[chapitre 10 complet (sans encadrés), pp. 121-132 - merci à Jonathan qui a fait le gros du boulot — Pistache]
Selon le journaliste Amin Maalouf (dans Les Croisades vues par les arabes), le sac de Jérusalem par les croisés en 1099 représente « le point de départ de l’hostilité millénaire entre l’Islam et l’Occident ».[1] L’intellectuel et apologiste de l’Islam John Esposito développe cette notion : il reproche aux croisades (« de prétendues guerres saintes ») d’avoir, d’une manière générale, entravé une civilisation pluraliste : « Cinq siècles de coexistence pacifique s’écoulèrent avant que des événements politiques et l’intervention d’un pape impérialiste ne viennent initier plusieurs siècles de prétendues guerres saintes opposant la Chrétienté à l’Islam qui laissèrent un climat de malentendu et de méfiance perdurant jusqu’à nos jours. »[2]
Maalouf ne semble pas vouloir envisager que cette « hostilité millénaire » ait pu commencer avec la menace voilée du prophète Mohamed à l’encontre de ses voisins non musulmans, émise 450 ans avant que les croisés n’entrent dans Jérusalem: « Adoptez l’Islam et vous serez saufs. »[3] Il n’aborde pas non plus la possibilité que les Musulmans aient pu susciter cette « hostilité millénaire » par la conquête de territoires chrétiens – deux tiers de ce qui avait été jusque là le monde chrétien – des siècles avant les croisades. Les « cinq siècles de coexistence pacifique » d’Esposito sont illustrés selon lui par la conquête de Jérusalem en 638 au cours de laquelle « les églises et la population chrétiennes ne furent pas agressées. »[4] Il omet de mentionner le sermon de Noël de Sophronius en 634 qui dénonçait « la sauvage, barbare et sanglante épée » musulmane et à quel point cette épée avait rendu la vie des Chrétiens difficile.[5]
Mythe PC : Les croisades furent une attaque non provoquée de l’Europe contre le monde musulman
Faux. La conquête de Jérusalem en l’an 638 marqua le début de plusieurs siècles d’agression musulmane et d’aggravation des persécutions à l’encontre des Chrétiens de Terre Sainte. Quelques exemples : au début du VIIIe siècle, soixante pèlerins chrétiens d’Amorium furent crucifiés ; à la même époque, le gouverneur musulman de Césarée captura et exécuta un groupe de pèlerins en provenance d’Iconium sous prétexte d’espionnage (à l’exception de quelques-uns qui se convertirent à l’Islam) ; menaçant de piller l’église de la Résurrection, les Musulmans exigèrent de l’argent des pèlerins. Plus tard au VIIIe siècle, un chef musulman interdit toute exhibition de la croix dans Jérusalem. Il augmenta l’impôt religieux (jizya) à la charge des Chrétiens et interdit à ces mêmes Chrétiens d’enseigner la religion chrétienne, même à leurs propres enfants.
La soumission par la force et la violence devint la règle pour les Chrétiens vivant en Terre Sainte. En l’an 772, le calife al-Mansur ordonna que les mains des Chrétiens et des Juifs soient marquées d’un signe distinctif. Les conversions au Christianisme furent traitées de manière particulièrement brutale. En l’an 789, les Musulmans décapitèrent un moine musulman qui s’était convertit au Christianisme et saccagèrent le monastère de Saint Théodose à Bethléem, tuant plusieurs autres moines. D’autres monastères de la région subirent le même sort. Au début du IXe siècle, les persécutions s’intensifièrent à tel point qu’un grand nombre de Chrétiens s’enfuirent vers Constantinople et d’autres villes chrétiennes. En l’an 923, de nouvelles persécutions conduisirent à la destruction d’églises et, en l’an 937, pendant le dimanche des Rameaux à Jérusalem, les Musulmans pillèrent et détruisirent les églises du Calvaire et de la Résurrection.[7]
En réponse aux persécutions subies par les Chrétiens, les Byzantins passèrent d’une politique défensive à une politique offensive vis-à-vis des Musulmans, tenant de reconquérir certains de leurs territoires perdus. Dans les années 960, le général Nicéphore Phokas (futur empereur byzantin) entreprit une série de campagnes militaires victorieuses contre les Musulmans. Il reprit la Crête, la Cilicie, Chypre et même certaines parties de la Syrie. En 969, il reconquit l’antique cité chrétienne d’Antioche. Les Byzantins étendirent leur campagne en Syrie dans les années 970.[8]
Selon la théologie musulmane, tout territoire ayant appartenu au Domaine de l`Islam lui appartient à jamais, et les musulmans doivent entrer en guerre pour en récupérer le contrôle. En 974, ayant essuyé une série de défaites contre les Byzantins, le calife Abbasside (sunnite) de Bagdad déclara le jihad. Celui-ci faisait suite à une série de jihads annuels initiée par Saif al-Dawla, chef chiite de la dynastie Hamdanide à Alep entre 944 et 967. Saif al-Dawla appelait les musulmans à lutter contre les Byzantins sous prétexte que ces derniers s’emparaient de territoires appartenant au Domaine de l’Islam. Cet appel fut si populaire qu’il motiva des guerriers musulmans provenant de régions aussi lointaines que l’Asie Centrale à se joindre au jihad.[9]
Mais ce jihad fut compromis par les clivages entre Sunnites et Chiites et, en 1001, l’empereur byzantin Basile II conclut une trêve de dix ans avec le calife Fatimide (chiite).[10]
Basile apprit cependant bientôt à ses dépens que de telles trêves sont illusoires. En 1004, le sixième calife Fatimide, Abu’Ali al-Mansur al-Hakim (985-1021) se retourna violemment contre la foi de sa mère et de ses oncles chrétiens (dont deux étaient des patriarches) et organisa la destruction d’églises, l’incendie de croix et la saisie des biens de l’église. Il s’en prit également aux juifs avec la même férocité. En l’espace de dix ans, 30 000 églises furent détruites et d’innombrables Chrétiens se convertirent à l’Islam pour sauver leur vie. En 1009, al-Hakim ordonna le plus spectaculaire de ses méfaits antichrétiens : la destruction de l’église du Saint Sépulcre à Jérusalem, ainsi que de plusieurs autres (dont l’église de la Résurrection). L’église du Saint Sépulcre, reconstruite par les Byzantins au VIIe siècle après avoir été incendiée par les Perses, marque l’endroit où la tradition situe le tombeau du Christ ; elle servit aussi de modèle pour la mosquée Al-Aqsa. Al-Hakim ordonna que le tombeau qu’elle abritait soit excavé jusqu’à la roche. Il contraignit les Chrétiens à porter une lourde croix au cou (et, pour les juifs, de pesants morceaux de bois en forme de veau). Il accumula ce type de décrets humiliants [envers les non-Musulmans] jusqu’à imposer le choix entre la conversion à l’Islam ou l’exil.[11]
Finalement, ce calife fantasque modéra sa persécution des non-Musulmans et restitua même une large part des biens saisis à l’Église.[12] Une des raisons du changement d’attitude d’al-Hakim fut probablement sa prise de distance progressive avec l’orthodoxie islamique. En 1021, il disparut dans des circonstances mystérieuses ; certains de ses partisans le déclarèrent d’essence divine et fondèrent une secte basée sur le mystère de sa disparition et sur d’autres enseignements ésotériques émanant d’un religieux musulman, Muhammad ibn Isma’il al-Darazi (qui donna son nom à la secte druze).[13] Grâce au revirement d’al-Hakim, dont la nouvelle politique fut maintenue après sa mort, il fut permis aux Byzantins de reconstruire l’église du Saint Sépulcre en 1027.[14]
Néanmoins, la situation des Chrétiens était précaire et les pèlerins restaient menacés. En 1056, les Musulmans expulsèrent 300 chrétiens de Jérusalem et interdirent aux Chrétiens d’Europe de pénétrer dans l’église du Saint Sépulcre.[15] Lorsque les Turcs seldjoukides, des fanatiques forcenés, descendirent sur la région depuis l’Asie Centrale, ils y insufflèrent une nouvelle ferveur islamique, rendant la vie de plus en plus difficile à la fois pour les Chrétiens de Jérusalem et pour les pèlerins étrangers (qu’ils empêchèrent de poursuivre leur voyage). Après qu’ils eurent écrasé les forces byzantines à Manzikert en 1071 et fait prisonnier l’empereur Romain IV Diogène, l’Asie Mineure toute entière s’ouvrait à eux ; leur avance devint pratiquement irrésistible. En 1076, ils conquirent la Syrie ; en 1077, Jérusalem. L’émir seldjoukide Atsiz bin Uwaq promit d’épargner les habitants de Jérusalem, mais une fois que ses hommes eurent pénétré dans la ville, ils tuèrent trois mille personnes.[16] La même année, les Seldjoukides établirent le sultanat de Rum (Rome, en référence à la Nouvelle Rome, Constantinople) à Nicée, dangereusement proche de Constantinople elle-même. De là, ils continuèrent à menacer les Byzantins et à harceler les Chrétiens de leurs nouveaux domaines.
L’empire chrétien de Byzance, qui avant les guerres de conquête de l’Islam avait régné sur de vastes territoires comprenant le sud de l’Italie, l’Afrique du nord, le Moyen-Orient et l’Arabie, se trouvait réduit à un peu plus que la Grèce. Il semblait sur le point de mourir de la main des Seldjoukides. L’Église de Constantinople considérait les papes comme schismatiques, et se querellait avec eux depuis des siècles ; mais le nouvel empereur Alexis I Comnène (1081-1118) ravala sa fierté et appela à l’aide. Et c’est ainsi que prit naissance la première Croisade : en réponse à l’appel à l’aide de l’empereur byzantin.
Mythe PC : Les croisades constituent une première manifestation de l’impérialisme prédateur de l’Occident
Impérialisme prédateur ? Pas vraiment. Le Pape Urbain II, qui appela à la première croisade lors du concile de Clermont en 1095, ne réclamait qu’une action défensive – qui tardait depuis trop longtemps. Comme il l’expliqua, il lança cet appel parce que, sans action défensive, les Turcs et les forces musulmanes « porteraient leurs ravages plus avant ». Après avoir exhorté ses fidèles à rester en paix les uns avec les autres, il tourna leur attention vers l’Orient :
« Il est urgent, en effet, que vous vous hâtiez de marcher au secours de vos frères qui habitent en Orient, et ont grand besoin de l’aide que vous leur avez, tant de fois déjà, promise hautement. Les Turcs et les Arabes se sont précipités sur eux, ainsi que plusieurs d’entre vous l’ont certainement entendu raconter, et ont envahi les frontières de la Romanie [l’Empire byzantin], jusqu’à cet endroit de la mer Méditerranée, qu’on appelle le bras de Saint-Georges, étendant de plus en plus leurs conquêtes sur les terres des Chrétiens. Sept fois déjà ils ont vaincu ceux-ci dans des batailles, en ont pris ou tué grand nombre, ont renversé de fond en comble les églises, et ravagé tout le pays soumis à la domination chrétienne. Si vous souffrez qu’ils commettent quelque temps encore et impunément de pareils excès, ils porteront leurs ravages plus loin, et écraseront une foule de fidèles serviteurs de Dieu.C’est pourquoi je vous avertis et vous conjure, non en mon nom, mais au nom du Seigneur, vous les hérauts du Christ, d’engager par de fréquentes proclamations les Francs de tout rang, gens de pied et chevaliers, pauvres et riches, à s’empresser de secourir les adorateurs Christ, pendant qu’il en est encore temps, et de chasser loin des régions soumises à notre foi la race impie des dévastateurs. Cela, je le dis à ceux de vous qui sont présents ici, je vais le mander aux absents; mais c’est le Christ qui l’ordonne. »[17]
Soulignons que le pape ne dit pas un mot sur la conversion ou la conquête. Un appel à « chasser loin des régions soumises à notre foi la race impie des dévastateurs » résonne durement selon les standards d’aujourd’hui ; cependant, il ne s’agissait pas d’une exhortation au génocide, mais plutôt d’extirper la domination islamique de terres qui avaient appartenu aux Chrétiens. Un chroniqueur rapporte qu’Urbain prononça ces mots au début de son discours : « (…) Nous voulons vous faire connaître quelle cause douloureuse nous a amené dans vos pays, comment nous y avons été attirés par le péril qui vous menace, vous et tous les fidèles. (…). »
Des confins de Jérusalem et de la ville de Constantinople nous sont parvenus de tristes récits : souvent déjà nos oreilles en avaient été frappées; des peuples du royaume des Persans, nation maudite, nation entièrement étrangère à Dieu, race qui n’a point confié son esprit au Seigneur, a envahi en ces contrées les terres des chrétiens, les a dévastées par le fer, le pillage, l’incendie, a emmené une partie d’entre eux captifs dans son pays, en a mis d’autres misérablement à mort, a renversé de fond en comble les églises de Dieu, ou les a fait servir aux cérémonies de son culte; ces hommes renversent les autels après les avoir souillés de leurs impuretés. (…) Ils ont démembré l’empire grec, et en ont soumis à leur domination un espace qu’on ne pourrait traverser en deux mois de voyage. (…) Cette cité royale, située au milieu du monde, maintenant tenue captive par ses ennemis, est réduite en la servitude de nations ignorantes de la loi de Dieu; elle vous demande donc et souhaite sa délivrance, et ne cesse de vous implorer pour que vous veniez à son secours. C’est de vous surtout qu’elle attend de l’aide, parce qu’ainsi que nous vous l’avons dit Dieu vous a accordé, par-dessus toutes les nations, l’insigne gloire des armes: prenez donc cette route, en rémission de vos péchés, et partez assurés de la gloire impérissable qui vous attend dans le royaume des cieux.[26]
L’appel du pape évoqua la destruction de l’église du Saint Sépulcre par les Musulmans: « Soyez touchés surtout en faveur du saint sépulcre de Jésus-Christ, notre sauveur, possédé par des peuples immondes, et des saints lieux qu’ils déshonorent et souillent avec irrévérence de leurs impuretés. »[27]Les croisades prirent la forme de pèlerinages : les Chrétiens d’Europe se mirent en route motivés par des raisons religieuses et avec l’intention de se défendre si leur parcours était entravé ou s’ils étaient attaqués. Beaucoup prononcèrent leurs vœux. Surtout au début, un grand nombre de non-soldats se mirent en route vers la Terre Sainte – et la plupart des participants à cette « Croisade populaire » furent massacrés sans cérémonie par les Turcs en Asie Mineure occidentale en août 1096.
Mythe PC : Les croisades étaient motivées par l’appât du gain
Il est évident que les croisés n’étaient pas tous animés d’intentions parfaitement pures. Nombre d’entre eux ne se montrèrent pas à la hauteur des grands idéaux des pèlerins chrétiens à plusieurs égards. Mais le dogme politiquement correct qui consiste à dépeindre les croisades comme des entreprises non provoquées et impérialistes contre une population musulmane paisible est historiquement faux et procède plutôt d’une aversion pour la civilisation occidentale que d’une recherche historique sincère.
Le pape Urbain n’a jamais considéré les croisades comme une occasion de s’enrichir. Il décréta que les terres reprises aux Musulmans seraient rendues à Alexis Comnène et à l’Empire Byzantin. Le pape voyait dans les croisades un sacrifice et non une opération profitable.[28]
En fait, la participation à une croisade était une aventure ruineuse. Les croisés vendaient leurs biens pour financer ce long voyage jusqu’en Terre Sainte, tout en sachant qu’ils n’en reviendraient peut-être pas.
Pour prendre un exemple typique de croisé, Godefroi de Bouillon, duc de Basse-Lorraine, l’un des plus importants seigneurs européens qui prirent la Croix (comme on désignait alors le fait de se joindre à la croisade), vendit plusieurs de ses propriétés pour financer son voyage. Mais il avait la ferme intention de revenir dans ses terres plutôt que de s’installer au Moyen-Orient, puisqu’il ne céda ni son titre, ni la totalité de ses biens.[29]
De récentes études de documents des croisés révèlent que la grande majorité d’entre eux n’étaient pas des « cadets » cherchant fortune au Moyen-Orient. La plupart, à l’image de Godefroi, étaient des seigneurs régnant sur leur propre domaine, des hommes qui avaient tout à perdre.[30] Incontestablement, certains croisés s’enrichirent après la première croisade. Foucher de Chartres écrit : « Ceux qui étaient pauvres là-bas, ici Dieu les a rendus riches. Ceux qui n’avaient là-bas que quelques pièces possèdent ici force besants ; et ceux qui n’avaient pas même un toit, ici, par la grâce de Dieu, possèdent toute une cité. »[31] Mais la plupart de ceux qui revinrent en Europe n’y ramenèrent aucun bien matériel pour prix de leurs efforts.
Mythe PC : Les croisades furent lancées pour convertir de force les Musulmans au Christianisme
À entendre certains aficionados de la rectitude politique, les croisés envahirent le Moyen-Orient l’épée à la main et pourfendirent tous les « infidèles » qu’ils rencontrèrent, à l’exception de ceux qu’ils forcèrent à se convertir au christianisme. Mais cette version criarde des faits n’est qu’une fiction servant des objectifs politiques. Aucune des transcriptions des discours du pape Urbain au concile de Clermont ne mentionne quelque injonction que ce soit à convertir les Musulmans. La seule préoccupation du pape était de défendre les pèlerins chrétiens et de reprendre les terres chrétiennes. Ce n’est que plus d’un siècle après la première croisade que des Chrétiens européens tentèrent de convertir les Musulmans au christianisme de manière concertée, lorsque les Franciscains commencèrent à faire œuvre de missionnaires parmi les Musulmans vivant sur des terres en mains chrétiennes. Cet effort demeura cependant très infructueux.
Là où les croisés furent victorieux et établirent des royaumes et des principautés au Moyen-Orient, ils laissèrent généralement les Musulmans de leurs domaines vivre en paix, pratiquer leur religion, bâtir des mosquées et des écoles, et maintenir leurs propres tribunaux religieux. Certains ont comparé leur statut à celui réservé aux dhimmis vivant en terre d’Islam, qui conservaient une certaine autonomie mais étaient soumis à de lourds impôts et à d’autres restrictions. Il est probable que les croisés adoptèrent certaines des lois relatives à la dhimmitude déjà en place, mais jamais ils ne soumirent les Juifs ou les Musulmans à des codes vestimentaires. Juifs et Musulmans n’eurent ainsi pas subir de discriminations et de harcèlements quotidiens,[32] comme c’était la règle sous l’administration musulmane. La différence fondamentale réside dans le fait que la dhimma ne fit jamais partie des lois et doctrines chrétiennes, alors quelle fait partie intégrante de l’Islam.
En outre, le Musulman espagnol Ibn Jubayr (1145-1217), qui traversa la Méditerranée au début des années 1180 pour se rendre à La Mecque, découvrit que les Musulmans placés sous domination chrétienne vivaient mieux que dans les territoires islamiques, à tel point que les Musulmans eux-mêmes préféraient vivre sur les terres des croisés :
« Au départ de Tibnin (près de Tyr), nous traversâmes un écheveau continu de fermes et villages situés sur des terres bien cultivées. Tous les habitants étaient musulmans, mais ils vivaient à l’aise avec les Franj [Francs, ou croisés] – que Dieu les préservent de la tentation ! Ils possèdent leurs habitations et leurs biens sont respectés. Toutes les régions contrôlées par les Franj en Syrie sont soumises à ce système : propriétés foncières, villages et fermes sont restés aux mains des Musulmans. Maintenant, le doute s’empare du cœur de beaucoup de ces hommes quand ils comparent leur condition à celle de leurs frères vivant en territoire musulman. En effet, ces derniers doivent subir l’injustice de leurs coreligionnaires, alors que les Franj agissent avec équité. »[33]
Autant pour la controverse selon laquelle les croisés ne furent que des barbares qui s’attaquèrent à une civilisation largement supérieure.
* * *
1. Amin Maalouf, Les Croisades vues par les Arabes, Lattès, 1986
2. John Esposito, Islam: The Straight Path, troisième édition, Oxford: Oxford University Press, 1998, 58.
3. Bukhari, vol. 4, livre 56, no 2941.
4. Esposito, op. cité, 58.
5. Cité par Bat Ye’or, Les chrétientés d’orient entre jihad et dhimmitude (VIIe - XXe siècle), Éd. Le Cerf , 1991
7. Moshe Gil, A History of Palestine, 634-1099, Cambridge: Cambridge University Press, 1992, 473-76. À son crédit, on peut signaler que le calife al-Muqtadir fit reconstruire les églises démolies lors des persécutions de 923.
8. Steven Runciman, Histoire des croisades, Éd. Dagorno, 1998
9. Carole Hillenbrand, The Crusades: Islamic Perspectives, Oxford: Routledge, 2000, 101.
10. S. Runciman, op. cité.
11. M. Gil, op. cité, 376.
12. S. Runciman, op. cité ; Hillenbrand, op. cité, 16-17; Jonathan Riley-Smith, Les Croisades, Pygmalion, 1999
13. Bernard Lewis, Les Assassins, Éd. Complexe, 2001
14. S. Runciman, op. cité.
15. Ibid., 49.
16. M. Gil, op. cité, 412.
17. Version de Foucher de Chartres. Traduction prise dans Duc de Castrie, La conquête de la Terre sainte par les croisés, Paris, Albin, 1973, pp. 209-210. http://www.callisto.si.usherb.ca/~croisade/Clermont.htm
26. Version de Robert le Moine. Traduction prélevée dans Duc de Castries, La conquête de la Terre sainte par les croisés, Paris, Albin Michel, 1973, pp. 195-199., http://www.callisto.si.usherb.ca/~croisade/Clermont.htm
27. Ibid.
28. Ibid.
29. Thomas Madden, Croisades, Sélection du Reader’s Digest, 2005
30. Ibid.
31. Foucher de Chartres, Historia Hierosolymitana
32. Jonathan Riley-Smith, The Oxford Illustrated History of the Crusades, Oxford: Oxford University Press, 1995, 116.
33. Maalouf, op. cité
L'éternel retour du djihad
Toutes les lois, divines ou pas, contiennent des injonctions violentes. Seules les lois des pays démocratiques les plus civilisés ne prévoient que des peines dont les âmes sensibles n'ont jamais vraiment à s'émouvoir. Mais celles de l'Islam possèdent des particularités qui les rendent extrêmement dangereuses.
Source divine
Toutes les lois islamiques sont censées provenir plus ou moins directement du Dieu créateur. Certes, toutes les lois, même occidentales, se réclament de Dieu à un moment ou un autre de leur histoire. Mais celles de l'islam sont les plus proches de Dieu qui soient: elles proviennent de la parole même de Dieu et sont donc extrêmement difficiles à adapter, voire impossible lorsqu'elles sont parfaitement claires. Dans certains cas, en effet, l'interprétation est permise, mais uniquement sur des points prêtant à interprétation et dans la mesure où ce processus d'adaptation (ijtihad), en ce moment interrompu, pourrait être repris. Mais les éléments qui posent problème – tels que les ordres de tuer les infidèles – n'ont pas à être interprétés: ils sont présents en langage clair, comme autant d'injonctions divines. À cela s'ajoute l'ordre, divin également (III:7), de ne considérer comme obligatoires et licites que les versets du Coran dont le sens est parfaitement clair. Les versets prêtant à équivoque sont en effet décrits comme étant volontairement impossible à comprendre, outre pour Dieu lui-même, afin de perdre les égarés.
Message clair
Les lois les plus agressives de l'islam – tuer, mutiler, exclure les non-Musulmans – sont des ordres directs on ne peut plus clairs et maintes fois répétés dans l'ouvrage central des Musulmans, le Coran. L'Islam porte en son cœur même un effort de prosélytisme ultime. Le nombre de versets du Coran consacrés à cet effort, au châtiment des non-Musulmans, à l'exhortation des fidèles à répandre la religion islamique au prix de leur vie (avec à la clé les meilleures places du paradis islamique) et l'insistance quasiment obsessionnelle des psalmodies coraniques sur ce point, tout ceci renforcé encore par la bonne compréhension de la principale sourate coranique, la première, rendent impossible toute adaptation au seul niveau de l'interprétation juridique. En effet, quiconque lit le texte se sent porté par un ordre direct de Dieu à répandre l'islam dans le monde. Aucune interprétation ne pourra changer cela. Un Islam qui serait tolérant à cet égard ne serait tout simplement plus l'Islam des textes, du Coran, de la parole divine révélée par Mahomet, et devrait entrer en concurrence avec celui-ci. Pour supprimer le djihad, il faudrait donc un autre Coran, dont la force de conviction soit au moins comparable à celle du Coran de Mahomet.
Ni clergé ni repères
Si l'Islam avait une Église, un pape, l'on pourrait rêver de convaincre ses responsables de prononcer un aggiornamento. Si peu probable que cela puisse être compte tenu du contenu du message coranique, encore une fois résolument centré sur la nécessité, à tout prix de répandre l'islam, le projet sera tout de même envisageable. Certains en parlent, d'ailleurs, en considérant les mollahs chiites iraniens comme l'amorce d'un tel clergé. Mais les chiites sont censés constituer 10 à 15% seulement des Musulmans. C'est trop peu. De plus, leurs rites les autorisent à mentir pour répandre l'Islam, si bien qu'une réforme pro-occidentale de leur part manquerait totalement de crédibilité. En outre, rien n'indique que l'expérience iranienne ne se dirige dans cette direction, au contraire. Ainsi, chaque Musulman, en tant qu'individu, se sent le soldat de Dieu, se sent légitimé, dès lors qu'il prie beaucoup et qu'il approfondit l'étude de sa religion, à tuer, à mutiler, à dominer ses semblables. La couche de culture, qu'elle provienne d'une nation dominée ou non par l'Islam, disparaît alors très vite devant cet appel de la foi, l'appel au djihad. Et aucune autorité morale terrestre ne peut concurrencer cela.
Confirmation historique
L'Islam est à la base une religion conquérante. Son prophète a mené des dizaines de campagnes militaires. En fait, dès qu'il eut réuni un nombre respectable d'adeptes, il consacra tout son temps à la guerre (9 campagnes par an en moyenne). Et ce ne sont pas là des interprétations discutables. Les apologistes de l'Islam veulent voir dans ces affrontements autant de légendaires victoires accompagnées par des cortèges d'anges, tandis qu'un examen plus objectif laisse entrevoir d'horribles boucheries et brigandages sans la moindre trace d'honneur, mais personne ne nie les activités militaires de l'Islam des premières années. C'est impossible, toutes les sources originales en tirent gloire. Certes, les discussions sur les guerres islamiques s'embrouillent très vite sur la question des responsabilités, du premier outrage. Mais aucun Musulman ne saurait contester la soif de violence dont l'Islam a fait preuve sur de quelconques bases historiques – la contestation ne porte jamais que sur des questions de justification. Et, en dernier recours, Dieu est toujours là pour trancher. De préférence à la nuque.
Absence de contestation
Jamais un Musulman n'a contesté le message central de l'Islam – le djihad – de manière ouverte et efficace sans en mourir très vite. Mais il est permis de faire croire qu'on le souhaiterait. Les soi-disant modérés modernes sont le plus souvent des hommes habiles, de fins psychologues, qui cherchent à tromper les Occidentaux peu habitués à ce genre de ruses en les payant de mots. Mais aucun d'entre eux ne contestent le contenu du Coran, jamais – au mieux, ils le nient ou évoquent de fallacieux espoirs d'interprétation – après, plus tard. Or c'est dans le Coran que se trouve la motivation essentielle à tuer, mutiler, dominer «l'autre». Et que vaut la parole d'un menteur habile, pour un Musulman, contre celle de Dieu révélée dans le Coran? Rien.
Inanité fondamentale
Si l'Islam était une vraie religion, avec une vraie culture, de vraies valeurs d'écoute et de médiation, une philosophie respectant et aimant l'humanité telle qu'en elle-même, une éthique évoluée, nous pourrions considérer les oppositions à sa progression comme autant de manifestations de simple intolérance. Mais l'Islam, au fond, n'est qu'un crime. Et l'Islam revient toujours au crime de ses origines. Ainsi, rien ne permet d'espérer qu'une société islamique pourra jamais produire une cohabitation harmonieuse entre les êtres, même nous devions être tous des Musulmans un jour. Le monde n'a aucun avenir avec l'Islam, si ce n'est le chaos et la barbarie. À moins bien sûr qu'un calife parfait et éternel ne descende du ciel.
Aggravation récente
Tout cela pourrait encore être considéré comme négligeable si l'incitation à la haine et à la destruction véhiculée par les écritures coraniques n'était plus qu'un mauvais souvenir, que seuls quelques rares fanatiques rallument de manière ponctuelle, sporadique, désorganisée, isolée. Mais l'Islam grandit, et avec lui le terrorisme, la rancœur, la haine, les violences de son message central. Comment pourrait-il en être autrement? Depuis 1400 ans, le message de Mahomet – haïr les Juifs, mépriser les Chrétiens, islamiser le monde, châtier sans pitié tous les infidèles, au nom du Dieu le plus grand (Allahou Akbar) – est resté intact. Ce message est l'arme parfaite du crime lui-même. Celui qui le lit y trouve une motivation et une justification ultimes à terroriser le monde et ceux à qui ce message ne plaît pas ne bénéficient pas, par définition, d'une motivation suffisante, si ce n'est par la vigueur alors du moins toujours par la durée, pour s'opposer aux premiers. Dans un contexte de guerre, les Musulmans convaincus partent donc gagnants, et nombre de ceux qui comprennent cela préfèrent les laisser dominer. Il en a toujours été ainsi. C'est là la meilleure matérialisation, la plus achevée, du combat entre le crime et la vertu. Ainsi, dès lors que l'Islam grandit, peut importe par quel moyen, son noyau dur grandit avec lui et son influence aussi. Et le crime s'installe. Et c'est ainsi que le monde islamique croît, regorgeant de jeunes gens à l'âme polluée et à l'avenir tronqué, fascinés par ce crime ultime que leur religion leur livre sur un plateau de faux argent: le djihad.
Point de non retour
Aujourd'hui, il semble qu'il ne sera plus possible de simplement rafistoler le problème que pose l'Islam. Il faudra le résoudre ou en mourir. La dernière idéologie aussi potentiellement (et réellement) meurtrière, le communisme, pouvait être contenue, jusqu'à l'effondrement qui révéla ses chimères, car elle s'accrochait encore à certains territoires matériels. Mais l'Islam a moins encore de frontières physiques. Il voyage presque uniquement par les âmes, les convictions, l'information. Et rien ne se répand aussi aisément que l'information, aujourd'hui. Ainsi, si nous autres, les gens de notre temps, sommes dignes de notre avenir, nous allons sans doute avoir l'occasion de le prouver. Comme dans ce combat éternel où se rêvent les chevaliers de tous les âges, il s'agit de confondre le crime en révélant l'illusion qui lui sert de corps visible. Alors, il disparaîtra. Et le souvenir pourra nous protéger de son retour.
Il faut faire toute la lumière sur l'Islam, sinon ses ténèbres pourraient bien nous étouffer tous, cette fois.
Alain Jean-Mairet
Page 128 du P.I.G.
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Comme ils l’ont fait à travers l’histoire, les guerriers musulmans parcourent de longues distances afin de participer aux jihads contemporains. Dans les années 90, les Balkans sont devenus une destination prisée par les vétérans des jihads d’Afghanistan et de Tchétchénie. Un important commandant jihadiste en Bosnie, Abu Abdel Aziz, explique qu’il s’y rendit après avoir rencontré plusieurs autorités islamiques en Arabie Saoudite.
«Elles soutiennent toutes», dit-il, « la position religieuse selon laquelle ‹le combat en Bosnie est un combat pour faire régner le Verbe d’Allah et protéger la vertu des musulmans›. C’est parce qu’Allah dit (en son Livre Saint), ‹s’ils vous demandent secours, eu égard à la religion, à vous de les secourir› (VIII:72). C’est donc notre devoir (religieux) que de défendre nos frères musulmans où qu’ils se trouvent, dès lors qu’ils sont persécutés parce qu’ils sont musulmans et non pour une autre raison.» (1)
Avant, pendant, et après la guerre de 2003 en Irak, les jihadistes ont afflué dans ce pays en provenance du monde entier – y compris de quelques endroits inattendus ; un haut fonctionnaire de la sécurité allemande remarquait fin 2003 que «depuis la fin de la guerre, il y a eu un grand mouvement de personnes motivées par l’extrémisme islamique depuis l’Allemagne et le reste de l’Europe vers l’Irak.»(2)
(1) Tawfiq Tabib, “Interview with Sheikh al-Mujahideen Abu Abdel Aziz,” Al-Sirat Al-Mustaqeem (Le droit chemin), août 1994; peut être lu sur http://www.seprin.com/laden/barbaros.html
(2) Stephen Graham, “Muslim Militants From Europe Drawn to Iraq,” Associated Press, 3 novembre 2003.
Page 127 du P.I.G.
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Dans la loi islamique, le jihad est obligatoire à chaque fois qu’un territoire musulman est agressé : «Quand des non-musulmans envahissent un pays musulman ou s’en approchent, le jihad est une obligation personnelle incombant aux habitants de ce pays, qui doivent repousser les non-musulmans par tous les moyens à leur disposition.»(1)
On trouve des appels au jihad tout au long de l’histoire de l’Islam. Lorsque le chef hamdanide Sayf al-Dawla conduisait des campagnes jihadistes annuelles contre les Byzantins au milieu du X° siècle, les musulmans venaient de loin pour y participer; et ce parce que, selon leur vision des choses, les Byzantins menaient des guerres agressives pour s’emparer de terres musulmanes. Plus tard, pendant la première croisade, un poète exhortait ainsi les musulmans à réagir : «N’avez-vous pas un engagement envers Allah et l’Islam, et ne devez-vous donc pas défendre les hommes, jeunes et vieux ? Répondez à [l’exhortation d’]Allah ! Maudits soyez-vous ! Réagissez !»(2) Le vénérable juriste islamique Ibn Taymiyya (Taqi al-Din Ahmad Ibn Taymiyya, 1263-1328), le plus apprécié des jihadistes contemporains, envisageait le jihad comme un absolu : «Si l’ennemi veut attaquer des musulmans, le repousser devient alors un devoir pour tout ceux subissant l’attaque, et pour les autres qui doivent les y aider.»(3)
Voici quelques autres exemples d’appels au jihad datant de ces cent dernières années : En 1914, le calife ottoman Sultan Mehmet V émit une fatwa [édit religieux] appelant au jihad au début de la première guerre mondiale ; en 2003, un groupe jihadiste Tchétchène proclamait : «Lorsque l’ennemi pénètre dans un territoire, une ville ou un village où vivent des musulmans, alors tous sont obligés de faire la guerre.»(4) En 2003, le Centre Islamique pour la Recherche de l’université d’Al-Azhar, au Caire, publia cette déclaration: «La logique et la religion islamique veulent que si l’ennemi procède à des raids sur la terre des Musulmans, le djihad devienne un commandement pour chacun, pour chaque Musulman, homme ou femme, car notre nation islamique est alors sujette à une nouvelle invasion de croisade prenant pour cible la terre, l’honneur, la croyance et la patrie.»(5) Et enfin, Cheik Omar Bakri Muhammad, l’imam jihadiste notoire basé à Londres jusqu’il y a peu, affirmait fin 2002 le devoir de jihad «lorsque l’ennemi entre en territoire musulman, comme en Palestine, en Tchétchénie, au Kosovo ou au Cachemire (…) [pour] tous les musulmans qui peuvent accéder au lieu de l’agression. (…) Les musulmans, partout dans le monde, auront l’obligation, depuis le premier jour de conflit, de soutenir ceux qui se battent, soutien qui peut être verbal, physique ou financier…»(6)
(1) Cf. ‘Umdat al-Salik o9.10;
(2) Cité par Carole Hillenbrand, “The Crusades - Islamic perspectives”, Routledge, 2000, p.71
(3) Ibn Taymiyya, “The Religious and Moral Doctrine of jihad,” in Rudolph Peters, jihad in Classical and Modern Islam: A Reader (Princeton, NJ: Markus Wiener Publishers, 1996), 53.
(4) Peut être trouvé via http://kavkazcenter.com/eng/content/2003/11/26/2028.shtml , 26 Novembre 2003
(5) Institut de Recherche Médiatique du Moyen-Orient (MEMRI),ck ” Le djihad contre les Etats-Unis : les fatwas contradictoires d’Al-Azhar,” Dépêche Spéciale N° 480, 16 mars 2003. http://memri.org/bin/french/opener.cgi?Page=archives&ID=SP48003
(6) Institut de Recherche Médiatique du Moyen-Orient (MEMRI), “Un guide islamiste: ‘pas de djihad universel sans califat’,” Dépêche Spéciale N° 435, 30 octobre 2002. http://memri.org/bin/french/opener.cgi?Page=archives&ID=SP43502