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La Syrie, au centre du monde

Au début juillet, on apprenait que l’armée syrienne avait pénétré de quelques kilomètres en territoire libanais, sans doute depuis quelque temps déjà, et pris position dans les collines de l’est de la vallée de la Bekaa:

Les sources affirmaient que les troupes syriennes, aidées de bulldozers, établissaient des positions fortifiées dans plusieurs zones situées le long de la frontière libanaise, créant des tas de terres et creusant des centaines de tranchées et de petits bunkers.

Des unités de l’armée syrienne étaient également signalées dans les positions du FPLP-CG (un groupe terroriste palestinien basé à Damas), lequel aurait menacé d’investir divers camps libanais.

Le 24 juillet, sans que la grande presse n’ait relevé la chose, le Wall Street Journal publiait une confirmation, décrivant les efforts d’une ONG pour prouver l’affirmation et donner à l’affaire l’écho qu’elle devrait pourtant avoir d’office. On peut y apprendre que la Syrie occupe à présent militairement quelque 300 kilomètres carrés de territoire libanais, soit près de 4% de la superficie du pays. Hier, le Conseil de sécurité a également confirmé la chose, à sa manière. Comme le remarque l’auteur de l’article du WSJ, Bret Stephens,

Il va sans dire que le Hezbollah — qui prétend lutter pour sauvegarder la souveraineté territoriale du Liban – n’a rien à objecter devant cette situation. Pour sa part, M. Assad refuse d’accepter la démarcation de sa frontière avec le Liban, de même qu’il refuse d’ouvrir une ambassade à Beyrouth. L’ambigüité a trop d’avantages pour lui: il peut s’emparer du territoire libanais sans que personne ne dise mot, ravitailler les camps de terroristes sans vraiment abriter les terroristes eux-mêmes et fournir des armes au Hezbollah à volonté — le tout sans renoncer à son rêve d’une «Grande Syrie» comprenant le Liban, les hauteurs du Golan et Israël.

Le projet de Grande Syrie, qui occupe les dirigeants syriens depuis l’époque des premiers partages territoriaux nationaux de la région, au début du siècle passé, mérite une minute d’attention. Ou deux. Bien que cette ambition — une Syrie couvrant la région désignée historiquement par ce nom, soit la Syrie, la Jordanie, Israël et le Liban — ait toujours été considérée plutôt comme une utopie, voire une lubie hors de la région, elle a bel et bien exercé une influence déterminante sur la politique syrienne jusqu’à nos jours.

Le Parti social-nationaliste syrien, notamment, en a fait l’un de ses objectifs centraux et se faisait le champion d’un nationalisme pur et ouvertement laïcisant, afin d’attirer les nombreuses minorités de la région (et quelques Arabes sunnites opposés à l’islamisme), ce qui lui valait l’opposition des panarabistes, des Musulmans attachés à la religion, des séparatistes libanais et palestiniens, de la monarchie syrienne et des sionistes. Mais de nombreux autres groupes défendirent également le projet de Grande Syrie, de manière plus pragmatique (et ainsi avec plus de succès), soit comme une étape vers un projet plus vaste encore, le panarabisme. Pour tous ces gens, que l’on peut séparer entre radicaux et modérés, l’unification de la Syrie, du Liban, de la Jordanie et d’Israël constituait un projet parfaitement légitime, plaçant Damas au centre d’une grande nation aux contours géographiques naturels. Le projet séduisait bien sûr les souverains, tels Abdallah 1er de Jordanie, pour qui l’unification de la Grande Syrie a constitué le coeur de sa politique pendant 30 ans.

Le projet a perdu de son élan dans les années 1950 à 1970, notamment en raison de la création de la Ligue arabe (1945) et de l’accession à l’indépendance des quatre principaux États de la Grande Syrie entre 1946 et 1948, qui a débouché sur une période de grande instabilité en Syrie. Mais après la prise du pouvoir en 1970 par Hafez el-Assad et l’instauration d’un État policier, le projet reprit de la vigueur, porté par l’ambition d’Assad, qui multiplia les déclarations dans ce sens, notamment à l’égard du Liban. Puis vinrent les actes, dès l’éclatement de la guerre civile libanaise. Assad envoya des troupes au Liban en 1975 et en 1976. Elles allaient y rester 30 ans, période pendant laquelle Damas a fait la pluie et le beau temps au Liban.

Assad fit également des déclarations de propriétaire à l’endroit de la «Palestine», forçant Arafat à lui répliquer à diverses reprises, et pas uniquement de manière verbale. Et il s’efforça de contrôler les organisations palestiniennes, notamment afin d’empêcher la création d’un État palestinien en Cisjordanie, ce qui contrait par trop ses propres visées. L’opposition qu’il favorisa ainsi entre les différentes branches du mouvement palestinien a sa part dans l’échec du projet nationaliste palestinien. Et Assad étendait également ses ambitions sur la Palestine à la Jordanie, tentant continuellement d’inciter l’armée jordanienne à se placer sous son aile.

Cette ambition permet de mieux éclairer la situation et surtout les motivations des intervenants. Ainsi, si la famille Assad aide le Hezbollah et les groupes terroristes palestiniens, ce n’est certainement pas par bonté d’âme, ni pour mieux défendre le Liban, ni pour quelques fermes au sud de son territoire actuel. Pour les Assad, le butin visé en vaut vraiment la peine. Et il commence, aujourd’hui comme hier, par le Liban et la vallée de la Bekaa.

Pour l’Iran, et donc pour le Hezbollah, l’objectif ne consiste pas non plus à défendre quelques centaines de kilomètres carrés de territoire libanais, comme l’épisode actuel le démontre éloquemment. Ce jeu-là n’a aucun intérêt, et c’est pourquoi personne n’y joue. Comment croire, d’ailleurs, que l’Iran investirait des sommes et des efforts pareils pour défendre un petit territoire pauvre et improductif, sur lequel l’occupant désigné n’a jamais émis de revendications et que les Nations unies gardent à la place des Libanais? Ce que veulent l’Iran, le Hezbollah et bien entendu les groupes terroristes palestiniens installés au Liban, c’est le territoire israélien, qualifié systématiquement dans leur jargon de «Palestine occupée» – les uns pour asseoir un prestige toujours délicat de minorité (chiite), les autres pour le pouvoir local ou pour l’argent et d’autres encore simplement portés par la haine millénaire générée par la religion islamique contre les Juifs et puissamment attisée depuis des décennies par la propagande islamiste gonflée au pétrodollars tant sunnites que chiites, ce qui en fait aussi un bon cheval de bataille pour les opportunistes de toutes sortes qui ont des intérêts dans la région.

Ainsi, avec la présence solide du Hezbollah au Liban, l’interventionnisme iranien, le réveil des groupes armés palestiniens (dépendant de Damas ou pas), la présence molle des Nations unies au Sud du Liban et la bienveillance mi-béate mi-inquiète du monde occidental devant les visées islamistes en général, le front nord de la guerre arabo-musulmane contre Israël prend toujours plus d’importance et s’articule essentiellement sur la Syrie, ce qui y encourage très probablement un certain sens d’une certaine grandeur. 

UPDATE: Un officiel syrien annonce une guerre de missiles contre Israël:

Syria sees the next war with Israel as involving missile attacks on civilian infrastructure and front-line guerilla warfare, an anonymous senior official in the Syrian Ministry of Defense told Defense News Weekly, in an interview appearing Monday. Syria prefers to avoid a direct, “classic” confrontation with Israel, he said. Instead, the next war will involve Katyusha rocket and ballistic missiles that will target strategic points in Israel, especially civilian infrastructure.

L’article rappelle également que la Syrie a bénéficié d’une aide de quelque 11 milliards de dollars (effacement de dette) de la Russie et de l’Iran au cours des deux dernières années. 

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