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Milliere Guy - mercredi 05 mars 2008
sarkozy, medias
Je me suis fait des illusions assez limitées sur Sarkozy. J’attendais mieux, beaucoup mieux tout de même. Je pense que les réformes économiques profondes qui n’ont pas été effectuées en début de mandat vont devenir très difficiles à faire lorsque la déception sera installée et se trouvera accompagnée par un reflux plus fort que celui qui s’amorce déjà et qui risque de se poursuivre.
Comme nombre de Français, je ne parviens pas à discerner chez Sarkozy d’orientations claires et précises, que ce soit en politique intérieure ou en politique étrangère, et je vois plutôt des successions d’à-coups dans différentes directions qui ressemblent à de l’agitation, davantage qu’à de la détermination. Je pense que les épisodes privés de la vie de Nicolas Sarkozy sont venus s’ajouter à l’ensemble…
Je commence à trouver, cela dit, que l’atmosphère ces dernières semaines s’est rapprochée du lynchage généralisé, et cela me semble gênant et inquiétant pour le futur. Le moindre geste et la parole la plus anodine du Président déchaînent immédiatement une meute en furie. Un hebdomadaire fait parler un psychiatre pour lui demander si l’homme a toute sa santé mentale et s’il lui semble qu’il se masturbait trop étant enfant. Un autre le compare (de manière grossière et désobligeante, bien sûr) à Berlusconi.
Un troisième publie un vague appel que signe une cohorte hétéroclite de communistes en perdition, de vieux gaullistes aigris, de socialistes orphelins d’une idéologie décrépite et de Verts tendance verdâtre, et qui dénonce l’accaparement du « pouvoir personnel » ou une politique étrangère autrefois digne, et qui serait devenue soudain lamentable.
Dois-je le dire ? Quelles que soient les critiques que je puisse adresser à Nicolas Sarkozy, je pense qu’il serait très difficile de montrer qu’il exerce davantage de « pouvoir personnel » que ses prédécesseurs, qui se sont souvent comportés de manière monarchique et ont pratiqué à satiété ce que Jean-François Revel avait appelé « l’absolutisme inefficace ». Je pense que la différence avec Sarkozy est qu’il est moins hypocrite : or, dans un pays où les débats se mènent en général de manière biaisée, tout ce qui rompt avec l’hypocrisie passe difficilement. Je pense aussi que ce qui gêne chez Sarkozy, dans un pays vieillissant, c’est la fougue de la jeunesse.
Si les remarques proférées portaient sur le dynamisme insuffisant de la politique sarkozyenne, je les comprendrais, mais qu’elles portent sur ce thème - le « pouvoir personnel » - me semble d’autant plus aberrant que ceux qui font les remarques les assortissent de flèches perfides contre le « libéralisme » de Sarkozy : si passer de la sclérose immobile qui a marqué la France ces dernières décennies à un peu de mouvement dans un étatisme continué, c’est du libéralisme, je dois en déduire que les mots ont totalement perdu toute signification.
Dois-je le dire encore ? Quelles que soient, là encore, les critiques que je puisse adresser à Sarkozy, affirmer que la politique étrangère française ces dernières années a relevé d’autre chose que du cynisme et de l’arrogance impuissante me semble bien davantage qu’aberrant : trouver digne la « politique arabe » de ces dernières années, un antiaméricanisme de roquet étriqué, et une vaine prétention à incarner encore une « grandeur » indique chez ceux qui procèdent à ce genre d’appréciations une préoccupante indigence intellectuelle.
Ce qui gêne Sarkozy chez ces idiots suffisants, c’est, en fait, ce qu’il a manifesté d’ouverture au monde, de réconciliation avec l’Amérique et les forces de liberté. S’ils disaient qu’ouverture et réconciliation devraient se faire plus nettement, on pourrait les écouter : or, ils disent exactement l’inverse !
Sarkozy doit être critiqué, mais pas ainsi. Ceux qui poursuivraient dans cette voie risqueraient de conduire le pays davantage vers l’ornière dont il semble si difficile de l’extirper. Ceux qui écouteraient ces mauvais guides se condamneraient eux-mêmes à une mort lente et irrémédiable.
Et puis, il m’arrive de penser que la démocratie en France est encore une chose fragile : laissons la tentation du lynchage aux pays englués dans le sous-développement économique, politique et culturel.
Milliere Guy - mercredi 27 février 2008
Voici quelques années encore, on pouvait publier des livres philosophiques précis et argumentés, voire des livres où des journalistes imprégnés d’une ancienne culture pouvaient proposer une vision du monde porteuse d’assez de profondeur pour inciter à la méditation. Nous sommes à l’ère de la philosophie moribonde où celui qui se prétend penseur disserte d’entités vides telles que Cécilia Sarkozy ou François Hollande, et à l’ère où une culture qui eût ses heures de gloire et de grandeur n’en finit pas de ne pas discerner qu’elle est épuisée.
J’écris en langue française, et j’écris donc en ce contexte qui, bien souvent, me semble désespérant. J’ai, dans mes tiroirs, une dizaine de manuscrits qui relèvent pleinement du travail de la pensée. Je publie les livres qu’il m’est donné de pouvoir publier. J’écris des articles aussi, en français et en anglais, que je publie en divers lieux. Je reste fidèle aux « 4 vérités » parce qu’Alain Dumait est un ami et que je suis fidèle en amitié, et aussi parce qu’il me laisse ce bien, rare et infiniment précieux, qu’est la pleine liberté de parole.
Les thèmes que j’aborde sont liés, souvent, à l’actualité, et il peut arriver que certains événements n’évoluent pas pleinement comme j’aurais pu l’anticiper ou le souhaiter. Mes réflexions sont guidées par des principes auxquels je resterai fidèle, quoi qu’il advienne. Il existait autrefois une collection appelée « Ce que je crois », et les auteurs y exposaient, souvent avec brio, leurs convictions. Je pourrais m’inscrire dans la continuité : au mot croyance, je préférerais ceux de « principes », de « valeurs », d’« éthique », mais qu’importe.
L’histoire du XXe siècle que Robert Conquest a appelé un « siècle ravagé », montre que l’être humain, qui est capable du meilleur, peut se révéler aussi capable du pire. J’ai en moi une aversion absolue pour toute forme de totalitarisme et une préférence absolue pour la liberté et l’affirmation de la nécessité du respect principiel de la dignité de l’être humain.
Je suis, sans concession, du côté de ceux qui affirment la liberté de parole et d’entreprise, la liberté d’aller et venir, et même de se tromper. L’idée de « droits naturels » de l’être humain telle qu’elle a avancé dans la réflexion occidentale depuis le temps de Thomas d’Aquin, et l’idée de « rule of Law » définie par John Locke sont des remparts essentiels et indispensables contre toute forme de barbarie.
Les principes fondamentaux du judaïsme, que le christianisme a repris à son compte, sont, par les idées de Loi et de transcendance, ce qui définit l’accès même à la civilisation. Je pense que lorsque les idées de Loi et de transcendance sont absentes ou éclipsées, le chaos le plus innommable s’installe.
La science et les technologies modernes sont nées des idées de Loi et de transcendance puisqu’elles impliquent l’idée de maîtriser la nature et de servir la dignité de l’être humain. Parce que j’ai examiné l’histoire du XXe siècle à la lumière de la pensée de mes maîtres, qui, au-delà de Locke, incluent Karl Popper ou Friedrich Hayek, et parce que j’ai scruté l’histoire aussi précisément que possible, je sais quelles monstruosités ont été le nazisme et le communisme. Le socialisme est totalitaire par essence. L’Europe a enfanté le meilleur, mais aussi des monstruosités.
Ma défense des États-Unis vient de ce qu’ils sont à mes yeux, selon la belle expression d’Yves Roucaute, la « puissance de la liberté » : celle en laquelle les hommes libres au fil du temps se sont reconnus, et celle qui, par-delà les vicissitudes, a préservé la liberté sur terre. Ma défense d’Israël est liée tout à la fois à mon amour du peuple juif à qui nous devons la Loi et la transcendance, à la légitimité pour ce peuple de disposer d’une patrie, au fait que la Shoah, cet immense crime commis en commun, devrait inciter nombre d’Européens à davantage de dignité s’ils entendent montrer qu’ils n’ont pas pleinement trahi la civilisation, à mon refus de voir l’histoire du Proche-Orient falsifiée, car j’ai en horreur la falsification, et à mon désir d’œuvrer pour que les peuples musulmans avancent vers la liberté et la civilisation.
Il existe un totalitarisme islamique. Il existe aussi, selon l’expression de Daniel Pipes, une bataille pour l’âme de l’islam, et je veux et j’espère l’intégration des musulmans modérés à la modernité. Je veux penser cette intégration possible et j’œuvre pour qu’elle le soit.
Milliere Guy - mercredi 20 février 2008
Nicolas Sarkozy voit sa cote de popularité s’effriter dans les sondages. Cela me semble, hélas, logique. Non pas parce qu’il gère sa vie privée comme une star de cinéma, mais parce que les Français voient leurs fins de mois difficiles, et parce qu’ils voient que les réponses à leurs inquiétudes tardent.
Sarkozy promet de faire monter le pouvoir d’achat, de permettre de gagner plus en travaillant plus, d’empêcher des fermetures de sites de transnationales et de « sauver » les emplois de tous les salariés et de tous les sous-traitants, et que sais-je encore ?
Il ne semble pas discerner que le volontarisme économique, s’il n’a jamais été très efficace, est aujourd’hui obsolète. Il ne semble pas vouloir comprendre que les « délocalisations » se poursuivront tant que les charges hors de France seront moins élevées qu’en France.
Il a choisi un gradualisme si lent qu’il ne peut que décevoir ceux qui espéraient une « rupture », sans pour autant satisfaire ceux qui pourraient encore imaginer qu’une politique de type keynésien a encore des chances de fonctionner au XXIe siècle.
À donner l’impression qu’on peut offrir tout et son contraire, on finit par sembler n’avoir rien à offrir. À laisser croire que l’État peut signer des chèques en blanc quand les caisses sont vides, on risque d’être pris pour un populiste. J’ai voulu faire confiance : je suis aujourd’hui sceptique.
Je pense que la France garde quelques chances infimes de se redresser, mais risque fort de les gaspiller. Si Sarkozy échoue, ce n’est pas la consternante gauche française qui pourra incarner une alternance. À droite, il n’y a rien, et, en particulier, pas de courant libéral et conservateur fort.
Le travail des idées ne se fait pas en ce pays : je fais ce que je peux à l’Institut Turgot avec les moyens que j’ai, et ils sont faibles, car les entrepreneurs français ont du mal à discerner l’importance du travail des idées, précisément. Alain Madelin, qui a toujours et indéfectiblement toute mon estime, fait lui-même ce qu’il peut et s’est, pour le moment, éloigné de la politique. Je travaille sur « l’économie de la connaissance », mais je discerne que nombre de mes interlocuteurs ne discernent pas toutes les implications, immenses, du changement de paradigme en lequel nous sommes.
Je ne puis m’empêcher de penser qu’il est très tard, non seulement pour la France, mais pour l’Europe. Le traité dit « simplifié » sera sans doute adopté, mais il est absolutiste et donc inadéquat, sauf à penser que les années qui viennent seront propices pour le réglementarisme technocratique.
Le vieillissement des populations se poursuit, en certaines contrées, à un rythme accéléré. Les systèmes sociaux devraient, partout, glisser vers des déficits croissants. Une immigration devra se faire en proportions massives si l’Europe n’entend devenir un grand hospice de vieillards, et l’immigration actuelle est déjà en train de changer la substance culturelle de l’Europe en direction de l’islam.
La bataille pour l’âme de l’islam reste incomprise et les discours sont, le plus souvent, ceux de l’aveuglement total ou du rejet total. Alors que nous sommes dans une ère où il faut penser à l’échelle planétaire, fort peu de réflexions se mènent à l’échelle planétaire et tentent de déchiffrer une mondialisation accélérée où économie, culture et géopolitique sont inextricablement mêlées.
Dans le monde qui parle anglais, non seulement la réflexion se mène à l’échelle planétaire, avec des livres comme ceux de Thomas Friedman (« The world is Flat ») ou ceux de Thomas P.T. Barnett (« The Pentagon’s New Map »), mais on parle aussi, de plus en plus nettement, de la mort de l’Europe. Tel était le thème d’un essai de Mark Steyn (« America Alone »). Tel était aussi le thème du dernier ouvrage du grand historien Walter Laqueur, sur lequel je reviendrai plus en détails (« The Last Days of Europe. Epitaph for an Old Continent »).
Il semble que ce soit de l’extérieur de l’Europe qu’on discerne plus aisément ce qui arrive à l’Europe. Les sociétés qui ont un avenir, disais-je voici quelques années, regardent le futur sans baisser les yeux, ni s’aveugler. Les sociétés sans avenir parlent de futur de manière vague et emphatique, mais préfèrent se crever les yeux. J’espère encore que les Européens n’ont pas choisi de se crever les yeux. Mes espoirs sont minces, très minces.