Les cyberlibertariens sont des activistes libertariens, férus de science-fiction et de nouvelles technologies, nombreux en Californie. Jimmy Wales, par exemple, l’inventeur de Wikipédia, se dit randien et hayékien. Il assure qu’il a conçu son encyclopédie sur le modèle de l’ordre spontané de Friedrich Hayek.
Il y en a beaucoup d’autres. Ainsi les concepteurs de South Park : Ayn Rand apparaît dans un épisode de cette série de dessins animés. Ou encore les inventeurs des Simpson, Clint Eastwood… Louis Rossetto, le fondateur du magazine emblématique des nouvelles technologies, Wired, a été l’un de ceux qui ont fait connaître le libertarianisme au grand public[1]. Dans l’esprit des libertariens de la Silicon Valley, Internet est le moyen de réaliser une anarchie efficiente et de se passer de l’Etat.
Les critiques formulées à l'encontre des cyberlibertariens pourraient être résumées comme suit : il y a une contradiction clé de la position des cyberlibertariens. Internet s'est développé en dehors du marché pendant près d'un quart de siècle, grâce aux financements publics (ARPA, NSF, gouvernements des états locaux américains, universités). Ces fonds publics ou quasi-publics ont permis d'inventer et de construire le réseau, mais ont aussi facilité une utilisation expérimentale, puis massive, au sein du monde académique. Sans l'État les cyberlibertariens n'auraient pas pu développer leurs idées ou idéaux aussi facilement.
La réponse des cyberlibertariens est qu'en l'occurrence l'intervention étatique n'était ni nécessaire ni suffisante pour aboutir à ce qu'on appelle aujourd'hui Internet. C'est comme si l'on soutenait que sans l'État les soins médicaux, les transports ou les services bancaires sont impossibles. C'est un sophisme du type post hoc ergo propter hoc. Sans l'initiative privée, Internet serait resté un obscur réseau connectant quelques entités étatiques ou paraétatiques, comme l'était Arpanet.
Notes et références
- ↑ Patrice Flichy restitue une enquête du magazine Wired concernant son lectorat. Les deux tiers des lecteurs se retrouvent dans des qualificatifs comme « libéral, progressiste, libertarien, anarchiste et conservateur »(Flichy, L’imaginaire d’Internet, La Découverte, Paris, 2001, 273 p., p. 219)
Liens externes
- (fr)Troisième problème inhérent aux liens avec le mouvement « crypto-anarchiste » : les limites politiques de cette conception de la citoyenneté, extrait d'une thèse.
- (en)Cyberlibertarian myths and the prospects for community
- (en)Future of the Internet Symposium: The Role of Infrastructure Management in Determining Internet Freedom par Laura DeNardis
La Cyber-résistance est en marche !
Pour autant, les formes de mobilisation progressistes les plus efficaces et les plus démocratiques ne sont pas nécessairement les plus modernes. Parmi les écueils à éviter, celui de négliger l'impératif de l'organisation.
Nul ne peut nier qu'Internet, notamment par l'instauration de relations transversales entre individus, par l'accès rapide et facile à de l'information, par l'interconnexion globalisante des esprits humains, par la rapidité de circulation des communications est un lieu idéal pour l'action, mais l'action rapide, immédiate, vite organisée, vite oubliée. Pas l'action à long terme.
Souvenons-nous que le préfix « cyber » de l'expression cyberculture vient du grec « κυβερνητική » (kubernêtikê), dont l'éthymologie est partagée par les mots « gouverner » et « gouvernail ». Ainsi, on peut considérer la cyberculture comme une culture du gouvernail et du gouvernement. Le gouvernail étant la partie d'un bateau, d'un avion qui assure sa direction. La cyber-résistance, dont l'un des plus beaux fleurons, qui est aussi le seul produit réel de la cyberculture, et le cyberespace ne peut se passer de gouvernail. Et un groupe d'individus communiquant principalement par des moyens électroniques doit tenir compte de règles de gouvernance, au risque sinon de ne rien produire du tout. Le cyberespace nous fournit un gouvernail, et le WEB résistant nous fournit sans doute un cap à suivre.
En effet, le succès du World Wide Web est principalement la conséquence d'une volonté, celle de son créateur, qui a su matérialiser une idée révolutionnaire basée sur une réelle réflexion/vision politique à long terme.
Ainsi, la réussite du fondateur de ce blog dans sa lutte vient de son habileté à éviter les écueils cités précédament. Au niveau des associations françaises, prenons l'exemple du WEB résistant à laquelle j'ai le bonheur de participer et dont la force est justement de tenir compte des limites de la cyber-résistance et de mettre en place une structure adequate. A bien y regarder, alors même que tenant compte du changement de mentalité où le militant est un incitateur d'action, participant à la définition de la stratégie politique et activiste globale, une association comme le WEB résistant fonctionne principalement par le bon usage de l'intelligence distribuée, utilisant au mieux la capacité de chacun, distribuant les tâches, entraînant une mobilisation dans l'organisation.
Si on se base sur le nombre d'acteurs (et notamment les Cyber-résistants), on pourrait penser qu'il y a de nombreux militants prêts à agir pour leurs idées. Le problème est que la majorité d'entre eux se contentent d'aspects techniques et assimilent le débat d'idées à une vaine querelle. Les forts en gueule sont également légion, rois du verbiage, producteurs d'opinions et de sentences, mais plus rarement d'actions. L'activisme n'est pas seulement déterminé par la capacité à créér une liste de discussion (et encore). Ceux qui le pensent ne sont finalement que des « cyber-neuneus se taillant des ***** virtuelles » à longueur de journée.
Pour citer la métaphore précédente du gouvernail : « La cyberculture est une culture de gouvernail et de gouverment : navigation et gouvernement de soi-même, gouvernement du collectif, gouvernement de personnes libres s'assemblant virtuellement sur la nouvelle agora du monde. »
Le WEB résistant est l'expression la plus parfaite de cette agora, mais, pour autant, la résistance technique, politique et culturelle dans l'espace électronique a tout intérêt à tenir compte de l'expérience de l'activité militante traditionnelle. Scander « CR, CR, CR » derrière son clavier ne fait pas de vous un cyber-résistant ou un hacktiviste.
"Nous sommes le peuple. Nous avons l'internet. Nous avons le pouvoir. Des questions ?"
Le 5eme pouvoir est né.
Zeus