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International Civil Liberties

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The International Civil Liberties Alliance is a project of the Center for Vigilant Freedom Inc.  We are an international network of groups and individuals from diverse backgrounds, nationalities and cultures who strive to defend civil liberties, freedom of expression and constitutional democracy.

We aim to promote the secular rule of law, which we believe to be the basis of harmony and mutual respect between individuals and groups in the increasingly globalised world, and to draw attention to efforts to subvert it.  We believe in equality before the law, equality between men and women, and the rights of the individual and are open to participation by all people who respect these principles.

We believe that freedom of speech is the essential prerequisite for free and just societies, secular law, and the rights of the individual.

We are committed to building and participating in coalitions in all parts of the world to effect significant progress in protecting rights of the individual which are sadly being eroded in many countries including those in the West.


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The Center for Vigilant Freedom

7 juillet 2013 7 07 /07 /juillet /2013 20:43
Introduction à la Philosophie politique de la Liberté

 

Présentation, définition et justification du libertarianisme, sous forme de questions. Cet article est une présentation introductive de la théorie libertarienne. Pour l'histoire et l'actualité du mouvement libéral, voir libéraux. Voir également terminologie du libéralisme, points de vue libéraux, points de désaccord entre libéraux, libéralisme économique, laissez-faire.

Le libertarianisme est-il un système économique, une idéologie, ou autre chose ?

Le libertarianisme est une philosophie du droit, visant à circonscrire les limites du pouvoir politique et à reconnaître (i.e. déclarer et non créer) les droits individuels inaliénables. Ce n'est donc pas une théorie économique ni une école de pensée économique (comme l'École Autrichienne d'économie ou les néo-classiques), toutefois le Droit libertarien a des conséquences pour l'économie (voir libéralisme économique).

Qu'est-ce que le Droit ?

Le Droit, c'est ce qui détermine ce que l'on a le droit de faire et ce que l'on n'a pas le droit de faire. Le Droit relève de la justice. La justice d'un acte ne dépend pas d'un bout de papier, d'une loi, écrite quelque part par quelqu'un. Le Droit est donc non seulement antérieur aux lois, mais indépendant des lois. Pour que le concept de Droit ait un sens, il doit être universel : Où est la justice si pour un même acte une personne est libre et une autre va en prison, juste parce que 100 mètres et une frontière les séparent ? Une conception du droit basée sur la loi est donc dénuée de sens : un meurtre est ou juste ou injuste, point. Ce n'est pas l'avis d'un dictateur ou autre législateur auto-proclamé qui va y changer quelque chose : ce n'est pas parce que tel dictateur décrète que tel personne n'est pas autorisé à vivre que ladite personne n'a pas le droit de vivre. Le Droit est donc universel, il est le même pour tous. Chaque être humain, qua être humain, a les mêmes droits.

De plus, pour que le Droit ait du sens, il faut qu'il soit indépendant de son application ou non-application. Si nul n'a le droit de tuer un innocent, ce n'est pas parce qu'un criminel tue des innocents qu'il en a le droit, le Droit détermine juste si son acte est juste ou injuste. Et surtout, si personne ne viole le Droit, tant mieux pour tous, pour le Droit, ça ne change rien. C'est tout le contraire des faux droits, les "droit à". Le "droit à l'alimentation" par exemple : si tout le monde décide d'en profiter, il disparaît, puisque tout le monde tend la main et plus personne ne produit de la nourriture. C'est donc un droit inapplicable s'il est appliqué, autrement dit, un droit qu'il faudrait, selon certains, reconnaître, tout en disant aux gens de ne pas trop l'utiliser ! Donc, pour que le Droit ait du sens, il faut qu'il soit indépendant des lois, indépendant de son application, non-contradictoire, universel.

Quel est le Droit libertarien et quelle est sa justification ?

Le fait d'initier l'usage de la force (ou la menace de l'usage de la force) est illégitime. La force (ou la menace de l'usage de la force) n'est donc légitime que pour se défendre, c'est à dire, soit empêcher une agression, soit forcer l'agresseur à réparer le dommage, soit empêcher l'agresseur dangereux de nuire à nouveau. Cette idée du Droit peut être résumée de manière simple par le principe de non-agression, le NAP (non-agression principle) : toute agression, c'est à dire toute violation des droits de propriété, est illégitime. Le Droit libertarien se base donc sur le droit de propriété.

Qu'est-ce que le droit de propriété ? Et pourquoi suis-je forcément propriétaire de moi-même ?

Le droit de propriété commence avec ma raison : je décide d'écrire ces lignes, personne d'autre. Pour m'exprimer, il faut d'abord que je me considère comme propriétaire de mes moyens d'expression, i.e. de moi-même. Dire "je ne suis pas mon propriétaire" est donc une contradiction, puisqu'en m'exprimant ainsi j'aurais implicitement accepté d'être mon propriétaire, sinon je n'aurais même pas le droit de parler, car mes cordes vocales, mon cerveau, etc. ne m'appartiendraient pas. Donc, toute tentative de nier la propriété de soi est une contradiction pratique, car celui qui la nie l'accepte implicitement (voir la démonstration a priori de la propriété de soi ).

Par ailleurs, ou bien je suis propriétaire de moi-même, ou bien quelqu'un d'autre l'est, ou bien et moi et quelqu'un d'autre sommes propriétaires de moi-même. Si quelqu'un d'autre est propriétaire de moi-même mais que je ne suis pas son propriétaire, il y a de toute évidence inégalité en Droit : le quelqu'un d'autre a un droit que je n'ai pas. Cette situation ne satisfait donc pas au critère d'universalité du Droit. L'autre possibilité, c'est à dire que je suis autant propriétaire de lui qu'il est propriétaire de moi, satisfait certes au critère d'universalité, mais cela voudrait dire que pour toute action de n'importe quel humain, il faudrait que tous les autres humains lui donnent son accord. Même si cela était techniquement possible, comment donner son accord si vous n'avez pas au préalable l'accord des autres de vous servir de "vos" cordes vocales pour exprimer un accord sur quoi que ce soit ? La propriété de tout par tous est donc impossible. Il s'ensuit que je suis le seul et unique propriétaire de moi-même et que nul autre ne peut l'être.

Ainsi, l'esclavage au sens de propriété d'une autre personne est impossible : je suis propriétaire de moi-même ; quelqu'un d'autre ne peut donc pas me vendre en esclavage, puisque je ne lui appartiens pas, et s'il tentait de le faire il commettrait une agression contre moi. Reste donc la possibilité de se vendre soi-même. Me vendre impliquerait de céder la propriété de ma personne à quelqu'un d'autre. Or, la propriété de moi-même découle de ma raison, de ma volonté, du fait que JE décide de mes choix. Donc, si je peux certes faire le choix d'obéir maintenant à l'acheteur, je ne peux en aucune manière lui garantir que je continuerai à faire ce choix ultérieurement. Autrement dit, je ne peux pas, même si je le souhaitais, lui céder ma volonté, ma raison, et donc, par définition de la propriété, il ne peut pas être mon propriétaire.

Cela n'empêche malheureusement pas qu'il y a eu et qu'il y a de l'esclavage dans le sens de personnes forcées à obéir à une autre personne qui a le pouvoir, et non le droit, d'en disposer comme elle veut. Il convient à ce propos de souligner que le libertarianisme est la seule philosophie du droit qui condamne toutes les formes d'esclavage, aussi bien l'esclavage des noirs en Amérique, qui fut combattu par les libéraux de l'époque, que les autres esclavages de ce genre (romains, arabes, africains, etc), que l'esclavage de l'Etat, que ce soit sous sa forme nationaliste (vous ne vous appartenez pas, vous appartenez à la nation), paternaliste (lorsque l'Etat prétend décider pour vous de ce qui est bien ou non pour vous, interdisant la drogue par exemple, il se prend ipso facto pour votre propriétaire), autoritaire (vous ne vous appartenez pas, vous appartenez au dictateur), socialiste (certains devraient être propriétaires du fruit de votre travail au lieu de vous), ou plus généralement étatiste (si vous payez 50 % d'impôts, ça veut dire que vous travaillez la moitié de l'année pour vous, et la moitié de l'année pour l'Etat, vous êtes donc en partie esclave de l'Etat, un peu comme les serfs du moyen-âge qui devaient travailler pour leur "seigneur"). La forme la plus poussée de cet esclavage-ci est bien sûr la conscription, le service militaire obligatoire, puisque l'Etat peut vous envoyer vous faire massacrer au champ de bataille, et a donc bel et bien un droit de vie et de mort sur vous, caractéristique des pires formes d'esclavage.

Si je suis propriétaire de moi-même, il en découle logiquement que je fais ce que je veux avec moi-même. Il en découle que si je crée un objet de mes mains, cet objet est à moi. Si je construis une maison, je l'ai construite de mes mains, elle est donc à moi. Si je m'achète une maison, c'est avec l'argent gagné à la sueur de mon front, ou l'argent que quelqu'un m'a donné (à moi et pas à quelqu'un d'autre) de son plein gré, elle est donc à moi.

Je suis donc le seul et unique propriétaire légitime de mon corps, du fruit de mon travail et de mes biens acquis sans violer les droits d'autrui.

Donc, qu'est-ce que le libertarianisme ?

Le libertarianisme est anti-politique, en ce qu'il s'oppose au pouvoir politique lui-même. Contrairement aux idéologies politiques, le libertarianisme ne cherche pas à déterminer qui doit détenir le pouvoir, et quelles fins ce pouvoir doit servir. Le libertarianisme cherche à déterminer quelles sont les limites du pouvoir, les moyens qu'il peut ou ne peut pas utiliser. Il est en cela aux antipodes du totalitarisme, qui attribue des moyens illimités, un pouvoir total, aux détenteurs du pouvoir politique (ou à des aspirants-détenteurs). Le libertarianisme s'oppose donc à l'étatisme, tendance à élargir sans cesse les attributions de l'État.

Les valeurs libertariennes sont la liberté individuelle, la créativité individuelle, la responsabilité individuelle, l'indépendance personnelle, le respect des droits individuels, etc., tous intégrés dans le paradigme de la propriété individuelle.

Le libertarianisme défend le droit de propriété : propriété du premier arrivant qui "mélange son travail à la terre" (cf. John Locke) puis propriété par le don, l'échange, la vente, entre deux individus consentants. Il s'oppose donc aux violations du droit de propriété, les agressions. L'interdiction des drogues, les impôts, le viol, le meurtre, le vol, le SMIC, la conscription, etc. sont des agressions et donc violent le Droit : l'interdiction des drogues nie la propriété de soi, impliquant que quelqu'un d'autre que moi serait propriétaire de moi, sans que moi-même je sois propriétaire de lui ; les impôts et le vol nient ma propriété légitime de mes biens, impliquant que quelqu'un aurait le droit de me les prendre sans mon consentement, sans que j'aie le droit de prendre les siens ; le meurtre et le viol nient la propriété de soi, la conscription (service militaire obligatoire), est une forme d'esclavage, niant la propriété de soi, le SMIC nie la propriété de soi, impliquant qu'une tierce personne a le droit de se mêler d'un contrat légitime entre deux adultes consentants. La fraude est également contraire au Droit libertarien, par exemple, vendre de l'arsenic à quelqu'un dans une bouteille marquée "lait", vendre des faux bijoux, etc.

Les libertariens sont-ils contre l'égalité ?

Les libertariens sont contre les fausses conceptions, socialistes, de l'égalité: l'égalité en moyens, l'égalité en résultat, l'égalité des chances, etc. Les libertariens sont pour la vraie égalité, l'égalité en Droit (ou mieux, l'identité des droits), c'est à dire que chaque Homme a les mêmes droits indépendamment de la couleur de sa peau, du pays où il habite, de l'argent qu'il a, du pouvoir qu'il a, etc. En fait, le libertarianisme peut même être justifié par l'égalité, car comme nous l'avons vu, toute justification de l'agression implique une inégalité : s'il est interdit d'avoir de la drogue, comment quiconque peut-il la confisquer ? S'il est interdit de déambuler dans les rues avec une arme à feu, comment un policier peut-il le faire ? Si le racket est interdit, comment l'Etat peut-il prélever des impôts ? (voir forces du désordre) Par ailleurs, quelqu'un qui ne respecte pas cette égalité y renonce ipso facto: quelqu'un qui ne respecte pas mon droit de propriété ne doit pas s'attendre à ce que je respecte le sien. Si quelqu'un me prend de force mes biens, je peux de force les reprendre, par égalité.


Les grands courants du libéralisme

Une présentation des grands courants du libéralisme à partir d’un petit livre épuisé d’Alain Laurent. L’auteur divise le libéralisme en cinq grands courants.

 

Introduction : la tradition libérale et ses déclinaisons

Par Alain Laurent

 

« Système soucieux du respect des sujets de droit et de la liberté d’initiative des individus » : nul mieux, peut-être, que Michel Foucault n’a ainsi mieux cerné en peu de mots l’essence du libéralisme, en soulignant la connexion de ses deux axes forts du juridico-politique et du sociétal-économique. Cette définition a d’autre part l’avantage d’écarter deux interprétations courantes, mais biaisées, assimilant le libéralisme soit à une extrême tolérance teintée d’aimable scepticisme, soit au règne « sauvage » du prédateur capitaliste. Et lorsque, dans le même texte (Naissance de la biopolitique, 1979), Foucault ajoute que le libéralisme se caractérise en outre par une critique de la gouvernementalité excessive (« On gouverne toujours trop ») et la recherche du déroulement optimal du processus économique et des procédures gouvernementales, presque tout est déjà dit.

 

* Une longue histoire

 

Le libéralisme n’est ni né d’aujourd’hui, ni soudain tombé du ciel comme une pure invention dogmatique. Son émergence sociale, spontanée et graduelle, en tant que pratique et que théorie s’amorce en Europe dès les XVIIe et XVIIIe siècles – et embrasse aussi bien le droit général des individus (revendication de liberté de conscience et d’opinion contre le despotisme de l’État et de l’Église) que la liberté économique de contracter et d’entreprendre. Son histoire initiale, tant française (Montesquieu, Turgot) qu’anglaise (Locke, Smith), est celle de l’élaboration pragmatique d’une économie de libre-échange intimement liée à la critique de l’arbitraire de la monarchie absolue et des traditions de la société communautaire close.

 

Si le combat libéral en vue de contrôler et limiter le pouvoir pour y substituer la régulation par la loi et le marché s’est d’abord traduit par l’opposition à l’État régalien*[1] absolu, il a peu à peu changé d’objet aux XIXe et XXe siècles pour se focaliser sur et contre l’emprise bureaucratique et collectiviste de l’État protectionniste, puis totalitaire et enfin tutélaire (Providence). Mais il s’est toujours livré au nom d’un corps de valeurs et principes qui, sans constituer une doctrine établie, en font l’unité intellectuelle forte.

 

* La liberté des libéraux

 

La philosophie libérale prend foncièrement appui sur la primauté reconnue à la liberté humaine à la fois matrice et finalité d’un mode de coexistence et de coopération sociales inédit dans l’Histoire. Il s’agit en premier lieu de la liberté comme principe normatif et seulement ensuite des libertés (de conscience, d’expression, d’association, de possession privée, d’échanger, d’entreprendre et de contracter) qui l’actualisent. C’est la liberté de l’individu, des individus, de tous les individus – et non de fictives entités collectives. C’est une liberté d’action d’abord « négative » (s’affranchir de, ne pas dépendre de : « free from ») mais aussi à dimension positive (capacité d’agir en vue de : « free of »). Elle conduit à l’accomplissement personnel et c’est en ce sens qu’elle représente un bien intrinsèque : plus qu’un moyen, elle est une ou même la fin humaine en soi. Ce primat de la liberté individuelle fait qu’on traduit souvent à bon droit « libéralisme » par individualisme libéral; car si tout individualisme* n’est pas forcément libéral, le libéralisme est avant tout l’affirmation des droits de l’individu souverain – réputé être le moins mauvais juge possible de ses propres intérêts. Bien que la maxime libérale par excellence soit « L’égale liberté pour tous », la liberté prime ici l’égalité des conditions, cet égalitarisme qui se confond avec le collectivisme (exact antonyme du libéralisme).

 

* L’éthique de la responsabilité individuelle

 

Cette liberté libérale renvoie aussi à une capacité intérieure d’autodétermination qui fait de l’individu un sujet au sens philosophique du terme. S’opposant aux conceptions déterministes de l’homme, elle établit celui-ci en être capable de choix autonomes qui l’engagent devant les autres et dont il doit assumer seul les conséquences. Ainsi se fonde une responsabilité individuelle invitant à faire d’abord confiance à la personne et exigeant de toujours disposer de son consentement volontaire et contractuel.

 

Ces perspectives définissent une éthique libérale, soit un corps cohérent de principes et de valeurs impliquant des droits inaliénables de l’homme (en particulier de propriété de soi) et des devoirs (responsabilité de soi, respect du droit équivalent des autres) excédant la représentation convenue de l’individu libéral en homo œconomicus – cet automate calculant rationnellement la maximisation de ses intérêts égoïstes.

 

Reposant sur l’aptitude à l’apprentissage du libre gouvernement de soi, cette éthique voit dans la responsabilité individuelle une capacité de prévoyance et d’autodiscipline ainsi qu’une légitime aspiration à l’initiative créatrice et au droit de jouir des récompenses résultant de celle-ci.

 

* L’État limité par l’état de Droit

 

Pour les libéraux, la garantie des droits (qui sont beaucoup plus des droits de que des droits-créances à) et l’exercice des responsabilités nécessaires à une coexistence pacifique des libertés individuelles exigent l’instauration de règles générales et d’institutions appropriées. Cet état de Droit* (rule of law) formalisé par des lois assure l’égalité devant celles-ci tout en devant protéger les citoyens d’une éventuelle tyrannie de la majorité. Une telle protection institutionnelle implique l’action de pouvoirs publics chargés d’en exécuter et faire respecter les dispositions : l’État devant lui-même se conformer à ces règles constitutionnalisées qui en font un État de droit, géré par un gouvernement représentatif*.

 

Placé sous le contrôle du Droit et aussi décentralisé que possible (principe de « subsidiarité »), cet État libéral voit l’étendue de son pouvoir et de ses attributions rigoureusement limitée (jusqu’où ? C’est un clivage entre partisans de l’État minimal, voire dépérissant, et ceux d’un État arbitre, voire modestement régulateur). Hostile par vocation à la réglementation arbitraire, aux monopoles et aux interventions administratives, le libéralisme s’oppose ainsi à l’État tutélaire (tuteur des individus) et au dirigisme.

 

* L’autonomie de la société civile et le marché*

 

Si la philosophie politique libérale limite tant les tendances tutélaires et dirigistes de l’État, c’est en raison d’une confiance foncière dans l’aptitude de la société civile* à s’autogouverner si on en laisse faire les membres poursuivant leurs intérêts particuliers sous le règne du Droit. Grâce à celui-ci et au liant des interactions individuelles par coopération et concurrence, les intérêts particuliers sont censés s’auto-coordonner et spontanément s’harmoniser pour servir l’intérêt général bien mieux que l’État ne pourrait le faire. Le libre marché, la liberté des contrats, la privatisation de la propriété, la liberté d’entreprendre et le libre-échange (autant d’expressions des droits individuels fondamentaux) peuvent assurer l’autorégulation et la prospérité de la société.

 

Déterminer jusqu’où ce libre jeu du marché encadré par des règles du jeu (le Droit) peut se passer d’un minimum d’intervention régulatrice ou correctrice de l’État pour faire lien social et servir l’intérêt général induit d’autres clivages entre des libéraux de toute façon fondamentalement adversaires du protectionnisme* et de l’économie administrée.

 

* Complexité et déclinaisons du libéralisme

 

Le commun enracinement des libéraux dans cette matrice se traduit cependant par une large diversité d’interprétations relatives aux époques et aux contextes nationaux, mais plus encore à des divergences intellectuelles concernant la nature ou la place à reconnaître au marché, à l’État, la liberté, l’individu, au Droit, voire à la justice sociale. Ces clivages transgressent la distinction devenue banale entre libéralismes politique et économique : tous les penseurs libéraux se sont à la fois préoccupés de politique et d’économie – et un critère tel celui de l’opposition entre la sensibilité « jusnaturaliste* » et la sensibilité « utilitariste* » a bien plus de pertinence.

 

En combinant et contextualisant quelques critères de ce type, on peut suggérer (avec toute la prudence requise, tant cette typologie implique de simplification artificielle) que le libéralisme – infiniment plus complexe qu’on ne le croit souvent – se subdivise en cinq grands courants : des libéralismes pour une part en interférence et en concurrence, illustrés par les principales figures historiques ou contemporaines de cette tradition avant tout philosophique :

 

1. Un libéralisme constitutionnel préoccupé de protéger institutionnellement des libertés politiques et civiles contre l’arbitraire et les abus de pouvoir – et ce par l’action positive d’un État de droit et d’un « gouvernement représentatif* » garants de l’intérêt général et aux prérogatives régaliennes* bien affirmées. Privilégiant le pluralisme et l’équilibre des pouvoirs, ce libéralisme modéré reconnaît l’importance majeure du marché tout en l’accompagnant de contrôles législatifs et de compléments de biens ou services publics.

2. Un libéralisme fondé sur l’économie politique* de tradition française, volontiers radical, rationaliste et individualiste, axé sur la primauté du droit naturel* (moderne) de propriété, de l’intérêt particulier et de la valeur-utilité – et qui prône un fort effacement de l’État au profit de la dynamique autorégulatrice du laissez-faire entrepreneurial et d’un libre marché intégral, générateur de l’intérêt général.

3. Un libéralisme également fondé sur l’économie politique mais de tradition anglo-saxonne, orienté vers un utilitarisme* évoluant de la « valeur-travail » à la théorie subjectiviste de l’utilité marginale, moins attaché que le précédent à la souveraineté de l’individu et nettement plus empiriste que lui mais privilégiant tout autant une liberté du marché dont l’État ne peut être que le serviteur ou le modeste complément.

4. Un libéralisme social de sensibilité constitutionnaliste* qui, tout en valorisant la liberté économique et la nécessité de limiter l’extension de l’État, fait néanmoins appel à celui-ci pour réguler le marché afin d’en corriger certaines conséquences dommageables à l’équité sociale et à l’égalité des chances pour tous.

5. Enfin, un libéralisme radical contemporain essentiellement américain (mais préfiguré par l’économie politique « française ») opérant un retour au droit naturel de propriété et à la souveraineté de l’individu afin de légitimer une déréglementation et une privatisation généralisée de l’économie étendue à tous les aspects de l’activité humaine ; ce courant se caractérise par une contractualisation des relations interindividuelles ne laissant que peu ou plus du tout de place à l’État.

 

Conclusion : un libéralisme consensuel et pluriel

 

Le parcours accompli parmi les courants et figures de la tradition libérale suggère plusieurs enseignements contredisant quelques idées reçues : la revendication du « moins d’État » implique bien plus pour la plupart des libéraux la volonté de libérer l’État de son tropisme despotique originel pour en faire un outil de la liberté que le désir de son dépérissement ; la critique libérale des excès du protectionnisme social va presque toujours de pair avec une attention soutenue au sort des moins favorisés et l’exploration de nouvelles solutions contractuelles destinées à ouvrir des chances à tous ; l’élection du marché en mode exclusif d’allocation optimale des ressources s’accompagne d’une permanente insistance sur le rôle déterminant du Droit comme facteur de son autorégulation ; et loin de se cantonner à la seule sphère économico-politique, la réflexion libérale intègre des perspectives éthiques, sociologiques et épistémologiques qui renouvellent parfois radicalement l’approche des «problèmes de société ».

 

* Une idéologie dominante et consensuelle

 

Mais l’enseignement le plus notable provient de l’évolution du statut intellectuel échu au libéralisme à l’orée du XXIe siècle. L’échec cumulé du totalitarisme marxiste puis de l’État-providence et des quêtes de «troisième voie » entre socialisme et capitalisme d’une part, la mondialisation du libre-échange signant le succès de l’économie concurrentielle de marché et l’institutionnalisation croissante d’un état de Droit limitant les prérogatives de l’État pour protéger la liberté individuelle, d’autre part, ont concouru à placer la pensée libérale en situation paradoxale et inédite d’idéologie dominante et d’objet de consensus. Mais si le marché, « ça marche », et si le couple déréglementation- privatisation se révèle grosso modo capable de générer un cercle vertueux de jeu à somme non nulle, c’est sans doute en raison de l’étroite connexion que la dynamique décentralisée, interactive, autonomisante et autorégulatrice du libéralisme entretient avec la logique de la complexité permettant à l’épistémologie contemporaine de rendre compte du réel. Tout se passe comme si les évolutions sociétales émergentes (libéralisation et privatisation des styles de vie, organisation de la vie sociale en réseaux grâce aux nouvelles technologies de la communication) allaient au-devant des aspirations de l’ethos libéral. Et comme si la contractualisation du Droit s’émancipant des législations tutélaires conformément à la requête libérale s’avérait la plus adéquate pour accompagner la complexification du monde (post)moderne.

 

* L’analogie avec la démocratie

 

Un parallèle peut s’esquisser avec le destin de la démocratie : de même que celle-ci a fini par consuellement s’imposer comme seul mode légitime de désignation des gouvernants, le libéralisme tend de fait à s’instituer — du moins en Occident (à la singulière et « provinciale » exception de la France, pourtant son originelle cogénitrice intellectuelle) — en corps de valeurs et en pratiques auxquelles personne ne peut plus vraiment échapper, quels que soient les rejets et contestations se manifestant salutairement çà et là. Non qu’il apparaisse unanimement comme le meilleur des mondes mais, toujours à l’instar de la démocratie, comme le moins mauvais et celui qui adhère le plus à la réalité ; non comme la « fin de l’Histoire » mais comme un acquis irréversiblement intégré au cours de cette dernière. Avec des conséquences capitales : le déplacement en son sein des grands clivages et débats politiques ou idéologiques, le développement d’une sorte de libéralisme à la carte et la compétition entre diverses interprétations de l’équilibre souhaitable entre un État plus ou moins limité et un libre marché plus ou moins régulé, entre l’essor continu de la liberté individuelle et les contraintes d’une société même « ouverte ».

 

* L’internalisation du pluralisme

 

Dans le cadre de cette pensée non pas « unique » mais plurielle tend à se déployer la concurrence entre :

 

* un conservatisme libéral acceptant l’économie de marché et les droits individuels à condition que soient préservées les valeurs communautaires traditionnelles de la famille et de la nation ainsi que les prérogatives régaliennes» de l’État ;

* un libéralisme social ou « de gauche » en phase avec les émancipations individualistes et jouant le jeu du marché mais en veillant de près à en corriger les carences ou effets pervers trop injustement inégalitaires et à combattre le « piratage » du capitalisme ;

* et un individualisme libéral classique à tendance volontiers « libertarienne » cherchant sans cesse à étendre le champ du droit souverain de propriété, de la privatisation et du « tout-marché » et à explorer de nouveaux modes de fédéralisme et d’auto-organisation hors de l’État.

 

 

* Les défis émergents

 

Cette banalisation-pluralisation du libéralisme ne fera pas disparaître comme par enchantement les nouveaux défis qu’il lui faut affronter désormais : dans un contexte de déterritorialisation et de globalisation croissantes mais aussi de fragmentation multiculturelle des sociétés, par quel dispositif institutionnel assurer l’autorité légitime de l’État libéral, qu’il soit minimal ou « limité mais optimal » ? Et encore : jusqu’où une société libérale peut-elle tolérer le relativisme moral autant induit par le communautarisme que par l’oubli utilitariste des conditions sociologiques et culturelles de possibilité de la coopération marchande ? Comment diffuser une éducation collective à la responsabilité individuelle sans laquelle le libéralisme est voué à l’implosion ?

En passant du statut d’idéal minoritaire d’opposition et de combat ou de scepticisme raisonné à celui de pratique sociale quasi exclusive et de matrice intellectuelle majoritaire, le libéralisme est confronté à une situation paradoxale et problématique. Si elles sont dialectisées, les tensions fécondes qui se redéploient entre ses nouveaux courants et qui attestent de sa vitalité et de sa créativité lui donnent des atouts pour franchir ce cap.

 

Glossaire

 

Capitalisme : régime économique fondé sur la propriété privée et où la création de valeur et de richesse comme la satisfaction du consommateur proviennent de la libre coopération contractuelle et concurrentielle des acteurs. La maximisation de l’efficacité par la recherche du profit (rentabilisation de l’investissement en capital) n’y va pas sans le risque entrepreneurial ni le respect de règles de droit.

 

Constitutionnalisme : régime politique cherchant à éliminer l’arbitraire dans l’exercice du pouvoir en limitant celui-ci par des règles de droit institutionnalisées reposant sur le consentement des gouvernés et l’équilibre de pouvoirs séparés.

 

Droit naturel : dans sa version moderne et par opposition au droit « positif » et conventionnel laissé à la discrétion législatrice des pouvoirs et des majorités, il se déduit rationnellement des exigences universelles de la nature individuelle (« subjective ») de l’homme pour interdire que soit violée sa liberté de conscience, d’expression, d’association, de propriété et de vivre en sécurité.

 

Economie politique : discipline constituée au XVIIIe siècle et qui formula les « lois » réglant la production, la distribution et la consommation des richesses au niveau de la société globale et favorisa historiquement l’entrée dans l’économie de marché.

 

État de droit : bien orthographié (« état de Droit », par analogie à la rule of law anglo-saxonne), désigne une situation politique où prévaut le respect des libertés fondamentales et de procédures définies par des règles de droit s’imposant à l’État qui, en les respectant et les faisant appliquer, devient « de droit ».

 

État-Providence : système politique contemporain où la prise en charge publique d’une protection sociale élargie est érigée en principe constitutionnel accroissant la redistribution fiscale obligatoire et entraînant une intervention étatique tutélaire.

 

Gouvernement représentatif : mode de gouvernement opposé au despotisme et reposant sur la désignation de représentants des citoyens à un parlement élu ; il exclut la participation directe des citoyens à l’exercice du pouvoir.

 

Homo œconomicus : modèle d’être humain réduit au statut d’agent ne faisant que calculer rationnellement son intérêt égoïste en vue de maximiser sa satisfaction économique sur le marché – mais contesté comme «fiction» par nombre de libéraux.

 

Individualisme : concept très distinct du personnalisme et de l’égoïsme qui pose l’individu en seule réalité humaine porteuse de sens et en valeur première en raison de sa capacité subjective à l’autodétermination et par suite à la propriété de soi.

 

Individualisme méthodologisme : principe épistémologique qui dénie toute réalité aux entités sociales pour rendre compte des phénomènes sociétaux par des processus complexes de composition des interactions entre les individus.

 

Jusnaturalisme : cf. droit (jus en latin) naturel.

 

Laissez-faire : issue d’une revendication historique d’entrepreneurs (« Laissez-nous faire ! ») et souvent complétée par « laissez passer » (le libre-échange), cette expression n’appelle pas au laxisme mais à laisser libres d’agir des acteurs efficaces, compétents et responsables sur le marché.

 

« Main invisible » : célèbre métaphore postulant que si agissent librement des individus seulement mus par leurs intérêts particuliers, l’intérêt général émerge plus sûrement mais involontairement de l’auto-ajustement de leurs actions (comme guidées par une main invisible) que des desseins planifiés de l’État.

 

Marché : libre confrontation de l’offre et de la demande permettant l’allocation optimale des ressources par le biais de procédures d’exploration des opportunités ainsi que d’une dynamique de diffusion de l’information par les prix et d’échange décentralisé et volontaire de droits de propriété.

 

Protectionnisme : doctrine s’opposant au libre-échangisme pour préconiser la protection d’une économie nationale en fermant les frontières aux importations meilleur marché par des taxes, réglementations et barrières douanières.

 

Régalien : vient du latin regalis (le roi) pour signifier, plutôt dans le contexte français, les fonctions de souveraineté de l’État considéré comme héritier du pouvoir monarchique.

 

Société civile : aux XVIIe et XVIIIe siècles, désigne un état politiquement organisé où l’État reconnaît les droits des citoyens (civis) égaux – par opposition à l’état de nature ou au despotisme ; tend maintenant à signifier l’activité privée et autogérée des citoyens hors de la sphère politique de l’Etat.

 

Utilitarisme : doctrine opposée au jusnaturalisme et qui s’est développée aux XVIIIe et XIXe siècles en Grande-Bretagne ; elle centre les motivations de l’action humaine sur la recherche de l’intérêt et de l’avantageux : de l’individuellement ou socialement utile (le plus grand bonheur du plus grand nombre).

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6 juillet 2013 6 06 /07 /juillet /2013 14:48
L’ICLA et le Processus de Bruxelles contre la charia.

 

 

Depuis le lancement du Processus de Bruxelles de nombreuses personnes écrivent à l’ICLA pour nous encourager,  nous rejoindre ou nous poser des questions. Parmi ces questions en voici trois caractéristiques auxquelles j’ai tenu à répondre personnellement.

 

Questions :

 

- Comment le Processus de Bruxelles s’articule pour lutter contre les manœuvres orchestrées pour imposer le halal, le nikab, les prières de rue, le ramadan des chauffeurs de bus etc… ?

- De plus en plus des musulmans ne respectent plus la loi : Des femmes en Nikab refusent d’obtempérer aux forces de l’ordre, et comme par hasard une cinquantaine de musulmans surgissent alors de nul part pour donner des coup violents aux policiers. Ces musulmans sont bien entendu immédiatement relaxés par le parquet avec les excuses de l’état, car ils ont tout à fait le droit de désobéir et donner des coups aux policiers puisqu’ils sont musulmans. Comment le processus de Bruxelles peut-il agir contre ça ?

- Nos gouvernements encouragent à qui mieux mieux l’implantation musulmane en Europe, subventionnent des mosquées au mépris de la laïcité ou autorisent des mosquées quand les pays subventionneurs interdisent toute église dans leur propre pays au mépris de tout principe de réciprocité et de toute équité. Comment le processus de Bruxelles peut-il agir contre ça ?

 

Avant de répondre aux trois questions posées, il faut expliquer ce qu’est le Processus de Bruxelles.

 

Le « Processus » signifie dans ce cas une course d’action se développant dans le temps.

 

Bruxelles ne fut que le point de démarrage de ce Processus qui va avec le temps se développer et évoluer au fur et à mesure de l’évolution des choses. Ce n’est pas un objet figé, il va s’adapter aux sociétés dans lesquelles il va être introduit (comment imaginer les exactes mêmes mesures au Sénégal et en Angleterre ?) et aux évolutions qui ne manqueront pas de changer les donnes sociétales dans le futur (une mesure raisonnable à une époque ne sera peut être plus adaptée vingt ans plus tard).

 

Le Processus de Bruxelles donne une perspective stratégique globale claire : un monde sans charia.

 

Une telle perspective répond à celle de l’OCI qui est au contraire : un monde dominé par la charia.

 

Il est nécessaire de savoir où l’on va si on veut savoir quoi faire pour y aller.  Sans un but clairement identifié toute action n’est qu’agitation désordonnée.

 

L’OCI sait où il veut aller, nous aussi.

 

Les premières mesures proposées par l’ICLA dans le cadre du Processus de Bruxelles sont des mesures de première urgence : protéger la liberté d’expression, cesser de collaborer à sa destruction dans nos pays avec les ennemis de celle-ci.

 

Mais ce ne sont que les toutes premières mesures, le travail ne fait que commencer.

 

L’ICLA va se développer, créer des partenariats en Europe et dans le monde entier et pays par pays proposer des mesures  visant à prévenir l’introduction de la charia et à faire diminuer les pratiques liées à celle-ci. Mesures qui seront promues et proposées à l’adoption aux instances internationales, gouvernements, partis politiques, et acteurs locaux en fonction des capacités d’action de l’ICLA et de ses partenaires. Des actions « sur le terrain » seront bien sûr encouragées, elles sont indispensable à la reconquête du terrain perdu par nos démocraties.

 

Depuis des dizaines d’années nous subissons une ingénierie hostile provenant de l’étranger mais activement relayée par des acteurs issus de nos sociétés. Un travail d’analyse doit être réalisé, les actes nuisibles démontrés, les coupables et leurs complices identifiés et exposés. Seulement alors les dommages pourront être réparés, les mauvaises mesures supprimées et des politiques vertueuses et protectrices adoptées.

 

Alors, me direz-vous, quid des niqabs, des rebellions islamiques et d’une immigration musulmane incontrôlée ?

 

Que va faire le Processus de Bruxelles à propos de tout cela ?

 

Rien bien évidemment !

 

Parce que la vraie question est la suivante : « Et vous, qu’allez-vous faire pour le Processus de Bruxelles ? »

 

Le Processus de Bruxelles est une ligne d’action, une dynamique, exactement de la même manière que l’islamisation. Si cette ligne d’action n’est portée et poussée par personne elle n’ira nulle part.

 

L’islamisation est poussée par l’OCI, des milliards de dollars et d’euros y sont injectés, des milliers d’organisations y travaillent sans relâche, des millions de personne y consacrent une partie de leur temps et de leur argent. Voilà pourquoi elle progresse.

 

Et vous pensez que, par magie, le Processus de Bruxelles va vous sauver ? Sans que vous fassiez quoi que ce soit, sans que vous y consacriez une partie de votre argent, de votre temps et de votre énergie ?  Vos questions étaient-elles vraiment sérieuses ?

 

Le Processus de Bruxelles sera ce que ceux qui ne veulent pas de charia chez eux en feront.

 

Vous ne voulez pas de charia chez vous alors rejoignez  l'ICLA ou ses partenaires et créez vous-même les répondes à vos questions, travaillez à leur promotion, faites-les adopter par les acteurs politiques autour de vous et aidez à les mettre en œuvre. C’est comme ça que le Processus de Bruxelles va nous protéger de la charia et voilà la seule réponse possible et crédible.

 

Cala va-t-il vous coûter de l’argent, du temps et de l’énergie ?

 

Oui bien sûr ! Comme à nous tous dans l’ICLA. Mais c’est le prix à payer pour rester libres et pour épargner à nos enfants de payer un prix bien plus élevé que d’autres, ailleurs dans le monde sont déjà en train de payer.

 

Si vous pensiez que la Liberté était donnée gratuitement et se conservait sans efforts,  ouvrez les livres d’Histoire et réfléchissez-y encore.

 

Arrêtez de penser que les choses vont se faire toutes seules ou que les autres vont régler les problèmes pour vous, ce n’est pas comme cela que les choses se passent. Rejoignez-nous, devenez un acteur du Processus de Bruxelles.

 

Alain Wagner, président de l’ICLA


L’OCI pousse ses pions et ouvre un bureau à Bruxelles pour lutter contre l’islamophobie
europe4all-poster1Un pas de plus de l’OCI pour arriver à ses fins : limiter la liberté d’expression en Occident.

Le Secrétaire général de l’OCI prépare le terrain diplomatique pour convaincre les bureaucrates non élus de l’UE d’adopter une législation pénalisant tout discours « haineux » et limiter, par décret, la liberté d’expression de 500 millions de citoyens européens, y compris les politiciens démocratiquement élus, leur imposant ce qu’ils peuvent ou ne peuvent dire au sujet de l’Islam.

L’ OCI a officiellement inauguré à Bruxelles, le 25 juin dernier, une mission permanente d’observation, en présence de diplomates, de hauts fonctionnaires de l’UE et de dignitaires européens et musulmans.

Interdire tout stéréotype négatif de l’islam

L’objectif principal de l’OCI, financée par les pays islamiques à travers le monde, et dont le siège est en Arabie Saoudite, est de faire pression sur l’Europe et les Etats-Unis en leur faisant adopter des lois qui interdiraient tout « stéréotype négatif de l’islam. »

L’établissement d’une présence permanente de l’OCI à Bruxelles implique que le groupe a l’intention de redoubler ses efforts de lobbying visant à interdire toutes les formes d’«islamophobie», dans les 27 pays membres de l’UE, même si les restrictions sur la liberté d’expression, relatives à l’islam, y sont d’ores et déjà bien appliquées.

Lors de son discours inaugural, Mr Ihsanoglu a déclaré:

«Un intérêt croissant se manifeste au plus haut niveau de l’UE pour coopérer avec l’OCI [...] Je pense que nos relations avec l’UE sur les différents points à l’ordre du jour, que nous partageons, bénéficieront à chacun d’entre nous. Il y a un besoin vital de coopération entre le monde musulman et l’Europe, et l’OCI, en tant que voix collective du monde musulman, synonyme de modernisation et de modération, sera l’institution appropriée pour traiter avec l’UE « . (L’OCI regroupe certains des pays les plus rétrogrades et les plus féroces du monde musulman)

Eradiquer les « sensibilités inutiles »

Ihsanoglu – qui avait récemment déclaré dans une interview à Al Jazeera que sa mission principale était de lutter contre la persécution religieuse des musulmans en Occident, avait ajouté : «Nous devons lutter sérieusement contre l’islamophobie et renforcer davantage les liens entre le monde islamique et Europe, afin d’éradiquer les sensibilités inutiles. « 

Depuis la fin des années 90, l’OCI a fait la promotion du très (pervers) « processus d’Istanbul » dont Aymeric Caron s’est récemment fait le complice en niant son existence face à Véronique Genest dans l’émission On n’est pas couché, et qui vise à criminaliser toute critique de l’islam, en faisant inscrire dans le droit international une interdiction à l’échelle mondiale de toute critique de l’Islam et de la loi islamique, la charia.

Au cours des dernières années, l’OCI s’est engagée dans une offensive diplomatique, tous azimuts, dans le but de convaincre les démocraties occidentales à mettre en œuvre la résolution 16-18, et a appelé tous les pays à lutter contre « l’intolérance, les stéréotypes négatifs et la stigmatisation de la religion … et de la croyance. »

L’adoption de la Résolution 16-18, par le Conseil des Droits de l’Homme à Genève en Mars 2011 (avec le soutien de l’Administration Obama), en complément de la résolution 66-167, parrainée par l’OCI, qui avait été discrètement approuvée par l’Assemblée générale des 193 membres de l’ONU le 19 Décembre 2011, est considérée comme une étape importante dans les efforts de l’OCI pour faire progresser le concept juridique international de la diffamation de l’islam.

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L’OCI a marqué un autre coup diplomatique lorsque l’administration Obama a accepté d’accueillir une conférence de trois jours sur le Processus d’Istanbul à Washington DC. légitimant ainsi les revendications liberticides de l’OCI.

Afin de ne pas être en reste, l’UE a également organisé une conférence à Wilton Park à Londres, du 3 au 5 décembre 2012. Le but de l’événement était « d’arriver à une compréhension mutuelle de la résolution 16-18 du Conseil des droits de l’homme des Nations unies sur la lutte contre l’intolérance religieuse et sur la différence d’opinion en matière de liberté d’expression. »

Selon Ihsanoglu, l’offre de l’UE d’accueillir la réunion, qui a rassemblé des experts juridiques, des ONG, des représentants gouvernementaux, des universitaires, des législateurs et des éducateurs ainsi que des représentants de l’OCI, a représenté un «changement qualitatif » dans son attitude pour la lutte contre le phénomène de l’islamophobie.

L’OCI agacée par les critiques d’élus politiques

L’OCI a été particulièrement agacée par l’incapacité de l’UE à faire taire un nombre croissant d’hommes politiques européens démocratiquement élus qui ont exprimé leurs préoccupations sur le refus des immigrés musulmans à s’intégrer dans leur pays d’accueil et l’apparition de sociétés islamiques parallèles dans de nombreuses pays occidentaux.

Selon Ihsanoglu :

« l’islamophobie existe en l’Occident en général, mais se développe dans les pays européens en particulier et d’une manière différente qu’aux États-Unis, qui avait pourtant contribué à la rédaction de la résolution 16/18.

Cette nouvelle position européenne représente un progrès, par rapport à leur attitude plus réservée du passé, envers les tentatives de l’OCI pour lutter contre la «diffamation des religions» auprès du Conseil des droits de l’homme et de l’Assemblée générale des Nations Unies ».

Néanmoins, l’OCI a été incapable d’obtenir un soutien suffisant pour une loi globale sur le blasphème dans le cadre de l’ONU, et Ihsanoglu a annoncé en Octobre 2012 que l’OCI allait changer sa stratégie en faisant appel individuellement aux États-nations, afin de faire adopter la loi interdisant tout discours de haine à l’égard de l’islam.

L’OCI a également intensifié ses efforts pour criminaliser la critique de l’islam sur base de l’article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) un traité multilatéral, qui fait partie de la Charte internationale des droits de l’homme.

L ‘article 20 du PIDCP stipule que le dénigrement des symboles ou de personnes sacrées d’une religion est une infraction pénale, et Ihsanoglu déplore sa non application par les Etats signataires.

En Janvier 2013, l’OCI avait organisé à Istanbul une réunion d’experts internationaux sur les droits juridiques et humains dans le but d’examiner toutes les options juridiques pour « interdire l’intolérance religieuse contre les musulmans. »

Dans son discours d’ouverture, Mr Ihsanoglu avait déclaré que cette réunion était une étape cruciale d’un processus multiforme, multi-faces, diplomatique et juridique contre ​​la campagne islamophobe, ayant pour sujets l’islam et son prophète.

Ihsanoglu avait ajouté : «Depuis le premier jour où j’ai pris mes fonctions, nous avons vu l’adoption de résolutions qui défendent l’islam et condamnent les attaques contre l’islam par l’Assemblée générale des Nations Unies et le Conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève. »

L ‘OCI n’a pas l’intention d’abandonner la résolution 16-18 de l’ONU : «La question qui doit être discutée aujourd’hui par les sages est de savoir comment la résolution 16-18 sera mise en œuvre. Nous allons parler des sanctions à prendre au point de vue du droit international [...] quand des caricatures arrogantes seront dessinées et des films blasphématoires contre l’islam et/ou son prophète seront tournés et diffusés. » (NDLR : Interdit et sanctions : deux mamelles de l’islam).

Le 22 Janvier 2013, Ihsanoglu avait déclaré aux responsables britanniques qui assistaient, à Londres, à une réunion de haut niveau sur l’intolérance, que la question de l’islamophobie était de nos jours, de la plus haute importance, et «d’un intérêt vital». Il a encouragé l’Union européenne à réfléchir à ce problème et à trouver un terrain d’entente sur la lutte contre « l’intolérance et la discrimination des musulmans. ».

Visiblement, le génocide des Chrétiens et autres minorités non musulmanes dans certains pays membres de l’OCI n’est pas au programme de l’OCI sur la lutte contre l’intolérance et la discrimination.

S’adressant aux médias turcs, le 24 Juin dernier, avant la cérémonie d’ouverture à Bruxelles, Ihsanoglu avait mis en garde l’UE contre l’autorisation de tout discours qui pourrait être considéré comme hostile à l’islam.

Interdire l’utilisation du terme « terroriste islamique »

Par exemple, Ihsanoglu a exhorté l’UE à interdire l’utilisation du terme «terroriste islamique » (comme l’Administration Obama) et à le remplacer par le mot «djihadiste». Selon Ihsanoglu, « le jihad ne signifie pas nécessairement tuer l’autre». Il a également blâmé les Occidentaux d’avoir déformé la notion de jihad, pour l’appeler «guerre sainte». Il a dit que les érudits musulmans ont affirmé à plusieurs reprises que le mot jihad, mentionné dans le Coran, signifie simplement la « lutte » pour faire le bien et éliminer l’injustice, l’oppression et le mal de la société. (Belle taquyia. Ihsanoglu va-t-il expliquer cette délicate nuance aux « jihadistes » qui mènent le jihad en Syrie ?)

Pendant ce temps, l’OCI a organisé des colloques « anti-islamophobie» à travers l’Europe. Intitulé «les bavures contre l’islam et les musulmans dans les médias», le premier du genre a eu lieu à Bruxelles les 15 et 16 février 2012, et avait pour but de mettre en place des mécanismes d’information pour faire face aux campagnes diffamatoires contre l’Islam dans les médias.

Un autre organe de l’OCI appelé Organisation pour l’éducation, la science et la culture islamique (IESCO), a organisé un séminaire sur «la façon de traiter les images stéréotypées de l’islam dans les programmes de télévision européens. »

Le but de ce séminaire était d’aider les journalistes européens à identifier les caractéristiques des stéréotypes sur l’islam dans les programmes de télévision européens, mettre en évidence les dangers de la diffamation des religions, et clarifier la distinction entre la liberté d’expression et le droit à la différence culturelle, l’engagement de l’identité culturelle islamique et la lutte contre le racisme et la haine. (Le droit à la différence culturelle pour les musulmans, l’interdiction pour les non musulmans).

Selon Ihsanoglu, affirmer que l’islam est le problème, comme revendiqué dans le discours haineux de l’islamophobie, c’est nier les valeurs sublimes de l’Islam de paix, de compassion et de tolérance, et toutes les nobles vertus dont l’Islam est synonyme, depuis quatorze siècles : une civilisation tolérante, brillante et radieuse. (J’ai beau chercher, je ne vois aucun pays musulman qui corresponde à cette sublime définition)

Dans son dernier livre, intitulé L’Europe, la mondialisation et l’avènement du califat universel*, Bat Ye’or analyse en profondeur la relation opaque entre l’UE et l’OCI, qu’elle décrit comme une sorte de califat universel, exerçant un pouvoir important via l’UE, l’ONU et autres organisations internationales.

Une série de mesures visant à empêcher l’intégration des musulmans

Bat Ye’or y décrit un manuel de stratégie de l’OCI : «Stratégie de l’Action culturelle islamique en Occident», dans lequel l’OCI affirme que «les communautés d’immigrants musulmans en Europe font partie de la nation islamique» et recommande «une série de mesures visant à empêcher l’intégration et l’assimilation des musulmans dans la culture européenne. »

Selon Bat Ye’or, le califat est vivant et en pleine croissance en Europe. Il a avancé à travers la négation de dangers et l’obfuscation ou opacification de l’histoire. Il a progressé sur les tapis dorés dans les couloirs du dialogue, le réseau des Alliances et partenariats, dans la corruption de ses dirigeants, des intellectuels et des ONG, en particulier au sein des Nations Unies.

Lors du Sommet islamique, tenu au Caire le 12 Février 2013, les membres de l’OCI ont élu à l’unanimité Ivad bin Amin Madani.

Ce sera la première fois que l’OCI – qui se décrit comme le «seul et unique représentant officiel du monde musulman [...] le véritable porte-parole du monde musulman» – sera dirigé par un Saoudien, et selon de nombreux observateurs, l’OCI, sous la férule de Madani, deviendra encore plus extrémiste.

Pendant ce temps, Ihsanoglu continue à exhorter l’UE à accueillir l’islam en Europe, comme un membre de la famille et non en tant qu’invité. Il a déclaré que l’exclusion de l’Islam signifie ignorer le rôle influent de la civilisation islamique dans l’évolution de la civilisation occidentale.

Ils sont vraiment persuadés de la véracité de leurs mensonges, mais le plus grave, c’est qu’ils réussissent à convaincre les dirigeants européens de cette imposture, si bien que ce mythe devient une réalité pour de nombreux crédules.

Ihsanoglu parle de la « persécution des musulmans » en Occident. Quelle arrogance ! Les Chrétiens, les minorités non musulmanes persécutées, assassinées et considérées comme des souillures sur la terre islamique ? Pas un mot. Les génocides des non musulmans dans plusieurs pays membres de l’OCI ? Pas un mot. Les crimes, attentats terroristes quotidiens entre chiites et sunnites ? Pas un mot. 100 000 morts en Syrie, et le chiffre va doubler avant que le monde ne bouge ? Pas un mot non plus.

L’UE le sait, mais l’UE se tait, tout comme l’Administration Obama, qui, toutefois, exige des Chrétiens d’Egypte, par l’intermédiaire de son ambassadrice, qu’ils ne contestent pas les Frères musulmans.

Quant à l’apport de la brillante civilisation islamique à la civilisation occidentale, à part la barbarie, la cruauté, la violence, et ce depuis 14 siècles, jusqu’à aujourd’hui via l’immigration massive de musulmans, je ne vois que la destruction programmée de nos valeurs, de notre civilisation, la régression et le retour à l’obscurantisme, caractéristique de l’islam.

Chaque sondage dans chaque pays européen confirme le rejet de l’islam par toutes les populations, et une obstination de l’intensification de l’immigration par les élites et décideurs. Jusqu’à où, jusqu’au bout ?

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Rosaly pour www.Dreuz.info

Source : » OIC Opens Office in Brussels to Fight « Islamophobia » in Europe” by Soeren Kern (traduit, adapté et commenté par Rosaly)

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26 juin 2013 3 26 /06 /juin /2013 18:12

A priori, la défense est un domaine où la souveraineté nationale semble absolue. Domaine régalien par excellence, la défense dite "nationale" peut-elle échapper à l’État ?

Un article de l'aleps

Dans de précédents articles, nous avons montré comment il est possible de se passer du « Tout-État » dans les domaines de l’enseignement, de l’université, de la protection sociale (santé et retraites), de l’énergie, des transports, de la monnaie et de la finance. Mais peut-on imaginer que les fonctions « régaliennes » soient assurées par des entreprises privées ? Après avoir traité des questions de justice et de police, nous abordons aujourd'hui le domaine régalien par excellence, la défense : peut-elle échapper à l’État ?

 

La stratégie, les armes et les opérations

La défense recouvre trois réalités différentes. La stratégie est une étude de l’environnement international et des moyens de se protéger contre une menace ou une agression extérieure. Elle est affaire de renseignements, de diplomatie, elle dépend de choix éthiques sur la paix, la liberté, la condition humaine. Se doter des armes jugées nécessaires est un choix politique mais aussi financier, car il conduit à s’adresser à un marché mondial dont la transparence n’est pas toujours limpide. Enfin, les opérations sont menées sur le terrain par des armées, et les militaires ont la plupart du temps le statut de fonctionnaires. Ces trois éléments qui constituent la défense dite « nationale » peuvent-ils échapper à l’État ?

 

Alliances et organisations stratégiques

A priori, voilà un domaine où la souveraineté nationale semble absolue. Pourtant, les alliances sont aussi vieilles que le pouvoir politique. Certes elles peuvent se défaire aussi vite qu’elles se font. Mais les princes et les gouvernants ont eu souvent tendance à les institutionnaliser : la féodalité instaure des liens de suzerains à vassaux, la Sainte Alliance de 1815 gère les affaires européennes pendant un demi-siècle. Aujourd’hui, la défense s’organise difficilement au niveau d’un seul État, même s’il dispose de l’arme nucléaire, et la stratégie est définie dans le cadre et avec l’appui d’organisations pluri-nationales, comme l’OTAN. Les États ont donc consenti de nombreux abandons de souveraineté, ils pouvaient difficilement faire autrement.

 

Le marché mondial des armes

Ici on a un pied dans la logique marchande, un pied dans la logique politique. La production d’armes n’est plus systématiquement confiée à des administrations publiques nationales, les derniers arsenaux français ont disparu. Dans le domaine des avions de combat ce sont des firmes privées (Boeing, Dassault) qui proposent leurs produits. De même l’électronique, le nucléaire et le spatial sont la plupart du temps marchands. Cependant, le choix du fournisseur, et le prix que l’on est prêt à payer, appartiennent encore aux autorités publiques nationales. C’est souvent l’occasion de financements occultes, et les interférences entre les marchands d’armes et les formations politiques sont nombreuses et suspectes. De la fourniture d’armes aux "contras" nicaraguayens aux "rétrocommissions" de Karachi, les scandales se sont multipliés.  

 

Les armées contemporaines

L’histoire nous révèle des alternances surprenantes sur la constitution et le fonctionnement des armées. Dans la République de Platon, les guerriers constituent une classe privilégiée dont les membres sont sélectionnés sur leurs aptitudes physiques. De même la féodalité reposait-elle sur la location des services d’hommes forts et courageux, payés par les seigneurs eux-mêmes entretenus par les populations protégées. Les mercenaires constitueront la base des armées au moment de la constitution des grands royaumes européens, mais si les soldats sont privés, les chefs sont publics. Les soldats cessent d’être privés avec l’apparition de la conscription, qui remonte vraisemblablement à la Révolution Française. Ces armées nationales, composées de civils déguisés en soldats, sont loin d’avoir les vertus des armées de métier. La vie des soldats par devoir n’a pas de prix, leur formation et leur entretien sont réduits au minimum. Après les grandes guerres mondiales et la guerre du Viet Nam, cet "impôt du sang" a paru trop lourd et trop inégal. L’idée de revenir aux seules armées de métier a fait son chemin. L’évolution va aujourd’hui plus loin : vers de véritables armées privées, louant leurs services aux gouvernements : les Britanniques ont eu recours à la société Blackwater en Irak, les sociétés militaires privées sont présentes en Afghanistan (plus de mercenaires que de troupes "régulières"), les milices armées se multiplient en Asie du Sud Est.

Le monopole de l’État en matière de défense est donc bien entamé. Que va-t-il rester de l’État ?


Un spectre hante la société post-moderne : celui d’un Etat qui abandonnerait ses prérogatives régaliennes pour les confier au secteur privé, mieux à même de satisfaire les citoyens. 


Tout le monde s’accorde à reconnaître que justice et police fonctionnent mal en France.

La justice s’illustre par de retentissantes erreurs judiciaires, certaines font la une des journaux, d’autres, bien plus nombreuses, passent inaperçues. Les délais sont extrêmement longs, les cours sont encombrées, les procédures sont lentes, coûteuses. L’inertie étouffe les meilleures volontés. Les affaires sont vite classées, les peines parfois non exécutées.

La police, quant à elle, a des taux d’élucidation très bas (par exemple 10% pour les cambriolages, heureusement davantage pour les meurtres, ma spécialité - seulement littéraire, dois-je ajouter pour vous rassurer !). Comme la justice, on peut l’accuser d’obéir à des impératifs plus politiques qu’orientés vers la satisfaction du citoyen. Le fonctionnaire moyen, et on le comprend, préfèrera ne pas faire d’excès de zèle, n’ayant finalement rien à y gagner. Mieux vaut infliger des amendes aux honnêtes gens et leur grignoter petit à petit leur permis de conduire que de s’aventurer dans les zones de non-droit ou jouer les petits soldats dans certaines banlieues chaudes.

Le citoyen finit par comprendre que ces institutions et organisations chargées de le protéger sont d’abord à leur service, avant d’être au sien. Ainsi il s’en détourne autant qu’il le peut. Hélas, il n’a pas le choix, puisque l’Etat maintient un monopole des plus stricts dans ce domaine.

Il serait temps de considérer que la justice et la police sont des services comme les autres, au service de clients, justiciables ou plaignants, qu’il importe avant tout de satisfaire. D’autres services bien plus essentiels à notre vie, l’alimentation, l’habillement, la pharmacie (etc.) sont privés, et, sauf à vouloir mourir de faim, vivre nu, ou passer sa vie dans les files d’attente, on n’imagine pas que l’Etat les prenne un jour en charge. Comme dans les autres secteurs de la vie économique et sociale, la concurrence a du bon. Mieux, elle est le seul moyen de progresser vers une meilleure satisfaction des besoins.

Certes, la justice et la police ont un coût. Les sociétés d’assurance, par leur prise en charge de l’aléa, sont le mieux à même de pourvoir au coût des procédures de justice ou des enquêtes policières. Elles devraient élargir leur champ d’action pour suivre l’ouverture au privé des services de justice et de police (si elle survient un jour - peut-être dans quelques siècles !).

J’entends les objections de ceux qui craignent de voir de tels services confiés au privé. Ne vont-ils pas favoriser les plus riches ? De façon étonnante, on ne se pose pas la question de savoir si, déjà, les plus riches ne sont pas favorisés. Ne peuvent-ils pas, déjà, se payer les meilleurs avocats et donc avoir de meilleures chances de gagner un procès ? Embaucher des gardes du corps, et donc ne pas craindre de se faire agresser par les voyous, comme le commun des mortels ?

Quant aux juges et policiers privés, croyez-vous qu’ils seraient corruptibles ? Davantage que les juges et policiers publics ? Mais qui, dans la situation actuelle, n’a de compte à rendre à personne, si ce n’est à une hiérarchie bien peu regardante ? Dans quelle société le pouvoir des riches est-il le plus efficace : dans celle du maquis juridique, des passe-droits, des grilles des salaires rigides, de l’absence de motivation, ou dans celle où la responsabilité du juge et du policier serait directement engagée, comme c’est ou ce devrait être le cas pour toute personne qui gagne sa vie en offrant ses services à ses concitoyens ?

Le marché, fondé sur l’échange libre, n’est pas l’expression de la loi du plus fort, c’est un champ de concurrence pacifique par lequel le consommateur vote pour le plus compétent. La loi du plus fort existe quand le monopole de la force existe, et c’est l’Etat qui l’exerce à ce jour. La séparation des pouvoirs est alors illusoire, exécutif et judiciaire étant mêlés de façon inextricable. Les politiciens s’autoamnistient et certains d’entre eux sont protégés par une immunité scandaleuse. L’administration d’Etat devient intouchable. Le Léviathan prétend assurer notre protection, mais qui nous protègera du Léviathan ?

Certes, l’ultra-étatisme actuel ne s’avouera pas facilement vaincu, et mon ultra-libéralisme (le terme exact serait plutôt "anarcho-capitalisme") semble aujourd’hui ultra utopique, même si la littérature libertarienne a déjà étudié la perspective de confier à la société civile l’ensemble des tâches monopolisées par le « monstre froid » que stigmatisait Nietzsche.

J’ai conscience qu’il s’agit là d’une proposition, ou plutôt d’une simple considération, voire d’une extrapolation, qui est iconoclaste, et totalement irréaliste dans la situation actuelle, où la seule privatisation d’un dinosaure tel que GDF provoque des remous à droite et à gauche.

Pourtant, à long terme, il n’y a là rien d’utopique. L’arbitrage privé existe déjà, les polices privées également. Longtemps avant le monopole d’Etat, les tribunaux étaient privés. Les assurances "assistance juridique" existent déjà pour les particuliers. On reconnaîtra sans doute un jour que le marché est la seule organisation capable de procurer cette séparation des pouvoirs ultime qui garantit les droits fondamentaux de la personne. En attendant, on peut rêver, en espérant que le cauchemar sécuritaire ne vienne pas nous réveiller brutalement.


Défense nationale

De Wikiberal.

La Défense nationale est l'ensemble des moyens civils et militaires mis en œuvre par un État pour assurer l'intégrité de son territoire, la protection de sa population et/ou la sauvegarde de ses intérêts. Le terme, la Défense, qualifie couramment l'ensemble de ces moyens, généralement gérés par un ministère de la défense.

L'émergence d'une armée permanente a facilité l'émergence de l'État moderne, en rendant le monarque moins dépendant de ses vassaux à qui il devait demander de l'aide lors de conflits. En France, c'est sous le règne de Charles VII (1422-1461) que cette évolution eut lieu.

Point de vue libéral

Pour les libéraux classiques et les minarchistes, la défense nationale fait partie des fonctions régaliennes de l'État et doit donc être assurée par ce dernier.

Les anarcho-capitalistes divergent et considèrent que ce rôle peut être assuré par des armées privées, embauchées contractuellement par les individus ou des groupes d'individus.

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25 juin 2013 2 25 /06 /juin /2013 19:49
  Voici la traduction de l’intervention d’Alexandre Del Valle. (merci à Jenny pour la traduction)

 

Le danger du Processus d’Istanbul (pdf)

Discours d’Alexandre Del Valle le 9 juillet 2012 à la Conférence de Bruxelles organisée par l’Alliance internationales des libertés civiles/ICLA, International Civil Liberties Alliance.

 

Je tiens à remercier le Parlement européen et l’ICLA de nous accueillir ici.
Et avant de faire mon propre discours, je tiens également à vous transmettre les excuses de Bat Ye’or qui ne peut pas être ici avec vous aujourd’hui parce que son mari, David Littman, est décédé récemment en Suisse à la suite d’une longue maladie. Je peux témoigner combien depuis vingt ans, David a été courageux et constant dans la défense des démocraties et dans la lutte pour la liberté d’expression au Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies à Genève, contre les dictatures rouges-brunes-vertes. David nous a donné une leçon de courage et de dignité.

En effet, juste avant de mourir, et bien qu’il souffrait depuis deux ans d’un cancer massif, il a récemment publié son dernier livre consacré aux « Persécutions des Juifs sous l’Islam et dhimmitude ». Bat Ye’or elle-même, en dépit de la douleur causée par la maladie de son mari, a elle aussi récemment publié son dernier livre : La mondialisation, l’Europe et le califat à venir, publié aux Etats-Unis en 2011.

 

PLAN DE LA CONFÉRENCE

Le but de mon exposé est d’expliquer le rôle qu’a joué l’Organisation de la Coopération Islamique, l’OCI et ses quelques tentatives pour essayer d’interdire à travers le monde la liberté d’expression sur l’Islam.
1° Tout d’abord, je vais vous expliquer ce qu’est l’OCI et quels sont ses objectifs
2° Ensuite je développerai le concept fatal islamique de liberté de « diffamation des religions » soutenu par l’OCI et en partie par l’ONU
3° Je terminerai par le « Processus d’Istanbul » et la réaction occidentale contre le programme anti-liberté et théocratique de l’OCI.


Qu’est-ce que l’OCI et quels sont ses objectifs?

L’OCI est l’une des plus importantes organisations intergouvernementales du monde.
Elle regroupe 57 pays musulmans et vise à défendre les intérêts des musulmans et à développer une politique d’islamisation du monde entier.
Ses principaux dirigeants sont l’Arabie saoudite, le Pakistan, le Koweït, la Turquie, l’Égypte.

Les objectifs principaux de l’OCI sont :

  •  D’abord de ré-islamiser les pays musulmans et de soumettre les régimes musulmans et les populations à la charia. Dans ce cadre de la stratégie globale et théocratique de l’OCI, je pense que le “printemps arabe” a été un énorme succès pour les dictatures islamistes et pour l’OCI parce que de nombreux régimes laïques ont été destitués et la charia a progressé. C’est pourquoi je dis toujours que les premières victimes de l’islamisme radical sont les musulmans, les citoyens normaux musulmans, les musulmans combattants de la liberté, les femmes musulmanes, les musulmans laïcs et les minorités musulmanes souvent oubliées par l’Occident.
  •  Deuxièmement, d’islamiser l’Occident, en utilisant les immigrés musulmans et en empêchant leur intégration aux règles des non croyants occidentaux. (Ce que j’appelle volontiers ‘’l’apartheid islamique’’. C’est pourquoi, l’alliance occidentale aux régimes théocratiques sunnites tels que les dirigeants de l’OCI, est pour moi une alliance suicidaire.

Bien que divisées, les 4 principales tendances du programme d’islamisation mondiale de l’OCI que je décris dans mes livres (“Le totalitarisme islamique” – 2002 – et “Pourquoi les chrétiens sont assassinés dans le monde d’aujourd’hui, la nouvelle christianophobie” – 2011) ont en commun les objectifs impérialistes de l’OCI de soumettre le monde étape par étape.

Ces 4 partisans principaux de la charia et des groupes théocratiques qui combattent les démocraties laïques et les sociétés ouvertes dans le monde sont :
- le wahhabisme saoudien et le salafisme (à la tête de toutes les principales organisations islamiques sunnites, des ONG et des banques) ;
- les Frères Musulmans (nés en Egypte, mais puissants dans tous les pays arabes) ;
- le mouvement turc Milli Görüs (une sorte de Frères musulmans turco-néo-ottoman) et son AKP du gouvernement Erdogan à Ankara ;
- les sunnites Indo-pakistanais (qui par exemple soutiennent les Talibans, de nombreux groupes radicaux et terroristes partout dans le monde et de nombreuses associations intolérantes et radicales en Europe).

 

La Déclaration islamique des droits de l’homme

- La première victoire de l’OCI a été la proclamation en 1981 de la « Déclaration islamique universelle des droits de l’homme » visant à faire prévaloir la charia sur les lois laïques et sur la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.
- En 1990 au Caire, l’OCI a adopté une nouvelle Déclaration « islamique universelle des droits de l’homme en Islam ».
Son Préambule insiste plus nettement sur la supériorité de la loi islamique sur les droits civils et sur la liberté d’expression.
Bien que ces deux Déclarations islamiques des droits de l’homme n’aient pas eu d’effet contraignant, cela constitue pour l’OCI une véritable victoire parce que l’ONU a légitimé ces Déclarations fondées sur la charia.


Le concept de «diffamation des religions» et l’islamophobie

La deuxième étape du plan de l’OCI a été mise en oeuvre avec succès à l’intérieur de l’Organisation des Nations Unies depuis 1999, date à laquelle l’OCI a commencé à promouvoir le concept de « diffamation des religions ».
Ce concept est une grave menace pour nos valeurs démocratiques car il vise, en tant que moyen d’« empêcher l’intolérance » et la haine religieuse, à restreindre la liberté d’expression.
Il compare étrangement le droit de critiquer l’islam – une religion – à un crime raciste et à la haine ethnique ou à l’insulte. Tout le monde sait et comprend que la religion n’est pas une race, mais la force et l’efficacité de cette confusion fabriquée à dessein par les activistes islamistes et leurs alliés gauchistes, est basée sur le fait que toute forme de critique contre l’islam est punie et ciblée en tant que « racisme », même en Europe.

 

Le rôle du Pakistan

A l’intérieur du Conseil de Droits de l’Homme des Nations Unies et de l’OCI, le Pakistan a été le promoteur le plus actif des résolutions destructrices de liberté et du concept étrange et dangereux de « l’islamophobie ».
En 1999, le Pakistan a présenté au CDH une résolution sur la « diffamation de l’islam » qui a ensuite été adaptée pour inclure toutes les religions (la « diffamation des religions »). Mais les textes adoptés par le CDH ne dénoncent clairement que « l’islamophobie », concept créé par l’ayatollah Khomeiny en 1990 pour justifier une condamnation à mort contre Salman Rushdie et après cela pour accuser et martyriser les soi-disant « occidentaux islamophobes ».


UNE ACCUSATION EN MIROIR

Un énorme paradoxe. Nous pouvons remarquer que les principaux partisans de la « diffamation de la religion » sont les États les plus intolérants et christianophobes du monde, comme l’Arabie saoudite ou le Pakistan !
Ces régimes totalitaires fanatiques qui tuent les « apostats » et persécutent les Chrétiens et les non-musulmans sont mal placés pour donner des leçons de morale aux démocraties !
Par exemple, rappelons que le Code pénal du Pakistan condamne à mort le blasphème, les blasphémateurs, les « apostats » et les minorités non musulmanes qui « insultent l’islam »ou sont prosélytes.
Le Pakistan est l’un des États les plus intolérants de la planète à l’égard des minorités chrétiennes. En effet, rappelons que récemment l’ancien ministre pakistanais chrétien, Shahbaz Bhatti a été tué en mars 2011 simplement parce qu’il a défendu Asia Bibi, une chrétienne condamnée à mort pour « blasphème » juste parce qu’elle a osé boire « de l’eau musulmane » alors qu’elle travaillait dans le champ avec des collègues musulmans qui l’ont dénoncée… Rappelons que seulement quelques semaines auparavant, un homme politique musulman modéré et tolérant, l’ancien Gouverneur du Penjab, a également été tué juste parce qu’il a affirmé l’innocence d’Asia Bibi et qu’il a demandé sa libération…

On peut voir le même « deux poids, deux mesures » au Conseil des droits de l’homme, (créé en juin 2006), qui condamne toujours l’« islamophobie » de l’occident, mais qui reste toujours silencieux sur les massacres commis de nos jours par des groupes ou des régimes radicaux islamistes contre les « païens », les « apostats », les musulmans libéraux, les Chrétiens ou les Hindous bouddhistes-au Pakistan, au Bengladesh, au Tchad, au Soudan, au Nigeria, au Pakistan ou en Egypte.
En effet, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU contrôlé par les pays islamiques et leurs alliés « anti-occidentaux rouges » au Moyen-Orient, en Asie, en Amérique latine et en Afrique (le groupe des non-alignés et ce que j’ai appelé l’alliance « rouges-bruns-verts des États voyous »), n’a jamais osé criminaliser la christianophobie…

 

Revenons au plan décennal liberticide de l’OCI

Pourtant en 2001, l’ancienne Commission des droits de l’homme avait adopté une résolution contre la « diffamation des religions » et « l’islamophobie ».
L’un des objectifs était d’adopter une résolution internationale contre l’islamophobie qui imposerait des sanctions dissuasives à ceux qui osent critiquer l’islam ou qui dénoncent la violence légale de la charia.
- En décembre 2005 une très importante « Résolution contre la diffamation des religions » a été prise par le Pakistan avant d’être présentée à l’Assemblée générale des Nations Unies.
- En mars 2007, une résolution non contraignante qui désignait l’islam comme la seule religion concernée a été acceptée à une majorité de 108 voix.

Le texte dénonçait le fait qu’après le 11 Septembre, l’islam était trop souvent associé au terrorisme, à la violence et aux violations des droits de l’homme.
Nous devons souligner cette stratégie perverse : au lieu de faire une auto critique et de combattre les racines de la charia de l’islamo-terrorisme, l’OCI a utilisé la tragédie du 11 Septembre comme nouveau prétexte pour culpabiliser l’Occident en l’accusant de « crucifier les musulmans » et en introduisant un « choc des civilisations ».
C’est aussi pourquoi les Nations Unies ont créé l’« Alliance des civilisations » pour lutter contre ce que Samuel Huntington a appelé le « choc des civilisations ».
En fait, ce que l’on appelle « Alliance des civilisations » concentre de nombreux groupes anti-démocratiques et des régimes islamiques comme l’Iran ou la Turquie, et les démocraties occidentales qui partagent une « politique d’apaisement » commune et une dhimmitude délibérée envers le monde islamique hostile et anti-occidental. Étrangement, l’occident se sent coupable de ce « choc des civilisations » attribué aux « néo-conservateurs américains » et aux défenseurs de l’Occident, mais les principaux responsables sont les états anti-démocratiques « rouges-bruns-verts » qui veulent détruire les droits de l’homme universels et les sociétés ouvertes en accusant l’Occident de tout et en diffusant une idéologie de haine contre la civilisation européenne et américaine elle-même.

En mars 2008, dans ce cadre de « post guerre froide » et anti-occidentale, une nouvelle étape, beaucoup plus grave, a été franchie lorsque la plus haute instance de l’ONU a adopté cette Résolution de l’OCI.
L’Assemblée générale a déclaré être profondément « blessée par la diffamation de la religion et de l’islam dans le monde entier et en particulier dans les démocraties occidentales » (en prétextant que les guerres d’Irak et d’Afghanistan étaient « islamophobes » et des « génocides » de musulmans), mais elle n’a pas dit un mot en soutien des Chrétiens massacrés dans le sud Soudan à la même époque.

Au nom de la conception subversive de la tolérance, l’OCI a demandé que les démocraties occidentales introduisent dans leur droit civil une pénalisation de « l’islamophobie ».
Comme l’a dit devant nous le grand penseur occidental Sir Karl Popper, la Tolérance a été utilisée par des Intolérants pour détruire les sociétés Tolérantes au nom de la Tolérance…
- En 2009, 23 pays ont voté en faveur de la Résolution.
- En 2010, une autre Résolution similaire a été adoptée par le Conseil des droits de l’homme (condamnant l’initiative populaire suisse interdisant les minarets).
- En juin 2010, prenant la parole au nom de l’OCI, le Pakistan a demandé au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU de prendre des mesures énergiques contre « l’islamophobie » en Occident.


2011 : Première victoire du camp de la liberté

Curieusement, en juin 2011, après de nombreuses années de résistance contre la conception de l’OCI de « diffamation des religions » et grâce à des gens comme David Littman et Roy Brown, un Comité du Conseil des droits de l’homme a décidé d’abandonner le concept de « diffamation des religions ».
Ce comité de l’ONU était composé de 18 experts indépendants « de haut niveau » qui ont conclu que les lois anti-blasphème telles que celles mises en oeuvre en Égypte, en Arabie Saoudite ou au Pakistan, sont en violation des Droits de l’homme.

 

La Résolution 16/18 de décembre 2011

Mais les concepts de « diffamation des religions » et d’« islamophobie » ont été reformulés par l’OCI et en d’autres termes, dans une nouvelle Résolution (appelée “16/18″) présentée au Conseil des Droits de l’homme et adoptée par consensus le 19 décembre 2011.
Cette Résolution 16/18 visait le même objectif liberticide, mais indirectement, en « luttant contre l’intolérance, les stéréotypes négatifs, la stigmatisation, la discrimination, l’incitation à la violence et à la violence contre des personnes en raison de leur religion ou de leur croyance ».
Elle n’emploie plus le terme « diffamation des religions », mais une autre expression plus astucieuse : « les bases de leur religion ou de leur croyance », ce qui veut dire en fait exactement la même chose. Cette nouvelle formulation insiste sur la protection des personnes et non plus sur la religion elle-même, ainsi qu’elle avait été rejetée.

 

Le « Processus d’Istanbul » contre la liberté de pensée et d’expression

Après cela, une nouvelle stratégie pour mettre en oeuvre la ‘’Résolution 16/18’’ a été conçue par le Secrétaire général turc de l’OCI, Ihsanoglu, qui décida de tenir une réunion internationale à Istanbul en juillet 2011.
Cette nouvelle « Conférence d’Istanbul » de l’OCI visait à interdire toute critique des religions et de l’islam sous le prétexte de combattre « l’intolérance contre les religions ».
Permettez-moi maintenant de vous citer le texte lui-même de l’OCI concernant cette nouvelle stratégie : La séance de ‘’brainstorming’’ d’Istanbul a permis de produire de nouvelles idées en faisant avancer de façon nouvelle la légalité de la notion de « diffamation des religions » sur le plan de l’actuel cadre des Droits de l’homme.
Le texte de l’OCI dit : “nous devons créer l’environnement nécessaire favorable à l’« interdiction de la diffamation des religions et l’incitation à la haine, à la violence et à la discrimination pour des motifs religieux » :
- « L’OCI s’est montré cohérent en soulignant l’importance des limites au droit à la liberté d’opinion et d’expression, dans un cadre structuré multilatéral et à la lumière des événements comme le brûlage du Coran, selon le « test des conséquence ».

 

Qu’est-ce que le « Test des conséquences ? »

C’est un concept très dangereux, car il ne rend pas coupable de violence islamique les fanatiques musulmans qui tuent les intellectuels anti-islam, mais les caricaturistes ou les islamophobes eux-mêmes, comme les caricaturistes danois ou Theo Van Gogh ; tous ceux qui « provoquent » la réaction violente des musulmans en « blessant leurs croyances ».
« Nous appelons à une prise de conscience mondiale sur les implications (conséquences) dangereuses de la montée de l’islamophobie sur la paix et la sécurité mondiales. Nous insistons sur la nécessité de développer à l’ONU, y compris au Conseil des Droits de l’homme, un instrument institutionnel juridiquement contraignant afin de promouvoir le respect de toutes les religions et les valeurs culturelles et de prévenir l’intolérance, la discrimination et l’incitation à la haine contre un groupe ou les adeptes d’une religion ».

Après la première réunion d’Istanbul du 12 au 14 décembre 2011, l’OCI a rencontré à Washington l’administration Obama afin de convaincre le président américain Barak Obama à adhérer à ce « Processus d’Istanbul » et à mettre en oeuvre la Résolution 16/18 adoptée le 24 mars 2011 à Genève.
Avec l’approbation verbale officielle d’Hillary Clinton, l’OCI a marqué un coup diplomatique important.
Maintenant, à la suite de l’administration Obama, l’Union européenne envisage désormais d’accueillir la prochaine réunion du Processus d’Istanbul, programmée pour juillet 2012.

 

Qu’en est-il de l’Union européenne ? Que pouvons-nous faire ?

Tout d’abord, l’Europe DOIT DIRE NON à une quelconque limitation ou pénalisation du droit de critiquer une religion !
Même en tant que croyant, jamais je ne soutiendrai une loi qui limite le droit de quiconque de critiquer ma religion, parce que chacun doit pouvoir exprimer sa propre réflexion sur une idéologie ou une religion.
Nous pouvons et nous devons bloquer ce processus, car il a été bloqué une fois en 2010-2011.
Cela doit être arrêté par les démocrates, par les combattants de la liberté, par les dirigeants laïques, par les défenseurs des droits de l’homme, à l’ONU, l’UE, etc.
Je pense que les membres du Parlement européen peuvent jouer un rôle très efficace en rejetant cette nouvelle étape du plan de l’OCI tuant la liberté.

 

Crucifier ceux qui crucifient ! L’émergence d’une nouvelle rhétorique.

Deuxièmement, nous devons utiliser les mêmes armes efficaces que celles des islamistes radicaux, celles des stratèges de l’OCI et de leurs alliés politiquement correctes « gauchistes » ou “goodists”/bien-pensants.
Comment ? En s’impliquant davantage dans la « sémantique » ou le « combat verbal ». Parce que depuis le début de l’humanité et depuis que les hommes parlent, celui qui contrôle les mots contrôle les esprits par des mots-clés. En raison des liens étroits entre le cerveau et les mots, cette « guerre sémantique » conduit à une « guerre psychologique ». C’est pour cela que les gauchistes et les islamistes sont très efficaces lorsqu’ils utilisent ce que j’appelle « les armes neuro-sémantiques » qui visent à culpabiliser leurs ennemis en les crucifiant, en les ciblant et en se présentant comme des « victimes », « bonnes » ou « des résistants anti -fascistes »… Nous savons tous combien c’est de l’imposture et c’est mensonger, mais leur guerre sémantique est efficace depuis les années 1960… et paralyse le vieil Occident et l’Europe qui se sent coupable de son passé et de son présent.
Dans ce contexte, nous pouvons aussi, principalement par la contre-accusation (ne jamais justifier, toujours accuser), contrecarrer cette offensive islamo-gauchiste de pénaliser « l’islamophobie » et de crucifier « l’intolérant » ou « le fasciste-raciste » occidental.

1° Tout d’abord, bien que beaucoup d’entre nous soient laïques, non-chrétiens, non-musulmans, juifs ou athées, nous devons agir avec les mêmes armes que l’OCI en accusant les pays islamiques de persécuter, de tuer, de mettre en prison, ou de massacrer les chrétiens, les non-musulmans, les musulmans libéraux-apostats, et montrer à l’ONU, à l’UE et à tous les organismes internationaux, que les pays musulmans et l’OCI, tout simplement reprochent l’islamophobie occidentale et sanctionnent les critiques de l’islam afin de cacher le fait qu’ils persécutent leurs minorités. Cette accusation miroir reposant sur le camouflage de leur christianophobie en accusant l’Occident d’être « islamophobe » a pour but d’éviter toute réaction des non-musulmans à l’encontre du but islamique de l’OCI de conquérir et d’islamiser l’humanité.

 

Revenir sur leur stratégie de Reductio ad Hitlerum…

2° Deuxièmement, nous devons utiliser ou « retourner » à nos adversaires ce que l’important philosophe germano-américain juif, Leo Strauss appelait en 1953, le ‘’Reductio ad Hitlerum’’. Le ‘’Reductio ad Hitlerum’’ consiste à reprocher, à diaboliser et à démolir l’autre en l’accusant d’être « fasciste, nazi », raciste, ou agissant comme des nazis, etc.
Contre cette accusation islamo-gauchiste permanente, nous devrions plus souvent rappeler l’importante alliance entre le mouvement palestinien, les Frères musulmans, les régimes arabo-musulmans et les nazis, les néo-nazis et les « négationnistes » depuis les années 1930 jusqu’à maintenant. Nous devrions rappeler que les Frères musulmans, l’ancien président égyptien Abdel Nasser et de nombreux partis politiques islamistes comme le Hamas, ont admiré ou admirent encore le Grand Mufti de Jérusalem, le chef arabo-islamiste le plus important qui était un ami personnel et un allié d’Hitler.
Nous devons répondre que l’Arabie saoudite, l’Iran, le Liban, la Syrie, l’Irak, le Pakistan, le Hezbollah, le Hamas et même la Turquie « pro-occidentale » sont, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les principaux promoteurs du négationnisme, du nazisme, des publications antisémites, des doctrines et des idées de haine.
Nous devons montrer que lorsque les islamistes et leurs alliés gauchistes pro-Hamas et pro-Hezbollah se présentent comme « les nouveaux juifs » persécutés par le « nouvel Etat nazi israélien » et par leurs « alliés impérialistes américains », ils ne font qu’insulter l’Holocauste juif, la mémoire juive et l’histoire juive.

La conclusion et la réalité c’est que l’islamisme radical est le nouveau nazisme, le Troisième Totalitarisme, le Nouveau Fascisme mondial, le système de haine le plus efficace, le totalitarisme antisémite le plus terrible, l’idéologie la plus raciste et la plus impérialiste. Et les premières victimes de cette idéologie de Destruction massive sont tout d’abord les musulmans qui vivent sous la menace et la terreur, deuxièmement les chrétiens et les minorités non-musulmanes.

Au contraire, les combattants de la liberté anti-djihad, les partisans d’Asia Bibi, les combattants anti-charia qui veulent libérer les musulmans et les non-musulmans vivant sous des régimes totalitaires sont les vrais nouveaux Résistants. Ils ne sont pas antimusulmans, mais ils sont pour des sociétés ouvertes, pour la tolérance et ils se battent contre tout type de nouveau fascisme et de dictature, même si ce nouveau fascisme se cache derrière une religion.

Nous devons être sûrs de nous-mêmes. Maintenant les sociétés ouvertes doivent cesser de se justifier. Au contraire, nous devons réagir et faire qu’ils se sentent coupables. Nous devons demander à leurs gouvernements qu’ils s’excusent pour les génocides et les crimes qu’ils accomplissent contre tant de Chrétiens, de ‘’païens’’, d’athées, ‘’d’apostats’’, de ‘’blasphémateurs’’ en Arabie Saoudite, en Turquie, en Irak, en Égypte, au Pakistan, au Soudan ou au Nigeria.

 

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Elisabeth Sabaditch-Wolff (Autriche)  Alexandre del Valle & Alain Wagner (France)

 

Essayiste, Géopolitologue, co-fondateur de l’Observatoire géopolitique de la Méditerranée (basé à Chypre) ; Membre du Conseil de Rédaction de la Revue française de Géopolitique Outre Terre, Alexandre Del Valle inscrit toutes ses études, interventions et écrits dans le cadre de la démarche géopolitique qui consiste à étudier « les rivalités de pouvoirs autour des territoires ou ressources », ainsi que les « représentations » développées par les acteurs en lice.

 

Alexandre del Valle est avant tout un chercheur libre et indépendant, à l’image de la géopolitique, qui est une démarche analytique étrangère au manichéisme, au parti-pris et à l’ostracisme.

Fils de Pieds Noirs (mère espagnole d’une famille antifranquiste réfugiée à Oran ; père Italien de Tunisie), del Valle est né et a vécu les premières années de sa vie dans le Sud de la France (PACA), il a réalisé la majeure partie de ses études à Aix-en-Provence (Institut d’Etudes Politiques), ainsi que deux années complémentaires à Milan (Facoltà di Scienze Politiche di Milano) et à Science Po-Paris (Prépa ENA).

 

Foncièrement « méditerranéen », Alexandre del Valle s’est vite spécialisé dans la géopolitique du Monde arabo-musulman. Ayant découvert le Liban au début des années 90 dans le cadre de missions humanitaires et d’études, il a commencé à écrire sur le conflit libanais et les minorités juives et chrétiennes en Terre d’Islam avant de se pencher sur la montée de l’Islamisme radical dont il fut un des premiers à souligner la menace dans le cadre du monde de l’Après Guerre froide.

Depuis quelques années, les travaux d’Alexandre del Valle sont consacrés à l’étude des mouvements révolutionnaires et totalitaires (« Rouges-Bruns et Verts »), du terrorisme, puis des grands phénomènes de Désinformation géopolitique (« Guerre des Représentations »).

 

• Doctorat de géopolitique à la Sorbonne (Paris IV), recherches sur « les nouveaux phénomènes révolutionnaires et totalitaires » (Rouge Brun Vert) dans le cadre de l’Observatoire Géopolitique et de Recherches européennes (OGRE).
• Diplôme d’Etudes Approfondies, Histoire Militaire -Sécurité -Défense, Institut d’Etudes Politiques d’Aix-en-provence/Université Montpellier III.
• DEA européen d’Histoire des Doctrines politiques et des institutions Politiques, université de Sciences Politiques de Milan/IEP d’Aix-en-Provence.
• Diplôme de l’Institut d’Etudes Politiques d’Aix-en-Provence, section Relations Internationales. Mémoire sur « Le maronitisme politique et le Liban moderne».


Retrouvez la tribune d’Alexandre  del Valle de cette semaine sur Atlantico*
 

Depuis que le scandale autour du film islamophobe L’innocence des musulmans a éclaté à l’occasion de l’anniversaire du 11 septembre sur une chaîne islamiste égyptienne, beaucoup d’encre et de sang ont coulé. Les fanatiques salafistes ont ressuscité un film (au départ passé totalement inaperçu) attribué à un américano-égyptien, qui a lui-même tenté de le faire endosser par des “donateurs juifs sionistes”. Cette version a naturellement trouvé un écho favorable chez les islamistes, adeptes de théories conspirationnistes, qui rendent juifs et Américains responsables de tous les maux des musulmans.

La suite est connue qu’elle se soit déroulée à Benghazi (Libye), en Egypte, en Tunisie, au Yémen ou en Allemagne. Très vite, on est passé de l’antijudaïsme et de l’anti-américanisme à une haine antioccidentale généralisée. Au Pakistan, des “blancs” ont été attaqués, menacés ou insultés juste parce qu’ils avaient des faciès d’Occidentaux.

Ceci dit, et contrairement à ce qu’ont laissé croire les médias, meilleures caisses de résonance des islamistes, peu de mobilisations massives ont réellement eu lieu, excepté celles organisées au Pakistan par les partisans de la peine de mort pour le blasphème, puis au Liban, à l’appel du Hezbollah chiite. Il est vrai que la République islamique iranienne chiite, parraine de ce dernier, refuse de se faire voler la vedette dans la lutte antioccidentale et la chasse à “l’islamophobie” : un Ayatollah a donc opportunément ressuscité l’affaire Salman Rushdie en portant à 3 millions de dollars le contrat mis sur la tête de l’auteur des Versets sataniques.

 

Et l’Ayatollah Khomeiny inventa l’expression “d’islamophobie”

Rappelons que c’est l’Ayatollah Khomeiny qui lança en 1989 l’expression “d’islamophobie” et qui testa le premier les capacités de réaction (et de soumission) de cet Occident qu’il méprisait et jugeait lâche. A l’époque déjà, plutôt que de défendre en bloc Salman Rushdie, les responsables politiques et religieux occidentaux se désolidarisèrent des propos “blasphématoires” de l’écrivain, jugés responsables de la “colère” des fous de Dieux qui tuèrent d’ailleurs le traducteur japonais des Versets Sataniques.

Quelques années plus tard, les dirigeants occidentaux et les médias se désolidarisèrent d’une autre Voltaire du monde musulman, la Somalienne “apostat” Ayaan Hirsi Ali, devenue députée hollandaise, puis de Théo Van Gogh, qui produisit avec elle le filmSubmission qui “offensait les musulmans”. Ces deux “islamophobes” furent accusés d’avoir “provoqué” l’ire de leurs bourreaux, et Van Gogh fut assassiné en pleine rue par un islamiste hollandais d’origine marocaine proche d’Al-Qaïda, Mohammed Bouyeri, tandis que Hirsi Ali dut s’exiler aux Etats-Unis pour fuir les menaces de mort…

Depuis lors, intimidé par le fanatisme et tenu par ses “alliés” musulmans producteurs de pétrole (et / ou protecteurs des Talibans et d’Al-Qaïda comme le Pakistan ou l’Arabie saoudite), l’Occident a systématiquement abdiqué face aux offensives-tests des partisans de la censure islamiste désireux de répandre l’esprit de la charia et de la “dhimmitude” en l’Occident. Citons les déclarations officielles des dirigeants américains et européens (excepté l’Italie et le Danemark) condamnant les caricaturistes danois de Mahomet (du journal Jyllands-Posten, en 2005) et les propos mal compris du Pape Benoît XVI sur l’islam tirés du discours Foi, raison et université (septembre 2006).

Plus récemment, le film anti-islam, L’Innocence des Musulmans et les énièmes caricatures de Mahomet diffusées par Charlie Hebdo ont été officiellement condamnés par Barack Obama et Hillary Clinton, jusque dans des spots publicitaires diffusés en boucle dans les télévisions du Pakistan… Déjà en 2009, dans son discours du Caire, plutôt que de demander amicalement aux Etats musulmans de combattre les jurisprudences le plus liberticides de la charia et les persécutions des minorités, Barack Obama prononça un discours totalement déresponsabilisant et victimisant pour les Musulmans mais qui culpabilisait en revanche la supposée “islamophobie” de l’Occident et vantait les “Lumières de l’Islam” sans jamais oser parler de réciprocité dans la tolérance.

Dorénavant, les grands médias et responsables occidentaux renvoient dos à dos les caricaturistes pacifiques et les islamistes terroristes, comme si les premiers étaient comparables à des fanatiques qui trouvent toujours un prétexte pour étancher leur soif de sang et atteindre leurs objectifs liberticides. Dans le pays de Voltaire, où le droit au blasphème s’exerce contre l’Eglise catholique sans jamais être dénoncé officiellement, le Premier ministre Jean Marc Ayrault et le Quai d’Orsay ont fait une exception pour l’islam en désavouant les caricaturistes. Renouant avec l’esprit munichois, les Occidentaux vont souvent encore plus loin que certains officiels et médias arabo-musulmans qui ont parfois bien plus clairement que leurs confrères occidentaux refusé d’analyser les violences obscurantistes comme des “réactions à l’offense” (voir les éditos courageux d’Al Sharq al Awsat, de L’Orient le Jour, ou de Tahar Ben Jelloun et du tunisien Abdelwahhab Medeb).

Pétris de mauvaise conscience d’ex-colonisateurs, les médias, clergés et politiques européens sont tombés dans le double piège tendu par les islamistes : celui des fanatiques qui intimident en tuant ; et celui des interlocuteurs islamiques officiels, qui assortissent le rejet des violences à une exigence de pénalisation de “l’islamophobie”.

 

Le “jihad juridique” de l’Organisation de la Coopération islamique (OCI) et des Frères musulmans

Ainsi, pour calmer la “colère” des uns et satisfaire les requêtes liberticides des autres, les responsables occidentaux s’excusent collectivement pour des actes “islamophobes” commis par quelques uns, alors que ni les gouvernements ni les masses d’Occident n’en sont d’aucune façon justiciables. En reculant de la sorte, ils reconnaissent de facto la nécessité de limiter la liberté d’expression. Erreur stratégique majeure, car en condamnant les journalistes ou scénaristes qui “provoquent” la colère des islamistes, ils incitent ces nouveaux censeurs à exiger toujours plus.

C’est ainsi que Mahmoud Gozlan, porte-parole des Frères musulmans, tout en saluant les critiques du gouvernement français envers Charlie Hebdo, a immédiatement invité la France à adopter des lois pour pénaliser l’islamophobie, osant même dresser un parallèle avec les lois mémorielles condamnant le négationnisme et l’antisémitisme : “Quiconque doute de l’existence de l’Holocauste est emprisonné, mais si quelqu’un insulte le Prophète, ses compagnons ou l’Islam, le maximum que fasse (la France) est de présenter ses excuses en deux mots. Ce n’est ni juste ni logique”, a lancé Mahmoud Gozlan. “Nous rejetons et condamnons les caricatures françaises qui déshonorent le Prophète et nous condamnons toute action qui diffame le sacré”, a déclaré quant à lui, Essam al Erian, haut responsable du Parti liberté et justice (PJD, Frère musulman) au pouvoir en Egypte, exigeant que la justice française “s’attaque au problème avec autant de fermeté que pour les photos seins nus de la duchesse de Cambridge, Kate Middleton”, publiées dans Closer.

Dans ce processus de renversement des responsabilités à des fins liberticides, l’organisation de la Coopération islamique (OCI), plus grande organisation intergouvernementale après l’ONU, regroupant 57 pays musulmans et dont l’Arabie saoudite, le Pakistan, la Turquie et l’Egypte sont les leaders, joue un rôle capital à l’échelle mondiale. Sous couvert de “défense des minorités musulmanes menacées”, l’OCI use de son influence pour empêcher l’intégration des immigrés musulmans d’Occident, pris en otage par les barbus et abandonnés par nos gouvernements capitulards qui les confient depuis des années aux prédicateurs étrangers et aux Etats islamiques “alliés” qui combattent tout prosélytisme chrétien chez eux et refusent toute réciprocité mais répandent la “vraie foi” en Europe et ailleurs…

§  Pour entériner cette absence totale de réciprocité et imposer la suprématie de la charia sur la conception laïque et universelle des droits de l’homme, en 1981 et en 1990, l’OCI a proclamé deux “Déclarations islamiques universelles des droits de l’homme” faisant prévaloir l’esprit de la Charia et limitant la liberté religieuse (condamnation du blasphème et du droit à choisir sa religion). Et depuis 1999, l’OCI a tenté de faire transcrire dans le droit international, notamment au sein des Nation Unies, les concepts de “diffamation des religions” et d’”islamophobie”, véritables armes de guerre juridiques contre la liberté d’expression et pour promouvoir la Charia dans le monde. 

Comble du paradoxe : les principaux Etats partisans de la pénalisation de l’islamophobie au sein de l’OCI sont les plus christianophobes ou les plus intolérants : Arabie saoudite, Soudan, Pakistan ou Turquie (candidate à l’entrée dans l’UE mais niant toujours le génocide d’un million et demi de chrétiens arméniens et araméens…) Rappelons qu’à l’intérieur de l’OCI et du Conseil de Droits de l’Homme de l’ONU (CDH), le plus virulent promoteur de la pénalisation de l’islamophobie, le Pakistan, persécute officiellement ses minorités à travers un Code pénal qui condamne à mort les “blasphémateurs” ou les prosélytes chrétiens qui “insultent l’islam”. Rappelons qu’en 2011, l’ancien ministre pakistanais des minorités, chrétien, Shahbaz Bhatti, puis l’ancien gouverneur du Penjab, musulman, furent tués pour avoir proposé l’abolition de la loi sur le blasphème et demandé la libération de la célèbre mère de famille chrétienne condamnée à mort pour blasphème, Asia Bibi. C’est ce même Etat qui, en 1999, présenta au CDH une résolution sur la “diffamation de l’islam” (édulcorée ensuite en “diffamation des religions”).

Même “deux poids, deux mesures” au Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, où l’”islamophobie” de l’Occident est officiellement condamnée, alors que les persécutions des chrétiens et des autres minorités au Pakistan, en Arabie saoudite, au Soudan, au Nigeria ou en Egypte sont systématiquement niées avec la complicité des pays occidentaux qui n’interviennent dans ces instances que pour sanctionner les pays (en général pro-Russes et pro-Chinois ou pro-Iraniens) qui menacent leurs intérêts stratégiques et pétroliers, et qui épargnent toujours les monarchies esclavagistes sunnites “alliées” du Golfe ou du Pakistan qui persécutent les chrétiens et les chiites…

Grâce à cette inversion des responsabilités, on observe que depuis le 11 septembre 2001, non seulement les Etats islamiques les plus liés aux Talibans et à Al-Qaïda (Arabie saoudite, Egypte, Afghanistan et Pakistan) n’ont toujours pas entrepris leur nécessaire autocritique, mais ils ont été auto-exonérés de combattre les racines idéologico-théologiques du totalitarisme islamiste (qu’ils favorisent dans leurs chancelleries et madrasas) en accusant Occidentaux et “sionistes” de “persécuter” les musulmans et de soi-disant  ”salir l’islam”.

Ainsi, en mars 2008, après trois années de violences islamistes en “réaction” aux “caricatures” de Mahomet ou au discours “islamophobe” de Benoît XVI, l’ONU adopta une résolution de l’OCI condamnant la “diffamation des religions” (en fait de l’islam). L’Assemblée générale se déclara “profondément blessée par la diffamation de la religion et de l’islam dans le monde entier et en particulier dans les démocraties occidentales”, en prétextant que les guerres d’Irak et d’Afghanistan étaient des “génocides” de musulmans, mais elle passa totalement sous silence les massacres de chrétiens dans le sud Soudan ou ailleurs…

L’OCI exigea que les démocraties occidentales pénalisent l’”islamophobie”. En 2010, une autre Résolution fut adoptée par le CDH condamnant l’initiative populaire suisse interdisant les minarets. En juin 2011, un Comité du Conseil des droits de l’homme décida d’abandonner le concept de “diffamation des religions”, en rappelant que les lois anti-blasphème comme celles en vigueur en Égypte, en Arabie Saoudite ou au Pakistan violent les Droits de l’homme.

Mais ce concept liberticide fut reformulé par l’OCI avec la Résolution “16/18″ adoptée le 19 décembre 2011 au Conseil des Droits de l’homme, résolution qui combattait “l’intolérance, les stéréotypes négatifs, la stigmatisation, la discrimination, l’incitation à la violence contre des personnes en raison de leur religion ou de leur croyance”.

 

Le “Processus d’Istanbul”à l’assaut de la liberté d’expression

La nouvelle stratégie pour appliquer la ‘’Résolution 16/18’’ fut conçue par le Secrétaire général de l’OCI, Ekmeleddin Ihsanoglu (diplomate turc nommé par le parti islamiste AKP au pouvoir à Ankara), lors d’une réunion internationale de l’OCI organisée à Istanbul en juillet 2011. Cette “Conférence d’Istanbul” appelait à interdire toute critique de l’islam sous le prétexte de combattre “l’intolérance contre les religions”. Elle permit de faire avancer de façon nouvelle la notion de “diffamation des religions” appliquée aux Droits de l’homme.

Le texte de l’OCI invitait à “créer l’environnement nécessaire favorable à l’interdiction de la diffamation des religions et l’incitation à la haine, à la violence et à la discrimination pour des motifs religieux (…) soulignant l’importance des limites au droit à la liberté d’opinion et d’expression, dans un cadre structuré multilatéral et à la lumière des événements comme le brûlage du Coran, selon le test des conséquences”.

Or ce concept très dangereux, qui nous ramène à l’actualité des caricatures de Mahomet et du film anti-islam, repose sur une formidable inversion des responsabilités : il ne rend pas les fanatiques responsables des violences mais les caricaturistes eux-mêmes, accusés de “provoquer” les réactions violentes des islamistes, simples “conséquences” de l’islamophobie, d’où l’impératif de la punir légalement. La “Déclaration d’Istanbul” alerte le monde à propos “des implications (conséquences) dangereuses de la montée de l’islamophobie sur la paix et la sécurité mondiales. Nous insistons sur la nécessité de développer à l’ONU, y compris au Conseil des Droits de l’homme, un instrument institutionnel juridiquement contraignant afin de promouvoir le respect de toutes les religions et les valeurs culturelles et de prévenir l’intolérance, la discrimination et l’incitation à la haine contre un groupe ou les adeptes d’une religion”. Après la première réunion d’Istanbul du 12 au 14 décembre 2011, l’OCI rencontra à Washington l’Administration Obama afin de convaincre le Président américain d’adhérer au “Processus d’Istanbul ” et de mettre en oeuvre la Résolution 16/18 de 2011.

Avec l’approbation officielle d’Hillary Clinton, l’OCI marqua un coup diplomatique majeur. Désormais, c’est l’Union européenne qui envisage d’accueillir la prochaine réunion du “Processus d’Istanbul”.  

Les démocraties du monde entier doivent refuser toute forme de limitation ou de pénalisation du droit d’expression, y compris celui de critiquer les religions, même les plus “susceptibles”. Car certains principes universels ne sont ni négociables ni “adaptables” en fonction des cultures religieuses, ou alors il faudrait admettre le sacrifice humain, l’esclavagisme ou l’infériorité des sous-castes sous prétexte qu’ils sont permis dans certaines religions. Il convient donc de retourner contre les fanatiques les mêmes armes redoutables qu’ils utilisent pour accabler les démocraties laïques, en rappelant notamment que nombre de pays de l’OCI persécutent ou tuent les non-musulmans, les musulmans libéraux et les incroyants en toute impunité. Les démocraties occidentales, de culture judéo-chrétienne, doivent agir elles-aussi au sein des Nations unies afin de dénoncer l’accusation-miroir de l’OCI qui reproche “l’islamophobie” de l’Occident mais cautionne la christianophobie islamique légitimée par les “lois anti-blasphème” ou “anti-prosélytisme”.

La triste réalité est que l’islamisme radical antioccidental, tel que conçu et diffusé jusque dans les banlieues européennes par les prédicateurs salafistes formés dans des pays soi-disant “alliés”(Pakistan, Arabie saoudite, etc), est le système de haine globale le plus combattif et efficace, l’idéologie totalitaire antisémite et christianophobe la plus en vogue. Partout, ce “fascisme vert” anti-occidental progresse grâce à la peur qu’il suscite et à la violence qu’il déploie. Et ceci doit hélas beaucoup aux médias occidentaux qui font plus d’audimat avec les barbus fanatiques qu’avec des musulmans libéraux… Or, d’évidence, les premières victimes de ce “fascisme religieux” sont les minorités et les musulmans modérés, qui vivent sous la menace et la terreur permanentes. Un phénomène croissant que le “Printemps arabe” (vite devenu un “hiver islamiste”) n’a pas endigué, mais plutôt accéléré. Car de Rabat à Sanaa, en passant par Tunis, Damas ou Bagdad, la source de légitimité du pouvoir est la Charià, qui, lorsqu’elle est appliquée dans sa version orthodoxe ou radicale, n’est jamais une bonne chose pour les minorités et les adeptes de la liberté…

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30 avril 2013 2 30 /04 /avril /2013 12:26
Critique Libertarienne 

Pendant des siècles, la guerre fut un service public garanti par l'Etat. Envoyer ses fils à l'abattoir était, tout comme l'école républicaine, à la fois gratuite et obligatoire. Hélas, entretenir la guerre sur le long terme s'avérait vite au-dessus des capacités des fonctionnaires chargés de s'en occuper. Ces irresponsables, qu'en termes techniques on appelle des militaires, n'ont jamais été foutus de faire tourner un conflit à plein régime de façon fiable et sûre. A chaque fois, ces incompétent dilapident tout leur budget en à peine quelques années, ils doivent baisser les bras et se résoudre à déclarer un cessez-le-feu. C'est ruineux pour le contribuable et indigne d'une société moderne. Heureusement, dans le cadre de la libéralisation des monopoles publics, très bientôt le secteur du carnage de masse sera privatisé et déréglementé. L'Armée, symbole de l'inefficacité administrative, sera enfin ouverte à la concurrence et pourra goûter aux bienfaits de l'économie de marché : après un bon dégraissage du personnel inutile, la productivité va exploser. Dans l'univers dystopique des corporatistes, ce miracle a bien eu lieu et l'humanité est maintenant en guerre totale contre elle-même depuis des temps indéfini. Grâce au socialisme sans entrave, la guerre s'est enfin démocratisée : elle est devenue permanente, rentable, réellement universelle et à la portée de tout un chacun. Plus personne ne sait vraiment contre qui ou quoi on se bat, mais on se bat partout et tout le temps. Bref, le mythe de l'Homme nouveau fonctionne enfin avec un mode de vie en parfaite adéquation avec sa nature profonde.


 

Gustave de Molinari (1819-1912)
 

          Aussi bien dans les pays où l'État appartient à la nation que dans les États d'ancien régime, la guerre continue de subsister comme un risque inévitable et fatal. Ce n'est pas cependant un phénomène naturel qui échappe au pouvoir de l'homme. Les guerres entre les peuples civilisés dépendent de la volonté des gouvernements, et elles peuvent toujours être évitées. Ce qui le prouve, c'est que les dissentiments et les conflits d'intérêt les plus sérieux sont fréquemment vidés par des négociations ou un arbitrage. Et quand on examine les causes ou les prétextes des guerres qui ont ravagé le monde depuis un siècle, on s'aperçoit qu'elles ont été engagées uniquement sous les pressions des intérêts d'un petit nombre d'individus en possession du mécanisme de l'État. Enfin, lorsqu'on fait le compte des avantages qu'ils pouvaient en tirer en cas de succès, on est étonné de l'énormité du prix auquel ils les achètent. Il est vrai qu'ils profitent de ces avantages tandis que le prix en est payé par la nation.

 

          La guerre franco-allemande [1870-71] nous fournit à cet égard une illustration saisissante. Si la responsabilité de cette guerre peut justement être attribuée au vaincu, celle de l'annexion de l'Alsace-Lorraine au mépris de la volonté manifeste de la population annexée appartient au vainqueur. Quels en ont été les résultats? Au point de vue des intérêts immédiats de la classe gouvernante de l'État allemand, ces résultats ont été évidemment avantageux. Elle y a gagné une augmentation du débouché de ses fonctionnaires militaires et civils, et subsidiairement celle des bénéfices que le maintien et l'accroissement nécessaires des armements procurent aux fabricants et commanditaires de l'appareil de guerre. En revanche, la nation est condamnée à supporter indéfiniment les frais de cet appareil et d'une guerre possible de revendication des provinces conquises. Entre les avantages de la classe gouvernante de l'État, les charges et les risques de la masse de la nation gouvernée, la disparité n'est-elle pas colossale? 
  
          Autant peut-on en dire de toutes les guerres modernes, guerres entre les peuples civilisés et guerres coloniales. Elles ont, sans aucune exception, été entreprises en vue de satisfaire les intérêts de la classe ou du parti en possession de l'État, et il faut ajouter qu'elles n'ont point rencontré d'obstacles dans les institutions constitutionnelles. La classe gouvernante a pu changer ou se modifier, mais son intérêt particulier et immédiat est demeuré le mobile permanent de sa politique. Lorsqu'une guerre lui paraît présenter plus de risques de perte que de chances de bénéfices, elle s'abstient de l'engager; lorsque les chances de bénéfice l'emportent, elle n'hésite pas à l'entreprendre, sans rechercher ce qu'il en pourra coûter à la nation. 
  
          C'est qu'il est dans la nature d'une classe ou d'un parti de n'envisager que son intérêt, sauf à le confondre avec l'intérêt national et à le cacher sous le masque flatteur du patriotisme. C'est encore que les sentiments altruistes, lorsqu'ils dépassent l'étroite limite des sympathies que l'homme est capable de ressentir, ne prévalent pas contre le plus faible intérêt, dût la satisfaction en être achetée par un dommage cent fois, mille fois plus considérable infligé à autrui. On pourrait aisément s'en convaincre en évaluant le montant des profits ou des avantages que les guerres modernes ont rapportés aux souverains et aux partis qui les ont engagées sans avoir pris la peine de consulter les nations, et en les comparant à l'énormité des frais et des souffrances de la masse des gouvernés qui en ont pâti. 
  
          Au point de vue de l'intérêt général des nations civilisées, la guerre est la plus effroyable des calamités et la multitude qui en supporte partout les frais et les maux en est depuis longtemps convaincue. Peut-être les amis de la paix prennent-ils une peine superflue en entreprenant de l'en persuader. Ils prêchent des convertis. En revanche, il est permis de douter que leurs prédications soient assez efficaces pour avoir raison des intérêts qui poussent à la guerre, à l'entretien et à l'accroissement continu des armements qu’elles nécessitent. C'est au sentiment qu'ils font appel, mais si forts que soient les sentiments, ils le sont moins que les intérêts. Un intérêt ne peut être vaincu que par un intérêt plus fort. 
  
          Lorsque la conscience de sa force existera dans la multitude gouvernée, il lui suffira, pour établir la paix entre les nations civilisées et la perpétuer, de recourir au procédé par lequel le seigneur le plus fort l'imposait aux plus faibles, au temps de la féodalité. Ce serait certainement un rêve et même un rêve anti-économique de vouloir unifier le gouvernement des nations en établissant une monarchie ou une république universelle. Mais cette unification, qui ne serait ni praticable ni désirable entre les gouvernements, est en voie de s'opérer entre les nations. Il y a déjà entre les nations, même les plus éloignées, plus d'intérêts communs qu'il n'y en avait naguère entre les provinces les plus rapprochées de la même nation, et ces intérêts créés par l'échange des produits, des capitaux et du travail, ont un égal besoin de la paix. 
  
          Lors donc que ces intérêts pacifiques seront devenus assez forts et conscients de leur force, ils pourront obliger les gouvernements à s'associer pour interdire à un État quelconque de vider par la guerre ses querelles et ses différends, en appuyant cette interdiction par une force collective. Alors se produira le même phénomène qui a été, au sein de chaque nation, la conséquence de l'unification de l'État: le désarmement, impliquant la suppression des armées et des fortifications particulières, et leur remplacement par un armement commun, destiné à préserver la civilisation du risque des invasions des barbares. Grâce à la prépondérance acquise par les nations civilisées, ce risque ne comporterait plus que la moins coûteuse des primes d'assurance. 


     « Lorsqu'une guerre lui paraît présenter plus de risques de perte que de chances de bénéfices, [la classe gouvernante] s'abstient de l'engager; lorsque les chances de bénéfice l'emportent, elle n'hésite pas à l'entreprendre, sans rechercher ce qu'il en pourra coûter à la nation. »
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          Remarquons qu'il suffirait même pour assurer la permanence de la paix entre les nations civilisées d'adapter le droit des gens aux conditions nouvelles d'existence que leur ont faites les progrès de l'industrie et l'extension des échanges. 
  
          En remontant à l'origine du droit des gens, on trouve que l'ensemble des règles qui constituent ce droit avait pour objet d'assurer le libre exercice de l'industrie des propriétaires d'État: la guerre. Non seulement toute société propriétaire d'un État entreprenait une guerre quand elle la jugeait conforme à son intérêt, elle la conduisait à sa guise, exterminait ses ennemis et s'appropriait leurs domaines sans que les autres sociétés eussent rien à y voir, mais si elle s'imposait l'obligation de respecter le domaine des neutres, ceux-ci s'abstenaient de leur côté d'entraver, d'une manière ou d'une autre, la liberté de ses opérations; et ces deux règles étaient établies et généralisées comme des coutumes dont l'expérience avait démontré l'utilité. 
  
          Cependant quand les relations commerciales et en particulier le commerce maritime commencèrent à se développer, les opérations de guerre causèrent aux neutres des gênes et des dommages. Le blocus des ports de l'ennemi interrompait leur commerce; les marchandises neutres étaient capturées avec les navires qui les transportaient; les belligérants recherchaient et confisquaient les marchandises ennemies sous pavillon neutre. Mais la guerre étant la plus productive de toutes les industries et celle de la caste souveraine des États, les gênes et les dommages qu'elle causait aux classes inférieures ne pouvaient être mise en balance avec les avantages que les belligérants pouvaient tirer de la destruction du commerce ennemi. Ces pratiques destructives étaient généralement acceptées comme utiles, les neutres sachant qu'ils en useraient à leur tour lorsqu'ils passeraient à l'état de belligérants, ce qui était le cas ordinaire. 
  
          Il en alla ainsi aussi longtemps que les intérêts commerciaux n'eurent qu'une faible importance. Mais déjà à la fin du XVIIIe siècle, l'extension des relations internationales avaient provoqué la résistance du commerce maritime contre le droit que s'attribuaient les belligérants de rechercher et de confisquer la marchandise ennemie à bord d'un navire neutre, et d'une autre part, des protestations de plus en plus vives s'élevaient contre le pillage de la propriété privée. Ces progrès du droit des gens ont fini par se réaliser, la maxime que le pavillon couvre la marchandise a été adoptée par la généralité des États civilisés; le respect de la propriété privée, de la vie et de la liberté des populations qui ne prennent point part à la guerre est devenu du moins en théorie sinon toujours en pratique, une règle que les armées sont tenues d'observer et qui est d'ailleurs conforme à leur intérêt. 
  
          Cependant d'autres progrès seront, selon toute apparence, suscités par le développement de la grande industrie. Avec l'extension du commerce international qui en a été la conséquence s'est accrue dans des proportions croissantes le dommage que la guerre cause aux neutres (Progrès réalisés dans les usages de la guerre. Journal des Économistes des 15 août et 15 septembre 1854. Reproduit dans les Questions d'économie politique et de droit public. T. II, p. 278). La guerre de la sécession américaine a infligé à l'industrie cotonnière de l'Europe des pertes qui se chiffrent par centaines de millions sinon par milliards. La guerre franco-allemande a provoqué une crise dont l'influence perturbatrice et déprimante ne s'est pas arrêtée aux frontières des belligérants. Dans l'état actuel du monde, la guerre prend de plus en plus le caractère d'une nuisance universelle. 
  
          Or, c'est une règle fondamentale du droit que tout dommage causé à autrui, sauf le cas de force majeure, doit être réparé et donne lieu à une indemnité. La guerre entre les peuples civilisés ne peut plus invoquer le cas de force majeure; elle est un acte libre et implique la responsabilité naturellement attachée à la liberté. Les neutres seront donc fondés à exiger une indemnité pour les dommages qu'elle leur cause, et, ces dommages étant inévitables, à se liguer pour les prévenir. Ainsi le droit des gens, après avoir reconnu et sanctionné la liberté de la guerre, c'est-à-dire de la concurrence sous sa forme destructive, sera amené à l'interdire et à apporter sa sanction aux mesures désormais conformes à l'intérêt de l'espèce qui pourront être prises pour la supprimer

 

Ce texte est extrait du chapitre XIII du livre Économie de l’histoire: théorie de l’évolution de l’économiste libéral Gustave de Molinari (1819-1912), publié en 1908.


De Wikiberal

 

La guerre qualifie tous les conflits confrontant des pays ou d'importants groupes de personnes utilisant la force physique et notamment des armes, mettant en œuvre tactique et stratégie, et se traduisant ou non par la mort de certains de ses participants ou de tiers.

Présentation

La guerre est l'acte politique par lequel des États décident de recourir à la loi du plus fort, faute de pouvoir concilier ce qu'ils estiment être leurs droits, leurs devoirs et leurs intérêts. Parmi les exemples les plus sanglants, la campagne de Russie de Napoléon tient une bonne place; la Grande Armée, forte de 422.000 hommes à son départ, n'en comptait plus que 10.000 à son retour en Pologne. La bataille de la Moskova (ou "bataille de Borodino", 7 septembre 1812) avec près de 80.000 victimes est la plus sanglante de toutes les batailles connues.

Si l'on veut bien faire abstraction des prétextes idéologiques, tenant au nationalisme, à la gloriole ou aux ambitions personnelles des dirigeants, les guerres ont presque toujours des causes économiques (et cela même pour les guerres civiles, souvent davantage politiques et idéologiques). Quelques exemples :

  • les guerres puniques (aussi importantes pour l'époque antique que le furent les guerres mondiales au XXe siècle) ont des origines complexes, mais certains historiens expliquent qu'elles ont éclatées suite à l'ambition de Rome (dominée alors par une économie paysanne primitive) de conquérir la riche Sicile, sous influence carthaginoise ;
  • la guerre de Cent Ans (1337-1453) : les raisons profondes de ce conflit tiennent à la crise démographique, économique et sociale que traversa l’Europe du XIVe siècle ;
  • les guerres napoléoniennes sont en partie le prolongement des guerres engendrées par la Révolution française de 1789, elles mêmes explicables en grande partie par la ruine et les destructions causées par la Révolution, plutôt que par l'hostilité du reste de l'Europe (la campagne d'Italie est typique de cette volonté de renflouer par la rapine un Trésor bien asséché sous le Directoire) ; une fois un pays conquis par les armées impériales, Napoléon ne manque jamais de se préoccuper du montant des taxes à infliger aux populations et du recouvrement de l'impôt dans ce pays (en témoignent les nombreuses lettres conservées) ;
  • la Seconde Guerre mondiale s'explique en grande partie par la situation économique dramatique de l'Allemagne nazie[1].

La guerre est ainsi souvent vue par les gouvernements interventionnistes comme une solution à tous leurs problèmes économiques. En réalité, cette fuite en avant s'avère bien plus coûteuse pour le pays, mais ce n'est pas le souci des politiciens, protégés par leur irresponsabilité institutionnelle.

Points de vue libéraux

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Affiche anti-guerre de Ron Paul

 

D'un point de vue libéral, une guerre n'est justifiée qu'en réponse à une agression, de même que l'usage de la force ou de la contrainte entre deux individus. Le droit d'ingérence, motif fréquent d'entrée en guerre d'un état qui n'est pas agressé, ne fait pas l'unanimité parmi les libéraux.

Pour les libertariens, la guerre découle directement du monopole de la sécurité que s'arrogent les États.

Nombre de penseurs libéraux ont souligné l'importance de la guerre dans le développement des États modernes. Ainsi, dans son histoire du pouvoir, le philosophe Bertrand de Jouvenel souligne l'importance du passage des armées féodales, levées par les vassaux, à une armée royale permanente pour l'affermissement du pouvoir de la monarchie.

D'autres auteurs libéraux ont souligné l'opposition entre sociétés guerrières et sociétés libérales. Le sociologue Herbert Spencer défend par exemple une philosophie de l'Histoire inscrite dans une perspective évolutionniste et dans laquelle les sociétés industrielles (ouvertes, dynamiques, productives, reposant sur le contrat et la liberté individuelle) supplantent progressivement les sociétés militaires (guerrières, hiérarchiques, holistes, figées, fermées sur elles-mêmes). La sauvagerie est non du côté du capitalisme libéral mais du socialisme et de ses avatars, qui participent pour lui des sociétés militaires en ce qu'ils opposent les classes dans une lutte permanente [2].

Le philosophe Alain développe une analyse proche, dans Mars ou la guerre jugée, œuvre écrite en 1936 par un auteur encore marqué par la première guerre mondiale à laquelle il a pris part. Il reprend cette opposition entre société commerciale pacifiée et société guerrière, écrivant ainsi : « Il n'est même pas commun qu'un commerçant songe seulement à tuer un concurrent heureux. Et n'oublions jamais que la passion guerrière va tuer, à coup sûr, non seulement des ennemis, mais des amis, des parents, des fils. Qui mettrait au jeu la vie de son propre fils pour des luttes commerciales ? »[3]

Guerre juste

La doctrine de la guerre juste est un modèle de pensée et un ensemble de règles morales qui indiquent à quelle condition la guerre est moralement acceptable. Cette notion existait déjà dans l'Antiquité, tant en Occident qu'en Asie (le Mahabharata indien donne le premier exemple historique de guerre juste).

Saint Augustin formalise le concept, en notant que l'Ancien Testament montre de nombreuses guerres approuvées par Dieu. Thomas d'Aquin exige trois conditions à la guerre juste :

  1. auctoritas principis : la guerre ne peut relever que de la puissance publique sinon elle est un crime. L'auctoritas principis s'oppose à la décision individuelle (persona privata) ;
  2. causa justa : la cause juste ; c'est cette dernière notion qui donne le plus lieu à interprétation ;
  3. intentio recta : l'intention ne doit pas être entachée de causes cachées mais uniquement dans le but de faire triompher le bien commun.

Pour Francisco de Vitoria et l'école de Salamanque, la guerre représente un des pires maux et l'on ne peut y recourir que pour éviter un mal plus grand. Cela peut justifier la guerre préventive contre un tyran susceptible d'attaquer. Toutefois, toutes les formes de dialogue doivent être utilisées au préalable et la guerre ne peut être que l'ultime recours. Avec Grotius, le concept sera englobé dans le droit international.

Pour Murray Rothbard  , "il y a guerre juste quand un peuple essaie de parer une menace de domination coercitive de la part d'un autre peuple, ou qu'il essaie de renverser une domination existante. En revanche, une guerre est injuste quand un peuple essaie d'imposer sa domination sur un autre, ou de conserver une domination coercitive déjà existante[4]. Bertrand Lemennicier conteste ce point de vue, car "la doctrine libertarienne est fondée sur un principe d'autonomie individuelle alors que la doctrine classique de la guerre juste est basée sur le concept de souveraineté de l’État" ; pour lui, seule la légitime défense peut justifier la guerre. De même, Hans-Hermann Hoppe affirme :

Il existe des guerres « justes », comme par exemple la guerre d'indépendance américaine et la guerre d'indépendance des États du Sud. Toutefois, pour être considérée comme juste, une guerre doit être de nature défensive, et une distinction nette doit être faite entre les combattants et les non-combattants. (7 décembre 2002)

On peut donc distinguer au moins trois concepts de "guerre juste" :

  • la légitime défense face à une agression ;
  • la non-assistance à personne (ou peuple) en danger (et donc le droit d'ingérence dans les affaires intérieures d'un pays) ;
  • et, si l'on pousse le concept dans ses extrêmes limites, les guerres préventives (certains politiciens parlent de "légitime défense préventive").

On peut noter que dans la conception classique du droit international qui prévalait jusqu'au XIXe siècle, seule la légitime défense justifiait la guerre. Le principe de uti possidetis considérait tout gouvernement comme légitime et souverain, existant de facto. Les désaccords sur les frontières ne devaient être réglés que par les États concernés, et non par une instance supranationale ou par d'autres pays.

"Guerre" dans un sens plus étendu

Les étatistes parlent parfois de "guerre" pour qualifier leur interventionnisme, par exemple la guerre contre la drogue. Ils croient pouvoir justifier leur action en désignant un ennemi fictif, ou une entité mal définie (comme avec la "guerre contre la finance" ou contre le capitalisme financier).

La "guerre des monnaies" désigne également les efforts des pays pour affaiblir leur monnaie dans l'espoir de se rendre ainsi plus compétitifs sur le marché mondial. C'est en réalité une guerre suicidaire :

En matière de dévaluation compétitive, celui qui « gagne » à court terme est celui qui perd gros à long terme. (Myret Zaki)
Ce qui rend une guerre des monnaies différente des autres guerres, c’est qu’ici, l’objectif est de se tuer soi-même. Malheureusement, je pense que les Etats-Unis vont gagner la guerre des monnaies. (Peter Schiff)

Notes et références

  1. Voir à ce sujet Le Socialisme en Chemise Brune Acrobat-7 acidtux software.png [pdf] essai sur l'idéologie hitlérienne, de Benoît Malbranque.
  2. Société industrielle et société militaire selon Spencer, Jean Cazeneuve in Revue française de sociologie, Vol. 2, No. 2, Guerre, Armée, Société (Apr. - Jun., 1961), pp. 48-53
  3. Alain, Mars ou la guerre jugée, 1936, p.71 de l'édition électronique UQAC, [lire en ligne]
  4. Conférence de Murray Rothbard lors de la Mises Institute’s Costs of War conference, à Atlanta, mai 1994, fichier audio :  [1].

Citations

  • Le complexe militaro-industriel contre lequel nous avait mis en garde le président Eisenhower est aujourd’hui devenu le monolithe vorace qu’il craignait de voir apparaître. Il gaspille bien plus d'argent que toute autre branche du gouvernement, probablement parce qu’il sait qu’il pourra toujours obtenir des quantités illimitées de chèques en blanc de la part d’un Congrès terrifié. (Ron Paul)
  • La première panacée d’une nation mal gouvernée est l’inflation monétaire ; la seconde, c’est la guerre. Toutes deux apportent une prospérité temporaire ; toutes deux apportent une ruine permanente. Mais toutes deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques. (Ernest Hemingway, Notes sur la prochaine guerre, 1935)
  • La guerre est une dispute entre deux voleurs trop peureux pour s'engager eux-mêmes dans la bataille. (Thomas Carlyle)
  • Les guerres ne sont pas déclenchées par l’accumulation d’armements. Elles éclatent lorsqu’un agresseur est convaincu qu’il peut atteindre son objectif moyennant un prix acceptable pour lui. (Margaret Thatcher)

Voir aussi

Bibliographie
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L'histoire D'amour Entre Les Socialistes Et La Guerre (for)





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6 décembre 2012 4 06 /12 /décembre /2012 13:58

Pourquoi la SF est-elle plus libertarienne que d'autres genres ? La question intéresse les amateurs du genre et les chercheurs en pensées politiques.

Par Ilya Somin, depuis les États-Unis.
 
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Le libertarianisme est plus présent dans la science-fiction et la fantasy que dans n'importe quel autre genre littéraire. De Robert Heinlein aux auteurs d'aujourd'hui, les libertariens sont parmi les maitres du genre. Même si beaucoup d'auteurs ne se définissent pas comme tel, ils utilisent des thèmes libertariens dans leurs œuvres.

Bien qu'il n'y ait pas d'enquêtes ni de données définitives sur le sujet, les lecteurs libertariens semblent plus attirés par la SF et la fantasy que par les autres genres. Les historiens du mouvement libertarien aux États-Unis insistent systématiquement sur  le rôle de la science-fiction au sein de celui-ci. Ayn Rand, probablement l'auteur libertarienne la plus lue, a inclus des éléments science-fictionnels dans ses romans, notamment La Grève.

Pourquoi la SF est-elle plus libertarienne que d'autres genres ? La question intéresse les amateurs du genre et les chercheurs en pensées politiques. J'essaierai d'expliquer à la fois pourquoi la SF est plus libertarienne et pourquoi ça importe.

La connexion entre libertarianisme et science-fiction est assez difficile à analyser car ces deux concepts sont sujets à controverses. Les libertariens ne sont pas d'accord entre eux sur bien des sujets : si la plupart s'accordent sur un gouvernement limité, certains veulent supprimer complètement l'État. De même, ils sont divisés entre ceux qui basent leur pensée sur l'existence de droits naturels et ceux qui insistent sur l'utilitarisme. Pour cet article, je définirai le libertarianisme, de façon assez large, comme la doctrine cherchant à imposer des limites strictes au pouvoir de l'État sur les sujets économiques et sociaux. Les anarchistes, les minarchistes, les jus-naturalistes et les utilitaristes seront tous d'accord sur ce point.

De façon similaire, des litres d'encre et un grand nombre de pixels ont été engloutis par le débat sur la définition correcte de ce qu'est la science-fiction. Là aussi, j'opterai pour une définition large et ouverte. La science-fiction inclut toute histoire se déroulant dans un monde extrêmement différent de notre quotidien ou de n'importe quelle société ayant existé par le passé. Cela englobe les mondes d'inspiration médiévale de la fantasy aussi bien que les futurs hi-tech, bien que parfois, je considèrerai la fantasy comme une catégorie à part.

L'importance de la politique dans la science-fiction

Pourquoi devrions-nous être concernés par la concentration inhabituellement élevée d'auteurs et de lecteurs libertariens dans le genre SF ? Il s'avère que la politique dans la science-fiction a des implications qui vont au-delà du genre lui-même.

La plupart des gens font peu attention à la politique mais dépensent beaucoup de temps et d'énergie à suivre la culture populaire. Et la SF constitue une part importante de cette culture. Un sondage Harris de 2010 montre que 26% des adultes américains lisent des romans de SF, faisant de la science-fiction l'un des genres littéraires les plus populaires, derrière les romans policiers et les thrillers. C'est donc une plus large proportion de lecteurs que celle qui lit des essais sur la politique (17%) ou sur l'actualité (14%). Et ce chiffre n'inclut pas les nombreuses personnes qui regardent des films et des séries de science-fiction. Étant donné sa popularité, la science-fiction pourrait bien influencer les opinions politiques d'une large majorité de gens.

En outre, la SF peut avoir une grande influence politique car elle affecte notre perception de ce que sera le futur. Cela inclut des idées sur les institutions politiques dont nous pourrions avoir besoin dans ce futur. Les gens lisent ou regardent bien plus de SF qu'ils ne lisent d'études sérieuses sur les tendances politiques et économiques à venir. La science-fiction a également un impact politique car une fraction importante de son lectorat est jeune. Toujours selon le sondage Harris, 31% des personnes entre 18 et 33 ans lisent ce genre contre 20% pour les plus de 45 ans. De nombreuses études montrent également que l'opinion politique des gens est plus susceptible de changer quand ils sont jeunes. Toute chose égale par ailleurs, un genre lu principalement par des jeunes est plus à même d'affecter leurs opinions politiques qu'un genre lu par des personnes plus âgées.

La SF a également tendance à attirer des lecteurs ayant un niveau d'éducation plus élevé que la moyenne ; ces personnes sont aussi plus à même d'être politiquement actives et influentes.

Pour ces raisons, la politique dans la science-fiction est digne d’examen même pour ceux qui n'ont que peu d'intérêt pour ce genre en tant que tel. De même, il est important d'essayer de comprendre pourquoi la science-fiction et la fantasy sont bien plus libertariens que les autres genres littéraires. Plusieurs facteurs sont à l'œuvre, certains ayant un rapport avec la nature du genre lui-même et d'autres avec la nature des gens susceptibles d'être attirés par les idées libertariennes.

La politique est loin d'être l'aspect le plus important d'un genre littéraire. De la bonne littérature peut militer pour de mauvaises idées politiques et inversement. Mais, bien que la politique soit loin d’être le seul aspect notable de la science-fiction, il est suffisamment important pour essayer de mieux le comprendre.

La prévalence des idées libertariennes dans le genre

La présence des libertariens dans la science-fiction et la fantasy a toujours été plus importante que dans tout autre genre littéraire. Robert Heinlein, l'un des pères fondateurs de la SF moderne, était un libertarien assumé. Plusieurs de ses livres contiennent des thèmes libertariens et anti-gouvernementaux. D'autres auteurs connus, comme Larry Niven, David Brin ou Vernor Vinge, se disent ouvertement libertariens. Il y a également un grand nombre d'écrivains qui ne se disent pas libertaires ou libertariens mais qui donnent néanmoins de fortes connotations libertariennes à leurs œuvres, particulièrement en exprimant un scepticisme vis-à-vis du pouvoir étatique. Ursula LeGuin, l'un des auteurs de SF les plus influents de ces 40 dernières années, est une anarchiste de gauche dont les vues antiétatiques se reflètent dans ses œuvres. On peut dire la même chose, dans une moindre mesure, de bons nombres d'auteurs non-libertariens.

Des tendances similaires sont également très répandues en fantasy. Les récentes œuvres de George R.R. Martin, Joe Abercrombie, Daniel Abraham et bien d'autres, ont adopté une vision très critique du pouvoir de l'État. À la fois dans le populaire Trône de Fer de Martin et dans la série de La Première Loi d'Abercrombie, presque tous les États sont de nature répressive et sont tous dépeints comme étant structurellement déficients. Ça contraste avec d'autres titres d'heroic fantasy plus classiques qui imputent les échecs du gouvernement à un méchant souverain et insinuent qu'il fonctionnerait bien mieux si seulement des personnes bienveillantes étaient au pouvoir. À l'évidence, la première approche est bien plus libertariens que la deuxième.

Durant la dernière décennie, les deux œuvres de fantasy ayant eu le plus grand impact culturel sont le classique de J.R.R. Tolkien, Le Seigneur des Anneaux (qui fut adapté en trois films à succès), et la série des Harry Potterde J.K. Rowling. Ces deux œuvres contiennent des notions très libertariennes.

Dans Le Seigneur des AnneauxTolkien a délibérément incorporé sa défiance du gouvernement. L'anneau de pouvoir, qui donne son titre au livre, permet à son porteur de contrôler la volonté d'autrui et finalement le corrompt en même temps. C'est, d'une certaine manière, une métaphore du pouvoir politique. Significativement, même les gens bien, comme Gandalf le magicien, ne sont plus dignes de confiance s’ils portent l’Anneau. S'ils essaient de l'utiliser, ils seront inévitablement corrompus par celui-ci. Le seul moyen d'éliminer la menace posée par l'Anneau est de le détruire car il ne peut pas être utilisé pour faire le bien. Cette attitude vis-à-vis du pouvoir politique, dont l’Anneau est le symbole, est très similaire à celle du libertarianisme.

De façon plus subtile, les quelques gouvernements représentés favorablement dans Le Seigneur des Anneaux sont tous de nature minimaliste. La Comté, la société où vivent les hobbits, n'a quasiment aucun gouvernement autre qu'une petite force de sécurité. À la fin du livre, lorsque l'Anneau est détruit et qu'Aragorn est couronné Haut-Roi, l'auteur laisse entendre qu'il n'endossera qu'un pouvoir minimum et appliquera le principe de subsidiarité aux régions vassales.

C'est dans le chapitre "Le Nettoyage de la Comté" que le symbole anti-gouvernemental est le plus explicite. Quand le méchant en second Saroumane prend le contrôle de la Comté, il instaure avec ses partisans un système "de collecte et de partage" grâce auquel l'État spolie la richesse de la population et la transfert vers des groupes qui lui sont politiquement favorables. Cet épisode fut vraisemblablement inspiré par le système de rationnement que le gouvernement de gauche du Labor Party laissa subsister après la Seconde Guerre Mondiale. Plus largement, il représente une critique du socialisme.

Tolkien lui-même n'était pas libertarien mais plutôt traditionaliste et conservateur. Il avait cependant une suspicion envers l’État qui se retrouve dans ses œuvres. Dans une lettre personnelle, il écrit que ses « opinions politiques penchent de plus en plus vers l'anarchie (philosophiquement parlant : l'abolition de toute autorité et non des moustachus qui posent des bombes). » Il poursuit en disant que « la tâche la plus indécente pour un homme, même saint… est de gouverner d’autres gens. Pas une seule personne sur un million n’est faite pour ça, et encoremoins celles qui en cherchent l’opportunité ». Beaucoup de libertariens seraient d'accord. Tolkien se démarque cependant du libertarianisme sur certains sujets, notamment son dégoût de l'industrialisation et de la technologie moderne. Cependant, son attitude vis-à-vis du pouvoir est très libertarienne.

Tout comme Le Seigneur des Anneaux, la série des Harry Potter de J.K. Rowling comprend aussi de forts thèmes libertariens. Les grands ennemis de Harry Potter et de ses amis Ron et Hermione sont le seigneur des ténèbres Voldemort et ses « mangemorts ». Mais ils se trouvent régulièrement en désaccord avec le Ministère de la Magie, le gouvernement du monde des sorciers. Dans son article "Harry Potter and the Half-Crazed Bureaucracy" le professeur de droit Benjamin Barton note que le ministère illustre les pires cauchemars de l'école des choix publics. C’est un gouvernement composé presque entièrement de bureaucrates irresponsables qui poursuivent leur petit intérêt personnel au dépens du bien public. Les fonctionnaires du ministère abusent régulièrement de leur pouvoir sans les contraintes de la presse, de l’opinion publique ou du processus démocratique. Ils violent les droits civiques, emprisonnent des innocents et se livrent à de la propagande grossière. Quand une bureaucrate du ministère, la pompeuse Dolores Ombrage, prend temporairement la tête de l'école de sorcellerie de Poudlard, elle institue un quasi règne de terreur.

Le ministère échoue également dans ce que la majorité des libertariens considèrent comme la fonction principale d'un gouvernement : la défense des personnes. En dépit des mises en garde répétées de Harry, de son mentor Albus Dumbledore et d'autres personnes, le ministère reste insouciant face à la menace de Voldemort, n'en prenant conscience que lorsqu'il est bien trop tard. La seule opposition réellement efficace à Lord Voldemort vient de l'Ordre du Phoenix, une organisation privée.

En fin de compte, Voldemort prendra le contrôle du ministère et utilisera son pouvoir pour décréter son règne de terreur. Toutefois, les abus perpétrés par le ministère sous le contrôle des mangemorts sont simplement une version extrême des pratiques normales ayant cours sous le règne des précédents ministres. Tous deux emprisonnent des innocents sans procès, tous deux persécutent leurs opposants politiques et tous deux sont irresponsables et égoïstes.

Au travers de sa série, Rowling sous-entend que les déficiences du ministère sont structurelles et non pas le résultat de mauvaises personnes au pouvoir. Même après que l'inefficace ministre de la magie Cornelius Fudge est remplacé, dans le sixième livre, par un chef plus déterminé, les performances du ministère ne s'améliorent pas. Il y a bien au ministère des fonctionnaires compétents et bienveillants comme Arthur Weasley, le père de Ron. Mais ils sont incapables de s'opposer efficacement aux bureaucrates les plus impitoyables qui dominent l'organisation. L'idée que les défauts du gouvernement sont inhérents et ne peuvent être allégés qu'en limitant les pouvoirs de l'État est centrale dans la pensée libertarienne.

À l'évidence, l'inefficacité du ministère face à Voldemort est, dans une certaine mesure, nécessaire pour l'intrigue. Si le ministère avait vaincu Voldemort tôt dans l'histoire, les héros n'auraient plus rien eu à faire. Cependant, Rowling n'était pas obligée de rendre le ministère de la magie aussi oppressif et inefficace, et elle n'avait pas à consacrer une grande part de l'intrigue à ses échecs.

Contrairement à Tolkien, Rowling n'a peut-être pas inclus consciemment cette thématique antigouvernementale dans son œuvre. Au dire de beaucoup, ses opinions politiques sont, pour une bonne part, d'un progressisme de gauche assez conventionnel.

Néanmoins, la série des Harry Potter reflète une suspicion très libertarienne vis-à-vis de l’action du gouvernement. Barton suppose que le portrait à charge que dresse Rowling du ministère de la magie provient de sa propre expérience fâcheuse des bureaucrates de l'aide sociale britannique, durant les années où elle était désargentée et seule pour élever ses enfants. Quoi qu’il en soit, la série contient des thèmes fortement libertariens, que l’auteur en soit conscient ou non.

Les idées libertariennes sont plus rares dans les films ou séries de science-fiction que dans les livres, probablement à cause de l'orientation politique d'Hollywood, fortement marquée à gauche. Contrairement aux écrivains de SF qui se spécialisent dans un genre, les producteurs et scénaristes d'Hollywood ont tendance à être plus généralistes. Cela inclut ceux qui travaillent sur des films ou des séries de SF. Ils expriment ainsi la tendance politique majoritaire dans leur profession plutôt que celle des écrivains de SF.

Malgré ça, le libertarianisme semble avoir influencé les travaux de Joss Whedon, probablement le producteur de SF et de fantasy le plus brillant de ces vingt dernières années. Whedon a dit avoir délibérément introduit des thèmes libertariens dans sa série de 2002 : Firefly. Ils sont également évidents dans sa célèbre série Buffy contre les Vampires, dans laquelle les institutions gouvernementales sont systématiquement présentées de façon négatives.

Bien que Buffy et ses amis soient scolarisés dans une école publique prospère qui ne manque pas de fonds, la plupart des fonctionnaires de cette école sont incompétents ou pire. Plus loin dans la série, les efforts du gouvernement US pour utiliser le pouvoir des vampires et des démons à son propre compte sont considérés de façon extrêmement négatives. L'intervention du gouvernement aboutira pratiquement au désastre. Par contraste, Buffy et ses amis, les "Scoobies", sont bien plus efficaces dans leur combat privé contre le monde des ténèbres. Comme dans Harry Potter, l'État se trouve être moins efficace que le secteur privé, même dans ses fonctions régaliennes. Pour souligner ce point, le colonel menant l’initiative gouvernementale dénonce Buffy et les Scoobies comme étant anarchistes, un qualificatif qu’ils adopteront par la suite.

Évidemment, une grande part de la science-fiction moderne n'est pas libertarienne. Beaucoup d'œuvres sont largement apolitiques et bien d'autres professent des idées conservatrices ou progressistes. Il y a même une longue tradition de science-fiction socialiste remontant au XIXe siècle avec les œuvres d'Edward Bellamy et d'H.G. Wells. La licence Star Trek (films et séries), peut-être la plus populaire des séries de science-fiction, dépeint un futur socialiste de façon favorable.

Toutefois, l'incidence des thématiques libertariennes dans la science-fiction est bien plus importante que dans le reste de la pop culture et les autres genres littéraires. Aucun autre genre ne peut se vanter d'avoir autant de libertariens parmi ses plus importants auteurs, et aucun n’a si bien transmis les idées libertariennes de façon régulière.

Pourquoi la science-fiction est-elle si libertarienne ?

La relative prévalence des thèmes libertariens dans la science-fiction tient à la fois de l'offre et de la demande. Du coté de l'offre, les écrivains libertariens sont plus susceptibles de travailler dans ce genre que dans d'autres. Du côté de la demande, les lecteurs libertariens sont plus à même d'être attirés par celui-ci.

Il y a plusieurs raisons expliquant pourquoi les écrivains libertariens sont plus nombreux que la moyenne. Contrairement à la littérature traditionnelle, qui se déroule la plupart du temps dans notre présent ou dans un passé historique, les œuvres de science-fiction prennent place dans des mondes très différents du nôtre. Ce qui rend plus facile pour les auteurs d'explorer des idéologies radicalement différentes de celles dominantes dans le monde réel, comme le libertarianisme. Les utopies et dystopies ont été la base de la science-fiction depuis ses origines. Les œuvres d'Edward Bellamy, H.G. Wells, Yevgeny Zamyatin et George Orwell sont des exemples de SF primitive bien connues. C’est également le cas de certains romans d'Ayn Rand, plus précisément La Grève, qui peuvent être considérés comme relevant de l'anticipation.

Cela ne différencie pas forcément le libertarianisme des autres idéologies préconisant un changement dans le statu quo politique. Et c'est indéniablement le cas des autres idéologies radicales qui sont présentes dans le genre, notamment le socialisme et l'anarchisme de gauche. Ça aide cependant à comprendre pourquoi le libertarianisme est surreprésenté par rapport aux idéologies plus courantes.

Une seconde connexion entre science-fiction et libertarianisme est l'optimisme vis-à-vis de la technologie. Malgré quelques rares exceptions, les libertariens ont tendance à être plus optimistes sur les possibilités des nouvelles technologies pour améliorer nos vies. Par rapport aux adhérents de la plupart des autres idéologies, ils sont plus à même d’accueillir favorablement des avancées technologiques comme le génie génétique, le clonage et l'énergie nucléaire. Bien qu’il y ait d’importants exemples de « technopessimisme » dans la science-fiction, le genre dans son ensemble tend vers l'optimisme technologique, créant ainsi une affinité avec le libertarianisme.

Bien évidement, le libertarianisme n'est pas le seul courant d’idées qui soit compatible avec l'optimisme technologique. Le communisme et le fascisme du début du XXe siècle étaient également confiants envers les technologies modernes, comme l'étaient de nombreux progressistes. Cependant, depuis l'essor des mouvements écologistes et la menace de l'arme atomique, la gauche politique s'est tournée vers le pessimisme vis-à-vis de la technologie. Quant aux conservateurs, ils n'ont toujours eu que de la suspicion envers celle-ci. Ainsi, le libertarianisme est plus compatible avec l’attitude générale de la science-fiction à l'égard des nouvelles technologies que les deux autres idéologies les plus répandues dans le monde occidental.

Une posture commune vis-à-vis de la tradition unit également les libertariens et les auteurs de SF. Le genre a une longue histoire de contestation des traditions sur des sujets politiques et moraux. Bien que des intellectuels libertariens, comme F.A. Hayek, aient insisté sur l’importance d’une tradition librement consentie dans le développement d'un marché libre et de la société civile, le libertarianisme dans son ensemble reste sceptique vis-à-vis de la tradition. Après tout, le contrôle de l'État sur l'économie et la société est une longue tradition dans beaucoup de pays.

Ce qui est vrai des écrivains l'est aussi des lecteurs. Eux aussi sont généralement plus ouverts aux idées nouvelles, plus optimistes vis-à-vis de la technologie et moins attachés à la tradition que les lecteurs des autres genres. Ils sont donc plus à même d’être libertariens.

Il y a également un élément de personnalité qui peut inciter les libertariens à devenir des amateurs de science-fiction et inversement. Dans une étude récente, le psychologue Jonathan Haidt démontre que, comparativement aux conservateurs et aux socialistes, les libertariens ont tendance à être plus rationnels mais moins empathiques vis-à-vis d'autrui. En d'autres termes, ils sont plus à même de préférer la logique au détriment des émotions comme base de leurs idées politiques. Cela ne prouve pas nécessairement que le libertarianisme est correct. Des tentatives de raisonnement logique peuvent parfois nous induire en erreur et les émotions sont parfois un guide bien utile de la réalité. Quoi qu’il en soit, privilégier la logique sur l’émotion est également une caractéristique de la science-fiction, ce qui explique pourquoi les lecteurs libertariens sont fortement attirés par ce genre.

La littérature traditionnelle se concentre principalement sur les personnages. Ce qui attire l'attention des lecteurs est une identification empathique avec un ou plusieurs personnages et leur développement émotionnel au cours de l'intrigue. Par contre, les histoires de science-fiction mettent l'accent sur la construction d'un univers. La vraie star du show n'est bien souvent pas le personnage principal mais le monde imaginaire créé par l'auteur. On pense à la Terre du Milieu de Tolkien, à l'Anneau-Monde de Larry Niven, au Westeros de George R.R. Martin ou au Terremer d'Ursula LeGuin. Les amateurs du genre adorent considérer le pour et le contre de ces mondes imaginaires, s'ils sont cohérents ou non. Une personne qui est plus attirée par la logique que par les émotions est plus à même d'apprécier ce genre de littérature, centré sur la construction du monde plutôt que sur le développement des personnages. Et une telle personne a plus de chance d’être libertarienne qu'une autre moins logique mais plus empathique.

Évidemment, les meilleures histoires de SF ont également de bons personnages et certains romans de littérature blanche développent des éléments de leur monde. Les deux ne s'excluent pas mutuellement. Néanmoins, c'est une règle générale : les récits de science-fiction tendent à privilégier la construction d'un monde sur le développement des personnages, là où la plupart des autres genres littéraires font le contraire.

Le mélange entre la réceptivité aux nouvelles idées, l’optimisme vis-à-vis de la technologie, le scepticisme à l'égard des traditions et le fait d'accorder plus de valeur à la raison qu’à l’émotion expliquent la prévalence du libertarianisme dans la science-fiction. Aucun autre genre ne combine toutes ces caractéristiques, et bien peu d'entre eux en ont plus d'une ou deux.

Conclusion

Libertarianisme et science-fiction ont une affinité de longue date. Ce n'est pas un accident si les œuvres d'auteurs comme Ayn Rand ou Robert Heinlein ont joué un rôle important dans la découverte des idées libérales par un nouveau public. La présence disproportionnée d’idées libertariennes est susceptible de continuer, tout comme la propagation de ces idées.

C’est un point critique car la science-fiction joue un rôle important dans la culture populaire et dans la conception qu’auront les gens des politiques du futur. Elle a aussi un public ayant beaucoup plus de chance d’être politiquement influant.

Dans le même temps, il est important de noter les limites du genre. Un tiers des hommes lisent de la SF contre seulement 20% des femmes. La science-fiction manque également du prestige intellectuel dont jouit la littérature traditionnelle, ce qui la rend moins attirante à un public intellectuel. Enfin, la SF attire moins les gens ayant un faible niveau d’éducation.

La question se pose si le succès des libertariens en science-fiction peut être reproduit dans d'autres genres. Par exemple, toujours selon le sondage Harris, le genre littéraire le plus populaire aux États-Unis est le policier, lu par 48% des Américains. Ce genre ouvre d'évidentes opportunités pour des écrivains libertariens comme par exemple des œuvres centrées sur les injustices de la "guerre contre la drogue". On ne compte pourtant que très peu de libertariens dans ce genre, voire aucun.

On peut dire la même chose de la littérature blanche, où l'on compte également très peu de libertariens. L'écrivain péruvien Mario Vargas Llosa, prix Nobel de littérature en 2010, est une exception. Il reste à savoir si son succès peut être reproduit dans le monde anglophone.

Les autres genres ont moins d'affinités avec le libertarianisme que la science-fiction. Mais cela ne signifie pas qu'ils y soient totalement hostiles non plus. Il y a de la place pour le développement de ces idées. Cependant, pour le moment, la science-fiction reste la partie la plus libertarienne du paysage culturel actuel.


tpb1-199x300.jpg?d126beL'auteur de cet article, Eric S. Raymond (né en 1957), est un informaticien et hacker à qui l'on doit le livre La Cathédrale et le Bazar dans lequel il défend les logiciels open sources. C'est également un très grand amateur de science fiction qui s'enorgueillit de posséder plus de 3000 œuvres de SF et d'en avoir lu huit fois plus. De plus, il professe des opinions libertariennes (1).

 

L'histoire de la Science Fiction moderne est la résultante de cinq révolutions dont une fut un succès et les quatre autres des échecs enrichissants. Nous allons l'observer sous un angle inhabituel : la politique.

Inspiré des pionniers du genre comme Jules Vernes et H.G. Wells, la science fiction américaine des débuts prospérait dans les pulps magazines des années 1910 et 1920. Nommée scientifiction ou scientific romance, ces histoires recyclaient à l'envie tous les clichés de ce que l'on nommera plus tard space opera : savants fous, monstres hideux, rayons de la mort et blondes dénudées. À part quelques exceptions comme La Curée des Astres de E.E. "Doc" Smith, l'ensemble des productions de cette époque est terriblement daté.

Un nom est à retenir : Hugo Gernsback (1884-1967), fondateur et éditeur du pulp Amazing Story (entre autre) qui fut un promoteur acharné et inventeur du terme "science-fiction". Il donna son prénom aux Oscars de la SF.

 

La Hard Science Fiction

La première et la plus importante des révolutions de la SF est l'oeuvre de John Wood Campbell (1910-1971). C'est en 1937 que Campbell reprend les rênes du pulp Astounding Story et lui donne une ligne éditoriale bien précise : une grande qualité d'écriture et de la plausibilité scientifique.

Pour cela, il recrute une équipe de jeunes écrivains qui domineront le genre pendant les cinquante années à venir. Parmi eux : Isaac Asimov, Arthur C. Clarke, Poul Anderson et Robert Heinlein. Ce dernier a d'ailleurs introduit la technique consistant à exposer l'univers non pas d'un bloc mais par petite touche, au travers des yeux de son personnages principal, laissant la sagacité du lecteur combler les blancs (2).

De la seconde guerre mondiale aux années 1950, les écrivains de Campbell (dont beaucoup étaient également scientifiques ou ingénieurs) seront à l'origine de ce qu'on appellera l'Âge d'Or de la science fiction. Les magazines concurrents durent se mettre au niveau des standards d'Astounding s'ils voulaient survivre.

Si les récits de space opera continuèrent à être publiées, le coeur de la révolution campbellienne était la Hard SFqui demandait de la rigueur, à la fois de la part des auteurs et des lecteurs. La Hard SF demande à ce que la science soit cohérente non seulement à l'intérieur du récit mais également avec l'état réel des connaissances scientifiques, obligeant les auteurs à n'utiliser qu'un minimum d'artifices (comme le concept de vitesse supraluminique). Qu'un auteur se trompe dans le calcul d'une orbite ou sur un détail biologique et les lecteurs se faisaient un plaisir de le corriger. À l'inverse, ces derniers se devaient d'avoir un minimum de connaissances scientifiques pour espérer apprécier pleinement les récits.

Il y avait également une sorte d'imprégnation politique qui traversait le style, faite d'individualisme (3), d'une vénération de l'homme de talent et d'une méfiance instinctive de toutes "solutions" politiques quelles qu'elles soient. Les exceptions comme le cycle Fondation d'Asimov ne font que mettre en relief les opinions implicites de la SF Campbellienne.

Cette position politique est généralement comprise comme étant conservatrice ou "de droite". Or la Hard SF ne fut jamais conservatrice au sens strict du terme, c'est à dire la vénération de normes sociales passées. D'ailleurs, comment cela serait-il possible alors que les auteurs et les lecteurs de SF se plaisent à imaginer des bouleversements radicaux de la société et même de la nature humaine ? L'individualisme de la SF conduit également au rejet du racisme et à la présence de personnages féminins forts des décennies avant l'apparition du politiquement correct.

Néanmoins, certains écrivains trouvèrent les contours du genre trop étroits ou rejetèrent l'orthodoxie campbellienne.

 

Les Futurians

La première révolte contre la Hard SF vint, au début des années 1950, d'un groupe de jeunes écrivains réunis autour de Frederik Pohl et du Futurians Fan Club de New York. Les Futurians inventèrent un genre de science fiction dans laquelle la science n'était pas au centre du récit et les changements motivant l'histoire étaient politiques et sociaux et non technologique.

La révolte futuriennes était autant politique qu'esthétique. Ce n'est que dans les années 1970 que l'on apprit que la plupart des auteurs futurians étaient soit membres du parti communiste, soit simples compagnons de route. Comme les révoltes postérieures, une partie des motivations était d'échapper à la tradition "conservatrice" des oeuvres de l'Âge d'Or. Les thèmes futuriennes (critique du capitalisme de consommation et de l'autosatisfaction américaine des années d'après guerre) doit beaucoup à la théorie critique néo-marxiste de l'École de Francfort.

La révolte futurienne fut facilement absorbée par le courant Hard SF. Au milieu des années 1960, l'extrapolation sociologique était devenue assez courante chez les auteurs campbelliens. De ce mouvement, il ne reste rien si ce n'est quelques romans comme Planète à Gogo de Frederik Pohl et Cyril Kornbluth ou Le Syndic de Cyril Kornbluth.

Cependant, la perception de la SF campbellienne comme étant un phénomène "de droite" persista et motiva une deuxième révolte dans le milieu des années 1960.

 

La New Wave

Tentant d'importer les techniques et l'imagerie de la fiction littéraire classique dans le domaine de la SF, la "Nouvelle Vague", comme les Futurians avant elle, était une rébellion à la fois stylistique et politique vis-à-vis de la Hard SF.

Les inventeurs de la New Wave (notamment Michael Moorcock, J.G. Ballard et Brian Aldiss) étaient des socialistes et des marxistes britanniques qui rejetaient à la fois l'individualisme, le happy ending, la rigueur scientifique et l'hégémonie culturelle américaine de la Hard SF. Plus tard, les auteurs New Wave américains furent très fortement associés à la New Left et à l'opposition à la guerre du Vietnam.

Bien moins facilement assimilable que les Futurians, les techniques et préoccupations de la Nouvelle Vague furent tout de même absorbées dans le champs de la SF classique. La New Wave brisa le tabou du sexe qui, avant, faisait l'objet d'une condamnation si rigide que seul Robert Heinlein avait osé le briser dans En Terre Etrangère (cette oeuvre fut d'ailleurs un pilier de la contreculture hippie). [NdC : Un comble pour un auteur libertarien !]

Parmi un grand nombre de merdes complaisantes et autres délires de cocaïnomane, on compte quelques chefs d'oeuvre comme The Great Clock de Langdon Jones, Je n'ai pas de bouche et il faut que je crie de Harlan Ellison et Les Cavaliers du Fiel ou le Grand Gavage de Philip José Farmer.

Mais la Nouvelle Vague exacerba également la critique de longue date sur la nature de la science fiction elle-même et menaça de détrôner la Hard SF en tant qu'archétype du genre. La phrase de Brian Aldiss, révoquant l'exploration spatiale comme étant "un divertissement vieux-jeu conduit avec des symboles phalliques infertiles" est typique de la rhétorique New Wave et semblait avoir de solides arguments à l'époque.

Mais, en tant que révolte politico-culturelle contre la vision américaine de la SF, la New Wave échoua au moins autant que les Futurians. Car, en 1977, Star Wars vint remettre sur le devant de la scène (et dans la culture populaire) l'imagerie space opera des pulps d'avant guerre, notamment Edmond Hamilton (4) et son Roi des Etoiles dont Star Wars s'inspire ouvertement.

 

Aparté sur la guerre du Vietnam et sur la "New Hard SF"

La guerre du Vietnam, outre le fait d'avoir aidé à l'émergence de la New Wave, est également responsable d'un véritable chisme au sein de la "droite" américaine. L'une de ses composantes est socialement conservatrice, militariste et possède de fortes croyances religieuses. L'autre est plutôt minarchiste (5) et libérale classique (6). Ces deux tendances avaient été forcées de faire alliance, tant aux USA qu'en Grande Bretagne, dans les années 1910, pour faire face à la monté du socialisme.

La défaite de Barry Goldwater aux élections présidentielles de 1964 provoqua de fortes dissensions  dans l'alliance entre les deux factions et la guerre du Vietnam entérina définitivement la rupture. Un groupe de dissidents libéraux et d'anti-guerre radicaux formèrent, en 1971, le Libertarian Party, refusant à la fois le conservatisme de la "droite" et la redistribution étatique de la "gauche".

Il est intéressant de noter ce point dans une histoire de la SF car la plateforme du parti libertarien se présente comme une relecture radicalisée et intellectualisée des idées politiques implicites de la SF campbellienne. Ce n'est pas une coïncidence : nombre des fondateurs étaient de grands lecteurs de science fiction. Ils puisèrent leur inspiration, non seulement dans les œuvres de SF politique (et polémique) d'Ayn RandLa Source Vive et La Révolte d'Atlas, mais également dans l'ensemble du "canon" campbellien. Des œuvres comme Révolte sur la Lune de Robert Heinlein ou Pas de Trèves avec les Rois ! de Poul Anderson sont considérées comme proto-libertarienne par les lecteurs mais aussi par leurs auteurs.

NB : Un phénomène équivalent a eu lieu au XIXe siècle : des livres de fictions utopistes comme Cent Ans Après ou L'An 2000 (paru en 1887) d'Edward Bellamy  ou d'autres œuvres aujourd'hui oubliées eurent un impact non négligeable dans la création des premiers partis socialistes.

La Hard SF reprit ses droits aux débuts des années 1980 avec le groupe des Killer B's (David Brin, Gregory Benford et Greg Bear), notamment, avec le roman Marée Stellaire de David Brin. À la surprise générale, cette "New Old Wave" ne fut pas seulement une réussite artistique mais également un succès populaire.

Cette nouvelle Hard SF renouait avec les images et les thèmes traditionnels (individualisme et anti-politique) des campbelliens. Dans l'édition également, la rupture entre les auteurs conservateurs et les auteurs individualistes fut consommée. D'un coté, certains auteurs comme L. Neil Smith (The Probability Broach ou la saga Forge of the Elders) assumaient clairement le caractère libertarien radical de leurs œuvres. À l'opposé, une SF militariste et conservatrice émergea avec des auteurs comme Jerry Pournelle (la saga du CoDominium) ou David Drake (Hammer's Slammer).

La tension entre ces deux groupes était d'autant plus forte que tous les deux se réclamaient de l'héritage de Robert Heinlein (considéré comme le "Grand Old Man" de la SF, très respecté des fans et encore plus des auteurs). Heinlein garda des relations amicales avec les conservateurs même s'il se déclara libertarien.

 

Le Cyberpunk

Les années 1980 virent l'émergence d'un nouveau mouvement politisé qui se positionna contre le Hard SF : le cyberpunk. Si William Gibson (généralement crédité comme étant l'initiateur du genre avec Neuromancer) n'était pas un auteur politiquement engagé, Bruce Sterling devint le chef idéologue du genre qu'il appela "The Movement" en référence au radicalisme étudiant des années 1960. Les auteurs cyberpunks se positionnèrent contre la SF conservatrice militaire de Jerry Pournelle, David Drake et de leur imitateurs.

Mais le cyberpunk ne fut pas aussi stylistiquement innovant ni politiquement stimulant comme le fut la New Wave. Les thèmes abordés (réalité virtuelle, informatique envahissante, implants cybernétique et modifications corporelles, féodalisme d'entreprise) furent déjà traités bien avant, dans des œuvres comme Day Million de Frederik Pohl (1966), True Names de Vernor Vinge (1978) et même Planète à Gogo (1956). L'imagerie cyberpunk (paysage urbain en décomposition, chrome et cuir) fut rapidement répliquée ad nauseam jusqu'à en devenir complètement clichée.

Paru en 1992, Snow Crash (ou Le Samouraï Virtuel) de Neal Stephenson marque la fin du cyberpunk. C'est l'un des seuls livres, avec La Schismatrice de Bruce Sterling et Cablé de Walter Jon Williams, reprenant les standards mis en place par Neuromancer. Il prend également à contrepied les thèmes habituels du genre (l'histoire se passant dans une société anarcho-capitaliste).

Le cyberpunk fut plus remarqué à l'extérieur de la SF qu'à l'intérieur. Lors des Hugos, les lecteurs de SF votaient presque systématiquement pour des œuvres Hard SF tandis que les critiques s'accrochaient aux restes de la New Wave comme Philip K. Dick ou Thomas Disch.

 

Conclusion

La science fiction, en tant que littérature, embrasse les possibilités d'une transformation radicale de la condition humaine par la connaissance. Cyborg, voyages intergalactiques, immortalité technologique, etc. Tous ces sujets caractéristiques de la SF se placent dans un univers connaissable dans lequel l'investigation scientifique est la condition requise et le principal instrument pour créer de nouveaux futurs.

La SF est largement optimiste parce que les gens aiment les happy ends, certes, mais aussi parce que, même dans le cas des dystopies pessimistes, ce n'est pas par le hasard ni par la colère d'un dieu irascible que nous échouons mais à cause de la faillite de notre raison et de notre intelligence. De ce fait, la SF a un parti pris pour les caractères humains et sociaux qui favorisent la recherche scientifique et lui permettent d'avoir pour résultats le changement de l'individu et de la société.  Mais également un équilibre social permettant la plus grande étendue de choix pour satisfaire cette soif de possibilité. Et c'est là que nous avons les premiers indices sur le système politique le plus en phase avec les prémisses de la SF (car tous les systèmes politiques ne sont pas également favorables à la recherche scientifique et aux changements qu'elle ne manque pas d'induire).

Le pouvoir de supprimer la recherche libre, de limiter les choix des individus et de contrarier la créativité est le pouvoir d'entraver les futurs optimistes que nous promet la SF. Les despotes, les sociétés figées et les élites au pouvoir ont, plus que tout, peur du changement. Leurs tendances naturelles est de supprimer la science ou de chercher à la corrompre (cf. Lyssenko). C'est pour cela que, dans la science fiction, l'ennemi ne peut être que le pouvoir politique. C'est ce que les amateurs et les auteurs de SF ont instinctivement compris.

Le lien qui unit la Hard SF et les idées libertariennes continue à être très vivace. Le seul prix politique littéraire présenté à la World Science Fiction Convention est le prix Prometheus (7) de la Libertarian Futurist Society. Il n'existe aucun équivalent socialiste, conservateur ou même fasciste aux auteurs tels que L. Neil Smith, F. Paul Wilson ou Brad Linaweaver et leurs livres continuent de bien se vendre auprès des fans.

Il y a fort à parier que, dans les années à venir, d'autres rebellions vis-à-vis du modèle campbellien auront lieu (on parle en ce moment de la Radical Hard SF). Mais, comme leurs aînées, leurs apports littéraires et esthétiques seront assimilés par la Hard SF tandis que leurs propos politiques seront oubliés.

 

Article traduit par fersen et publié avec son aimable autorisation.

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Notes

 

1- Classé souvent à "droite" (défense de l'entreprise privée, du port d'armes, refus de l'assistanat), plus rarement à "gauche" (liberté sexuelle, d'immigrer, d'usage de drogues), le libertarisme est assez difficile à comprendre pour un français moyen. Le libertarisme (ou libertarianisme) est en réalité basé sur deux axiomes : la liberté individuelle et le principe de non-agression.

 

2- En réalité, cette technique fut popularisée par Rudyard Kipling, en 1912 dans With The Night Mail. Il est intéressant de noter que Heinlein eu toujours une grande admiration pour Kipling.

3- On confond souvent "individualisme" et "égoïsme". Je citerais ici le sociologue Emile Durkheim : "L'individualisme, bien entendu, n'est pas l'égoïsme, (...) c'est la glorification, non du moi, mais de l'individu en général. Il a pour ressort, non l'égoïsme mais la sympathie pour tout ce qui est homme."

4- Hamilton est également, aux débuts des années 1940, le créateur de la série "Captain Future, the Wizard of Science". Adapté en dessin animé à la fin des années 1970 par le studio japonais Toei Animation, il est connu chez nous sous le nom de Capitaine Flam.

5- Un minarchiste est le partisan d'un État réduit à ses stricts fonctions régaliennes : armée, police, justice et diplomatie, le reste (éducation, santé, etc.) étant laissé à l'initiative des individus.

6- Aux USA, le mot "liberal" est synonyme de socialiste ou/et progressiste. Ce que nous désignons en France sous le vocable libéral s'appelle là-bas "classic liberal". Cette distinction est rarement connue des traducteurs qui traduisent généralement "liberal" en libéral ce qui est un grave contresens.

7- Créé en 1979 par L. Neil Smith, le prix Prometheus récompense la meilleure oeuvre de SF d'esprit libertarien. Pour le prix du meilleur roman, on compte parmi les lauréats : Terry Pratchett en 2003 pour Ronde de Nuit ou John Varley en 1999 pour Le Système Valentine. Il existe aussi un Hall of Fame qui compte des œuvres comme 1984Le Seigneur des AnneauxLe PrisonnierV pour Vendetta et Les Habits Neufs de l'Empereur.

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5 décembre 2012 3 05 /12 /décembre /2012 22:16
Le principe de non-agression

De l'importance du principe de non-agression en droit libertarien

Critique des positions de Frank van Dun, juriste et philosophe belge libéral, qui soutient que le principe de non-agression devrait être étendu à l'identité, à l'intégrité et au respect de la personne, ce qui interdirait la diffamation, le licenciement dit abusif et la violation du droit des marques.

Par Jabial.

http://userserve-ak.last.fm/serve/500/73924834/Absolution++Bonus+Dvd+606pxAbsolution_dvdcover.jpgDe nos jours, on voit des libertariens de toutes sortes et en tous genres. Du cercle philosophique d’Ayn Rand qui pouvait se réunir au grand complet dans un petit restaurant puis a grandi encore et encore jusqu’à avoir besoin de réserver plusieurs salles de conférence, l’approche libertarienne moderne est née du schisme de Murray Rothbard de ce qui était devenu, à cause de tropismes bien humains, l’église du capitalisme, une organisation où la parole colérique d’une seule tranchait des débats qui auraient dû être arbitrés par la raison même qu’elle prétendait promouvoir. Il n’est donc pas surprenant que l’histoire du mouvement libertarien lui-même soit riche d’opinions divergentes et de groupes qui s’excommunient les uns les autres ; cette diversité est saine et est le signe d’un mouvement politique vivant. Quand des gens sont en désaccord, au moins l’un d’entre eux a tort. Les gens qui cherchent la vérité et la justice, pas le pouvoir, peuvent travailler dans un but commun mais ils ne se co-congratulent pas de leurs désaccords ; ils se battent sur ces sujets comme si leur vie y était suspendue, et, de fait, peut-être que notre futur l’est bien. Par le présent article, je vais m’inscrire dans cette tradition en exprimant mon désaccord violent avec Frank Van Dun, parce que je pense que ses positions sont dangereuses pour nous tous car elles sapent tout le cadre de la théorie libertarienne du droit qui est la fondation sur laquelle repose tout le reste.

Frank Van Dun est un professeur en philosophie du droit à l’Université de Gand, en Belgique. En dehors du cercle de ses disciples, il est surtout connu dans le monde libertarien pour sa publication Against Libertarian Legalism, ou "Contre le légalisme libertarien", auquel je vais répondre ici. Dans cette publication, il attaque l’interprétation classique du principe de non-agression, puis conteste les positions de Kinsella et de Block sur plusieurs questions portant sur des sujets de vie quotidienne, prouvant et illustrant ainsi que le monde libertarien de Frank Van Dun est très différent de celui pour lequel nous nous battons.

Le mal est fait dès qu’il dénonce l’interprétation classique du principe de non-agression. Le principe de non-agression a un immense avantage qui n’est pas débattu dans la publication de Van Dun : il est objectif. Pour Van Dun, le principe de non-agression est "praxéologique", ce qui veut dire en pratique qu’il est contextuel plutôt qu’objectif. Bien entendu cela pose un sérieux problème : le juge a alors toute discrétion d’apprécier ce qui est un droit naturel et ce qui ne l’est pas. Dans le paradigme libertarien classique, un juge doit seulement décider si quelqu’un a violé un droit de quelqu’un d’autre ou pas. Comme ces droits sont définis comme une extension des droits de propriété, le fait qu’un de ces droits existe ou pas est également objectif. Bien sûr, le fait de donner si peu de marge de manœuvre aux juges a tendance à inquiéter les juristes, qui pensent alors "mais alors, tout le monde pourrait le faire ?", ce qui est évidemment faux : concevoir un pont est un processus on ne peut plus objectif mais je ne confierai pas cette tâche à quiconque est capable de faire des additions. Certains vont même jusqu’à prétendre que dans ce cas des ordinateurs pourraient faire le travail, ce qui est encore plus ridicule. Pour beaucoup de juristes libertariens, le juge est un arbitre qui ne doit se conformer à aucun règle particulière : s’il juge mal il ne trouvera vite plus aucun travail sur le marché libre de la justice. Il va sans dire ce genre de régime arrêterait de respecter les droits de propriété encore plus vite que la démocratie. Si un juge respectable avec des antécédents honorables condamne soudain une femme à être lapidée pour adultère, bien sûr que cette sentence n’est ni exécutoire ni seulement un mauvais jugement - c’est une tentative de meurtre qui doit être jugée en tant que telle devant un autre tribunal. Cet exemple extrême illustre simplement un principe général : un juge n’est pas souverain, et une décision de justice doit elle-même être légale. Elle doit elle aussi obéir au droit naturel, sans quoi elle est nulle et non avenue. Les droits naturels sont un fait, pas une question d’interprétation contextuelle. Le nier signifie renoncer à l’idée même que nous ayons quelque droit naturel que ce soit, et faire confiance aux juges pour être des despotes éclairés. L’histoire a montré à quel point ça marche.

Après avoir corrompu le principe de non-agression, Van Dun applique sa logique à trois questions libertariennes classiques : les marques, la diffamation et les contrats de travail. Bien sûr, détruire les principes fondateurs de la théorie libertarienne du droit lui permet le rêve de tout juge : arbitrer pour ce qu’il considère être le plus équitable, et c’est exactement ce qu’il fait. Et en effet cette confusion de la justice et de l’équité est très dangereuse. Sur le sujet des marques, je ne peux pas croire qu’on puisse avancer de bonne foi l’argument que si vous contractez pour acquérir un hamburger de marque R et qu’on vous livre un hamburger de marque L, alors vous n’avez pas été victime d’une fraude si l’entreprise R ne possède pas elle-même un droit légal sur sa marque. Prenons le cas où une marque est tombée dans le domaine public. Pour les violons Stradivarius, c’est le cas depuis un temps considérable. L’argument de Van Dun est essentiellement que s’il n’y a pas d’entreprise pour posséder la marque, alors je ne peux pas porter plainte si on m’a vendu un faux parfaitement imité. Bien sûr que ce n’est pas le cas, et l’argument s’effondre sur lui-même : le droit du consommateur d’obtenir ce pour quoi il a effectivement payé est clairement suffisant pour assurer que de telles escroqueries n’aient pas lieu tout en évitant les abus actuels du droit des marques. Van Dun dit que contrairement aux brevets, il n’y a pas d’abus des marques. Je me permets de le contredire. Dans plusieurs pays développés, il est possible pour une grande entreprise d’enregistrer un nom qu’une entreprise plus petite utilise déjà, et de la forcer ensuite à l’abandonner. Et puis il y a le cas de la Rolex du pauvre. Si une personne achète sciemment un objet de luxe contrefait pour quelques euros, le droit de qui viole-t-il ? Bien sûr que les marques violent le droit naturel ici et maintenant. Dans son argumentation, Van Dun étend ad nauseam le concept de caveat emptor, en arrivant ainsi à réussir l’exploit de défendre le droit d’une entreprise sur son identité tout en évacuant l’obligation de bonne foi. Van Dun commet ici un sophisme au pire et un paralogisme au mieux : la bonne foi est nécessaire à la fois dans le cadre libertarien classique et dans le cadre des marques. Faire des marques un prérequis pour la bonne foi revient, de fait, à mettre la charrue avant les bœufs. L’inverse est vrai et, bien entendu, la bonne foi suffit dans le cadre libertarien classique à protéger le consommateur.

L’argumentation de Van Dun contre la diffamation est intéressante car, contrairement aux sujets précédent et suivant, il n’a pas tort de bout en bout. C’est une chose d’accuser quelqu’un de quelque chose devant le tribunal de l’opinion publique. Ceci est une partie de la liberté d’expression, qui ne doit jamais au grand jamais être limitée. La simple étude de l’historique d’un tribunal qui traite ce type d’affaires montre très bien que les lois anti-diffamation bénéficient aux puissants et aux riches, qui peuvent utiliser des légions d’avocats pour museler la vérité sur leurs vices, qui sont d’autant plus une question publique qu’ils sont en position d’influer sur nos vies quotidiennes. Toutefois, c’est une toute autre chose que de faire une fausse déclaration sous serment. Le témoignage est un des piliers du système policier et judiciaire, et un faux témoignage aura de fait des conséquences directes sur la liberté et la propriété de quelqu’un. Pour cette raison, c’est ici Block qui doit être déclaré déviant de la position classique rothbardienne, qui soutient qu’un juge qui condamne injustement doit lui-même subir la sentence même qu’il a prononcée ; si l’injustice procède non pas du juge mais d’un témoin, alors il va de soi que ce dernier, et non pas le juge, doive subir ce sort. Toutefois, malheureusement sa recherche de l’équité conduit une nouvelle fois Van Dun hors de l’orthodoxie, et il déclare ensuite qu’un homme a le droit d’être confronté devant la justice à quiconque l’accuse devant l’opinion, à partir du moment où il a subi des dommages à cause de cela. Bien sûr ça ne peut être accepté : si un concurrent ouvre une boutique à côté de la mienne, je subirai des dommages mais ça ne me donne pas le droit de le traîner au tribunal, même si c’est seulement pour que la vérité soit établie, ce qui dans la réalité n’est pas le cas puisque la peine pour diffamation publique peut aller jusqu’à de la prison, sauf bien sûr si vous êtes un journaliste accrédité par l’État. Ceci crée une caste de privilégiés qui peuvent partager leurs suspicions sans preuves formelles, alors que les gens normaux ne le peuvent pas. C’est encore plus vrai en Europe où Van Dun et moi vivons. À votre avis, où est-ce que la vérité à le plus de chance d’émerger : dans un endroit où tout le monde peut donner son avis, ou dans un endroit où les gens peuvent obtenir des arrêts d’un tribunal pour museler autrui ? Le marché des opinions doit rester libre, même quand une opinion peut être très désagréable. Ce n’est pas très différent du cas du blasphème, qui choque certains à point de les rendre apparemment temporairement fous à lier. De fait, pour la première fois en presque 200 ans, des pays développés ont remis en place des lois contre le blasphème.

C’est la section sur les contrats de travail, toutefois, qui est probablement la pire de la publication de Van Dun. De fait, il apparaît qu’il essaie de toutes ses forces de justifier la vision européenne des contrats de travail, c’est-à-dire qu’on possède son emploi. Cette accusation peut sembler exagérée, mais suivez mon raisonnement. Dans le tout premier paragraphe, Van Dun, comme Block avant lui, utilise le mot "chantage" pour décrire une tentative d’un employeur de coucher avec sa secrétaire. Dans le cadre libertarien classique, le chantage illégal ne peut être défini que comme le fait de menacer quelqu’un de violer ses droits s’il ne fait pas ce que vous lui demandez. Maintenant, si vous menacez quelqu’un de ne pas lui offrir un cadeau si elle ne s’allonge pas, eh bien, ce n’est pas du chantage au sens légal du terme, car elle n’a aucun droit d’exiger un cadeau de vous, de même que vous n’avez aucun droit d’exiger qu’elle couche avec vous. Aussi horriblement dégoûtante que soit l’attitude de quelqu’un qui tente d’obtenir du sexe de cette façon, ça ne remplit les conditions de la définition libertarienne classique du chantage illégitime en aucun cas. De plus, choisir l’exemple du sexe comme Block l’a fait ici revient à tendre le bâton pour se faire battre. C’est un appel du pied direct à l’émotion, et il est très difficile de raisonner posément quand on est en colère et dégoûté. Pour la plupart des gens, acquérir cette aptitude demande une vraie formation. De la même façon, vous devez prendre en compte que le cas va induire la même réaction chez les autres. D’une certaine façon, c’est comparable à la défense de l’abrogation des lois anti-racistes qui violent la liberté d’expression. Essayez de faire ça dans une communauté juive une fois dans votre vie. Quasiment toutes les femmes et la plupart des hommes s’arrêtent de lire à ce stade et pensent simplement "quelle ordure". Block n’a pas rendu service à la communauté en choisissant un exemple aussi tendancieux, et a également commis une erreur en utilisant les termes "chantage" et "diffamation" pour couvrir des activités à la fois légitimes (mais immorales) et illégitimes. Van Dun prolonge ces erreurs. Néanmoins, lorsqu’on reformule le problème de façon dépassionnée, la vraie question ici est "peut-on renvoyer un employé pour de mauvaises raisons", ce qui revient à "les gens possèdent-ils leur emploi", car si vous regardez par l’autre côté de la lucarne, les employés peuvent, eux, quitter leur emploi pour de mauvaises raisons sans problème.

Un contrat de travail peut être vu de deux façons très différentes. Vous pouvez le voir comme un contrat de fourniture de service entre égaux, ou bien vous pouvez le voir comme un acte de soumission à un maître. Dans le second cas, la tradition exige d’un maître une responsabilité vis-à-vis de ses serviteurs, comme une sorte de père de substitution pour des employés qui sont des enfants à vie. Il n’y a pas que les communistes qui voient le contrat de travail comme une sorte d’esclavage moderne ; beaucoup d’employeurs aussi, et cet état de fait est donc tout autant de leur faute. Néanmoins, dans cadre libertarien il est clair que le premier point de vue est le seul qui puisse être envisagé. C’est là que la comparaison sexuelle se retourne contre Frank Van Dun : si, comme le sexe, le travail est une relation volontaire entre égaux, alors, comme le sexe, chaque partenaire doit pouvoir l’arrêter immédiatement pour n’importe quelle raison bonne ou mauvaise, sans quoi ça en devient une parodie perverse et dégoûtante. Dans le cas du sexe ça s’appelle le viol. Si un travailleur est forcé de continuer de travailler effectivement contre sa volonté ne serait-ce que pour une minute, ça s’appelle l’esclavage. Et quand un employeur doit garder un employé une minute de plus qu’il ne le veut, ça veut dire qu’il ne possède plus son magasin, son usine ou son bureau.

Il est plutôt paradoxal que Van Dun appelle la situation libertarienne habituelle un paradis des avocats parce qu’il est nécessaire de vraiment lire ce qu’on signe ; de fait, le vrai paradis des avocats est le système où les droits naturels sont définis par ce que le juge considère le plus équitable dans une situation donnée, et le meilleur rhéteur gagne. Maintenant, bien sûr je n’affirme pas que les contrats de travail ne peuvent pas contenir de pénalités de rupture. Comme tout contrat, ils peuvent contenir n’importe quelle stipulation volontaire. D’un autre côté, ce que Van Dun affirme est que tout contrat de travail contient implicitement de telles clauses. Néanmoins, les stipulations implicites sont déterminées en fonction de la coutume. L’idée qu’il existe une obligation implicite de justifier le licenciement est peut-être vraie en Europe, où un travail est considéré par beaucoup comme une charge qu’on "achète" en passant un examen, ce qui est effectivement ce qui se passe pour la partie de plus en plus importante de la population active qui est composée de fonctionnaires. Ceci dit, cette "coutume" est lourdement biaisée par la régulation lourde des contrats de travail. De fait, il est interdit par la loi et donc par l’usage de la force de mettre "tout est permis" dans un contrat de travail, donc les contrats existants ne peuvent pas être pris comme un exemple d’un marché libre. La protection de la partie la plus faible a pris de telles proportions que de nos jours en Europe, même les petits fournisseurs qui sont eux-mêmes des entreprises sont protégés par de telles dispositions de la loi, qui exigent que leur client leur donne du temps avant de rompre leur contrat, et les clauses écrites au contrat ont peu ou pas d’effet sur cela. Et dans la plus grande partie du monde, la coutume en place est, de fait, "tout est permis". Est-ce qu’une doctrine qui va jusqu’à faire sien le modèle social-démocrate du contrat de travail, avec son corollaire, le cercle vicieux de la protection du travail qui génère du chômage qui lui-même donne lieu à plus de protection du travail, peut encore être appelée libertarienne ? Certains membres de la droite conservatrice sont plus libéraux que ça.

Revenons-en donc à l’étude de cas du début. Qu’est-ce qui se passerait dans un monde libertarien ? Eh bien, la secrétaire quitterait son emploi et en trouverait un autre dans la journée, comme c’est le cas dans toutes les économies de marché libre qui ont jamais existé ; quant à l’employeur, comme il ne serait pas protégé contre la "diffamation" comme il l’est aujourd’hui, il aurait très vite une très mauvaise réputation. S’il n’est pas propriétaire de son affaire, il serait probablement lui-même viré après un ou deux incidents de ce type. S’il l’est, il serait forcé de payer au dessus du prix du marché pour garder ne serait-ce que des employés médiocres, et dans un marché libre ce genre de désavantage concurrentiel signifie probablement la faillite.

La conclusion est désagréable mais il n'est pas possible de l'éviter : Frank Van Dun a des positions qui ne sont, de fait, pas libertariennes sur un bon nombre de questions. Pire encore, étant donné qu’il est un professeur d’université avec une réputation de libertarien, il attire des étudiants en droit sympathisants du libéralisme radical à qui il transmet quelque chose qui n’est pas l’authentique libéralisme radical, et ceci reviendra probablement nous hanter lorsque certains de ces étudiants deviendront eux-mêmes membres du monde libertarien. Par conséquent, il me semble indispensable de rappeler que sa vision du libéralisme radical est très personnelle et biaisée par la philosophie européenne du droit.


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L’axiome De Non-agression, Manifeste libertarien (for)



 

Définition

Le principe de non-agression, avec le concept de droit naturel, est le principe fondamental du libertarisme, ainsi exposé dans le "Manifeste libertarien" : aucun individu ni groupe d’individus n’a le droit d’agresser quelqu’un en portant atteinte à sa personne ou à sa propriété.

Ce principe est considéré par les libertariens comme le principe fondamental duquel découle toute position libertarienne sur n'importe quel sujet politique, économique, juridique ou social.

Même si les libertariens sont ceux qui le formulent avec le plus de force, l'axiome de non-agression est un point de départ commun à toutes les théories libérales. Il est du ressort d'une éthique déontologique, qui offre un cadre normatif a priori. L'idée est que la seule façon d'arriver à une société qui vive en paix est que personne ne soit source de conflit.

Pour certains libertariens, il s'agit d'un principe, que l'on peut dériver d'axiomes primaires (souveraineté de l'individu, axiome de l'action rationnelle, inaliénabilité de la volonté humaine, etc.) ; pour d'autres, il s'agit d'un axiome, lié à une éthique ou à une métaphysique.

Qu'est-ce qu'une agression ?

Par "agression" on doit entendre l'action d'un individu initiant la violence directement contre quelqu'un d'autre, visant soit son intégrité physique soit sa propriété. Il ne faut pas confondre cette notion avec une nuisance quelconque. Ainsi, la concurrence économique, qui peut provoquer un manque à gagner pour certains, n'est pas une agression ; la rupture unilatérale d'un contrat n'est pas une agression (mais peut donner lieu à un dédommagement si le cas a été prévu auparavant dans le contrat). Une insulte ou une calomnie ne constituent pas une agression (voir liberté d'expression). L'impôt est une agression, puisqu'un paiement est exigé sous la contrainte sans possibilité de refuser en échange les "services" de l’État.

Se défendre contre une agression n'est pas une agression. Le principe de non-agression ne doit pas être confondu avec la non-violence passive - doctrine qui recherche les moyens d'éviter la violence en toutes circonstances et à tout prix. D'un point de vue libéral, la violence n'est légitime que pour se défendre contre une agression (et une menace d'agression claire et imminente), ou obliger l'auteur d'une agression à la réparer (droit pénal).

Historique

Ce principe est souvent exprimé (au moins partiellement) dans les textes de droit positif d'inspiration libérale, ainsi l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1793 :

La liberté est le pouvoir qui appartient à l’homme de faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d’autrui.

De même, Herbert Spencer énonce la loi d'égale liberté : "chacun est libre de faire ce qu'il veut, pourvu qu'il ne porte pas atteinte à l'égale liberté d'autrui", et John Stuart Mill énonce dans son ouvrage "De la liberté" (1859) le harm principle : toute contrainte à la liberté d’une personne doit reposer sur la démonstration du tort qu’elle cause, le tort qu’une personne (adulte) se cause de son plein gré ne pouvant justifier aucune forme de contrainte. Arthur Schopenhauer (Le Fondement de la morale, 1840) fait de la non-agression le fondement de l'éthique :Neminem laede, imo omnes, quantum potes, juva ("ne nuis à personne, et quand tu peux, aide").

Nozick affirme en ouverture de son livre "État, Anarchie et Utopie" :

Les individus ont des droits et il est des choses que personne ni aucun groupe ne peut leur faire subir.

Le principe de non-agression pourra paraître évident pour la plupart des gens. Pourtant, peu de personnes voient les conséquences ultimes de ce principe, telles que les développent les libertariens : refus de l'impôt, de la conscription, des lois liberticides ou paternalistes, contestation de la démocratie et de la représentation politique, etc.

Justification

Les libertariens proposent différentes justifications à l'axiome (qui découlent en fait de différentes conceptions qu'ils ont de l'éthique) :

Le principe de non-nuisance

John Stuart Mill définit ainsi ce principe :

Ce principe est que la seule fin pour laquelle les hommes sont justifiés individuellement et collectivement à interférer avec la liberté d'action de n'importe quel d'entre eux est l'autoprotection. La seule raison légitime que puisse avoir une communauté civilisée d'user de la force contre un de ses membres, contre sa propre volonté, est d'empêcher que du mal ne soit fait à autrui. Le contraindre pour son propre bien, physique ou moral, ne fournit pas une justification suffisante. (De la liberté)

Ce principe diffère du principe de non-agression. En effet, il peut justifier une obligation d'assistance à personne en danger, alors que le principe de non-agression n'entraîne aucune obligation positive d'aucune sorte. D'après Ruwen Ogien, on peut distinguer trois interprétations du principe de non-nuisance :

  1. éviter de nuire à autrui ou de causer personnellement un dommage à autrui (principe relatif à l'agent);
  2. éviter que des dommages soient causés par certaines personnes à d'autres personnes (principe impersonnel portant sur des actions);
  3. éviter que des dommages arrivent à certaines personnes (principe impersonnel portant sur des événements).

Seule la première interprétation rejoint le principe de non-agression libertarien, les autres obligent à des conduites de "bon samaritain", avec différents degrés (selon que ce devoir d'assistance comporte ou non des risques pour l'acteur impliqué). Les libertariens divergent en général quant à la validité de ce devoir d'assistance.

John Stuart Mill reformule son principe de la façon suivante (De la liberté, chap. 5) :

  • l'individu n'est pas responsable de ses actions envers la société, dans la mesure où elles n'affectent les intérêts de personne d'autre que lui-même ;
  • pour les actions portant préjudice aux intérêts d'autrui, l'individu est responsable et peut être soumis aux punitions sociale et légale, si la société juge l'une ou l'autre nécessaire à sa propre protection.

Le principe de non-nuisance s'éloigne ainsi sensiblement du principe de non-agression, l'aspect individualiste de ce dernier étant quelque peu occulté, la notion de "préjudice aux intérêts d'autrui" restant en outre assez vague. Si John Stuart Mill admet que le commerce, "acte social", n'est pas une nuisance et doit être libre, en revanche, fidèle à son point de vue utilitariste, il se refuse à considérer l'impôt ou la conscription comme des agressions, à la différence des libertariens.

Texte du manifeste libertarien (extrait)

Le Credo libertarien repose sur un axiome central : aucun individu ni groupe d’individus n’a le droit d’agresser quelqu’un en portant atteinte à sa personne ou à sa propriété. On peut appeler cela « axiome de non-agression », « agression » étant défini comme prendre l’initiative d’utiliser la violence physique (ou de menacer de l’utiliser) à l’encontre d’une autre personne ou de sa propriété. Agression est donc synonyme d’invasion, d’intrusion.
Si personne n’a le droit d’agresser quelqu’un d’autre, en bref, si chacun a le droit absolu d’être « libre » de toute agression, il s’ensuit immédiatement que le libertarien approuve pleinement ce qu’on appelle généralement les « libertés civiles » : liberté d’expression, de publication, d’association, liberté de « commettre » des délits sans victimes tels que la pornographie, les « déviations » sexuelles, la prostitution, [la drogue], toutes choses que le libertarien ne considère pas du tout comme des délits, puisqu’il ne s’agit pas d’agression à l’encontre d’une autre personne ou de sa propriété. En outre, il considère la conscription comme un esclavage à grande échelle. Et puisque la guerre, et plus particulièrement la guerre moderne, entraîne l’exécution massive de civils, le libertarien considère de tels conflits comme du meurtre de masse, et donc comme quelque chose d’absolument illégitime.
Tous ces points de vue sont considérés comme “de gauche” sur l’échelle idéologique contemporaine. D’autre part, le libertarien s’opposant à l’agression contre le droit de propriété privée, il s’oppose tout aussi vigoureusement à l’intrusion du gouvernement dans les droits de propriété et dans l’économie de marché au travers de contrôles, règlementations, subventions ou interdictions. Car si chaque individu a le droit de posséder et de ne pas être agressé et volé, alors il a aussi le droit de se défaire de sa propriété (par la transmission ou l’héritage) et de l’échanger contre la propriété d’autres personnes (liberté de contrat et économie de marché libre) sans subir d’intrusion. Le libertarien est donc en faveur d’un droit de propriété sans restriction et du libre-échange, c’est-à-dire d’un système capitalistique de laissez-faire.
Le libertarien ne voit aucune incohérence à être « de gauche » dans certains domaines et « de droite » dans d’autres. Au contraire, il considère que sa position est virtuellement la seule qui soit cohérente du point de vue de la liberté individuelle.
S’opposant à toute agression individuelle ou en groupe contre les droits de la personne et les droits de propriété, le libertarien constate que, tout au long de l’histoire et aujourd’hui encore, il y a un agresseur central, dominant et prépondérant qui bafoue tous ces droits : l’État. Contrairement aux autres penseurs de gauche, de droite ou du centre, le libertarien refuse d’accorder à l’État le droit moral de commettre des actions que quiconque jugerait immorales, illégitimes et criminelles si elles étaient commises par une seule personne ou un groupe de personnes. Il insiste pour appliquer la règle morale générale à tous, et à ne faire aucune exception.
Si nous regardons l’État « tout nu », nous nous apercevons qu’il est autorisé (voire encouragé) à commettre toutes sortes d’actes que même les non libertariens s’accorderaient à juger comme des crimes ou délits répréhensibles. L’État est un habitué du meurtre de masse, qu’il appelle « guerre », parfois « répression de la rébellion ». Il fait de l’esclavage par la « conscription » dans ses forces militaires. Il vit et tire son existence de la pratique du vol sous la contrainte, qu’il appelle « fiscalité ». Le libertarien souligne que le fait que de telles pratiques soient approuvées ou non par une majorité de la population ne change rien à leur nature : sanctionnées ou non par le peuple, la guerre c’est bien le Meurtre de masse, la conscription, l’Esclavage, et la fiscalité, le Vol. Bref, le libertarien, comme l’enfant de la fable, s’obstine à répéter que « le roi est nu ».
Extrait de « For a new liberty: the libertarian manifesto » de Murray Rothbard traduit en français et adapté par Dilbert.

Critiques

Un axiome, comme tout axiome, est criticable. Les libertariens pensent que sans l'axiome de non-agression toute vie en société est impossible ou devient uniquement la traduction de la loi du plus fort. Les critiques les plus fréquentes sont les suivantes :

  • critique morale utilitariste : une agression peut être justifiée par des raisons utilitaires. Si par exemple on pouvait sauver un million de vies en tuant un seul homme, faudrait-il s'en abstenir ? Si on peut sauver un affamé en volant un riche, faut-il s'en abstenir ? La réponse libertarienne est que de telles agressions prétendument morales sont injustifiées, et qu'elles ouvrent la voie à n'importe quelle agression envers les personnes ou leur propriété sous des prétextes totalement subjectifs.
  • critique sur la consistance de l'axiome : il est souvent difficile de trouver qui est à l'origine de l'agression et est l'initiateur de la violence ; l'origine d'un conflit peut être très difficile à établir (qui le premier a menacé l'autre, qui a utilisé le premier la violence ? - voir les conflits au Proche-Orient ou au Moyen-Orient). Cela n'invalide pas l'axiome, mais rend seulement son application plus malaisée.
  • critique socialiste sur la propriété : chaque parcelle de terrain sur Terre a été un jour ou l'autre, au cours de l'histoire, volée (acquise par la force), puis vendue ou héritée jusqu'à ce qu'elle parvienne à ses détenteurs actuels. En découlerait que toute propriété résulte de la violence et d'après l'axiome de non-agression la propriété privée serait donc illégitime. La réponse libertarienne est qu'on ne peut rectifier toutes les transgressions du principe de non-agression qui ont eu lieu dans le passé, d'autant plus que celles-ci ne signifient plus rien pour les personnes qui vivent aujourd'hui (en droit positif, c'est ce qu'on appelle la prescription).
  • critique sur l'interprétation de l'axiome : tel que le conçoivent les libertariens, ce principe aboutit à rejeter l'impôt. Les partisans du contrat social arguent que l'impôt fait partie d'un contrat libre passé entre le gouvernement et la population, quiconque n'est pas d'accord peut toujours se libérer du contrat en quittant le pays. En réponse à cette objection, certains libertariens (plutôt anarcho-capitalistes) soulignent le caractère fictif du contrat social, qui n'est qu'une justification de l'agression étatique (voir aussi l'article quitter le pays). D'autres (plutôt minarchistes) comptent davantage sur la concurrence fiscale entre pays pour "limiter" cette agression.

Voir aussi Non-aggression principle sur le Wikipedia anglophone

Citations

  • Le commandement : « Nul ne prendra l’initiative d’une agression physique... » est une garantie que chaque être humain reçoit de tous les autres, mais cette formulation sous forme d’interdiction ne constitue pas à proprement parler un droit. Le juste énoncé, qui est le mode positif de la non-agression, dirait plutôt : « Chacun peut faire ce qu’il veut avec ce qui lui appartient, et seulement avec ce qui lui appartient ». A la suite de beaucoup de libéraux conséquents, nous venons de déclarer le seul Droit de l’Homme. Il n’existe fondé en raison qu’un seul Droit de l’être humain, prévalant universellement, et c’est celui-là : Chacun peut faire ce qu’il veut avec ce qui lui appartient et seulement avec ce qui lui appartient. Tous les autres prétendus droits, proclamés ici ou là, dans le meilleur des cas, ne déclinent que des applications particulières de ce Droit fondamental, et plus souvent, ne font que le restreindre ou l’invalider. (Christian Michel)
  • L'axiome de non-agression est au fondement du libertarisme. Il dénonce comme illicite l'emploi initial de la violence (ou la menace d'employer la violence) contre une personne ou contre sa propriété légitime. Murray Rothbard le caractérise comme le "fil à plomb" du libertarisme : il suffit de suivre ce principe pour en déduire la position libertarienne sur n'importe quel sujet sans exception. (Walter Block)
  • Violer les droits de l'homme signifie le contraindre d'agir contre son propre jugement, ou exproprier ses valeurs. Fondamentalement, il n'y a qu'une seule façon de le faire : par l'utilisation de la force physique. Il y a deux violateurs potentiels des droits de l'homme : les criminels et le gouvernement. (Ayn Rand, La vertu d'égoïsme)
  • Celui qui part de l'idée préconçue que la notion du droit doit être positive, et qui ensuite entreprend de la définir, n'aboutira à rien ; il veut saisir une ombre, poursuit un spectre, entreprend la recherche d'une chose qui n'existe pas. La notion du droit, comme celle de la liberté, est négative ; son contenu est une pure négation. C'est la notion du tort qui est positive ; elle a la même signification que nuisance - læsio - dans le sens le plus large. Cette nuisance peut concerner ou la personne, ou la propriété, ou l'honneur. Il s'ensuit de là que les droits de l'homme sont faciles à définir : chacun a le droit de faire tout ce qui ne nuit pas à un autre. (Arthur Schopenhauer, Parerga et Paralipomena)

Liens externes

(en)The Non-Aggression Axiom of Libertarianism Walter Block

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4 décembre 2012 2 04 /12 /décembre /2012 19:48
Une justification du principe de non-agression

Le respect de la personne et des biens d’autrui nous est dicté par la raison, tandis que la générosité vient du cœur. Cette vérité a quelque chose d’anodin, mais les socialistes la foulent au pied quand ils proclament leurs idéaux coercitifs. À partir d'une justification du principe libertarien de non-agression, l'objet de cet article est de montrer que la liberté est une valeur qui ne tolère pas d’exception et qui ne saurait s’incliner devant les revendications socialistes.
 
Par Grégoire Canlorbe.

Il est de bon ton de reprocher aux libertariens leur « extrémisme » dans la défense de la liberté. Nous aurions tort de défendre sans concession l’intégrité physique de la personne et la propriété privée. Nous éclipserions cette autre valeur qu’est la solidarité, à laquelle la liberté doit savoir s’assujettir. En d’autres termes, les libertariens ne devraient pas tolérer une solidarité strictement volontaire mais reconnaître qu’il est parfois justifié, précisément au nom de la solidarité, d’obliger un individu à prêter assistance aux autres.

Quiconque a compris l’économie et lu Bastiat, Mises ou Rothbard sait les conséquences néfastes de toute solidarité forcée et les effets pervers de l’État Providence. Les arguments économiques, cependant, ne peuvent pas suffire à rallier l’opinion aux libertariens. Pour la plupart des gens, la solidarité généralisée que l’État Providence établit par la contrainte, est bénéfique mais surtout morale. La solidarité est une valeur qui ne se discute pas et qui mérite, à ce titre, l’appui de la force physique. La gauche radicale va jusqu’à nier que la liberté soit une valeur et à ne reconnaître aucune limite au socialisme.

Mon objet ici sera de montrer ce qui fait que la liberté est une valeur, et de surcroît une valeur qui ne tolère pas d’exception et qui ne saurait s’incliner devant les revendications socialistes.

 

Le principe de non-agression

Toute morale consiste en un principe général pour guider l’action. Un comportement est moral dans la mesure où il est conforme à un principe posant comment je dois agir dans ma vie d’une façon générale. Ce principe est ce qu’on appelle proprement une valeur morale.

Les libertariens défendent la valeur selon laquelle nul ne peut porter atteinte à la vie et aux biens d’autrui. Il s’agit du principe de non-agression. On peut le formuler de la façon suivante : « agis toujours en sorte de ne pas agresser autrui en sa personne ou en ses biens ». Chacun doit pouvoir disposer comme il le veut de sa vie et de ses biens, pourvu qu’il ne commette aucun acte coercitif à l’égard de la vie et des biens d’autrui. Le corollaire en est qu’un individu peut disposer comme il le veut de ses biens, pourvu qu’il n’ait pas eu recours au vol pour les faire siens.

Le propre d’une valeur morale est qu’elle s’impose à moi. Elle formule une obligation intrinsèque et donc universelle. Un exemple a contrario est utile pour mettre les choses au clair. Prenons les expressions suivantes : « étire toi tous les matins » ou « n’écoute jamais de Mick Jagger ». Ces impératifs répondent à des préférences personnelles, qui ne regardent que moi : garder la forme physique ou rester dans son temps au lieu d’écouter des vieilleries. Ce n’est pas une obligation intrinsèque : à savoir une obligation qui vaut pour elle-même et qui existe en tant que telle, dont je prends simplement acte. C’est une obligation que je m’assigne à moi-même et qui ne m’est pas extérieure.

Certes, de telles formules emploient un langage moral. Elles ont la forme, mais non le fond d’une proposition morale. Il ne suffit pas de donner une formulation morale à tel comportement pour qu’il soit effectivement moral. Je peux m’amuser à m’assigner l’impératif de ne manger que mexicain, néanmoins c’est une obligation qui ne vaut que pour moi et qui n’a rien d’objectif.

Ces remarques valent également pour les obligations auxquelles j’assigne autrui. Ce n’est pas parce que je demande à autrui de faire quelque chose, fût-ce sous la menace physique, que l’action d’autrui sera morale. Si je veux soumettre untel au devoir de manger mexicain, ce devoir n’en est pas un ; il n’a rien d’objectif. Je fais comme si ce devoir existait en dehors de moi mais ce devoir n’existe pas en tant que tel.

Le principe de non-agression est un principe objectif. Il vaut en tant que tel, indépendamment des préférences personnelles de l’agent. Puisque cet impératif est objectif, chaque homme peut le connaître objectivement. En ce sens, il est universel. J’entends démontrer maintenant cet état de fait.

 

Une justification ontologique

Un homme est propriétaire de lui-même. Plus précisément, il est propriétaire de sa pensée, de son corps et de ses biens. Par conséquent, il jouit comme il l’entend d’un certain nombre de facultés, tant que les limites de son espace propre sont reconnues.

La propriété de soi est évidente par elle-même. On ne peut la nier sans commettre une contradiction performative. Réfuter la propriété de soi consiste en une action qui prouve par elle-même l’existence de cette propriété.

Nier la propriété de soi, celle de sa pensée, de son corps, de ses biens, revient, tout d’abord, à prouver qu’on est propriétaire de son esprit mais également de son corps. C’est agir d’une façon qui prouve qu’on est le possesseur de sa pensée, qu’on dispose comme on veut de ses idées et qu’il est techniquement impossible à autrui de régir le cours de notre pensée, à moins qu’il ne nous oblige à confier nos pensées, nous fasse subir un lavage de cerveau ou nous force à consommer des substances qui nous ôtent le contrôle de notre esprit.

C’est également agir d’une façon qui prouve qu’on est le possesseur de son corps, qu’on s’en sert comme on le veut, en agissant par exemple sur ses cordes vitales ou en se servant de ses doigts pour taper sur le clavier d’un ordinateur. Quand autrui me blesse, cela revient à m’ôter le libre exercice de la propriété de mon corps.

Enfin, argumenter à l’encontre de la propriété de soi présuppose l’appropriation ou la faculté d’appropriation d’un certain nombre de biens : un stylo, pour jeter ses idées sur le papier ; un micro, pour amplifier le son de sa voix devant un amphithéâtre, entre autres exemples.

Voilà en quoi la propriété de soi est évidente par elle-même. L’acte de nier la propriété de soi prouve la propriété de soi ; et ce, au niveau aussi bien de l’esprit et du corps que de la propriété extérieure. Le principe de non-agression est justifié par le caractère objectif de cet espace propre.

Agresser autrui en sa personne ou en ses biens, c’est disposer selon mon bon vouloir de ce qui ne m’appartient pas. À ce titre, c’est commettre ce qui doit ne pas avoir lieu. La nature même d’un homme, sa nature de propriétaire, interdit qu’il soit tué, blessé ou spolié.

 

Objection

Le lecteur malin rétorquera éventuellement que je passe du positif au normatif. Que je déduis d’un être ce qui doit être. Soit, un homme est propriétaire de lui-même ; mais on ne peut en déduire qu’il faille respecter cette propriété. Une telle objection ne va cependant pas plus loin que le sophisme.

Toute propriété est celle de quelqu’un, et donc, elle n’appartient pas aux autres. La propriété, par définition, revient de droit à son possesseur. Par conséquent, elle pose une limite à ne pas franchir, un interdit à ne pas transgresser. La propriété n’a pas à être fondée en droit, la propriété est un droit. Il n’y a pas lieu de distinguer entre propriété et droit de propriété ; toute propriété est à elle-même son propre droit.

Pas plus qu’un voleur n’est le propriétaire de ce qu’il a pris à autrui, un maître n’est le propriétaire de son esclave. La propriété est un droit objectif, pas une convention. Ce n’est pas la volonté du législateur qui détermine ce qui doit appartenir à un homme, c’est la nature d’un homme qui détermine ce qui lui appartient de fait, à charge pour le droit positif d’en prendre acte.

La propriété n’est pas un droit qui découle d’un fait ; c’est un droit qui existe de fait. La propriété, c’est un droit constitutif de la nature humaine ; pas un droit dérivé de la nature humaine.

 

La solidarité doit rester volontaire

En résumé, le principe de non-agression est un principe objectif, en cela qu’il prend acte d’un fait : la propriété de soi. Un homme est par nature propriétaire de lui-même ; sa nature assigne des interdits, qui existent en tant que tels, indépendamment de mon bon vouloir.

Le principe de non-agression ne peut tolérer aucune exception puisqu’il prend acte d’un interdit inconditionné. Un homme est le propriétaire de lui-même en toutes circonstances. On ne peut l’obliger, fût-ce de temps en temps seulement, à prêter assistance aux autres. Le contraindre physiquement à rendre service aux autres, que ce soit en l’obligeant à faire don de sa personne ou de ses biens, c’est toujours le priver du libre exercice de ce qui lui revient de droit.

Le principe de non-agression ne saurait donc s’incliner face aux revendications socialistes. Ce qui ne dévalorise en aucune façon la générosité, la bienveillance ou la solidarité. Mais ce comportement doit rester volontaire. C’est sur ce point que les libertariens rentrent en désaccord avec les socialistes.

Les arguments moraux en faveur du socialisme, sous sa forme radicale ou sous sa forme « light » social-démocrate, partent d’une conception altruiste de la morale. On peut exprimer en ces termes le principe altruiste : « fais du bien d’autrui ton bien propre, de ses intérêts propres ton intérêt personnel ». Ou encore : « sers à chaque fois que l’occasion t’en est donnée, et qu’il ne peut le faire par lui-même, les intérêts de ton prochain. »

Ce qui est moral, par définition, doit avoir lieu. Quitte à user de la contrainte physique pour que soit ce qui doit être. Les libertariens estiment que la force est légitime pour défendre les propriétés. Les socialistes, qui se réclament du principe altruiste, estiment que la force est légitime pour aider les individus à se prêter assistance les uns aux autres. Nous avons vu plus haut qu’il ne suffit pas de formuler un acte en un langage moralisant pour que cet acte soit moral dans les faits. Ce n’est pas parce que les socialistes estiment qu’on a le devoir de prêter assistance aux autres, que ce devoir existe de fait.

 

Pas de principe concurrent

Pour le coup, on est obligé de sauter du positif au normatif quand on veut défendre le principe altruiste. De quel droit un homme peut-il prétendre à ce que les autres servent, fût-ce sous la contrainte physique, ses intérêts à lui ? Il est tentant d’estimer qu’un homme étant un être vivant, sa nature lui assigne la finalité de survivre, ce qui n’est possible qu’à la condition de disposer de tout ce que sa survie requiert.

D’où la justification ontologique du socialisme : un homme a droit à ce que les autres garantissent sa subsistance ; en d’autres termes, les autres ont le devoir de garantir sa subsistance, quitte à ce qu’on les contraigne physiquement à satisfaire cette exigence quand ils se montrent réticents. Un homme a droit à être nourri, logé, soigné par les autres.

Ce qui cloche avec un tel argument, c’est qu’il constitue un non sequitur : un homme, certes, est un être vivant, confronté à l’alternative de survivre ou mourir ; mais cela ne prouve en aucune façon que sa raison d’être sur Terre soit de survivre, qu’il naisse avec une finalité, une mission à accomplir ici bas.

Un œil est un dispositif ainsi conçu qu’il nous permet de voir ; mais il n’a pas pour but de nous permettre de voir. Prétendre le contraire revient à déduire le devoir-être d’une chose à partir de son être, ce qui n’est pas logique. Un œil n’a pas pour but de voir ; crever les yeux d’un homme, ce n’est pas porter atteinte à la finalité qui découlerait de leur nature. Par conséquent, celui qui a les yeux crevés n’a pas droit à ce qu’on prenne les yeux des voyants pour les lui donner.

Pour satisfaire sa faim, un homme doit ingérer des aliments, son appareil digestif n’a pas pour autant la finalité de satisfaire ce besoin. Un homme n’a pas droit à ce qu’on le nourrisse.

Il n’y a donc pas de justification ontologique du principe altruiste. Ce n’est qu’une convention, un devoir fictif. Nous avons vu que le principe de non-agression est, pour sa part, objectif. Le principe altruiste n’est donc pas une concurrence sérieuse.

 

Une défense de la solidarité

Pour un altruiste, quelqu’un qui se réclame du principe altruiste, la solidarité est un devoir. En fait, sa position procède d’un sentiment plus fondamental, propre à la plupart d’entre nous, selon lequel il serait désirable ou souhaitable que les autres, et pas seulement nous, puissent accomplir leurs projets personnels.

Ce sentiment, qu’on peut qualifier de généreux ou bienveillant, nous pousse, par exemple, à céder notre place dans le bus. Entraîné par sa fièvre généreuse, l’altruiste pense qu’il a le devoir de servir ses semblables ; mais en fait, qu’il soit désirable que chacun atteigne ses fins propres, cela ne signifie pas que nous ayons le devoir de lui prêter main forte. Qu’il soit désirable que chacun puisse se payer des soins, ne signifie pas qu’il faille instaurer une assurance santé obligatoire. D’une façon générale, qu’il soit désirable que tout un chacun soit heureux en ce bas monde, cela ne signifie pas que nous ayons le devoir de rendre heureux nos semblables.

Voilà en quoi la solidarité peut être défendue, sans que ce ne soit d’un point de vue moral. Pourquoi s’opposer à ce que nous estimons désirables de faire, pourvu que nous n’empiétions pas sur le droit des autres ?

 

Conclusion

En d’autres termes, le respect de la personne et des biens d’autrui nous est dicté par la raison, mais la générosité vient du cœur. Cette vérité a quelque chose d’anodin. Mais les socialistes la foulent au pied quand ils proclament leurs idéaux coercitifs. Défendre sans concession le principe de non agression n’a rien d’extrémiste ; c’est faire preuve de discernement et de bon sens. La propriété de soi est objective ; pourquoi ne pas exiger le respect inconditionné de nos droits ? L’altruisme n’est pas objectif ; pourquoi se soumettre et soumettre les autres à un faux devoir ? Nous estimons néanmoins qu’il est désirable de servir notre prochain ; que faut-il de plus pour se montrer généreux ?


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ÉTHIQUE DE LA LIBERTÉ 

 

par André Dorais


          La différence entre la morale et l’éthique est historique. Les philosophes de l’Antiquité parlaient d’éthique, alors que les Latins l’ont traduit par la morale. On associe davantage la morale aux prescriptions de la religion, mais comme la plupart des gens, j’utilise ces termes indifféremment. 
  
          Kant est un des plus grands philosophes qui ait existé. Si j’avais à enseigner l’éthique à l’aide de quelques classiques, je choisirais Aristote et Spinoza pour leurs descriptions des vertus, Kant pour son analyse de la liberté et Murray N. Rothbard pour son analyse de l’agression. Évidemment, l’agression n’est pas une vertu, mais son étude facilite l’identification de tout ce qui se fait passer pour vertu. Bien qu’ils aient procédé différemment, Kant et Rothbard ont conclu à l’éthique de la liberté comme représentante de la justice universelle. En démasquant la prétention éthique du politique, Rothbard en indiquait toute l’exigence pratique. 

 

          Une synthèse de ces morales conduit à en retracer les limites. En effet, diviser l’éthique en deux champs distincts permet de mieux circonscrire le type de prescription qui s’y rattache. Ainsi, je regroupe les vertus, à l’exception de la justice et de la prudence, sous l’éthique du bonheur, soit une étude du caractère, tandis que l’éthique de la liberté est confinée aux questions de justice. Celle-ci a pour principe la non-agression. Malgré sa simplicité elle n’est pas respectée, ou si peu. Comment en viens-je à ces conclusions? 
  
La raison comme liberté 
  
          Si les auteurs susmentionnés ont leur propre conception de l’éthique, je considère néanmoins que celles-ci se complémentent davantage qu’elles se contredisent. Kant cherchait les fondements de la morale. Il a trouvé la liberté, qu’il caractérisait comme étant une « idée » et une « supposition nécessaire de la raison ». En d’autres mots, la liberté est pour lui, comme pour tous les auteurs qui l’ont suivi, un axiome, c’est-à-dire une vérité indémontrable. Cependant, à le lire il est difficile de ne pas établir une équivalence entre raison et liberté. 
  
          En effet, en quoi diffère la raison de la liberté de penser? Pourquoi dire que la raison est un attribut ou une caractéristique de l’homme et la liberté un axiome? Pourquoi faire cette différence? A-t-on mieux démontré la raison que la liberté? Dire que la liberté est la raison n’est certes pas conventionnel, mais cela n’enlève rien à ceux qui en font un postulat et décrit tout aussi bien, voire mieux, la nature humaine. 
  
          En réalité, ces concepts sont non seulement interchangeables, on les éliminerait que cela n’y changerait rien. En autant que vous sachiez distinguer le pouvoir exercé par la force de celui exercé par la raison, vous serez en mesure de décrire la réalité. 
  
L’éthique comme raison pratique 
  
          Dans cette optique, la liberté (la raison) n’est pas seulement le fondement de l’éthique, mais le fondement de toute science. À son tour, le fondement ou plus précisément le principe de l’éthique, de la raison pratique, est la non-agression. Avant d’être un devoir, le principe de non-agression est un intérêt. L’homme reconnaît qu’il a intérêt à coopérer avec autrui ou, à tout le moins, à ne pas l’agresser. L’éthique est d’abord un calcul, c’est-à-dire qu’elle demeure toujours la raison. 
  
          La coopération permet de combler ses désirs plus rapidement. Cet intérêt de coopérer implique également un désir de maintenir la vie. Un homme ne peut prendre le temps d’argumenter cette vérité sans en même temps la prouver. Ici se fondent la description et la prescription, la raison et l’éthique, l’être et le devoir être. L’éthique de la liberté est rationnelle. 
  
Le principe de l’éthique 
  
          Vouloir maintenir la vie d’autrui pour profiter de sa coopération constitue la base du principe de non-agression. Au même titre que le fondement moral kantien, le principe de non-agression est universel, c’est-à-dire qu’il est à l’avantage de tous sans être au détriment de personne. 
  
          Une agression est une attaque contre une personne. Toutefois, on la définit généralement de manière extensive. L’agression physique en est la pire forme. Le vol commis sous la menace d’agression n’est pas loin derrière. Ravir le bien de quelqu’un, sans le menacer, ne constitue pas une agression physique, mais en étirant la définition et en considérant que cet acte subtilise une partie de l’homme lui-même, on dira que cela en constitue la forme la plus ténue. Cependant, que l’on accepte ou non de qualifier la fraude et le vol simple comme des agressions, cela n’en demeure pas moins inacceptable. 
  
          On n’a pas besoin de sonder les gens pour s’assurer qu’une vaste majorité est d’accord avec le principe de non-agression, car cela est dans l’intérêt de tous. Il s’agit d’un principe établi par l’évolution de la raison. Il vise toute action humaine. Celui qui n’en tient pas compte est potentiellement dangereux. Aucune morale ne peut prétendre être légitime et universelle si elle ne respecte pas ce principe. 
  
Propriété et liberté: deux concepts permettant d’atteindre un même but 
  
          Le concept de non-agression est un principe, c’est-à-dire premier devoir de l’homme. Ce devoir lui permet d’espérer rester en vie, car sans ce principe sa vie est constamment menacée. La raison pratique lui indique de respecter l’homme pour ce qu’il est, soit un propriétaire. Un homme ayant comme seule richesse ce qu’il porte sur le dos n’en demeure pas moins l’unique autorité de ses actes. Il est propriétaire de lui-même, maître de ses choix. 
  
          Le concept de propriété renvoie à l’homme et à ses possessions, tandis que le concept de liberté renvoie à la raison et la raison pratique, par conséquent à toute action humaine. Puisque l’homme tente de mettre en pratique ses idées, respecter celles-ci implique le respect de ses actions. En termes abstraits, respecter la liberté signifie également le respect des libertés. Respecter la propriété signifie essentiellement la même chose. Ces concepts ne sont pas synonymes, mais ils se recoupent beaucoup. 
  
          Les libertés ne se limitent pas seulement à celles se retrouvant dans les chartes des droits, mais à toutes celles entendues sous le concept de liberté ou de propriété. Ces libertés, qui deviennent droits individuels sous le sceau de la légalité, se ramènent toutes au principe de non-agression. Respectez ce principe et vous accomplissez tous vos devoirs. Faites-le en partie et vous commettez une injustice. 

 

     « Vous n’êtes pas plus "progressiste" parce ce que vous taxez 70% des revenus plutôt que 20%. Vous n’êtes pas plus "solidaire" parce que vous augmentez les subventions. Vous n’êtes pas plus "juste" parce que vous faites des soins de santé un monopole d’État. »

 

          Dans son intérêt, l’homme doit à autrui la non-agression. Les problèmes commencent lorsqu’on traite ce devoir d’essence individuelle en devoir collectif. On interprète d'abord la lettre des droits plutôt que l’esprit, ensuite on les confond avec des droits soi-disant collectifs (démocratiques, sociaux et économiques). Ce faisant, on multiplie l’obligation. Or, l’homme n’a pas à subir d’autres contraintes que celles qu’ils s’imposent à lui-même tant et aussi longtemps qu’il n’agresse personne. La multiplication des contraintes n’est pas dans son intérêt. Le politique va en sens inverse de l’éthique. 
  
L’imposture de la morale sociale-démocrate 
  
          La morale démocratique (étatiste, égalitaire) n’a de morale que la prétention. Il s’agit d’une morale qui s’impose par la force coercitive de la loi. Par conséquent, elle ne peut prétendre à l’universalité, car ce critère implique un désir qui soit imposé par la seule force de la raison. Les gens veulent la non-agression, mais beaucoup moins veulent la taxation. Celle-ci est établie de manière coercitive et cela suffit pour disqualifier ce régime de morale. 
  
          Cette morale est instable, car elle tente de s’établir en ayant recours à un seuil ou à un degré quelconque impossible à déterminer. Ses partisans se disputent entre eux à savoir si la générosité commence avec un salaire minimum à 10$, 20$ ou 50$ de l’heure; si le niveau d'imposition est abusif à partir de 20%, 50% ou 75% des revenus; s’ils doivent étendre le contrôle des prix à d’autres secteurs d’activités; s’ils doivent ajouter d’autres monopoles à ceux qu’ils détiennent déjà dans les services des soins de santé, d’éducation, de sécurité, etc. 
  
          S’ils n’invoquent pas directement la morale, les partisans de la social-démocratie la sous-entendent par l’utilisation constante de concepts à connotation morale. Or, on ne peut pas invoquer la morale ou la justice en termes de degré. Vous n’êtes pas plus « progressiste » parce ce que vous taxez 70% des revenus plutôt que 20%. Vous n’êtes pas plus « solidaire » parce que vous augmentez les subventions. Vous n’êtes pas plus « juste » parce que vous faites des soins de santé un monopole d’État. Inversement, vous n’avez pas moins de « morale » à réduire le taux de taxation. Vous pourriez être la personne la plus charitable au monde tout en abolissant la taxation et le gouvernement. 
  
          La morale étatique est fausse, car elle vise un résultat sans tenir compte des moyens pour y arriver. Pour ses partisans, la morale est dans l’égalité. Ils visent une égalité économique ou, à tout le moins, une plus grande redistribution des richesses afin que tout le monde reçoive plus ou moins la même chose. Il y a plusieurs problèmes avec cette approche, mais le principal est que pour y arriver vous devez utiliser la force coercitive de l’État. Or, utiliser des moyens coercitifs pour arriver à ses fins est nécessairement immoral. 
  
          Les sociaux-démocrates essaient par des moyens tous plus démagogiques les uns que les autres à convaincre les gens que taxer est un mal nécessaire pour faire le bien. La vérité est que vous ne pourrez jamais justifier rationnellement qu’un bien peut résulter d’un mal sans tomber dans des raisonnements spécieux. 
  
          Une morale, pour être légitime et universelle, doit viser les moyens et non les résultats. Si vous visez des résultats, tels que l’égalité économique, et que vous prenez des moyens coercitifs pour y arriver, vous êtes injuste et immoral. Que cette façon de procéder soit le lot des sociétés d’aujourd’hui n’y change strictement rien. Le fait d'être appuyé par une majorité permet certes avoir le dernier mot, mais non parce que cette dernière a raison, plutôt parce qu’elle s’impose par la force. Une majorité, même démocratique, n’est pas un gage de moralité et de justice, mais tout au plus le fondement d'un pouvoir exercé par la force. La morale n’est pas une question de majorité, pas plus qu’elle se mesure en termes de degré. La morale est une question de principe. 
  
Délimitation de l’éthique
 
  
          L’éthique a pour champ toute l’activité humaine. Vous ne pouvez pas ne pas en tenir compte sans être considéré dangereux pour les autres, car toute autre science et toute autre activité lui sont subordonnées. Elle n’a qu’une seule exigence: la non-agression entendue de manière extensive. La plupart des gens n’ont aucune difficulté avec ce principe tant qu’on ne considère pas la taxation comme étant un vol. Pourtant, personne ne paie volontairement les taxes. Celles-ci sont justifiées par des arguments fallacieux qui tentent de subordonner l’éthique aux autres sciences.  
  
          En subordonnant l’éthique, notamment au politique, cela laisse le champ libre aux gouvernements pour faire à peu près n’importe quoi. Il n’existe pas une telle chose qu’une justice applicable en droit et une autre applicable en éthique. La justice est à la recherche de la vérité et non de l’autorité. Il n’y a qu’une seule justice universelle: l’éthique de la liberté ou le droit tel qu’il doit être. 
  
          En plaçant la légalité d’un système normatif au-dessus de l’éthique vous abaissez celle-ci à celle-là. Vous obtenez un droit qui n’a pour seule légitimité que la force légale. Or, donner son assentiment à la légalité d’un système juridique sans se soucier de savoir s’il est légitime ou non, c’est faire preuve d’un relativisme moral. En tant que membre d’une société, vous êtes partie intégrante d’une morale ou d’une éthique. Vous n’en sortez pas. Il n’existe pas de science de l’homme amorale.  
  
          Se contenter de la légalité d’un système juridique, c’est déjà montrer ses couleurs. Le relativisme moral est injuste et immoral s’il permet l’agression. Dans la mesure du possible le scientifique tente de rester impartial dans l’exercice de ses fonctions, mais il lui est impossible d’être amoral tant qu’il vit en société. Celui qui endosse l’agression doit être combattu. Or, les politiciens, juges, avocats, sociologues, économistes, historiens et autres commentateurs de l’action humaine tentent-ils de réduire l’agression ou d’en promouvoir une forme différente? Le premier camp est libéral, le second social-démocrate.  
  
          Aujourd’hui, la tendance est à identifier (assimiler) la morale à la démocratie. Le problème, c’est que vous n’arriverez jamais à trouver un niveau d'imposition qui corresponde à l’éthique, car celle-ci n’est pas une question de degré. Plus longtemps vous chercherez l’éthique à travers un régime politique, plus grandes seront vos chances de tomber avec lui, car celle-ci est une perversion de celle-là.  
  
          À force de taxer les gens, la démocratie réduit le choix individuel. Lorsque le choix est réduit, la richesse l'est autant. Richesse qui vous simplifie la vie et qui vous permet de l’apprécier. La morale démocrate conduit à une forme d'égalité, mais une égalité dépourvue d’originalité et d’initiative, une égalité dans la pauvreté et la misère. 
  
          Certains prétendront que la morale n’est pas le fruit de l’homme, mais de son créateur. Tant que les gens respectent le principe de non-agression les morales religieuses ne posent aucun problème à l’éthique. Si un homme adhère volontairement à une religion en connaissance de cause, un libéral n’en a rien à redire.  
  
Les vertus 
  
          L’éthique de la liberté ne dit rien des vertus, si ce n’est par l’entremise de la justice, mais elle leur laisse toute la place. La pratique des vertus est souhaitable, alors que la justice est un devoir. Un homme généreux et courageux est certes intéressant, mais s’il ne respecte pas la propriété d’autrui comment peut-il prétendre être juste? Un homme qui ne répond pas d’abord de la justice ne peut prétendre agir moralement. Taxer les uns pour donner aux autres n’est pas plus un acte de générosité que de justice. Vous ne pourrez jamais être généreux en distribuant l’argent des autres contre leur gré, car la générosité est la vertu du don et celui-ci ne peut être que volontaire.  
  
          L’éthique de la liberté est calculatrice et par là elle est froide. Toutefois, elle est essentielle à une vie en société, bien qu’insuffisante au bonheur. La pratique des vertus vient combler en partie ce vide. Ne dit-on pas que le plaisir est de donner? Les vertus sont toujours du ressort de la raison, mais elles font également place aux sentiments. 

          Certes, justice et générosité concernent l’une et l’autre nos rapports avec autrui (du moins principalement: on peut en avoir besoin aussi pour soi-même); mais la générosité est plus subjective, plus singulière, plus affective, plus spontanée, quand la justice, même appliquée, garde en elle quelque chose de plus objectif, de plus universel, de plus intellectuel ou de plus réfléchi. La générosité semble devoir davantage au coeur ou au tempérament; la justice, à l’esprit ou à la raison (André Comte-Sponville, Petit traité des grandes vertus).

          L’éthique du bonheur est une étude du caractère. Les vertus en sont le contenu, le bonheur le but. Le désir est le premier moteur de l’homme, mais il doit céder sa place à la raison pour le guider. Sans l’aide de celle-ci il risque de prendre des vessies pour des lanternes. À trop contenir celui-là sa vie peut être juste, mais triste. Le bonheur est possible sans la justice, mais il risque alors d’être éphémère. La justice est donc une condition du bonheur durable. L’homme ne saurait s’en passer, mais il ne s’ensuit pas qu’il ait besoin de l’État. 
  
          Le libéral a pour sujet de prédilection la philosophie de l’action, la praxéologie, c’est-à-dire l’étude de l’action humaine, qui reconnaît d’emblée l’éthique de la liberté. Cette étude peut lui donner un air sérieux, froid, et peut-être l’est-il en réalité, mais il n’est pas obligé d’en rester là. L’éthique du bonheur est ouverte à tout le monde, mais elle se pratique d’autant plus facilement qu’il y a éthique de la liberté.


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27 novembre 2012 2 27 /11 /novembre /2012 23:59
La définition de la Liberté selon Ron Paul

En collaboration avec l'Institut Coppet, nous vous proposons à la lecture l’introduction de Liberty Defined (2011), récent livre du libertarien Ron Paul, candidat à l'investiture du Parti républicain pour l'élection présidentielle américaine de 2012.

 

 

Introduction

http://www.institutcoppet.org/wp-content/uploads/2011/08/9692754-197x300.jpgL’histoire et les idées politiques dominantes de l’Amérique s’identifient à la liberté. La Déclaration d’Indépendance affirme que la vie, la liberté et la recherche du bonheur sont des droits inaliénables, mais je pense que la vie et la recherche du bonheur dépendent également de la liberté, socle fondamental de notre pays. Nous employons le mot presque comme un cliché. Mais savons-nous ce que cela signifie ? Sommes-nous capables de la reconnaître lorsque nous la rencontrons ? Plus fondamentalement, sommes-nous capables de reconnaître l’opposé de la liberté lorsqu’il nous est vendu comme une forme de liberté ?

 

La liberté signifie exercer les droits humains de n’importe quelle manière aussi longtemps que cela n’interfère pas avec l’exercice des droits des autres.  Cela signifie avant tout d’exclure le gouvernement de nos vies. Ce chemin seul conduit à la libération des énergies humaines qui construit les civilisations, procure la sécurité, génère la richesse, et protège le peuple des violations systématiques des droits. Dans ce sens seule la liberté peut réellement écarter la tyrannie, le grand et éternel ennemi de l’humanité.

 

La définition de la liberté que j’utilise est la même que celle admise par Thomas Jefferson et sa génération. Son acception découle de la grande tradition de la liberté, car Jefferson lui-même s’est nourri à la source de John Locke (1632-1704). J’utilise le terme « libéral » sans ironie ni mépris, car la tradition libérale dans son véritable sens, du Moyen Age tardif au début du vingtième siècle, avait pour but de libérer la société des chaînes de l’État. Voilà un objectif que je me fixe et que devraient, je pense, se fixer tous les Américains.

 

Croire en la liberté n’est pas croire en un résultat social ou économique particulier. C’est faire confiance à l’ordre spontané qui émerge lorsque l’État n’intervient pas dans la volonté et la coopération humaines. Elle permet aux gens de régler leurs problèmes et de construire leurs vies à leur manière, de prendre des risques en acceptant la responsabilité qui en découle, et de décider par eux-mêmes.

 

Est-ce que nos dirigeants à Washington croient en la liberté ? Ils le prétendent parfois. Je ne pense pas qu’ils disent la vérité. L’existence à Washington, DC, de l’État Léviathan pilleur de richesses, une énorme machine caricaturale que personne ne peut contrôler et que peu de gens défient sérieusement, un monstre qui se manifeste en permanence dans tous les aspects de nos vies, est la preuve suffisante que nos dirigeants n’y croient pas. Aucun des deux partis ne défend véritablement les idéaux classiques et fondamentaux qui ont donné naissance à la Révolution Américaine.

 

Les coûts de ce léviathan sont évidemment incommensurables. Le vingtième siècle a enduré deux guerres mondiales, une crise économique mondiale et une « Guerre Froide » de quarante cinq ans où deux superpuissances se faisaient face avec des dizaines de milliers de fusées intercontinentales armées de charges nucléaires. Et pourtant aujourd’hui la menace du gouvernement, partout dans le monde, pourrait bien représenter un plus grand danger que tout ce qui s’est produit au vingtième siècle. Nous sommes contrôlés où que nous allions : au travail, au magasin, à la maison et à l’église. Plus rien n’est privé : ni la propriété, ni la famille, ni même nos lieux de culte. Nous sommes encouragés à nous espionner mutuellement et à supporter passivement que des agents du gouvernement nous scannent, nous harassent et nous remettent à notre place jour après jour. Si vous protestez vous êtes mis sur une liste noire. Si vous vous battez pour révéler la vérité, comme l’ont fait WikiLeaks et d’autres sites, vous devenez une cible et pouvez être anéantis. Parfois nous avons l’impression de vivre littéralement dans un roman cauchemardesque comme 1984 ou Brave New World, avec de moins en moins de liberté économique. Certains diront que c’est une hyperbole ; d’autres comprendront exactement ce dont je parle.

 

L’enjeu est le rêve américain lui-même, qui à son tour est associé avec notre niveau de vie. Trop souvent nous sous-estimons le véritable sens de l’expression « niveau de vie ». A mon sens elle concerne directement toutes les questions qui affectent notre bien-être matériel, et par conséquent notre vision de la vie elle-même : que nous soyons pleins d’espoir ou désespérés, que nous prévoyions un progrès ou une régression, que nous pensions que nos enfants s’en sortiront mieux ou moins bien que nous-mêmes. Toutes ces considérations sont au cœur de l’idée de bonheur. L’expression « niveau de vie » recouvre presque tout ce que nous attendons de la vie sur cette terre. Il s’agit simplement de la manière dont nous pouvons définir nos vies.

 

Nos niveaux de vie sont rendus possibles par l’institution bénie de la liberté. Lorsque la liberté est attaquée, tout ce à quoi nous tenons est attaqué. Les gouvernements, par leur nature même, sont en concurrence notoire avec la liberté, même si l’intention proclamée pour établir un gouvernement donné est de protéger la liberté.

 

Prenez par exemple les États-Unis. Notre pays fut créé avec les idéaux les plus élevés jamais connus et le respect de la liberté individuelle. Et pourtant regardez où nous en sommes aujourd’hui : des dépenses et une dette incontrôlables ; une bureaucratie monstrueuse qui règle chacun de  nos pas ; un mépris total pour la propriété privée, les marchés libres, une monnaie saine et la sphère privée ; et une politique étrangère d’expansion militaire. Les freins mis à notre gouvernement dans la Constitution par les Pères Fondateurs n’ont pas fonctionné. De puissants intérêts particuliers gouvernent et il semble qu’il n’y ait aucun moyen pour les combattre. Alors que la classe moyenne est détruite, les pauvres souffrent, les riches légitimes sont pillés et les riches illégitimes s’enrichissent. La richesse du pays est tombée entre les mains de quelques uns au détriment de tous les autres. Certains disent que c’est à cause d’un manque de réglementations à Wall Street, mais ce n’est pas exact. La racine du problème est bien plus profonde que cela.

 

La menace à la liberté ne se limite pas aux États-Unis. L’hégémonie du dollar a globalisé la crise. Rien de pareil ne s’est jamais produit avant. Toutes les économies sont liées et dépendantes de la capacité du dollar à maintenir sa valeur, alors qu’en même temps la production illimitée de dollars est censée sauver tout le monde.

 

Cette mondialisation du dollar est rendue plus dangereuse par presque tous les gouvernements qui agissent de manière irresponsable en étendant leurs pouvoirs et en vivant au delà de leurs moyens. La dette mondiale est un problème qui va s’amplifier si nous continuons sur cette voie. Et pourtant tous les gouvernements ; et surtout le nôtre, n’hésitent pas à accroître leurs pouvoirs au détriment de la liberté dans un effort futile de nous imposer leur vision. Ils croissent et s’enfoncent davantage dans la dette.

 

Dans notre effort pour remonter la pente, il est essentiel de comprendre comment les gouvernements sont toujours en concurrence avec la liberté et détruisent le progrès, la créativité et la prospérité.  La compétition entre le pouvoir abusif du gouvernement et la liberté individuelle est un problème vieux comme le monde. Le concept de liberté, reconnu comme un droit naturel, a pris de milliers d’années pour être compris par les masses en réaction à la tyrannie imposée par ceux dont le seul désire est de régner sur les autres et de vivre de leur assujettissement.

 

Ce conflit était compris par les défenseurs de la République Romaine, les israélites de l’Ancien Testament, les barons rebelles de 1215 qui réclamaient le droit d’habeas corpus, et certainement par les fondateurs de ce pays, qui imaginèrent la possibilité d’une société sans rois ni despotes et définirent ainsi le cadre qui a inspiré tous les mouvements de libération depuis lors. Il est compris par un nombre croissant d’Américains qui réclament des réponses et exigent la fin de l’hégémonie de Washington sur le pays et le monde.

 

Et pourtant, même parmi les amis de la liberté, il y a beaucoup de gens qui ont été trompés à croire que le gouvernement peut les protéger du tout risque, leur procurer une sécurité économique équitablement répartie et améliorer leur comportement moral individuel. Si le gouvernement se voit attribuer le monopole de la coercition pour atteindre ces buts, l’histoire montre que cette force conduit toujours à des abus. Sans aucune exception.

 

Au cours des siècles des progrès ont été réalisés dans la compréhension du concept de liberté individuelle et de la nécessité de rester vigilants en permanence pour limiter l’abus de pouvoir du gouvernement. Malgré des progrès constants, des périodes de recul et de stagnation ont eu lieu. Au cours des derniers cent ans les États-Unis et la plus grande partie du monde ont connu un recul de la cause de la liberté. En dépit de toutes les avancées technologiques, en dépit d’une compréhension plus raffinée des droits des minorités, en dépit de toutes les avancées économiques, l’individu jouit d’une bien moindre protection contre l’État qu’il y a un siècle.

 

Depuis le début du siècle dernier, de nombreuses graines de destruction ont été plantées qui ont maintenant grandi pour permettre un assaut systématique contre nos libertés. Avec une terrible crise financière et monétaire sur nous et qui menace l’avenir aussi loin que le regard porte, il est devenu bien visible que la dette nationale est insoutenable, que la liberté est menacée et que la colère et les craintes des gens augmentent. Plus fondamentalement, il est maintenant clair que les promesses et panacées du gouvernement sont sans valeur. Le gouvernement a une fois de plus échoué et l’exigence d’un changement s’amplifie de jour en jour. Il suffit d’observer les violentes variations de majorité des partis au pouvoir.

 

Le seul résultat des promesses gouvernementales fut d’amener les gens par la tromperie à croire en un faux sens de sécurité. L’autosatisfaction et le manque de confiance ont produit un énorme hasard moral, conduisant un grand nombre de gens à des comportements dangereux. L’autonomie et la responsabilité individuelle ont été remplacées par des bandes organisées qui ont réussi à se faufiler par la ruse dans la position de contrôle du système qui distribue la richesse pillée du pays.

 

L’alternative qui s’offre maintenant à nous est : de nouveaux pas vers l’autoritarisme ou un effort renouvelé pour promouvoir la cause de la liberté. Il n’y a pas de troisième option. Cet effort doit incorporer une compréhension plus moderne et plus sophistiquée de la merveille de l’économie de marché et en particulier de l’urgence morale et pratique de la réforme monétaire. La faute abyssale d’un gouvernement qui sape le génie créateur d’esprits libres et la propriété privée doit être pleinement comprise.

 

Ce conflit entre gouvernement et liberté, amené au point d’ébullition par la plus grosse faillite de l’histoire, a généré les protestations coléreuses qui se sont produites spontanément dans le pays et le monde. Les producteurs se révoltent et les bénéficiaires des largesses sont furieux et agités.

 

La crise exige une révolution intellectuelle. Heureusement cette révolution est en marche et si on la cherche sérieusement on peut la trouver. N’importe qui peut y participer. Nos idées sur la liberté ne se sont pas seulement développées au cours des siècles, elles font actuellement l’objet de débats attendus et une compréhension moderne, améliorée du concept est en vue. La Révolution est vivante et se porte bien.

 

L’idée de ce livre n’est pas de produire un plan pour l’avenir ni une défense complète d’un programme libéral. Ce que j’offre ici sont des opinions sur une série de sujets controversés qui ont tendance à déconcerter les gens et qui sont éclairées par ma propre expérience et ma réflexion. Je n’offre pas de réponses finales mais plutôt des balises pour réfléchir sérieusement à ces questions. Je ne m’attends certainement pas à ce chaque lecteur soit d’accord avec mes opinions, mais j’espère vraiment pouvoir inspirer des pensées et des débats sérieux, fondamentaux et indépendants à leur sujet.

 

Par dessus tout, le thème est la liberté. Le but est la liberté. Les produits de la liberté sont toutes les choses que nous aimons et dont aucune ne peut être fournie par le gouvernement. Nous devons avoir la possibilité de nous les procurer par nous-mêmes en tant qu’individus, familles, en tant que société ou pays. C’est parti : de A à Z.

 

Ron Paul, Liberty Defined, 2011, Appendice :

Les dix principes d’une société libre : 

  1.  
  2. Les droits appartiennent aux individus, pas à des groupes ; ils découlent de notre nature et ne peuvent être ni accordés ni supprimés par le gouvernement.
    Toutes les associations pacifiques et volontaires de nature économique ou sociale sont autorisées ; le consentement est la base de l’ordre économique et social.
    Tout bien justement acquis est la propriété privée d’individus ou de groupes volontairement constitués, et cette propriété ne peut être arbitrairement supprimée par les gouvernements.
    Le gouvernement ne peut redistribuer les avoirs privés ni consentir des privilèges particuliers à tout individu ou groupe.
    Les individus sont responsables de leurs actes ; le gouvernement ne peut et ne doit pas nous protéger de nous-mêmes.
    Le gouvernement ne doit pas s’arroger de monopole sur l’argent d’un peuple et il ne doit jamais s’adonner à la fausse monnaie, même au nom de la stabilité macroéconomique.
    Les guerres d’agression, même si elles sont qualifiées de préventives, et même si elles ne concernent que des relations commerciales, sont interdites.
    Le pouvoir législatif du jury, c’est à dire le droit des jurés de juger la loi aussi bien que les faits, est un droit du peuple et la norme des tribunaux.
    Toutes formes de servitude involontaire sont interdites, pas seulement l’esclavage mais aussi la conscription, l’association forcée et la distribution imposée de subsides.
    Le gouvernement doit respecter la loi qu’il demande aux autres de respecter et par  conséquent il ne doit jamais faire usage de la force pour inciter à des comportements, manipuler des arrangements sociaux, gérer l’économie, ou dire à d’autres pays comment ils devraient se comporter.

 

Traduction de l’introduction du récent livre de Ron Paul : Liberty Defined, 2011

Par Jacques Peter, Institut Coppet


 

Nous inaugurons ici une série qui sera consacrée à une Amérique profonde dont nos médias bien-pensants, en France ou en Suisse, ne parlent jamais ou alors de manière aussi condescendante et caricaturale que possible, une Amérique éloignée, très éloignée même des bobos de la Côte Est, de toutes les côtes en fait, cette Amérique qui n’est pas celle de Wall Street ou de Berkeley, mais bien celle qui demeure attachée aux principes et aux valeurs nationales authentiques, cette Amérique du bon sens, libertarienne, paléoconservatrice (contraire de néoconservatrice), patriote, qui défend sa Constitution — amendements compris —, cette Amérique de Main Street qui achète de l’or plutôt que des actions de Wall Street, qui compte sur son épargne (en métaux précieux ou autres actifs tangibles) plutôt que sur les plans fédéraux gravement déficitaires pour financer et garantir ses vieux jours, cette Amérique qui défend surtout le pouvoir local, la primauté de l’individu contre les tentacules de la pieuvre fédérale.

Nous commençons cette série par la traduction française d’un discours certes vieux de cinq ans, mais qui n’a pas perdu une once de sa pertinence, un discours fortement d’actualité à l’heure où le dollar creuse chaque jour davantage sa tombe, un discours prononcé devant le Congrès des Etats-Unis par le représentant républicain du Texas et ancien candidat à l’élection présidentielle, le docteur Ron Paul (que nous présenterons plus en détail dans le cadre de cette série).

Depuis les années 70, ce dernier avertit que le dollar et l’économie des États-Unis courent à leur perte, que le monstre qu’est devenu l’État fédéral, avec des dépenses hors de contrôle et des pouvoirs exorbitants, menace à la fois la prospérité et la liberté du citoyen lambda. L’État fédéral, aux yeux d’un nombre croissant de citoyens de l’Amérique profonde, c’est Big Government, Big Brother, Big Gun, Big Business, etc. Toute ressemblance avec les dictatures bureaucratiques de Moscou (durant la guerre froide) ou de Bruxelles (actuellement) ne relève évidemment pas, vous l’aurez compris, d’une coïncidence fortuite.

Ceux qui ont lu Tocqueville savent mieux que quiconque comment l’Amérique s’est construite, de bas en haut, et non inversement, avec un pouvoir local (communes, états) fort et un état fédéral plutôt faible. C’est l’individu et non le pouvoir fédéral distant qui constituait, dans l’esprit des Pères fondateurs, le plus haut niveau de décision. En fait, l’Amérique s’est bâtie sur le même esprit que la Confédération helvétique… un bon sens qui subit depuis quelques décennies et ce des deux côtés de l’Atlantique, l’assaut ininterrompu de celles et ceux, bien pensants de tout poil, qui veulent renverser le système, pour le plus grand malheur du citoyen.

C’est en effet l’inversion survenue progressivement à partir de la fin du XIXe siècle (en fait depuis la fin de la guerre de Sécession) qui a petit à petit amené la République américaine dans la situation monstrueuse et insoutenable dans laquelle elle se trouve actuellement, celle d’un ogre qui accable sa propre population d’impôts, de lois liberticides, la maintien sous le joug de Wall Street et autres lobbies malfaisants et envoie ses enfants se faire trouer la peau aux quatre coins du monde sous de fallacieux prétextes humanitaires. Car en effet, cet ogre tentaculaire, en plus d’asservir sa population, menace également le monde de ses canons. Malheur à ceux qui tenteront d’échapper à ses griffes impériales. Comment croire les discours des administrations successives selon lesquels quand l’Amérique se déploie militairement à travers le monde, c’est bien sûr toujours pour promouvoir la démocratie et la paix universelle… quand on voit la manière dont l’état fédéral écrase ses propres administrés? Ça nous fait penser à Noam Chomsky qui dit dans un de ses ouvrages que si on devait juger sur les critères du tribunal de Nuremberg les présidents qui se sont succédé à la Maison Blanche depuis 1945, aucun n’échapperait à la potence. C’est tout dire.

Le discours de Ron Paul, que nous vous proposons ci-après, est un excellent moyen d’aborder cette problématique importante. Le Texan a raison depuis des décennies. Il faut croire que sa nouvelle candidature présidentielle en vue de 2012, après sa campagne de 1988 pour le compte du parti libertarien et celle de 2008 (dans le cadre des primaires républicaines, avec quelques beaux résultats comme une deuxième place dans l’état du Nevada et plusieurs délégués) sonne un peu comme la dernière chance de sauver la nation américaine qui ne peut plus continuer sur la voie qui est la sienne depuis plus de cinquante ans et dont le cap doit être changé au plus vite.

Soit cette nation élit Ron Paul en 2012 (mais ça risque déjà d’être trop tard, l’Amérique va-t-elle s’effondrer avant la prochaine élection?) et la transition vers plus de modestie se fera de la manière la moins chaotique possible (retrait de tous les soldats déployés à l’étranger, fin de l’ingérence dans les affaires des nations souveraines, suppression de la Fed et de sa planche à billets, régulation draconienne voir suppression également de Wall Street, retour à l’hégémonie des états de l’union au détriment de celle de l’état fédéral, etc.) soit cette nation continue sur sa voie destructrice actuelle avec un Barack Obama ou un néoconservateur républicain, et là c’est dans le chaos de l’effondrement de Wall Street comme de l’état fédéral que nous assisterons — à coup d’émeutes et de guerre civile — à la dislocation de ce qui aura été, ces soixante dernières années, la première puissance mondiale.

Ce que disait Ron Paul en 2006 devant le Congrès des États-Unis restera alors comme autant de prophéties et d’avertissements que les élites auront sciemment négligés.

Le Zèbre pour fouthese.com

14.07.11

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RON PAUL

Député du Texas à la Chambre des représentants des États-Unis d’Amérique

15 février 2006

La fin de l’hégémonie du dollar des États-Unis

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jacques Salvador

Traduit et publié avec l’autorisation expresse de l’équipe de campagne de Ron Paul (2007)

 

Il y a un siècle, on parlait de « diplomatie du dollar ». En 1989, après la chute de l’Union soviétique, cette politique a évolué en « hégémonie du dollar ». Cependant, après toutes ces années de grande réussite, la domination de notre dollar touche à sa fin.

On a dit à juste titre que celui qui détenait l’or faisait la loi. Autrefois, on considérait qu’un commerce équitable et honnête se faisait sur la base d’un échange de biens de valeur réelle.

À l’origine, il ne s’agissait que de troc. On s’est ensuite rendu compte que l’or revêtait une attraction universelle, capable de se substituer à une méthode de troc mal commode. Non seulement l’or facilitait les échanges de biens et de services, mais encore il pouvait constituer une réserve de valeurs pour ceux qui désiraient épargner en prévision de temps plus durs.

Les gouvernements, au fur et à mesure de leur expansion, se sont octroyé le monopole du contrôle de la monnaie, au détriment des marchés. En principe, les gouvernements parvenaient à garantir la qualité et la pureté de l’or, mais il arrivait qu’ils dépensent davantage que ce que leurs rentrées autorisaient. Au lieu de courir le risque de se heurter à la désapprobation de la population avec de nouveaux impôts ou la hausse de ces derniers, les rois et les Césars n’ont pas mis longtemps à gonfler leur monnaie en réduisant la quantité d’or contenue dans chaque pièce, en espérant que leurs sujets ne découvriraient pas la supercherie, ce qui ne manquait pas de finir par susciter de vives protestations de la part d’une population loin d’être naïve.

De ce fait, les dirigeants ont été poussés à partir à la conquête d’autres nations pour chercher de l’or. Les populations ont pris l’habitude de vivre au-dessus de leurs moyens, avec du pain et du cirque. Le financement d’extravagances par la conquête de terres étrangères devenait l’alternative logique au dur labeur et à la croissance de la production. La conquête ramenait non seulement de l’or, mais encore des esclaves. Lever l’impôt sur les territoires envahis était un encouragement à la construction d’empires. Le système a bien fonctionné un certain temps, mais le déclin moral des populations a affaibli le désir de produire pour ses propres besoins. Le nombre limité de pays pouvant être potentiellement mis à sac pour leurs richesses finissait par diminuer, ce qui avait raison des empires. Lorsqu’il n’était plus possible d’obtenir de l’or, les puissances militaires s’écroulaient. En ces temps-là, ce sont bien ceux qui détenaient l’or qui faisaient la loi et sortaient leur épingle du jeu.

Cette règle générale s’est perpétuée au cours du temps. Lorsque l’or était utilisé et que des règles protégeaient un commerce honnête, les nations productives prospéraient. Dès lors que les nations riches – celles qui possèdent des armées puissantes et de l’or – ont porté exclusivement leur effort sur l’obtention d’un empire et sur une fortune facile pour garantir le bien-être de leur population, elles ont échoué.

Aujourd’hui, si le principe n’a pas changé, la situation est bien différente. Le papier, et non plus l’or, est la monnaie de l’empire. La règle, du moins pour l’instant, est la suivante : « C’est celui qui imprime la monnaie qui fait la loi. » Bien que l’or ne soit plus utilisé, l’objectif demeure : il s’agit de contraindre les pays étrangers à produire et à alimenter le pays qui détient la puissance militaire et les commandes de la « planche à billets ».

La monnaie de papier n’étant pas à l’abri des contrefaçons, il faut toujours que l’émetteur de la devise internationale soit doté d’une puissance militaire suffisante pour garder la mainmise sur le système. On semble avoir trouvé là le schéma parfait pour permettre au pays émetteur de ce qui est de facto la devise mondiale de s’enrichir de manière perpétuelle. Toutefois, le seul problème est que, à l’instar de ceux qui détenaient l’or par la conquête, un tel système détruit le caractère même de la population de la nation qui contrefait. En effet, ce système décourage l’épargne et la production des Américains, tout en les incitant au surendettement, faisant ainsi disparaître le bien-être social.

Ceux qui bénéficient de ce bien-être social et ceux qui demandent des compensations ou des indemnisations pour préjudices font pression pour gonfler la devise. Dans tous les cas, le principe de responsabilisation personnelle du citoyen est rejeté.

Lorsque la monnaie de papier n’est plus acceptée, ou lorsque l’or vient à manquer, ce sont la richesse et la stabilité politique du pays qui sont perdues. Au lieu de vivre au-dessus de ses moyens, le pays est, du coup, contraint de vivre au-dessous de ses moyens, jusqu’à ce que les systèmes politiques et économiques se conforment aux nouvelles règles, règles qui ne sont plus dictées par ceux qui contrôlent une « planche à billets » désormais hors service.

La « diplomatie du dollar », une politique mise en place par William Howard Taft et son secrétaire d’État Philander C. Knox, avait pour but de renforcer les investissements commerciaux américains en Amérique latine et en Extrême-Orient. En 1898, McKinley devait fomenter une guerre contre l’Espagne, et le corollaire de Théodore Roosevelt à la doctrine Monroe devait précéder l’entreprise agressive de Taft qui consistait à utiliser le dollar et l’influence diplomatique des États-Unis pour garantir les investissements américains à l’étranger. Voilà donc l’origine du terme « diplomatie du dollar ». L’entreprise de Roosevelt est importante en ce qu’elle a permis de justifier les interventions américaines par le simple fait qu’un pays entrant dans la sphère des intérêts américains risquait, d’un point de vue politique ou budgétaire, de passer sous contrôle européen. Désormais, le gouvernement des États-Unis revendiquerait non seulement le droit, mais encore le devoir, de préserver les intérêts commerciaux américains de l’influence européenne.

Cette nouvelle politique, qui succédait à celle dite de la « diplomatie de la canonnière » de la fin du XIXe siècle, consistait à acheter notre influence, avant d’avoir recours à la menace de l’emploi de la force. En articulant la « diplomatie du dollar » de William Taft, on semait la graine de l’empire américain, graine destinée à croître dans le sol politique fertile qui avait perdu amour et respect pour la république léguée par les auteurs de la Constitution américaine. De fait, cet amour et ce respect avaient bien disparu. Il n’a pas fallu longtemps avant que, vers la moitié du XXe siècle, la « diplomatie du dollar » se mue en « hégémonie du dollar ».

Mais cette transition ne pouvait s’opérer que par un changement radical de la politique monétaire du pays, voire de la nature même du dollar.

En 1913, le Congrès américain devait créer la Réserve fédérale, communément appelée la Fed. Entre cette date et 1971, tous les principes de saine gestion monétaire ont été systématiquement bafoués. En effet, durant cette époque, la Fed a trouvé bien plus facile de faire fonctionner la « planche à billets » pour financer les guerres ou pour manipuler l’économie, le tout en rencontrant peu de résistance du Congrès, et au bénéfice des groupes de pression qui influençaient le gouvernement.

La domination du billet vert a véritablement trouvé son plein essor après la Seconde Guerre mondiale. Le pays n’a pas subi les destructions dont les autres nations ont souffert. En outre, les coffres étaient pleins de tout l’or de la planète. Mais le monde, avec l’assentiment des politiciens, a fait le choix de ne pas revenir à une discipline financière basée sur l’or. Imprimer des billets pour payer les factures était bien plus populaire que taxer ou restreindre des dépenses non indispensables. Pour des avantages à court terme, on a institutionnalisé pour des décennies un système de déficits publics.

L’accord de Bretton Woods de 1944 a consolidé le dollar dans son rôle prééminent de valeur de réserve au niveau mondial, remplaçant dans ce rôle la livre sterling. La force politique et militaire des États-Unis aidant, à quoi il faut ajouter nos énormes réserves en or, le monde a accepté bien volontiers notre dollar (sur la base de 1/35 l’once) comme devise de réserve. Le dollar, convertible au taux susmentionné dans toutes les banques centrales étrangères, était considéré comme « aussi bon que l’or ». Un métal que les citoyens américains n’avaient toutefois pas le droit de détenir. Ce système de change basé sur l’or était dès le départ voué à l’échec.

Les États-Unis ont fait ce que beaucoup avaient prédit, à savoir, imprimer plus de billets verts que l’or ne pouvait en garantir. Trop content, le monde entier a accepté cette manne de dollars pendant plus d’un quart de siècle, jusqu’à ce que les Français et d’autres exigent des États-Unis qu’ils tiennent leur promesse, à savoir, rendre une once pour 35 dollars versés au Trésor américain. La conséquence fut une énorme déperdition d’or qui mit fin à un système de change bien mal calculé.

C’est le 15 août 1971 que le président Nixon devait fermer le robinet en interdisant la sortie de la moindre des 280 millions d’onces d’or restantes dans les coffres du Trésor. Ce ne fut rien d’autre qu’une déclaration d’insolvabilité des États-Unis. Chacun, dès lors, était forcé de reconnaître qu’un nouveau système monétaire devait être mis en place pour garantir la stabilité des marchés.

Étonnamment, le nouveau système mis en place laissait aux États-Unis le contrôle exclusif de la presse à imprimer les billets de la devise de réserve mondiale, et ce sans aucune restriction, pas même un semblant de convertibilité en or, rien ! Bien que la nouvelle politique était encore plus bancale que la précédente, elle ouvrait la porte à l’hégémonie du dollar.

Réalisant que le monde s’embarquait dans quelque chose d’inconnu et de risqué, l’élite des gestionnaires monétaires, avec le soutien sans faille des autorités américaines, a mis au point un accord avec l’OPEP pour fixer dans le monde entier le prix du pétrole exclusivement en dollar des États-Unis, et ce pour toutes les transactions. Cela faisait du dollar une devise à part, de fait garantie par le pétrole. En échange, les États-Unis promirent à tous les royaumes pétroliers du golfe Persique une protection contre une éventuelle invasion ou un éventuel coup d’État. Cet accord a contribué à exacerber les mouvements islamiques radicaux contre la présence et l’influence américaine dans la région. Cet accord a renforcé le dollar de manière artificielle, générant d’impressionnants bénéfices pour les États-Unis. L’influence florissante du dollar nous a permis d’exporter notre inflation monétaire en achetant du pétrole et d’autres marchandises à moindre coût.

Ce système post-Bretton Woods était bien plus fragile que celui qui avait prévalu entre 1945 et 1971. Bien que l’accord « pétrodollar » était utile, il s’est avéré encore moins stable que le prétendu cours du dollar basé sur l’or de Bretton Woods. Il était certainement bien moins stable que le système d’étalon-or qui prévalait à la fin du XIXe siècle.

Dans les années 1970, alors que le dollar s’effondrait presque, les prix du pétrole flambaient et l’or atteignait 800 dollars l’once. En 1979, il a fallu des taux d’intérêt de 21 % pour sauver le système. La pression sur le dollar des années 1970, nonobstant les profits qui s’accumulaient sur cette monnaie, n’était que le résultat du déficit budgétaire abyssal et de l’inflation monétaire des années 1960. En dépit des déclarations du président Johnson selon lesquelles les États-Unis auraient les moyens de s’offrir le beurre, l’argent du beurre ainsi que des canons, les marchés n’ont pas été dupes.

Une fois encore, le billet vert était sauvé, ce qui a conduit à une véritable hégémonie du dollar qui dure depuis les années 1980 jusqu’à aujourd’hui. Avec l’extraordinaire collaboration des banques, aussi bien centrales que commerciales, du monde entier, le dollar a été accepté comme valant de l’or.

Le président de la Fed, M. Alan Greenspan, a, à diverses occasions, répondu à mes injonctions devant la commission bancaire de la Chambre des représentants concernant ses opinions antérieures favorables à l’or, en disant que lui et d’autres dirigeants de banques centrales avaient fait de leur monnaie papier (le dollar) une devise dont ils pouvaient répondre comme si c’était de l’or.

J’objectais en soulignant qu’une telle prouesse constituait un défi à des siècles d’histoire économique qui avaient montré qu’une monnaie devait correspondre à une valeur réelle. D’un air suffisant, il répondait en disant que ces dernières années, les banques et les institutions financières avaient intérêt à entretenir un dollar fiable, et qu’elles ne cachaient pas qu’elles vendaient ou prêtaient sur le marché de grandes quantités d’or, même lorsque la chute du cours de cette matière première soulevait de sérieuses questions sur la sagesse d’une telle politique. Ces institutions n’ont jamais admis avoir voulu contrôler le cours de l’or, mais il est abondamment prouvé qu’elles croyaient que si le prix de ce métal précieux chutait, le marché prendrait confiance, confiance qu’elles avaient canalisée de façon étonnante en changeant du papier en or.

L’augmentation des cours de l’or est historiquement considérée comme un signe de méfiance dans la monnaie papier. Ce récent effort n’est pas vraiment différent de celui du Trésor américain consistant à vendre de l’or à 35 dollars l’once dans les années 1960, dans le but de convaincre le monde que le billet vert était aussi solide que le métal jaune. Même durant la Dépression, l’un des premiers actes de Roosevelt fut d’empêcher la cotation libre de l’or, cachant ainsi un système monétaire vicié en rendant illégale la détention d’or par les citoyens américains. Les lois de l’économie ont fini par limiter cet effort, comme elles l’ont fait dans les années 1970, lorsque le Trésor américain, la Banque mondiale et le FMI ont tenté de contenir le cours de l’or en déversant sur les marchés des tonnes de ce métal précieux, dans le but de briser les velléités de ceux qui, lorsque la détention d’or fut à nouveau légalisée, cherchaient dans cette matière première un refuge pour se prémunir de la chute du dollar.

Entre 1980 et 2000, l’effort pour tromper les marchés sur la véritable valeur du dollar a une fois de plus échoué. Ces cinq dernières années, le dollar s’est déprécié de plus de 50 % par rapport à l’or. Il est impossible de flouer tout le temps tout le monde, même lorsque l’on contrôle la « planche à billets » de la Réserve fédérale.

Malgré tous les inconvénients du système de monnaie fiduciaire, l’influence du dollar n’a pas diminué. Les résultats semblaient positifs, mais les vices du système perduraient. Indécrottables, les politiciens de Washington n’ont eu qu’une idée en tête, sauver les apparences, tout en refusant de comprendre et de changer de politique. Les seules solutions à des problèmes artificiellement créés par une politique et un système monétaire profondément corrompu furent le protectionnisme, la fixation arbitraire des taux de change, les droits de douane punitifs, les sanctions fondées sur des motifs politiques, les subventions aux entreprises, la gestion du commerce international, les contrôles des prix, des taux d’intérêt et des salaires, les sentiments ultranationalistes, la menace de l’emploi de la force et, enfin, la guerre.

À court terme, les émetteurs de la devise de réserve peuvent engranger de juteux bénéfices. Mais à long terme, cela fait peser une menace sur le pays émetteur de la devise mondiale, en l’espèce les États-Unis. Tant qu’à l’étranger, on prend nos dollars en échange de marchandises réelles, nous nous en sortons. C’est là un avantage que beaucoup au Congrès refusent de reconnaître, tout en fustigeant la Chine pour qu’elle maintienne une balance commerciale positive à notre égard. Mais cela conduit à une perte d’emplois dans le domaine des produits manufacturés d’exportation, ce qui nous rend de plus en plus dépendants de l’étranger, et donc moins autosuffisants. Grâce à leurs taux d’épargne élevés, les pays étrangers accumulent du dollar qu’ils nous prêtent ensuite « généreusement » à des taux peu élevés, pour nous permettre de financer notre consommation excessive.

C’est une bonne affaire pour tout le monde, jusqu’à ce que l’enthousiasme pour notre dollar faiblisse, voire que notre monnaie ne soit plus acceptée. Cela pourrait changer la donne et nous obliger à assumer le coût réel de notre vie au-dessus de nos moyens et au-delà de ce que permet notre production. La lune de miel planétaire avec notre dollar commence déjà à pâlir, mais le pire est à venir.

L’accord des années 1970 avec l’OPEP pour l’établissement du prix du pétrole en dollars à beaucoup renforcé artificiellement celui-ci en tant que principale devise de réserve, ce qui a créé une demande universelle qui a permis d’absorber l’énorme quantité de billets verts générée chaque année. Pour la seule année dernière [2005], l’indice M3, celui qui mesure la masse monétaire totale de billets verts en circulation dans le monde, a augmenté de plus de 700 milliards de dollars.

La demande artificielle de dollars et la puissance militaire des États-Unis mettent ces derniers en position de « faire la loi » dans le monde sans aucun travail productif, sans épargne et sans limites à la consommation ou aux déficits. Le seul problème est que cela ne peut durer.

La hausse des prix montre le bout de son vilain nez, et la bulle du NASDAQ, générée par l’argent facile, a éclaté. De même, la bulle immobilière est en train de se dégonfler. Les prix de l’or ont doublé et les dépenses fédérales sont effrénées, sans aucune volonté politique de les maîtriser. Le déficit commercial s’élevait, pour l’année dernière (2005), à plus de 728 milliards de dollars. Une guerre qui coûte 2000 milliards de dollars fait rage, et on prévoit de l’étendre à l’Iran et, pourquoi pas, à la Syrie. Le seul élément limitatif serait le rejet du dollar par le monde. C’est inéluctable, et les conditions seront pires que celles de 1979-1980, où il a fallu des taux d’intérêt à 21 % pour y faire face. En attendant, tout sera fait pour protéger le dollar. Avec ceux qui détiennent des dollars, nous avons intérêt à faire perdurer le système.

Dans son premier, discours après avoir quitté la Réserve fédérale, Greenspan justifiait la hausse du cours de l’or par des inquiétudes relatives au terrorisme, et non par des inquiétudes d’ordre monétaire causées par la fabrication d’une quantité excessive de billets verts lorsqu’il était en fonction. Il faut redorer le blason du dollar, au détriment de l’or qu’il faut discréditer. Même lorsque la devise américaine sera sérieusement attaquée par les marchés, les banques centrales et le FMI feront tout ce qui est concevable pour absorber les dollars, dans l’espoir de restaurer la stabilité monétaire. En définitive, ils échoueront.

Mais ce qui est plus important encore, c’est la nécessité de conserver la relation entre dollar et pétrole, pour permettre au billet vert de conserver sa position dominante. Toute mise en cause du système des pétrodollars sera combattue par la force, comme cela s’est déjà produit.

En novembre 2000, Saddam Hussein s’est mis à exiger des euros en échange de son pétrole. Son arrogance constituait une menace pour le dollar, mais sa faiblesse militaire n’en constituait pas une. Le secrétaire au Trésor, Paul O’Neill, rapporte qu’à la première réunion de l’administration Bush, en 2001, le principal sujet abordé fut « comment se débarrasser de Saddam Hussein », bien qu’aucune preuve n’existait selon laquelle celui-ci constituait une menace pour les États-Unis. M. O’Neill fut étonné et choqué par une si vive préoccupation au sujet de Saddam Hussein.

Comme chacun le sait désormais, la réaction immédiate au sein de l’administration américaine après les attentats du 11 septembre fut de s’interroger sur la façon de faire porter le chapeau à Saddam Hussein, histoire de justifier l’invasion de l’Irak et le renversement de son gouvernement. Même sans preuves de toute implication de ce gouvernement dans les attentats du 11 septembre ou de la présence d’armes de destruction massive en Irak, la désinformation et l’interprétation spécieuse des faits justifiant un renversement du gouvernement de Saddam Hussein a généré un large soutien auprès du Congrès et du public américains.

Nul n’a jamais avoué publiquement que la vraie raison du renversement de Saddam Hussein était son attaque, par le fait de vendre son pétrole en euros, contre l’intégrité du dollar en tant que devise de réserve. Nombreux sont ceux qui pensent que cela fut la source de notre obsession anti-irakienne. Pour ma part, je doute que ce fût la seule raison, mais je pense que cela a joué un rôle important. Très peu de temps après le succès militaire, les ventes de pétrole irakien étaient intégralement rétablies en dollars. L’euro fut abandonné.

En 2001, l’ambassadeur du Venezuela en Russie mentionna l’intention du Venezuela de réaliser les ventes de son pétrole en devises européennes. Dans l’année qui suivit, un coup d’État fut tenté contre le président Chavez, avec, semble-t-il, l’aide de la CIA.

Les tentatives de l’euro pour se faire une place en vue de devenir la devise de réserve du monde ayant rencontré quelque résistance, la chute du dollar contre l’euro a été momentanément inversée. Ces événements ont certainement joué un rôle dans le maintien de la domination du dollar.

Les sympathies des États-Unis envers ceux qui avaient comploté pour renverser Chavez sont avérées. Du reste, le gouvernement américain fut mis dans l’embarras par l’échec de cette tentative. Le fait que Chavez ait été élu démocratiquement n’a d’ailleurs pas exercé une très grande influence quant au parti que nous avons pris.

À présent, quelque chose de nouveau est tenté contre le pétrodollar. L’Iran, qui lui aussi fait partie de l’axe du mal, a annoncé son projet de créer une Bourse du pétrole en mars de cette année. Et devinez quoi… les cours seront fixés en euros !

La majorité des Américains a oublié comment, au cours des années, nous avons systématiquement et sans raison cherché à nous mettre les Iraniens à dos. En 1953, c’est la CIA qui a aidé à renverser le leader démocratiquement élu, Mohammed Mossadegh, pour installer à sa place le régime autoritaire du shah, mieux disposé à l’égard des États-Unis. Les Iraniens écumaient encore contre cet événement lors de la prise d’otages de 1979. Notre alliance avec Saddam Hussein, lorsque celui-ci a envahi l’Iran au début des années 1980, n’a pas amélioré les relations avec l’État perse, pas plus qu’avec Saddam Hussein lui-même. L’annonce, en 2001, par le gouvernement américain que l’Iran faisait partie de l’axe du mal n’était pas pour améliorer les relations diplomatiques entre nos deux pays. Les récentes menaces relatives au nucléaire sans tenir compte que l’Iran est entouré de pays dotés d’armes de ce type ne semblent pas tenir compte des multiples provocations qui continuent à l’égard de l’Iran. Avec cette dernière histoire et ce que de nombreux musulmans perçoivent, être de notre part une guerre contre l’islam, il n’est pas étonnant que l’Iran choisisse de nuire aux intérêts américains en s’attaquant au dollar. À l’instar de l’Irak, l’Iran n’est aucunement en mesure d’attaquer les États-Unis. Cependant, cela ne nous a nullement empêchés de faire de Saddam Hussein un nouvel Hitler prêt à dominer le monde. L’Iran, depuis qu’elle a mentionné ses projets de fixer les cours de son pétrole en euros, fait l’objet d’une guerre de propagande semblable à celle qui fut menée contre l’Irak avant l’invasion.

Le maintien de la suprématie du dollar n’est probablement pas la seule raison de la guerre contre l’Irak ou de l’agitation à l’encontre de l’Iran. Bien que les véritables raisons de la guerre sont complexes, nous savons maintenant que les arguments qui ont motivé la guerre, comme celui de la présence des armes de destruction massive en Irak ou celui de l’implication de Saddam Hussein dans les attentats du 11 septembre, étaient fallacieux. L’importance du dollar est évidente, mais l’influence du projet des néoconservateurs de refonte du Moyen-Orient n’en est pas moins importante. L’influence d’Israël et des chrétiens sionistes a joué un rôle tout aussi déterminant dans l’entreprise de cette guerre. La protection de « notre » approvisionnement en pétrole a défini notre politique au Moyen-Orient depuis des décennies.

Mais la vérité est que le paiement de l’addition de cette intervention agressive n’est plus possible au moyen de la méthode classique, c’est-à-dire par plus d’impôts, plus d’épargne et plus de production de la part des Américains. Une grande partie des coûts engendrés par la guerre du Golfe de 1991 avaient été, de plein gré, pris en charge par nos alliés. Il n’en est pas de même aujourd’hui. Plus que jamais, c’est l’hégémonie du dollar, sa prééminence comme devise mondiale de réserve qui, aujourd’hui, est indispensable pour financer nos énormes dépenses militaires. Les 2000 milliards de dollars au titre d’une guerre qui n’en finit pas devront, d’une manière ou d’une autre, être payés. C’est à cela, et à cela seulement, que sert l’hégémonie mondiale du dollar.

La plupart des véritables victimes ne savent pas comment elles paient l’addition. Le permis de battre monnaie à partir de rien se répercute sur les prix, qui augmentent. Le citoyen américain lambda, ainsi que celui du Japon, de la Chine et de partout dans le monde, subit une inflation qui fait office d’« impôt » destiné à payer nos campagnes militaires aventureuses. Cela marchera tant que la supercherie ne sera pas découverte et tant que les producteurs étrangers continueront d’accepter des billets verts ou d’en détenir en échange de leur production. Tout est fait pour empêcher que cette escroquerie soit mise au jour et portée à la connaissance de ceux qui la subissent. Si les marchés du pétrole remplacent le dollar par l’euro, cela mettra fin, à terme, à notre capacité à imprimer sans restriction la monnaie de réserve du monde.

Importer des marchandises de valeurs et exporter un dollar en pleine dépréciation représente un avantage absolument considérable. La croissance économique des pays exportateurs est devenue dépendante de nos achats. Cette dépendance les fait demeurer complices de l’escroquerie, ce qui maintient le dollar à un cours artificiellement élevé. Si ce système était viable à long terme, les Américains n’auraient plus besoin de travailler. À notre tour, comme ce fut le cas pour les Romains, nous pourrions profiter « du pain et du cirque ». Malheureusement pour Rome, la source d’or a fini par se tarir, et son incapacité à poursuivre le pillage des nations conquises a mis fin à son empire.

C’est ce qui nous arrivera si nous ne changeons pas de système. Bien sûr, nous n’occupons pas de pays étrangers que nous pouvons piller directement, mais nous avons des troupes déployées dans 130 nations. Nos efforts intenses pour étendre notre domination dans un Moyen-Orient riche en ressources pétrolières ne sont pas un hasard. Cependant, désormais, nous ne revendiquons plus la possession directe des ressources ; nous nous bornons à insister sur le fait que nous pouvons nous les procurer à notre guise, au moyen de notre monnaie de papier. Et tout pays qui remet en question notre autorité le fait à ses risques et périls.

Une nouvelle fois, le Congrès s’est lancé dans une propagande en faveur de la guerre contre l’Iran, comme il avait fait pour l’Irak. Il ne s’agit pas d’attaquer l’Iran économiquement, mais militairement si nécessaire. Ces arguments s’appuient sur les mêmes raisons fallacieuses qui ont justifié l’occupation de l’Irak, avec les conséquences que l’on connaît.

Tout notre système économique dépend du schéma monétaire actuel, ce qui signifie que le recyclage du dollar est indispensable. Aujourd’hui, nous empruntons annuellement plus de 700 milliards de dollars à nos généreux bienfaiteurs, qui travaillent dur et acceptent de nous céder leurs marchandises contre du papier. Ensuite, nous devrons emprunter pour consolider l’empire tant et plus (le budget du Département de la défense s’élève à 450 milliards de dollars). La puissance militaire dont nous jouissons devient le garant de notre devise. Peu de pays peuvent rivaliser militairement avec nous. En conséquence, ils sont contraints d’accepter notre dollar, que nous revendiquons comme étant l’« or d’aujourd’hui ». Voilà pourquoi des nations qui contestent ce système, l’Irak, l’Iran et le Venezuela, s’attirent nos foudres et font l’objet de projets de changements de régime.

Paradoxalement, la supériorité du dollar dépend de notre supériorité militaire, et notre supériorité militaire dépend du dollar. Tant que les étrangers acceptent de nous livrer des marchandises en échange de dollars et sont prêts à financer aussi bien notre consommation effrénée que notre militarisme extravagant, le statu quo se poursuivra, quelle que soit l’énormité future de la dette extérieure et du déficit budgétaire.

Toutefois, le danger est bien réel que ceux qui contestent notre politique sans être en mesure de nous défier militairement le fassent économiquement. C’est pourquoi la menace iranienne est prise très au sérieux. L’argument selon lequel l’Iran constituerait une menace imminente pour la sécurité des États-Unis est aussi fallacieux que les accusations à l’encontre de l’Irak. Pourtant, on constate actuellement peu de résistance à cette marche forcée vers la confrontation de la part de ceux qui avançaient des raisons politiques pour s’opposer à une guerre contre l’Irak.

La population et le Congrès semblent se laisser facilement convaincre par le chauvinisme des partisans de la guerre préventive. C’est seulement une fois les comptes faits en vies humaines et en espèces sonnantes et trébuchantes que la population s’insurge contre un militarisme peu sage.

Étrangement, alors que l’échec en Irak est une évidence pour une écrasante majorité d’Américains, ceux-ci, de chœur avec le Congrès, semblent opiner du chef à l’appel à une confrontation aussi inutile que dangereuse avec l’Iran.

Là encore, notre incapacité à se saisir de Ben Laden et à détruire son réseau ne nous a pas dissuadés de nous en prendre aux Irakiens dans une guerre qui n’avait rien à voir avec le 11 septembre.

Seule la préoccupation de maintenir le cours du pétrole en dollars permet d’expliquer la volonté des États-Unis de tout laisser tomber et de donner une leçon à Saddam Hussein pour son outrecuidance à vouloir vendre son pétrole en euros.

Une fois encore, un appel urgent aux sanctions est lancé et on menace de recourir à la force contre l’Iran, au moment précis où ce dernier ouvre une Bourse du pétrole en euros.
Faire usage de la force pour obliger des gens à accepter de l’argent sans réelle valeur ne fonctionnera qu’un temps. Cela ne fera qu’aboutir à une dislocation économique aussi bien domestique qu’internationale, et cela se paiera cher.

La loi économique selon laquelle un commerce honnête ne se fait qu’avec des valeurs réelles comme monnaie d’échange ne saurait être contournée. Le chaos auquel aboutira une expérience de trente-cinq années de fabrication d’une monnaie fiduciaire mondiale exigera que l’on retourne à une monnaie à valeur réelle. Nous saurons que ce jour est proche lorsque les pays producteurs de pétrole exigeront de l’or ou son équivalent en lieu et place des dollars ou des euros. Le plus tôt sera le mieux.

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27 novembre 2012 2 27 /11 /novembre /2012 23:58
Tea Party Manifesto

Give Us LibertyLe Tea Party est un mouvement qui a débuté en 2009 avec des rassemblements, des défilés et des réunions locales. Depuis lors, des centaines de milliers d'Américains se sont levés pour protester contre la croissance sans limites des dépenses publiques, la réglementation forcée et l’augmentation de la dette.

Ils appellent à la restauration des principes de base de l'Amérique : la liberté individuelle, la responsabilité financière et, plus important, le gouvernement constitutionnel limité. Ils refusent cet État « nounou » (« nany state ») dont la raison d’être est la redistribution et le contrôle, pour la simple et bonne raison qu’il ruine le pays. Ce sont ces principes qui ont fait de la manifestation du 12 septembre 2009, à Washington, l’une des plus importantes de l’histoire des Etats-Unis.

Dick Armey et Matt Kibbe sont, respectivement, président et directeur général de Freedom Works, un acteur majeur dans le Tea Party Movement. Dick Armey est un ancien leader de la majorité républicaine à la Chambre des représentants. Ils sont tous deux les auteurs de Give Us Liberty : A Tea Party Manifesto, publié le 17 août 2010 chez Harper Collins.

« Le Tea Party Movement n'est pas à la recherche d'un partenariat junior, mais d'une OPA hostile sur le Parti républicain », explique Kibbe. (Wall Street Journal, 9 février 2009)

Les candidats soutenus par le Tea Party sont de jeunes entrepreneurs en politique qui savent s’imposer par leur connaissance du terrain. Dans le monde réel, cela relève du bon sens. À Washington D.C., ils apparaissent comme des extrémistes (« radicals »). L’administration et les partis ne peuvent imaginer un ordre social qui ne soit pas sous contrôle. Pourtant, comme l’ont bien montré Hayek et Polanyi, la décentralisation est la meilleure façon de maximiser les contributions de chacun et de bénéficier de leurs connaissances.

Par ailleurs, le Tea Party propose un contrat avec ses candidats qui repose sur trois idées simples :

- Le rejet de « cap-and-trade », la législation pour contrôler les émissions de gaz à effet de serre

- L’adoption d’une « réforme fondamentale de la fiscalité » qui remplacerait le « byzantin code des impôts » par un code des impôts « simple et juste »

- L’abrogation et le remplacement du « remboursement des soins de santé géré par le gouvernement »

Extrait traduit d'une intervention de Matt Kibbe dans Reason Magazine :

De mon point de vue, le Tea Party Movement est un chaos splendide ou comme le décrirait le prix Nobel d’économie Friedrich Hayek, un « ordre spontané ». Nous sommes un mouvement non hiérarchisé, populaire, décentralisé, composé de gens qui croient dans la liberté, dans un gouvernement qui ne dépense pas l'argent qu'il n'a pas et qui croient dans la particularité de notre république constitutionnelle. Ils ont surgi de leurs canapés et de leurs tables de cuisine comme un contrepoids puissant et auto-organisé face à l'opportunisme politique, au « big government » et aux intérêts particuliers.

Une des vertus de ce monde décentralisé d’aujourd'hui, c'est que les citoyens ne sont plus dépendants de vieilles institutions tels que le Congrès, les réseaux de télévision, ou même les think tanks. Comme le Tea Party Movement lui-même, l'accès à l'information est complètement décentralisé par l’infinité des sources online. Comme le processus de découverte qui détermine les prix sur un marché sans entraves, ces réseaux informels profitent de ce que le philosophe Michael Polanyi appelle « connaissance personnelle ». Blogueurs et citoyens militants sur l'Internet rassemblent ces fragments de connaissances et s’en servent comme centre d'information sur la véracité des faits et l'importance des bonnes idées.

Une femme qui marchait dans la manifestation à Washington DC, le 12 Septembre 2009, avait une grande bannière blanche, presque aussi grande qu'elle. Elle avait écrit, de façon succincte : "Read Thomas Sowell." Ils écoutent Glenn Beck et étudient Saul Alinsky. Ils ont également lu Rand, Friedman et Mises. Ils ont même lu la Constitution des États-Unis, aussi intemporelle soit-elle, risquant les foudres de leurs supérieurs érudits et cosmopolites.

Le Tea Party Movement, s’il se maintien, a le potentiel de libérer l’Amérique des bureaucrates dépensiers, des arrivistes politiques, et des parasites en quête de rentes à vie. Les valeurs qui nous animent, moins d’impôts, moins de gouvernement et plus de liberté, sont comme une grande tente philosophique plantée au coeur même de la politique américaine."

Au sortir de la guerre de Sept Ans (1756-1763), la réelle première Guerre mondiale de l’Histoire (dans le sens qu’elle s’était déroulé sur trois continents distincts, Amérique, Europe et Asie) l’Empire britannique était certes vainqueur, mais financièrement exsangue. France et Royaume-Uni, les deux principaux protagonistes du conflit, étaient même virtuellement en faillite. La monarchie versaillaise vivait ses dernières années et Londres, son ennemi dont l’Empire colonial sortait certes renforcé de la confrontation, était quasiment à bout de souffle. La dette britannique, colossale, s’exprimait alors en dizaines de millions de livres sterling de l’époque, une somme faramineuse en ce temps-là. Les troupes britanniques se déployaient sur tous les continents et la marine de guerre contrôlait les principales voies de navigation et de commerce, grâce à un astucieux réseau de péages maritimes (Gibraltar, le Cap, plus tard les Malouines, Suez, Panama, etc.). Bref, le soleil ne se couchait jamais sur l’Empire de Sa Majesté le Roi George III.

Depuis 1757 et leur victoire (déjà décisive) contre les Français à la bataille dite de Plassey, les Britanniques exerçaient une domination et un contrôle sans partage sur l’ensemble du sous-continent indien. L’âge d’or des comptoirs portugais et néerlandais dans la région faisait de leur côté déjà partie du passé. Les Indes Orientales (une zone bien plus grande que l’Inde actuelle, recoupant les régions allant de l’actuel Iran aux confins de l’Extrême-Orient), regorgeaient de richesses naturelles (coton, épices, soie, thé, métaux, pierres précieuses en plus de la main-d’oeuvre abondante et bon marché sans parler bien sûr du pétrole encore inconnu et inutilisé). Cette région grande comme un continent était le véritable Eldorado de l’époque. Le contrôle de ces richesses allait certes s’avérer un atout dans la manche britannique, mais les profits réalisés par la Compagnie des Indes orientales qui bénéficiait d’un monopole d’État sur leur exploitation ne suffiraient pas à renflouer les caisses, Londres le savait pertinemment. Il fallait davantage pour nourrir l’Empire, dont les déploiements de troupes aux quatre coins du monde exerçaient une pression insoutenable sur le budget national.

En plus de prélever arbitrairement sa part des productions et autres récoltes à travers tout l’Empire, le Chancelier de l’Échiquer (le ministre des Finances) avait aussi, par le biais d’une imposante et rigoureuse bureaucratie, un autre moyen de saigner les colonies au profit du pouvoir central de Londres : l’impôt.

En 1765, soit au lendemain de la guerre de Sept Ans dont nous avons parlé plus haut, la Parlement britannique, sous l’impulsion du gouvernement de Sa Majesté, vota le Stamp Act, loi décriée visant spécifiquement les colonies nord-américaines de l’Empire qui prévoyait la taxation au profit de Londres de tout acte notarié, de toute remise de document officiel (actes de propriété, permis divers, contrats, etc.) en Nouvelle-Angleterre. Pour être valable, tout document officiel devait soit porter un timbre fiscal (sorte d’apostille) soit être imprimé sur un papier spécial hors de prix, fourni par Londres. Devant la levée de boucliers que suscita ladite loi au sein des colonies nord-américaines, elle fut rapidement abrogée.

La colère des colons de Nouvelle-Angleterre était principalement causée par le fait que ladite loi avait été adoptée par le Parlement de Westminster sans les consulter aucunement (les colons, considérés depuis Londres comme autant de « bouseux » étaient non représentés dans un Parlement britannique alors pratiquement ouvert qu’à l’aristocratie et à la haute bourgeoisie métropolitaine). Pour Londres, l’abandon du Stamp Act n’était que partie remise. Il fallait rapidement trouver un autre moyen de faire payer les colons américains, du moins de s’en servir pour dégager un profit et soulager les finances de l’Empire.

À partir de 1767, donc dans la foulée de l’abrogation du Stamp Act, Londres, et ce bien sûr toujours sans consultation des colons américains, décida de leur imposer toute une série de lois à caractère fiscal, aujourd’hui appelées le Townsend Act, du nom du ministre des Finances britanniques de l’époque. Parmi les mesures instaurées dans le cadre de cette frénésie législative, la mise en place d’un bureau des douanes dans le port de Boston par lequel devraient obligatoirement transiter toutes les marchandises importées sur le Nouveau Continent, afin d’y être taxées pour le compte de Londres. Cela provoqua la fureur des colons qui se révoltèrent contre cette évidente privation de souveraineté. Ils ne voulaient pas désormais payer leurs marchandises importées plus cher sous prétexte de payer un impôt au pouvoir central de Londres. Ils étaient frustrés et en colères de ne pouvoir exercer de contrôle sur des lois les concernant, mais votées au loin par un Parlement qui s’apparentait de plus en plus à un Parlement étranger au service d’intérêts étrangers.

De nombreux et sanglants incidents opposant les colons aux soldats britanniques émaillèrent la presque décennie qui sépara l’adoption du Townsend Act du début de la guerre d’indépendance qui marquerait la rupture définitive avec Londres. À partir de 1767, plus aucun bien ne pouvait être importé en Amérique depuis l’Europe ou ailleurs sans acquittement d’une taxe en faveur de Londres. L’Empire prenait prétexte du coût exorbitant du maintien de ses soldats et de sa bureaucratie dans le « Nouveau Monde » pour justifier la taxation — ou plutôt le racket fiscal systématique — de ce dernier.

Il se trouvait par exemple que les Nord-Américains appréciaient beaucoup le thé, mais que se procurer celui produit en Asie coûtait cher. La Compagnie des Indes Orientales qui le produisait (elle exerçait un monopole d’État sur toute activité commerciale dans la région des Indes britanniques comme nous l’avons vu plus haut) devait dans un premier temps expédier le thé indien vers Londres où il était ensuite taxé et réexpédié vers les différents marchés de consommateurs, sur plusieurs continents, pour y être vendu. Londres percevait ainsi une taxe sur chaque gramme de thé produit en Inde et consommé ailleurs dans le monde.

Comme les Néerlandais — dont l’Empire était sérieusement déclinant, mais pas encore éteint — possédaient encore quelques possessions en Asie (dans l’actuelle Indonésie notamment), ils étaient également capables de produire du thé, que les colons de Nouvelle-Angleterre préféraient à celui de la Compagnie des Indes, parce que moins cher (même si son goût était moins fameux que celui de son concurrent indo-britannique). De plus, le thé néerlandais était souvent importé en Amérique du Nord par contrebande, sans transiter par les douanes britanniques, ce qui donnait aux colons le luxe de boire du thé sans pour autant engraisser la Couronne britannique.

La contrebande était très active entre 1767 et 1775 et de très nombreux produits et matériaux parvenaient jusqu’aux rivages du Nouveau Monde en évitant les tatillons contrôles des douaniers de Sa Majesté. Mais la répression contre les contrebandiers était aussi de mise. Un marchand bostonien, John Hancock, futur gouverneur du Massachusetts, faisait de la contrebande de toutes sortes de matériaux et autre bien de consommation son business. Son navire fut intercepté en mai 1768 par les douaniers britanniques et les biens qu’il transportait furent confisqués, ce qui déclencha la colère des habitants de la ville qui n’acceptaient plus la tutelle britannique. Hancock fut vaillamment défendu au court de deux procès par un avocat de Boston, un certain John Adams (accessoirement futur 2e président des États-Unis) et fut finalement blanchi de toute accusation.

Cette contrebande massive exerçait une impitoyable concurrence et ce facteur conjugué à d’autres (guerres, maladies, sabotages divers, actes de piraterie), fit que le commerce de thé de la Compagnie des Indes périclitait dangereusement vers 1770. À ce moment-là, près de dix-huit millions de livres de thé invendues pourrissaient dans les entrepôts de la firme ce qui, pour Londres, se traduisait en manque à gagner en terme de rentrée fiscale. La Couronne avait en effet besoin que la Compagnie des Indes écoule sa marchandise pour percevoir sa taxe, préfiguration de la TVA actuelle. Pour relancer les ventes de la firme sur le continent nord-américain et par là même transformer en impôt concrètement perçu toute ou partie des millions de livres de thé qui menaçaient de pourrir, car non consommés, le Parlement britannique adopta, le 10 mai 1773, le désormais célébrissime Tea Act qui allait bientôt contribuer à changer la face du (Nouveau) monde.

Le Tea Act n’était pas, en réalité, un nouvel impôt. Le gouvernement de Sa Majesté pensait même avoir trouvé par son biais un moyen de faire d’une pierre deux coups, c’est-à-dire de satisfaire simultanément les intérêts des uns et des autres. En fait, par cette loi, le Parlement autorisait la Compagnie des Indes à exporter directement vers l’Amérique du Nord le thé produit en Inde, sans se faire taxer, car sans le faire transiter par Londres. Cela permettrait alors aux colons de Nouvelle-Angleterre d’être abondamment fournis en thé de la meilleure qualité, et ce à bas prix ce qui, selon le législateur londonien, redorerait forcément le blason britannique dans le Nouveau-Monde. La Compagnie des Indes était de son côté satisfaite, car cette disposition légale lui permettrait, pensait-elle, d’écouler ses stocks, ce qui était important pour assurer sa propre survie.

Le gouvernement de Londres renonçait certes à percevoir une taxe sur le thé exporté vers l’Amérique (vu que ce dernier était transporté directement des Indes vers le Nouveau Monde sans passer par Londres pour y être taxé), mais c’était là le prix qu’était prête à payer la Couronne pour conserver son joyau d’outre-Atlantique (de plus, les autres lois fiscales du Townsend Act dont nous avons parlé plus haut restaient en vigueur. Si le thé que les consommateurs américains obtiendraient était désormais détaxé, ils continueraient par d’autres biais prévus par le Townsend Act de payer de lourds impôts à Londres).

Malheureusement pour le roi George III, les militants souverainistes de Nouvelle-Angleterre, chaque jour plus nombreux à tempêter contre les diktats d’outre-Atlantique, n’étaient pas prêts à échanger leurs rêves de liberté et d’indépendance  contre une diminution du prix du thé !

De plus, le Tea Act instaurait un monopole d’exportation et de vente du thé vers et en Amérique du Nord en faveur de la Compagnie des Indes. Par cette loi, il devint donc illégal d’importer en Nouvelle-Angleterre un thé concurrent de celui de la Compagnie et de nombreux colons qui avaient fait de la vente de ce produit leur métier (notamment de la vente de thé néerlandais importé en contrebande) se retrouvèrent immédiatement interdits d’exercer leur profession, et au chômage. Ils devaient céder leurs comptoirs et échoppes aux représentants de la firme et se retrouvaient privés de toute ressource pour vivre.

Comme cette loi arbitraire avait, encore une fois, été adoptée sans consultation aucune des colons, et que cela menaçait leurs réseaux de distribution ainsi que leurs libertés individuelles et économiques, ils ne tardèrent pas à se soulever contre ce nouveau diktat venu de loin. Ils voulaient être libres de choisir librement leurs lois et ne payer de taxes qu’à un pouvoir local.

Dans le grand port de Boston, les ouvriers et autres dockers refusèrent bientôt de débarquer la marchandise des navires de la Compagnie des Indes. Plusieurs bateaux furent même refoulés. Un bras de fer s’engagea entre les autorités portuaires (britanniques) et la population. Il y eut quelques épisodes sanglants.

Le 16 décembre 1773 marqua une sérieuse escalade. Des colons, emmenés par un activiste répondant au nom de Samuel Adams (futur gouverneur du Massachusetts de 1793 à 1797), s’infiltrèrent dans les cales de plusieurs navires de la Compagnie des Indes ancrés dans le port et jetèrent à la mer les importantes cargaisons de thé qu’elles contenaient, sous les vivats de la foule. La première Tea Party de l’Histoire, la Boston Tea Party, battait son plein !

Cela poussa ensuite, de fil en aiguille, tout le Nouveau Monde à se révolter contre le centralisme et la bureaucratie londonienne ce qui déboucha bientôt sur la guerre d’indépendance et surtout sur la proclamation formelle de celle-ci, le 4 juillet 1776, à Philadelphie.

Pour la Compagnie des Indes, cet épisode fut celui d’une sérieuse débâcle. Mais elle ne tarda pas à « diversifier ses activités » pour se refaire. La cible : la Chine. Un petit génie londonien eut bientôt la funeste idée d’utiliser la flotte de navires de la Compagnie pour y faire livrer, via les différents comptoirs britanniques sur sol chinois, de très nombreuses cargaisons d’opium venant d’Afghanistan notamment. Malgré les efforts du gouvernement impérial chinois pour combattre le commerce et la consommation de drogues, le désastre fut terrible sur les plans social et sanitaire. Pour la Compagnie des Indes, en revanche, les profits de ce commerce immoral devinrent florissants. Londres touchait le jackpot. Vers 1830, l’Empire du Milieu comptait déjà plusieurs millions de fumeurs d’opium, autant de vies détruites.

Après deux guerres et autant de traités injustes, la Chine due capituler en 1857 et, en plus de livrer au Royaume-Uni un bout de son territoire, Hong Kong, elle dû accepter que la Compagnie des Indes face librement, sans entrave aucune, commerce d’opium sur tout son territoire. Une banque britannique fut même créée à Shanghai pour accumuler les revenus de ce très lucratif business de la mort : la Hongkong and Shanghai Banking Corporation… vous savez, l’actuellement très respectée HSBC (voir à ce sujet un article du Monde Diplomatique, édifiant !).

Les Chinois ont eu moins de chance que les colons de la Nouvelle-Angleterre, Londres n’hésita pas à utiliser l’arme de destruction massive qu’était l’opium pour les mâter et les rendre bien dociles (intéressant de voir Downing Street donner aujourd’hui des leçons de « Droits de l’homme » à Pékin). Apparemment, pour les Britanniques des XVIII et XIX siècles, les vies chinoises ne valaient pas grand-chose.

Pour en revenir à l’indépendance des États-Unis d’Amérique, c’est bien le refus systématique des citoyens du Nouveau Monde de se conformer à des diktats venus de loin qui a été l’acte fondateur de la nouvelle république. Cela ne manquera pas, je l’espère, d’inspirer le lecteur soucieux de la préservation des souverainetés nationales et des libertés individuelles, à l’heure où Bruxelles étend chaque jour ses vénéneux tentacules sur toute l’Europe et prétend lever tous azimuts impôts et taxes. À quand nos Tea parties ?

Aux États-Unis, c’est à cet esprit de soulèvement général contre l’injustice, à ce désir inextinguible de liberté, de dignité des « Pères fondateurs » qu’étaient les Patrick Henry, John Hancock, John Adams, George Washington et autres que veulent aujourd’hui s’identifier les personnes qui participent aux Tea Parties actuelles, des citoyens qui ne sont pas du tout d’« extrême droite » comme nos médias francophones se plaisent à mensongèrement le seriner au quotidien (pour mieux discréditer ce mouvement), mais au contraire issus de toutes les couches de la société états-unienne contemporaine, jeunes, vieux, blancs, noirs, hispano, chrétiens, athée, etc., de droite, de gauche, etc. à l’image de ce qui s’est passé en Nouvelle-Angleterre au XVIIIe siècle.

Il est bien malheureux de constater que de nos jours, par un curieux retour de l’histoire, les menaces qui pesaient il y a plus de deux siècles sur la liberté et la souveraineté du peuple états-unien sont bien de retour. Certes, ce n’est plus Londres où la Compagnie des Indes qui opprime et asservit, c’est désormais Washington, la capitale fédérale devenue au fil des décennies le monstre tentaculaire, bureaucratique, inquisiteur et fouineur au service de toute une série d’intérêts privés, à commencer par ceux de la finance apatride qui, au travers de la Réserve fédérale et de Wall Street, tient désormais le pays et le monde sous sa coupe réglée.

Les descendants des héros de la guerre d’indépendance, les Ron Paul et autres qui luttent aujourd’hui contre la Toute-puissance fédérale sont au plus mal. La situation paraît désespérée. Il ne reste plus rien à Washington de l’esprit des Pères fondateurs. La décrépitude et la déchéance complètes semblent effectivement avoir pris le dessus. La Constitution de 1776, garante des libertés individuelles, est en lambeaux, bafouée au quotidien par un gouvernement fédéral qui s’assied dessus sans vergogne. L’Amérique est désormais à un tournant : celui de 2012. Elle devra choisir entre le rebond, le changement de cap et un retour vers cette République américaine simple et honnête rêvée des Pères fondateurs ou la fuite en avant dans l’impérialisme, le colonialisme, le néoconservatisme, c’est-à-dire le déclin inéluctable.

Dans les couloirs de Wall Street comme dans ceux du Capitole à Washington (le Parlement fédéral), il doit actuellement planer une infecte odeur de fin de règne. De ce que l’on sait, beaucoup « n’y croient plus », sentent qu’une ruine soudaine va s’abattre sur eux prochainement. Il n’y aura pas de deuxième chance si l’Amérique ou du moins ce qu’il en reste rate le coche en 2012. Il suffit d’élire un Obama ou un républicain néoconservateur pour sceller à jamais le sort de ce qui fut la première puissance mondiale après 1945. Car l’échéance électorale suivante, en 2016, interviendra bien trop tardivement pour pouvoir raisonnablement espérer changer le cours des choses à ce moment-là.

La société états-unienne est aujourd’hui formidablement gangrénée. Partout, le feu couve. Les membres des divers gangs ont tous fait une ou deux rotations en Irak ou en Afghanistan. Ils y ont appris le maniement des armes de guerre, en ont même ramené au pays. Ils sont revenus dans leurs quartiers plus aguerris et endurcis que jamais. Les prochaines émeutes interraciales seront infiniment plus violentes, plus atroces mêmes, que les préfigurations de 1965 à Watts ou de 1992 à Los Angeles. Des quartiers entiers sont aujourd’hui vidés de toute population, les maisons saisies par des banques à de pauvres bougres qui ne pouvaient plus honorer les traites mensuelles de leurs dettes hypothécaires… des maisons désormais laissées à l’abandon faute pour les banques de trouver acquéreurs, même à vil prix. Le chômage caracole, on le sait malgré la falsification intensive des statistiques officielles. L’inflation augmente, elle va bientôt faire feu de tout bois. Près d’un quart de la population vit de tickets de rationnement. Comme en 1933. Des États comme le Minnesota sont officiellement en faillite. Ailleurs, des retraités de 75 ou 80 ans doivent retourner travailler faute de percevoir les indemnités de retraite auxquelles ils ont droit, les caisses de retraite — privées ou publiques — ayant fait faillite. En Californie, les enfants doivent amener avec eux à l’école leur propre papier toilette, l’État n’ayant plus les moyens d’assumer cette charge. Pendant ce temps, la Fed, la Banque centrale états-unienne, imprime des dollars par milliards pour les prêter… au Trésor, le ministère des finances états-unien… fou ! Pourquoi ne pas fournir ces bouts de papier aux écoliers de Californie, ils en feraient sûrement bon usage ! Chaque dollar créé aujourd’hui par la Fed, s’il permet de soutenir les cours boursiers, dilue un peu plus la valeur de ceux déjà existants qui se trouvent dans les portefeuilles des citoyens. À ce rythme, c’est un Weimar 2.0 qui se profile à l’horizon. Et pendant ce temps, les fat cats de Wall Street continuent, contre toute logique, contre toute morale même, de réaliser des bénéfices trimestriels faramineux, les cours de bourses étant artificiellement soutenus par la création monétaire hors contrôle. Dans les états de l’Union, les gens en ont marre d’être saignés par Washington et Wall Street, pour les intérêts de Washington et de Wall Street. Hier, en 1776, les gens en avaient marre de devoir obéir à Londres, aujourd’hui c’est « rebelote » avec Washington DC l’arrogante, la socialiste, la dispendieuse de la richesse nationale ! Au Texas, on reparle d’indépendance. Ici où là on ressort les vieilles bannières sudistes, on parle du Général Lee ou des États Confédérés d’Amérique, du Président Jefferson Davis. Comme le galon d’essence, l’or atteint des sommets. L’État veut même empêcher la population de pouvoir en détenir. Comme Roosevelt l’avait fait en 1933. Plus dure sera la chute. On sait quel personnage est arrivé au pouvoir en cette même funeste année 1933. Ne croyez pas que cette fois-ci ce sera mieux.

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Le prochain volet de cette série estivale sera consacré, vers la mi-août, aux forces anti-fédéralistes en présence. Nous parlerons des Tea parties contemporaines, des «libertariens» et autres paléo-conservateurs ainsi que du fameux slogan «Don’t tread on me ».  

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