1- Un vieil adage dit « si tu veux la paix, prépare la guerre ». Je ne suis pas certain que cet adage se vérifie toujours. En revanche, ce qui se prépare, actuellement, en vue du sommet de paix israélo-palestinien, à Annapolis, dans le Maryland (USA), donne plutôt l’impression inverse. A savoir que si l’on prépare mal la paix, l’on risque, justement, la guerre. Voyons cela. Combien de journalistes occidentaux savent-ils, qu’actuellement, Israël est dirigé par une coalition gouvernementale ? Que le Premier ministre Ehud Olmert, issu du parti centriste Kadima, est soutenu par moins de 10% des Israéliens ? Qu’Olmert fait l’objet de trois enquêtes judiciaires ? Que l’actuelle coalition gouvernementale israélienne, outre Kadima, se compose notamment de ministres issus du parti Shas et du parti Yisrael Beiteinu? Dans un article de Shmuel Rosner, publié dans le quotidien israélien Haaretz, édition du 19 octobre, le secrétaire général du parti Shas, M. Eli Yishai, déclare que si la partition de Jérusalem est mentionnée à la conférence d’Annapolis, le Shas quittera la coalition gouvernementale. Le secrétaire général du parti Yisrael Beitenu, M. Avigdor Liberman, a un point de vue semblable. En outre, plus de 60 personnalités politiques – la majorité des députés de la Knesset et plusieurs ministres – ont signé une déclaration qui s’oppose à la partition de Jérusalem dans le cadre d’un accord israélo-palestinien (il faut 61% des voix pour changer le statut de Jérusalem).
2- Lors d’une conférence de presse conjointe avec Condoleezza Rice, au Caire, le 16 octobre, le Ministre égyptien des Affaires étrangères, Aboul Gheit, a déclaré: « Ce qui vraiment nous déplait, c’est que certains cercles israéliens, soulèvent, à l’échelle internationale, aux Nations Unies, le problème des nombreux trafics d’armes à travers l’Egypte (à destination du Hamas dans la bande de Gaza) ».
3- Le 18 octobre, le bureau d’Istanbul de l’agence de presse syrienne Sana, a diffusé une dépêche, sur « le total accord de la Syrie et de la Turquie concernant l’Irak, le Liban et le processus de paix en la matière ». C’est le Président syrien al-Assad qui a effectué cette déclaration, lors d’une conférence de presse, en Turquie, le 18 octobre, suite à une rencontre avec son homologue turc.
4- Le 18 octobre encore, le Premier ministre israélien Ehud Olmert a rencontré, à Moscou, le président russe Vladimir Poutine. L’express.fr du 19 octobre reprend information suivante : « Les principaux sujets de discussion concernaient le dossier iranien et le processus de paix au Proche-Orient », fait savoir le Kremlin sur son site Internet, sans plus de détails. « Le Premier ministre a réitéré sa position, selon laquelle seules des sanctions internationales efficaces peuvent mettre fin aux ambitions nucléaires de l’Iran », peut-on encore lire (autrement dit, rien de concret n’est sorti de cette réunion privée qui a duré trois heures). Plus tôt dans la journée, le président israélien Shimon Pérès a estimé que l’Iran tentait « de devenir un empire et d’étendre son hégémonie à tout le Proche-Orient. De plus, ils fabriquent une bombe atomique, malgré tous leurs démentis », a déclaré Pérès à des journalistes à Jérusalem. « Les preuves sont claires, aucun pays ne dépenserait des millions et des millions de dollars pour mettre au point des missiles à longue portée destinés à emporter des armes conventionnelles, ça n’a aucun sens ».
5- Toujours le 18 octobre, dans l’organe de presse saoudien Arab News, Oliver Roy, spécialiste de la question kurde, déclare: « Ce que nous voyons actuellement, c’est un rapprochement sans précédent entre Kurdes du nord de l’Irak et de la Turquie, sur les plans culturel, linguistique et économique. L’Iran est également impliqué, avec une augmentation très claire de la répression d’Etat, au Kurdistan iranien ». Il faut ici préciser que les Kurdes vivent dans un espace qui s’étend à la fois sur la Turquie, l’Iran, l’Irak et la Syrie. Enfin, le 18 octobre également, sur lexpress.fr, Isabelle Tallec recueille les propos de Kendal Nezan, président de l’Institut kurde de Paris : « C’était une décision attendue (le parlement turc vient de donner son feu vert à des incursions militaires contre les Kurdes dans le Nord de l’Irak) qui donne à la Turquie un moyen de pression sur les Etats-Unis et l’Irak. Mais cela ne résoudra pas le problème, car la question kurde en Turquie est éminemment politique. Il s’agit en réalité d’un alibi, d’une totale instrumentalisation de la question du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) par les dirigeants turcs. Les Kurdes d’Irak ont réussi à créer un Etat fédéré à l’intérieur du pays, doté d’institutions autonomes, que le reste de la nation kurde – en Iran, en Turquie - leur envie et voit comme un phare, un modèle. Il ne faut pas oublier que les quelque 15 à 18 millions de Kurdes en Turquie sont privés de leurs droits les plus élémentaires, leur identité n’est pas reconnue. Les Kurdes d’Irak n’ont aucune intention belliqueuse, ils privilégient au contraire la coopération, le règlement pacifique de la question kurde dans la région. Et d’autre part, contrairement à ce qu’affirme Ankara, qui accuse les Kurdes irakiens de fournir des armes aux rebelles, le PKK n’a jamais manqué d’armement (…) Il y a (…) un enjeu de politique extérieure : vis-à-vis des Etats-Unis (…) avec ce bras de fer qui les oppose à la Turquie au sujet du projet de résolution relatif à la reconnaissance du génocide arménien ».
Résumons et concluons. 1- Un gouvernement de coalition, très fragile, et dont le chef, d’une part, s’appuie sur 5% des citoyens et, d’autre part, fait l’objet de trois enquêtes judiciaires, un tel gouvernement, peut-il sérieusement envisager des négociations de paix ? Un tel gouvernement, est-il crédible aux yeux des Arabes en général et des Palestiniens en particulier ? 2- Depuis des années, le gouvernement égyptien laisse transiter des armes vers Gaza. Ce même gouvernement veut inclure le Hamas dans le processus de paix, en encourageant le dialogue de celui-ci avec l’Autorité palestinienne. Il n’y a pas que les Israéliens qui le disent et qui s’en inquiètent. Le fait que les Israéliens le disent « déplait » – il l’a dit devant Condoleezza Rice – au ministre égyptien Aboul Gheit. Ne lui en déplaise, nous le dirons encore. Car c’est la vérité. 3- La Syrie laïque et la Turquie islamique ont publiquement affiché leur accord sur une attaque turque en territoire irakien contre les Kurdes. Cette même Syrie laïque soutient l’Iran théocratique qui augmente actuellement sa répression contre les Kurdes iraniens. En clair, la Turquie, l’Iran et la Syrie sont prêt à tout et n’importe quoi pour affaiblir, et les Kurdes, et les Américains, en Irak. Autrement dit, à l’heure où l’on se gargarise avec la paix israélo-palestinienne, le monde musulman ouvre un nouveau front de guerre sur la frontière irako-turque. Alors que le Kurdistan irakien est actuellement la région la plus pacifique d’Irak. Je suis – évidemment – favorable à une reconnaissance, par le Congrès américain, du génocide arménien, perpétré par les Turcs en 1905. Mais le moment est mal choisi. De 1905 à 2007, les USA ne se sont pas trop pris la tête avec cette question. Et voilà qu’au moment où Bush progresse en Irak, la gauche américaine se réveille soudain et lui balance dans les pieds un boulet qui pourrait incendier tout le nord de l’Irak, via une incursion militaire turque, soutenue par la Syrie et donc par l’Iran. Avec pour conséquence un affaiblissement des Républicains dans la course aux élections présidentielles américaines de 2008. Utiliser le génocide arménien à des fins électorales, au risque d’incendier le nord de l’Irak, est-ce bien démocrate ? 4- Le Premier ministre israélien Ehud Olmert a donc fait un rapide aller-retour à Moscou. Non seulement il n’obtient rien de Poutine sur le dossier nucléaire iranien. Mais en plus, le site Internet du Kremlin nous annonce que « le Premier ministre (Olmert) a réitéré sa position, selon laquelle seules des sanctions internationales efficaces peuvent mettre fin aux ambitions nucléaires de l’Iran ». Autrement dit, Olmert pense comme Poutine. Génial.
5- Non seulement rien de bon ne sortira du happening d’Annapolis. Mais de plus, l’initiative démocrate américaine (sur le génocide arménien, lancée au pire moment) et les gesticulations d’Olmert (aussi nombreuses que maladroites) ont renforcé un axe qui au vu des derniers événements regroupe (contre les USA) les pays suivants : la Russie, la Turquie, la Syrie et l’Iran. Bravo. C’est ce que l’on nomme un succès diplomatique au sens « si tu veux la guerre, prépare la paix ».
Miguel Garroté, journaliste
Le service de presse de la Maison blanche, en date du 17 octobre, retranscrit, en anglais, les propos de G. Bush, lors de sa récente conférence de presse, sur le Proche et le Moyen Orient (1). En réponse aux journalistes, Bush a notamment rappelé que lors des négociations de paix de novembre, les Israéliens et les Palestiniens mettront en place « une vision de ce à quoi un Etat (palestinien) pourrait ressembler » (a vision of what a state could look like).
Bush a également précisé que cette fois, les Nations arabes seront parties prenantes, contrairement aux négociations précédentes où « les Nations arabes n’étaient pas parties prenantes au processus encourageant les parties (israélienne et palestinienne) à avancer » (the Arab nations weren't a part of the process encouraging the parties to move forward).
Bush n’a pas caché qu’il y a des extrémistes qui ne veulent pas de démocratie au Moyen Orient, « que ce soit en Irak, au Liban ou dans les territoires palestiniens » (whether it be in Iraq or Lebanon or in the Palestinian Territories).
Concernant la théocratie islamique iranienne, Bush a clairement dit que si l’Iran parvenait à acquérir l’arme atomique, le monde serait confronté à la menace d’une Guerre mondiale. Bush souhaiterait que Poutine lui fasse part du contenu de ses tout récents entretiens, à Téhéran, avec le président Ahmadinejad et avec le Guide suprême, l’ayatollah Khamenei. Bush souhaiterait, également, des éclaircissements sur les propos que Poutine a tenus, sur le nucléaire iranien, à Téhéran. « Ce qui m’intéresse, c’est de savoir s’il (Poutine) continue ou non d’avoir les mêmes inquiétudes que moi », a déclaré Bush.
« Nous avons un dirigeant en Iran qui a annoncé qu’il voulait détruire Israël », a ajouté Bush. « Donc j’ai dit aux gens que, s’ils voulaient éviter une Troisième Guerre mondiale, il semble qu’ils devraient se demander comment les empêcher (les Iraniens) d’acquérir les connaissances nécessaires pour fabriquer une arme nucléaire », a conclu Bush.
Reprenons tout cela et concluons sans détours :
1- Il se trouve que j’ai suivi la conférence de presse du Bush sur CNN. Et que je l’ai relue, dans sa transcription manuscrite originale, en référence ci-dessous (1). Sur l’option d’un futur Etat palestinien, qui sera débattue aux négociations de novembre, Bush a parlé d’une « vision de ce à quoi un Etat (palestinien) pourrait ressembler ». Il n’a donc pas parlé de la création d’un Etat palestinien pendant les négociations de novembre ou juste après celles-ci. Ceux d’entre mes confrères qui ont conditionné les négociations de novembre à la création d’un quelconque Etat palestinien ont donc menti.
2- Concernant les Nations arabes, Bush leur a, cette fois, clairement enjoint d'être, très concrètement, « parties prenantes au processus encourageant les parties (israélienne et palestinienne) à avancer ». Et pour que son exhortation soit encore plus claire, Bush a d’emblée condamné les « extrémistes qui ne veulent pas de démocratie au Moyen Orient, que ce soit en Irak, au Liban ou dans les territoires palestiniens ». Autrement dit, si les dictatures arabes, torpillent la création d’un Etat palestinien démocratique, elles seront directement responsables, de l’échec des négociations en la matière.
3- Concernant la théocratie intégriste iranienne, Bush a réitéré « que si l’Iran parvenait à acquérir l’arme atomique, le monde serait confronté à la menace d’une Guerre mondiale ». Bush a enfoncé le clou en rappelant que le président iranien veut « détruire Israël ». Et Bush de dire que si les gens « veulent éviter une troisième guerre mondiale », ils doivent se demander comment empêcher les Iraniens « d’acquérir les connaissances nécessaires pour fabriquer une arme nucléaire ». Autrement dit, il ne suffit pas de condamner, par avance, une frappe aérienne des centrales nucléaires iraniennes ; tout en refusant des sanctions supplémentaires, du Conseil de Sécurité de l’ONU, contre l’Iran (le message s’adresse à la Chine et à la Russie). S’il n’y a pas de sanctions, l’option militaire devient plausible. Il faut choisir.
Le président russe Vladimir Poutine est arrivé à Téhéran le mardi 16 octobre, pour le sommet des pays riverains de la mer Caspienne. A cette occasion, Poutine a qualifié d’inacceptable le recours à la force dans la région. Poutine a déclaré que la patience et le dialogue sont les meilleurs moyens de régler le dossier nucléaire iranien. Concrètement, Poutine a déclaré que la Russie n’accepterait pas une attaque contre l’Iran depuis le pourtour de la mer Caspienne. C’est très émouvant d’entendre Poutine, ex-colonel du KGB et grand fossoyeur de la démocratie russe, nous parler de patience et de dialogue. Les Tchétchènes, Ossètes et Ingouches apprécieront. Les journalistes moscovites aussi. Car ce qui vaut pour l’Iran et la mer Caspienne ne vaut ni pour le Caucase ni pour la presse russe.
La déclaration de Poutine a été adoptée par les pays riverains de la mer Caspienne, y compris l’Azerbaïdjan, ce qui compliquerait une éventuelle opération militaire américaine contre l’Iran (les USA avaient inspecté des pistes aériennes en Azerbaïdjan, pays qui a conclu un accord avec l’Otan). En clair, les cinq pays présents au sommet de la mer Caspienne, l’Iran, la Russie, le Kazakhstan, l’Azerbaïdjan et le Turkménistan, ont déclaré qu’ils ne permettront pas l’utilisation de leurs territoires pour une intervention militaire contre l’un ou l’autre des pays membres.
De fait, l’Iran utilise ce sommet pour diminuer son isolement diplomatique. Poutine, dont le pays jouit d’un droit de veto au Conseil de sécurité de l’Onu, est devenu un soutien pour l’Iran. En effet, l’Iran, grâce au président russe, va échapper à de nouvelles sanctions du Conseil de Sécurité de l’ONU. En soutenant l’Iran théocratique, génocidaire et nucléarisé, Poutine, à défaut de pouvoir restaurer l’hégémonie soviétique, se contente de rouler les mécaniques et de nous compliquer la vie.
En outre, la Russie participe à la construction de centrales nucléaires en Iran. Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a profité du sommet pour assurer que l’Iran ne renoncera pas à ses ambitions nucléaires ; et il a qualifié de très ferme la déclaration conjointe du sommet. La Russie construit en Iran la centrale nucléaire de Bushehr. La construction a subi du retard en raison des pressions occidentales exercées sur la Russie.
Poutine a également rencontré le guide suprême de la Révolution islamique, l’ayatollah Ali Khamenei. Conformément à la constitution théocratique iranienne, l’ayatollah Khamenei est le véritable décideur pour les affaires d’Etat. Quand Ahmadinejad gesticule, c’est avec l’autorisation de l’ayatollah de service. Avec Khamenei, Ahmadinejad est un patin. Sans Khamenei, Ahmadinejad n’est rien.
Sur un autre plan, les USA étudient actuellement des alternatives, à l’actuelle solution turque, pour approvisionner les troupes américaines en Irak. Motif ? La Turquie menace de retirer aux USA son soutien logistique en Irak, en raison d’une prise de position américaine sur le génocide arménien perpétré par la Turquie en 1905.
L’espace aérien turc est vital pour les USA (70% du fret aérien, 30% du carburant et 95% des blindés pour l’Irak passent par la base turque d’Incirlik). En cas de refus turc, les USA passeront par le sud de l’Irak, par la Jordanie et par le Koweït. Concrètement, une résolution américaine, en bonne et due forme, sur le génocide arménien créerait un motif de colère en Turquie et compliquerait, sans toutefois les empêcher, les opérations américaines en Irak.
Le moment choisit, par les parlementaires (démocrates et post-républicains) américains, pour aborder la question du génocide arménien, perpétré par les turcs en 1905, ce moment, me semble-t-il, est franchement inopportun. C’est à se demander s’ils ne le font pas exprès. Pour torpiller les récentes victoires de Bush en Irak. Et pour augmenter ainsi leurs chances de remporter les présidentielles en 2008. Si tel est vraiment le cas, alors ces parlementaires sont des ânes bâtés (il n’y a apparemment pas que la Russie, pour le dossier iranien, et la Turquie, pour le dossier irakien, qui nous compliquent la vie).
La Turquie envisage d’autre part une intervention dans le nord de l’Irak pour neutraliser les combattants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Entre d’une part, les ennemis et les faux amis de l’extérieur. Et d’autre part, les ennemis et les faux amis de l’intérieur (algoriaques, hillaryques et condyroques), la partie d’échec, contre la terreur islamique, contre le totalitarisme islamique et contre la bêtise humaine, est loin d’être terminée. Quoi de neuf sous le soleil ? Rien. Alors lisons, encore, les Psaumes.