Ce matin, le site precaution.ch est cité dans le New York Sun (2e partie):
Switzerland’s Alain Jean-Mairet is the strategist of a two-part plan, popular and juridical, with the goal that “all the Islamic projects in Switzerland will prove impossible to fulfill.”
Cet article de Daniel Pipes est disponible en français sur ajm.ch. Il passe en revue les tentatives passées et actuelles d’interdire l’Islam, constate que toutes les initiatives modernes de ce type ont échoué et conclut qu’il n’est ni raisonnable ni adéquat d’interdire le Coran, l’Islam ou les Musulmans.
Daniel Pipes observe notamment qu’une telle interdiction s’oppose aux droits d’expression et de religion, ce qui lui enlève par avance beaucoup de sa légitimité dans un système démocratique. Il rappelle aussi que la tentative la mieux fondée juridiquement en la matière a été exclue des tribunaux après une série d’émeutes mortelles:
Dans ce qui constitue peut-être le plus contemporain des projets d’interdiction du Coran, en 1984 et 1985, un groupe hindou avança que les écritures islamiques contiennent «de nombreuses déclarations, répétées sans relâche tout au long de l’ouvrage, qui, sous couvert de religion, promeuvent la mésentente, l’inimitié, la haine et la malveillance entre différentes communautés religieuses et incitent les gens à commettre des actes de violence et à perturber l’ordre public».
Le traitement en tribunal de cette demande, connue sous le nom de «The Calcutta Quran Petition» provoqua des émeutes et des incidents mortels au Bengladesh. L’affaire inquiéta tant New Dehli que le ministre de la Justice en personne appuya les efforts procéduraux visant à écarter la pétition, laquelle, comme il fallait s’y attendre, fut rejetée.
Et il propose de s’attaquer au problème de manière sélective:
Il serait plus pratique et plus adéquat de réduire la menace du djihad et de la charia en interdisant les interprétations islamistes du Coran, de même que l’islamisme et les islamistes.
Je pense que ce n’est judicieux que d’une manière très générale et que sur ce plan, c’est tout à fait insuffisant, en tout cas en Europe. Et surtout, je suis sûr que beaucoup d’Européens vont penser que c’est insuffisant et vouloir s’attaquer à l’Islam lui-même, en découvrant petit à petit le secret de Polichinelle de cette religion, à savoir que les motivations des djihadistes se situent en son coeur même.
Pour suivre le conseil de Daniel Pipes, nous devons former de véritables experts, qui savent distinguer avec assurance toute l’étendue des nuances séparant le croyant pieux inoffensif du despote sans pitié s’identifiant totalement au prophète de l’Islam ou à ses compagnons. Mais pendant que ces grands esprits évolueront dans les salons et les antichambres, la violence envahira nos rues. Et une fois la culture de l’émeute acquise, il sera trop tard pour les valeurs démocratiques. L’Islam ne s’imposera certainement jamais aux États-Unis et il ne pourra sans doute pas gouverner l’Europe. Mais il peut fort bien déstabiliser gravement les premiers et noyer la deuxième dans la ruine et la zizanie.
Il faut donc creuser davantage la question. Car si l’idée d’interdire une religion est certes repoussante dans un contexte acquis aux droits fondamentaux, elle n’en est pas moins diablement efficace. Et ce même si elle échoue, car alors elle laisse tout de même, à l’image de la Pétition de Calcutta, un legs fort utile aux futurs courageux, alors qu’une lutte ostensiblement axée sur l’islamisme contient toujours un certain résidu de désinformation, qui incite les gens peu informés à croire que le problème d’extrémisme de l’Islam est périphérique, et non central. Cela porte ensuite les islamistes à se comporter avec plus de prudence, rendant toujours plus délicat le travail des experts lancés à leurs trousses, alors que le fiel des textes islamiques traditionnels continue de se répandre, porté d’une part par l’alphabétisation et d’autre part par des organisations ouvertement acquises au projet islamiste et ayant pignon sur rue dans le monde entier (et je ne parle même pas des organisations terroristes ou l’ayant été).
Ainsi, après réflexion, je pense que les arguments de Daniel Pipes peuvent être écartés sous certaines conditions. D’abord, la répulsion devant l’interdiction de l’Islam, du Coran et des Musulmans peut être surmontée dès lors que les actions entreprises visent non pas une interdiction de fait, mais un moratoire menant à un objectif positif, encourageant les Musulmans réformistes honnêtes. Or c’est ce que demande le Manifeste du 31 juillet, l’un des piliers du projet de precaution.ch, lequel
- appelle […] à un moratoire de toute propagation de la religion islamique sur le sol helvétique, jusqu’à l’abrogation définitive et crédible, par une institution ad hoc, de toute force obligatoire conférée aux textes sacrés de l’Islam,
Et
- Se propose de définir et de promouvoir des initiatives contribuant à ce dernier objectif, notamment en collaboration avec des Musulmans pouvant approuver sans réserve les considérations et prises de position susmentionnées.
À cela s’ajoute le fait que le volet juridique du présent projet ne vise pas une interdiction quelconque, mais la seule information, enfin structurée, harmonisée et dépassionnée sur les faits qui peuvent motiver le rejet de l’Islam. Le projet de precaution.ch n’a pas besoin de la moindre victoire en tribunal. Il peut perdre toutes ses causes et parvenir tout de même, voire d’autant mieux, à ses fins.
D’autre part, l’autre danger, qui a fait échouer le projet de Calcutta, n’est guère sérieux en Suisse. Que des émeutes aient fait des morts au Bengladesh n’implique de toute évidence pas que l’armée devra intervenir en Suisse dans un cas analogue. Et le projet suisse, loin de se baser sur une seule action massive, sur une sorte de tout ou rien, comme à Calcutta, prévoit au contraire de multiplier les actions d’enjeu modeste, afin de maximiser l’effet informatif au détriment de l’effet émotionnel.
Enfin, il faut rappeler le pouvoir bénéfique du débat démocratique digne de ce nom. Si le peuple a l’occasion de se prononcer dans le cadre d’un débat ouvert (lettres de lecteurs, radio public, débats télévisés, reportages approfondis et sans fards, Internet, cafés du commerce) puis de votations populaires, comme le propose le deuxième volet du présent projet, il ne descendra pas dans les rues pour clamer son droit à se défendre contre l’islamisme.
En revanche, si le débat est réservé à de petits groupes de spécialistes, des organisations citoyennes mettront certainement sur pied des manifestations telles que celle prévue le 11 septembre prochain à Bruxelles. Celle-ci a été interdite par le maire de Bruxelles, de crainte de froisser les Musulmans et de provoquer des troubles. Les organisateurs ont fait appel de cette décision et ils continuent d’encourager les gens à se rassembler le 11 septembre. Une autre organisation, la Ligue arabe européenne, appelle également à un rassemblement au même endroit et au même moment, pour des raisons diamétralement opposées. Naturellement, tout le monde exhorte à l’action pacifique et il n’y a pas de raison de mettre en question les bonnes intentions des organisateurs, mais on peut vraiment douter que les gens, d’une manière générale, seront plus sages, plus savants et plus civilisés après ces rassemblements.
Il faut donc plutôt créer des possibilités d’information et d’expression plus vastes, il faut ouvrir le débat, aussi largement que possible. Il faut créer des espaces où tous les points de vue peuvent s’affronter sans dégénérer. Il faut refaire le débat de Calcutta, sans ameuter la rue. C’est possible, si les éléments d’information sont réellement solides et si les médias jouent le jeu, ou qu’ils y sont forcés par les circonstances. La Suisse, aujourd’hui, réunit les conditions nécessaires au succès d’une telle stratégie.
Discréditer l’Islam, de cette manière, contrairement aux apparences, c’est jouer l’ouverture.