Propos recueillis à Londres par RÉMI GODEAU.
Nazir Ahmed, le premier Britannique musulman anobli par la reine, en 1998, répond à nos questions. À 40 ans, ce Pakistanais d'origine, militant du Labour, est devenu lord Ahmed, baron de Rotherham.
LE FIGARO. - Comment réagissez-vous à la polémique provoquée par l'anoblissement de Salman Rushdie ?
Nazir AHMED. - Cet honneur est donné en reconnaissance de services rendus à la Grande-Bretagne. Salman Rushdie vit à New York. Dès lors, pourquoi l'avoir anobli lui quand aucun autre écrivain - et le pays en compte pourtant de talentueux - ne l'a été ? C'est un homme controversé qui a insulté à la fois l'islam, la chrétienté et le peuple britannique. Il ne mérite pas cet honneur.
Comment, cependant, comprendre les appels à la violence, sinon au meurtre ?
Je ne partage pas les déclarations entendues en Iran ou au Pakistan et condamne les manifestations violentes. Je pense même qu'il s'agit d'une affaire purement européenne, voire britannique. Mais il faut tenir compte de la sensibilité des gens sur certains sujets. Il y a deux semaines, Tony Blair parlait de construire des ponts avec les musulmans. Quelle hypocrisie ! Que dirait-on si les gouvernements saoudien ou afghan honoraient des hommes morts dans les attentats du 11 Septembre aux États-Unis ?
Quand même, Salman Rushdie n'a tué personne !
Tout comme l'historien britannique David Irving, pourtant condamné en Autriche à la prison pour négation de l'Holocauste. Quand des propos racistes à l'égard d'une candidate indienne de l'émission « Big Brother » provoquent des manifestations violentes à New Delhi, personne n'a rien dit. Il ne peut y avoir deux poids deux mesures.
Que faire pour désamorcer la crise ?
Il faut retirer son titre à Salman Rushdie.
Faut-il craindre une vague de violence en Grande-Bretagne ?
Franchement, je ne crois pas. Mais l'Occident doit s'interroger : peut-il prôner le dialogue interconfessionnel avec les musulmans et en même temps faire la promotion des Versets sataniques ?
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Affaire Rushdie: Oussama ben Laden honoré par des érudits pakistanais
Un groupe d'érudits musulmans pakistanais a conféré jeudi son titre le plus prestigieux à Oussama ben Laden, en réaction à l'anoblissement de Salman Rushdie par la reine Elizabeth II d'Angleterre. Le conseil pakistanais des oulémas (théologien musulman), une organisation privée qui revendique 2.000 membres, a annoncé avoir octroyé au chef de l'organisation Al-Qaïda le titre de "Saifullah" ou "l'épée d'Allah". "Nous sommes heureux de décerner le titre de 'Saifullah' à Oussama ben Laden après la décision du gouvernement britannique de conférer le titre de 'Sir' à Rushdie le blasphémateur", a annoncé à l'AFP le président du conseil, Maulana Tahir Ashrafi. "C'est le titre le plus élevé pour un combattant musulman", a-t-il garanti. Ces théologiens, censés oeuvrer à l'harmonie religieuse, ont aussi encouragé le président pakistanais Pervez Musharraf à demander une réunion d'urgence des 57 pays membres de l'Organisation de la conférence islamique (OCI) pour pousser la Grande-Bretagne à retirer la distinction accordée à Rushdie. (SLE)