La résistance à l’islamisation se heurte à une opposition puissante et multiforme (1). Face à une telle offensive qui émane de la gauche comme de la droite, il faut s’efforcer de comprendre. Avec l’article consacré au naufrage d’une génération, j’ai essayé d’explorer une piste. J’en ouvre ici une seconde d’ailleurs complémentaire de la première puisqu’elle illustre de nouveau la crise de la raison contemporaine.
Depuis la deuxième guerre mondiale, l’Europe est traumatisée par l’extermination de six millions de personnes, au nom de prétextes raciaux et religieux tous aussi absurdes qu’imaginaires. Cette extermination ayant été précédée par des campagnes de haine, les élites européennes croient aujourd’hui bien faire en stigmatisant toute critique de l’Islamisme (2). Telle est, je pense, la raison essentielle de l’ostracisme que nous subissons. Nous devons donc répondre à la question suivante: peut on établir une comparaison entre les campagnes antisémites qui ont conduit à la Shoah et la résistance à l’islamisation de l’Europe?
Les causes lointaines de l’antisémitisme sont d’abord de nature religieuses et reposent sur le mythe du peuple déicide. Dans notre cas, la critique de l’Islamisme ignore au contraire les notions religieuses et s’efforce toujours de remonter du théologique vers le rationnel (3). Par exemple, notre hostilité au voile repose sur deux notions positives: d’une part, le souci de l’égalité des sexes et d’autre part l’assimilation du voile à l’intégrisme qui soutient le terrorisme islamique. De même, la lutte contre la sharia n’obéit pas à des considérations religieuses: Nous sommes contre la sharia parce qu’elle nie les droits de l’homme les plus élémentaires. Alors que l’antisémitisme s’appuie sur la supériorité d’une religion sur une autre, la résistance à l’Islamisme se fonde sur la défense des droits de l’homme. Voila une première différence fondamentale !
L’autre cause lointaine de l’antisémitisme relève de l’économique. En raison de leur exclusion de certains métiers par les monarchies chrétiennes, les juifs ont été cantonnés dans l’artisanat et le commerce. Bien qu’une majorité ait toujours vécu dans la pauvreté, cette spécialisation involontaire a entraîné la création d’une classe aisée suscitant la jalousie. Peu à peu l’antisémitisme s’est ainsi couplé à l’anticapitalisme pour former le « socialisme des imbéciles ». A l’évidence, cette dimension économique est absente de la résistance à l’Islamisme. Il s’agit donc d’une seconde différence notable.
Lorsqu’on en arrive aux causes immédiates, les différences s’avèrent décisives. En effet, avec l’arrivée d’Hitler au pouvoir, le racisme biologique allait transformer les haines anciennes en fureur homicide. Or, nous mettons au défi quiconque de trouver ne serait ce que l’ombre d’un tel racisme dans les campagnes contre l’islamisation. Nul n’a jamais prétendu que les islamistes formaient une race à part! Cela signifie que la pièce essentielle de la comparaison est manquante.
Il est donc absurde de comparer l’antisémitisme à la résistance à l’islamisation de l’Europe. En revanche, l’Islamisme et l’antisémitisme se ressemblent comme des jumeaux. Tous deux s’alimentent aux mêmes phantasmes religieux et échappent à l’ordre de la raison. Tous deux, s’inspirent aussi du même discours anticapitaliste fondé sur l’idée que les juifs (ou les ploutocrates) domineraient le monde. Certes, l’Islamisme ne se réclame pas du racisme biologique. Outrepassant ce détour inutile, il recommande l’extermination de tous les juifs, à commencer par Israël.
Combattre l’Islamisme, c’est donc se ranger dans le même camp que ceux qui luttèrent contre le nazisme et l’antisémitisme. En revanche, stigmatiser la résistance revient à conforter les néo nazis qui préparent un nouvel holocauste. D’une manière générale, les intellectuels qui nous attaquent au nom d’un discours humaniste participent à une entreprise d’asservissement. En mettant en scène un parallélisme erroné, ils illustrent les tribulations de leur propre raison qui se retourne contre ses défenseurs au profit de ses pires ennemis. Beau sujet de réflexion pour les historiens qui analyseront les causes de notre décadence!
Voila ce qu’il fallait démontrer même si la place manque pour introduire toutes les nuances qu’un sujet aussi sensible exigerait.
Gérard Pince
(1) Citons trois exemples parmi d'autres: Un article du journal "The Guardian" indique que l'islamophobie est aussi inacceptable que le racisme. Dans le même temps, 219 parlementaires européens étudient les moyens de lutter contre l’islamophobie en Europe. Enfin, le maire de Bruxelles interdit notre manifestation pacifiste au motif qu’elle inciterait à la discrimination et à la haine.
(2) On n’aurait plus le droit de critiquer les religions parce qu’on risquerait ainsi de discriminer leurs pratiquants. Cette interprétation restrictive de la liberté, d’ailleurs soutenue par les autres religions, représente un grave recul de l’esprit des lumières. Aujourd’hui, Voltaire serait diabolisé par nos bien pensants.
(3) Certes, on retrouve cette dimension religieuse dans certaines analyses consacrées aux sourates du Coran. Elles ne sont pas pertinentes en dehors de leur sphère théologique. La pensée politique doit toujours s’élever au rationnel et à ce qui existe ici et maintenant afin de porter un jugement sur le réel et non sur les mythes.
Personne ne peut contester à Jean-Marie Le Pen un courage physique et moral exceptionnel. Peu d’hommes politiques ont été aussi critiqués, insultés, vilipendés. Nul ne peut lui contester non plus, sur le plan des idées, son antériorité dans la dénonciation d’une immigration sans contrôles. Il a anticipé les évènements que nous connaissons aujourd’hui et les faits lui ont donné raison dans ce domaine. En dépit de ces acquis, Jean-Marie Le Pen porte de lourdes responsabilités dans la situation que traverse le pays.
En premier lieu, il est en partie responsable de la diabolisation du débat sur l’immigration (1). En substance, ce n’est pas le fait de parler de l’immigration qui a diabolisé Jean-Marie Le Pen. Valery Giscard d’Estaing, par exemple, a évoqué une invasion sans que cela lui porte préjudice. En réalité, Le Pen a organisé sa propre diabolisation en tenant des propos souvent scandaleux, sans rapport avec l’immigration, et qui ont heurté de nombreuses personnes.
Grâce à ce repoussoir, les lobbies pro immigrationnistes ont fort habilement amalgamé tout débat sur l’immigration à des idéologies douteuses. De même que l’idée de résistance passive renvoie à l’image valorisante de Gandhi, toute évocation de l’immigration est associée à l’image diabolisée de Le Pen. En parler conduit donc à se faire aussitôt taxer de racisme et d’antisémitisme. C’est pourquoi peu de personnes (intellectuels et médias) osent s’aventurer sur un terrain aussi miné alors qu’il s’agit pourtant du problème principal des français.
En second lieu, Jean-Marie Le Pen a contribué à la division de la droite. Certes, c’est la droite parlementaire qui a rejeté tout accord avec le Front National, tombant ainsi à pieds joints dans le piège tendu par François Mitterrand mais Jean-Marie Le Pen a contribué à cette division en adoptant des positions abruptes qui rendaient tout rapprochement impossible. Je pense en particulier à son hostilité sans nuances à la construction européenne et à l’atlantisme à un moment ou le péril soviétique menaçait pourtant l’Europe. Je pense aussi à son nationalisme économique opposé à la globalisation et à la liberté des échanges. Ses propositions économiques, si elles avaient été appliquées, auraient ramené la France au niveau de l’Albanie.
En bref, Jean-Marie Le Pen aurait pu constituer un mouvement populaire et contestataire sans pour autant afficher des positions aussi irréalistes. Au lieu de faire des concessions, il a multiplié les provocations. Dans ce contexte, aucune union de la droite n’était possible et les cohabitations résultant de cette situation ont retardé les réformes nécessaires à la France.
Enfin, Jean-Marie Le Pen s’engage à présent dans une impasse. Au cours de la campagne électorale, nous avions déjà entendu d’étranges propos et de bien surprenantes consignes recommandant l’abstention au risque de faire élire l’agitée des Charentes. Depuis sa villégiature du Maroc, Jean-Marie Le Pen récidive. Il tient à l’égard d’Israël des propos que le Hamas pourrait applaudir. Il appuie la volonté de l’Iran de se constituer en puissance atomique au grand péril de nos populations. Jean-Marie Le Pen s’est il donc rallié à Bové ou à Besancenot? Je crois qu’il exprime en fait le fond d’une idéologie inquiétante donnant ainsi un sens à tous ses errements précédents.
Beaucoup d’électeurs ont naguère apporté leurs suffrages à Jean-Marie Le Pen pour exprimer leur protestation. Or il se trouve que sur tous les sujets (à l’exception de l’immigration) les propositions de la Révolution bleue s’avèrent plus radicales tout en étant plus réalistes. C’est donc par le biais de cette dernière, que ces électeurs peuvent manifester leur volonté d’aller plus loin que le gouvernement actuel. De surcroît, la Révolution bleue leur offre un espace politique délivré de tous les repoussoirs qui ont fait tant de mal à leurs revendications légitimes. Il reste évidemment à transformer cet espace en force politique à l’occasion des crises et des chocs qui se produiront dans les prochains mois.
Gérard Pince
(1) En partie seulement car il existe aussi des causes plus générales sur lesquelles nous reviendrons.