Révolution française et Libéralisme
Après les décrets des 4 et 11-août sur la suppression des droits féodaux, et la Déclaration des droits de l’Homme du 26 août, le camp révolutionnaire essuie une première déchirure. Mounier, Malouet, Clermont-Tonnerre, Lally-Tollendal, souhaitaient instituer un bicamérisme à l’anglaise, et offrir au roi un droit de veto. On les appelait les Monarchiens. Mais ces modérés furent dépassés par l’élan révolutionnaire : rapidement réduits au statut de minorité, une partie d’entre eux se retirèrent, dont Mounier lui-même, qui regagna son Dauphiné natal avant d’émigrer. La Révolution avait perdu un de ses plus grands défenseurs.
C’est que la révolution n’aime pas les modérés ; elle leur préfère les fanatiques. Mirabeau n’aimait pas l’idée d’une assemblée toute-puissante. Voilà qui le plaçait dans la droite ligne de la pensée libérale. Mais sa sagesse n’était pas le bien le plus partagé sous la révolution, pourtant encore à ses débuts : c’est sa méfiance à l’égard de cette assemblée toute-puissante qui explique son rapprochement d’avec la Cour. Et rien d’autre. La Fayette subit le même sort, sous les attaques de Lameth, Duport et surtout Barnave, tous trois à l’origine du jacobinisme. Mais on trouve toujours plus exagéré que soi-même. Duport, au printemps 1791, expose : "La Révolution est finie. Il faut la fixer et la préserver en combattant les excès. Il faut restreindre l’égalité, réduire la liberté et fixer l’opinion." Barnave lui-même, que l’on ne saurait suspecter de collusion avec l’Ancien régime, dit après la fuite de Varennes : " Allons-nous terminer la révolution ? Allons-nous la recommencer ? Vous avez rendu tous les hommes égaux devant la loi ; vous avez consacré la liberté civile et politique, vous avez pris pour l’Etat tout ce qui avait été enlevé à la souveraineté du peuple. Un pas de plus serait funeste et redoutable ; un pas de plus dans la ligne de l’égalité et c’est la destruction de la propriété."
La révolution était-elle encore libérale ? Sans doute mais ces professions de foi marquent une crainte manifeste de la part de ces premiers héros de la révolution : la crainte d’être débordés par une presse et des clubs poussant à toujours plus de révolution. Dès le 16 juillet 1791, les députés — en leur quasi-totalité — abandonnèrent le club des Jacobins et fondèrent le club des Feuillants.
La nouvelle assemblée — la Législative — est rapidement devenue suspecte de modérantisme aux sections parisiennes et aux Fédérés de province ; alors est survenue l’insurrection du 10-août. La roi était désormais rayé de la carte politique. Pour le remplacer, la Législative confia le pouvoir éxécutif à un conseil de six membres, dont un seul, Danton, semblait capable de faire le pont entre l’Assemblée et la Commune de Paris. L’Assemblée était condamnée à la disparition, car elle avait elle-même, sous la pression de la foule le 10-août, décidé l’élection au suffrage universel d’une Convention nationale. Les Feuillants n’avaient plus de force réelle, après une tentative avortée de mobiliser les départements. La Fayette, réfugié chez les Autrichiens, restera enfermé pendant plusieurs années dans une forteresse. L’espoir d’un grand parti libéral s’évanouissait.
La rue avait désormais le pouvoir, ou plutôt la Commune de Paris, issue du Comité insurrectionnel du 10-août. Et ce fut pendant six semaines la "première Terreur" : invasion du territoire, massacres de septembre, et Valmy.
Le libéralisme de la révolution était déjà bien mal en point. La nouvelle assemblée, la Convention, se chargera de l’éradiquer. Certes les Girondins, au début, dominaient l’assemblée. La Plaine (Barère, Cambon, Sieyès), soutenait les Girondins dans la défense de la propriété et de la liberté, mais s’écartaient d’eux dès que la révolution était en danger et que s’imposaient, pour la défendre, des mesures d’exception. Jusqu’au 2 juin 1793, la convention resta girondine. Alors les Montagnards usèrent de la force brute pour parvenir à leurs fins, qui était la conquète du pouvoir : le 2-juin, 29 députés girondins sont décrétés d’accusation ; 75 autres signent une protestation et sont exclus de l’assemblée ; d’autres quittent leur banc pour fomenter en province l’éphémère mouvement "fédéraliste". Lorsqu’on veut conquérir le pouvoir, quel meilleur moyen que de supprimer ses adversaires ? Bien plus tard, dans ses Mémoires, le député montagnard Levasseur pourra écrire : "Oui, la Gironde était républicaine [...] Oui, sa proscription a été un malheur." Après la phase montagnarde, la dictature d’exception menée par le Comité de salut public, animé par Robespierre, Couthon et Saint-Just, la période thermidorienne ne marque en rien un renouveau du libéralisme. C’est la souveraineté de la Plaine. Puis le Directoire, régime d’assemblée, se situe bien loin de ce que recherchaient les véritables libéraux de la Révolution, les Mounier, les La Fayette, et autres Girondins, un libéralisme à l’anglaise, modéré, équilibré, et profondément moderne, comme pouvait l’être le nouveau régime américain.
Le libéralisme du 19e accepte et approuve la Révolution. Mais c’est d’un libéralisme bien différent dont il s’agit. L’expérience révolutionnaire, en établissant que le principe représentatif pouvait se retourner en despotisme, que la souveraineté du peuple pouvait être confisquée par une poignée d’hommes, montre que la conception libérale de l’ordre politique était lourde de dangers mortels pour les libertés. Les hommes du XIXe ont le sentiment de vivre dans un élément "métapolitique", qui n’est ni l’Etat ni la société civile : ils ne tarderont pas à interpréter cette nouvelle "société" en termes religieux. Mais ils font aussi instantanément du christianisme une "religion séculière", ils la courbent immédiatement vers le siècle. En termes de politique partique, cela signifie que les libéraux seront adeptes de la Révolution contre les "réactionnaires", contre ceux qui prétendent reveir à l’ancien régime, et qu’ils seront critiques de la révolution contre ceux qui l’invoquent pour la "continuer" ou l’"approfondir", et rendent ainsi impossible la stabilisation des institutions libérales impliquées par ses principes
Aujourd'hui la France commémore le 223e anniversaire de la prise de la Bastille. Cet épisode est généralement considéré comme le symbole de la Révolution française, dont il marque le commencement. Mais, comment analyser et apprécier les événements de 1789 d’un point de vue strictement libéral ?
Un article de David Boaz, traduit par l'Institut Coppet.
Traduction Marie-Adeline Rothenburger, Institut Coppet
Aujourd'hui, la France commémore le 223ème anniversaire de la prise de la Bastille. Cet épisode, survenu le 14 juillet 1789, est généralement considéré comme le symbole de la Révolution française, dont il marque le commencement. Mais, comment analyser et apprécier les événements de 1789 d’un point de vue strictement libéral ?
Au sujet de la Révolution française et de ses impacts, la légende attribue à l’ancien premier ministre chinois Zhou Enlai cette célèbre citation : « il est encore trop tôt pour savoir quoi en dire». Rapportons également, pour le plaisir, les paroles d’un autre grand penseur du 20ème siècle, Henry Youngman, qui – lorsqu’on lui demandait comment était sa femme – se contentait de rétorquer « mais par rapport à quoi ? ». Et il en va finalement de même pour la Révolution qui nous intéresse ici : un véritable libéral la jugera sans doute très décevante par rapport à la Révolution américaine, mais bien plus bénéfique que la Révolution russe et, en en considérant les effets à long terme, que l’ancien régime qui l’a précédée.
Les conservateurs, eux, se retrouvent généralement dans les opinions critiques exprimées par Edmond Burke dans ses Réflexions sur la Révolution en France. Il se peut même que certains d’entre eux se plaisent à citer John Adams :
Helvetius et Rousseau ont prôné la liberté du peuple français, avant de transformer les citoyens en esclaves ; l’égalité des Hommes, avant de détruire tout principe d’équité ; l’humanité, avant de se muer en dangereux prédateurs ; et la fraternité, avant de se tourner vers l’échafaud et d’ordonner au bourreau de trancher une nouvelle tête.
Les touristes qui visitent la résidence privée qu’occupait George Washington, Mount Vernon, et qui y découvrent une clé exposée en bonne place, n’admirent rien d’autre qu’une des clés de la Bastille, que le marquis de La Fayette a offerte à Washington par l’intermédiaire de Thomas Paine. En effet, comme l’a souligné l’historien A. V. Dicey, pour les révolutionnaires français de l’époque, « la Bastille était le signe visible du pouvoir sans Loi », et par conséquent, l’appropriation de ses clés matérialisait la fin de la tyrannie.
Il arrive que certains conservateurs traditionalistes éprouvent une certaine nostalgie à l’évocation de ce « monde perdu » dont l’ordre naturel se serait trouvé bouleversé par l’avènement du libéralisme et du capitalisme. Dans ce sens, le diplomate Talleyrand se plaisait à dire que « ceux qui n’ont pas vécu au 18ème siècle, avant la Révolution, ne connaissent pas la douceur de vivre ». Cependant, tous ses contemporains étaient loin de partager cette idée. Lord Acton a ainsi décrit ces décennies qui ont précédé la Révolution en France et qui ont vu « l’Eglise opprimée, les Protestants persécutés ou forcés à l’exil, … le peuple harassé par les impôts et les guerres. » La montée de l’absolutisme ayant centralisé le pouvoir et conduit à l’expansion de bureaucraties administratives s’arrogeant l’exploitation exclusive de certaines terres et régissant les corporations.
Les causes économiques de la Révolution française sont parfois sous-évaluées. Certaines d’entre elles sont justement décrites et analysées dans l’ouvrage de Florin Aftalion, L’Économie de la Révolution Française. Ainsi, tout au long des 17ème et 18ème siècles, l’État Français s’est engagé dans différentes guerres. Pour supporter le coût de ces conflits, une fiscalité lourde et complexe fut déployée, les activités agricoles taxées, des emprunts lancés, les dettes d’État répudiées, le Franc dévalué, et les prêteurs contraints à rembourser certains intérêts… Considérant l’ensemble de ces éléments d’ordre économique, Lord Acton a estimé que le peuple français devait se préparer depuis plus d’un siècle à sa révolution avant qu’elle ne survienne réellement.
La plupart des libéraux et des libertariens ont toujours admiré les valeurs fondamentales propagées par la Révolution française. Ludwig von Mises et F. A. Hayek ont tous deux loué les « idées de 1789 » en les opposant aux « idées de 1914 » – c’est-à-dire l’exaltation de la liberté contre le dirigisme d’État.
La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, dont les articles ont été adoptés en France un mois après la prise de la Bastille, énonce des principes de liberté similaires à ceux de la Déclaration d’Indépendance :
Art 1 – Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits… Art 2 – Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression… Art 4 – La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société, la jouissance de ces mêmes droits… Art 17 – La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé…
Elle comprend néanmoins quelques paragraphes dissonants, à l’instar des suivants :
Art 3 – Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. Art 6 – La Loi est l’expression de la volonté générale…
Une interprétation libérale de ces derniers points voudrait que la souveraineté réside dans le peuple, et non pas dans un seul individu, dans une seule famille, ou dans une classe bien particulière ; et cela selon les principes d’institution des gouvernements par les citoyens et de légitimation de leur pouvoir par le consentement des gouvernés. Mais ces articles, qui n’ont pas été pensés dans une optique véritablement libérale, sont sujets à une toute autre interprétation que celle que nous venons d’en faire. C’est d’ailleurs l’objet des griefs de Benjamin Constant contre Jean-Jacques Rousseau (souvent considéré à tort comme libéral) : et si l’orientation vague de certains articles de la Déclaration était à l’origine des graves problèmes que la France a traversés après la Révolution ? « En transportant dans nos temps modernes une étendue de pouvoir social, de souveraineté collective qui appartenait à d’autres siècles, ce génie sublime qu’animait l’amour le plus pur de la liberté, a fourni néanmoins de funestes prétextes à plus d’un genre de tyrannie », dit Constant. Cela posé, Rousseau, à l’instar de bon nombre d’autres français de l’époque, était d’avis que la liberté consistait à prendre part dans une communauté auto-gouvernée plutôt que dans l’attribution à chaque individu de droits fondamentaux : droit de commercer, de s’exprimer, d’aller et venir comme bon lui semble, de choisir son culte…
Les résultats de cette erreur philosophique – que l’État serait l’incarnation de la « volonté générale », cette dernière étant souveraine et ne pouvant tolérer la moindre contrainte – se sont souvent révélés désastreux, et les conservateurs ne se privent pas de dénoncer la Terreur qui régna en France de 1793 à 1794 comme précurseur des régimes totalitaires, de l’Union Soviétique au Cambodge de Pol Pot.
En Europe même, les conséquences de l’instauration de tels gouvernements démocratiques ont fort varié, sans toutefois jamais satisfaire les idéaux libéraux. Comme l’a écrit Hayek dans La Constitution de la Liberté :
Le facteur décisif qui a rendu vains les efforts de la Révolution en faveur de la promotion de la liberté individuelle, fut qu’elle créa l’illusion que, dans la mesure où tout le pouvoir avait été remis aux mains du peuple, toutes les précautions contre l’abus de ce pouvoir étaient devenues sans objet.
Sur de telles bases, les gouvernements, légitimés à la fois par leur respect relatif des libertés civiles et individuelles et par de régulières échéances électorales, pourraient rapidement tendre vers la démesure, le sur-coût, le sur-endettement, l’intrusion, et la sur-imposition des administrés. Un siècle après la Révolution Française, Herbert Spencer s’inquiétait déjà du fait que le droit divin des rois avait été tout simplement remplacé par « le droit divin des parlements ».
De pareilles dérives n’entrent pas dans le cadre de la liberté telle que la concevait Benjamin Constant, et telle qu’il l’a célébrée en 1816 en Angleterre, en France et aux États-Unis :
La liberté est le droit pour chacun de n’être soumis qu’aux lois, de ne pouvoir être ni arrêté, ni détenu, ni mis à mort, ni maltraité d’aucune manière, par l’effet de la volonté arbitraire d’un ou plusieurs individus. C’est pour chacun le droit de dire son opinion, de choisir son industrie, et de l’exercer, de disposer de sa propriété, d’en abuser même ; d’aller, de venir sans en obtenir la permission, et sans rendre compte de ses motifs ou de ses démarches. C’est, pour chacun, le droit de se réunir à d’autres individus, soit pour conférer sur ses intérêts, soit pour professer le culte que lui et ses associés préfèrent, soit simplement pour remplir ses jours ou ses heures d’une manière plus conforme à ses inclinations, à ses fantaisies.
C’est en ce sens que le libéralisme aurait pu véritablement triompher de l’ancien régime monarchique, aristocratique, dirigé par des classes privilégiées, sous lequel régnaient les monopoles, le mercantilisme, l’uniformité religieuse, et le pouvoir arbitraire.
Source : David Boaz, Thinking about the French Revolution
La Révolution française est un ensemble d'événements et de changements qui marque dans l'histoire de France le tournant entre « l'Époque moderne » et « l'Époque contemporaine ». C'est aussi la première fois, dans l'histoire de l'Europe depuis l'Antiquité, que le principe du régime monarchique a été renversé, et non simplement le monarque lui-même comme lors de la première révolution anglaise de Oliver Cromwell.
Son impact est également dû aux guerres de la Révolution et de l'Empire qui ont touché une large partie de l'Europe continentale avec la création de « républiques-sœurs » ou la fin du Saint Empire romain germanique. La période révolutionnaire commence en 1789, avec la réunion des États généraux et la prise de la Bastille, et se termine en l'an VIII (1799) avec le coup d'État du 18 Brumaire.
Le libéralisme, selon Lucien Jaume, est un mouvement d’émancipation, ce qui le lie indissolublement avec la Révolution française, de la conscience et de la société, dans sa diversité, vis-à-vis des souverainetés historiques (l’Eglise, la royauté). La Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen de 1789 est, par ailleurs, indubitablement un texte d'inspiration libérale, ce qui ne sera pas le cas des déclarations de 1793 et 1795.
La différence principale entre la France et l’Angleterre est que, dans un cas, celui de la Révolution française, on croit à la fécondité de la loi et des institutions représentatives contre l’Ancien Régime inégalitaire, tandis que dans le cas britannique on pense que le moteur du mouvement est dans l’ordre naturel de la société comme « civilisation » et donc comme « opinion publique ». Du coup, le levier historique et social est différent, les rapports entre l’Etat et la société sont différents, et la tendance à une logique du compromis s’oppose à la logique française de la rupture.
Personnalités libérales de la Révolution
- La Fayette le héros des Deux Mondes, un des inspirateurs de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen, il incarne la première phase de la Révolution, tentant un compromis entre la monarchie et la liberté.
- Condorcet grande figure des Lumières s'est rallié au parti Girondin et est tombé victime des Jacobins.
- Emmanuel Sieyès auteur de textes célèbres (Qu'est ce que le Tiers État ?) a connu toutes les phases de la Révolution et a contribué à son achèvement.
- Pierre Daunou a joué un rôle important dans l'élaboration de la Constitution de l'an III.
- Jean Étienne Marie Portalis président du Conseil des Cinq Cent et père du Code civil.
Révolution française et libéralisme
La Révolution française n'est pas une révolution purement libérale, elle est de nature duelle : libérale (fin des privilèges, droits de l'Homme, etc.), mais aussi républicaine (contrat social, "intérêt général" et avènement de l'homme citoyen). Si les contemporains de l'époque n'arrivaient pas à voir la nature duelle républicano-libérale de la Révolution, c'est parce que les républicains et les libéraux étaient liés à un même destin : celui de l'homme nouveau, deux idéologies radicales qui partageaient le point commun de faire table-rase du passé. Cependant, après la Révolution, l'influence libérale persiste mais ne s'inscrit pas dans une logique historique française, tandis que le républicanisme, par le biais du jacobinisme tout à fait logiquement, a évolué par la suite vers la social-démocratie et le socialisme (le "camarade" remplaçant le "citoyen").
Les phases de la Révolution
L’État étant en faillite, les paiements de l’État ont été suspendus le 16 août 1788, les États Généraux sont convoqués pour le 1er mai 1789. Intelligent mais dépourvu de caractère, Louis XVI se révèle incapable de mener les transformations inévitables qui pouvaient sauver la monarchie. La justice fiscale avec un impôt proportionnel et universel et la représentation de la Nation par des États Généraux régulièrement convoqués, réclamés par les cahiers de doléances étaient des réformes que le roi aurait du mener en 1788. En 1789, elles vont lui être imposé par la Révolution.
Les élections des députés du Tiers voient l’emporter les hommes de talent, les hommes de loi qui vont introduire dans les débats un juridisme tatillon. Très vite, le Tiers se considère comme représentant les 96/100e de la nation et sur proposition de Sieyès les députés se déclarent Assemblée nationale (17 juin 1789). L’épreuve de force tourne au désastre pour le roi : l’assemblée refuse de céder aux menaces de dissolution contenues dans le discours du 23 juin et deux jours plus tard, le roi invitait les députés des ordres privilégiés à se joindre au tiers.
Les mouvements de troupes dans la région parisienne inquiète l’Assemblée et le renvoi de Jacques Necker fait souffler un vent d’insurrection à Paris. A la recherche d’armes et de poudre, la foule se porte à la Bastille le 14 juillet, bientôt soutenue par les gardes françaises. Ne pouvant espérer résister, le gouverneur capitule avant d’être massacré par la populace de même que le prévôt des marchands. Le 17 juillet, le roi se rend à Paris, reconnaît la municipalité insurrectionnelle et arbore la cocarde tricolore. Le comte d’Artois et les autres chefs de la faction aristocratique émigrent. Le pouvoir monarchique s’effondrait et l’anarchie devait gagner le royaume : « il n’y a plus de roi, plus de parlement, plus d’armée, plus de police » observe un contemporain. Les rumeurs les plus folles courent évoquant le complot aristocratique, le pacte de famine, l’invasion étrangère. Des émeutes touchent les villes, la Grande Peur se répand dans les campagnes, tournant à la révolte antiseigneuriale. On s’en prend d’abord aux châteaux mais ensuite on s’en prend aux riches et aux heureux. A Versailles on panique, un député s’exclame : « C’est la guerre des pauvres contre les riches ! »
La Nuit du 4 août, le vicomte de Noailles, sans fortune, propose la destruction des corvées et servitudes personnelles et le duc d’Aiguillon, le plus riche seigneur féodal, le rachat des droits féodaux. Bientôt le clergé et les députés des pays d’État renoncent à leurs privilèges. Mouvement spontané ou manœuvre du parti avancé, cette folle séance mettait en tout cas fin à l’Ancien Régime. Une Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen est discutée et votée du 20 au 26 août. A l’assemblée les modérés étaient victimes de l’alliance objective du parti patriote et du côté de la reine.
Le refus du roi de sanctionner l’abolition des privilèges et la Déclaration des droits irrite. Les difficultés d’approvisionnement de Paris vont servir de prétexte à une marche peu spontanée sur Versailles le 5 octobre pour demander du pain au roi. La Fayette se montre incapable de rétablir l'ordre. Le 6 octobre, le palais est envahi et Louis XVI se trouvait contraint de gagner Paris. L’Assemblée déclarait aussitôt sa volonté de ne pas se séparer de la personne royale. Désormais prisonnier de fait aux Tuileries, le roi a du accepter la Déclaration des droits de l’homme et le veto suspensif. L’Assemblée, installée dans la salle du Manège, est tout autant exposée aux manifestations de violence de la population parisienne.
L’assemblée nationale constituante est partagée en tendances plus qu’en partis organisés. Les aristocrates défendaient l’ordre ancien. Les monarchiens regroupaient des nobles libéraux comme Stanislas de Clermont-Tonnerre et voulaient s’en tenir au 4 août. Les constitutionnels forment la majorité avec des hommes de lois comme Le Chapelier ou des nobles libéraux comme La Rochefoucauld-Liancourt et Talleyrand, sans oublier l’abbé Sieyès. A l’extrême gauche, quelques avocats comme Pétion ou Robespierre. Mirabeau, resté à l’écart des partis, domine néanmoins l’assemblée par ses talents oratoires. Les députés se retrouvent dans des clubs : le plus influent est la Société des amis de la Constitution dit club des Jacobins car il se réunit au couvent des Jacobins rue Saint-Honoré. Il essaime très vite en province et voit se séparer de lui le club des Feuillants plus modéré et le club des Cordeliers plus populaire. Les idées des divers courants sont défendus par une presse d’idées souvent virulente, l’Ami du peuple de Marat en offre l’exemple le plus célèbre.
L’Assemblée se trouve confrontée à la question financière : le déficit du trésor avait été accrue par l’effondrement des recettes fiscales. L’appel au patriotisme fiscal des citoyens n’ayant pas donné de résultats, Talleyrand propose la nationalisation des biens du clergé à charge pour l’État d’assurer un traitement aux prêtres. L’abbé Maury met l’Assemblée en garde : « La propriété est une et sacrée pour nous comme pour vous. Nos propriétés garantissent les vôtres. (…) Si nous sommes dépouillés, vous le serez à votre tour. » Le 2 novembre 1789 les biens d’Église sont mis à la disposition de la nation. On vise non seulement l’extinction de la dette mais aussi l’accroissement du nombre de propriétaires surtout parmi les habitants des campagnes. Ne pouvant vendre en bloc, l’Assemblée décide de créer des assignats, bons du Trésor portant intérêt à 5 %, pour alimenter les caisses de l’État. Les ventes devaient connaître un énorme succès.
Fidèles aux idées des philosophes, les députés, sur la suggestion de Sieyès, distinguent les citoyens actifs des citoyens passifs, un seuil d’imposition étant fixé. La France compte un plus de 4 millions de citoyens actifs soit 1/6 de la population. Le système anglais de deux chambres est repoussé au profit d’une seule et le droit de veto suspensif du roi, à la suggestion de La Fayette, est adopté. Louis XVI devient roi des Français. Le pays est divisé en 83 départements pour détruire toute trace de l’ancienne France. Le département et la commune deviennent quasiment indépendants par réaction face à l’œuvre centralisatrice de la monarchie. Paris est divisée en 48 sections ayant droit de réunion qui vont devenir des moteurs de la révolution. La Fête de la Fédération, célébrée le 14 juillet 1790, à Paris et dans toutes les villes du royaume paraît achever la Révolution et marquer la naissance de la nation.
En réalité, la situation se dégrade rapidement. L’Assemblée suit Mirabeau qui souhaite faire de l’assignat un papier-monnaie, ce qui évite d’augmenter les impôts, mesure nécessairement impopulaire. Dans une brochure fameuse, Dupont de Nemours dénonce les périls de l’inflation et les places de commerce se montrent hostiles, en vain. La répartition de l’impôt est confié aux municipalités mais nombreux sont les officiers qui ne savent ni lire ni écrire.
L’Assemblée se mêle avec une hâte suspecte de réformes religieuses. Au nom de la liberté, les vœux des religieux sont abolis le 13 janvier 1790 et une Constitution civile du clergé est voté, évêques et curés étant désormais élus et bénéficiant de traitements élevés. Pie VI condamne le texte le 10 juillet 1790. L’obligation du serment, le 26 novembre, précipite le schisme. A l’Assemblée même, en dépit de la pression des tribunes, seuls 99 députés du clergé sur 250, jurent. Partout dans le royaume sont semées les graines de la division. L’atmosphère de guerre civile est renforcée par la tentative de fuite du roi arrêté à Varennes le 21 juin 1791. Une manifestation républicaine au Champs de Mars, le 17 juillet, est brutalement dispersée.
La Constitution est donc votée le 3 septembre et la Constituante se sépare le 30 septembre 1791 (cf. Constitution du 3 septembre 1791. Son président Thouret s’exclame : « l’Assemblée nationale a donné à l’État une Constitution qui garantit également et la royauté et la liberté ».
La Législative était élue au suffrage censitaire indirect : elle se composait essentiellement de propriétaires et d’avocats ayant souvent exercé un mandat local ou des fonctions judiciaires. Les nouveaux députés, les Constituants s’étant volontairement rendus inéligibles, se montrent hésitants et inexpérimentés et vulnérables aux pressions. A droite, les Feuillants suivent le triumvirat, Barnave, Duport et Lameth et sont fascinés par La Fayette. Ils considèrent la Révolution terminée. A gauche, les Jacobins subissent l’ascendant de Brissot, ce sont les Brissotins ou Girondins, dont la conscience est Condorcet et l’égérie Madame Roland. A l’extrême gauche, les Cordeliers étaient complétés par Couthon et Carnot. Le Marais, au centre, dont Rivarol disait « une cervelle de renard dans une tête de veau » décide des majorités.
Après la fuite du roi, les clubs glissent vers des idées de plus en plus républicaines. La révolte des Noirs et métis de Saint-Domingue en août 1791 pose la question de l’esclavage et contribue à la hausse du prix des denrées coloniales, source de nouveaux mécontentements. Le conflit religieux persiste. A la cour de Turin, autour du comte de Provence et à Coblence avec le comte d’Artois, l’émigration essaie de s’organiser mais se perd en querelles de personnes. Le roi oppose son veto aux décrets de l’Assemblée contre les émigrés et les réfractaires. Les princes européens s’inquiètent de l’annexion d’Avignon et du Comtat Venaissin et de la spoliation des princes possessionnés allemands en Alsace.
Un courant se développe en France en faveur de la guerre, le roi tout comme la gauche espérant y trouver avantage. Isnard, député du Var, lance le 29 novembre : « Un peuple en état de révolution est invincible, l’étendard de la liberté est celui de la victoire (…). Disons à l’Europe que nous respecterons toutes les constitutions des divers empires, mais que, si les cabinets des cours étrangères tentent de susciter une guerre des rois contre la France, nous leur susciterons une guerre des peuples contre les rois ». Hérault de Séchelles soutient d’ailleurs que l’état de guerre permettra d’appliquer des mesures contre la contre-révolution intérieure que l’état de paix pourrait faire trouver trop rigoureuses. Les ministres Feuillants sont écartés et le roi doit accepter une formation girondine, dont Dumouriez résolu à faire la guerre.
Le 20 avril 1792, le décret décidant la guerre contre le roi de Bohème et de Hongrie ne rencontre que sept opposants. Condorcet lance le mot d’ordre : « Paix aux chaumières, guerre aux châteaux ! ». L’armée n’était pas prête à la guerre : les deux tiers des officiers avaient émigré et l’amalgame entre les troupes anciennes et les volontaires se faisait mal. La question du sort de la Pologne et les hésitations du duc de Brunswick, général en chef des troupes austro-prussiennes, allaient sauver la Révolution.
Les Girondins, affaiblis par les débuts désastreux de la guerre, organisent en liaison avec les Jacobins et la municipalité Pétion une marche sur les Tuileries le 20 juin 1792. La misère fournit aux démocrates des troupes combatives armées de la pique, symbole de la force populaire. L’assemblée est envahie par la foule avinée qui investit ensuite les Tuileries. Le roi porte le bonnet rouge et boit un verre de vin mais refuse de retirer son veto aux décrets sur la déportation des réfractaires et la formation d’un camp de fédérés à Paris. La Fayette rentre de l’armée mais la reine est hostile à tout coup de force militaire organisé par le général. Louis XVI avait laissé passer sa dernière chance : il est injurié lors de la fête du 14 juillet. Les fédérés réunis à Paris réclament la suspension du roi. Le manifeste du duc de Brunswick menaçant Paris si on touchait à la famille royale servit de prétexte au coup de force. Le 10 août 1792, les sections menaient l’assaut contre les Tuileries. Le roi, qui s’était réfugié à l’Assemblée, était livré à la Commune insurrectionnelle le 12 et enfermé au Temple. Danton devient l’homme le plus puissant de Paris.
Les Prussiens prennent Verdun qui leur ouvre la route de Paris le 2 septembre. Le même jour commencent les massacres de septembre à l’initiative de la Commune : pendant 4 jours, les prisonniers des prisons parisiennes sont égorgés, faisant de 1000 à 1400 victimes, pour la plus grande part des droits communs. Les élections se déroulent dans cette atmosphère troublée. La Convention est élue au suffrage universel masculin indirect mais l'abstention est massive. Près du tiers des conventionnels avait siégé dans l’une des deux assemblées précédentes. Les Girondins se voulaient légalistes et partisans de la décentralisation. La Montagne, avec Robespierre, Danton et Marat, représentait les Jacobins et les Cordeliers. La majorité se rassemblait au sein du Marais ou Plaine. Le 20 septembre, à Valmy les Prussiens reculent et le lendemain la Convention abolit la royauté. Désormais l’initiative appartient aux Français qui envahissent la Savoie annexée le 27 novembre et les Pays-Bas autrichiens.
Les 16 et 17 janvier, les conventionnels se prononcent sur le sort du roi, la mort obtient juste la majorité absolue. Louis XVI est exécuté sur la place de la Révolution le 21 janvier 1793. L’annexion de la Belgique (2 mars) et divers territoires allemands est précédée d’une déclaration de guerre à l’Angleterre le 1er février. Une coalition européenne se met désormais en place sous l’égide de Pitt. La Convention vote une levée de 300 000 hommes et l’émission de 3 milliards d’assignats (24 février 1793).

La levée en masse est mal accueillie dans l’Ouest et le Midi. La Vendée connaît une insurrection armée en mars 1793 : mouvement populaire spontané qui se transforme en armée catholique et royale en plaçant des nobles à sa tête. La trahison de Dumouriez, qui a vainement tenté de faire marcher son armée sur Paris, renforce dans le même temps le climat de défiance général. Le décret du 6 avril 1793 crée le Comité de salut public à l’initiative des Girondins et de Danton. Il s’inscrit dans un ensemble de mesures d’exceptions contre les ennemis de la Révolution, le Tribunal révolutionnaire voyant son rôle s’accroître. A la conférence d’Anvers, les puissances se proposent de réduire la France à un « néant politique » mais la Russie et la Prusse étaient davantage intéressés à un partage de la Pologne qui présentait moins de risques.
Les Girondins, attachés au libéralisme économique et à la séparation des pouvoirs sont abandonnés par le Marais qui se tournent vers les Montagnards partisans de mesures autoritaires. Maladroitement, les Girondins attaquent Danton ce qui accentue leur isolement. Les Jacobins utilisent la misère ambiante pour dénoncer les « culottes dorées ». Les sections tentent un premier coup de force le 31 mai puis le comité révolutionnaire obtient l’arrestation de 29 députés girondins le 2 juin. Désormais le salut public prime le droit. Ce coup de force provoque une nouvelle révolte en province : l’insurrection fédéraliste touche les grandes villes du sud et près de 60 départements tandis que la Vendée triomphe. Aux frontières, la guerre tourne mal. Barère proclame à la Convention : « la République n’est plus qu’une grande ville assiégée ».
La Constitution du 24 juin 1793 ou de l’an I est soumise à referendum mais les 3/4 des électeurs vont s’abstenir : elle ne devait de toute façon jamais être appliquée. Le 10 octobre, les conventionnels décrètent que « le gouvernement provisoire de la France serait révolutionnaire jusqu’à la paix », officialisant la Terreur. Robespierre déclare : « il faut organiser le despotisme de la liberté pour écraser le despotisme des rois ». Il entre fin juillet 1793 au Comité de salut public au moment où Danton en sort. Un Comité de sûreté générale est constitué en octobre. La loi des suspects du 17 septembre permet l’essor du tribunal révolutionnaire. La centralisation triomphe : la Convention envie ses membres en mission pour reprendre les départements en main.
La reconquête est féroce : Lyon tombe le 9 octobre et Fouché fait condamner 2000 personnes dont beaucoup sont mitraillés, la guillotine étant trop lente. Toulon est la dernière ville à résister en décembre : sa population tombe de 30.000 à 7000 habitants. La Vendée succombe dans le même temps. La répression est épouvantable. Le général Turreau, qui dirige les colonnes infernales, s’exclame : « la Vendée doit être un cimetière national ». A Nantes, Carrier fait noyer les prisonniers dans la Loire. Un habitant sur huit a sans doute péri dans l’ensemble des 4 départements. A l’extérieur, les armées révolutionnaires sous la conduite de nouveaux généraux, Hoche et Jourdan, utilisent leur supériorité numérique pour balayer les armées de mercenaires. Les coalisés avaient également commis l’erreur de disperser leurs forces.
Les victoires provoquent la division de la Montagne, ensemble hétéroclite unifié par son hostilité à la Gironde. L’accroissement de la misère donne une coloration sociale aux revendications populaires à la grande indignation de Robespierre. Le maximum des prix de toutes les denrées provoque le rationnement. Les hébertistes mènent une violente campagne contre les accapareurs et se montrent de fervents partisans de la déchristianisation qui atteint son apogée à la fin de 1793. Hébert et ses amis sont arrêtés et guillotinés le 24 mars 1794. Desmoulins dans son Vieux Cordelier, soutenu par Danton, mène campagne pour dénoncer les excès de la Terreur. Les Indulgents sont arrêtés à leur tour et exécutés le 5 avril, la tête de Danton tombant la dernière.
A l’étranger, on parle désormais du « gouvernement de Robespierre ». Il domine le Comité de salut public et contrôle la Commune de Paris. Il veut moraliser la Terreur en rappelant les représentants trop zélés (Fouché, Carrier) mais en même temps lui donne une plus grande extension par la loi du 10 juin (22 prairial an II). Le nombre des exécutions s’accélère. Il proteste contre la déchristianisation et fait adopter par la Convention le décret où elle reconnaît l’existence de l’Être suprême et l’immortalité de l’âme. Président de la Convention, Robespierre paraît triompher lors de la fête de l’Être suprême (8 juin 1794). Face à l’hostilité grandissante des comités à sa tutelle, il appelle à de nouvelles épurations dans un discours du 8 thermidor mais il refuse de nommer ceux qu’il accuse. La Convention se ressaisit et le fait arrêter avec ses amis le 9 thermidor an II (27 juillet 1794). Il est libéré par la municipalité de Paris mais les forces de la Convention investissent l’hôtel de ville dans la nuit. Les robespierristes sont exécutés le lendemain. La Terreur est terminée.
La réaction est d’abord morale : à la vertu fondée sur la guillotine succède un net relâchement des mœurs, surtout à Paris. La réaction politique est d’une autre ampleur. Sous la pression de la rue, les conventionnels remanient le gouvernement, le pouvoir se dispersant entre 12 comités, et mettent fin à la Terreur en faisant disparaître le Tribunal révolutionnaire. Une « terreur blanche » se développe surtout dans le sud menées par des bandes appelées compagnons de Jésus (plus que de Jéhu) ou du Soleil. Pour raison d’économie, le budget de l’église
A la fin de l’année 1794, le maximum est supprimé et l’on revient au libéralisme économique. L’assignat n’avait plus aucune valeur et les paysans refusant d’être payer en papier monnaie, la disette touche durement les villes avec un hiver 1794-1795 particulièrement rigoureux. Les ouvriers des faubourgs envahissent le 12 germinal an III (1er avril 1795) puis le 1er prairial (20 mai 1795) la Convention sans autre résultat que l’arrestation des survivants de la Montagne et le désarmement des sections. La mort annoncée du petit dauphin au Temple le 8 juin 1795 fait du comte de Provence le prétendant au trône. Son intransigeance à vouloir rétablir l’ancienne monarchie désespère les partisans d’une monarchie constitutionnelle.
La Convention accouche enfin d’une nouvelle constitution dite de l’an III, œuvre d’anciens Girondins tel Pierre Daunou et de modérés (Boissy d’Anglas, Thibeaudeau). Elle est beaucoup plus longue que les deux précédentes et commence par une Déclaration des droits et des devoirs de l’Homme et du citoyen. Le suffrage censitaire est rétabli car selon Boissy d’Anglas, « nous devons être gouvernés par les meilleurs, les meilleurs sont les plus instruits et les plus intéressés au maintien des lois. » Ce discours donne l’esprit des Thermidoriens : « un pays gouverné par les propriétaires est dans l’ordre social, celui où les non propriétaires gouvernent est dans l’état de nature ». Les pouvoirs sont nettement séparés avec deux assemblées formant le corps législatif et un pouvoir exécutif confié à un Directoire de 5 membres, autant de précautions contre la dictature d’un homme comme d’une assemblée unique. Tous les ans, chaque conseil devait être renouvelé partiellement.
Mais la Convention décide que 500 de ses membres assureront la continuité, seuls 250 députés nouveaux seront élus. Ce décret provoque la journée du 13 vendémiaire (5 octobre 1795) : la dernière insurrection parisienne est pour la première fois un mouvement contre-révolutionnaire. Barras secondé par Bonaparte écrase l’émeute. L’armée apparaît pour la première fois sur la scène politique. Cette même année 1795 des traités étaient signés entre la France victorieuse et quelques-uns de ses adversaires : les Provinces-Unies, la Prusse, la Toscane et l’Espagne.
Aux élections de l’an IV, le tiers laissée à la volonté des électeurs est composée essentiellement de royalistes, signe de l’incontestable impopularité de la Convention. Le trésor étant vide, un emprunt forcé est mis en place. La planche aux assignats est cependant officiellement détruite le 19 février 1796. La bonne monnaie ne réapparaît pas faute de confiance, l’économie de troc se développe. A la fin de l’année 1797, une banqueroute des 2/3 permet d’assainir la dette publique en ruinant les rentiers de l’État. Fin 1798 les quatre principaux impôts sont fixés pour plus d’un siècle : foncière, mobilière, patente et portes et fenêtres.
La vie chère et la misère favorisent un mouvement communiste : la conjuration des égaux à l’initiative de Gracchus Babeuf qui voit dans la Révolution « une guerre entre les riches et les pauvres ». Le temps des insurrections étant passées, les conjurés préparent un coup d’état. Les conjurés sont arrêtés en mai 1796. Les élections de l’an V renforce le poids des royalistes dans les deux conseils qui espèrent restaurer la monarchie en l’emportant lors de la prochaine élection annuelle. Soutenu par l’armée, le directoire fait le coup d’état anti-royaliste du 18 fructidor (4 septembre 1797) : les élections sont cassées dans 49 départements et les principaux chefs du courant réacteur sont déportés sans jugement.
La guerre n’a pas cessé, la Convention ayant fixé la fin de la Révolution et la paix à « l’établissement définitif de la République dans ses limites naturelles » c’est à dire les Pyrénées, les Alpes et le Rhin. L’Angleterre ne pouvait accepter la France installée définitivement en Belgique. L’Autriche reste la principale puissance continentale à combattre la France. Barras nomme Bonaparte à la tête de l’armée d’Italie le 3 mars 1796. Maître de l’Italie du Nord, le général victorieux dicte lui-même les conditions de l’armistice le 7 avril 1797. Il transforme la république de Gênes en république ligurienne et crée la république cisalpine. Par le traité de Campoformio (17 octobre 1797), l’Autriche reconnaît l’annexion de la Belgique, la frontière sur le Rhin et la possession des îles ioniennes. Bonaparte est désormais immensément populaire et peut compter sur le dévouement de son armée.
Après le coup d’état du 18 fructidor, la violence redevient la règle de gouvernement. Le royalisme est pourchassé et la terreur anticléricale renaît. On tente de mettre en place des cultes de substitution : la théophilanthropie et surtout le culte décadaire. Rome étant occupée par les troupes françaises en janvier 1798, le pape Pie VI est déporté en Toscane puis transféré en France en 1799. L’église catholique paraît anéantie. Les élections de l’an VI voit une forte poussée à gauche mais le Directoire impose une révision des résultats pour assurer une majorité favorable au « juste milieu ». C’est un nouveau coup d’État en dépit des apparences plus légales qu’au 18 fructidor. Mais suite aux élections de l’an VII, Sieyès, ennemi avoué de la constitution, entre au Directoire, et les néo-jacobins paraissent l'emporter. Sous prétexte de couper la routes des Indes, Bonaparte, en dépit des réserves du Directoire, organise une expédition en Egypte. La création et la subordination des républiques sœurs à la Grande Nation empêche un accord général avec les puissances européennes. L’Angleterre réussit à constituer une deuxième coalition profitant du mécontentement autrichien et du changement de souverains en Russie et en Prusse. La meilleure armée française étant coincée en Egypte, la reprise de la guerre en mars 1799 tourne mal pour la république. L’Italie est perdue mais la ligne du Rhin résiste et la Suisse sont préservées.
Cependant le Directoire paraît complètement discrédité et le pays est las des affrontements. Sieyès soucieux de mettre en application ses idées constitutionnelles cherche un sabre pour faire un coup d’État. De retour en France, Bonaparte est acclamé. Le 18 Brumaire (9 novembre 1799), les conseils sont transférés à Saint-Cloud par crainte d’un coup de force tandis que les directeurs démissionnent de gré ou de force. Mais le lendemain, le général est bousculé aux Cinq Cents et la salle est vidée par la troupe. Le dernier mot revient au sabre et Sieyès se voit évincé par Bonaparte. La Révolution est terminée.
Bibliographie
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- Pierre Chaunu, Jean Tulard, Emmanuel Leroy-Ladurie, et Jean Sévillia : Le livre noir de la Révolution Française, Cerf (21 janvier 2008), 900 p, ISBN 2204081604
Voir aussi
Liens externes
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