Plus loin. Angoissés mais rassurés L’islam marocain n'est pas une réalité monolithique. Le problème, c'est que cette réalité, aussi complexe que peu sondée, est déjà en mutation. Alors il faut faire vite, vite, pour rattraper un train fou, fou… L'islam au quotidien a l'immense mérite de pointer des vérités chiffrées sur les musulmans que nous sommes. En valeur absolue, le constat est inquiétant. L'absence de repères de comparaison, c'est à dire de recul, nous laisse encore plus perplexes. Les vérités inquiétantes d'aujourd'hui sont-elles un moins, ou un plus, par rapport à hier ? Sommes-nous en train d'avancer ou de reculer ? Ce dilemme relativise l'angoisse que l'on peut ressentir à la lecture des conclusions du formidable travail de terrain du trio El Ayadi - Rachik -Tozy. On s'inquiétera vraiment plus, demain, si le soupçon d'intolérance, de traditionalisme forcené, se confirme. Certaines vérités méritent pourtant d'être isolées et traitées à part, sans tarder, parce qu'elles se suffisent à elles-mêmes. A la question, par exemple, de savoir quelles sont, dans l'ordre, les trois qualités principales de l'homme politique, les “répondants” ont classé l'honnêteté en tête (46,1%), ensuite la piété (37%) et enfin l'efficacité (14,4%). Voilà au moins qui va plus loin que le vague sentiment que l'on n'est pas tout à fait ancrés dans des valeurs de travail et de rendement. Une autre vérité, déjà effleurée, est ici confortée : notre identité musulmane prime sur la marocaine. C'est que la nation, socle indispensable de la construction de la modernité, a encore du chemin à parcourir avant de devenir la première de la classe. Par ailleurs, L'islam au quotidien nous rappelle combien le recensement de certaines hétérodoxies religieuses reste illusoire : combien de Marocains n'observent pas le jeûne pendant le ramadan ? Combien ne croient pas en Dieu ? Ces questions demeurent insondables, parce que criminalisées par la loi ou, sont simplement prisonnières du tabou mental et culturel. Que toutes ces angoisses ne nous fassent pas perdre de vue l'essentiel : une société qui diagnostique (de plus en plus) ses retards se donne une chance de les combler. Karim Boukhari et Youssef Mahla | |