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Par Helios, le 27 janvier 2007
Les anti-américains se servent du débat d'idées qui a lieu aux États Unis pour dénigrer ce pays, son système de gouvernement, la société et l'économie américaine et bien sûr ce qu'ils appellent l'impérialisme américain. Ils se servent largement des arguments de la gauche américaine laquelle se complaît dans l'autoflagellation et le masochisme intellectuel et dont le slogan est "Blame America first", on appelle d'ailleurs ses adeptes les "blame America firsters".
La gauche américaine existe, certains voudraient nous faire croire que c'est une droite à la Sarkozy ou à la Bayrou, rien n'est plus faux, elle est formée surtout d'intellectuels, de jeunes idéalistes, de pacifistes, d'environnementalistes, de certains groupes féministes, d'artistes, de stars et de faiseurs d'opinion attachés aux grands médias. C'est une gauche "caviar" au superlatif, outrageusement gâtée par le système.
On la retrouve dans les grands centres urbains de l'est, particulièrement à New-York et en nouvelle Angleterre, elle a aussi ses quartiers sous le doux soleil de Californie. Elle brille par son absence dans l'Amérique "profonde" qu'elle n'écoute pas et qu'elle ne cherche même pas à convaincre.
Les liens que le parti démocrate entretient avec cette gauche sont ambiguës, elle contribue à l'éloigner du centre où ses chances électorales sont meilleures, mais elle lui sert aussi de haut-parleur dans la mesure où elle détient une position dominante dans les moyens de communication.
Elle a certainement contribué à faire élire G.W. Bush en novembre 2000 en refusant de voter pour Al Gore, mais elle a aussi contribué à torpiller Kerry en l'appuyant trop ouvertement ce qui l'a rendu suspect à une tranche importante de l'électorat en 2004. Si l'on tient compte de ces éléments il devient évident que la gauche américaine (the liberals tels qu'on désigne ses adeptes aux ÉU) constitue davantage un handicap qu'un atout pour le parti démocrate.
Dans un pays où la majorité des gens votent à droite ou au centre, la gauche américaine ressemble à une anomalie, principalement à cause de la position privilégiée qu'elle occupe sous les projecteurs et pour le peu d'importance que l'électorat lui octroie concrètement. Il est significatif que les succès récents du parti démocrate ne s'accompagnent pas d'un déplacement à gauche de son centre de gravité mais plutôt d'un déplacement à droite! On peut sans risque de se tromper parler de "paradoxe de la gauche américaine".
Il n'est donc pas étonnant de voir cette gauche se réfugier dans l'anti-américanisme. Reléguée par l'électorat à l'insignifiance, obligée de s'accrocher aux jupes du parti démocrate pour survivre, elle ne se prive pas d'exprimer ses frustrations en utilisant les puissants moyens de communication qu'elle contrôle. En ce faisant, elle ne se contente pas d'embarrasser le parti démocrate, elle contribue à donner une image très négative des États Unis.
D'aucuns prétendraient que la gauche américaine constitue en quelque sorte la "conscience de l'Amérique", cependant la majorité des américains la considère comme son talon d'Achille. Par instinct les américains se méfient des concepts et des recettes à base d'idéologie servies par des gens qui n'y tremperont jamais les lèvres et qui n'auront pas à en subir les conséquences. L'ascenseur social aux États Unis fonctionne bien, il permet aux citoyens américains de s'élever à force de travail et de créativité, le "rêve américain" c'est du concret et le patriotisme anime les citoyens, c'est ce qui explique pourquoi l'électorat résiste avec succès au chant des sirènes gauchistes.
L'anti-Bushisme est le dernier avatar de l'anti-américanisme. C'est l'anti-américanisme fédérateur où tout le monde communie dans les deux espèces: la haine de la puissance américaine et le sentiment de supériorité morale découlant de sa propre impuissance. Bush a eu ce mérite de cristalliser sur sa personne toute la hargne et toute la rancoeur qui naguère se répandait diffusément sur tout ce qui est américain, en cela il a rendu, sans l'avoir voulu, un grand service à son pays.
L'affirmation je hais Bush, je ne hais pas l'Amérique est devenue un lieu commun. Cependant les anti-américains devront s'ajuster rapidement car la situation est mouvante, le débat aux États Unis perd de sa chaleur, le parti démocrate voudra consolider son succès en maintenant ses gains lors des élections de 2008, pour ce faire il devra prendre ses distances avec son aile gauche qui l'embarrasse. De son côté Bush doit manoeuvrer habilement afin d'assurer sa place dans l'histoire, comme il n'a pas besoin de se faire élire, il aura davantage les mains libres pour adopter une politique pragmatique, en dépit de la baisse de popularité qui l'affecte dans l'électorat il ne manque pas d'habileté ni d'atouts. De plus l'Amérique est une nation en guerre, le sentiment patriotique se maintient à un niveau élevé et contribue à tracer des limites que peu de politiciens se risqueront de franchir.
Le récent discours sur "l'état de l'Union" a démontré amplement les capacités de Bush à maintenir le cap en politique étrangère tout en se montrant souple et pragmatique en politique intérieure. La main tendue qu'il présente au parti démocrate est plus qu'une manoeuvre politique, au-delà des différences idéologiques c'est l'intérêt des États Unis et celui de la Liberté qui sont en cause et cela le public américain l'a bien compris.
Les anti-américains pourraient traverser une saison de vaches maigres. On oserait espérer qu'ils en profiteraient pour s'adonner à l'introspection, un examen de conscience ne leur ferait sûrement pas de mal, mais ce serait sans compter avec leur capacité phénoménale de nier l'évidence et de poursuivre leurs psalmodies et leurs incantations.
dimanche 7 janvier 2007, par Esta Natelli
« Political language is designed to make lies sound truthful and murder respectable, and to give an appearance of solidity to pure wind. » George Orwell
Cette phrase d’Orwell rappelle pour plusieurs le discours politique américain. Des dommages collatéraux, aux présumées armes de destructions massives iraquiennes en passant par l’axe du mal, la rhétorique de l’administration Bush suscite le plus grand scepticisme, notamment au Canada. C’est ce scepticisme qui est à la base de l’antiaméricanisme. Pourtant, l’allégation d’Orwell s’applique davantage à la rhétorique islamiste qui est tissée de faux-fuyants et demies vérités. En fait, Orwell a peut-être toujours raison : qu’importe le régime ou l’idéologie, le langage politique en est toujours un de déception.
L’antiaméricanisme joue son rôle dans la mosaïque des propagandes qui circulent en ce début de XXIème siècle. Il sert une propagande qui s’articule autant à l’intérieur qu’à l’extérieur des Etats-Unis, une propagande qui vise à discréditer non seulement la gouvernance américaine mais aussi tous les régimes occidentaux néo-libéraux. Cependant, à force d’argumenter autour du degré de perfidie de l’administration américaine, on laisse le monde s’embourber dans un marasme identitaire. Il y a un temps pour écrire l’histoire et un temps pour émerger des ténèbres. Qu’importe l’action politique que prendra l’Occident, si le totalitarisme persiste dans les pays musulmans, ce sera un crime contre l’humanité. Qu’on soit de gauche ou de droite, l’objectif final doit rester que les peuples du monde entier jouissent de liberté non relative, d’égalité non fictive et de fraternité non conditionnelle.
Le peuple américain ne souhaite nullement que perdure aucune dictature dans le monde. C’est sur ce sentiment que devrait s’appuyer la guerre aux régimes totalitaires en pays musulman, une guerre idéologique qui doit se faire par une réforme de l’Islam et non pas par la transfiguration de la constitution américaine.
Il faut cesser la rengaine qui veut que tous les maux de la planète se résument à la simple existence des Etats-Unis d’Amérique. C’est oblitérer toute la complexité du monde. C’est détourner l’attention de la vraie question : comment définir un monde où tous les états sont redevables de leur action et tous les peuples en charge de leur destin ?
Certains analystes tendent à minimiser la prévalence de l’antiaméricanisme dans le monde. Pourtant, les sondages du Pew Research Center [1] démontrent clairement que l’anti-américanisme n’est pas un phénomène marginal circoncit à quelques alter mondialistes acharnées et islamistes extrémistes. C’est une tendance qui touche des majorités dans différentes populations et le phénomène est en hausse depuis le 11 septembre autant dans les pays musulmans que dans le reste du monde. Andrew Kohut, le president du Pew Research Center quantifie cette hostilité : « To give you some sense of the magnitude of the problem, favorable attitudes toward the U.S. declined in Germany, from 78% in 2000 to 37% currently. The numbers are similar in France, but even worse in Spain, where only 23% have a favorable view, and in Turkey, where it is 12%. Most people in these countries held positive views of the U.S. at the start of the decade. […] This is not just a rift with our European allies or hatred of America in the Middle East. It is a global slide, and positive views of the U.S. have declined in other regions of the world, particularly in Latin America and Asia. Our 44-country 2002 poll found America’s image slipping in seven of the eight Latin American countries surveyed, while our 2006 survey revealed declines in Japan and India, two still relatively pro-American Asian powers. Other polls international polls, such as BBC and Gallup have confirmed the continuing world-wide nature of America’s image problem. » [2]
Depuis la guerre en Iraq, la méfiance envers les États-Unis a atteint des proportions inquiétantes dans les pays musulmans : « After Iraq, many in Muslim countries began to see the U.S. as a threat to Islam, and what had perhaps been loathing for the U.S. turned into both fear and loathing. A 2005 Pew study found that in all five majority Muslim countries surveyed, solid majorities said they worried that the U.S. might become a military threat to their country. This includes 65% in Turkey - a longstanding NATO ally. » [3]
On souligne souvent que le sentiment antiaméricain n’est motivé que par la politique étrangère de l’administration Bush. Pourtant rien n’est moins sûr : « A fourth feature of contemporary anti-Americanism is that it is no longer just the U.S. as a country that is perceived negatively, but increasingly the American people as well, a sign that anti-American opinions are deepening and becoming more entrenched. In countries such as Spain, Jordan, Indonesia, and Turkey, favorable views of Americans have declined significantly in recent years. » [4]
La sincérité du gouvernement américain est aussi sérieusement mise en doute : « In a 2004 Pew poll, majorities or pluralities in seven of the nine countries surveyed said the U.S.-led war on terrorism was not really a sincere effort to reduce international terrorism. This was true not only in Muslim countries such as Morocco and Turkey, but in France and Germany as well. The true purpose of the war on terrorism, according to these skeptics, is American control of Middle East oil and U.S. domination of the world. » [5] Si le canadien moyen assume que le pétrole est la motivation première de la politique étrangère au moyen orient, l’idée que nos voisins cherchent à dominer le monde est une affirmation plus controversée.
L’antiaméricanisme se manifeste soit par le mépris soit par la peur. Tant du côté européens que du côté américain, c’est le mépris qui domine la rhétorique antiaméricaine. À la base, ces antiaméricains occidentaux n’adhèrent pas au système capitaliste, à la politique néo-libérale et à la mondialisation. Ils tentent par tous les moyens de discréditer la politique américaine pour mettre leur propre agenda politique de l’avant. Le résultat est la création d’une mythologie qui façonne la pensée de gauche. Le mépris de la gauche s’articule sur deux fronts :
MÉPRIS POUR UNE UTOPIE DÉCHUE
L’Amérique est passée au peigne fin : La prison de Guantanamo, les condamnations à mort de mineurs, le mauvais traitement de prisonniers iraquiens, etc. Invoquez le principe de la pointe de l’Iceberg (si nous avons découvert ceci, imaginez l’horreur de ce qu’ils nous cachent), et voilà, vous venez de tracer le portrait du pire régime totalitaire qu’il soit. Il n’y a rien de plus facile que de discréditer la plus ancienne démocratie moderne. La rengaine est simple : Les Etats-Unis prétendent défendre les droits de la personne mais en fait ce sont des mécréants hypocrites qui ne cherchent qu’à asservir le monde. Avec un tel discours démagogique, pas étonnant qu’un militant de gauche québécois comme Amhir Kadir doute que le 11 septembre soit un acte terroriste.
Le mépris pour le Judas américain se traduit par un acharnement démesuré pour défendre la vertu en terre américaine, un acharnement qui trouve son antithèse dans l’apathie de ces mêmes intellectuels devant les entraves aux droits de la personne autrement plus inquiétantes - exécutions sommaires en Chine, droits des femmes bafoués en Arabie saoudite, conversion forcée des derniers animistes africains, génocide des bébé de sexe féminin, etc.
Comme le souligne Dan Flynn, auteur de Why the Left Hates America « I think the basic problem with the anti-Americans is that they hold the United States to a standard that they would never hold any non-Western nation to. America’s critics compare America with utopia and find America lacking. This method of analysis guarantees the results that those who employ it desire. Compare anything to an ideal and it’s going to fall short. Compare America to places that actually exist and we look rather spectacular. » [6]
MÉPRIS POUR UNE IDÉOLOGIE LIBÉRALE VICTORIEUSE
Avec la fin de la guerre froide, l’idéologie capitaliste est sortie triomphante. Toute une génération d’intellectuels sympathiques au communisme s’est appliquée à démontrer que ce triomphe cachait une réalité beaucoup plus sombre. Ainsi, depuis le début des années 90, certaines idées reçues ont faites leur chemin. Alors que les Etats-Unis d’Amérique devenaient le porte-étendard de la mondialisation et du néo-libéralisme, les altermondialistes s’évertuaient à dénoncer tout le système social à l’américaine.
Une idée reçue des plus pénétrantes veut que la classe moyenne américaine soit en voie de disparition. Il n’y aurait plus que quelques bien nantis vivant dans des villes forteresses à l’abris d’une majorité misérable. L’auteur politique français Jean-François Revel ironise : « Poverty and inequality like this should cause Europeans to cringe in horror, especially since (we have it on good authority) there is no safety net in America, no unemployment benefits, no retirement, no assistance for the destitute—not the slightest bit of social solidarity. In the U.S. "only the most fortunate have the right to medical care and to grow old with dignity," as one writer recently put it in Libération. University courses are reserved only for those who can pay, which partly explains the "low level of education" in the benighted USA. Europeans firmly believe these sorts of caricatures—because they are repeated every day by the elites ». Ici même au Canada, on se surprend d’apprendre que tel état américain est en tête du peloton mondial en matière de bilan écologique, ou que les artistes d’un autre état sont beaucoup mieux financés tant par le public que par le privé que leurs homologues canadiens.
Une autre manie des intellectuels de gauche est de taxer de démocratie d’apparat ce pays qui compte pourtant plus de 500 000 postes électifs [7]. Revel explique tout le ridicule de ce postulat de base des antiaméricains : « In 2002, France experienced the humiliation of seeing a demagogic populist of the extreme right take second place behind Jacques Chirac, thus going on to a runoff. What was the reaction from E.U. deputy and professor Olivier Duhamel, one of France’s leading commentators ? "Now we are catching up with the degenerate democracies of the type of the United States." Strangely, it is always America that is described as degenerate and "fascist," while it is solely in Europe that actual dictatorships and totalitarian regimes spring up. » [8]
Le summum de la condescendance antiaméricaine consiste à considérer la ferveur religieuse du peuple américain comme une tare. Dès que l’on ose critiquer l’intégrisme islamique, il s’en trouve toujours un pour nous rappeler l’abomination que constitue le fondamentalisme chrétien aux Etats-Unis. Comme si l’existence de ces chrétiens fanatiques au sein d’une Amérique pluriculturelle contrebalançait l’amplitude des intégrismes musulmans qui dominent des populations entières par des régimes théocratiques (Arabie Saoudite, Iran, etc.). S’il est de bon ton de s’émerveiller de l’amalgame des spiritualités en Inde, on accuserait d’imbécillité profonde celui qui oserait porter le même jugement sur la mosaïque spirituelle made in America. De toute manière, le degré de religiosité des Etats-Unis est une question de perception comme le souligne Fouad Ajami : « According to a June BBC survey, 78 percent of French polled identified the United States as a "religious" country, while only 10 percent of Jordanians endowed it with that label. Religious to the secularists, faithless to the devout—such is the way the United States is seen. » [9]
C’est dans ce climat de mépris que naît la peur. Devant ce constat d’infériorité sociale et intellectuelle, la politique extérieure américaine ne peut être que catastrophique, surtout lorsqu’un président au quotient intellectuel déficient [10] en est le principal dépositaire.
Alors que l’américain moyen perçoit son pays comme le chien de garde du monde, les antiaméricains occidentaux considèrent les Etats-Unis comme les principaux responsables de tous les conflits inimaginables. Quand on ne trouve pas un lien direct ou indirect à une politique américaine, un bénéfice occulte est supposé par le biais de la vente d’armes. À la fin de la guerre froide, avec la chute du bloc soviétique, le concept d’empire américain s’est popularisé. Un empire sous-tend des visées expansionnistes. Les antiaméricains accumulent les preuves : le succès de la culture américaine dans le monde sert à éliminer les cultures locales pour faciliter l’invasion, les alliances stratégiques sont faites sous la menace implicite d’une attaque de l’armada américaine, etc. Ces conclusions gratuites supposent la mauvaise foi totale du gouvernement américain et oncle Sam prend les airs d’un affreux épouvantail. La peur de l’ « empire américain » est l’un des visages les plus pernicieux de l’antiaméricanisme.
Pourtant, est-ce que les États-Unis forment vraiment un empire ? « The Ottoman Empire claimed dominion over much of the Islamic world and parts of south-eastern Europe. The sun never set on the British Empire, which lorded over Ireland, India, Canada, and diverse points beyond. The Soviet Empire ruled Eastern Europe and numerous satellite states across the globe. The American Empire, strangely, rules just Americans. "Empire," like all words, has a specific meaning. It’s a term that doesn’t apply to the U.S. » [11]
Alors que les attaques du 11 septembre devrait démontrer le pouvoir très relatif des États-Unis – quelques ressortissants d’un pays allié commettent un attentat en terre américaine et réduisent à néant la vie de 3000 personnes, les antiaméricains ont fait de ces attaques la preuve suprême de la culpabilité américaine. Dans la publication du Monde diplomatique qui ont suivi les attentats du 11 septembre, Ignacio Ramonet nous rappelle un autre 11 septembre, celui de 1973, jour du coup d’état du général Pinochet au Chili. La coïncidence est trop belle, les américains ont subit une attaque visiblement méritée : « A travers le monde, et en particulier dans les pays du Sud, le sentiment le plus souvent exprimé par les opinions publiques à l’occasion de ces condamnables attentats a été : « Ce qui leur arrive est bien triste, mais ils ne l’ont pas volé ! » » [12] Ramonet poursuit en expliquant comment Ben Laden est une création de la politique étrangère américaine. Il nous faut comprendre selon Ramonet qu’il était inévitable que les populations musulmanes remettent la monnaie de la pièce à l’ « empire américain », qu’elle se range derrière ces guerriers de la liberté formés par la CIA, pour attaquer l’oppresseur des masses musulmanes : les Etats-Unis. Inutile de recourir à la théorie de la conspiration, du point de vue géopolitique les Etats-Unis sont ultimement responsables des attaques contre eux-mêmes.
Pourtant, l’attitude de l’état américain vis-à-vis les pays et populations musulmanes est loin d’être unilatérale. Jean-Francois Revel explique que : « The United States’ actions historically have been far less damaging to Muslims than those of Britain, France, or Russia. These European powers have conquered Muslim countries, occupied and indeed oppressed them over decades and even centuries. Americans have never colonized a Muslim nation. Americans evince no hostility toward Islam as such today ; on the contrary, their interventions in Somalia, Bosnia, and Kosovo, as well as the pressure exerted on the Macedonian government, were designed to defend Muslim minorities. » [13]
Qu’importe, les antiaméricains l’ont suffisamment claironné : Le Goliath moderne a reçu une première pierre le 11 septembre 2001. N’en déplaise que David ait des visées totalitaires autrement plus inquiétantes que celles des néo-libéraux américains. Les néo-gauchistes pris dans l’habitude d’haïr les Etats-Unis n’ont guère trouvé mieux que de se ranger du côté des terroristes islamiques. Détester le géant capitaliste est un réflexe bien développé : « On November 3, 2001, French writer and pundit Jean Baudrillard sketched the perpetrators of September 11 as acting out his own dreams and the dreams of others like him. "All the world without exception dreamt of this event, for no one can avoid dreaming of the destruction of a power that has become hegemonic. . . .It is they who acted, but we who wanted the deed." » [14] Nous voilà dans un monde où les intellectuels de gauche défendent la loi du Talion… La peine de mort pour l’Amérique !
Il est loin le temps où les troupes américaines débarquaient en Normandie pour libérer l’Europe du fascisme.
L’antiaméricanisme dans les pays musulmans reprend le discours de la gauche occidentale. Comme en occident, on répète que les américains font preuve de mauvaise foi dans leur politique étrangère. Par exemple, ceux qui dénoncent la haine antiaméricaine des terroristes servent une stratégie malveillante selon le Daily Star de Beirut : « Those who are relating this hate-crime reasoning to the attacks on America have hidden agendas ; they are not looking to defuse terrorism, advance international understanding, or achieve any kind of justice. » [15] La joie de ceux qui ont célébré les attentats du 11 septembre était bien sûr justifiée : « In fact, these miserable cheerers have many reasons indeed to resent not the people, but the U.S. government, who alone is responsible for arming their oppressors and allowing their agony to continue. » [16]
Pourtant, il y a une différence fondamentale enter les antiaméricanismes musulman et occidental. Alors qu’en occident, l’antiaméricanisme reste encore une affaire d’intellectuels de gauche, dans les pays musulmans c’est un sentiment très populaire.
On peut voir ce phénomène dans la manière dont les médias se servent du phénomène pour augmenter leurs cotes d’écoute : « Even with media organs that are self-financed or financially independent one finds anti-Americanism played up to increase circulation or appeal to a wider audience. For example, the al-Arabiyya and al-Jazira stations began as free media but then used systematic anti-Americanism to boost the number of their viewers. Television channels that were launched to "balance" al-Jazira were soon emulating both its tactics and message. » [17] La demande populaire est telle que présenté un contenu qui ne serait pas antiaméricain est problématique pour une chaîne de télévision : « On the other hand, the issue of showing strong images, whether intentionally "anti-American" or not, is also to do with competition between stations, he says. "The competition is pushing us to show strong images and use strong language to have more viewers than other TV stations. » [18]
Les arguments antiaméricains occidentaux trouvent leurs échos dans des médias où l’objectivité est très relative. En effet, bon nombre de ces médias sont contrôlés par des régimes totalitaires. Dans ces dictatures, les Etats-Unis servent de bouc émissaire parfait : « On the one hand, Middle Eastern leaders use anti-American public sentiment as an excuse to both distance themselves from American foreign policy activities which would genuinely help their peoples, and to manipulate that public mood to their own advantage, like delaying reform or blackmailing Washington into giving more aid. On the other hand, those governments do little to persuade the media, which they often control, to soften or reduce the strong message of anti-Americanism. There are even occasions when those governments encourage the trend of anti-Americanism, sometimes to deflect domestic criticism of their policy away from them. » [19]
La propagande des médias musulmans a convaincu une majorité de musulmans que les attentats du 11 septembre n’étaient pas d’origine arabe : « In one of the survey’s most striking findings, majorities in Indonesia, Turkey, Egypt, and Jordan say that they do not believe groups of Arabs carried out the Sept. 11, 2001 terrorist attacks. The percentage of Turks expressing disbelief that Arabs carried out the 9/11 attacks has increased from 43% in a 2002 Gallup survey to 59% currently. And this attitude is not limited to Muslims in predominantly Muslim countries - 56% of British Muslims say they do not believe Arabs carried out the terror attacks against the U.S., compared with just 17% who do. » [20] Cette perception des événements biaise tout le rapport avec les États-Unis. Pour le musulman moyen, la guerre contre la terreur n’est qu’un prétexte et ça renforce l’impression que la politique étrangère américaine est en fait une guerre contre l’Islam.
Toute une propagande via Internet est mise en place pour convaincre les musulmans que l’Amérique cherche à éradiquer l’Islam. Malgré les nombreux discours dans lesquels George W. Bush affirme que les Etats-Unis respectent l’Islam et ne cherchent qu’à éradiquer le terrorisme, un tel discrédit est mis sur l’administration Bush que ce dernier pourrait aussi bien dire que la terre est ronde pour que le monde entier clame qu’elle est plate ! La propagande islamiste se base sur la croyance populaire en une conspiration :« According to these radicals, the threat to Islam mainly comes from a global conspiracy of “Zionists-Crusaders” (Jews and Christians), with the United States and Israel as the conspiracy’s global leaders. […] The jihad website of Hamas, Saudi Arabian-based jihad websites, and some of Bin Laden’s propaganda video tapes (as shown on some jihadi websites) always include images of stories from Chechnya ; Lebanon (the Israeli bombardment of the village of Qana) ; Palestine ; Kashmir ; Afghanistan ; Indonesia ; and (later) Iraq. These images are shown to justify the thesis that Christians (i.e., the West) and Jews are allied to destroy Islam. » [21] Evidemment, aucune contrepartie n’est présentée. Ce n’est que la victimisation des populations musulmanes qui est mise de l’avant, comme si dans le monde il n’y avait pas d’autres conflits et surtout pas des conflits menés par des armées musulmanes (on oublierait le Darfour encore une fois). Internet étant un média qui rejoint les plus jeunes, ce genre de discours est plus garant du futur que du passé.
La propagande trouve un terrain fertile. Les jeunes islamistes sont préparés à détester les Etats-Unis : « Much of the Muslim world has seen the proliferation of religious schools where young people are taught to defend their faith against the purported malevolence of Jewish and Christian infidels. Virulent anti-Americanism is merely a by-product of such instruction. From the madrasas of Pakistan to the pesantrens of Indonesia, schools teaching self-righteous religious intolerance also encourage students to detest the United States for its alleged hostility toward Islam. “From very deep in my heart I think the United States is evil,” says sixteen-year-old Muhammad Fadhil, an honor student attending an Indonesian religious boarding school. “There are too many interventions by the United States around the world. » [22]
Il arrivent que des populations musulmanes ne soient pas totalement convaincues de la perfidie totale des américains : « One indicator was the September 2002 poll commissioned by the Iranian Majlis’ National Security Committee which found that 74 percent of Iranians favored resumption of relations with the United States and 46 percent felt that U.S. policies on Iran were "to some extent correct," despite the fact that Iranian media constantly harped on Bush’s "axis of evil" remark in his January 2002 State of the Union speech.(1) ». Cependant, les autorités iraniennes ont clairement indiqué que la position populaire n’était pas acceptables : « The Ayandeh Institute pollsters who conducted this poll, Abbas Abdi and Hossein Ali Qazian, were sentenced to jail terms of eight and nine years respectively for "publishing nonscientific research. » [23]
Finalement, l’antiaméricanisme obscurcit la réalité dans les pays musulmans : « It is within this media-created virtual reality that a North African or a Sudanese student who can hardly afford a bus-ride, doesn’t demonstrate to improve his lot, but instead demonstrates in opposition to America and Israel in support of the Palestinians, and yet has never met a Palestinian—let alone an American—in his life. » [24]
Les penseurs de gauche occidentaux se retrouvent dans le même camp que les islamistes dans leur haine commune des Etats-Unis. Pourtant, leurs griefs ne sont pas identiques. Les premiers accusent le gouvernement états-unien d’avoir une politique étrangère qui nuit au développement démocratique des nations musulmanes. Les seconds soutiennent que l’Amérique en collusion avec Israël a pour objectif ultime d’éradiquer l’Islam de la planète.
Les gauchistes soutiennent que les populations musulmanes aspirent à des régimes démocratiques et modernes. Dans leur rhétorique, l’absence de démocratie dans les pays arabes n’est causée que par les visées impérialistes américaines. Comme les islamistes, ils pourfendent la théorie qui veut que les populations musulmanes soient victimes du bourreau américain.
Pourtant, est-ce vraiment le désir des américains d’instaurer la dictature ? Il existe des exemples où l’influence américaine ne génère pas de dictatures, à commencer par le Canada et l’Europe qui jouissent d’une véritable indépendance politique et économique. Après la seconde guerre mondiale, le Japon a adopté un modèle démocratique suite à l’occupation américaine et non pas un régime totalitaire. Plus récemment, les pays des Amériques centrale et du sud, après la guerre froide, se sont démocratisés et certainement pas contre la volonté américaine. L’Inde qui a récemment conclue des alliances politiques et économiques avec les Etats-Unis restent malgré cette alliance totalement démocratique [25]. La diaspora démocratique mondiale est politiquement beaucoup plus encline à s’allier stratégiquement avec les Etats-Unis qu’avec les puissances alternatives que sont la Russie, la Chine et l’Arabie Saoudite.
Certains diront que les Etats-Unis n’apprécient que les démocraties enlignées à leur politique et qu’ils ne tolèrent pas les « démocraties rebelles » - on attend encore les raids aériens américains contre le Venezuela. Est-ce que l’Inde, le Canada, l’Afrique du sud, la France, la Suisse, l’Argentine, le Brésil, le Mexique, l’Australie, le Japon, le Costa Rica, le Chili, l’Italie, et les quelques autres pays démocratiques ne sont que les marionnettes des Etats-Unis ? Si on s’en tient à ce discours démagogique rien ne différencierait les démocraties modernes des royaumes médiévales. Plutôt, il faut voir dans les alliances démocratiques un aboutissement logique et idéologique.
Ce qui nous ramène au cas des pays musulmans. Si les Etats-Unis ont financièrement soutenu des régimes totalitaires, rien ne laisse présumer qu’il y ait eu une véritable alternative démocratique à ces régimes. Quand l’Iran obtient son indépendance, c’est pour fonder un régime théocratique qui parodie la démocratie. L’Algérie ne fait guère mieux . La Turquie reste une démocratie très controversée en raison de son dossier concernant les droits de la personne et son refus à reconnaître le génocide arménien . Pour ce qui est de l’Indonésie, cette démocratie reste fort jeune et les groupes islamiques jouissent d’une influence grandissante comme le montre l’adoption de la charria dans la province d’Aceh [26]. Le Pakistan est encore sous le joug d’un dictateur militaire. En 59 ans d’histoire, 31 se sont passés sous la dictature militaire.
« So, what drives anti-Americanism ? The Arab world complains that the United States supports corrupt and oppressive Arab regimes. This is true. For example, the United States gives $2 billion a year to Egypt. While U.S. policymakers should definitely tie aid to democratic reforms, it is far from clear that Egypt would be less oppressive or corrupt without that money. After all, Syria and Iran oppress their populations without U.S. assistance. Yasser Arafat’s corrupt and oppressive Palestinian Authority enjoys the patronage of the United States, but there are very few Arabs who will publicly say that the United States should stop supporting Arafat. » [27]
Bref, l’argument qui veut que les Etats-Unis soient les seuls responsables du totalitarisme en terre musulmane est simpliste. La dictature s’est installée dans les pays musulmans avec ou sans l’aide des américains. L’intervention américaine se résume plus souvent qu’autrement à soutenir un régime déjà en place qu’à s’imposer directement pour faire la gouvernance d’un pays – tel que c’était le cas dans les colonies anglaise et française. Incidemment, une grande partie des problèmes liés à la dictature réside dans l’infrastructure historique, sociale et politique des pays musulmans. La politique interventionniste américaine ne doit pas porter à elle seule la responsabilité des ravages du totalitarismes dans les pays musulmans. Trop nombreux sont les pays qui vivent leur alliance aux Etats-Unis en toute démocratie pour que l’on accorde aux Américains un désir d’imposer le totalitarisme pour fortifier leur alliance stratégique. La région du moyen orient est traitée différemment ? Si c’était le cas, Israël ne serait certainement pas une démocratie tout à fait moderne. Les antiaméricains devraient ménager leur rage. La dictature en pays musulmans n’a pas besoin de l’Amérique pour exister. On pourrait même se demander si ce sont les américains qui ont profité des dictatures ou non pas l’inverse, les dictatures qui ont profité des américains…
Comme le souligne Revel, l’antiaméricanisme réduit le reste du monde à la passivité : « Thus the U.S. is charged with all the evils, real or imagined, that afflict humanity, from the falling price of beef in France to AIDS in Africa and global warming everywhere. The result is a widespread refusal to accept responsibility for one’s own actions. » [28] Le phénomène est surtout nuisible dans des pays où la dictature domine et où l’énergie subversive devrait être concentrée à renverser des régimes totalitaires. Dans ces pays, le sentiment antiaméricain est précisément utilisé pour maintenir l’ordre.
En occident, et surtout aux Etats-Unis, l’antiaméricanisme reste un courrant de pensée de la gauche qui n’atteint pas les couches populaires. Il découle d’une certaine appréhension née dans les années soixante. Stanley Kurtz, un analyste de la Hoover Institution, explique les fondements de l’antiaméricanisme aux États-Unis : « Our post-sixties culture pushes us to maintain a self-image of radically egalitarian individualism, even as we seek out venues in which to secretly satisfy our longing for collective superiority. The way to do that is to charge America with having abandoned its own democratic values. The problem is, to pull this off, we have to catch America in some act of enormous oppression. Since America is not in fact enormously oppressive, American’s offenses must be continually exaggerated, or simply fabricated whole cloth. Without the pretext of some truly awful act of murderous oppression on the part of America, there is no justification for a moral crusade and no cause to feel superior. » [29]
L’antiaméricanisme en occident suit son cours dans le bouillon des idées et joue son rôle pour semer la zizanie chez les libres penseurs. L’antiaméricanisme aide à maintenir l’ordre des dictatures musulmanes. Paradoxalement, il sème la zizanie dans les démocraties occidentales. Machiavel disait « diviser pour régner ». Cet adage fonctionne terriblement bien dans les régimes totalitaires. C’est pourquoi les tyrans ne ménagent pas d’efforts pour faire régner l’uniformité et châtier toute forme de dissension. Dans les démocraties, la division est intrinsèque au système, elle est sa force. Car de la division, de la dispute, de l’argumentation émerge des solutions durables qui bénéficient au plus grand nombre. N’en déplaise aux gauchistes, les accords de Kyoto ont vu le jour en Occident, et non pas dans une république islamiste ou communiste.
C’est donc la zizanie qu’il faut exporter dans les pays musulmans, une zizanie incompatible avec l’interprétation officielle du coran mais terriblement démocratique et qui a pour principal pilier la liberté d’expression.
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Williamson, Lucy Aceh wary over new Sharia police, BBC News, 8 décembre 2006
[1] Le Pew Research Center est un organisme américain non partisan qui effectue des études sur les tendances et attitudes qui se forment aux Etats-Unis et dans le monde. Pour en savoir plus.
[3] idem
[4] idem
[5] idem
[10] L’infériorité intellectuelle de Georges W. Bush est en fait un canular qui a circulé par courriel lors de l’été 2001. Il a été repris comme factuel par au moins deux publications sérieuses : The [London] Guardian et le New Zealand Southland Times. Pour en savoir plus sur ce canular, cliquez ici.
[16] idem
[26] Williamson