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We believe that freedom of speech is the essential prerequisite for free and just societies, secular law, and the rights of the individual.

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16 mars 2011 3 16 /03 /mars /2011 06:10

Quatrième mythe : « 1793 » aurait été dreyfusard

 

mercredi 1er juillet 2009 - Copeau

 

- Introduction  
- Chapitre 1 : Premier mythe : « 1793 » aurait été démocrate
- Chapitre 2 : Deuxième mythe : « 1793 » aurait fondé la République
- Chapitre 3 : Troisième mythe : « 1793 » aurait été laïque
- Chapitre 4 : Quatrième mythe : « 1793 » aurait été dreyfusard
- Chapitre 5 : Cinquième mythe : Les adversaires de « 1793 » auraient été nazis
- Chapitre 6  : Sixième mythe : Il n'y aurait  de républicain qu'à gauche
- Conclusion : l’Eglise de la Gauche

 

L’affaire Dreyfus a fourni aux radicaux et aux socialistes l’occasion de prendre le pouvoir des mains des modérés, qui gouvernaient depuis 1879. Selon l’historiographie officielle, cette affaire aurait opposé la droite, brutale, immorale et pré-nazie, à la gauche, camp de l’humanisme et de la civilisation. Or, à quelques nuances près, les dreyfusards ont été des hommes de « 1789 », et les antidreyfusards des hommes de « 1793 ». Pour expliquer ce retournement historiographique, il faut distinguer deux phases bien distinctes de l’affaire Dreyfus, l’une que l’on peut dire « judiciaire », l’autre « politique » ; ce qui s’est cristallisé dans la seconde a fait complètement oublier ce qui s’était réellement passé dans la première.

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Dreyfusards et antidreyfusards dans la phase judiciaire de l’affaire

Dans ses Souvenirs sur l’Affaire, Léon Blum témoigne que les premiers dreyfusards ont appartenu essentiellement aux milieux libéraux : « c’est dans ce milieu composite que les dreyfusards trouvèrent d’emblée le plus de partisans ouverts, et surtout le plus d’alliés secrets ou discrets » [1]. Blum cite ainsi Jean Casimir-Périer [2], Waldeck-Rousseau [3], Adrien Hébrard [4], Ludovic Trarieux [5], et même ses principaux adversaires politiques de droite des années 1920-1930, Raymond Poincaré [6], Louis Barthou [7], Charles Jonnart [8] ou Georges Leygues [9], qui étaient « tous dreyfusards ».

« Les Princes, poursuit Blum, les membres des familles royale et impériale, ne doutaient pas de l’innocence de Dreyfus. L’impératrice Eugénie [10], par exemple, était dreyfusarde convaincue et résolue ». De même que le duc d’Aumale [11], du pape et des plus hauts dignitaires de l’Eglise romaine. Ou encore du vice-président du Sénat Scheurer-Kestner [12], du député Joseph Reinach [13], ou d’Yves Guyot, du commandant Ferdinand Forzinetti [14], du colonel Picquart [15], d’Edgar Demange [16], de Louis Leblois, de Fernand Labori ou de Gabriel Monod [17]. Ils sont dreyfusards car ils sont modérés et instruits, familiers du droit.

Il est vrai que, parmi les premiers dreyfusards, il y a aussi le leader radical Georges Clemenceau, le leader socialiste Jean Jaurès, le militant socialiste Lucien Herr ; mais ils défendent Dreyfus en hommes civilisés, en bourgeois instruits.

A contrario, qui compose le camp des antidreyfusards ? C’est le scandale public délibérément créé par toute une certaine presse qui interdit tout retour en arrière du ministre de la Guerre, Mercier ; c’est cette même presse qui sans cesse soufflera sur le feu ; c’est elle qui parviendra à persuader une partie de l’opinion que toute remise en cause de la culpabilité de Dreyfus serait une nouvelle trahison. Or les journaux en question sont ceux des nationalistes et des antisémites, de l’ancien communard Henri Rochefort [18], d’Edouard Drumont [19], Eugène Guérin [20], Maurice Barrès [21] ; ils incarnent la pointe avancée des républicains radicaux et socialistes du temps. Les premiers antidreyfusards ont donc été les radicaux et les socialistes. Même « les francs-maçons radicaux [22], poursuit Blum, n’osaient pas découvrir leurs amis, ou engager le gouvernement ». Quant à leurs collègues radicaux [23], ils étaient antidreyfusards sans états d’âme. Cavaignac en particulier est un antidreyfusard passionné. Même Jean Jaurès, qui a pourtant joué dans le combat dreyfusard le rôle éminent que l’on sait, s’est converti assez tardivement, et on a de lui, dans la première période, des déclarations antidreyfusardes (et même antisémites) hautes en couleur. Les socialistes, dit Blum, ne voulaient pas avoir « pour alliés d’un moment des adversaires permanents « de classe » qui embarrasseraient l’action future [du socialisme] de liens pesants et d’habitudes dangereuses » [24]. Les radicaux et socialistes considèrent que Dreyfus est, d’une part, un riche bourgeois, d’autre part un quasi-étranger, et que le défendre ne relève pas de leur combat anticapitaliste et jacobin. La revendication des « rouges » est de « réviser » la Constitution, c’est-à-dire d’instaurer une dictature jacobine avec l’aide éventuelle d’un chef charismatique. Par ailleurs, ils condamnent le développement du capitalisme, horrifiés qu’ils sont par le scandale de Panamá [25].

Plus précisément, et en regardant les idées plutôt que les hommes, il y a une nette continuité entre les premiers socialismes et l’antisémitisme du temps de l’Affaire. Ainsi, Fourier et les fouriéristes ont été antisémites [26]. Marx, quant à lui, identifie capitalisme et judaïsme [27]. Proudhon tient des propos d’un antisémitisme échevelé [28]. Blanqui n’est pas en reste [29]. Leurs disciples encore moins [30]. Il faut toutefois préciser que le socialisme n’est antisémite qu’indirectement, du fait qu’il veut recréer une communauté traditionnelle solidaire, un groupe « chaud » qui ne peut se souder qu’en excluant des boucs émissaires. Comme l’écrit Drumont, l’antisémitisme a toujours été une question économique et sociale pour eux, pas une question religieuse.

Ce même Drumont s’inscrit expressément dans la tradition jacobino-socialiste. Son maître-ouvrage, La France juive, est constitué d’une série de charges furieuses contre le capitalisme national et international, les grandes compagnies, les banques, le crédit, les spéculateurs, au règne desquels il faut mettre un terme par l’étatisation de l’économie.

Les autres doctrinaires de l’antisémitisme appartiennent au même camp radical et socialiste. Le théoricien raciste et organiciste Vacher de Lapouge [31] est un socialiste révolutionnaire, militant guesdiste aux élections de 1889. Il est proche du leader socialiste allemand Ludwig Woltmann, qui entend faire la synthèse du marxisme et du darwinisme. Des organes de presse se créent dans les années 1890-1891 qui associent la propagande socialiste et la propagande antisémite [32].

Ce jacobinisme intransigeant se manifeste aussi via la Ligue des Patriotes de Paul Déroulède. Fondée en 1882, elle vire rapidement à l’antiferrysme au nom de la vraie République jacobine. Déroulède fait fusionner les groupes de la Ligue des Patriotes [33] avec les groupes blanquistes, c’est-à-dire les anciens communards, pour constituer les troupes de choc du boulangisme [34]. Par ailleurs, une « Ligue antisémitique de France », créée par Drumont puis renouvelée par Guérin, voit le jour et se rapproche elle aussi des blanquistes, ce qui est naturel puisque les doctrines sont proches.

Dans la première phase de l’Affaire, quelle position tient l’Armée ? Au début, elle marque un entêtement dans l’erreur du petit groupe d’officiers du service de renseignement dont tout est parti. Mais après ? N’y a-t-il pas quelque chose d’étrange dans le prolongement indéfini de cette attitude de fermeture qui, évidemment, nuit à l’honneur de l’Armée bien plus qu’elle ne le sert ? Jean Doise, dans Un Secret bien gardé, livre une explication convaincante à ce phénomène [35].

- Le service de renseignements français aurait voulu intoxiquer les Allemands au sujet d’une arme sophistiquée, un canon léger de 75 mm, et aurait employé dans ce but l’officier français Esterhazy.

- Une partie de la famille Dreyfus était restée à Mulhouse ; le capitaine, à l’occasion d’un passage de la frontière, aurait été dénoncé à tort comme suspect. Mais, pour le pas brûler son honorable correspondant de Mulhouse, Sandherr, destinataire du renseignement erroné, aurait imaginé le scénario du bordereau [36], dans lequel il n’est question que d’un canon de 120 mm sans importance.

- Le suspect n’avait-il pas trahi le secret important entre tous, celui du 75, ou n’allait-il pas le trahir si l’on n’agissait pas assez vite ? Ceci expliquerait la détermination de l’Armée à mettre très vite Dreyfus au secret.

- Le problème était que Dreyfus était innocent, tant du bordereau que des activités suspectes qu’on lui avait prêtées en Alsace. Mais sans doute Sandherr était-il parvenu à convaincre quelques-uns de ses supérieurs de la réalité et de la valeur de la « lettre d’Alsace » qui dénonçait Dreyfus. Après sa mort, son adjoint Henry allait embrouiller encore les choses par des faux de nature à surprendre la bonne foi de ces mêmes grands chefs.

- Les chefs successifs de l’Armée se seraient transmis ce secret et auraient espéré, en faisant bloc pour empêcher toute intervention indiscrète de la justice civile, prolonger indéfiniment l’indispensable mystification de l’ennemi.

Outre ces explications historiques, notons aussi que de nombreux militaires étaient, contrairement à l’image d’Epinal, proches du déroudélisme et du boulangisme, et, en ce sens, du radicalisme. Il y a toujours eu une tradition militaire plébéienne [37] ; elle a été interrompue pendant de longs siècles par la féodalité, mais la Révolution et l’Empire l’ont ressuscité.

Qu’en est-il, par ailleurs, du présupposé antisémitisme et antidreyfusisme de l’Eglise ? Malgré le rôle joué dans la campagne antidreyfusarde par le journal des Assomptionnistes, La Croix, il est absolument faux que l’Eglise en tant que telle ait été antidreyfusarde. Il s’agit plutôt d’une abstention générale de celle-ci. Le pape Léon XIII, par exemple, n’a pas caché qu’il ne croyait pas à la culpabilité de Dreyfus.

Quant à La Croix, est-elle représentative de l’opinion catholique ? Elle ne l’est pas, en tout cas, de la hiérarchie. Il est vrai que ce journal a une diffusion considérable, mais il touche surtout le bas clergé. C’est par vindicte sociale que ces prêtres obscurs sont antidreyfusards, plus que pour des motifs religieux.

Le Salut par les juifs (1892) de Léon Bloy [38] illustre le fait que l’antisémitisme théologique ne fait nullement l’unanimité parmi les catholiques. Israël chez les nations d’Anatole Leroy-Beaulieu [39] (1893), a une diffusion comparable à La France juive. Béranger, Buffet, Cassagnac, Cochin, Viollet, La Ligue des Droits de l’homme de Trarieux, incarnent ce catholicisme éclairé. Il y a de nombreux catholiques parmi les antidreyfusistes parce qu’il y a de nombreux antidreyfusistes en France et que la France est catholique. Pour la même raison, il y a de nombreux catholiques parmi les dreyfusards. Le catholicisme comme tel est étranger à la question.

Enfin, quelle position ont adopté les milieux sociaux privilégiés à l’orée de l’Affaire ? Il faut signaler, certes, la mauvaise inspiration d’un prince d’Orléans et des petites têtes sensibles aux modes, qui caressent la perspective pararomantique d’une prise de pouvoir à l’emporte-pièce, d’un putsch, ce qui suppose qu’ils aient des troupes, des prétoriens, ce qui est loin d’être le cas. Ils croient simplement qu’il est du dernier chic que de s’encanailler avec les jacobins de L’Intransigeant.

D’une façon plus générale, si les milieux socialement favorisés ont eu leur part dans la fièvre antidreyfusarde et antisémite des années 1898-1899, elle a été la même, ni plus ni moins, que celle de tous les autres milieux sociaux de l’époque.

Ce que l’on appelle le « moment antisémite » est cette année et demi (1898-1899) qui va de l’acquittement d’Esterhazy, du J’Accuse de Zola et de son procès (janvier-février 1898) au second Conseil de guerre de Rennes (août-septembre 1899). Il y a partout en France des manifestations antidreyfusardes et antisémites auxquelles ne répondent que de rares contre-manifestations dreyfusardes. Ce sont des ouvriers, des artisans, des petits-bourgeois ; des étudiants et des lycéens ; enfin, des « casseurs » descendus de leurs banlieues. L’anticapitalisme, le rejet de l’économie de marché qu’incarne le « Syndicat juif », la haine de la République « panamiste », des « gros » et des « riches », voilà ce qui caractérise ce mouvement spontané. Ils scandent des slogans du type « non au grand commerce, non aux bazars » (ancêtres de nos grandes surfaces), « non à la concurrence, non à la spéculation financière ». Certes, on s’en prend dans ces manifestations particulièrement aux Juifs ; mais on s’en prend à eux en tant que représentants des capitalistes, fourre-tout dans lequel on mêle aussi les protestants, les opportunistes, les affairistes, les panamistes, les « gros » en général, et même un « Italien » (Zola).

Il semble que les manifestations de 1898 n’aient été organisées par personne ; elles ont été un phénomène collectif et quasi anonyme, comme la Grande Peur de 1789. Parfois, toutefois, c’est l’establishment local radical qui souffle sur les braises, comme La Dépêche du Midi à Toulouse. Il entend engranger les profits électoraux de l’antidreyfusisme et de l’antisémitisme à l’occasion des élections législatives de mai 1898. Même Jean Jaurès y signe des éditoriaux [40] passés depuis sous un silence pesant. La Dépêche n’adhérera au camp dreyfusard que tardivement.

Il en est de même des francs-maçons. Le baron le Guay, par exemple, qui avait mis en cause à Angers « une bande de Juifs et de francs-maçons qui cherchent à traîner dans la boue l’armée française », reçoit une lettre de la loge locale qui lui retourne le compliment, accusant les barons d’être nombreux chez les Juifs et très rares chez les francs-maçons.

La phase politique, création d’un mythe

Léon Blum, là encore, précise le cadre chronologique : « L’idée d’ « Affaire Dreyfus » se lie aujourd’hui dans les esprits, par une association naturelle, aux idées « Bloc des gauches » et « Cartel ». (…) Il y a là une erreur d’époque. L’amalgame du dreyfusisme et de ce qu’on peut appeler la contre-offensive démocratique ne commença que beaucoup plus tard, après le suicide du colonel Henry, après l’enquête de la Cour de cassation, après le coup d’Etat manqué de Reuilly [41], après l’avanie d’Auteuil dont le président Loubet fut victime [42]. C’est alors seulement dans l’été 1899 que Waldeck-Rousseau et son ministère de « Défense républicaine » réussirent à demi la fusion, et elle ne s’acheva que trois ans plus tard, sous le ministère de Combes .

Cette chronologie nous apprend que le dreyfusisme de la gauche est le produit d’un événement politique, la création du « Bloc des gauches », et non la manifestation d’une quelconque essence philosophique permanente. Le dreyfusisme « politique » n’a rien à voir avec celui de la « phase humaine et passionnelle ». Anatole Leroy-Beaulieu nous en livre en début d’explication : « L’anticléricalisme (…) a pris prétexte des violences de quelques feuilles soi-disant religieuses et des emportements d’un antisémitisme soi-disant catholique, pour identifier le clergé avec les ignominies de l’antisémitisme et pour exiger, contre les congrégations et contre l’Eglise, des mesures de défense nationale, analogues à celles réclamées, par les antisémites, contre les Juifs et contre la Synagogue » [43].

Les dirigeants de la gauche, sachant maintenant que Dreyfus était innocent, ont eu l’excellente intuition manœuvrière d’attribuer à la droite seule l’antisémitisme qui sévissait. Comme le précise Daniel Halévy, il y a eu autant d’irrationalité dans le passage de la gauche au dreyfusisme qu’il y en avait eu antérieurement dans son adhésion quasi unanime aux campagnes de haine contre Zola et le « Syndicat ». Halévy déplorait depuis longtemps la « folie » des antidreyfusards ; mais quand l’opinion commence à se retourner, à croire en l’innocence de Dreyfus, Halévy constate avec tristesse qu’elle le fait en vertu d’une « folie inverse » [44]. C’est en effet et plus précisément avec le coup de canne donné à Loubet à Auteuil par le baron Christiani (le 4 juin 1899) que tout a basculé [45].

Le peuple, dit Halévy, n’est pas entré dans la cause des dreyfusards, mais à côté. Il a l’impression que ce sont les gens de la « haute » qui dirigent le camp antidreyfusard. Et cela seul le pousse à se désolidariser instinctivement de ce camp ! Ainsi la Chambre, jusque-là antidreyfusarde, sent le vent. Alliés à Waldeck-Rousseau au sein de la « Défense républicaine », les anciens antidreyfusards organisent alors de nouvelles manifestations publiques, pour renforcer la cohésion de leur camp.

Ce qu’il y a d’inouï dans la partie « politique » de l’Affaire, c’est la recomposition des deux camps, « 1789 » et « 1793 ». « 1793 » s’est scindé en deux, extrême gauche et extrême droite. Certains socialistes et radicaux suivent Waldeck-Rousseau et la « Défense républicaine », d’autres se spécialisent dans le nationalisme. Les premiers se trouvent obligés, contre leur gré et leurs instincts, de se rattacher au camp dreyfusard dont l’idéologie de type « 1789 » est bien éloignée de la leur. Ce qui ouvre la porte, pour eux, à la première participation socialiste à un gouvernement, celle d’Alexandre Millerand, puis à la cogestion de la coalition parlementaire du Bloc des gauches par Jaurès. Les socialistes ont ainsi accepté de faire glisser leur vindicte des Juifs vers les cléricaux, c’est-à-dire en changeant de boucs émissaires.

Les autres, les nationalistes, à l’approche du nouveau danger allemand, se sont attachés de façon de plus en plus rigide au militarisme et au revanchisme ; ils vont constituer l’extrême droite. C’est alors que naît cette famille politique. L’extrême droite n’est pas une extrémisation de quelque composante traditionnelle de la droite, christianisme, monarchisme ou libéralisme ; elle n’est autre chose qu’une partie détachée du camp « 1793 » qui a adopté pour tactique l’alliance à droite au nom du nationalisme. Certains hommes de gauche déroulédisites-jacobins ont constaté que certains monarchistes, certains bonapartistes, et aussi certains catholiques hostiles à la politique anticléricale du régime, étaient aussi antilibéraux qu’eux-mêmes, aussi soucieux d’unité nationale, aussi « patriotes » et avides d’en découdre, tant avec l’Allemagne qu’avec la République « panamiste » corrompue. De la valorisation de la Patrie, ils passeront à celle de la Tradition, et de là, pour certains, à celle de la Race. Ils continueront à condamner le capitalisme, mais ils rejetteront désormais avec violence le communisme. Ils prôneront des solutions de type corporatiste et dirigiste, par atavisme antilibéral. Ils resteront des révolutionnaires. Au sein du camp de la droite, ils seront et demeureront des hommes de « 1793 ».

Ainsi, extrême droite et extrême gauche sont deux frères, bientôt ennemis comme seuls des frères savent l’être : ils se ressemblent trop, le même sang coule dans leurs veines. Cela seul explique le grand nombre et le caractère régulier, incessant, de leurs passages d’un camp à l’autre, dans les deux sens, de 1900 à 1950. Mussolini, Henri de Man, Déat, Doriot ne sont que les plus connus des leaders socialistes, communistes ou syndicalistes devenus fascistes ou nazis.

L’autre camp, celui de « 1789 », a connu lui aussi une scission. Le parti ex-opportuniste, appelé « progressiste » depuis quelques années, se divise en effet en deux formations. L’une, qui va prendre le nom d’Alliance démocratique, accepte la concentration républicaine de Waldeck-Rousseau [46]. L’autre fraction prend le nom de « Fédération républicaine » [47] et se range dans l’opposition, a côté des catholiques ralliés à la République. Elle est inquiète des progrès de l’anarchisme et du socialisme, et entend résister à l’agression anticléricale contre les libertés publiques essentielles. Le malheur est qu’elle voisine par là même, dans l’opposition, avec les nationalistes venus de « 1793 ».

Cette scission des hommes de « 1789 » a rendu impossible en France ce qu’on appelait à l’époque la « conjonction des Centres », c’est-à-dire la cristallisation de l’idéal type « 1789 » en une doxa politique stable et consensuelle [48].

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Tableau synoptique des forces de l’Affaire Dreyfus

L’Anti-bloc regroupe quant à lui quatre composantes : la Fédération républicaine ; les catholiques ralliés à la République, membres d’un parti alors appelé Action libérale populaire [49] ; les monarchistes traditionnels ; les nationalistes. Ainsi cohabitent au sein de la droite parlementaire, à partir de cette époque, des gens qui ne sont décidément pas faits pour s’entendre et qui ne s’entendront jamais. Maurras séduira certes quelques salons, mais il n’empêchera jamais la masse de la bourgeoisie et des classes moyennes de voter pour les partis républicains modérés, la Fédération ou L’Action.

L’Anti-bloc a cependant quelques convictions communes, liées à l’identité française, à l’appui à l’armée. Et si les électeurs de l’Anti-bloc sont clairement antisocialistes, ils sont aussi anti-anticléricaux, même quand ils ne sont pas personnellement catholiques. Tous ceux qui se sentaient agressés par la politique de gauche, par l’entreprise hystérique de déchristianisation qu’elle menait, avaient tendance à resserrer les rangs, à instaurer une « union sacrée » pour défendre une certaine idée traditionnelle de la France, à dénigrer tout ce qui venait de la gauche – même le dreyfusisme.

L’antidreyfusisme passe donc à droite, le dreyfusisme à gauche. Et c’est ce résultat de la crise que le mythe voudra faire passer pour sa cause, provoquant dans les esprits une confusion qui dure encore aujourd’hui.

De l’autre côté, la « concentration républicaine » du Bloc des gauches rassemble des composantes tout aussi disparates que celles de l’Anti-bloc. Il n’y a aucune cohérence idéologique entre les options philosophiques et les systèmes de pensée profonds de ces familles dont les unes viennent de « 1789 », les autres de « 1793 ». En témoignent une série de questions absolument jamais élucidées par les historiens :

-  Comment peut-on être à la fois individualiste et holiste ?

-  Comment peut-on être favorable au droit et aux méthodes violentes de la Révolution ?

-  Comment peut-on être à la fois partisan de la démocratie formelle, et porter aux nues les Jacobins ?

-  Comment peut-on se déclarer partisan d’une démocratie pacifiée et prôner les méthodes violentes des syndicats ?

-  Comment peut-on défendre, d’un côté, l’esprit critique, la science, et approuver par ailleurs l’unanimisme de masse et une idéologie fanatique comme le marxisme ?

La « concentration républicaine » est un mensonge, c’est le Mensonge par excellence : celui qui consiste à cacher « 1793 » sous « 1789 », à dissimuler frauduleusement la barbarie du premier idéal type en la couvrant du manteau de civilisation du second.

Après la Seconde Guerre Mondiale, sera consolidée l’idéologie politique selon laquelle la gauche incarne seule la Vérité, le Droit et la Justice ; que c’est pour cela qu’elle a été dès le début et ne pouvait être que dreyfusarde. Jean-Pierre Rioux, Vincent Duclert, Michel Winock – parmi tant d’autres – se fendent d’ouvrages entiers qui défendent ce qui pour eux relève d’une évidence. La Justice et la Vérité seraient nées avec le ministère Waldeck-Rousseau et le Bloc des gauches ; elles ne s’étaient jamais rencontrées auparavant dans l’histoire de France, sauf lors de la prise de la Bastille, ajoute Winock.

Or il y a au moins trois objections qui réfutent cette consolidation savante a posteriori du mythe.

-  Les idées nationalistes de Barrès et de Maurras ne sauraient être celles de la droite à l’époque de l’Affaire Dreyfus, pour la bonne raison qu’elles ont été élaborées après l’Affaire.

-  Le cynisme, le machiavélisme, le culte de la force pure, le mépris du droit sont des idées qui seront bel et bien défendues par l’extrême droite dans les premières décennies du XXe siècle. Mais elles viennent de l’extrême gauche ! Georges Sorel [50] en particulier, assure la transition entre Blanqui et Mussolini. Il faut beaucoup d’imagination pour voir dans le christianisme rien qui soit hostile par principe à la Vérité, au Droit et à la Justice. Il en faut encore plus pour y voir quelque holisme philosophique. Les antidreyfusards catholiques ne le sont pas pour d’obscures motifs, mais parce qu’ils croient tout simplement qu’Alfred Dreyfus est coupable. Les antidreyfusards de 1899 ne sont pas holistes ni cyniques, ni préfascistes, ils ne sont pas d’extrême-droite. Maurras, bien loin de refléter l’opinion dominante de la droite d’alors, l’a profondément choquée. Il est vrai qu’à mesure qu’on avance dans les deux premières décennies du XXe siècle, Maurras saura s’attirer des sympathies à droite. Sa doctrine, athée, aura pris la décision tactique de défendre l’Eglise, dans laquelle il voit un principe d’ordre et de « classicisme ». Cela n’empêche pas nos universitaires de faire comme si les spéculations hasardeuses et marginales des intellectuels holistes à la mode sorélienne et maurrassienne avaient été dès 1894, voire depuis toujours, l’idéologie implicite de la moitié de la France.

-  Les partis qui ont traditionnellement composé la gauche après l’Affaire Dreyfus n’ont jamais mis spécialement en avant des valeurs personnalistes et humanistes. Ils prônaient au contraire des théories sociales où le rôle des individus et le bien-fondé du droit sont systématiquement minorés, décriés.

L’idée qu’on doit défendre un individu lynché par une foule a une origine culturelle bien précise et repérable : la Bible. L’idée que la procédure de droit doit prévaloir sur la force a une origine bien précise et repérable, le civisme grec et le droit romain. Ces différentes origines ont été synthétisées et confirmées par l’humanisme, la Réforme et la Contre-Réforme. Même les arguments et plaidoyers des dreyfusards de gauche (Zola, Jaurès, Clemenceau), viennent d’une tradition de l’Etat de droit qui remonte au droit romain, au droit canonique, au vieux droit français et au Code civil. Comme l’écrit Philippe Nemo en conclusion,

« Je pense avec tristesse à ces étudiants d’aujourd’hui à qui l’on ne fait rien étudier et qui, ajoutant foi à ce que disent ces mauvais guides, commettent l’erreur étrange d’attribuer à la gauche marxisante ce qui vient d’Accurse, Bartole, Balde, Huguccio, Hostiensis, saint Thomas, Cujas, Vittoria, Suarez, Grotius, Domat, Pufendorf, Locke, Beccaria, Hamilton, le Chief Justice Marshall, Portalis, Bigot de Préameneu, Benjamin Constant – et à la « République » ce qui vient de l’Evangile. »


Cinquième mythe : Les adversaires de « 1793 » auraient été nazis

 

mercredi 8 juillet 2009 - Copeau

 

La profondeur de l’humiliation nationale de juin 1940 a été telle que l’on a recherché avec une extrême violence, dès cette même date, et sans cesse depuis lors, des boucs émissaires auxquels faire porter la responsabilité de la défaite. C’est l’alliance des gaullistes et des communistes, triomphatrice à la Libération, qui a été en situation de désigner les boucs émissaires ; « 1793 » a bénéficié d’un regain inattendu de légitimité, cependant que tout ce qui lui était opposé était frappé d’une nouvelle suspicion aggravant celles nées des mythes précédemment créés.

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Gaullistes et communistes

Un pacte secret [1] fut scellé entre de Gaulle et Staline dès l’attaque allemande contre l’URSS (juin 1941). Il fut renouvelé, officiellement cette fois, un an plus tard, fin 1942. Les communistes, inféodés à Moscou, avaient pendant toute la « drôle de guerre » et la première année de l’Occupation, soit pendant deux ans, appelé à un rapprochement avec les nazis. L’Humanité reçut son autorisation de reparaître. Si finalement, elle ne reparut pas sous cette forme, ce ne fut pas en raison des scrupules des communistes, mais à cause du veto de Vichy.

Avec le déclenchement de l’opération Barberousse, en juin 1941, les communistes voulurent soulager l’Union soviétique en allumant un second front à l’Ouest. Mais, comme ils restaient des traîtres dans l’opinion des Français, il leur fallait impérativement sortir de leur isolement, être reconnus par la France libre et par la Résistance. Ils commandèrent donc des opérations de résistance qui étaient en fait des opérations suicides destinées à fabriquer artificiellement des héros communistes et à faire du « parti des fusillés » un des piliers de la Résistance. Cette stratégie ne pouvait être que confortée par un accord avec de Gaulle.

Quant à ce dernier, il avait besoin d’une reconnaissance diplomatique d’un pays tiers comme l’URSS pour se constituer en chef d’Etat virtuel destiné à gouverner une future France libérée. Mais, en échange de cette reconnaissance, Staline exigea que de Gaulle acceptât d’associer étroitement à la libération de la France les forces « démocratiques », autrement dit les communistes. Jean Moulin, en particulier, a ainsi contribué non seulement à intégrer les communistes dans la mouvance de la France libre, selon les instructions de de Gaulle, mais finalement à leur assurer la prépondérance dans le Conseil national de la Résistance.

Cette alliance sera même renforcée après le débarquement des Alliés en Afrique du Nord, en novembre 1942. Face à Darlan puis Giraud, avec qui les Américains traitaient, de Gaulle put croire qu’il allait être marginalisé ; il bénéficia donc une nouvelle fois de l’appui de Staline. Giraud était favorable au plan de Churchill consistant à attaquer l’Allemagne dans le « ventre mou » des Balkans, manœuvre qui aurait permis aux Alliés d’arriver à Vienne avant l’Armée rouge et aurait considérablement gêné, voire réduit à néant, les projets soviétiques de communisation de l’Europe centrale. Staline commanda aux communistes français de discréditer délibérément Giraud en le faisant passer, en tant que « vichyste », pour collaborationniste et même fasciste. Or, de Gaulle ne contredit pas cette propagande. Giraud et ses proches, effectivement discrédités, furent éliminés en quelques mois et de Gaulle resta seul en piste avec les communistes.

Il ne faut pas oublier que de Gaulle communiait avec les communistes dans l’étatisme, l’antilibéralisme et ce qu’on pourrait appeler l’anti-anglo-saxonnisme. De Gaulle méprisait la bourgeoisie industrielle et commerçante, qu’il croyait être, par nature, égoïste et intéressée. Il ne comprendra la vraie nature du communisme qu’à partir de 1944, lorsque les communistes voudront lui imposer leurs volontés dans le gouvernement d’Alger, et surtout à partir des débuts de la Guerre froide.

N’oublions pas non plus que de Gaulle défiera l’Amérique, non par antipathie irrationnelle, mais par refus réfléchi du type de société qu’elle incarne. Il ne sera jamais vraiment hostile aux syndicats marxistes, dont le péché était plus à ses yeux le « séparatisme », que l’anticapitalisme en tant que tel. De Gaulle commettra aussi l’immense erreur, peut-être à jamais irréparable, de finir de céder aux syndicalistes l’école, en appliquant dès le début de la Ve République, le Plan Langevin-Wallon de 1947 qui avait pourtant été repoussé deux fois par le Parlement de la IVe.

Ainsi, de Gaulle et les communistes ont constamment communié sur un terrain au moins, celui de l’étatisme et de la croissance de la fonction publique – et, en ce sens, sur « 1793 ».

Le « précipité chimique » idéologique de l’après-guerre

On laissa, au sortir de la guerre, entendre que c’était le système démocrate-libéral, impuissant et corrompu, qui avait inéluctablement conduit à la défaite et que la bourgeoisie française, après avoir été en majorité, avant guerre, sympathisante des régimes autoritaires, l’avait été tout naturellement, pendant la guerre même, du régime de Vichy et donc, laissait-on entendre, du nazisme.

Les communistes furent en pointe de cette propagande. Selon leur vulgate, lorsque la bourgeoisie se sent menacée par les progrès des révolutionnaires, elle met bas le masque démocrate libéral sous lequel elle se dissimule d’ordinaire, et son vrai visage d’exploiteur apparaît à découvert. Sa stratégie consiste alors à s’allier avec la petite bourgeoisie et à mobiliser, comme masses de manœuvre, qu’elle paie et habille d’uniformes, les plus basses classes de la société, le Lumpen-proletariat. Telle est l’origine et la raison d’être des régimes autoritaires. Les gaullistes, qui pour leurs propres raisons partageaient le même désir de rupture que les communistes, s’abstinrent de rappeler que c’étaient les communistes, et en aucune manière les « bourgeois » ou les classes moyennes françaises, qui avaient été complices des nazis pendant deux an [2].

Ainsi, à partir du moment où l’alliance gaullo-communiste contrôla toutes les expressions officielles du combat de la Libération nationale, le seul fait d’être anticommuniste ou adversaire idéologique résolu du marxisme valut soupçon de collaborationnisme et de trahison.

Or, la majorité des Français, à cette date, était autant anticommuniste qu’antifasciste. André Tardieu [3] ou Paul Reynaud [4] incarnèrent en particulier ce courant majoritaire. Ce qui se produisit donc à la Libération, ce fut la délégitimation de ce sentiment antimarxiste prépondérant dans le pays. Le fameux diptyque : désignation de bous émissaires comme seuls coupables / amnistie des vrais coupables, joua de nouveau à plein.

La droite, seule coupable

Un amalgame fut fait à partir de 1945 entre tous les genres de droite, qui furent indistinctement accusées d’avoir été les complices actifs ou secrètement consentants de ceux qui avaient occupé la France. L’élimination du général Giraud illustre bien ce processus.

Giraud avait, dès le 14 mars 1943, explicitement proclamé son rejet de Vichy et abrogé en Afrique française toutes les lois postérieures au 23 juillet 1940, à commencer par le statut des Juifs [5]. Les fonctionnaires et la population avaient servi et supporté Vichy, sans doute, mais ce n’est pas pour cela qu’ils étaient « vichystes » au sens idéologique qu’on voulait maintenant donner à ce mot. C’est cette France centriste ou de droite qui a fourni les gros contingents d’hommes qui ont permis de gagner la guerre au coude à coude avec les Alliés. C’est l’armée d’Afrique, préparée par Weygand dès 1940-1941, réorganisée par Giraud dans les premiers mois de 1943, commandée par ces généraux « vichystes » (eux aussi) qu’étaient Juin ou de Lattre de Tassigny, qui ont joué le rôle militaire effectif, bien plus grand que celui de la France libre (ce qui n’enlève rien aux mérites militaires de celle-ci, bien entendu).

Dans la IVe République naissante, il faudra que les dirigeants du MRP se disent de gauche et avalisent nombre de réformes de structure imposées par les communistes à la Libération, à commencer par les nationalisations. N’oublions pas, en parallèle, l’effrayante propagande qui présentera l’Eglise et tout ce qui est catholique comme plus ou moins fasciste, Pie XII comme complice d’Hitler [6]. Quant aux doctrines économiques et sociales libérales, elles furent caricaturées et de plus en plus oubliées. Il y eut bien Antoine Pinay, Jacques Rueff ou Raymond Aron, mais les idées libérales n’étant pour ainsi plus enseignées aux étudiants, la tradition libérale fut quasiment interrompue.

La gauche amnistiée et magnifiée

On « oublia » complètement les deux années d’alliance entre le Parti communiste et les nazis. On masqua la grande similitude des deux genres de totalitarisme [7], les travaux de Friedrich Hayek [8], de Karl Popper [9] ou d’Hannah Arendt [10]. Le régime de Vichy lui-même, surtout lors de ses années de collaboration affirmée, était constitué en grande partie de gens de généalogie « 1793 » - à savoir, d’une part, l’extrême droite des Ligues, et, d’autre part, des représentants éminents de la gauche et de l’extrême gauche de l’immédiat avant guerre.

Pendant les premières années du régime de Vichy, l’immense majorité des Français voulait à la fois le « bouclier » et le « glaive », et était plus ou moins persuadée qu’il existait une entente secrète entre Vichy et Londres. Dans cette phase, Pétain gouverne avec les maurrassiens et les catholiques. Il est certain qu’il n’aime pas la démocratie. Mais il n’est ni fasciste ni nazi, il n’est pas assez radical, millénariste, révolutionnaire, pas assez de gauche pour cela !

La situation change avec le gouvernement Darlan : cette fois, il s’agit d’une collaboration non pas subie, mais voulue et assumée. Laval, qui a organisé Montoire, gardera toujours la même ligne de conduite, même après les premiers reculs stratégiques de l’Allemagne, le débarquement allié en Afrique du Nord, puis la reddition allemande à Stalingrad. Car il jugea alors que les difficultés mêmes du Reich l’inciteraient à mieux traiter une France qui lui aurait manifesté une fidélité sans faille.

Darlan comme Laval ont commis l’erreur intellectuelle d’avoir cru spip">viables des régimes socialistes totalitaires. Or il y a une explication bien simple à cette erreur, c’est que ce sont tous deux, à certains égards, des hommes de gauche.

Darlan se dit tel [11] ; il était de tempérament radical et anticlérical, et cela l’opposait à Pétain. Il nommera auprès de lui des hommes venus du Parti populaire français (PPF) de l’ex-communiste Jacques Doriot, comme Pierre Pucheu ou Paul Marion.

Quant à Laval, c’est un ancien député socialiste, de tendance blanquiste. Et non pas à l’âge tendre et brièvement, mais à l’âge mûr et longuement. Lui aussi, il s’affirme antichrétien et anticlérical.

Par ailleurs, la collaboration est l’affaire de partis profascistes installés à Paris, en contact direct avec les Allemands. Or, ces partis ont été fondés et sont essentiellement composés d’anciens communistes et socialistes, au point que Rudolf Schleier, conseiller d’ambassade remplaçant Abetz provisoirement disgracié, dira : « la grande majorité des partisans de la politique de collaboration vient de la gauche française [12] ». De fait, le PPF de Jacques Doriot et le Rassemblement national populaire (RNP) de Marcel Déat, sont des partis d’extrême gauche.

Doriot est un ancien dirigeant communiste, qui a été Secrétaire général de la Jeunesse communiste, député et maire de Saint-Denis. S’il est exclu du parti en 1934, ce n’est certes pas pour anticommunisme, c’est parce qu’il est en désaccord avec la ligne « classe contre classe » suivie par le Komintern. Son journal collaborationniste et jacobin s’intitule Le Cri du peuple. Il ira combattre sur le front de l’Est sous l’uniforme allemand.

Marcel Déat est dans les années trente le « dauphin » de Léon Blum. Il crée, au sein de la SFIO, une tendance « néosocialiste », qui finit par rompre avec le parti en 1933. Non pas, là encore, parce que Déat serait devenu de droite, mais parce qu’il reproche à Blum ses erreurs et sa mollesse dans le combat révolutionnaire. Le RNP et son journal, L’Œuvre, prêche ouvertement la collaboration dès l’été 1940.

Au-delà de ces groupes, de nombreuses autres personnalités de gauche ont participé au gouvernement ou à l’administration de Vichy. Adrien Marquet [13], René Belin [14], Hubert Lagardelle [15], Charles Spinasse [16], Ludovic-Oscar Frossard [17], Paul Faure [18], Angelo Tasca [19] en sont les plus importants. Mais il faut citer aussi Gaston Bergery [20], Paul Marion [21], François Chasseigne [22], Pierre Cathala [23], Georges Hilaire [24], René Bousquet [25]. Sans oublier nombre de syndicalistes, tels que René Mesnard [26], Gabriel Lafaye [27], Pierre Vigne, Raymond Froideval [28], André Delmas, Georges Dumoulin [29], Gaston Guirand. Certains deviennent des collaborateurs des ministres de Vichy, comme Pierre Vigne, Marcel Roy, Alfred Savoy ou Georges Dumoulin.

Il faut citer aussi des francs-maçons comme Paul Rives, René Château, Robert Lefebvre, Alexandre Rauzy ou Fernand Roucayrol.

L’objet de cette longue liste n’est pas de faire oublier que d’autres personnages clés du régime ont été des hommes de droite, y compris des catholiques [30]. Mais il est bien commode pour la gauche d’aujourd’hui d’observer un silence total sur cette présence très substantielle de ses membres dans le régime avec lequel elle prétend n’avoir eu aucun rapport réel ni concevable.

Ce qui permet à ces hommes de se rapprocher (à des degrés divers, certes) des nazis, c’est en effet la même haine du libéralisme, du capitalisme et du parlementarisme. La même haine de « 1789 ». Ils défendent le but explicite de conduire avec les nazis partout en Europe une politique « réellement socialiste et révolutionnaire ». Ils savent gré à Hitler d’avoir abattu le capitalisme. Ils reprochent même aux gouvernements successifs de Vichy de compter en leur sein trop de « réactionnaires » et de représentants du « grand capital ». Ils n’ont évidemment aucune querelle avec l’idée de parti unique ; ils n’ont aucune querelle avec la « jeunesse unique », qu’ils s’efforcent d’imposer au vieux Pétain. Ce sont des fanatiques de l’unanimisme, des nostalgiques de ce communautarisme « chaud » qui efface l’individu « égoïste » et le force à « se dépasser » en poursuivant des buts « spirituels » supérieurs. Ils n’ont pas de querelle non plus avec l’usage délibéré de la violence en politique, ni avec la dictature d’une minorité sur la majorité. Jacques Doriot, l’ex-communiste, trouve tout à fait normal de proposer à Otto Abetz d’envoyer à Vichy sa Milice, l’équivalent français des SA Allemands, qui ne feront qu’une bouchée des quelques escouades de gendarmes qui défendent la place.

Ces hommes sont des « élus », le « petit reste » des saints, dit Déat, reprenant les accents de Saint-Just. Nous reconnaissons là la vieille idée millénariste des Jacobins, la série des héros de Lissagaray. Marcel Déat et ses amis entreprirent de donner aux conceptions nazies des « antécédents français » ; ils les trouvèrent chez Rousseau et chez les Jacobins de l’an II dont ils firent les pères spirituels du nazisme et dont la lignée, passant par Mazzini et Jaurès, venait aboutir au RNP [31].

La majoration de l’influence du marxisme dans la culture française d’après-guerre

En conséquence de cette amnésie-amnistie, l’influence du marxisme fut dramatiquement majorée dans la culture du pays. Nous avons ainsi assisté à une profonde décadence de toute la vie culturelle française pendant près d’un demi-siècle. Au lendemain de la guerre, Sartre et Merleau-Ponty firent des émissions de radio, fort écoutées et célébrées, où ils trahissaient leur incompréhension intellectuelle totale des principes de l’économie de marché, de la démocratie et de la pensée critique. Longtemps, le communisme sera présenté comme l’évidente antithèse du fascisme, l’unique remède à lui opposer. Les pays du monde libre seront a contrario présentés comme fascistes à la moindre intervention diplomatique ou militaire contre une subversion communiste.

L’information au sujet de la réalité de l’Union soviétique et du Goulag ne pourra être entendue en France qu’à partir de l’époque des « nouveaux philosophes » et de la publication des grands textes de Soljenitsyne, c’est-à-dire aussi tard que les années 1974-1980.

La conception démocratique libérale, pourtant largement française dans ses origines et qui avait été, au total, dominante sous la IIIe République, tendra à apparaître comme étrangère, anglo-saxonne, et sera, pour ainsi dire, arrachée comme un corps étranger du pays où elle était née.

 

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