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par Daniel Pipes
New York Sun, 7 août 2007
VO: www.danielpipes.org/article/4793
Devinette: quel pays du Moyen-Orient a disparu de la carte pour plusieurs mois il n’y a pas si longtemps?
Réponse: le Koweït, qui a disparu d’août 1990 à février 1991 pour devenir la 19e province d’Irak. Cette conquête brutale par Saddam Hussein mettait un point d’orgue à des revendications iraquiennes intermittentes remontant aux années 1930. La restauration de la souveraineté du Koweït a nécessité une force expéditionnaire massive de plus d’un demi-million de soldats menée par les États-Unis.
Ces événements reviennent à l’esprit en raison d’une menace analogue à l’encontre du Bahreïn exprimée tout récemment par un porte-parole iranien. Hossein Shariatmadari, allié du guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, et rédacteur en chef du quotidien Kayhan, publia une opinion, le 9 juillet dernier, dans laquelle il affirmait que «le Bahreïn fait partie du territoire iranien, dont il a été séparé par une conspiration illégale [fomentée] par (…) le Shah [Mohammed Reza Pahlavi, ainsi que] les gouvernements américain et britannique». En faisant référence à la population en majorité chiite du Bahreïn, Shariatmadari alla jusqu’à affirmer, sans avancer aucune preuve, que «le peuple bahreïni ne demande rien plus ardemment aujourd’hui que de voir revenir cette province (…) dans le giron de l’Iran islamique».
L’Institut de recherche des médias du Moyen-Orient (MEMRI) rapporte que ces réflexions «ont déclenché une tempête au Bahreïn»: des gens ont protesté devant l’ambassade iranienne, le gouvernement a émis des déclarations sévères, les deux Chambres du Parlement ont voté des résolutions urgentes et une fatwa a même prescrit la peine de mort pour les Bahreïnis qui adopteraient cet irrédentisme iranien. D’autres États du golfe Persique se sont associés à cette réaction en émettant des déclarations tout aussi cinglantes.
Le thème est sensible. Les revendications de Téhéran sur le Bahreïn remontent à 1958, lorsque l’Iran déclara que l’île était sa 14e province et lui attribua même deux sièges à son Parlement national. Bien que le Shah ait formellement reconnu l’indépendance du Bahreïn en 1970, des revendications telles que celle de Shariatmadari sont apparues épisodiquement, à l’image de celles de l’Irak sur le Koweït avant 1990.
Ainsi, le Koweït a bel et bien été englouti par l’Irak et le Bahreïn pourrait subir le même sort. Et ces deux pays ne sont pas les seuls dans ce cas – trois autres États du Moyen-Orient sont également «menacés d’extinction».
L’observation de ces cinq États du Moyen-Orient menacés dans leur existence suscite plusieurs réflexions. Premièrement, leur situation difficile révèle bien la nature exceptionnellement violente, instable et risquée de la vie politique dans cette région. À ma connaissance, aucun État situé hors du Moyen-Orient ne voit ainsi son existence même remise en cause.
Deuxièmement, ce schéma si particulier résulte en partie d’un problème largement répandu de frontières indéterminées. À quelques rares exceptions près – parmi lesquelles, ironie du sort, se trouvent deux des frontières internationales d’Israël –, la majorité des frontières du Moyen-Orient ne sont ni tracées, ni décidées d’un commun accord. Ce révisionnisme «de basse intensité» favorise des ambitions impliquant l’élimination d’un État.
Troisièmement, cette situation met bien en perspective le dilemme d’Israël. Autant le risque de voir un État disparaître est anormal d’une manière générale, autant il est commun dans la région. Les problèmes d’Israël sont certes les mieux connus de tous, et de très loin, avec une couverture médiatique et littéraire des centaines de fois plus importante que celle des quatre autres pays réunis, mais tous les cinq sont confrontés à une menace comparable. Ce contexte donne à penser que le statut incertain d’Israël pourrait se prolonger encore longtemps.
Enfin, ces profondes tensions non résolues traversant le Moyen-Orient mettent une nouvelle fois en lumière l’absurdité de la notion selon laquelle le conflit israélo-arabe serait la source des problèmes de la région entière. Chacun des États en danger affrontent des circonstances qui lui sont propres, aucun d’eux ne guide les affaires politiques régionales dans leur ensemble. Ainsi, résoudre le conflit israélo-arabe n’apporterait pas davantage que de résoudre ce conflit spécifique.