’intérêt et à préserver. La culture authentique, autochtone est la cible numéro 1 des multiculturalistes. Pour détruire les cultures locales et ancestrales et imposer une contre-culture (ou sous-culture) uniformisée et globale, les multiculturalistes ont une arme redoutable, celle de la fausse culture qu’est le spectacle/divertissement. Comme le dit Debord (dès 1967!) dans sa « Société du spectacle » (thèse 165) : « cette puissance d’homogénéisation [que possède le spectacle], est la grosse artillerie qui a fait tomber toutes les murailles de Chine ».
Le spectacle est tout autre chose que la culture. Il s’agit en général d’œuvres ad hoc, créées ex-nihilo, souvent sans lien avec une quelconque réalité ni un quelconque vécu. Il s’agit de ces émissions dégoûtantes de TV réalité et autres jeux importés tels quels des USA par exemple, de ces séries et de ces films avec des actrices et des acteurs « trop beaux pour être vrais » qui tentent de mettre dans la tête des gens, dans le monde entier, que leur mode de vie est nul, comparé à celui des habitants de Beverly Hills, Miami ou New York (Hollywood fait peut-être rêver jusqu’au plus reculé des villages de Papouasie Nouvelle-Guinée mais en attendant, une récente émission sur M6 nous rappelait qu’il s’agit de la municipalité comptant l’un des plus forts taux de criminalité de toute l’Amérique… il y a donc une marge importante entre la réalité et ce que le spectacle nous fait miroiter).
La culture authentique exprime la réalité quotidienne. Si vous voulez connaître la culture locale de la Louisiane, allez à la Nouvelle-Orléans et voyez par vous-même. Pareil pour connaître le libertarianisme et les courants paléoconservateurs US, le mieux est d’aller voir sur place, de discuter avec les gens concernés. Le spectacle en revanche ne nous présente pas la réalité. On y voit ce que l’on veut bien nous montrer. La culture, c’est voir par soi-même, le spectacle, c’est voir au travers des yeux d’un autre (réalisateur, producteur, scénariste).
Je ne vais pas épiloguer sur cet aspect dans le cadre de cet article, car tenter d’expliquer la différence entre la culture, noble, et le spectacle, souvent insipide, n’est pas une mince affaire. Ce qui m’intéresse dans ce qui suit n’est pas de faire l’apologie de telle ou telle œuvre ni de dire que j’ai bien aimé telle ou telle série (et oui je n’ai jamais dit que j’étais assez fort pour couper définitivement les ponts avec la TV, même si c’est un combat que je mène actuellement!). Mon objectif en présentant quelques œuvres de spectacle est d’analyser comment la pensée libertarienne a pu y être exprimée.
Jericho
Jericho est une petite bourgade (fictive) tranquille de quelques milliers d’habitants se situant au fin fond du Kansas, soit au beau milieu de nulle part aux Etats-Unis, qui se retrouve subitement coupée du monde lorsqu’une série d’explosions atomiques détruisent simultanément la plupart des grandes villes du pays. Un scénario ma foi réaliste.
Cette série nous montre comment la population s’organise et tente de survivre, dans un contexte de « rupture civilisationnelle ». Il n’est plus question de compter sur un quelconque gouvernement fédéral, la capitale, Washington D.C., ayant été rayée de la carte. Jericho, c’est un peu Katrina puissance 10. Gentiment, au fil des épisodes, on apprend que les choses se réorganisent dans le pays, qu’un gouvernement fédéral serait en cours de constitution à… Cheyenne dans l’état du Wyoming. Comme on est dans une optique libertarienne, on comprend vite que ce n’est pas forcément une bonne nouvelle.
Scène de la série « Jericho » : la population n’attend pas sur un hypothétique pouvoir fédéral pour organiser sa survie
Cette série nous montre comment le pouvoir local, contrôlé par la population, se voit malmené par les directives venant de loin (Cheyenne). Le maire de Jericho, Johnston Green, est un véritable libertarien. Il croit à la démocratie directe et se méfie des autorités distantes (qui au fil des épisodes s’avèrent également fortement corrompues, bref c’est très réaliste). Dans le dernier épisode de la série, il fait flotter au-dessus de la mairie de sa bourgade le Gadsden Flag (le drapeau libertarien jaune avec un serpent qui dit « Don’t tread on me ! », ne me marche pas dessus), symbole du désir de la population de ne pas se laisser « bouffer » par des technocrates distants et arrogants :
Scène de la série « Jericho » : le Gadsden flag flotte au-dessus de la ville
Jéricho est une sorte de « village gaulois » dont la population est déterminée à résister à ceux qui veulent qu’elle se soumette à des intérêts contraires aux siens.
Ce résumé est plus que succinct, mais trop en dire serait dommage pour le cas où vous seriez tentés de voir cette série TV. De nouveau, je suis conscient que l’on regarde beaucoup trop la TV, ce qui revient à cesser de vivre pour regarder les autres vivre. Je crois qu’on devrait éteindre la TV plus souvent pour commencer à vivre nous-mêmes, mais pour le coup, je vais faire une exception et conseiller de regarder cette série.
Il faut de plus savoir qu’elle était produite par un grand network états-unien, CBS, mais que sans surprise, ça n’a pas duré. La première saison comptait 22 épisodes et la seconde et dernière : 7 seulement, avant que la série ne soit supprimée. Il semble que cette production n’avait pas l’heur de plaire aux élites bien-pensantes de l’industrie du spectacle. Les fans de la série (qui était suivie par 10 millions de téléspectateurs aux Etats-Unis, c’est dire si il existe une demande pour des fictions à caractère libertarien) se sont mobilisés pour qu’elle continue, mais sans succès. L’audience était au rendez-vous est c’est pour d’autres raisons que la série a été annulée.
Cliquez ici pour lire la notice wikipedia au sujet de ce drapeau
Le « Gadsden flag », la bannière des libertariens. Il ne faut pas voir de signification spirituelle dans le serpent.
Le Patriote (le chemin de la liberté)
Film à succès de Roland Emerich, se situant en 1776, au moment où les colonies de la Nouvelle-Angleterre luttent pour obtenir leur indépendance de la couronne britannique (voir notre article consacré aux Tea Parties pour tout le contexte historique). Benjamin Martin (Mel Gibson) n’est pas très chaud à l’idée d’un conflit armé, il a déjà de l’expérience en la matière. Il a sept enfants qu’il élève seul dans la plantation dans laquelle il s’est retiré. Son fils aîné, Gabriel, s’engage pour lutter contre les britanniques, malgré le refus de son père. Les britanniques débarquent rapidement dans sa propriété et tuent Gabriel. Benjamin Martin va alors s’engager dans le conflit pour libérer la Nouvelle Angleterre de la mainmise britannique.
Le Gadsden flag est visible à plusieurs reprises dans ce film, notamment lors des scènes de combat.
Mel Gibson, aux convictions chrétiennes et libertariennes affirmées (il a soutenu Ron Paul lors des primaires républicaines de 2008), n’est pas très bien vu d’une certaine intelligentsia. Heureusement, il dispose des moyens financiers et de la détermination nécessaires à la fabrication d’œuvres en phase avec ses convictions. On pense notamment, en plus du film « Le Patriote » dont nous venons de parler, au film « La Passion du Christ » qu’il a produit de manière indépendante et que beaucoup on cherché à censurer.
Invasion Los Angeles (They Leave)
Oeuvre MAJUSCULE de John Carpenter, qu’on ne pouvait pas ne pas citer. Certes, la fin est un peu décevante mais c’est formidable jusqu’au milieu du film environ.
John Nada (nada signifie « rien » en espagnol, comme tout le monde le sait) est un ouvrier en bâtiment (charpentier) qui passe de ville en ville pour trouver un peu de boulot. Les premières minutes du film offrent quelques scènes très intéressantes, notamment lors d’un dialogue avec un de ses collègues de couleur, dénommé Franck, sur la situation économique des USA (le film date de 1989, écrit et réalisé au lendemain du Krach de Wall Street d’octobre 1987).
A un moment on voit, sur le téléviseur d’une personne regardant une émission stupide de divertissement, une sorte de marginal qui parvient à pirater les ondes et qui profite des quelques secondes où il est à l’antenne pour livrer son message mal-pensant. Sublime.
Un peu plus tard, John Nada trouve dans une église un carton rempli de lunettes de soleil. Des lunettes de soleil spéciales. Très spéciales. Ces dernières vont lui permettre d’ouvrir les yeux et de voir le monde tel qu’il est réellement, sans fard.
John Nada stupéfait de ce qu’il voit au travers des lunettes qu’il vient de trouver
Du pur libertarianisme (car les libertariens haïssent Big Brother), en opposition avec la logique paternaliste qui prévaut de plus en plus dans nos sociétés. John Nada tente alors de convaincre son collègue Franck de mettre les lunettes à son tour. Aussi difficile que de convaincre un collègue de travail que Jésus est Dieu ou que la BNS est en train de délibérément saboter le franc suisse! Son collègue Franck ne veut rien savoir, il a des enfants, une famille, et préfère ne pas avoir de problème. Mais il finira par mettre les lunettes et ouvrir les yeux à son tour…
Une œuvre à voir (même si la fin du film n’est pas à la hauteur).
Quelques messages paternalistes que l’on peut voir dans « Invasion Los Angeles » - ce qui se cache derrière la pub
Fahrenheit 451
Ce roman de l’auteur chrétien états-unien Ray Bradbury (porté à l’écran par François Truffaut) est tout à fait dans l’optique libertarienne. L’histoire se situe dans le futur, où la lecture y est interdite. Le gouvernement ne veut pas trop que les sujets réfléchissent. Ils doivent obéir comme des robots et se conformer. Les sapeur-pompiers n’y éteignent pas les incendies mais les provoquent.
Lorsque des livres sont repérés (parfois sur dénonciation), leurs auteurs sont interpellés et les ouvrages brûlés. 451 degrés Fahrenheit (232 degrés Celsius), c’est la température à laquelle, selon l’auteur, brûle le papier.
Un des agents de la brigade de pompiers-pyromanes se nomme Guy Montag. Il obéit consciencieusement à ses supérieurs et fait son boulot sans se poser de question. Son épouse, Mildred, est totalement intoxiquée de télévision. Sa vie se limite quasiment à son « mur écran ». Un jour, Guy Montag rencontre une jeune femme, Clarisse, qui le fait douter du bien fondé de son activité de sapeur-pompier. Montag va alors garder quelques livres qu’il était sensé brûler, et se mettre à les parcourir. Il devient rapidement un grand lecteur, activité illégale si l’en est dans ce pays et dans cette époque où la réflexion individuelle n’est plus tolérée par le gouvernement.
Découvert, et pour sauver sa vie, il doit quitter la ville et se réfugie dans une forêt où il tombe sur d’autres exilés comme lui. Comme la détention de livre est interdite, et que le gouvernement traque tous les contrevenants à cette loi, les exilés de la forêt ont eu l’idée d’apprendre chacun un livre par cœur, afin de constituer une bibliothèque vivante. En s’incarnant, les livres deviennent en effet vivants et transmissibles oralement pour les générations futures.
Dans cette histoire, on peut voire le contraste entre un Montag qui, en apprenant un livre par cœur, lui donne vie, pendant que sa femme, aliénée par le spectacle télévisuel, donne au contraire en quelques sortes sa vie à son « mur écran ».
Dans la même veine « dystopique », on peut citer un ouvrage tel que ″1984″ de Georges Orwell.
Scène du film Fahrenheit 451 : Mildred et ses amies devant le mur écran (Guy Montag debout)
Le temps manque pour citer d’autres œuvres, mais il en existe qui, sans toujours être ostensiblement libertariennes, véhiculent cette même idée de résistance à un gouvernement tentaculaire, central et oppresseur. Il est évident que les productions actuelles vont plutôt malheureusement dans le sens de sublimer et glorifier le rôle des pouvoirs étatiques, comme nous l’avons mentionné plus haut.
Mais le spectacle, c’est-à-dire la représentation (qui plus est faussée) de la vie des autres importe peu, ce sont nos vies qui devraient être des œuvres d’art. C’est à chaque personne en phase avec l’idéal de liberté (et peu importe l’étiquette « libertarienne ») de dépasser le spectacle et de vivre concrètement une vie de liberté, de ne pas se laisser marcher dessus (Don’t tread on me!) par un état toujours plus fouineur, par des législateurs toujours plus enquiquinant. On peut tous faire quelque chose pour faire reculer les personnes ou organismes qui revendiquent sur nous une autorité qui n’est pas légitime. On peut tous devenir des exemples encourageants pour nos proches qui se sentent impuissants devant les événements, devant la crise, les diktats de Bruxelles, la stupidité de notre Conseil fédéral.
L’état se moque de nous et dévalue nos francs pour transférer leur pouvoir d’achat de notre porte-monnaie vers les coffres des grandes entreprises? On peut demain acheter de l’or physique pour ne plus être victimes de cette manœuvre. L’état ne sera pas en mesure d’assurer notre subsistance et notre sécurité en cas de crise grave, de rupture civilisationnelle? On peut prendre tout de suite des mesures pour se prémunir de cela : amasser stocks de vivres, de boissons, de médicaments, d’or, obtenir (légalement) une arme et des munitions etc. Nous ferons un article pour parler « survivalisme » ces prochains jours.
Nous devons comprendre que nous ne sommes pas perdus sans l’état, nous pouvons reprendre nos vies en main aujourd’hui, sans compter sur lui pour répondre à tous nos besoins. Plus une autorité étatique est éloignée, moins on peut compter sur elle. Berne, qui veut de plus en plus contrôler les choses de manière centralisée, est déjà trop distante de nos soucis quotidiens. Qu’en sera-t-il le jour où la Suisse intègrera l’UERSS et sera dirigée à coups de directives depuis Bruxelles? Les libertariens états-uniens, dont beaucoup habitent des états à l’intérieur des terres, loin des côtes, souffrent que toutes les décisions les concernant soient prises au-dessus de leurs têtes, à Washington D.C. et à Wall Street, sans considération pour les autorités locales des états de l’Union, et encore moins pour les populations. Nous menons un combat commun, sur les deux rives de l’Atlantique, contre des ennemis communs.
Dans le prochain volet de la série en cours, nous traiterons de la guerre de Sécession, toujours dans l’optique libertarienne. Dans le dernier volet il sera question du libertarianisme du XXIe siècle, des forces en présence alors que les Etats-Unis s’approchent du rendez-vous des élections présidentielles de 2012. Dans ce dernier volet nous présenterons également quelques personnalités actuelles du mouvement libertarien et leur programme politique.