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13 mai 2011 5 13 /05 /mai /2011 22:56
L'Empire socialiste des Inka

Université de Paris — Travaux et mémoires de l'Institut d'Ethnologie — V (1928)

par Louis Baudin
Professeur à la faculté de Droit de Dijon

Chapitre X — Le socialisme d'État (suite). L'équilibre de l'offre et de la demande

Dans un État socialiste, l'échange, acte privé, n'existe pas ; l'achat, la vente, la monnaie sont choses inconnues. La seule circulation des produits qui soit possible consiste en opérations de transport et de magasinage réglées par l'administration centrale ; « la forme marchandise des biens n'est qu'une catégorie historique » 1. Il y a des produits et non des marchandises, il y a des entrepôts et non des marchés. Nous devrions donc croire, comme le fait Nicholson 2, qu'aucun système d'échange n'existait au Pérou, et clôturer ce chapitre sitôt après l'avoir ouvert.

Or la lecture des chroniqueurs nous révèle au contraire l'existence d'échanges privés, de foires et de marchés. Nous nous trouvons ici en présence d'un problème difficile à résoudre, mais dont l'examen nous permettra de pénétrer plus avant dans l'organisation de l'Empire en nous faisant comprendre comment le système socialiste était appliqué.

Reportons-nous d'abord à l'époque antérieure aux Inka. Déjà les échanges étaient considérables, et ceci ne doit pas nous surprendre, car, contrairement à ce que pensent bien des auteurs, les tribus primitives, mime vivant en communauté, cherchent fréquemment à. écouler l'excédent de leur production.


Les moyens que ces tribus emploient sont bien connus : celui qui veut troquer sa marchandise la dépose dans un endroit déterminé, en vue d'un groupe étranger, et se retire ; un individu du groupe étranger s'approche de la marchandise et, si celle-ci lui convient, dépose à proximité un produit de son travail ; le premier échangiste revient et emporte ce produit s'il le trouve à son goût en laissant sa propre marchandise sur le terrain. Telle a dû être la première forme de l'échange en Amérique du Sud, « un commerce muet », suivant l'expression consacrée. Nous trouvons une survivance de ce système dans une description fort curieuse que nous donne Cobo d'un marché au Pérou de son temps. L'Indienne désireuse de vendre s'accroupit à terre et dispose devant elle sa marchandise, mettons des fruits, par petits tas de valeur égale et minime. L'Indienne qui désire acheter cette marchandise s'asseoit à son tour à terre devant la vendeuse et érige un petit tas d'un produit de consommation courante qu'elle transporte dans son sac, en l'espèce des grains de maïs. Si la vendeuse de fruits trouve le tas de maïs insuffisant, elle se replonge dans sa rêverie sans plus s'occuper de l'Indienne assise en face d'elle. Celle-ci alors ajoute des grains à son tas, petit à petit, jusqu'à ce qu'elle se retire, lassée, ou jusqu'à ce que la vendeuse, jugeant le tas suffisant, étende la ­main et le prenne. Alors l'acheteuse à son tour s'empare d'un tas de' fruits. Tout ceci .sans une parole ; c'est un commerce muet perfectionné 3.

 

Le commerce rapproché a commencé d'abord, semble-t-il, par être vertical, les échanges se développant le long du couloir interandin entre les régions agricoles et les régions d'élevage, et portant sur les deux objets d'alimentation essentiels, le maïs et le lama ; puis, il est devenu horizontal, et son développement a dû sans goute s'effectuer beaucoup plus rapidement, malgré les difficultés que présentait le passage de la Cordillère, car les peuplades du plateau, ayant pour la plupart des besoins analogues et des moyens semblables de les satisfaire, cherchaient à se procurer surtout les produits des pays où le climat était différent du leur. Un trafic de marchandises complémentaires s'était ainsi établi entre la côte, la sierra et la forêt amazonienne. La première donnait le coton, les fruits, les poissons, les coquilles, la deuxième les métaux, la laine, le maïs, la pomme de terre, la fibre de maguey, la troisième le bois, les plumes et la coca. Par exemple entre les pêcheurs de la côte chilienne et les agriculteurs de l'intérieur les échanges paraissent avoir été très actifs. Toutes sortes d'objets de métal et de tissus de laine d'origine diagit (Argentine) ont été trouvées entre Arica et Valparaiso 4.

Quant au commerce lointain, il était forcément, comme il a toujours été dans les temps anciens, un commerce d'objets de luxe : tissus fins, pierres précieuses, métaux, obsidienne. Le cuivre était l'instrument d'échange entre la sierra et les forêts amazoniennes les plus éloignées 5, et aussi entre la sierra, le nord-ouest argentin et le Gran Chaco 6. Il est arrivé que le plateau a servi de lieu de passage et que des produits des forêts brésiliennes ont gagné les rives du Pacifique 7.

Plus tard, un autre commerce s'est développé le long des côtes, par radeau. Des coquilles venues de certaines régions de l'Amérique du Centre ont été notamment trouvées dans des tombes péruviennes 8 et l'on a découvert des objets mexicains jusqu'en Argentin 9. Inversement des produits de l'industrie métallurgique de la côte ont été transportés par mer au Mexique 10. Le Darien était alors déjà, comme le veut sa position géographique, un grand entrepôt où s'échangeaient les produits des deux Amériques.

A l'époque de Tiahuanaco, le commerce était général, les poteries de Bolivie allaient jusque dans l'Équateur actuel, la côte recevait quantité d'ornements en plumes d'oiseaux tropicaux, des arcs de chonta venant des forêts orientales 11, des pierres : obsidienne, silex, cristal de roche, originaires du plateau, des tissus et des poteries fines dont les formes et les dessins étaient du style dit de Tiahuanaco 12.

Ce déplacement des marchandises n'implique pas forcément un déplacement des hommes. Dans bien des cas, le produit a dû passer de main en main et parcourir ainsi de grandes distances sans gue les individus eux-mêmes l'aient suivi, le commerce demeurant limité aux tribus voisines 13. Il en est ainsi souvent de nos jours : le conducteur de lamas porte sa marchandise dans la vallée la plus proche et attend d'avoir une autre marchandise à ramener dans sa vallée natale 14. Il est pourtant certain que des tribus se sont spécialisées dans l'exercice du commerce, tel ce peuple nomade qui vivait dans la région alors fertile comprise entre le Huasco et le Loa, au nord du Chili. Une détérioration rapide du climat a dispersé ces commerçants qui sont devenus pêcheurs sur la côte ou agriculteurs dans les vallées, De nombreux crochets de charge en bois trouvés dans les sépultures prouvent à quel point leur activité était jadis considérable 15. Plus au sud, les « Pehuenches », qui habitaient la Cordillère de Mendoza, parcouraient le territoire, situé entre les deux océans et faisaient le commerce du sel, des coquilles, des cuirs, du poisson sec, des pointes de flèches 16. Enfin, en Colombie, les Čibča ont été des trafiquants, portant jusque chez les Kara de Quito les pierres précieuses et surtout le sel 17.

Ces échanges se faisaient par voie de troc, mais déjà certains produits de grande consommation jouaient le rôle d'intermédiaires et étaient acceptés en paiement, comme le maïs ou la coca 18.

Non seulement les peuples de l'Amérique du Sud disposaient de monnaie-­marchandise, mais encore certains d'entre eux avaient une monnaie-signe internationale. Pour les Čibča, le fait est certain ; des disques d'or servaient à acheter des objets ou à payer tribut : seulement ils n'étaient guère employés que pour les échanges intérieurs 19. Au contraire, les haches et les coquilles paraissent avoir été une véritable monnaie-signe internationale. Les haches que l'on a trouvées en des lieux extrêmement distants les uns des autres, dans la province de Saint-Paul au Brésil, dans celle de Manabi et dans l'île de Puná, en Équateur, dans la cité de Oaxaca au Mexique, sont des plaques de cuivre en forme de T, beaucoup trop minces pour avoir pu être utilisées comme le sont des haches ordinaires et qui ont peut-être à l'origine servi de gong dans les temples 20. Les coquilles ont eu un caractère sacré et ont joué, comme il arrive souvent, un rôle religieux avant de remplir une fonction économique. Elles servaient d'offrandes à la divinité, en raison de leur rareté et de leur beauté 21, et elles étaient toutes désignées pour devenir instruments d'échange à cause de leur grande valeur et de leur petit volume. Ces coquilles colorées, spolidilus pictorum et conus fergusoni, dont de grandes quantités ont été découvertes à Copan, dans l'Amérique Centrale, sont originaires des mers tropicales, et ne se rencontrent pas dans les eaux froides qui baignent les côtes du Pérou. Or un certain nombre d'entre elles ont été trouvées à Ancón, à Trujillo, à Chordeleg (Équateur), et jusque sur le plateau andin. Suárez pense qu'on les enfilait et qu'elles formaient ainsi des espèces de colliers 22. C'était une monnaie comptée.

Enfin, au Pérou et surtout au Chili, certaines pierres rares (obsidienne, calcédoine, cristal de roche) remplissaient également l'office de monnaie. Si elles ne présentaient aucun caractère religieux, par contre elles étaient utilisées comme pointes de flèches et de lances et elles étaient de ce chef l'objet d'une demande constante qui soutenait leur valeur 23.

Nous sommes donc forcés d'admettre pour l'Amérique, comme on est obligé de l'admettre aujourd'hui pour l'Ancien MOnde, que les marchandises et quelquefois les hommes se déplaçaient avec une facilité incroyable, malgré le manque de voies de communication. Comme le jade du Tibet, la soie de la Chine, l'ambre de la Baltique, l'étain de la Grande-Bretagne allaient d'Asie en Europe ou d'Europe en Asie, les métaux, les coquilles et les plumes d'oiseau traversaient du nord au sud et de l'est à l'ouest l'immense continent américain.

Or les marchandises ont toujours été le support des idées ; le commerce a établi un lien entre les peuples et constitué le mode le plus efficace d'expansion de la pensée. Ce fut peut-être là en définitive son rôle le plus important. Nous pouvons expliquer ainsi comment les nouvelles se propageaient à travers plaines et montagnes avec une rapidité surprenante et pourquoi les peuples d'Amérique, quoiqu'on en ait pensé, ne s'ignoraient pas les uns les autres. L'Empire des Inka était connu au Darien où les Espagnols en entendirent par­ler 24 ; inversement les pays de l'Amérique Centrale ne pouvaient être ignorés des Péruviens.

 

Prescott suppose que Huayna-Kapak connut la première expédition conduite en 1517 par Pizarre et Almagro lorsque ces derniers atteignirent le Río de San Juan à 4° Nord environ 25. D'autre part, M. Nordenskiöld a étudié une migration d'Indiens guarani, qui, venant des pays arrosés par les rios Paraguay et Parana, pénétrèrent en 1526 sur le plateau et entrèrent dans l'Empire des Inka à l'est de la ville actuelle de Sucre (Chuquisaca). Tous les chroniqueurs espagnols parlent de cette invasion que les armées impériales repoussèrent. Or, avec les Guarani, il y avait un blanc, un Portugais nommé Alejo Garcia. C'est lui, qui le premier, avant même Pizarre, découvrit l'Empire 26.

Il est fort possible que certaines prophéties attribuées aux derniers Inka par les chroniqueurs espagnols, prophéties concernant l'arrivée des étrangers, aient été de simples renseignements reçus par les souverains de Cuzco et dont l'élite seule avait eu communication, rien ne devant troubler la quiétude de la masse de la population ; ainsi la prédiction attribuée à Huayna-Kapak, lors de sa mort en 1525 27.

La connaissance que les États de l'Amérique avaient les uns des autres demeurait pourtant assez vague. La preuve en est que les premiers conquérants appelaient « vieux Cuzco » l'Inka défunt et « jeune Cuzco » l'Inka régnant ; ils prenaient le Pirée pout un homme. Il est clair, d'autre part, que si les Péruviens avaient connu les procédés de conquête des Espagnols en Amérique Centrale, ils n'auraient pas accueilli Pizarre avec tant de cordialité 28.

 

Représentons-nous donc l'Amérique du Sud précolombienne comme une juxtaposition de centres de culture non pas complètement isolés, ni davantage en communication constante les uns avec les autres, mais bien traversés en tous sens par de rares migrations humaines et d'intermittents courants de marchandises et d'idées.

C'est à ces sociétés que l'Inka a appliqué son plan de socialisme, destructeur de commerce, mais toujours avec le souci de respecter les institutions locales. Nous allons voir en effet comment l'établissement du système péruvien a progressivement amené une diminution des échanges, les courants commerciaux subsistant dans les provinces récemment conquise et disparaissant dans les autres.


Le commerce local

Après avoir déclaré que l'État réglementait la production et la distribution, certains chroniqueurs nous parlent de foires. Estete entrant à Jauja trouva sur la grande place un marché fort animé 29 et, d'après Sarmiento, Pačakutek avait ordonné que ces réunions eussent lieu les jours de fête, c'est-à-dire tous les neuf jours, en certaines villes 30.

On se demande quels objets pouvaient être échangés ; mais. il faut d'abord songer que si les biens donnés par l'Inka étaient inaliénables, les produits fournis par ceux-ci, tels que le maïs ou la laine, ne l'étaient point. Le commerce se maintenait dans la mesure où la propriété individuelle subsistait. Par ailleurs, nous savons que chaque famille avait un droit exclusif' à la récolte obtenue sur ses tupu. Il en résultait des inégalités suivant le sexe des membres de cette famille 31, leur ardeur au travail, leur habileté, et, comme les tupu étaient calculés de manière à subvenir à leur alimentation, un excédent restait parfois qui était disponible. Dans un régime de communisme agraire, il ne peut y avoir de commerce mais dans un système de collectivisme agraire, les moyens de production seuls sont socialisés et les produits peuvent être échangés.

Les variations de rendement des récoltes suivant les territoires en raison des circonstances climatériques faisaient naître de nouvelles inégalités et par suite de nouvelles sources d'échange entre les communautés, mais les excédents fournis par le tupu étant minimes 32 et les besoins demeurant limités, tous ces échanges devaient être fort réduits. C'est ce que constate Cobo 33. Les foires, dont la fréquence ne doit pas nous faire illusion, étaient surtout des occasions de réjouissances, elles se doublaient souvent de pèlerinages et le souverain voyait en elles un moyen de rassembler ses sujets à des dates déterminées pour leur faire connaître sa volonté. La place de foire était souvent à la fois un lieu de fête, un centre de dévotion et un forum 34.

Les principaux articles que l'on y trouvait étaient naturellement des denrées alimentaires, maïs, légumes, viandes séchées et aussi des lamas, puisque le croît du couple attribué à chaque famille lui appartenait et que le hasard pouvait encore en ce cas donner naissance à des inégalités et à un excédent 35.

En somme, un tel commerce, dans un pays où chacun avait son lot de terre, recevait sa part de matières premières et fabriquait lui-même les objets indispensables à l'existence, ne pouvait être qu'un commerce de superflu et n'avait qu'un rapport lointain avec celui qui existait dans les pays de propriété privée ou régnait la division du travail.


Le commerce étranger

Le document capital dont nous disposons est la relation de Juan de Sámaros, très rève, mais qui contient la description d'un radeau à voile, venant de la région de Túmbez, rencontré au sud Panama par l'Espagnol Ruiz qui explorait le Pacifique sur l'ordre de Pizarre. Le radeau portait quantité de marchandises : or, argent, miroirs, vases, tissus, pierres précieuses, coquillés, et était manifestement une embarcation de commerce. Comme à cette époque Túmbez était soumise au pouvoir des Inka, il faut bien en conclure que ceux-ci maintenaient des relations commerciales avec les pays étrangers 36.

Deux explications sont possibles et toutes deux vraisemblables. Dans un État socialiste tout commerce extérieur est un commerce d'État, dirigé par des fonctionnaires spéciaux, comme il l'est dans la République des Soviets. Ainsi devait-il en être au Pérou, l'Inka obtenant par voie d'échange certains objets, notamment les coquilles, originaires du Centre-Amérique, comme le prouve la grande abondance de celles qui existaient à bord du radeau dont nous venons de parler. Cette hypothèse est confirmée par ce fait que Dorsey a découvert dans l'île de la Plata des vases kičua sans objets čimu, d'où il résulte que les souverains de Cuzco commerçaient avec les peuplades situées au nord de l'Empire, indépendamment des Čimu de la côte péruvienne. C'était là un commerce impérial et non régional 37.

Mais à côté de ces échanges, forcément très restreints, il en existait d'autres, non plus centralisés, mais privés et en marge du système socialiste. Les provinces de la côte péruvienne et les provinces équatoriennes avaient été récemment conquises et les courants commerciaux antérieurs subsistaient. Les chroniqueurs font allusion en effet à des « commerçants » qui visitaient diverses régions de l'Empire, ce qui ne s'expliquerait pas dans l'hypothèse d'échanges purement locaux ou dans celle d'un commerce d'État concentré à Cuzco 38.

Ce commerce était d'autant plus florissant que le système centralisateur était appliqué avec moins de rigueur ; aussi le voyons-nous se maintenir surtout dans les provinces que l'Inka avait rattachées à sa couronne peu de temps avant l'arrivée des Espagnols. Sancho de Paz et Ponce de León parlent des commerçants de la province d'Otavalo, au nord de l'Équateur, comme d'une véritable classe sociale privilégiée 39. Cieza de León raconte que le souverain envoya des orejones déguisés eh marchands pour explorer la région située' au delà du rio Maule, à l'extrême sud de l'Empire 40. Suivant Suarez, les habitants de l'île de Puná, située en face de Túmbez, faisaient un grand commerce de sel 41.

Prescott et Payne exagèrent quand ils affirment que le commerce extérieur n'existait pas au Pérou 42 ; plus prudent est A. de Beauchamp lorsqu'il écrit : « Lés Péruviens n'avaient pas proprement de commerce » 43. La vérité est que le nombre et l'importance des transactions diminuaient au fur et à mesure que le système étatiste s'implantait plus profondément dans un pays. Les habitants perdaient peu à peu l'esprit d'initiative si nécessaire dans ce domaine et le commerce entrait en décadence 44. La coquille servant de monnaie, donnent des indications à cet égard : « Elles étaient beaucoup plus communes pendant la' période de la civilisation de Tiahuanaco, et leur nombre augmentait constamment dans les tombes jusqu'à l'époque des Inka, démontrant que le commerce avec le Centre-Amérique continuait et s'accroissait », jusqu'à l'époque des Inka seulement 45.

Une telle régression n'était nullement voulue par l'Inka. On voit en effet Tupak Yupanki permettre aux marchands de circuler en tous lieux et menacer de châtiments rigoureux ceux qui s'aviseraient de les molester 46. Mais la décadence était une conséquence fatale du plan que les souverains cherchaient à appliquer. Ce plan n'était pas incompatible avec tout système d'échange, mais il était incompatible avec un grand essor commercial.

Nous sommes maintenant en mesure d'examiner deux questions embarrassantes, celle des rapports du Pérou avec le Mexique et celle des péages, la première souvent discutée, la deuxième toujours passée sous silence.

Prescott 47 soutient que les Aztèques et les Inka ignoraient mutuellement leur existence ; il en donne pour preuves que la pomme de terre cultivée chez les seconds était inconnue des premiers, que l'écriture hiéroglyphique mexicaine n'avait pas pénétré en Amérique du Sud, que le Mexique avait une monnaie alors que le Pérou n'en avait pas et qu'inversement le Pérou disposait d'un système de poids ignoré du Mexique. Certes, les difficultés de communication étaient grandes entre les deux pays, à cause du courant de Humboldt et du caractère primitif des embarcations. Mais les faits sont là et l'existence d'un commerce entre le Darien et le Pérou d'une part, et le Darien et le Mexique d'autre part ne peut être mise en doute. Les arguments de Prescott ne sont d'ailleurs pas sans réponses. L'écriture mexicaine était beaucoup trop compliquée pour être d'importation facile et la monnaie existait parfaitement au Pérou, mais on l'employait peu 48.

L'existence de ponts à péage est certifiée par les Espagnols qui les ont vus. Jerez explique qu'à Cajas, à la tête d'un pont, il y avait une maisonnette dans laquelle résidait un garde chargé de faire payer un droit de passage : portazgo, c'est le même terme qu'on emploie encore de nos jours en Espagne pour désigner la taxe perçue à l'entrée des routes de la Navarre. Ce droit consistait en un prélèvement sur la marchandise transportée (en la mesma cosa que llevan). C'était, affirme toujours le même auteur, une coutume très ancienne, et Ataliba (Atahualpa) la supprima dans la mesure où, elle s'appliquait aux choses transportées pour ses troupes. Aucun individu ne pouvait entrer ou sortir de la ville avec un chargement par une autre route que celle où stationnait le garde, sous peine de mort 49. Estete, se rendant à Pachacamac, rencontra de même des ponts suspendus gardés par des Indiens qui exigeaient le paiement d'un droit de passage 50 et, près de Huánaco, il franchit un pont de bois où il trouva un collecteur de péage, « comme c'est l'habitude » 51.

Ces affirmations seraient incompréhensibles si vraiment, comme tant d'auteurs l'ont affirmé, le Pérou avait été un État communiste. Qui aurait traversé les ponts, sinon des fonctionnaires ? Sur quoi aurait-on prélevé les droits puisque rien n'aurait fait l'objet d'une propriété individuelle ? En réalité, le contribuable est celui qui va échanger le surplus de sa production sur le marché voisin et peut-être, mais rarement, le véritable commerçant venu de pays lointains.

Le corollaire de la thèse, que nous soutenons ici est que les Péruviens pouvaient obtenir exceptionnellement des permissions de circuler. Le principe que nous avons posé demeure : nul ne pouvait changer de domicile, ni même se déplacer momentanément, mais des autorisations pouvaient être données pour un temps assez court sans crainte de troubler les statistiques, puisque l'Indien emportait sa nourriture avec lui. L'équilibre général de la production et de la consommation n'était donc pas détruit. Il n'en aurait pas été de même pour de grands voyages et la régression du commerce n'en subsiste pas moins.


La monnaie

La monnaie suit les destinées au commerce. Dans un pays purement socialiste elle disparaît, dans un pays « socialiste d'État » elle joue un rôle effacé. Les modes d'échange antérieurs aux Inka se sont perpétués, le troc était le plus fréquemment employé, la monnaie -marchandise consistait en piment, poisson sec, cuivre, coton, maïs, chuño, plumes d'oiseau, sel et coca 52 ; enfin, la monnaie-signe n'était pas négligée comme le prouvent. Les nombreuses coquilles que portait le radeau rencontré par le pilote Ruiz dont nous avons parlé. Il ne faut pas croire que la conquête espagnole ait mis brusquement fin à ce système d'échange, puisqu'au temps où écrivait Cobo on procédait souvent par voie de troc et que la monnaie marchandise la plus usitée était le maïs 53. Encore de nos jours, chez les Indiens du plateau, les ventes sont rares et les échanges fréquents 54.

L'or et l'argent ne servaient pas de monnaie, « on les tenait pour choses superflues, car ils ne pouvaient être mangés ni servir à acheter de la nourriture » 55. Ils étaient cependant recherchés pour leur beauté : « L'usage de la monnaie, dit Montaigne, était entièrement inconnu au Pérou (en quai d'ailleurs il exagère) et par conséquent leur or (l'or des Péruviens) se trouva assemblé, n'étant en autre service que de montre et de parade » 56. Malgré l'absence de toute demande d'ordre monétaire,1 les métaux précieux, en raison de ce service dont parle Montaigne, avaient déjà une valeur considérable ; le souverain les distribuait aux chefs amis dont il voulait s'assurer la fidélité et aux capitaines ennemis qu'il voulait corrompre.

D'autres causes permettent d'expliquer l'accumulation des métaux précieux. D'abord les sources de richesses étaient connues grâce à l'obligation imposée à tous ceux qui partaient sur un marché des pierres ou des métaux précieux de déclarer en quel lieu ils les avaient trouvés 57. Ensuite tous les objets de valeur étaient dirigés sur la capitale, sous forme de dons ou de tributs, puisque personne autre que l'Inka n'avait le droit d'en porter comme ornement sans autorisation spéciale. Enfin l'or entré à Cuzco ne devait plus en sortir 58.

Ces matières précieuses pouvaient être pesées, car pour certains de leurs échanges les Indiens se servaient d'une véritable balance romaine signalée par Cieza de León, Estete, Sámanos, Oviedo y Valdés. M. Rivet a trouvé un poids cylindrique de quartz vert sur la côte équatorienne 59.


L'épargne et la répartition

Nous sommes ici en plein régime socialiste ; tout est réglé par voie d'autorité suivant un plan rationnel.

Dans l'État socialiste « le déficit ou le surcroît occasionnels des produits serait compensé, relativement aux besoins, par une mise en réserve dans les magasins qui seraient de véritables entrepôts publics » 60. C'est précisément ce qui a eu lieu au Pérou. L'adaptation de la production à la consommation ne pouvant être assurée de façon parfaite, malgré les statistiques, en raison de l'intervention de phénomènes qui échappent à l'action de l'homme, telle qu'une sécheresse exceptionnelle, les Inka établirent un système de greniers.

Les stocks accumulés ne servaient pas seulement de réserve de consommation, ils constituaient un véritable « capital d'État », car ils comprenaient, outre des denrées et des vêtements, des matières premières destinées à être réparties comme les produits.

Ces greniers (pirua) étaient situés soit près des villes et villages, soit de distance en distance le long des routes 61. Les premiers se trouvaient établis hors des agglomérations, en des lieus frais et ventés pour éviter l'humidité, et se composaient d'une série de petits édifices carrés, alignés avec ordre, au nombre de 20, 30, 50 ou plus, suffisamment éloignés les uns des autres pour qu'un incendie venant à éclater dans l'un d'eux ne pût les consumer tous » 62. Les uns contenaient les produits destinés au Soleil, les autres ceux destinés à l'Inka, d'autres encore l'excédent qui servait plus spécialement de réserve pour le cas de famine 63. Cette spécialisation était d'ailleurs toute relative, car on puisait dans un magasin pour en remplir un autre et les produits destinés au Soleil eux-mêmes pouvaient être attribué à l'Inka ou à la population. La seule règle était la volonté du monarque 64.

La prévoyance du souverain était telle que ces magasins avaient parfois des vivres pour les années 65. Des surveillants et des comptables leur étaient affectés. Tous les trois ans, le gouvernement tukrikuk passait une inspection et s'il y avait lieu, faisait jeter les produits détériorés ou distribuer ceux qui étaient en trop grand nombre 66. Les greniers des grandes villes débordaient littéralement der marchandises de toutes sortes « Les chrétiens, rapporte F. de Jerez, emportèrent tout ce qu'ils voulurent et encore les maisons restèrent-elles si remplies qu'on semblait n'avoir rien pris 67. » Ce même chroniqueur nous fait part de l'étonnement de ses compatriotes à la vue des dépôts de Caja­marca remplis de vêtements « entassés jusqu'aux toits » et rangés « comme savent le faire les marchands des Flandres et de Medina del Campo » 68.

A côté des vêtements, on trouvait dans ces édifices du maïs, du quinua, du chuño, du charqui, des légumes secs, des poissons, des cordes, de la cabuya, de la laine, du coton, des sandales, des armes et même des coquilles 69.

Tous ces produits étaient récoltés sur les terres du Soleil et de l'Inka où étaient apportés par les Indiens à titre de tribut 70. Le souverain opérait ensuite les distributions nécessaires, de manière à combler le déficit des greniers situés dans les provinces où la statistique faisait apparaître des besoins à satisfaire, sans qu'aucune règle générale présidât à cette distribution 71.

Des échanges entre greniers avaient également pour but de varier les marchandises : l'Inka fournissait ainsi aux habitants de la côte des produits de la sierra et inversement, et ces produits prenaient de ce fait une très grande valeur 72.

Les greniers répondaient en définitive à cinq buts différents : d'abord ils servaient de trésor de guerre, et plus spécialement ceux d'entre eux qui se trouvaient le long des routes permettaient aux armées de se ravitailler ; ensuite ils fournissaient aux Inka, à leur famille, à leurs serviteurs, au clergé et à tous les Indiens qui travaillaient pour leur compte, ce qui était nécessaire à leur subsistance ; en troisième lieu ils permettaient au souverain de faire des dons à titre de récompense ou en vue d'obtenir un concours utile ; en quatrième lieu ils servaient d'office d'assistance, ils fournissaient la nourriture nécessaire aux Indiens qui n'avaient pu obtenir de récoltes, parce que leurs semences avaient gelé ou pour toute autre cause ; enfin ils constituaient des réserves de matières premières et de produits de consommation.

Les matières premières étaient distribuées selon les données des statistiques : les semences chaque année, la laine et le coton tous les ceux ans étaient prélevés sur les stocks en magasin, répartis par contingents successifs entre les hunu, waranka,... etc., et enfin distribués entre les familles. Remarquons que l'on supposait égaux les besoins des chefs de famille et que l'on ne tenait aucun compte des nécessités réelles. Ainsi, quand un Indien avait reçu de l'Inka des lamas en toute propriété, sa part dans la distribution de la laine ne se trouvait pas réduite pour ce motif 73. Cette manière d'opérer était raisonnable puisque, si l'on avait procédé autrement, le mérite n'eût plus obtenu sa récompense ; mais rien ne montre mieux le caractère de l'organisation inka. Le plan de distribution demeure abstrait et mathématique. Qu'un Indien ait trois fois plus de laine qu'il ne peut en travailler, peu importe, il recevra encore sa part, et voilà de nouveau une source d'échanges. Le commerce local va nous apparaître ici comme de première, nécessité. Ensuite les distributions ont lieu par famille, par lots équivalents, sans se préoccuper du nombre exact des membres de ces familles ni tenir compte des biens que certaines d'entre elles possèdent déjà, l'échange privé a pour but principal de corriger ce qu'il y a d'artificiel dans le système de répartition administratif.

Quant aux produits de consommation, ils devaient parer au déficit de la production dans les années de famine. Ainsi, les denrées destinées à l'Inka ou au Soleil revenaient en grande partie, après un long détour, entre les mains des Indiens qui les avaient produites.

Au point de vue économique, c'est là incontestablement qu'apparaît le rôle essentiel des greniers. Que l'équilibre vienne à se rompre entre la production et la consommation dans une province, les autres provinces viennent automatiquement à son secours ; que le déficit s'étende à tout le territoire et les excédents des années antérieures le combleront à l'instant. Ainsi les habitants de l'Empire sont solidaires les uns des autres dans l'espace et les générations sont solidaires les unes des autres dans le temps. Avec une telle prévoyance aucune surprise n'est possible ; l'avenir est assuré.

Il est plaisant de constater qu'aujourd'hui en Europe, dans le désordre de l'après-guerre, d'excellents esprits songent à stabiliser la production par l'accumulation des réserves en temps d' abondance et leur répartition en temps de disette comme faisaient les Inka 74.


Le système tributaire

«Les Inka, écrivent C. Tello et P. Miranda 75, ont établi non pas un système spécial de gouvernement, mais un système de tributs quasi parfait grâce à la statistique. » Rien de plus naturel ; en régime socialiste l'impôt n'est pas une contribution aux charges publiques, proportionnée aux facultés contributives des citoyens, il est un instrument de répartition des richesses ; l'activité économique est centralisée entre les mains des fonctionnaires.

C'était un principe absolu que tout tribut consistait en services personnels ; aucun prélèvement n'était opéré sur les biens propres du contribuable, sur les produits du tupu ou sur les vêtements fabriqués par l'Indien avec la laine de ses lamas 76. Le principal tribut consistait dans la culture des terres du Soleil et de l'Inka. Son rendement n'était jamais constant, puisqu'il avait cette caractéristique de mettre tous les risques à la charge du bénéficiaire. En outre, l'Indien devait effectuer une tâche, qui généralement consistait soit à fabriquer au moyen des matières premières fournies par l'État des objets qui venaient s'accumuler dans les greniers publics, soit à rester quelque temps au service de l'administration.

L'Inka fixait en principe la forme et le montant de ce dernier tribut, sans limitation aucune 77, mais en fait, il ne procédait point arbitrairement ; il envoyait dans chacune des quatre parties de l'Empire des personnes de confiance qui lui rendaient compte des possibilités de chaque province ; puis il réunissait l'assemblée des orejones et décidait au vu des statistiques de population et de richesses 78. Il tenait compte aussi de l'habileté des habitants et de leurs dispositions naturelles : les Čumbivilka devaient envoyer à Cuzco des danseurs et les Lukana fournir des porteurs pour la litière impériale 79.

Les artisans se libéraient en exerçant leur art au profit du souverain pendant la période de l'année la moins favorable au travail des champs.

Toutes les précautions étaient prises pour égaliser le poids des tributs. Si une province avait juste assez de terre pour nourrir ses habitants, l'Inka ne s'en réservait aucune, mais demandait des hommes pour effectuer des travaux on fabriquer certains objets ; si une circonscription devait fournir des Indiens pour faire des vêtements une année, une autre les fournissait l'année suivante et ainsi de suite à tour de rôle 80.

La répartition des tributs était facile, puisque la population était divisée en dizaines et multiples de dix. Ainsi, pour fournir 1 000 hommes, le chef de l' hunu se bornait à en demander 100 à chaque chef de waranka, placé sous ses ordres, celui-ci à son tour en réclamait 50 à chaque chef de pička-pačaka, et ainsi de suite jusqu'au décurion qui n'avait plus qu'un homme à fournir. Ce décurion amenait donc un Indien chez son supérieur immédiat le chef de 5 décuries, qui à son tour se rendait avec les 5 hommes qu'il avait reçu chez le centurion, etc. 81.

La perception enfin n'avait pas lieu à des dates uniformes 82 ; les produits étaient placés dans lesgrerilers et ,en grande partie portés à Cuzco pour la fête du Raymi 83.

Au total, ces tributs étaient considérables ; il fallait des Indiens pour le service des temples ,et des tombeaux, celui des Inka, celui de la poste, pour le travail des mines, la garde des entrepôts, la fabrication des câbles, la taille des pierres, la construction des édifices public et le transport des marchandises ; mais, n'oublions pas que les ressources considérables ainsi obtenues n'étaient pas destinées à l'Inka seul ; elles servaient à l'entretien de toute la famille impériale, de l'administration, de l'armée, des Indiens occupés aux travaux publics, en un mot, elles constituaient les recettes de l'Etat.

En outre, des tributs étaient dus aux kuraka et aux hauts fonctionnaires ; parfois, ils étaient payés par les contribuables de la division hanan aux chefs principaux et par ceux de la division hurin aux chefs subalternes 84. Tous ces grands personnages avaient droit à un nombre de serviteurs égal à 1 % ou 2 % du chiffre de leurs administrés, de plus les communautés construisaient leurs maisons labouraient leurs terres et gardaient leurs troupeaux 85, sans qu'il y eût, semble-t-il, de règles précises à cet égard 86.

En résumé, le tribut donné à l'Inka, le tribut fourni au kuraka et les travaux exécutés au profit des invalides et des absents correspondent aux trois formes d'impôts que nous trouvons dans tous les États modernes: généraux, locaux et d' assistance 87.

 

Parmi les tributs d'État, il en est un qui mérite de retenir l'attention : il était exigé des peuplades très pauvres, comme celle des Pasto, sur les frontières actuelles de la Colombie, ou celle des Kil'ako, à Alausi, dans le centre de l'Équa­teur 88, et consistait dans la remise d'une certaine quantité de poux vivants. Sinši Roka demanda aux Uru un tuyau de plume rempli de poux par contribuable 89. Cette mesure, qui semble singulière à première vue, était en réalité fort sage. Elle constituait d'abord une application, curieuse il faut l'avouer, mais certaine, de ce principe trop oublié chez nous que tous les habitants doivent apporter à l'Etat leur obole, si minime soit-elle 90. Elle était ensuite une excellente mesure d'hygiène et qui serait encore tout à fait justifiée de nos jours dans ces pays 91.

 

Etaient exemptés de toutes charges l'élite (hauts fonctionnaires, kuraka, Inka), les veuves, malades, infirmes et autres incapables, les yanakuna qui ne devaient travailler que pour leurs maîtres, les Indiens qui par suite de circonstances exceptionnelles se trouvaient privés de terre 92.

Le service des tambos faisait l'objet de dispositions spéciales dont nous parlerons ultérieurement 93.

Le contrôle était assuré par les inspecteurs ordinaires et par des inspecteurs spéciaux 94.

Tout ce système fiscal fut détruit par la conquête et lorsque les Espagnols voulurent en établir un autre, ils se heurtèrent à de grandes difficultés et commirent toutes sortes d'injustices involontaires, ils supprimèrent le service personnel et réclamèrent à certaines province des produits que leur sol ne pouvait pas fournir. L'on vit des Indiens, pour pouvoir donner des lamas en tribut, obligés de les acquérir par voie d'échange et ceux qui n'avaient rien troquaient leurs filles contre ces animaux 95. Ondegardo dans tous ses écrits préconise le retour au principe du service personnel et le maintien du système de la répartition, D'après lui, le service personnel seul était accepté sans murmure par les Indiens, qui se croyaient plus tyrannisés quand on leur enlevait un seul boisseau de pommes de terre que lorsqu'on les forçait à venir travailler 15 jours pour le compte d'un tiers. C'est là une mentalité que l'on trouve encore chez bien des paysans de l'Europe occidentale 96.

L'obligation au service personnel pouvait malheureusement aussi donner naissance à des abus, les travaux imposés par les encomenderos étant excessifs ; aussi, les souverains Espagnols, malgré les protestations d'Ondegardo, donnèrent-ils l'ordre de payer les contributions en nature ou en argent 97.

Quant à vouloir établir un impôt de quotité, c'était une idée séduisante, car elle permettait d'éviter l'intervention du kuraka, sous-répartiteur prêt à abuser de son pouvoir, mais impraticable, car le kuraka, connaissant parfaitement les Indiens, était seul capable de faire rentrer les impôts. Seulement, une fois le principe de la répartition admis, il aurait fallu modifier les contingents conformément aux variations de la population, de manière à éviter que les provinces où le nombre d'habitants augmentait fussent allégées au détriment de celles où ce nombre diminuait, et il aurait fallu, par un contrôle et une répression sévères, empêcher les kuraka de pressurer leurs sujets.

Incontestablement, les tributs imposé par l'Inka étaient écrasants, mais ils étaient si adroitement conçus et si ingénieusement "répartis que les Indiens les supportaient plus aisément qu'ils ne supportèrent ensuite les impôts espagnols 98.


La justice

« Les lois des Inka étaient faites non pas simplement pour étonner les sujets, mais pour être observées point par point »

(Garcilaso. Comenta­rios, liv.IV, chap. 3)

 

Sur les règles coutumières, variant d'un clan à l'autre, les Inka greffèrent leur loi rigoureuse et uniforme. Les premières subsistèrent en grand nombre, comme il était naturel, en matière de droit privé ; la deuxième, de beaucoup la plus importante, constitua un droit civil et pénal très étendu.

La justice était rendue par les fonctionnaires que nous avons énumérés, au civil comme au pénal, ces deux domaines demeurant confondus. L'Inka connaissait des conflits qui s'élevaient entre les provinces au sujet des limites et de certains crimes et délits contre l'État ; il jugeait en outre les orejones et les fonctionnaires supérieurs jusqu'aux chefs des hunu inclusivement en les faisant comparaître devant son conseil 99. Les fonctionnaires supérieurs à leur tour jugeaient les fonctionnaires subalternes et tranchaient les différends qui offraient un certain caractère de gravité. Enfin les fonctionnaires subalternes connaissaient des autres causes et en fait les centurions réglaient la majorité des contestations et inflig

eaient la plupart des pénalités.

Les kuruka, qui jadis disaient le droit dans leurs ayl'u respectifs, une fois englobés dans la hiérarchie administrative, voyaient leur pouvoir judiciaire confirmé, sans qu'on puisse prétendre que ce pouvoir ait été amoindri ou renforcé, car si les causes les plus importantes ne relevaient plus d'eux, en revanche ils n'étaient plus tenus de prendre avis des anciens de la communauté comme ils devaient souvent le faire autrefois.

Lorsqu'il s'agissait d'une violation de la loi de l'Inka, le juge devait appliquer la peine sans pouvoir la modifier ; il jouissait au contraire d'une certaine latitude lorsqu'il avait à s'inspirer de règles coutumières locales qui importaient peu aux pouvoirs publics 100.

Nous ne possédons qu'un petit nombre d'informations relatives à la procédure. Les jugements devaient être rendus dans les 5 jours et étaient sans appel. L'Inka avait droit de grâce, comme le prouve le dénouement du drame Ol'antay 101.

Les devins et les exorcistes pouvaient être appelés à se prononcer sur l'innocence ou la culpabilité du prévenu et la torture était employée pour arracher des aveux 102.

Des inspecteurs spéciaux assuraient le contrôle ; ils parcouraient l'Empire, s'informant des fautes commises et des sanctions appliquées, et faisaient au monarque un rapport détaillé. Quant aux statistiques, elles étaient adressées au tukrikuk qui les faisait parvenir au pouvoir central.

Les peines différaient suivant qu'elles s'appliquaient à la masse du peuple ou à l'élite ; elles étaient généralement plus douces pour la seconde que pour la première. Tel crime était sanctionné par la peine capitale lorsqu'il était commis par un Indien ordinaire et par un emprisonnement lorsqu'un orejón en était l'auteur. Ce privilège de la caste supérieure, choquant à première vue, ne s'expliquait pas seulement par le fait brutal de la conquête et par le « droit du plus fort », il reposait sur une base psychologique. La souffrance est chose subjective et tel châtiment qui paraîtra insignifiant à un homme grossier semblera fort pénible à un esprit cultivé. Le premier par exemple sera très peu sensible au blâme,'tandis que le second en sera extrêmement mortifié. Cobo dit, en termes peut-être excessifs, que la réprobation publique était pour un Inka de sang royal une peine plus terrible que la mort pour un Indien vulgaire 103.

D'une façon générale, les châtiments étaient très rigoureux 104 ; le plus souvent la peine de mort était appliquée, elle l'était presque toujours en cas de récidive, ce qui ne doit point surprendre puisque la violation de la loi de l'Inka pouvait paraître aux yeux du peuplé un véritable sacrilège et que, même aux yeux de l'élite, le délit avait un caractère social qui faisait du délinquant un coupable envers l'État. Certains auteurs parlent d'une prison située à Cuzco « dont le nom seul faisait trembler d'épouvante », où étaient enfermées des bêtes sauvages auxquelles les criminels étaient livrés 105 ; d'autres mentionnent le bagne dans les plantations malsaines de coca situées à l'est des Andes, l'exposition du coupable chargé d'un fardeau, l'application de coups avec une pierre ou avec des verges, le blâme, la destitution des fonctionnaires, la confiscation des biens 106.

La responsabilité collective de la communauté, survivance que l'on retrouve en maint pays européen, existait seulement pour le crime considéré comme le plus grave, celui d'avoir eu des relations avec une « épouse du Soleil » ; en ce cas le village dont le coupable était originaire devait être détruit et rasé, mais jamais cette sanction ne fut appliquée, car jamais pareil crime ne fut commis 107.

Le père était entièrement responsable de ses enfants et, le cas échéant, il était frappé de la même peine qu'eux ; aussi les surveillait-il avec le plus grand soin. Par contre les fautes des parents ne retombaient pas sur les enfants 108 ; lorsqu'un kuraka était destitué, son fils prenait sa place quand la coutume locale admettait l'hérédité du pouvoir.

Le propriétaire d'un animal était responsable des dégâts commis par celui-ci 109.

D'une manière générale, la réparation du préjudice était à la charge de celui qui l'avait causé ; celui qui avait par imprudence incendié une maison devait la reconstruire 110.

Quelques auteurs ont cru pouvoir résumer le droit pénal en cinq interdictions fondamentales : Ne sois pas menteur. Ne sois pas paresseux. Ne sois pas voleur. Ne sois pas assassin. Ne sois pas débauché 111.

La règle admise en sas de vol était particulièrement remarquable. Si le voleur avait agi par malice ou par paresse, il était puni, à quelque classe sociale qu'il appartînt ; s'il avait agi sous l'empire de la nécessité, c'était le fonctionnaire chargé de veiller à son entretien qui était châtié 112.

Grâce à cet ensemble de mesures, les crimes ou délits étaient fort rares dans l'Empire 113. Sans doute une si étonnante vertu était obtenue plus par la crainte du châtiment que par l'amour du bien ; on peut le regretter du point de vue moral, mais il faut bien constater que de nos jours la crainte demeure enc6re le principal facteur d'amélioration, même dans la religion où l'échéance du châtiment se trouve simplement reculée à une date indéterminée. L'homme n'est pas un ange et, si on juge l'arbre par le fruit, la société d'alors nous paraît bien supérieure à celle d'aujourd'hui, où les mesures de clémence sont si fréquentes. La bonté ne saurait sans danger se substituer à la justice.

« La peur faisait marcher tout le monde dans le droit chemin et il n'y avait ni voleur, ni vagabond 114. » Les idées humanitaires et la sensiblerie qui sont, suivant les théoriciens de l'individualisme moderne, le signe de la dégénérescence de l'élite, n'avaient pas encore pénétré dans l'âme fière des Inka.

Les choses changèrent complètement quand les Espagnols arrivèrent. La Justice rapide et inexorable de l'Inka disparut, d'interminables procès se multiplièrent, les juges furent pleins de mansuétude pour les criminels et les débauchés, et l'on trouva sur les marchés des grandes villes des Indiens qui gagnaient leur vie en servant de témoins 115.


Les caractéristiques du socialisme des Inka

Le système péruvien s'est superposé aux communautés agraires anciennes sans les détruire, comme le culte du Soleil s'est superposé aux cultes locaux, le kičua aux langues régionales, et le mariage par donation au mariage par achat. La dualité fondamentale éclate à chaque pas. Garcilaso l'indique, sans en apercevoir toute la portée, lorsqu'il expose que les gouverneurs doivent d'abord exécuter les lois du souverain et ensuite veiller aux intérêts particuliers de leur province 116. Les monarchies absolues sont spécialement favorables à l'établissement d'un socialisme d'État de cette sorte, et nous en trouvons des exemples dans l'histoire, notamment dans l'Empire romain, au IVe siècle de notre ère 117, mais rarement un peuple alla aussi loin dans cette voie que le Pérou.

L'Empire des Inka prenait, comme la ruche ou la fourmilière, figure d'individu unique dont les cellules seraient des êtres vivants.

Malgré tout, l'intérêt personnel gardait une petite place. Non seulement il demeurait sous forme d'intérêt familial le mobile du travail de la terre et de la fabrication des objets domestiques, mais encore l'Inka s'efforçait de le faire jouer en distribuant des dons, en décernant publiquement l'éloge ou le blâme, en accordant des permissions particulières telles que celle d'avoir un siège ou de se faire porter en litière, en permettant enfin exceptionnellement aux In­diens ordinaires de prendre rang parmi les Inka « par privilège » 118.

Le monarque ne manifestait aucune hostilité contre la propriété individuelle. C'est grâce à ses donations que ce te propriété est entrée dans l'histoire, au Pérou du moins, non pas comme de le fruit de la spoliation ou de la conquête, mais sous la forme éminemment morale d'une récompense attribuée au mérite. L'Inka ne cherchait pas non plus à réduire les échanges et si les richesses circulaient par la voie des tributs, des répartitions et des donations plus peut-être que par celle du troc, du moins l'Empire n'était-il pas un État fermé, car des étrangers, commerçants ou pèlerins, le parcouraient en tous sens. Des emplacements leur étaient affectés dans les villes 119 ; des fonctionnaires spéciaux étaient chargés de veiller à leur sécurité, de leur procurer des médecins et de leur assurer une sépulture le cas échéant 120.

Si peu sectaires étaient les souverains qu'ils respectaient dans la plus large mesure les coutumes locales, comme nous l'avons vu ; mais n'en concluons pas, comme l'ont fait à tort tant d'auteurs, qu'ils n'ont rien inventé et qu'ils se sont bornés à généraliser des systèmes antérieurement existants, ce qui serait déjà d'ailleurs un beau titre de gloire. Ils ont véritablement créé de toutes pièces un cadre socialiste de production, de répartition, de consommation et hiérarchisé la population de manière à placer tous les pouvoirs comme toutes les responsabilités entre les mains des chefs. Dans ce système d'une inflexible mathématique, l'agriculteur ne connaissait que son décurion et son centurion, ne sortait guère de sa vallée, ne possédait aucune instruction et devait obéir aveuglement à ses supérieurs sous la menace de châtiments sévères ; le centurion à son tour connaissait plusieurs vallées et possédait quelques lumières, et plus nous montons dans l'échelle sociale, plus nous trouvons à la fois une augmentation de puissance, un accroissement de connaissances, une épuration de la conception du devoir. Les forces matérielles, intellectuelles et morales étaient merveilleusement coordonnées.

Cette hiérarchie sociale s'appuyait sur une « superorganisation » économique. Grâce à la statistique, la production et la consommation semblaient devoir s'équilibrer, et les réserves servaient de volant au mécanisme.

Seulement, cette harmonie n'était pas aussi parfaite qu'elle le paraissait. Dans les régions récemment conquises, le plan n'était pas immédiatement appliqué ; ses lignes longtemps floues se précisaient à la longue ; aussi trouvait-on dans l'Empire toute une gamme de situations, depuis les pays complètement unifiés jusqu'à ceux où le pouvoir de l'Inka ne se manifestait encore que sous la forme de la constitution d'un domaine d'État. Il est possible même qu'un petit nombre de tribus, comme les Atakama, n'aient pas été sujettes des Péruviens, mais qu'elles aient simplement payé des contributions 121 et que, sur certaines frontières éloignées, quelques territoires aient joui d'une véritable autonomie sous la direction de gouverneurs orejones, qui devaient parfois causer des inquiétudes au souverain 122. En Équateur, où les Inka ont régné pendant une génération, le plan rationnel a été moins exactement appliqué que dans la Bolivie, restée pendant plus de deux siècles sous la domination de Cuzco. La souplesse de la législation inka a fait sa force. L'Empire n'était pas socialisé, il était en voie de socialisation. Les membres n'étaient pas encore tous desséchés au profit de la tête ; mais leur vitalité diminuait.

Même dans les anciennes provinces, le système conservait quelque chose d'artificiel ; il ne s'adaptait jamais exactement à la réalité, puisque la consistance des divisions administratives changeait légèrement avec les variations de population, puisque aussi les distributeurs ignoraient ce que possédaient déjà les ayant droits et répartissaient aveuglément les denrées et les matières premières en comptant sur les échanges ultérieurs pour opérer les rectifications nécessaires. Le plan demeurait dans une certaine mesure théorique, abstrait ; il était en quelque sorte un idéal dont on se rapprochait sans cesse, sans pouvoir espérer l'atteindre jamais, Mais pouvait-il en être autrement ? Un système social rationnel, même le plus parfait du monde, ne peut pas tenir compte de toutes les manifestations de la vie et le penseur le plus génial perdrait son temps à vouloir l'établir. Tout cadre rigide craquerait si l'on cherchait à l'adapter exactement à une société, même simplifiée à l'excès, et le tout-puissant seigneur de Cuzco lui-même ne serait point parvenu à en imposer un.


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