
A lire jusqu’à la fin pour comprendre les enjeux stratégiques actuels et en tirer les conclusions qui s’imposent (un gramscisme de droite ?) :
Dans tous les pays d’Europe, les forces nationales se désignèrent immédiatement, instinctivement, comme les forces anti-communistes par excellence. […] le front anti-bolchévique […] qui se forma spontanément et qui, alors, nous protégeait tous. […] Ne pouvant intervenir directement, le Kremlin chercha un moyen de sauter par-dessus les frontières, d’être présent sans avoir à débarquer, d’être au gouvernement sans être contraint de s’emparer du pouvoir et, pour cela, il inventa l’antifascisme. Cette trouvaille géniale n’a pas été saluée comme il convient. Elle est l’âme de la politique moderne, elle a renouvelé les méthodes de la politique, comme l’artillerie a changé celles de la guerre. Elle permet au parti communiste d’être tout-puissant tout en restant minoritaire, de conduire les affaires d’un Etat tout en se montrant jamais, de faire la politique de la Russie par des instruments dociles qui ne sont pas communistes et qui même souvent se disent anti-communistes, enfin d’obtenir de la sottise et de la crédulité des hommes et aussi de leurs passions, ce qu’ils ne pouvaient s’assurer par la force. […] Jusqu’alors, les partis combattaient sous leur propre drapeau, les communistes étaient communistes, les socialistes étaient socialistes, les catholiques étaient catholiques. Le Kremlin comprit que, dans ces conditions, le communisme étant partout minoritaire, ne pourrait nulle part accéder au pouvoir. […] il fallait cesser de combattre à visage découvert, il fallait combattre masqué. […] C’est bien simple : puisqu’on les empêchait de mettre le feu à l’Europe, ils allaient crier au secours, en appeler aux bonnes gens, gémir et se tordre les mains, et réclamer au nom de la liberté le droit de se promener avec des torches. On ne parla plus de programme, on en parla plus de communisme, c’était l’humanité toute entière qu’on sentait menacée. […] Or, par le seul fait qu’on se prononçât contre cette prétendue tyrannie, on devenait un défenseur de la liberté. On cessait d’être communiste, d’être socialiste, d’être catholique, on faisait désormais d’un front commun de la liberté. Le régime stalinien remplissait les prisons, il faisait régner une impitoyable terreur : mais les communistes étaient contre le fascisme, ils étaient donc pour la liberté. Les adversaires de Staline étaient déportés par milliers, la famine dépeuplait des provinces entières : mais les communistes étaient contre le fascisme, ils étaient donc pour le pain de l’ouvrier. La Russie ne songeait plus qu’à fabriquer des canons et des tanks, mais les communistes ne voyaient que les canons et les tanks qui pouvaient un jour s’opposer à la puissance soviétique, ils en exigeaient la disparition, ils étaient donc pour la paix. N’êtes-vous donc pas contre le fascisme ? disaient les communistes aux catholiques et aux socialistes. Donc, vous êtes pour la paix, le pain et la liberté, les catholiques oubliaient que le régime soviétique avait fait disparaître le catholicisme et les socialistes faisaient semblant de croire que le régime de Staline était une démocratie. Ainsi, comme dans les batailles navales un nuage de fumée dissimule les croiseurs, un écran de mot couvrit notre vie politique. Des alliances contre nature se conclurent dans le brouillard. Les catholiques piétinaient paisiblement la croix et les démocrates bafouaient le suffrage universel. Tout était permis, tout était saint, puisque c’était contre le fascisme. On vous fabriquait votre mauvais cochon, en le désignant à vos coups. Qui profitait de tout cela ? L’armée rouge.
Maurice Bardèche, L’oeuf de Christophe Colomb - Lettre à un sénateur d’Amérique (1951)
05.04.2007
Grand moment de désinformation et de falsification historique hier soir sur Arte. Une émission, « L’Europe des fronts populaires », prétendait retracer l’histoire du mouvement « antifasciste » européen, à la veille de la seconde guerre mondiale.
Je tombais dessus par hasard, et la perspective de revoir quelques documents émouvants de cette période critique me retint, malgré la certitude de devoir subir la propagande progressiste habituelle…Et avec Arte, on n’est jamais déçu !
La démonstration était implacable : le camp du Bien , progressiste, c’est-à-dire socialo communiste, bénéficiant de l’aide désintéressée de l’URSS, dans une lutte à mort contre le Mal absolu, c’est-à-dire tout le reste (droite parlementaire classique, Action Française, Croix de feu, mouvements fascistes Européens) étiqueté « ligues factieuses fascistes » ; Un sommet de pensée manichéenne exploitant sans vergogne contre vérités historiques, amalgames et mauvaise foi stratosphérique.
Pas un mot sur l’influence déterminante du Komintern en Europe ou sur la servilité de tous les partis communistes d’Europe à l’égard du PCUS, pas une référence à l’instrumentalisation de cette fameuse « lutte anti fasciste » par une puissance totalitaire désireuse d’étendre la révolution bolchevique sur tout le continent. Que l’on présente les émeutes de février 1934 et ses quelques (malheureuses) victimes comme une menace de subversion fasciste du pouvoir républicain serait risible si le téléspectateur savait qu’au même moment six millions de femmes, d’hommes et d’enfants étaient victimes d’une famine organisée par les soviétiques en Ukraine, et qu’en Asturie, quelques malheureux mineurs misérables manipulés par l’ultra gauche Ibérique se faisaient massacrer par le très efficace (déjà) Francisco Franco.
Je passe sur le beau discours de Maurice Thorez, leader historique du PCF, alors totalement sous la coupe du PCUS, pérorant sur la résistance populaire à la menace fasciste, le même homme qui déserta en 1940 son unité combattante pour fuir à Moscou et revenir comme une fleur en 1944, en pleine épuration (10.000 personnes fusillées à la libération en deux ans versus 20.000 par les Allemands en quatre ans….) et devenir ministre d’état du général…Ca donne mieux que tout une idée de la puissance du PCF à cette époque. Mais ça, il ne fallait pas compter sur Arte pour nous le rappeler !
Un sommet fut atteint avec la guerre civile Espagnole et la légende dorée des brigades internationales versus l’Espagne Franquiste fasciste. Or il n’y a pas de bon côté dans une guerre civile, il n’y a qu’un même peuple qui se déchire ; comment peut-on en 2007 présenter cette tragédie de façon aussi binaire et manichéenne, sans rappeler que toute une Espagne de patriotes non moins sincères prit les armes contre la menace bien réelle d’une dictature bolchevique ? Franco n’était pas un fasciste. Franco était un militaire conservateur croyant, qui méprisait le matérialisme bolchevique et bourgeois, et qui s’appuya tantôt sur la Phalange de Primera (un véritable mouvement fasciste), tantôt sur l’armée, tantôt sur l’Eglise pour consolider son pouvoir. Présenter cette Espagne là comme fasciste dans sa globalité est une imposture.
Ne pas dire un mot de l’aide militaire massive et précoce des Soviétiques, ni de la prise en main des Brigades Internationales par le Komintern évoque soit une inculture dramatique, soit une volonté délibérée de tromper le spectateur.
Au delà de cette œuvre de propagande ordinaire au « Pays des Lumières ™ », je repensais à ce court dialogue entre Zeev Sternhell et René Rémond dans l’excellente émission de Finkielkraut sur France Kultur...(un autre bras de l’hydre propagandiste progressiste). (1)
Sternhell y défendait l’existence d’une tradition fasciste Française, arguant de la présence, à coté de la geste humaniste rationaliste et universaliste issue des Lumières, d’une tradition alternative reposant sur une vision organique de la société, vomissant les droits de l’homme, l’individualisme, l’hédonisme et l’égalité, et se définissant en termes historiques, culturels, raciaux et ethniques…incarnée en 2007 par le FN. Une vision quelque peu binaire que René Rémond réfute en niant l’existence d’une tradition fasciste Française et en dissociant une droite traditionaliste de mouvances fascistes inconstantes sans prise réelle sur la société. Manquerait à cette droite traditionaliste ce caractère révolutionnaire et cette philosophie politique qui fait de l’Etat un absolu, qui sont distinctifs du fascisme. Et Rémond de distinguer cette mouvance intellectuelle fasciste en France (Francisme, Georges Valois, Doriot, PPF), d’une droite réactionnaire (Maurrassienne), conservatrice, hostile aux idéaux des Lumières, et attachée à des valeurs de l’ancien régime, mais sans cette composante révolutionnaire, de subversion d’un ordre existant pour lui en substituer un autre, du mouvement fasciste.
Je pense qu’il serait aussi possible de distinguer une droite libérale (au sens philosophique et politique du terme, surtout), dans la lignée de Tocqueville, qui concilie des valeurs de l’ancien régime et certains des acquits des Lumières, sans lien aucun avec l’idéologie fasciste, bien qu’hostile à certains égards au matérialisme (qu’il soit communiste ou bourgeois).
Je termine avec françois Furet pour qui, « le fascisme est la solution enfin disponible aux impasses de l’idée contre-révolutionnaire ; il permet de récupérer le charme de la révolution au service d’une critique radicale des principes de 1789. » (2)
(1) Qu’est ce-que la France? Stock Panama 2007.
(2) Fascisme et communisme, Furet, Nolte. Pluriel, p.66.
source : http://hoplite.hautetfort.com/