Aussi étrange que cela puisse paraître, le relativisme est bel et bien la matrice du fanatisme. À première vue, cela semble très peu intuitif tant le fanatique nous apparaît comme imperméable au relativisme et au doute.
Par Fabrice Descamps
Il y a deux espèces de gens avec lesquelles il est impossible de dialoguer, les sophistes et les fanatiques.
Or je vais en fait ici m'appliquer à démontrer que l'une et l'autre catégorie d'individus ont un point commun, de sorte que les deux attitudes reposent à vrai dire sur un seul et même rapport au monde.
En effet, on revient toujours à cette même question fondamentale qui m'a poussé naguère à me lancer dans la rédaction d'un blog, la question épistémologique essentielle : y a-t-il une réalité en dehors de nos discours ?
De la réponse à cette question éminemment importante, j'y insiste, dépendra notre appartenance à deux camps distincts dont l'un est le vivier où se recrutent conjointement sophistes et fanatiques : le camp réaliste et celui des anti-réalistes.
Je rappellerai en passant ce qu'est le réalisme en épistémologie : c'est la doctrine qui pose qu'il existe des faits. Or qu'est-ce qu'un fait ? Un fait est tout simplement ce qui existe indépendamment de nos esprits. La rotondité de la terre, par exemple, est un fait car elle existerait même si personne n'était là pour la constater. Dire que la somme des angles d'un triangle est égale à 180° est également affirmer un fait car cela sera toujours exact, quoi que j'en pense.
Il y a donc un réalisme épistémologique, tel que je viens de le définir ; mais il y a également un réalisme moral. Le réalisme moral pose qu'il existe des faits dont l'évaluation morale est objective, autrement dit indépendante de ce que nous en pensons. Cela peut vous paraître étrange, mais c'est à vrai dire très simple. Il serait par exemple mal de nuire à autrui même si tout le monde pensait le contraire. Un réaliste moral dira pareillement qu'il est mal d'exciser une femme même si la culture dans laquelle elle vit trouve cela très bien.
Le réalisme, au sens moral ou épistémologique, s'oppose donc à l'anti-réalisme qu'on nomme plus couramment relativisme.
L'anti-réaliste est incohérent. Il prétend en effet qu'il n'existe pas de faits. Or comment peut-il être alors si sûr du fait qu'il n'existe pas de faits ? Ainsi quand Nietzsche affirme "il n'y a pas de faits, il n'y a que des interprétations", une telle sentence devrait prêter à rire car décrit-elle un fait ou une interprétation ? On voit donc que l'anti-réalisme ou le relativisme sont logiquement intenables.
Mais ils sont également moralement intenables. Comment en effet interdire une conduite si l'on n'estime pas qu'elle peut être jugée comme objectivement nuisible à autrui ?
Or, aussi étrange que cela puisse vous sembler, le relativisme est bel et bien la matrice du fanatisme. À première vue, cela semble très peu intuitif tant le fanatique nous apparaît comme imperméable au relativisme et au doute.
Inversement, beaucoup de relativistes pensent que réalistes et fanatiques sont des alliés objectifs car ils considèrent que l'idée même de vouloir imposer aux autres une "réalité" est fasciste. La "réalité" est pour le relativiste - qui est un sophiste sans le savoir - un concept intolérant et totalitaire qui nie la liberté de l'individu de se refuser à lui. Cette opinion est profondément absurde car en quoi le fait de savoir que la somme des angles d'un triangle fait 180° nuit-il à ma liberté et à ma belle individualité ?
J'avais autrefois un ami qui prétendait que "2 + 2 = 4" était une convention et non un fait. C'était un sophiste car quand il achetait un journal à 2 euros avec un billet de 5 euros, il attendait tout de même que le buraliste lui rendît 3 euros et non deux. Or le buraliste aurait très bien pu lui rétorquer : "Mais vous avez dit que 2 + 2 = 4 était une convention arbitraire et moi, j'ai décidé arbitrairement que 2 + 2 font 5 , en conséquence de quoi je vous rends fort logiquement 2 euros sur votre billet de 5". Par quoi l'on voit que le sophiste n'est pas quelqu'un de sérieux car il ne met jamais ses actes en accord avec ses dires [1]. C'est pourquoi j'affirmais en préambule qu'il est impossible de dialoguer avec un sophiste - même s'il est possible de vivre avec lui.
Il est en revanche impossible de vivre en bonne intelligence avec un fanatique outre qu'il est évidemment tout aussi impossible de dialoguer avec lui.
Admettons par exemple qu'un fanatique vous explique qu'il croit dans un "livré incréé" dicté par Dieu à un prophète et lui intimant l'ordre de condamner à mort tous ceux qui, ayant été élevés dans cette même religion prophétique, ont décidé de la quitter. Toute ressemblance avec une religion réellement existante serait évidemment purement fortuite.
Que pourriez-vos répondre à un tel fanatique si ce n'est qu'un livre incréé, cela n'existe pas, c'est un fait, que le dieu dans lequel il croit n'existe pas et c'est également un fait et que tuer quelqu'un qui, de son plein gré, veut quitter une religion est moralement mal et que cela aussi est un fait, un fait moral ?
Peut-être me trouverez-vous sévère de prétendre que le dieu dans lequel croit notre fanatique n'existe pas. Or je l'affirme ici haut et fort : Dieu, si tant est qu'il existe [2], ne se révèle pas aux hommes en leur parlant comme je vous parle maintenant.
Comment en effet prouver un fait à quelqu'un qui n'a pas pu le constater par lui-même ? De deux choses l'une, soit on le lui montre, soit on lui produit des témoignages dignes de foi de l'existence dudit fait. Pour qu'un témoignage soit digne de foi, il faut qu'il soit rendu par quelqu'un qui, sceptique au départ, a été obligé d'admettre que le fait en question était bel et bien vrai. Or, vous l'aurez remarqué, les anges et les immaculées conceptions ont la fâcheuse manie de ne se manifester qu'à des gens qui croient déjà en leur existence. Il n'y a vraiment pas assez d'athées dans le monde qui se soient mis à entendre des voix pour que l'on puisse commencer à se demander sérieusement si les anges existent. À l'inverse, même les sceptiques les plus endurcis ont bien fini par être obligés d'admettre que la terre était ronde.
Quelle est alors la seule défense qui reste au fanatique quand il a en face de lui un rationaliste coriace comme moi ? C'est de nier que les faits existent. C'est la seule façon d'immuniser sa foi contre les assauts du scepticisme. Or le fanatique est précisément celui qui immunise le plus radicalement sa foi contre la critique rationnelle et son arme de destruction massive du doute est l'anti-réalisme.
Il m'est déjà arrivé de discuter avec un fanatique politique ou religieux : il finit toujours par adopter les tics intellectuels des sophistes. Le plus redoutable de ces sophismes, celui qui transforme en dialogue de sourds toute discussion qui pourrait mettre en péril le fragile édifice conceptuel du fanatique est le relativisme. Écoutez un peu en ce moment ce que racontent les islamistes par exemple : que l'Occident ne peut pas comprendre le monde arabo-musulman parce que nous n'avons pas les mêmes cadres conceptuels, que nous ne pensons pas pareil, que "nos paradigmes sont incommensurables". Ce sont, très exactement, les arguments des anti-réalistes épistémologiques à la Feyerabend ou à la Kuhn. On est d'ailleurs frappé de voir que les intellectuels allemands des années 1920, comme Oswald Spengler, ne disaient pas autre chose des rapports entre une Allemagne tentée par l'autoritarisme et les "vieilles démocraties occidentales décadentes" comme la France et l'Angleterre.
Nihil novi sub sole.
Je me vois donc en conclusion obligé de battre ma coulpe eu égard à certains propos favorables à la religion que je tenais il n'y a pas si longtemps encore [3] : les versions non libérales des religions sont toutes potentiellement dangereuses car leurs postulats les plus invraisemblables et les plus surnaturels impliquent, pour être maintenus contre vents et marées, que leurs partisans adhèrent à une forme plus ou moins nocive d'anti-réalisme ou de relativisme.
Sophistes et fanatiques sont bien enfants d'une même mère.
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Notes :
[1] C'est d'ailleurs toute la limite du "scepticisme théorique" de Hume, un philosophe que j'apprécie pourtant beaucoup par ailleurs. Il a ainsi beau critiquer la notion d'induction, il agit néanmoins comme nous tous, c'est-à-dire comme si l'induction était valable. À défaut d'être logiquement recevable, l'induction reste donc bien une recette heuristique qui marche souvent.
[2] J'ai démontré ailleurs que si Dieu existe, il ne peut être une personne et ce pour une raison fort simple. Si le Dieu de la Bible existe vraiment telle qu'elle le décrit, alors il est omniscient, omnipotent et miséricordieux. S'il est omniscient et omnipotent, alors il est parfaitement rationnel car son omniscience le rend rationnel et son omnipotence lui permet d'agir rationnellement. De plus, s'il est miséricordieux, il fera le bien. Donc, s'il peut empêcher le mal d'advenir, il aura tous les moyens pour ce faire car il serait irrationnel de ne pas agir. Or Dieu n'empêche pas le mal d'advenir, donc Dieu n'est pas une personne car si vous, vous étiez une personne omnisciente, omnipotente et miséricordieuse, vous empêcheriez le mal d'advenir. Comme Dieu n'est pas une personne, il ne peut pas parler à un prophète. Le seul moyen de sauver le concept de Dieu est donc de le redéfinir à la façon dont Spinoza l'a fait. La religion rationnelle sera spinoziste ou ne sera pas. Une religion "spinoziste" est ce qu'on appelle couramment une religion libérale. C'est aussi pourquoi je suis un protestant libéral. Et je pense que Dieu n'existe pas vraiment tel que la Bible le décrit. La Bible n'est en conséquence un livre ni sacré ni révélé.
[3] J'avais en effet observé que le nazisme et le communisme partageaient un même athéisme, en conséquence de quoi j'étais tenté de voir dans la religion un rempart contre les totalitarismes. Malheureusement, la montée en puissance de plusieurs intégrismes, comme l'islamisme, le judaïsme haredi ou certaines formes de protestantisme évangélique, m'oblige désormais à réviser ma copie et à adopter une attitude plus agressive envers les religions.
Les sophismes libertariens vu par les anti-libertariens
Les arguments suivants ont été tirés du site "A Non Libertarian FAQ" de Mike Huben. Pour une réponse à Mike Huben, on peut consulter le site de David Friedman.Les arguments suivants, proposés par Mike Huben, pour critiquer les penseurs libertariens se présentent tous comme des sophismes. Êtes-vous capables de contrer les arguments suivants de difficultés variées en appliquant le cours? Certains de ces arguments soulèvent des questions de fond, en particulier les points II),III),IV, et V. Un sophisme n'exclut pas que de manière implicite il puisse soulever un débat passionnant. Pour pouvoir en faire le tour, il est souvent indispensable de se plonger dans la lecture des grands auteurs.
I) Les libéraux défendent les droits individuels, mais les scientologues aussi.
II) Tant que vous n'exercez pas votre droit d'émigrer, vous consentez explicitement au contrat social qui nous lie et aux obligations politiques qui y sont associées.
III) Un contrat social n'est pas différent d'un contrat ordinaire passé par une personne morale.
IV) L'impôt n'est pas différent du racket de la mafia.
V) Les ultra- libéraux s'opposent à l'initiation de la force mais entérinent la violence qui a donné naissance aux droits de propriété.
VI) Les ultra- libéraux ne sont pas crédibles, car pour eux la source de tous les maux est toujours l'intervention de l’État.
VII) Le gouvernement est le grand Satan. Tout le mal vient du gouvernement, et tout le bien du marché selon l'Ayatollah Ayn Rand.
VIII) Seul le gouvernement détient la force quel que soit le nombre d'indiens tués par les pionniers du far West, quelque soit le nombre de noir mis en esclavage par des propriétaires privés.
IX) Les enfants, les criminels, les adeptes du culte de la mort, les dictateurs et vous, les libertariens, avez le même droit inaliénable de détenir des armes conventionnelles, chimiques, biologiques ou nucléaires.
X) Toute la nourriture, les médicaments devraient être entièrement déréglementés, chaque industrie devrait être capable de tuer 60 000 personnes chaque année comme le fait l'industrie du tabac.
Il est intéressant de voir que, dans ce débat rhétorique, Mike Huben ne fait pas autre chose que d'utiliser des sophismes classiques que nous avons répertoriés dans le cours. On peut les démonter aisément.
Reprenons en quelques uns.
a) les libéraux défendent les droits individuels, mais les scientologues aussi.
Syllogisme de classification, amalgame et attaque ad odium. Deux groupes d'individus défendent les droits individuels, les libéraux et les scientologues. Ce n'est pas tout-à-fait vrai. Ils défendent tous deux la liberté religieuse. Mais celle-ci ne s'assimile pas aux droits individuels. Elle peut s'exercer tant que cette liberté religieuse ne violent pas les droits individuels. Il existe une intersection entre les deux groupes sur un thème précis. C'est tout. C'est là où l'on a un amalgame. Vous défendez les droits individuels comme les scientologues, des individus si dangereux qui manipulent les enfants et les êtres faibles du cerveau. Comment pouvez-vous les prendre au sérieux... Efficace si votre cerveau ne fonctionne pas. Mais prenez l'habitude de repérer les syllogismes de classification, les amalgames et le ad odium.
La technique est la suivante :
Tous les scientologues sont des individus dangereux
Tous les scientologues défendent les droits individuels
Tous les libéraux défendent les droits individuels
_______________________
Donc tous les libéraux sont des individus dangereux
Un diagramme de Venn résout le problème facilement. En effet l'auteur présuppose que tous les libéraux sont des scientologues et les scientologues sont tous pour les droits individuels. En fait, l'ensemble des gens qui sont pour les droits individuels contiennent des libéraux , des scientologues , des chrétiens, des islamistes etc. Les sous ensembles sont souvent disjoints. Il se peut aussi que une fraction des scientologues soient contre les droits individuels. La proposition est vraie si tous les libéraux sont des scientologues.
En réalité les libéraux défendent les scientologues lorsque ceux-ci défendent les droits individuels.Ce qui n'est pas la même chose.
b) Tant que vous n'exercez pas votre droit d'émigrer, vous consentez explicitement au contrat social qui nous lie et aux obligations politiques qui y sont associées Un contrat social n'est pas différent d'un contrat ordinaire passé par une personne morale.
Un syllogisme cohérent peut être faux.
Reprenons la prémisse majeure :
Prémisse majeure
Si les individus n'émigrent pas , alors ils consentent au contrat social
Prémisse mineure ou classificatoire
L'individu n'émigre pas
Conclusion
_______________________
Donc, il consent au contrat social
La prémisse majeure n'est pas correcte, car l'inférence entre "ne pas émigrer" et consentir à quelque chose qui n'existe pas -un contrat social- n'est pas valide.
Mike Huben utilise plusieurs arguments pour justifier que le contrat social soit un contrat comme un autre.
Reprenons son argumentation.
La constitution et les lois sont nos contrats écrits avec le gouvernement. Il y a des plusieurs moyens explicites par lesquels les gens font un "contrat social" avec un gouvernement. Le plus commun est quand vos parents choisissent une résidence officielle et/ou citoyenneté après votre naissance. Dans ce cas, vos parents ou tuteurs contractent pour vous, et ont exercé leur pouvoir sur vous. Aucune action explicite supplémentaire n'est exigée de votre part pour continuer l'accord, et vous pouvez le terminer n'importe quand en partant ou en renonçant à votre citoyenneté. Les immigrés résidents, et les visiteurs contractent à travers le serment de citoyenneté (jurer de respecter et soutenir les lois et la constitution).. Les citoyens nés sur le territoire le réaffirment quand ils prennent part aux votes, joignent volontairement les forces armées, paient leurs impôts etc. Ce contrat a une forme assez commune: une fois entré sur le territoire, il est continué implicitement jusqu'à ce qu'il soit révoqué explicitement. Quelques libertariens veulent signer réellement un contrat. Or emmenez-les à un restaurant et voyez s'ils pensent sortir sans payer parce qu'ils n'ont rien signé. Le restaurant met un prix et derrière cet échange être nourri contre paiement un contrat implicite existe. Le fait même de votre consommation crée une dette. Le contrat social est comme un autre contrat même s'il peut être modifié "unilatéralement."
Considérez l'achat d'un appartement. Vous avez un contrat avec un condominium, en consentant à payer le prix, vous acceptez que l'association prélèvent des charges pour les services fournis et vous obéissez aux règles qui ont été choisies par l'association. A l'intérieur vous avez un vote égal aux autres résidents quand il s'agit de discuter du budget et des règles. Si vous n'aimez pas le budget ou les règles qui sont décrétées, vous pouvez voter avec vos pieds ou persuader tout le monde de les changer.
Pourquoi est-ce que je devrais être contraint pour partir si je n'aime pas le contrat social?
Pourtant je délaisse un appartement si je change d'avis au sujet du bail. En fait vous ne possédez pas le condominium, de même que vous ne possédez pas la nation. Au plus, vous pouvez posséder quelques propriétés dans le condominium, de même que vous pouvez posséder quelques propriétés dans la nation.
Notre contrat social aux USA est un contrat agréable, volontaire que les libertarians devraient aimer. Même mieux, parce que vous pouvez le terminer en partant n'importe quand. Il n'y a aucun obstacle fait par le gouvernement Américain pour émigrer hors des USA.
Oui, vous pouvez émigrer. Même si personne ne trouve EXACTEMENT ce qu'il veut, vous pouvez choisir un autre pays où vivre.
Il y a en gros 200 nations auxquelles vous pourriez émigrer. Ils sont le produit d'un anarcho-capitaliste : il n'y a aucun sur-gouvernement à ces nations souveraines. En effet, la seule différence entre l'anarchie de nations et libertopia est que les anarcho-capitalistes souhaitent des États plus petits. Ces nations ont trouvé qu'il est coûteux de défendre territorialement des États petits.
L'argumentation de Mike Huben est plus convaincante car plus élaborée que la précédente. La plupart d'entre-vous y êtes sensible.
La réponse est cependant simple : le contrat social n'existe pas parce qu'il n'y a pas de droit de sécession individuel, ni territorial.
L'auteur le dit : on n'est pas propriétaire de la nation comme on n'est pas propriétaire du condominium (cependant on est copropriétaire du condominium et seuls ceux qui ont acheté un appartement votent) Or que l'on sache la nation n'est pas traitée comme un condominium ou une copropriété (ce qu'elle devrait être). La notion de consentement veut dire que l'on peut vendre ses droits de vote, que l'on peut créer un État, que l'on peut objecter que l'on peut choisir un statut de métèque ou le droit d'ignorer l’État. En absence de ces règles assurant le consentement, il n'existe ni consentement ni contrat social.
c) L'impôt n'est pas différent du racket de la mafia
Concept volé ou Concept vrai Cela renvoie à la "propriété c'est le vol". Les libertariens affirment souvent :l'impôt c'est le vol.
C'est de la rhétorique pour nos adversaires, pour eux la taxation n'est pas extorsion, elle est une charge pour couvrir les frais de la production des services offerts par l'Etat. C'est la où l'on mesure l'importance de la vision angélique de l'Etat ou de la fausse analogie entre copropriété et Etat.
d) Les libéraux s'opposent à l'initiation de la force, mais entérinent la violence qui a donné naissance aux droits de propriété
C'est la Vision hobbesienne de la naissance des droits de propriété, "Mights make Rights" par opposition à l'émergence des droits de propriété selon une règle spontané de "homesteading" qui correspond à la vision Lockéenne de l'émergence de l’État. C'est un débat de fond. Mais justement les libéraux n'entérinent pas cette initiation de la force qui donne naissance aux droits de propriété! Mike Huben prête aux libéraux des attitudes qu'ils n'ont pas parce qu'ils ne sont pas hobbésiens comme lui. Ce n'est une contradiction que parce que l'on est hobbésien. C'est là encore une fausse analogie.
e) les libéraux ne sont pas crédibles, car pour eux la source de tous les maux est toujours l'intervention de l'État.
Cet argument qui nous est souvent opposé se présente comme un syllogisme cohérent. Il prétend que l'on commet un sophisme lié à l'induction que l'on appelle le refus des exceptions (l'inverse de la généralisation hâtive).
L'idée est que tout ce qui est exagéré est mauvais en soi (Éthique d'Aristote) nous avons alors le syllogisme cohérent suivant :
prémisse majeure :
Tout ce qui est exagéré n'est pas crédible en soi -(Éthique d'Aristote)
prémisse mineure :
Les libéraux exagèrent lorsqu'ils attribuent toujours tous les maux à l’État- (refus des exceptions)
conclusion
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Donc les libéraux ne sont pas crédibles
La réponse est simple : la prémisse majeure fait référence à une proposition générale sur l'excès comme mal en soi. C'est en ce sens que le syllogisme est faux. Mike Huben présuppose une éthique particulière celle d'Aristote qu'il applique à l’État qui n'est pas une personne alors que l'éthique d'Aristote est une morale particulière qu'il propose pour évaluer le comportement d'un individu. C'est un sophisme de fausse cause
Par exemple, est-ce-à-dire que la tolérance zéro vis-à-vis du crime est mal en soi ? Il y a un montant optimal de crime parce qu'il en coûte de lutter contre le crime, non pas parce que l'on désirerait un montant positif de crimes.Ce qui n'est pas la même chose. La critique repose sur une éthique particulière liée au comportement humain : ce qui est excessif est mauvais en soi. Le crime est mauvais en soi non pas parce que c'est excessif mais parce que cela viole des droits individuels !
Les hommes de l’État violent les droits individuels et commettent donc des crimes. On les supportent parce qu'ils détiennent le monopole de la coercition et qu'il en coûte de s'en débarrasser.
Cependant le sophisme soulève une question intéressante débattue dans la littérature économique: peut-il y avoir des exceptions aux effets maléfiques de l’État ?
Certains le pensent comme D.North, M.Olson ou de Jouvenel. C'est la discussion sur le monopole du crime dans les activités criminelles, qui serait meilleur que la concurrence car cela réduit le montant de crime dans la société. Il se peut aussi que de la poursuite du mal naisse un bien inattendu, comme de la poursuite du bien nait de manière inattendue le mal.
Les libéraux commettraient alors le sophisme du "refus de l'exception à la règle". C'est un argument sérieux qui est opposé aux libertariens et qui les fait souvent passer pour des dogmatiques.
Le monopole est mauvais pour fournir un "Bien", mais est bon pour la production d'un "Mal". Cette discussion est en rapport avec la métaphore criminelle de l’État. La compétition comme un processus de rivalité augmente le produit, le monopole la réduit. Si le produit est un "bon" (bouteilles de Coca-Cola) la compétition augmente la production; donc la compétition est "bonne" tandis que le monopole est "mauvais."
C'est la vision habituelle de la compétition. Par analogie, si le crime est "mauvais", la compétition en augmentant la production, augmenterait le nombre de crimes . Dans ce cas un monopole sur le crime réduit la production soi-disant du "mal" et donc est "bon."
Nous pouvons reformuler la même discussion avec une autre métaphore - la métaphore de la pâture commune. La compétition entre les pêcheurs pour capturer du poisson dans la mer épuise, très rapidement, le stock de poisson. Il en serait de même avec les bandits.
La compétition entre des bandits pour exploiter la capacité productive des paysans ou négociants épuise le stock de gens productifs. La solution consisterait à établir des droits de la propriété sur les paysans et négociants - c'est-à-dire l'esclavage.
Les deux analogies conduisent à trois confusions :
1) un crime est une relation entre au moins deux personnes, pas une relation entre un prédateur et un animal. Les victimes de prédateurs humains sont des êtres humains. Un crime, par définition, est une violation de droits de la propriété y compris de la propriété de soi. Le crime est un concept qui logiquement dépend du concept antérieur du droit de propriété sur soi. Si aucune propriété n'est possédée, alors la notion de crime n'existe pas.
2) identifier la "notion de crime" avec le mot "mauvais" présuppose une définition du "bon" ou "du mauvais." Si nous identifions "bon" avec le respect de règles - ne violez pas la propriété d'autrui - la réduction des actions "mauvaises" est une bonne chose. Mais si nous identifions "bon" et "mauvais" avec les conséquences d'une action, alors favoriser les actions avec les "bonnes" conséquences et réduire celles avec les "mauvaises" conséquences est une "bonne chose". Mais supposons maintenant que commettre un crime (de violer un droit individuel) conduit à de "bonnes" conséquences, alors la compétition dans le crime est "bonne" parce que l'on en produit plus et le monopole est "mauvais!" parce que l'on en produit moins. C'est aussi un débat sur le concept de démocratie.
3) l'usage du mot "monopole" présuppose ex ante un droit de propriété sur un produit, une personne, ou une part de marché qui peut être donné seulement s'il y a déjà un monopole de la contrainte sur un territoire. La compétition sur un marché exclut tout droit de propriété sur une personne ou des parts de marché.
Supposer que la compétition augmente la production pendant que le monopole la diminue, c'est adopter la définition du monopole et de la compétition à la mode de Cournot. Si l'on adopte la vision classique de la compétition comme un principe de liberté d'entrée sur un marché, on ne peut pas affirmer que la compétition augmente et le monopole diminue la production. Par ailleurs sur un marché respectant le principe de l'échange volontaire, on peut toujours refuser de consommer un produit qui bénéficie d'un monopole légal. Rien de cela n'existe avec les bandits.
L'application des deux concepts de compétition et monopole à une sphère où la violence est la règle ne paraît pas par conséquent être correct. Un monopole fermé sur un marché est assez différent d'un "monopole ouvert" qui caractérise l'interaction entre bandits stationnaires. Violence ou menaces de violence sont au cœur de l'échange entre bandits et leurs victimes.
L'idée qu'un bandit stationnaire commettra moins de crimes que plusieurs bandits en compétition pour taxer les mêmes "paysans" est négliger, en premier, que plus ou moins les crimes sont toujours des crimes et, en second, qu'un monopole est une concentration de pouvoir dans les mains de quelques prédateurs non limité par le pouvoir d'autres prédateurs. Même si le bandit a le pouvoir de taxer la productivité de ses victimes, il n'a pas de moyens de savoir quand il est optimal d'arrêter cette prédation.
L'erreur réside dans le fait que les victimes ne sont pas des animaux mais des êtres humains. Les gens demandent la protection contre les crimes. Donc la compétition dans moyens de réduire le crime est "bonne" tandis qu'un monopole dans les moyens pour réduire le crime est "mauvais" ! La conclusion est juste l'inverse.
Cette interprétation de la métaphore criminelle par Mancur Olson ou autres contrastent avec l'approche d'un penseur libertarien comme Murray Rothbard.
Rothbard partage la théorie d'Olson (les hommes d’État sont des criminels organisés), mais pas sa conclusion: nous devrions accepter le monopole du vol d'un bandit stationnaire parce que c'est meilleur que la compétition dans vol entre des bandits non stationnaires. Cette théorie fait du bandit stationnaire "un chef suprême féodal qui, au moins théoriquement, 'possède' tous les individus dans son domaine.
Tous les libertarians ont une idée claire de la notion d' un droit de propriété acquis justement par la théorie de l'homesteading. En fait, tout le monde comprend clairement que nous avons à lutter et à civiliser les prédateurs de toutes sortes pour être enfin libre.
Le gouvernement est le grand Satan. Tout le mal vient du gouvernement, et tout le bien du marché selon l'Ayatollah Ayn Rand.
Cet argument reproduit le précedent avec une erreur non négligeable, la philosophe Ayn Rand est partisane d'un État fort et minimal. On remarquera l'usage des mots Satan et Ayatollah en opposition, qui sont des qualificatifs faisant appel à l'émotion. C'est le ad odium.
Seul le gouvernement détient la force quel que soit le nombre d'indiens tués par les pionniers du far West, quelque soit le nombre de noir mis en esclavage par des propriétaires privés.
Mike Huben ironise sur l'usage de la coercition en suggérant que des personnes privées aux États Unis l'ont utilisées abondamment. Là encore c'est oublier qu'un tel usage de la force par des personnes privées n'étaient possible que grâce au monopole de l’État sur l'armée et la justice. Il était légal de mettre en esclavage des noirs et de conquérir par la force les territoires indiens. L’État américain et non des propriétaires privés n'a pas respecter les traités passés avec les indiens parce qu'il avait vaincu les indiens et qu'en dernier ressort il détenait le monopole de la force.
Les enfants, les criminels, les adeptes du culte de la mort, les dictateurs et vous, les libertariens, avez le même droit inaliénable de détenir des armes conventionnelles, chimiques, biologiques ou nucléaires.
Même sophisme qu'avec les scientologues. Syllogisme de classification, amalgame et attaque ad odium.
Toute la nourriture, les médicaments devraient être entièrement déréglementés, chaque industrie devrait être capable de tuer 60 000 personnes chaque année comme le fait l'industrie du tabac.
Cette phrase présuppose que toute déréglementation conduit à des crimes et que toute entreprise a pour seul objet de tuer ses clients. Elle présuppose aussi que l'Etat qui réglemente ne tue pas, en dépit de l'expérience historique qui démontre le contraire et dans ce cas il ne s'agit pas de 60 000 personnes mais de millions de gens.
Sophisme classique du ad odium.
Un sophisme est un argument, raisonnement qui apparaît comme rigoureux et logique, mais qui en réalité est faux, malgré une apparence de vérité.
Exemple :
- Théorème : un chat a neuf queues.
- Preuve : Aucun chat n'a huit queues. Un chat a une queue de plus qu'aucun chat. Donc un chat a neuf queues.
Comme on le voit ci-dessus, il peut prendre la forme d'un syllogisme.
Concepts proches
- le paralogisme, raisonnement faux malgré une apparence rigoureuse. Exemple : "1. Tout ce qui est rare est cher. 2. Or un cheval bon marché est rare. 3. Donc un cheval bon marché est cher". Autre exemple (paradoxe de l'emmental) : "1. Plus il y a de fromage, plus il y a de trous. 2. Or plus il y a de trous, moins il y a de fromage. 3. Donc plus il y a de fromage, moins il y a de fromage". La différence avec le sophisme est qu'il n'y a pas volonté de tromper.
- l'amphibologie, proposition ambiguë qui a plusieurs sens (exemple : "il est allé voir un ami avec sa voiture" : la voiture de qui ? ; "shampooing pour les pellicules" ; "ce cochon de Paul" ; "achetez chez nous, n'allez pas vous faire escroquer ailleurs", etc.)
- le paradoxe, proposition qui contient ou semble contenir une contradiction, ou un raisonnement qui, bien que sans faille apparente, aboutit à une absurdité. Certains sont proches du sophisme, alors que d'autres sont plus profonds (paradoxes de Zénon).
- l'aporie (du grec απορíα, absence de passage) : un raisonnement conduisant à un problème insoluble et inévitable ; en rhétorique : un doute, souvent feint (dubitatio)
- le dilemme (du grec δί-λημμα "double proposition") : une situation qui offre une alternative, menant à des résultats différents, dont les deux partis sont d'égal intérêt (ex. : l'âne de Buridan ; le dilemme du prisonnier)
- l'antinomie : une contradiction réelle ou apparente entre deux lois, deux principes, deux idées, la raison trouvant deux preuves de sens contraires (ex. : antinomies de la raison pure de Kant ; en physique : antinomie continu/discontinu, onde/particule)
- l'anti-concept (concept issu du réalisme aristotélicien et de l'objectivisme) est un terme inutilisable dans un discours rationnel car non fondé sur une quelconque expérience ou réalité, et dont le seul but est d'empêcher de penser (par exemple le concept d'ultralibéralisme)
- le mot-virus véhicule subrepticement un sous-entendu dans un but politique et idéologique : par exemple, l'accusation de "pensée unique" sous-entend que l'adversaire cède à un conformisme général dont on serait soi-même complètement exempt ; le terme de cadeau fiscal sous-entend que ponctionner un peu moins le contribuable revient à lui faire un cadeau, etc.
Un sophisme donne souvent lieu à une illusion du côté de ceux qu'il trompe ; du côté des trompeurs, il est souvent mis en œuvre dans le cadre d'un "stratagème". Dans son célèbre "Art de toujours avoir raison", Arthur Schopenhauer énonce 38 stratagèmes différents, par exemple la généralisation abusive, la diversion, la pétition de principe, l'insulte, etc.
Sophismes anti-libéraux
Les critiques contre le libéralisme - entendons, celles qui sont malhonnêtes intellectuellement - reposent souvent sur une série de sophismes (voir le lien vers Bertrand Lemennicier qui en donne une liste assez complète). En voici quelques exemples.
- sophisme de l'homme de paille ("straw man") : "le libéralisme en économie, ça ne marche pas, puisqu'il n'existe pas de marché de concurrence pure et parfaite" ; "la liberté qu'invoque le libéralisme n'existe pas, puisque l'homme ne peut satisfaire tous ses désirs" (on tente de réfuter un raisonnement en s'attaquant à une version affaiblie ou sensiblement différente de ce raisonnement, en faisant croire que c'est ce raisonnement lui-même qui est invalidé)
- non sequitur : "les riches s'enrichissent, par conséquent les pauvres s'appauvrissent" ; ou bien : "le capitalisme génère la pauvreté" ; ou bien : "le marché est imparfait, donc l’État doit intervenir", "on n'a aucune idée de la rentabilité de ce type projet, donc, à défaut de financement privé, l’État doit investir", "la société a besoin de règles, donc l’État doit imposer une régulation" (on affirme sans justifier le lien)
- post hoc non est propter hoc : "grâce à la politique volontariste du gouvernement, la situation économique s'est améliorée" (le fait que deux événements se succèdent n'implique pas que le premier soit la cause du second. La réalité est : malgré la politique volontariste du gouvernement, la situation économique s'est améliorée)
- pétition de principe : "l’État est la seule façon de faire respecter le Droit" (un étatiste ne peut admettre qu'une société libre puisse faire respecter le Droit mieux qu'une société étatisée)
- généralisation abusive (ou « déduction hâtive ») : "les libéraux sont contre la 'solidarité' obligatoire, ce sont donc des égoïstes qui s'opposent à toute entraide entre les personnes" ; "les libéraux critiquent la démocratie, ils sont donc en faveur de la dictature" ; "les libéraux sont individualistes, ils sont donc opposés à toute action collective" ; "les libéraux sont en faveur du libre marché et de la croissance, ce sont donc des matérialistes" ; "le capitalisme appauvrit tout le monde, voyez Enron" ; "le libéralisme est un totalitarisme, comme le communisme" ;
- fausse alternative : "alors, êtes-vous pour le capitalisme, ou bien pour la justice sociale ?"
- question complexe (posée de telle façon qu'on ne puisse répondre ni par oui ni par non) : "Oui ou non, êtes-vous pour le socialisme et la prospérité ?"
- ex falso sequitur quodlibet : "la justice est du domaine exclusif de l’État, on ne peut donc se faire justice soi-même" (à partir de prémisses fausses, on peut montrer ce qu'on veut)
- vol de concept : "la propriété, c'est le vol", "il est interdit d'interdire" (on emploie un concept dans un cadre qui le nie, ce qui aboutit à une contradiction interne : le vol présuppose le concept de propriété, il y a donc contradiction dans l'énoncé - le vol de concept permet de produire des énoncés courts et frappants, erronés mais idéaux pour la propagande, voir 1984)
- contradiction performative, ou populairement : "faites ce que je dis, pas ce que je fais". Par exemple, condamner la propriété privée, mais, à titre personnel, protéger soigneusement ses propres biens ; réclamer une intervention de l’État dans tel ou tel domaine, tout en trouvant que les impôts sont trop élevés ; vanter les services publics mais leur préférer les services privés ; vouloir supprimer les racistes pour supprimer le racisme, etc.[1]
- deux poids, deux mesures : "Mais, sans état, il risque d'y avoir la guerre!" (comme si avec l'Etat, il n'y avait pas de guerre : on invente un problème dans un cadre donné en feignant de ne pas voir que le problème existe déjà dans un autre cadre - ce sophisme est très pratiqué par les collectivistes, par exemple : "le capitalisme n'élimine pas la pauvreté" - comme si le socialisme l'éliminait ! ; "le libre-échange ne garantit pas la prospérité" - comme si le protectionnisme la garantissait !)
- double contrainte : deux contraintes qui s'opposent rendent la situation a priori insoluble (« soyez spontané ! » ; « ignorez ce panneau » ; « vous serez punis si vous faites ceci, et vous êtes punis si vous ne le faites pas »). Dans un contexte étatique, il s'agit de nier la responsabilité des individus en les soumettant à une double contrainte : « vous devez cotiser obligatoirement à la Sécurité sociale, mais vous ne devez pas trop lui coûter » (on nie la responsabilité tout en faisant appel à elle).
- argument par les intentions : "le libéralisme, idéologie des possédants, est uniquement destiné à justifier moralement la richesse de ces derniers" (on prête une intention cachée à l'adversaire)
- polylogisme : vous raisonnez comme ça parce que vous êtes bourgeois / riche / juif / etc.
- argument d'autorité : "Marx et Lénine ont prédit la disparition du capitalisme" (on espère que l'autorité invoquée suffise à dissuader l'adversaire de répliquer)
- argumentum ad antiquitam : "l’État existe depuis toujours, il est donc absolument impossible de s'en passer" (la force de l'habitude ne prouve pas que l'habitude soit toujours bonne)
- argumentum ad populum : "un grand nombre de gens croient l’État indispensable et d'ailleurs n'importe quel endroit de cette Terre est sous l'emprise d'un État" (qu'une opinion soit partagée par un nombre important de personnes ne prouve pas qu'elle soit vraie)
- argument du violeur : "tel méfait est justifié, car la victime l'avait bien cherché"
- argument d'Eichmann : "je ne suis pas responsable, je n'ai fait qu'obéir aux ordres (ou à la loi)"
- argumentum ad ignorantiam : "personne n'a jamais prouvé que le libéralisme soit le meilleur des régimes, c'est donc faux" ; "vous ne pouvez pas me démontrer que le communisme ça ne marche pas (les exemples historiques n'étant pas suffisants pour généraliser), donc ça marche" (on prétend que quelque chose est vrai parce qu'il n'a pas été démontré que c'était faux, ou que c'est faux parce qu'il n'a pas été démontré que c'était vrai)
- argument ad hominem : on attaque la personne plutôt que ses idées : "vous êtes de dangereux extrémistes" ; "les libertariens sont des poujadistes" ; "vos idées sont nauséabondes" ;
- reductio ad Hitlerum : variante d'argument ad hominem : "vous êtes des fascistes, des réactionnaires, des Nazis" (disqualifie l'adversaire en le comparant à des personnages honnis, Hitler ou les Nazis)
- sophisme de Corax : consiste à dire qu’une chose est invraisemblable justement parce qu'elle est trop vraisemblable. "Croyez-vous que je ferais de la politique si j'y voyais seulement un moyen de m'enrichir aux dépens de mes concitoyens ?" En est dérivée une technique de manipulation classique, appelée « se cacher dans la lumière ».
Sophismes étatistes
Il s'agit de sophismes très courants, du type "pétition de principe", "non sequitur" ou "deux poids, deux mesures", destinés à justifier l'interventionnisme de l’État dans les cas de figure où il est le plus contestable :
- sophisme paternaliste : si on laisse les gens libres, ils agiront contre leur propre intérêt (il faut protéger les gens contre eux-mêmes) ;
- sophisme de l'alibi de la pauvreté : si l’État ne prend pas en charge cette activité (la santé, l'éducation...), les pauvres en pâtiront ;
- sophisme pseudo-élitiste : l’État, en charge de l'"intérêt général", sait mieux faire que le privé ; cet argument est souvent implicite dans certains pays, comme la France, où l’État a eu un rôle historique prépondérant dans la fondation de la nation. C'est une "croyance dans le chapeau magique" des étatistes.
- sophisme comptable : si on dépense autant, c'est bien que ça en vaut la peine (la dépense est d'autant plus justifiée qu'elle est importante - en réalité les sommes dépensées sont arbitraires, les résultats effectifs de ces dépenses ne sont jamais évalués) ;
- sophisme de l'économie d'échelle : la centralisation étatique permet de diminuer les coûts des services rendus au public (contredit par la loi de Savas ou la loi de Friedman) ;
- sophisme collectiviste : l'État exprime une "volonté générale", et à ce titre tout ce qu'il fait est forcément légitime (contredit par le théorème d'Arrow) ;
- sophisme de la justice sociale : l'Etat est l'instrument de la justice sociale (le pillage des faibles par les puissants et des producteurs au profit des parasites est juste dès lors qu'il est pratiqué par l’État) ;
- sophisme de l'illusion fiscale : l'impôt est nécessaire et utile, puisqu'il permet à l'Etat de distribuer ses bienfaits aux citoyens (on ne s'interroge pas sur le coût de ces "bienfaits", résultant du vol fiscal, ni s'ils pourraient être produits par la société civile elle-même) ;
- sophisme de l'illusion mathématique : les calculs montrent que telle décision politique est la meilleure (illusion scientiste qui ignore l'incertitude et les rétroactions inhérentes à l'action humaine) ;
- double contrainte (pour mettre la victime dans une situation impossible). Ayn Rand l'illustre dans La Grève (p.190) par la réflexion d'un étatiste devant une invention révolutionnaire : « Si le Rearden Metal ne vaut rien, c'est un danger public. S'il est bon... c'est un danger social. »
Voir aussi biens publics, illusion.
Trouver de quel genre de sophisme ou de quelle illusion relèvent les affirmations politiques suivantes :
- Notre pays dépense 30% de son PIB pour financer la protection sociale, ce qui en fait l'un des plus avancés au monde (Martin Hirsch, "Haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et à la Jeunesse")
- L’État est le garant de l'intérêt général. C'est à lui qu'il appartient de décider en dernier ressort. (Raymond Barre, discours du 5 octobre 1976)
- Seules la vigilance et l'action de la puissance publique peuvent préserver les solidarités collectives qui fondent notre société. (Michel Rocard, Entretien avec la Revue française d'économie, 1986)
- L'analyse économique sérieuse conduit à constater que le protectionnisme et la dévaluation ramènent à la notion de solidarité nationale. (Emmanuel Todd, Marianne2, 24/03/2011)
- Cela peut paraître dur, mais je crois que, dans l'intérêt de la collectivité, chaque citoyen doit supporter de pouvoir être suspecté de temps en temps à sa juste mesure. (Eva Joly, Où vont les juges, 2002)
- Il est impossible qu'il y ait moins d’État-providence, car ça heurterait la souveraineté du peuple ! (Benoît Hamon, août 2011)
- La culture fait partie du domaine régalien de l’État. (Aurélie Filippetti, juillet 2012)
- Les banquiers français sont plus honnêtes que les banquiers anglo-saxons car la plupart viennent du service public. (Jérôme Cahuzac, juillet 2012)
- Il y a un coût écologique pour la planète des produits non écologiques ; il nous faut donc réfléchir à une taxe carbone. (Jérôme Cahusac, juillet 2012)
Sophismes économiques
Le terme de sophisme reste irrémédiablement attaché à la personne de Frédéric Bastiat, qui, dans ses Sophismes économiques, a détruit l'argumentation des anti-libéraux.
Déjà classique outre-Atlantique, l’œuvre capitale de Frédéric Bastiat suscite enfin en France l’intérêt qu’elle mérite. Réédités, dès 1964 en langue anglaise, les Sophismes économiques de Frédéric Bastiat n’étaient plus disponibles en langue française dans leur texte intégral depuis l’édition Paillottet des œuvres complètes publiée chez Gilbert Guillaumin (1854-1855).
Alors que, de nos jours, trop d’économistes se complaisent à produire des ouvrages dont l’obscurité dissimule l’étatisme, Frédéric Bastiat nous rappelle que l’économiste a d’abord pour fonction de mettre en lumière ces rhétoriques irrationnelles qui invalident les politiques économiques. S’inscrivant dans la lignée de la littérature libérale née sous la censure impériale et royale avec les chansons de Béranger et les apologues de Paul-Louis Courier, c’est donc sous une forme littéraire – dialogique autant que logique – que Frédéric Bastiat choisit de présenter les vérités fondamentales de l’économie politique.
Alors que François Guizot s’en était tenu à des considérations naïves sur le gouvernement représentatif avant d’en empêcher l’épanouissement sous la monarchie de Juillet, le futur député républicain Frédéric Bastiat, en stigmatisant la privatisation rampante de l’État par les groupes de pression industriels et agricoles, esquisse une véritable théorie libérale de la justice.
Démystifiant le "sisyphisme" des politiques de l’emploi et la spoliation légale qu’elles induisent, Bastiat démontre que ce sont les pays et les catégories sociales les moins favorisés qui gagnent le plus à la liberté des échanges. Aussi, le lecteur d’aujourd’hui ne trouvera pas d’argumentaire plus essentiel contre le dernier avatar du protectionnisme, “ l’altermondialisme ”, que les Sophismes économiques de Frédéric Bastiat.
L'interventionnisme étatique en matière économique illustre la permanence des sophismes économiques colportés par certains économistes eux-mêmes (voir par exemple plan de relance, multiplicateur keynésien, courbe de Phillips).
Notes et références
- ↑ D'un point de vue strictement logique, il s'agit d'une contradiction d’un énoncé par ses propres conditions de possibilité, le contenu de l’énoncé exclut la production de l’énoncé, (par exemple dire "je dors profondément" ou "je ne dis rien" est une contradiction performative). On étend fréquemment ce concept à tout type d'énoncé contradictoire, par exemple : "j'ai mis un fer à cheval au-dessus de ma porte parce que cela porte bonheur même si on n'y croit pas" (Niels Bohr) ; "si vous n'êtes pas croyant, priez Dieu pour qu'il vous donne la foi" (anonyme). Voir aussi le vol de concept.
Voir aussi
Citations
Liens externes
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De La Volonté De Puissance Comme Source De Sophisme, ... sus à l'oppresseur, dans nos esprits (for) | |
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- (fr)Liste des sophismes, par Bertrand Lemennicier
- (fr)Les "sophismes" libertariens, examinés par Bertrand Lemennicier
- (fr)Mythes et Sophismes des Ennemis de la Liberté
- (fr)Why Sophisms Die Hard: The Power of Ideas over Interests par Bertrand Lemennicier
- (fr)Sophismes et arguments fallacieux
- (en)Stephen's Guide to the Logical Fallacies
- (en)Taxonomy of Logical Fallacies
- (en)Fallacies
- (fr)Le "vol de concepts" par Nathaniel Branden
- (fr)L’Art d’avoir toujours raison par Schopenhauer