L'objectif est connu : défendre l'idée que le féminisme égalitariste est une idée occidentale pour mieux faire croire que seul le retour aux fondements de l'islam sauvera les musulmanes.

 
 

Le moyen très simple : Les intégristes ont pris l'habitude de convaincre certains naïfs et quelques idiots utiles rongés par le relativisme culturel qu'ils avaient inventé un autre féminisme... musulman celui-là. Ils oublient bien sûr de préciser qu'il s'agit d'un "féminisme religieux", patriarcal et vigoureusement anti-égalité et anti-laïcité. Qu'importe, la stratégie fonctionne à merveilles auprès des journalistes ne connaissant rien au féminisme ou à l'islamisme. Beaucoup glorifient ce mouvement depuis son premier congrès international à Barcelone en 2005 appelant au "jihad pour l'égalité des genres".

Les masques tombent pourtant lorsqu'on écoute attentivement. Ou lorsqu'on regarde simplement attentivement la liste des invités au dernier colloque en date sur ce mode, tenu les 18 et 19 septembre dernier à l'UNESCO. Cette fois, l'initiative a ni plus ni moins reçu le soutien de la Ligue des droits de l'homme et de sa commission "Islam & laïcité".

L'UNESCO a refusé la venue de Nadia Yassine, porte-parole du mouvement islamiste marocain, mais les organisateurs l'avaient invitée ! "Heureusement", il y avait bien d'autres lieutenantes de l'intégrisme pour rappeler à l'ordre les musulmanes qui s'égareraient en pensant pouvoir réellement se libérer grâce au "féminisme" musulman. Ainsi, Amina Wadud, voilée comme il se doit et figure emblématique du mouvement, a rappelé qu'elle était "croyante avant d'être féministe". Au cas où certains aient un doute... Fille d'un pasteur méthodiste qui l'emmenait écouter Martin Luther King s'est convertie en 1972 car "l'islam réunit amour et justice".

Mais de quel islam parle-t-on ? De l'islam éclairé ou de l'islam fondamentaliste ?

De l'islam fondamentaliste des Frères musulmans, qui ont toujours prétendu libérer les femmes pour mieux les enrôler dans leur projet politique patriarcal... En atteste la présence de la femme du cheikh Youssouf al-Qaradhaoui — le théologien des Frères musulmans approuvant que l'on batte sa femme ! Mme Bekada a parlé du féminisme comme d'une notion individualiste et laïque. A ses côtés, Sisters In Islam, créée en 1988 en Malaisie, dit pourtant avoir obtenu une loi criminalisant les violences conjugales grâce à leurs efforts de persuasion sur les leaders religieux. Mais ne serait-ce pas plus simple que Mme Bekada, présente à ce colloque, demande à son mari de cesser d'édicter des fatwa rendant licite le fait de battre sa femme !

La question ne fût pas abordée ainsi... Par contre, lorsque une représentante des "féministes musulmanes" a osé esquisser un refus de littéralisme (à ne pas confondre avec le refus du fondamentalisme dont se revendique le "féminisme" musulman), elle a tout de suite fait figure de radicale grâce au rappel à l'ordre d'Asmaa Bekada (Qatar), ex-productrice d'une émission pour les femmes à Al Jazira. Cette dernière s'est félicitée que son pays n'ait jamais ratifié la Convention pour l'abolition des discriminations envers les femmes de l'ONU (CEDAW).

Et oui, c'est bien connu, les conventions internationales prônant l'égalité ne sont que des diktats post-coloniaux opprimant les femmes de milliardaires du golfe... Tandis que le "féminisme" musulman, le vrai, sauvera les femmes de leurs propres tentations.

"La femme est un scorpion malfaisant" reprennent les Pères de l'Eglise suivant en celà l'avis de Kohelet (L'Ecclesiaste 7:26) qui expliquait : "Et j'ai trouvé plus amère que la mort la femme dont le coeur est un piège et un filet, et dont les mains sont des liens ; celui qui est agréable à Dieu lui échappe, mais le pécheur est pris par elle.". Pourtant, il ne viendrait à l'idée d'aucune association laïque de soutenir un mouvement se réclamant du fondamentalisme chrétien pour mieux concurrencer le mouvement de libération des femmes.

Caroline Fourest