Milliere Guy - mercredi 19 décembre 2007
Recevoir pendant cinq jours un dictateur - le colonel Kadhafi - qui, quelques jours auparavant déclarait encore que le terrorisme pouvait se justifier, ne grandit pas la France. Lui permettre de s’installer à Paris pendant son séjour, à ses conditions, et de faire dresser au cœur de la ville une tente de Bédouin la rabaisse et envoie un message qui sera reçu dans tout le monde arabe : la France se couche et se conduit en dhimmi.
Les caisses sont vides, je sais. Il faut signer des contrats, je sais aussi, mais il est pathétique de voir qu’on ne les signe pas dans des conditions plus dignes. Toutes les explications officielles n’y changeront rien. Bernard Kouchner s’est esquivé, c’est vraiment le moins qu’il pouvait faire. Rama Yade a dit tout haut ce que son ministre de tutelle pensait tout bas, et elle a eu pleinement raison, elle qui n’était déjà pas du voyage à Pékin où, entre autres spécialités locales, il lui aurait fallu avaler des couleuvres à pleines brassées.
Kadhafi est, qui plus est, arrivé à Paris un jour où se commémoraient les droits de l’homme : je veux encore penser que ce jour a été choisi au hasard. Dans un pays où une fraction croissante de la population est musulmane, où l’islam radical continue à s’implanter et où, comme on l’a vu récemment encore à Villiers-le Bel, des zones de non droit sont très proches de l’explosion, on pourrait se dire que ce genre de choses n’arrangera vraiment rien. À moins qu’il ne soit imaginé en haut lieu que la meilleure façon de remédier à une situation détraquée est d’en prendre bonne note, d’accompagner la dérive, et de faire de la « communication ».
Il n’empêche que cela commence, vraiment, oui vraiment, à faire beaucoup. Les propos antisémites d’un ministre algérien qui n’a fait que se faire le porte-voix de ce que pensent tous les dirigeants qui l’entourent ont été rapidement classés sans suite et n’ont pas empêché Nicolas Sarkozy d’embrasser chaleureusement Bouteflika tout en parlant du passé colonial de façon douteuse.
Il faut signer des contrats, encore. L’attitude xénophobe anti-française et anti-occidentale absolument insultante de la majeure partie des spectateurs venus assister à un match France-Maroc au Stade de France a été aussi lamentable, sinon plus, que celle constatée voici quelques années lors d’un match France-Algérie, mais a été extrêmement peu commentée. S’agirait-il, là toujours, de contrats ou d’une autre façon de fermer les yeux ?
En Amérique latine, il y a des tentations dictatoriales, telles que celles de Hugo Chavez au Vénézuela, et la France a fait de celui-ci un interlocuteur privilégié. En Colombie, Alvaro Uribe, homme courageux redresse son pays. Il fait face à un mouvement terroriste passé du marxisme-léninisme au trafic de cocaïne et à la prise d’otage, et que fait le gouvernement français ? Il le met sous pression, il essaie de l’isoler auprès des rares chefs d’État démocratiques du continent, il engage le dialogue avec les terroristes.
Et cela pour relâcher une otage, une seule parmi des dizaines d’autres : parce qu’à la différence des autres otages, elle est française, dispose d’un comité de soutien mené par l’intelligentsia gauchiste, et a une famille qui pense elle-même très à gauche. S’agit-il de contrats, encore et toujours ? L’argent vénézuélien intéresse-t-il le gouvernement français ? Le but est-il d’obtenir une photo où on verrait un Président français très digne et une otage éprouvée, mais reconnaissante ? Quel sera le prochain épisode ?
Je pourrais évoquer Poutine, mais l’épisode Poutine, si je puis m’exprimer ainsi, est passé : le Président français a été le premier chef d’État occidental à féliciter l’ex agent du KGB de la grande « victoire » remportée par son parti, Russie Unie, à des élections dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles ne se sont pas déroulées dans des conditions exemplaires. Contrats, murmurez-vous ? Certes, il y a eu le superbe discours de Washington qui a pu laisser croire à certains (moi le premier) que la diplomatie française avait changé. Il y a un soutien à Israël et une attitude ferme face à l’Iran. Mais chaque jour qui passe laisse l’impression que cela est bien davantage qu’insuffisant. Et que valent certains propos s’ils vont de pair avec une ligne directrice sinueuse, et ce qui pourrait en venir vite à ressembler à de l’opportunisme ?
Milliere Guy - mercredi 12 décembre 2007
livres
J’ai eu le plus grand mal à trouver un éditeur en France pour Daniel Pipes, et c’est honteux pour l’édition française. Qu’après avoir publié chez un grand éditeur un livre qui a fait partie des meilleures ventes d’essais de l’année 2003 (Ce que veut Bush), j’aie été moi-même obligé à publier chez de petits éditeurs, est aussi tristement significatif. Pire : un éditeur m’a commandé, voici un peu plus de deux ans, un ouvrage sur le conflit du Proche-Orient.
Au moment de la parution, cet éditeur a reçu des menaces parfois graves. J’ai moi-même été menacé, de mort, par égorgement quelquefois.
J’ai pu, grâce à des correspondants se cachant sous divers pseudonymes, enrichir mes connaissances dans le domaine de l’antisémitisme islamique. L’éditeur a renoncé. Il a depuis fait faillite. Il est des sujets désormais tabous en France, qu’on ne peut plus aborder sauf à risquer l’ostracisme, la marginalisation, voire sa propre vie. Il existe en ce pays une forme de totalitarisme occulte qui pose des glissières à l’intérieur desquelles se situe la pensée acceptable et tolérable.
Ce qui a été graduellement considéré comme inacceptable et intolérable, ces dernières années, ce ne sont pas des idées telles que le racisme ou l’antisémitisme. Ce ne sont même pas les apologies du fanatisme, du meurtre ou du totalitarisme. On trouve aisément des ouvrages imprégnés de diverses formes de racisme, d’antisémitisme, de fanatisme, d’appel au meurtre ou d’incitation au totalitarisme.
Non, ce qui est inacceptable, c’est de ne pas participer à l’hystérie collective vis-à-vis des dirigeants démocratiquement élus de la plus puissante démocratie du monde, et de dire que ces dirigeants parlent et agissent en faveur des droits de la personne humaine. Ce qui est inacceptable, c’est d’expliquer, par exemple, que l’esclavage a été essentiellement un phénomène africain et islamique, et seulement de façon marginale un « crime » occidental.
Ce qui est inacceptable est de dire la vérité sur le Proche-Orient, sur l’Irak, sur Israël surtout. On me dit que cela va changer : j’attends de voir. En attendant, je n’accepte pas une censure consensuelle et qui ne dit pas son nom. Grâce au courage d’un éditeur américain, et parce que je n’ai pas voulu que le livre sur le Proche-Orient que j’avais rédigé reste dans un dossier de mon ordinateur, ce livre voit le jour aujourd’hui.
À la différence de mes autres livres, il est disponible seulement par le biais d’Internet et doit être commandé à l’éditeur. Cela limitera ses ventes, mais il existe. Mon travail intellectuel est orienté vers la défense de la liberté individuelle, et je reste plus que jamais attaché à ces valeurs. J’ai été confronté au front bas de la bêtise crasse voici trente ans, quand je défendais la liberté pour les peuples de l’ancienne Indochine et quand je m’insurgeais contre le communisme. J’ai été confronté ces dernières années à une bêtise au front bas plus diffuse où se sont retrouvés islamistes, gauchistes et nationalistes. Je défends toujours la liberté. Je défends la vérité et la vérifiabilité contre les dogmes.
J’ai appelé ce livre qui a failli ne pas paraître « Houdna »*, parce que c’est un mot arabe qui veut dire « trêve », et qu’il a été employé par les nationalistes arabes hier, et l’est par les islamistes aujourd’hui. Il y a des « trêves », mais il n’y a pas de paix. Nous sommes dans une guerre au sein des civilisations occidentales, et l’antisémitisme, comme l’antiaméricanisme sont, en cette guerre, des marqueurs indiquant où se trouvent les ennemis de la liberté. Nous sommes dans une guerre planétaire dont l’épicentre est au Proche-Orient. Ne pas se donner les moyens de savoir la vérité sur le conflit israélo-arabe, c’est déjà se situer sur le terrain des ennemis de la liberté, c’est croire illusoirement en une « trêve », et faire le lit de la victoire ultérieure et planétaire des nouveaux totalitaires.
Le combat pour la liberté en Europe implique de garder les yeux ouverts sur ce qui se joue à Bagdad, mais aussi à Jérusalem ou à Ramallah.
« Houdna » est disponible pour le prix de 11 e sur le site des éditions Underbahn : www.underbahn.net.