(1) En vertu des clauses de l'accord de Washington, la Cisjordanie était répartie en trois zones (A, B et C), dotées d'une autonomie plus ou moins large. La zone A (4 % de la Cisjordanie et 20 % de sa population) exclut Jérusalem-Est et une partie d'Hébron. L'Autorité palestinienne y détient des pouvoirs de police et civils, sauf à Hébron. En zone B, qui comprend 450 villages palestiniens et représente 23 % de la superficie de la Cisjordanie, l'Autorité détient les pouvoirs civils et une partie des pouvoirs de police. La zone C, enfin, soit 73 % de la Cisjordanie, demeure sous contrôle de l'État israélien. (2) Le Tanzim (« Organisation ») est une structure paramilitaire issue d'une faction du Fath. Il fut créé à Ramallah par Marwan Barghouti, dirigeant de la première Intifada et secrétaire général du Fath en Cisjordanie. (3) Jérusalem, jamais mentionnée sous ce nom dans le Coran, y apparaît sous diverses appellations : Al Qods, Bayt al Maqdis, Bayt al-Muqqades, ou la « Maison sainte ». Mahomet, tentant dans un premier temps de convaincre les juifs d'Arabie de rejoindre sa communauté, décréta que l'on prierait en se tournant vers le Nord, en direction de Jérusalem. Mais après avoir rompu avec les juifs de Médine qu'il fit massacrer en masse, il fixa l'orientation de la prière (Qibla) vers La Mecque. En outre, c'est via Jérusalem que Mahomet aurait accompli un ultime voyage nocturne sur le dos de sa jument blanche, Al-Buraq. Partant du mur situé à l'ouest du Mont du Temple, il serait monté au Septième ciel avec l'ange Gabriel, en passant par le Dôme du Rocher, Hébron, Bethléem et tous les autres lieux de la tradition biblique, rencontrant sur sa route Adam, Noé, Abraham, David et Jésus, devenus « musulmans ». Jérusalem est donc le lieu par excellence de la « captation », par l'islam, de l'héritage biblique judéo-chrétien. (4) Dans leurs nombreuses déclarations et fatwas, nombre d'imams et de muftis palestiniens nient le caractère sacré du Mont du Temple et du « Mur des lamentations » (mur occidental de l'ancien Temple). L'Autorité palestinienne et le Waqf interdisent donc l'ouverture, dans l'enceinte, de tout chantier archéologique visant à prouver l'existence de vestiges du Temple. C'est dans le cadre de cette même bataille symbolico-historique que les responsables palestiniens ont fait détruire le tombeau de Joseph, sans que Tel-Aviv réagisse. Ce qui sera vivement reproché à Ehoud Barak. (5) La géopolitique sous-estime d'autant moins le poids symbolique considérable du « conflit d'antériorité » relatif à Jérusalem que les hommes se sont toujours battus pour ce type de « patrimoine identitaire ». Mais Jérusalem n'est pas le seul théâtre de cette guerre des représentations. La ville d'Hébron abrite, par exemple, outre des Palestiniens arabes, de nombreux juifs, perçus comme « extérieurs » alors même qu'ils y ont toujours vécu. Du point de vue judaïque, la présence de juifs à Hébron est capitale, car c'est là que se trouvent les tombeaux d'Abraham et Sarah, d'Isaac et Rébecca, de Jacob et Leah. Le Caveau des patriarches, vieux de près de 4 000 ans, a une valeur inestimable. (6) La grande presse a abondamment dénoncé le caractère sacrilège du projet israélien consistant à creuser un tunnel sous l'Esplanade des mosquées. En réalité, le tunnel en question ne faisait que longer le mur extérieur de l'Esplanade. (7) Les dhimmis (de l'arabe « Ahl al-dhimma » ou les « gens du pacte ») sont les juifs et les chrétiens vivant en terre d'islam, que la loi islamique (Charia) oblige à payer un tribut (jiziyya) en échange d'une liberté de culte limitée. Le dhimmi n'est pas considéré comme un citoyen à part entière : il ne peut ni commander un Vrai croyant ni porter les armes. Il doit accepter la supériorité du musulman, ainsi que son prosélytisme. (8) Sayyid Qutb, Fi Zilal Al Qur'an, III, p. 1208. (9) Mgr Sabbah est le patriarche catholique de rite latin de Jérusalem. (10) Cité in Limes, « Teheran si prepara alla guerra, Israele/Palestina, la terra stretta », janvier 2001. (11) Jadis persuadé que l'islamisme était une création de la CIA et du Mossad, Carlos explique aujourd'hui que l'islamisme « néo-wahhabite » de Bin Laden constitue la seule voie « radicalement révolutionnaire » face à l'« hégémonie américano-sioniste ». Voir la lettre adressée par le terroriste à Jeune Afrique (n° 1966, 15-21 septembre 1998) depuis la prison de la Santé. (12) La ré-islamisation de l'Irak est patente à tous les niveaux du pouvoir : armée, gouvernement et parti Baas. Elle se manifeste de diverses manières, depuis le soutien apporté aux associations islamiques jusqu'à la traque des boissons alcoolisées lors du Ramadan. De même, les discours officiels commencent tous, désormais, par la formule islamique : Bismallah al Rahman al Rahim (« Au nom de Dieu le clément et le miséricordieux »). Les cadres du parti ne boivent plus d'alcool en public, fréquentent ostensiblement les mosquées et exaltent le thème de la « récupération » de Jérusalem. (13) A l'instar des Frères musulmans, le grand mufti de Jérusalem Al-Hadj Amin Al-Husseini prôna le jihad contre les juifs dans l'ensemble du monde islamique. Il édicta une fatwa stipulant que l'enrôlement des musulmans dans les armées allemandes correspondait à une « obligation religieuse ». A son appel, 20 000 musulmans bosniaques s'engagèrent dans la division Waffen SS Handchar. D'autres unités furent également constituées : la division musulmane SS Kama, la milice des Cadres verts de Nasid Topcic et Hajji Effendic, la Légion islamique de Huska Milikovic, ainsi que la division albanaise SS Skanderbeg. Entre décembre 1943 et mai 1944, la division Skanderbeg massacra la quasi-totalité des juifs de Pristina. Près de soixante ans plus tard, les nationalistes albanais, profitant de l'appui occidental, expulsèrent de Pristina tous les non-albanophones, Turcs et Juifs compris. Rappelons, enfin, que l'ancien président bosniaque Alijà Izetbegovic dirigea, à partir de 1942, les « Jeunesses musulmanes » pro-hitlériennes. (14) L'ouvrage de référence, sur ce sujet, est Le Croissant et la Croix Gammée. Les secrets de l'alliance entre l'Islam et le nazisme d'Hitler à nos jours, Roger Faligot et Rémi Kauffer, Albin Michel, 1990. (15) Dans sa livraison du 25 janvier 2001, le journal officiel de l'Autorité palestinienne, Al-Hayat Al-Jadida, cite abondamment Les Protocoles des sages de Sion pour fustiger la politique israélienne et la « perfidie des Juifs ». (16) Les Protocoles des Sages de Sion sont un faux antisémite notoire, rédigé à Paris, à la fin du XIXe siècle, par un membre de la police du tsar (Okhrana), dans le but de faire croire en l'existence d'un « complot juif mondial » visant à s'emparer des leviers de commande de l'univers, sous le couvert de la démocratie. (17) Cette précision me permet de répondre à la note de lecture consacrée, par M. Jacques Baudouin, à mon livre Guerres contre l'Europe, Bosnie, Kosovo, Tchétchénie dans le n° 90 de Politique Internationale. M. Baudouin, qui relaie sans recul la propagande de l'Otan visant à « nazifier les Serbes », présente mes thèses relatives à la guerre du Kosovo comme « anti-américaines » et favorables au régime de Slobodan Milosevic. Or il ne prouve à aucun moment ce qu'il avance sur mes prétendues accointances « slavo-bolcheviques », et il omet de préciser que je qualifie à 21 reprises le régime de Milosevic d'« autoritaire », de « dictatorial », de « détestable »… Ce n'est pas la volonté affichée par l'Otan et l'Occident d'« empêcher une catastrophe humanitaire » que je dénonçais, mais le fait qu'il s'agissait d'un simple prétexte visant à légitimer l'opération Force alliée. En utilisant les termes de « génocide », de « charniers » et de « camps de la mort », les médias et les responsables occidentaux instrumentalisèrent cyniquement les douleurs de la Shoah. Cette « propagande de guerre » masquait deux réalités gênantes : le fait que l'intervention otanienne profitait aux terroristes de l'UCK, et l'absence de réaction occidentale à des massacres de bien plus grande ampleur perpétrés ailleurs dans le monde. Or comme l'ont dit Claude Lanzmann ou Simone Veil, ce type de manipulation risque de banaliser l'Holocauste, pour le plus grand profit des négationnistes. (18) Voir l'intervention de Claude Lanzmann, « La nouvelle Affaire Dreyfus », lors du colloque organisé par la Fondation Marc Bloch sur la guerre du Kosovo : « Je n'ai pas besoin de la Shoah pour dire que ce qui se passe en ex-Yougoslavie est effrayant (...). Rien n'est plus épouvantable que la comparaison des horreurs, mais quand on dit déportation, cela a pour moi un sens précis : on déporte vers les camps de la mort. » Cité dans Le Figaro, 31 mai 1999. (19) Pierre André Taguieff « L'antiracisme en crise, éléments d'une critique réformiste », in Michel Wieviorka (éd), Racisme et Modernité, La Découverte, 1993, p. 367. Taguieff écrit : « La vulgate anti-nationaliste contemporaine applique à l'objet de sa haine la reductio ad hitlerum, le réduisant à un inquiétant mélange d'irrationnel et de barbarie. » (20) François Darras, « Les juifs de France pris en otage », Marianne, 17-23 juillet 2000. (21) William Goldnadel, discour
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LIBERTÉ D'IMMIGRER OU INTÉGRATION FORCÉE ?* Hans-Hermann HOPPE Comme l'indique l'immigrationnisme forcené des bandits communistes, la véritable liberté en matière d'immigration est le contraire exact de l'intégration forcée qu'imposent les gouvernements démocrates-sociaux à l'échelle du monde. A défaut d'une société totalement libre, l'Etat ne peut mener une politique d'immigration raisonnable que s'il agit comme le ferait un roi [F. G.]. L'argument classique en faveur de l'immigration sans frein se présente comme suit : toutes choses égales par ailleurs, les entreprises vont là où le travail coûte moins cher, réalisant ainsi une approximation du principe "à travail égal, salaire égal"**, de même que la meilleure affectation du capital possible. Un influx d'immigrants dans une région à salaires élevés abaissera les salaires nominaux. Cependant, il ne réduira pas les salaires réels si la population se trouve en-deçà de sa taille optimum (et il est certain que les Etats-Unis, dans leur ensemble, ont bien moins de population que sa taille optimale). Si c'est le cas, en fait la production augmentera tellement que les revenus réels augmenteront. De sorte que les restrictions à l'immigration feront plus de mal aux travailleurs protégés en tant que consommateurs qu'elles ne leur feront gagner en tant que producteurs***. En outre, des restrictons à l'immigration accroîtront la "fuite" de l'épargne à l'étranger (l'exportation des capitaux qui seraient restés autrement), provoquant une égalisation des taux de salaire (quoique plus lentement), mais conduisant à un gaspillage du capital, détériorant ainsi les niveaux de vie dans le monde. Tel que présenté plus haut, l'argument en faveur de l'immigration sans frein est irréfutable et exact. Il serait aussi stupide de le contester que de nier que la liberté des échanges conduit à des- * Titre original : "Free Immigration or Forced Integration?" paru dans Chronicles, Vol. 19, N° 7, juillet 1995, publication mensuelle (ISSN 0887-5731) du Rockford Institute, 934 North Main Street, Rockford, IL 61103-7061. Traduit par François Guillaumat. ** Etant entendu que l'expression "travail égal" ne se réfère pas à de caractéristiques physiques du travail, ni même à un niveau de formation, mais à une productivité en valeur effectivement comparable [F. G.]. *** Tout en soulignant que cet accroissement du revenu réel fait baisser le chômage (les services s'échangent contre les services et tout accroissement de l'offre réelle de services est ipso facto un accroissement de la demande de travail) rappelons que la question du chômage ne se pose de façon aiguè qu'en France et dans les autres pays européens où les hommes de l'Etat mettent un zèle particulier à : - interdire de travailler : dispositions autoritaires du code du travail, dont le salaire minimum, les conditions de diplômes, d’âge, etc. et autres interdictions de produire et d'échanger. - Punir ceux qui ont travaillé : tous les pillages auxquels ils se livrent sur le revenu des travailleurs, au titre de la “sécurité sociale” ou de l’“Etat”. - Récompenser ceux qui ne travaillent pas : tout l’argent volé aux travailleurs qu'ils distribuent indépendamment de tout travail, à commencer par l'“indemnisation” du chômage et le RMI. - Planifier la production de monnaie sur le mode soviétique : (la “politique monétaire”, source inépuisable de crises financières et conjoncturelles). -niveaux de vie plus élevés que le protectionnisme. Ce serait aussi une erreur de contester l'argumentaire immigrationniste en faisant remarquer que, du fait de l'existence d'un Etat-providence, l'immigration concerne désormais dans une large mesure des parasites des systèmes sociaux* qui, alors même que la population des Etats-Unis est en-deçà du niveau optimum, n'accroissent pas le niveau de vie général mais le diminuent. En effet, il ne s'agit pas d'un argument contre l'immigration mais contre l'Etat-providence. Bien sûr, celui-ci doit être détruit, éradiqué. Mais les problèmes de l'immigration et de l'Etat-providence sont des problèmes analytiquement distincts, et on doit les traiter en conséquence. Le problème de l'argumentaire qui précède est qu'il souffre de deux défauts connexes qui invalident sa conclusion d'immigrationnisme inconditionnel, ou qui limitent son applicabilité à une situation hautement irréaliste —depuis longtemps évanouie dans l'histoire humaine. On ne mentionnera qu'en passant le premier défaut : pour les libéraux conséquents de l'Ecole autrichienne d'économie politique, il est évident que ce qui constitue le "bien-être" est un jugement de l'esprit, et les ressources matérielles ne forment qu'une part de ses considérations. Même si les revenus réels augmentent du fait de l'immigration, il ne s'ensuit pas que l'immigration doive en être automatiquement tenue pour "bonne", car on pourrait préférer un niveau de vie plus bas et une plus faible population à une plus grande richesse matérielle dans un peuplement plus dense. C'est sur la seconde impasse que nous allons nous concentrer ici : c'est sur un territoire particulier que les gens immigrent. Or, l'analyse présentée au départ ne traite absolument pas la question de savoir qui, s'il existe, possède (maîtrise) le territoire en question. En fait, pour rendre l'analyse applicable, on suppose —implicitement— que le territoire en question n'appartient à personne, et que les immigrants arrivent sur un espace vierge (la "frontière ouverte" de l'histoire américaine). Il est évident que cette hypothèse, on ne peut plus la faire. Or, si ce postulat est abandonné, le problème de l'immigration acquiert un sens fondamentalement différent, et exige d'être repensé de fond en comble. Pour illustrer ce que j'entends, imaginons une société anarcho-capitaliste : quoique je sois persuadé qu'une telle société est le seul ordre politique que l'on puisse défendre comme juste, je n'essaierai pas d'expliquer ici pourquoi c'est le cas**. Je vais plutôt l'utiliser ici comme un point de départ conceptuel, pour contribuer à faire comprendre l'erreur fondamentale de la plupart des apôtres contemporains de l'immigration illimitée. Supposons donc que toute la terre soit propriété privée : cela inclut toutes les rues, routes, aéroports, ports, etc. Pour certains terrains, le titre de propriété n'est soumis à aucune servitude : c'est-à-dire que le propriétaire est libre de faire tout ce qui lui plaît aussi longtemps qu'il ne porte pas atteinte à la propriété des autres. Pour d'autres, l'usage peut être plus ou moins- * Et pas seulement à l'initiative des intéressés : la politique de "regroupement familial" a eu précisément pour effet de subventionner l'immigration de femmes et d'enfants, parasites par vocation (multipliant en outre démesurément les problèmes de délinquance que la deuxième génération a toujours posés dans tout pays d'immigration) [N.d.T.]. ** Cf. Murray Rothbard : L'Ethique de la liberté, Paris, Les Belles Lettres, 1991 [N.d.T.]. -étroitement restreint. Comme c'est aujourd'hui le cas dans certains lotissements, le propriétaire peut être soumis à des limites contractuelles à ce qu'il peut faire de sa propriété (des règles d'urbanisme librement acceptées) telles que : usage résidentiel ("occupation bourgeoise") et non usage commercial, hauteur des immeubles limitée à trois étages, pas de vente ni de location aux Juifs, Allemands, Catholiques, homosexuels, Haïtiens, aux familles avec ou sans enfants, ou aux fumeurs, entre autres exemples. Il est clair que dans cette société strictement libérale, il n'existe absolument aucun "droit à l'immigration". Ce qui existe, à la place, c'est le Droit de multiples propriétaires indépendants d'inviter ou de ne pas inviter les autres chez eux, conformément à leurs titres de propriété illimités ou limités. L'accès à certains terrains pourra être facile, et à d'autres quasiment impossible ; dans tous les cas, être accepté sur la propriété de celui qui vous invite n'implique aucun "droit" de se promener dans les environs, à moins que les autres propriétaires n'acceptent de telles déambulations. Il y aura sur chaque terrain exactement autant d'immigration et de nonimmigration, d'exclusion et de non-exclusion, d'intégration ou de ségrégation, de non discrimination ou de discrimination fondée sur des critères raciaux, ethniques, linguistiques, religieux, culturels ou (n'importe quels) autres, que l'auront décidé les propriétaires privés et ssociations de propriétaires privés. Remarquez que rien de tout cela, même pas la forme la plus extrême du ségrégationnisme, n'a le moindre rapport avec le refus du libre échange et l'adoption du protectionnisme. Du fait qu'on ne désire pas fréquenter des Nègres, des Turcs, etc. ou vivre dans leur voisinage, il ne s'ensuit pas qu'on ne souhaite pas échanger à distance avec eux. Bien au contraire, c'est précisément le caractère absolument volontaire de l'association et de la séparation —l'absence de toute forme d'intégration forcée— qui rend possible les relations pacifiques —le libre échange— entre des gens culturellement, ethniquement, ou confessionnellement différents*. Dans une société totalement libérale (anarcho-capitaliste), il n'y a pas de gouvernement central, et par conséquent pas de distinction précise entre les nationaux (citoyens du pays) et les étrangers. Cette distinction n'apparaît qu'avec l'institution d'un Etat, c'est-à-dire d'un groupe de personnes qui détiennent un monopole de l'agression (de l'impôt). Le territoire sur lequel s'étend le pouvoir fiscal devient "national" (intérieur) et quiconque réside au-delà de ce territoire devient un étranger. Les frontières d'Etat (avec les passeports), à la différence des bornes de la propriété privée, ne sont pas des institutions naturelles (elles sont imposées par la force). En fait, leur existence (et celle d'un gouvernement national) fausse à deux titres l'inclination naturelle des gens à s'associer les uns avec les autres. Tout d'abord, les résidents ne peuvent pas exclure de leur propriété les hommes de l'Etat (les envoyés du fisc), mais sont victimes de ce qu'on pourrait appeler l'"immigration forcée" des agents de l'Etat. Deuxièmement, pour pouvoir faire intrusion sur la propriété privée de ses sujets afin de les taxer,- * Cela implique que certains terrains soient ouverts à la libre circulation des marchandises ; outre que les propriétaires des routes ont intérêt à cette circulation, aucun résident n'ira s'installer sur un terrain dont l'accès pourrait légalement lui être barré par un autre propriétaire [N.d.T.]. -un gouvernement doit invariablement prendre le contrôle des routes existantes, et il emploiera ses recettes fiscales à produire encore davantage de routes, dans le but de faciliter son accès à toute propriété privée, comme matière fiscale potentielle. Ainsi, cette surproduction de routes n'implique pas seulement une facilitation innocente du commerce interrégional —un abaissement des coûts de transaction, comme les économistes naïfs voudraient nous le faire croire ; c'est aussi une intégration nationale forcée (une déségrégation artificielle de localités séparées). En outre, avec l'installation d'un gouvernement et de frontières d'Etat, l'immigration prend un sens entièrement différent. L'immigration devient une immigration d'étrangers, à travers des frontières d'Etat, et la question de savoir si une personne doit être admise n'incombe plus à des propriétaires privés ou à une association de propriétaires privés, mais aux hommes de l'Etat en tant que souverains ultimes de tous les résidents nationaux et comme propriétaires de fait de toutes leurs possessions. Cependant, si les hommes de l'Etat excluent une personne alors même qu'un résident national est disposé à l'accueillir sur sa propriété, le résultat est une exclusion forcée (phénomène qui n'existe pas dans une anarchie de propriété privée). En outre, si les hommes de l'Etat laissent entrer une personne alors qu'il ne se trouve pas ne serait-ce qu'un seul résident national qui souhaite admettre cette personne sur sa propriété, le résultat est une intégration forcée (qui n'existe pas non plus dans une anarchie de propriété privée). Maintenant, ajoutons quelques postulats historiquement "réalistes" : supposons que l'Etat est propriété privée. Le souverain possède littéralement l'ensemble du pays dans les limites de ses frontières. Il est pleinement propriétaire d'une partie du territoire (son titre de propriété y est illimité), et possède partiellement le reste (en tant que propriétaire ultime ou prétendant au revenu résiduel de toutes les possessions immobilières, quoique contraint par une espèce de contrat de location préexistant). Il peut vendre et léguer sa propriété, et il peut calculer et "réaliser" la valeur de son capital (son pays). Les monarchies traditionnelles —et les rois— sont les exemples historiques les plus proches de cette forme de gouvernement. Que sera la politique d'immigration et d'émigration caractéristique d'un roi ? Dans la mesure où il possède l'ensemble de la valeur en capital du pays, il aura tendance, en ne lui supposant pas d'autre intérêt que le sien, à choisir les politiques de migration qui préservent ou accroissent la valeur de son royaume, au lieu de la diminuer. En ce qui concerne l'émigration, un roi voudra empêcher l'émigration de sujets productifs, et particulièrement de ses sujets les meilleurs et les plus productifs, parce que les perdre diminuerait la valeur du royaume. Par exemple, de 1782 à 1824, une loi interdisait aux ouvriers qualifiés de quitter la Grande-Bretagne. En revanche, un roi souhaitera expulser ses sujets improductifs et destructeurs (les criminels, clochards, mendiants, romanichels, vagabonds, etc.), car les extirper du royaume accroîtra sa valeur. C'est pour cela que la Grande- Bretagne a expulsé des dizaines de milliers de délinquants de droit commun en Amérique du Nord et en Australie. En ce qui concerne par ailleurs l'immigration, un roi souhaitera tenir la tourbe à l'écart, de même que les gens aux capacités productives inférieures. Cette dernière catégorie ne sera admiseque temporairement, si elle l'est seulement, comme travailleurs saisonniers sans droit de cité (comme quand nombre de Polonais furent admis comme travailleurs saisonniers en Allemagne après 1880), et on leur interdira toute possession immobilière permanente. Un roi ne permettrait l'immigration permanente qu'à des individus supérieurs ou du moins au-dessus de la moyenne (c'est-à-dire à ceux qui accroîtraient la valeur de son royaume en y résidant), comme lorsqu'après 1685 (la révocation de l'Edit de Nantes), des dizaines de milliers de Huguenots furent autorisés à s'installer en Prusse et lorsque Pierre le Grand, Frédéric le Grand et Marie-Thérèse d'Autriche facilitèrent l'immigration et l'établissement de grands nombres d'Allemands en Russie, en Prusse et dans les provinces orientales de l'Autriche-Hongrie. Bref, même si les politiques de migration d'un roi n'éviteraient pas entièrement les cas d'exclusion et d'intégration forcée, elles feraient grosso modo ce que feraient des propriétaires privés, s'ils pouvaient décider qui admettre et qui exclure. Le roi serait particulièrement regardant, se souciant à l'extrême d'améliorer la qualité du capital humain résident, afin d'accroître la valeur du sol ou d'éviter de la diminuer. On peut prédire que les politiques de migration prendront un tour différent une fois l'Etat devenu propriété publique. Le dirigeant n'est plus propriétaire de la valeur en capital du pays, il n'en dispose plus qu'à titre temporaire. Il ne peut pas vendre ni léguer sa place de dirigeant, n'étant qu'un gérant provisoire. En outre, la "liberté d'entrer" existe dans cette profession de gérant étatique*. N'importe qui, en principe, peut devenir dirigeant d'un pays. Les démocraties telles qu'elles sont apparues sur une large échelle après la Première guerre mondiale présentent des exemples historiques de gouvernement public. Encore une fois, si on ne leur prête pas d'autre intérêt que personnel (le souci d'accroître au maximum leur revenu pécuniaire et psychique : l'argent et le pouvoir), les maîtres démocratiques cherchent à accroître au maximum le revenu courant aux dépens de la valeur en capital, dont ils ne peuvent pas s'emparer à titre privé. De sorte que, se conformant à l'égalitarisme inhérent au suffrage universel**, ils ont tendance à mener des politiques nettement égalitaires —non discriminatoires— en matière d'émigration et d'immigration. En ce qui concerne la politique d'émigration, cela implique que le dirigeant démocratique se soucie peu de savoir si ce sont des gens productifs ou improductifs, des cerveaux ou des clochards, qui quittent le pays. Les uns et les autres ont le même droit de vote. En fait, le dirigeant démocratique pourrait bien s'inquiéter davantage de la perte d'un parasite que de celle d'un génie productif. Car si la perte du second dégrade certainement la valeur du pays, alors que la disparition du premier pourrait l'accroître, un dirigeant démocratique n'est pas propriétaire du pays. A court terme, un paumé qui vote pour des mesures égalitaristes pourrait même avoir plus de valeur pour le dirigeant démocratique que n'en a le génie productif : celui-ci,- * Ce qu'on pourrait appeler un satrape, en vertu non du statut juridique exact de ces nobles prédateurs, mais de leur conduite vis-à-vis des richesses temporairement mises à leur disposition [N.d.T.]. ** Cf. Anthony de Jasay : L'Etat, Paris, Les Belles Lettres, 1995 [N.d.T.]. -victime de choix de l'égalitarisme, a plus de chances de voter contre le dirigeant en question*. Pour la même raison, un dirigeant démocratique, tout à l'opposé d'un roi, en fera peu pour expulser les gens dont la présence dans le pays constitue une nuisance (les indésirables, dont la présence fait baisser les valeurs immobilières). En fait, ces indésirables-là —parasites, tordus, délinquants— ont des chances de figurer parmi ses plus fidèles électeurs. En ce qui concerne les politiques d'immigration, les raisons d'agir ou de ne pas agir sont tout aussi faussées, et les résultats sont également pervers. Pour un démocrate officiel, peu importe que ce soient des gueux ou des génies, des gens plus ou moins civilisés que la moyenne, ou plus ou moins productifs, qui entrent dans le pays. Il ne se soucie pas beaucoup non plus de la distinction entre travailleurs temporaires (titulaires d'un permis de travail) et les immigrés définitifs, propriétaires permanents (les citoyens naturalisés). En fait, les nécessiteux et les improductifs pourraient bien être préférables comme résidents et comme citoyens parce qu'ils posent davantage de ce qu'on appelle les "problèmes sociaux", et que ces dirigeants-là prospèrent de l'existence de tels problèmes. En outre, les tarés, les gens inférieurs, auront plus de chances d'appuyer ses politiques égalitaristes, alors que les génies et les gens supérieurs s'y refuseront. Le résultat de ces politiques de discrimination est une intégration forcée : on impose des masses d'immigrants inférieurs à des propriétaires nationaux qui, s'ils avaient décidé eux mêmes, auraient fortement discriminé et se seraient choisis des voisins très différents. Ainsi, les lois sur l'immigration aux Etats-Unis de 1965, le meilleur exemple de démocratie en action, a éliminé tous les critères de "qualité" préalablement existants et la préférence explicite pour les immigrants européens, la remplaçant par une politique de non-discrimination presque complète (de "multiculturalisme"). En fait, même si on l'a rarement fait observer, la politique d'immigration d'une démocratie est le reflet de sa propre politique interne relativement aux mouvements de population : vis-à vis des choix volontaires d'association ou de désassociation, de ségrégation ou d'intégration, de rapprochement ou d'éloignement physique des différents propriétaires. Comme le ferait un roi, un dirigeant démocratique favorisera la surintégration spatiale en produisant à l'excès le "service collectif" des voies publiques. Cependant, pour un dirigeant démocratique, à la différence d'un roi, il ne suffira pas que tout le monde puisse "aller et venir" jusqu'à la porte de tout un chacun sur les routes des hommes de l'Etat. Soucieux d'accroître son revenu et son pouvoir actuels aux dépens du capital installé et sous l'influence du préjugé égalitariste, le démocrate patenté ira bien plus loin. Le gouvernement fera des lois "contre la discrimination" —on ne pourra plus choisir de ne pas côtoyer les Juifs, Nègres, bougres, etc.— pour forcer l'entrée de la propriété de chacun et en ouvrir l'accès à n'importe qui. Il n'est donc guère surprenant que la législation des "droits civiques" aux Etats-Unis, qui interdisait les distinctions privées sur le critère de la couleur, de la race, de l'origine nationale, etc. et imposait de ce fait la déségrégation, a coïncidé avec l'adoption d'une politique d'immigration non-discriminatoire, ce qui signifiait une déségrégation internationale imposée (l'intégration forcée). *** Que la redistribution politique se fasse au nom de l'"égalité" conduira certainement à une discrimination- persécution —éventuellement ostensible— contre les plus productifs (cf. l'impôt sur le revenu). En revanche les "pauvres", tout comme "l'égalité", y sont surtout un prétexte rhétorique, n'ayant que rarement un pouvoir politique, alors que la redistribution politique est par définition menée par les puissants, au détriment des faibles (cf. L'Etat, ch. 3 et 4) [N.d.T.]. La situation actuelle des Etats-Unis et de l'Europe occidentale en matière d'immigration n'a donc absolument rien à voir avec un quelconque "libéralisme". Il s'agit d'intégration forcée, purement et simplement, et l'intégration forcée est le résultat prévisible de la démocratie sociale* où règne le principe "un homme-une voix". Abolir l'intégration forcée exige de combattre la démocratie sociale, pour finalement abolir le caractère "public" des décisions**. Plus spécifiquement, le pouvoir d'inviter ou d'exclure doit être retiré aux hommes de l'Etat central pour être remis aux régions, provinces, départements, villes, villages, quartiers résidentiels et finalement aux propriétaires privés et à leurs associations volontaires. On atteint ces objectifs par la décentralisation et la sécession (l'une et l'autre par essence contraires à la démocratie sociale et à la règle majoritaire). On serait par conséquent bien engagé dans la voie d'une restauration de la liberté d'association et d'exclusion qui procède de l'idée libérale et de l'institution de la propriété privée, et une bonne partie des conflits qui naissent actuellement de l'intégration forcée disparaîtraient si seulement les villes et villages pouvaient, et voulaient faire ce qu'ils faisaient tout naturellement bien avant dans le XIX° siècle en Europe et aux Etats-Unis : afficher des pancartes énonçant les conditions d'entrée dans la ville (pas de mendiants, ou de clochards, ou de vagabonds, mais aussi pas de Musulmans, pas de Juifs, ou de Catholiques, ou de Protestants, ou d'Américains) ; chasser comme contrevenant quiconque ne répond pas aux conditions affichées ; et résoudre la question de la "naturalisation" à la manière suisse, où ce sont les assemblées locales, et non le gouvernement central, qui décident qui peut, ou ne peut pas devenir citoyen. Que doit-on espérer et prôner comme politique d'immigration correcte, aussi longtemps que l'Etat central démocratique existe toujours et qu'il s'arroge avec succès le pouvoir d'imposer une politique uniforme d'immigration ? La meilleure que l'on puisse espérer va "contre la nature" de la démocratie, et n'a donc pas beaucoup de chances d'arriver : c'est que les dirigeants démocratiques se conduisent "comme si" ils étaient personnellement propriétaires du pays, comme s'ils avaient à décider qui admettre et qui exclure dans leur propre propriété privée (dans leur propre maison même). Cela signifie pratiquer une politique de discrimination extrême : de stricte discrimination en faveur de ceux qui présentent les plus grandes qualités humaines d'expertise, de caractère et de compatibilité culturelle. Plus spécifiquement, cela veut dire que l'on distingue strictement entre les "citoyens" (les immigrés "naturalisés") et les "étrangers résidents", en excluant ces derniers de tout "avantage social". Cela signifie exiger, pour l'acquisition du statut de résident étranger aussi bien que celui de citoyen, le parrainage personnel d'un citoyen résident, se portant garant pour toute- * L'auteur avait écrit "démocratie", ne croyant pas non plus que celle-ci puisse être autre que "sociale", c'est-à-dire pillarde [N.d.T.]. ** Même remarque : l'auteur avait écrit : "la dé-démocratisation de la société, et finalement l'abolition de la démocratie". J'affiche une version plus politiquement correcte, mais on n'est pas obligé de la reprendre... [N.d.T.]. -atteinte à la propriété causée par l'immigrant. Cela implique d'exiger un contrat d'embauche en vigueur avec un citoyen résident ; en outre, pour les deux catégories, mais particulièrement celle de la citoyenneté, cela implique que l'immigrant doit présenter non seulement une connaissance de [notre] langue mais encore des capacités intellectuelles générales supérieures (au-dessus de la moyenne) et des qualités de caractère compatibles avec notre système de valeurs —avec pour résultat prévisible une tendance systématique à favoriser l'immigration des Européens. Lisez le DOSSIER sur LE LIBERTARIANISME
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31 mai 2010
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Comme il n'y a pas d'autre norme politique justifiée que le principe de non agression, il n'y a pas d'autre Droit de l'homme que le Droit naturel de propriété. Si on ne comprend pas cela, on peut être dupe de prétendus "droits" qui lui sont contraires. Dans un "état", qui par définition a imposé un prétendu "espace public" avec l'accord conditionnel de certains mais en violant aussi massivement le consentement de ceux qui s'y opposaient et qui s'en sont trouvés dépossédés, viole le Droit naturel de propriété tout usage de cet "espace public" que n'approuvent pas ses véritables propriétaires, c'est-à-dire ceux qui n'ont accepté la création de cet "espace public" qu'à certaines conditions déterminées, ainsi que les victimes de cette usurpation qui ne l'ont de toutes façons pas acceptée. Cet usage abusif, et injuste, de cet "espace public" en partie usurpé ne se limite pas au fait de s'approprier les richesses qu'il contient contre le gré de ses véritables propriétaires spoliés pour vivre sur leur dos comme le font les receleurs des prétendus "droits sociaux" : il inclut aussi le fait de s'y conduire d'une manière que ces véritables propriétaires n'acceptent pas, y compris de s'y trouver contre leur gré. Il est donc crucial de distinguer dans ce qui, au sein de ce prétendu "droit public", cherche à se faire passer pour des "libertés publiques", ce qui reflète les vestiges de la liberté naturelle et ce qui n'est qu'un moyen de rationaliser l'intégration forcée. Par conséquent postuler un "droit" d'occuper ce prétendu "espace public" à n'importe quelles conditions, y compris d'y construire ce qu'on veut ou de s'y montrer habillé n'importe comment, cela veut dire qu'on est dupe d'un étatisme usurpateur de ce prétendu "espace public", et qu'on se fait sans le vouloir le complice de cette injustice que Hans-Hermann Hoppe appelle l'"intégration forcée". C'est ce que Rothbard avait fini par comprendre, après avoir pour un temps prôné cet accès inconditionnel, dans l'idée de faire voir l'anomie qui découle de l'usurpation : prôner cet accès inconditionnel est bien une forme d'injustice envers les véritables propriétaires de l'"espace public", une forme de complicité avec son usurpation qui contribue à aggraver celle-ci, une forme d'approbation implicite non seulement de ses prétendus "droits sociaux" qui ne peut rendre leur esclavagisme que plus écrasant, mais encore de l'intégration forcée qu'elle nous impose d'une façon de plus en plus totalitaire. Alors, le prétendu "droit public" qui prétend régir le prétendu "espace public" n'est par nature qu'un Ersatz de Droit, qu'un simulacre du véritable Droit, puisque celui-ci ne peut être assis que sur la propriété naturelle ; dans une pseudo-démocratie socialiste il n'en a même plus que les apparences, n'étant plus guère là que pour dire à quelles conditions ses Parasites Sociaux Institutionnels abusent de ce prétendu "espace public" aux dépens de ses propriétaires légitimes, qu'il a spoliés et qu'il spolie. Il n'en est que plus crucial de distinguer dans ce qui, au sein de ce prétendu "droit public", cherche à se faire passer pour des "libertés publiques", reflète les vestiges de la liberté naturelle et ce qui n'est qu'un moyen de rationaliser l'intégration forcée. A défaut, on prendra pour du "libéralisme" ce qui n'est en réalité que de l'anarcho-communisme, directement contraire au premier : c'est d'ailleurs peut-être pour ne pas l'avoir compris que, dans les pays anglo-saxons, les soi-disant "liberals" sont devenus de purs socialistes, avec seulement un mensonge de plus, alors que les "conservatives" sont beaucoup plus libéraux, quand ce ne serait que parce qu'ils en tiennent pour une forme d'organisation politique plus ancienne et de ce fait, désormais, moins usurpatrice du pouvoir social. A ce titre la gestion démocratique de ce prétendu "espace public", c'est-à-dire conforme aux voeux de la majorité de ses supposés "co-propriétaires" plus ou moins forcés est certainement elle aussi un minable substitut à la véritable solution, qui serait de réduire celui-ci à ce que ces propriétaires-là accepteraient vraiment -- y compris si c'était pour l'abolir ; mais elle est moins injuste que de permettre à n'importe qui d'en faire n'importe quoi. Ce serait donc un contresens sur le libéralisme, contradictoire avec à son principe, que de croire que n'importe qui aurait nécessairement un "droit" inconditionnel de construire n'importe quoi ou de s'habiller n'importe comment sur le supposé "espace public" conditionnellement accepté par certains et imposé à d'autres en violation de leurs Droits légitimes. C'est le contresens que commettent les"libertaires" qui conçoivent "la liberté" d'une façon subjective comme un absurde rejet de toute contrainte juridique, donc en-dehors du principe de la propriété naturelle et en fait contre elle. Cette incohérence des soi-disant "libertaires", en fait des "anarcho-communistes", a pour conséquence qu'ils n'ont en fait aucune pensée politique, et qu'ils ne se retrouvent jamais qu'à jouer plus ou moins consciemment les auxiliaires du gangstérisme socialiste, que celui-ci soit pseudo-démocratique, fasciste ou communiste. Ne pas reconnaître que la "propriété publique" est par essence conditionnelle ou usurpée engendre une conception contradictoire du Droit et des libertés, dont tous les gangsters antisociaux profitent pour en abuser au détriment de ses propriétaires véritables. Ce n'est pas un hasard si c'est pour l'essentiel la gauche socialo-communiste qui soutient le prétendu "droit" inconditionnel des intrus à conquérir le prétendu "espace public" par leur présence marquée, en violation des préférences de ses véritables propriétaires -- c'est-à-dire au mépris affiché de leurs Droits : le sans-papiérisme est un communisme, et tout autant dans les faits l'affirmation du "droit" des islamistes à y porter les marques de leur volonté de conquête. Ce n'est donc pas de la "démocratie libérale" qu'il méprise, mais de son ennemie la pseudo-démocratie socialiste, que l'islamiste Tariq Ramadan exploite les contradictions : la pseudo-démocratie socialiste n'a rien à opposer à la Loi islamique puisque ni l'une et l'autre ne peuvent être justifiées en raison, l'une et l'autre foulant aux pieds la justice naturelle. En effet, ne pas reconnaître que la "propriété publique" est par essence conditionnelle ou usurpée engendre une conception contradictoire du Droit et des libertés, dont tous les gangsters antisociaux profitent pour en abuser aux dépens de ses propriétaires véritables ; et qui par conséquent n'est que faussement "universaliste" et n'inspire aucune espèce d'"égalité" des Droits, puisqu'au contraire elle conduit à ce qu'on attribue des privilèges à ceux qui sont les plus résolus à les violer, ces Droits. A bien des égards, c'est la prétention même de les dire "universels" qui signale l'injustice de ces "principes", puisqu'en l'espèce, dans une société vraiment juste, ce ne seraient pas les mêmes choses que les différents propriétaires légitimes autoriseraient ou interdiraient. Qu'elle vise à rationaliser l'usurpation ou au contraire à combattre ses effets, le stigmate qui permet d'identifier comme contradictoire cette conception du Droit et des libertés est que sa prétendue "légitimité" ne se réfère pas à la propriété naturelle, c'est-à-dire au caractère objectivement juste ou injuste d'actes accomplis et de contrats conclus dans le passé ; mais qu'elle prétend au contraire mettre en avant de prétendus "principes", qu'elle peut bien présenter comme universels et donc intemporels, mais qui ne peuvent pratiquement pas l'être, dans la mesure où ils sont le règlement intérieur d'une "propriété publique" incompatible avec le seul principe qui le soit vraiment : celui de la non agression. Et dans la mesure où ils la contredisent, cette propriété naturelle, les prétendus "principes" de ce pseudo-"universalisme" seront contradictoires entre eux et contradictoires en eux-mêmes : avec pour conséquence nécessaire qu'ils ne peuvent pas être appliqués jusqu'au bout, et qu'ils ne l'ont jamais été. A bien des égards, c'est la prétention même de les dire "universels" qui signale l'injustice de ces "principes", puisqu'en l'espèce, dans une société vraiment juste, ce ne seraient pas les mêmes choses que les différents propriétaires légitimes autoriseraient ou interdiraient. C'est évidemment le cas de prétendus "droits" de construire n'importe quoi ou de s'habiller n'importe comment sur le prétendu "espace public". C'est pourquoi les Suisses défendaient la justice naturelle contre les pseudo-élites juridiques qui entendaient la violer -- en même temps que leur propre législation ! quand par referendum ils ont interdit la construction de minarets sur leur territoire. C'est aussi pourquoi c'est à bon Droit que les nudistes sont parqués dans des propriétés privées, et que la burqa l'a été en Belgique et pourra l'être en France. Quant à ceux qui se plaignent de l'excès de contraintes qui s'ensuivrait, ou qui crient à l'injustice, qu'ils réclament la privatisation de cet "espace public" qui en est la véritable cause ; pour une fois ils ne feront pas dans l'absurdisme ni dans la malhonnêteté. Voir aussi : - les articles de Hans-Hermann Hoppe sur le sujet : Pour le libre échange et une immigration limitée La vertu de la "Discrimination" Natural order, the state and the "immigration problem". - Les émissions de Lumière 101 avec Georges Lane L'intégration forcée Les pseudo élites judiciaires contre la justice naturelle Le sans-papiérisme est un communisme Pour Corentin de Salle, si la burqa est dangereuse, c'est parcequ'elle constitue la négation même du principe de reconnaissance qui est au fondement du droit et donc au fondement de la société toute entière. Le 31 mars dernier, la commission de l’Intérieur de la Chambre belge des représentants adoptait à l’unanimité une proposition de loi interdisant la burqa dans l’espace public. Elle est devenue la première loi du genre en Europe. Une proposition similaire a été déposée par l’UMP en France. Le 30 mars, le Conseil d’Etat français, sollicité par le Premier ministre pour étudier les possibilités juridiques d’une interdiction du port du voile intégral, a conclu qu’il n’existait « aucun fondement juridique incontestable » pour justifier une telle prohibition dans l’ensemble de l’espace public(1). Ni le principe de laïcité, ni le principe de sauvegarde de la dignité humaine, ni celui de l’égalité entre les hommes et les femmes, ni celui de la sécurité publique ou celui de la non-discrimination ne fournissent cette base juridique qui, dans le respect de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, permettrait de justifier une limitation à la liberté religieuse consacrée par l’article 9. A rebours de cette interprétation, nous estimons que cette proposition peut bel et bien s’appuyer sur un fondement juridique incontestable. Lequel ? Celui de l’ordre public consacré par l’article 10 de la Convention et qui dispose que « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ». Quand ils traitent de cette notion, les juristes ont coutume de distinguer la dimension matérielle (laquelle regroupe trois composantes traditionnelles: sécurité, tranquillité et salubrité) de la dimension immatérielle (désignant la moralité publique et le respect de la dignité de la personne humaine). Soucieux de trouver une base juridique à la proposition de loi et dans le strict cadre de la mission qui lui a été impartie, le Conseil d'Etat français a passé en revue toute une série de principes (dont ceux constitutifs de l’ordre public) et les a écartés. Même si les raisonnements sont souvent très pertinents, cette disqualification est contestable dans certains cas. Ainsi en est-il, par exemple, de la thèse selon laquelle la sécurité publique ne justifierait pas une interdiction générale du voile dans l’espace public mais nécessiterait uniquement son interdiction en certains lieux (aéroports, banques, bijouteries, tribunaux, bureaux de vote, école, poste, etc.) ou à l’occasion de la délivrance de produits ou services requérant l’identification de l’un des cocontractants. En effet, toute personne masquée à proximité immédiate de l’un de ces lieux, constitue une menace potentielle (ainsi, le 6 février 2010, deux hommes habillés en burqa ont braqué un bureau de poste en Essonne). Le problème, c’est que dans une ville modernes, ces lieux sont à ce point nombreux et disséminés qu’on voit mal comment les agents chargés de verbaliser les contrevenants pourraient déterminer les zones critiques où il faudrait enlever sa burqa : cela reviendrait à obliger ces personnes à l’ôter plusieurs fois dans chaque rue, ce qui est évidemment absurde. On pourrait aussi objecter, face au raisonnement du Conseil d’Etat qui, dans l’hypothèse d’un recours devant la Cour Européenne, privilégie, relativement au principe de sauvegarde de la dignité humaine, le « principe d’autonomie personnelle » que, ce faisant, il s’écarte de sa propre jurisprudence : le 27 octobre 1995, il a effectivement validé l’interdiction par la commune de Morsang-sur-Orge, une manifestation sportive de « lancer de nains » (alors même que ces derniers étaient évidemment consentants) car jugée contraire au principe de sauvegarde de la dignité humaine. Mais supposons - l’espace d’un instant - que ces divers raisonnements du Conseil d’Etat français ne soient en rien contestables, on pourrait néanmoins encore reprocher au Conseil d’Etat d’avoir manqué le problème en raison de la méthode « fragmentaire » qui fut la sienne. Expliquons nous : les principes à l’aune desquels le Conseil a, à chaque fois, apprécié la légitimité de la proposition de loi, ont chacun leur dignité intrinsèque et poursuivent une finalité qui leur est propre. Mais ce qu’on ne voit pas toujours, c’est qu’ils ont pour dénominateur commun un objet général situé, en quelque sorte, en amont. Or, l’erreur du Conseil d’Etat consiste précisément à ne pas avoir identifié cet objet que, au-delà d’eux-mêmes, ces principes défendent. Quel est-il ? Il s’agit de l'espace public. L’espace public, qui permet l’expression pluraliste de nos diverses convictions, doit être impérativement protégé. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit d’un endroit fragile qui constitue le lieu par excellence de reconnaissance mutuelle des citoyens. Cette reconnaissance réciproque est - philosophiquement - ce qui fonde le droit lui-même et, partant, la société toute entière. En d’autres termes, tout ce qui, comme la burqa, menace ce mécanisme permanent de reconnaissance dans l’espace public menace le lien social et doit en être banni. Et ce en vertu du paragraphe 2 de l’article 9 de la Convention qui autorise pareille restriction à la liberté d’expression. D’ailleurs, le Conseil d’Etat français envisage lui-même l’hypothèse d’une définition juridiquement inédite, une définition « positive » de l’ordre public qui répondrait plus adéquatement aux problèmes de nos sociétés interculturelles : « un socle minimal d’exigences réciproques et de garanties essentielles de la vie en société ». Ces dernières seraient à ce point fondamentales qu’elles conditionneraient l’exercice des autres libertés. La préservation de cette plate-forme impliquerait qu’un individu qui circule dans l’espace public et qui, par là, est susceptible de croiser autrui fortuitement ne pourrait ni renier son appartenance à la société ni se la voir déniée en dissimulant son visage de façon à empêcher toute reconnaissance. Le Conseil d’Etat cite alors un certain nombre de décisions de la Cour constitutionnelle confortant cette conception novatrice de l’espace public mais, en fin de raisonnement, probablement effrayé par sa propre audace spéculative, il recule subitement et affirme qu’il s’agit d’une « solution risquée en l’état actuel du droit ». Cette attitude regrettable témoigne d’une conception quelque peu pessimiste de la jurisprudence de la Cour Européenne en la matière. En effet, le 24 février 2010, dans l’arrêt Arslan C. Turquie, la Cour a considéré que l’Etat turc avait eu tort de limiter l’exercice de la liberté religieuse dans l’espace public vu que les tenues vestimentaires portées par les requérants ne constituaient pas une menace pour l’ordre public. Cela laisse supposer que, a contrario, il est des tenues qui, aux yeux de la Cour, constitueraient un danger de cette nature. L’interdiction d’arborer des signes convictionnels dans certains lieux (école, administration, juridictions, etc.) se justifie par le fait que ces signes constituent, du fait de leur caractère affirmatif, une sorte d’agression voire de négation des convictions des autres personnes situées dans ces lieux. L’obligation de neutralité permet de respecter les convictions de tous ceux qui doivent fréquenter ces derniers. Evidemment, l’espace public est d’une nature différente car il permet justement, au nom du pluralisme, l’affirmation de ces diverses convictions. Cependant, il s’agit également d’un espace nécessitant l’observation de certaines limites précisément destinées à garantir ce pluralisme. En vertu du principe de proportionnalité, il semble donc nécessaire d’interdire une affirmation convictionnelle d’un radicalisme exacerbé de nature telle qu’elle puisse troubler l’ordre public nécessaire à la préservation de ce pluralisme. C’est le cas de la burqa. Il est à craindre que si la pratique du port de la burqa se généralisait dans certains quartiers, les citoyens déserteraient ces derniers en raison de leur atmosphère jugée trop inhospitalière, créant ainsi des zones qui seraient purement et simplement confisquées au profit d’une communauté. Un tel état des choses irait à l’encontre du principe du libre accès de l’espace public garanti à chacun. L’interdiction de la burqa, étant de nature pénale, serait évidemment assortie de toutes les limitations et garanties protégeant la personne soupçonnée. L’authentique problème posé par la burqa à nos sociétés démocratiques ne se laisse pas aisément appréhender au moyen de nos concepts juridiques et politiques traditionnels. Faute de l’approcher avec des outils adéquats, nous risquons de le laisser passer entre les mailles du filet. D’où la tentation de méconnaître le potentiel destructeur de ce phénomène ou d’en minimiser la portée.(2) Raison pour laquelle il semble judicieux d’opérer un petit détour philosophique. Nous avons dit que la reconnaissance réciproque des citoyens était une condition d’existence du droit. Pour assurer la stabilité d’une société, il est nécessaire que, de génération en génération, ses membres apprennent et adhèrent à l’idée même du droit. Comment émerge et se pérennise l’idée du droit dans l’esprit des citoyens ? Par la prise de conscience, que, très jeunes, nous opérons chacun, de l’existence d’autres personnes que nous-mêmes. Ce processus est dit « ontogénétique », c’est-à-dire qu’il permet à l’enfant de se constituer en tant qu’individu. L’enfant réalise qu’il n’est pas seul au monde, que sa mère n’est pas un appendice de sa personnalité : d’autres consciences existent indépendamment de lui et sont libres comme lui. Le philosophe allemand Johann Gottlieb Fichte (1762-1814) expose cela en termes philosophiques : le « Moi » s’aperçoit que tout ce qui n’est pas lui (le « non-Moi ») comprend d’autres « Moi ». La première rencontre avec un autre « Moi » est vécue comme un choc (« Anstoss ») ou, plutôt, un appel, une sollicitation (« Aufforderung ») : cet autre est libre, est doté d’une volonté, est titulaire de droits et d’obligations. Sous peine de demeurer autiste, la conscience choisit de répondre à cet appel, c’est-à-dire de reconnaître la conscience qui lui fait face. Elle limite sa propre liberté pour reconnaître celle d’autrui et réciproquement. Cette rencontre de deux libertés qui se reconnaissent mutuellement est un évènement qui engendre simultanément deux conséquences importantes. Première conséquence : la constitution de l’individu, en s’auto-limitant, prend conscience de lui-même en même temps qu’il prend conscience de l’existence d’autrui (thèse reprise et vulgarisée par une multitude d’auteurs, notamment par Martin Buber qui la synthétise ainsi : « je deviens je en disant tu »). L’homme ne devient homme que parmi les hommes. Seconde conséquence : la création du droit conçu ici comme l’ensemble des relations nécessaires entre individus libres vivant en société. Comme l’écrit Fichte : « Aucun ne peut reconnaître l’autre s’ils ne se reconnaissent pas tous deux réciproquement ; et aucun ne peut traiter l’autre comme un être libre si tous deux ne se traitent pas ainsi réciproquement » (3). Avec les moyens de moderne communication (courrier, téléphonie, internet, etc.), nous pouvons certes sympathiser, correspondre, traiter, échanger, contracter avec des gens que nous ne voyons jamais physiquement : il demeure que cette reconnaissance mutuelle de visage à visage est primordiale. Elle rend possible tous les échanges ultérieurs. On objectera peut-être que le droit existe également dans des sociétés non démocratiques et qu’il n’est pas nécessaire que s’opère une rencontre entre deux consciences libres pour qu’il y ait droit. Sans doute mais ce n’est pas le droit au sens que Fichte donne à ce terme qui, lui, vise expressément (du moins à cette période dite « libérale » de son parcours intellectuel) une société libre. Ainsi, une société non démocratique peut être normée. Mais, pourrait-on dire en prolongeant la réflexion de Fichte, ces normes sont celles d’une communauté qui, comme en Iran (par exemple) (4), impose sa logique à l’ensemble de la société. Dans cette hypothèse, il n’y a plus de distinction entre valeurs (en l’occurrence les valeurs religieuses de l’Islam) et les normes juridiques de la société, ce qui revient à étouffer tout ce qui n’est pas islamique. C’est un cas où la communauté phagocyte l’ensemble de la société, où la religion se substitue à l’Etat. Avant d’être purement conceptuelle comme c’est le cas du droit, cette reconnaissance du sujet de droit situé en face de moi doit d’abord être concrète, matérielle, « corporelle ». L’homme est une liberté incarnée. Cette liberté doit être appréhendée de manière « sensible ». Comment la liberté se manifeste-t-elle ? Par l’expressivité. L’humain se reconnaît par l’expression. C’est un être capable d’expressivité. En quel lieu cette expressivité s’exerce-t-elle ? Sur le visage. C’est là, précisément que se lit, dit Fichte, « intelligence du regard, et la bouche qui dépeint les élans les plus intimes du cœur » (5). Le niquab permet encore l’échange des regards. La burqa, elle, est la négation ultime de l’humain car la femme intégralement voilée est, pour ainsi dire, réifiée, « chosifiée » (pour reprendre un concept de Sartre). La femme intégralement voilée n’est pas seulement une personne asservie aux membres masculins de sa famille. Elle n’est même plus une personne. C’est une chose, une chose qui appartient à d’autres. Selon Fichte « la figure humaine est nécessairement sacrée pour l’homme ».(6) Les belles formules de Levinas dans Totalité et Infini, ne disent pas autre chose : « c’est par le visage que se manifeste l’humanité » car le visage est signification. Le mécanisme de reconnaissance qui s’opère quotidiennement – et qui est indispensable à la perpétuation de la conscience juridique - nécessite une obligation de nudité du visage. Ne fût ce que pour des raisons de sécurité publique, une société moderne de plusieurs millions d’individus où une majorité de citoyens, voire une partie importante d’entre eux, ne pourraient pas être identifiés dans l’espace public, deviendrait impossible à gérer. Evidemment, les détracteurs de la proposition de loi ont coutume d’ironiser contre le caractère apparemment fantaisiste, voire grotesque, des exceptions à cette interdiction : les loups de carnaval, la barbe de Saint-Nicolas, le masque du soudeur, la coquille contre la pollution, la cagoule en hiver, la casque du motard, la gaze entourant les grands brûlés, etc. On pourrait dresser une liste de ces exceptions et cette dernière ne serait probablement jamais exhaustive. Interrogeons-nous plutôt sur ce qui les relie : qu’ont en commun ces diverses exceptions ? Ceci : elles ne sont pas animées par la volonté de se dérober de manière permanente à cette reconnaissance mutuelle requise par le maintien de l’espace public. L’application de la mesure ne sera pas chose aisée. Sans même parler d’un éventuel attentat en Belgique en guise de représailles, elle donnera probablement lieu à des confrontations entre forces de l’ordre et les proches de la personne interpellée, surtout lorsqu’il faudra procéder à l’identification de cette dernière. Est-ce à dire que pareille indignation est légitime ? Absolument pas. Peut-on accepter, dans une Etat de droit, que certaines personnes se voient, de facto, reconnaître le droit de ne pas être identifiées ? Poser la question, c’est y répondre. Il ne manquera évidemment pas de belles âmes pour affirmer qu’une telle interdiction trouble plus l’ordre public qu’il ne le protège. Il existe beaucoup d’objections contre la burqa : elle témoignerait de la volonté de vivre sa religion dans le mépris absolu des coutumes du pays d’accueil ; ce pourrait, dans certains cas, être un moyen commode pour dissimuler au public les séquelles des violences infligées aux corps des femmes ; la burqa, quoique son utilisation n’est pas prescrite dans le Coran, est, pour nombre de musulmans, une obligation légale formulée par des juristes : dès lors, la burqa est la matérialisation d’une normativité juridique concurrente à celle de la législation du pays d’accueil, ce qui est pour le moins problématique : par sa logique, le communautarisme est nécessairement destructeur de la société via sa normativité.. Mais ces objections, quoique fort pertinentes, restent périphériques par rapport au problème fondamental. Ce n’est pas - fondamentalement - parce qu’elle incommode et choque nos consciences que la burqa doit être proscrite. Il ne faut pas l’interdire parce qu’elle attenterait au « vivre ensemble », ce concept guimauve qui, dans la novlangue actuelle des ONG et autres officines subsidiées, a remplacé celui d’« intégration » jugé trop politiquement incorrect (subissant ainsi le même sort que le concept « d’assimilation » qu’il avait détrôné quinze ans plus tôt). Non. Car, à suivre cette logique, on pourrait s’en prendre à quantité d’accoutrements et accessoires vestimentaires exprimant l’hostilité ou la révolte face aux valeurs humanistes. Ne nous trompons pas : si la burqa est dangereuse, ce n’est pas parce qu’elle serait un obstacle à toute convivialité mais bien parce qu’elle constitue la négation même du principe de reconnaissance qui est au fondement du droit et donc au fondement de la société tout entière. La burqa est, par principe, anti-sociale au sens premier du terme, c’est-à-dire qu’elle mine les fondements d’une société libre. Dès lors, il n’est pas étonnant qu’il soit, à première vue, malaisé de trouver le fondement « juridique » à la prohibition du voile intégral. La proposition de loi ne répond pas exclusivement à des objectifs de nature sécuritaire. Croire cela, c’est manquer le principal. Le principe juridique - « l’ordre public établi par la loi » dont la Convention européenne, en son article 10, exige le respect - vise, in fine, à garantir, par la préservation de l’espace public, un principe de nature philosophique : le principe de reconnaissance. Ce dernier est encore antérieur au droit, plus fondamental que le droit lui-même. A la base de tout lien juridique, le principe de reconnaissance fonde le droit lui-même. Pour le dire plus simplement, le droit se doit d’interdire la burqa car il importe d’anéantir cela même qui corrode ses propres conditions d’existence. NOTES (1) Conseil d’Etat, Etude relative aux possibilités juridiques d’interdiction du port du voile intégral, Rapport adopté par l’assemblée plénière du Conseil d’Etat le jeudi 25 mars 2010 (2) Dans plusieurs pays du Maghreb, la burqa n’existait tout simplement pas il y a encore quelques décennies. Pourtant, la propagation de cette dernière s’est faite de manière fulgurante. Affirmer que ce danger n’existe pas du tout dans nos sociétés démocratiques relève de l’ignorance et de la myopie intellectuelle. (3) J.G. Fichte, Fondement du Droit Naturel selon les principes de la Doctrine de la science, 1796-1797 (1984), PUF, p.59 (4)La réalité iranienne est évidemment plus nuancée et contrastée que ce qu’on va en dire mais elle montre néanmoins que cette hypothèse n’est pas un cas d’école. (5) J.G. Fichte, Fondement du Droit Naturel selon les principes de la Doctrine de la science, 1796-1797 (1984), PUF, p.98. (6) J.G. Fichte, Fondement du Droit Naturel selon les principes de la Doctrine de la science, 1796-1797 (1984), PUF, p.100. Institut Turgot
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mercredi 19 août 2009, par Cthulhu "La monnaie, c’est de la liberté frappée" (Dostoievsky). Jamais cette analyse n’a été plus vrai qu’en ces temps où des pans entiers de notre économie sont rachetés directement (Arcelor, les hôtels Ritz et Meurice…) ou indirectement (Heuliez, Christian Lacroix, DMS…) par des fonds étrangers, notamment en provenance des pays du Golfe. Cette sujétion économique se traduit par un asservissement touchant notamment aux bases de notre droit monétaire et financier. Trois grands textes organisent le retour de notre économie moderne, fondée sur des principes de rationalité, critiquables dans leurs effets et leurs applications, à une économie basée sur des principes théologiques : les propositions dite "de Paris – Europlace", en date du 2 septembre 2008 [1] (I) et deux avis de l’autorité des marchés financiers (AMF) en date du 17 juillet 2007 et du 2 juillet 2008 (II). I – Les propositions de Paris Ces dernières ont pour objet non d’examiner la comptabilité entre notre droit et un droit bâti sur des principes totalement étranger, mais, comme l’indique son titre "la promotion de la finance islamique en France". Cette "promotion" est nécessaire car s’il appartient à chacun d’investir selon sa conscience, certaines pratiques des fonds d’investissement musulmans apparaissaient comme clairement discriminatoires. De plus l’intérêt, notion centrale dans la finance actuelle assise sur l’écoulement temps et l’importance estimé d’un risque, est proscrit par l’islam. Afin de permettre à la finance islamique de se développer, il a donc fallu procéder à des "aménagements" nécessaires à l’adaptation du droit français à la finance islamique, aménagements destinés à cautionner des montages juridiques aussi complexes (et donc polémogènes) qu’hypocrites : leur but explicite est, au travers du respect de la lettre du droit islamique, d’en effacer l’esprit en aboutissant rigoureusement au même résultat de maximisation financière que ceux de la finance "classique". Les propositions de Paris examinent les quatre principaux domaines de l’intervention financière, à savoir la gestion des actifs (a), le financement des actifs (b), le financement de l’activité (c) et l’assurance (d). a - La gestion d’actif En la matière, l’essentiel des "avancées" ont déjà été obtenues par une note de l’autorité financière des marchés (AMF) du 17 juillet 2007 autorisant les établissements de crédit et les sociétés d’investissement à s’affranchir des règles prudentielles, notamment en recourant à des indices spécifiquement religieux [2], tel un indice de valeur compatible avec la Sharia (sharia compliant), spécifiquement crée et contrôlé par un sharia board, lui aussi crée pour l’occasion. b - Le financement des actifs Afin de garantir un financement islamiquement correct, il est institué la murahaba pour remplacer le prêt à intérêt, interdit en islam, l’ijara qui est un crédit-bail ordinaire garanti par un fond commun de créances, et l’istisna [3]. Pour que ces opérations puissent être menées à bien, plusieurs réformes d’ampleur sont actuellement en cours de réalisation, affectant de multiples branches du droit, notamment civil, commercial et fiscal. Leurs effets collatéraux viennent ébranler un édifice complexe, notamment : En admettant la cession de créances de nature civiles (comme une créance de loyer), à titre de garantie pour que ces opérations soient accessibles au plus grand nombre, alors que seuls les créances commerciales (comme une lettre de change) peuvent pour l’instant être cédées en garantie [4]. Il s’agit là d’un revirement de jurisprudence particulièrement dangereux, dans la mesure où les créances commerciales possèdent une liquidité et des possibilités de recouvrement sans commune mesure avec les créances civiles. En exonérant de la garantie des vices cachés [5] le revendeur d’un bien acquit temporairement aux fins de garantir le financement d’une opération de murahaba, d’ijara ou d’istisna. Les pires abus pourraient ainsi être commis par le détenteur temporaire du bien, le vendeur initial du bien supportant seul la responsabilité des déprédations éventuelles. En transformant la fiducie [6] en wakf, fiducie au régime considérablement assouplie, diminuant ainsi les garanties octroyées aux bénéficiaires de la fiducie, essentiellement des fondations caritatives ou des mineurs. Ces effets juridiques impliquent également des changements organisationnels profonds : ainsi sera-t-il nécessaire de permettre à n’importe quelle société détenue à 90 % par une banque islamique de bénéficier automatiquement du statut d’établissement bancaire. Cette réforme est particulièrement critiquable en ce qu’elle va permettre à des établissements non soumis aux strictes règles du monopole cambiaire, destinée à protéger les consommateurs, de bénéficier du droit de consentir des crédits-bails. c - Le financement de l’activité générale Concernant ce financement, si la musharaka [7] est un joint-venture des plus ordinaires, tout à fait compatible avec le droit actuel, le financement par sukuks [8] est beaucoup plus problématique, la rémunération perçue par leur porteur ne dépendant absolument pas du temps de détention mais de la seule performance financière des actifs auxquels ils sont adossés. Cette amputation d’un des deux facteurs essentiels du calcul du risque oblige le droit français à de sérieuses contorsions afin d’arriver à créer des obligations qui puissent être émises sans danger pour la souscription par un consommateur, et possédant une rémunération correcte et objectivement déterminable. Ainsi, est-il nécessaire de réglementer strictement ces obligations, notamment en s’assurant que l’actif auquel elles sont adossées est constituée de valeurs mobilières corporelles (des objets tangibles…) afin d’éviter les sukuks de pure complaisance, de fixer un rendement financier obligatoire de l’actif sous-jacent et d’interdire la rémunération des sukuks si ce dernier n’est pas atteint, afin d’éviter les opérations de pure spéculation. Le plus surprenant (et périlleux) demeure toutefois la soumission des sukuks à l’institution religieuse du Sharia Board, qui est seul garante de la régularité et de la bonne fin des opérations et qui se prononce par fatwa (avis) sur ces sujets. Enfin, les sukuks, s’inscrivant dans le droit musulman, ignorent la notion de "taux d’usure", cette notion étant directement liée à celle de taux d’intérêts. Ainsi est-il possible, entre professionnels seulement à l’heure actuelle, de créer des sukuks présentant des obligations de rendement ahurissantes, qui les ferait qualifier "d’usuraire" (et concomitamment, interdire) s’ils étaient soumis à la législation bancaire classique. d - L’assurance L’assurance Takaful repose essentiellement pour l’investissement des fonds collectés sur le mécanisme de la Mudaraba [9]. Cette assurance du risque est toutefois très particulière : les primes des souscripteurs doivent être investies dans des activités halal (conforme à la loi islamique), un Sharia Board étant en charge du contrôle de ces investissements. De plus, les risques haram (contraires à la loi islamique) comme la conduite en état d’ivresse, la consommation d’alcool étant prohibée en islam, font soit l’objet d’une éviction de garantie, soit de franchises considérablement relevées. II – Les avis de l’AFM Les avis de l’AMF concernent les critères extra-financiers de sélection de titres dans lesquels investissent les fonds islamiques. Il est en effet possible d’investir en fonction de critères autres que ceux de la rentabilité financière (tels les fonds d’investissement socialement responsables [10] ou ceux intéressant le développement durable) et de distribuer les revenus ainsi obtenus de manière particulière, comme les fonds dit "de partage" [11]. Concernant les fonds investissant dans des produits jugés conformes à l’islam, l’AMF exige notamment : Que le Sharia board ne procède pas à la sélection des titres dans lesquels les fonds investissent mais se contente d’émettre un avis sur leur conformité ou non aux règles de l’islam, ce qui impose que chaque banque proposant un fond d’investissement islamique soit dotée d’un Sharia Board. En effet, il ressort des dispositions conjointes des articles 322-12 et 322-21 du règlement général de l’AMF que l’organisme proposant de tels produits doit conserver son autonomie, notamment dans les moyens d’apprécier seul la pertinence des critères extra-financier émis par un organisme tiers. Or qui d’autres qu’un Sharia Board (interne) est à même de valider les critères émis par un autre Sharia Board... ? Que les critères extra-financiers choisis respectent l’ensemble des dispositions législatives et réglementaires en vigueur... Ce qui pourrait paraître une évidence l’est beaucoup moins lorsque l’on connait le contenu des textes coraniques, tout particulièrement à l’encontre des non-musulmans, des femmes et des Juifs... Un Sharia Board pourrait-il, à titre d’exemple, licitement exclure une entreprise détenue majoritairement par des capitaux israéliens ou diriger par des israéliens ? Que la partie des dividendes ainsi gagnée que les musulmans considèrent comme "impure" [12] (environ 10 %) soit versée à un organisme islamique caritatifs et / ou reconnu d’utilité publique. En France, c’est l’Institut du Monde Arabe qui reçoit ces dons. La finance islamique introduit donc de nombreuses distorsions contraires à certains principes directeurs de notre droit, qui établit, sauf exception, une distinction très claire entre morale et mécanisme techniques, ces derniers n’étant pas en eux-mêmes (im)moraux, seul la finalité de leur utilisation l’étant : toutefois cette dernière dépend de la seule volonté de l’Homme... Dans la finance islamique, il est soumis à la nature des choses, déclarées bonnes ou mauvaises, ce qui traduit une inquiétante réification de sa personne réduite au rang de sujet. Le droit n’est alors plus fait par l’Homme pour lui, mais en contemplation de buts immanents. La soumission de techniques juridiques régissant des mathématiques financières inscrites au cœur de nos sociétés à la fatwa de quelques assemblées religieuses prend alors des allures spectaculairement régressives. Notes [1] Dont le résumé se trouve sur le site du ministère des finances.. [2] Les définitions de ces nouveaux termes se trouvent pour partie intégrés dans l’index officiel (annexe 5) du Code Monétaire et Financier dont certaines pages sont reproduites ci-après. [3] L’isitina est une variante de la réserve de la clause de réserve de propriété dans un contrat de vente (clause par laquelle la propriété de la marchandise demeure acquise au vendeur jusqu’au complet paiement du prix), mais appliquée à un contrat d’entreprise (le contrat ou une partie demande à une autre de lui fabriquer ou construire un ouvrage moyennant une rémunération, payable d’avance, de manière échelonnée ou à terme). [4] Cour de cassation, Chambre commerciale, SARL DIVA vs Crédit mutuel du Nord de la France, 19 décembre 2006. [5] Un vice caché est un défaut que l’acheteur ne pouvait pas déceler et dont il n’a pas eu connaissance au moment de la vente. Le caractère caché du vice s’apprécie en fonction de la qualité de l’acheteur (professionnel du domaine ou non) ou la nature de la chose vendue (complexe ou non). Cette garantie légale prévue aux articles 1641 et suivants du Code Civil s’applique à tous les biens meubles achetés quotidiennement. [6] La fiducie est le contrat par lequel une personne (le constituant) transfère temporairement la propriété de biens ou de droits à une autre, à charge pour ce dernier d’agir dans l’intérêt du constituant (ou d’autres personnes) dans un but déterminé. Les anglo-saxons appellent ce contrat trust. [7] la musharaka est une formule de financement participatif où une banque et un client participent ensemble au financement d’une opération. Les profits ou les pertes résultant de l’opération sont répartis entre eux au prorata de leurs apports respectifs [8] Les sukuks représentent une obligation dont le rendement est basé sur un ou plusieurs actifs (un portefeuille d’emprunts immobiliers, de créances commerciales) [9] La mudaraba est identique à la musharaka , sauf qu’il s’agit d’une association à court terme constituée essentiellement de la mise en commun de capitaux. [10] Ces fonds n’investissent que dans des entreprises respectant certaines normes éthiques envers leurs salariés (interdiction du travail des enfants, versement d’une juste rémunération, etc…). [11] Ces fonds reversent une partie de leurs dividendes à des associations caritatives, culturelles ou promouvant la recherche scientifique. [12] Cette partie alimente le zakat, l’aumône, un des 5 piliers de l’islam. 1. L’Occident alléché par la finance islamique Vous qui pensiez que tout ce qui touche à la charia, la « loi islamique », revêt forcément aux yeux des Occidentaux un aspect négatif, détrompez-vous : la finance islamique, qui, comme son nom le souligne, relève de règles éthiques et religieuses islamiques, semble avoir de beaux jours devant elle dans les pays d’Europe et d’Occident. De fait, ceux-ci, par l’odeur des pétrodollars alléchés, voient aujourd’hui dans la finance islamique un moyen de renflouer leurs caisses. Les chiffres d’ailleurs ne parlent-ils pas d’eux-mêmes : « 1000 milliards de dollars en 2010, c’est l’encours prévu par les économistes pour la finance islamique. Un chiffre en constante progression depuis de nombreuses années. De 2003 à 2007, il a engendré une hausse de 15 % » (Chaker Nouri). En France, le porte-parole de la cause de la finance islamique n’est autre que le ministre de l’Économie, Christine Lagarde. En 2009, à l’occasion d’un colloque, celle-ci a ainsi déclaré que pour « les banques qui souhaiteraient réaliser des opérations conformes aux dispositions de la charia, le territoire français est évidemment prêt à les accueillir… Considérez le territoire français comme une terre d’accueil. » Les enjeux de cette opération ? 120 milliards d’euros à l’horizon 2020 et rattraper ainsi la City londonienne qui se conduit en « terre d’accueil » pour la finance islamique depuis déjà une dizaine d’années. 2. Une finance islamique ? Lorsqu’on parle de « finance islamique », certains s’interrogent encore : « Mais voyons, il ne peut exister de finance à proprement parler "islamique", la finance c’est la finance, point ! » Erreur. La finance islamique est conforme à la charia, la « loi islamique ». À la suite des récents – et futurs ? - désastres qui ont frappé la finance mondiale, certains tentent même de présenter la finance islamique comme une finance « éthique », du seul fait qu’elle interdit les intérêts, l’incertitude, la spéculation et qu’elle vise au partage des profits. C’est là, disons-le, une vision très idéalisée de la finance islamique. Ainsi, Charles Garreau (54 ans), un entrepreneur pourtant favorable à la finance islamique, a bien dû admettre que « contrairement à ce que l’on croit, ce n’est pas une finance éthique », mais d’ajouter aussitôt : « [L]e principe fondateur de la finance islamique, c’est le partage des risques. En clair, un investisseur qui investit dans une boîte prend autant de risque que le porteur du projet, contrairement au système classique. Vous contractez un prêt auprès de votre banquier afin de financer votre activité commerciale. Si votre boîte par la suite fait faillite, vous serez toujours redevable. Or, en théorie, votre banque est un partenaire pour le pire et le meilleur…surtout pour le meilleur en l’occurrence. » Et Xavier Ducros, un trader de 38 ans, de renchérir : « J’ai travaillé sur la finance islamique, où l’accession à la propriété est le fruit d’un partenariat entre la banque et le client. La banque achète le bien, le revend au client avec une plus-value. On détermine une durée de remboursement sur plusieurs années. Le client détiendra la pleine propriété uniquement lorsque la somme totale sera remboursée. Pendant ce temps, le bien sera en copropriété. » Et d’aucuns d’en conclure un peu vite que voilà un sujet issu de l’islam qui semble recueillir l’unanimité. 3. L’imposition de la charia par les pétrodollars ? En effet, que pouvons-nous retenir principalement de cette finance islamique, sinon que ce qu’elle subventionne lui appartient en droit (islamique) jusqu’à ce que vous ayez totalement remboursé votre dette ? Quelles implications ces « règles du jeu » islamiques pourraient-elles avoir dans le contexte d’un endettement public que l’on sait généralisé et chronique dans les pays occidentaux ? Est-ce à dire qu’un État qui serait, par exemple, endetté envers des banques islamiques ne s’appartiendrait plus vraiment jusqu’à ce qu’il ait totalement remboursé sa dette ? Quel impact cet endettement, qu’au vu de l’état de nos finances publiques, l’on sait permanent et croissant, aura-t-il sur la politique de nos États ? Liés financièrement à la charia, les États d’Occident, endettés, ne devront-ils pas par la suite se plier à d’autres desiderata de la loi islamique ? Alors, unanimité en faveur de la finance islamique ? Certainement pas ! 4. Le témoignage de Guy Millière Ainsi, Guy Millière nous met-il opportunément en garde : l’islam militant, nous dit-il, qui inclut l’islam radical mais ne se limite pas à lui, loin s’en faut, se livre aujourd’hui à une offensive planétaire et « son instrument de prédilection, ces derniers temps, n’est pas le foulard ou la burqa dont on parle tant, n’est pas non plus la construction des minarets, mais bien la finance islamique » que les serviteurs d’une Europe qui pratique activement la soumission préventive, tentent de nous présenter, comme nous l’avons signalé, comme une « finance éthique ». « Les investissements, poursuit Monsieur Millière, faits dans le cadre de la finance islamique doivent être conformes à la charia : certaines activités et façons de se livrer à ses activités sont illicites (haram). Sont concernés non seulement les jeux de hasard et l’alcool, mais aussi la liberté de parole et la liberté religieuse. Critiquer l’islam est inconcevable, dit la charia. Placer toutes les religions sur un pied d’égalité est inconcevable aussi. Tous les investissements doivent être supervisés par un bureau de la charia : ce qui équivaut à réintroduire une surveillance des activités économiques par des religieux. » En clair, « vouloir attirer des capitaux en mettant le doigt dans les engrenages de la soumission à des valeurs et des modalités étrangères au capitalisme démocratique implique le risque de se trouver broyé entièrement par ces engrenages. » Éric Timmermans
Sources : Guy Millière explique au Cri du Contribuable les dangers de la finance islamique Lisez le DOSSIER sur le WEB RESISTANT
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22 mai 2010
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Dialogue sur Islam et Libéralisme Le mardi 13 octobre 2009, à 19h30, l'Institut Turgot reçoit Youssef Courbage, Directeur de recherches à l'INED, et Yves Montenay pour une réflexion sur le thème "Islam et ouverture". En avant-propos à cette réunion nous vous invitons à lire ce document où Yves Montenay dialogue avec François Facchini, Maître de conférence à l'Université de Reims, sur les rapports entre Islam, monde musulman et libéralisme. Ce dialogue cherche à cerner les rapports entre d’une part l’islam, les musulmans et leurs pays avec le libéralisme. Nous distinguons d’emblée dans le terme « musulmans » trois idées : la religion, les individus et les pays où ils vivent, d’où les trois parties de ce dialogue. L’Islam comme religion et libéralisme économique François Facchini : Je pense que l’Islam, comme religion, soutient un idéal économique qui n’est pas celui de l’ordre économique des libéraux Le libéralisme soutient un ordre social où les règles garantissent les libertés civiles. Elles déterminent ce que l’homme a le droit de faire et de ne pas faire. S’interroger sur la place des libertés dans les pays musulmans c’est étudier la place des libertés de culte, de la liberté de conscience, de la liberté d’opinion, des libertés économiques, de la liberté de réunion, de la liberté syndicale, de la liberté politique, etc. dans ces pays. La liberté de culte donne le choix de sa religion. La liberté de conscience permet de ne pas avoir de croyances religieuses. La liberté d’opinion est un préalable aux libertés d’expression, de pensée et de la presse. Elle garantit la liberté de dire, d’écrire, et de diffuser n’importe quelle opinion. La liberté économique est la liberté de travailler et de consommer. La liberté de travailler donne la possibilité de travailler pour soi (entrepreneur), pour les autres (salariat) ou de ne pas travailler. La liberté politique est principalement la liberté de désigner son chef et de contrôler ses décisions. Elle peut donner sous certaines conditions le droit de choisir son droit. Elle peut, aussi, entrer en opposition avec les autres libertés. Cela explique pourquoi les libéraux qui ne prônent pas la dissolution de l’Etat cherchent à encadrer les libertés politiques par une constitution qui garantit les droits individuels. La relation entre l’islam et le libéralisme ne pose pas, pour cette raison, les mêmes problèmes et n’a pas les mêmes enjeux s’il s’agit du libéralisme économique, du libéralisme politique et/du libéralisme en matière de culte. Cette discussion porte uniquement sur les libertés économiques, sur le rapport qu’entretient l’Islam aux institutions du libre marché. L’Islam est la deuxième religion dans le monde en nombre de croyant derrière le christianisme. Son expansion débute en 622, date à laquelle le prophète Mahomet est chassé de la Mecque et se réfugie à Médine. En 629 il reprend la Mecque et instaure le premier Etat de la civilisation islamique. L’histoire de l’islam n’est pas, en ce sens, que l’histoire d’une aventure spirituelle c’est aussi une aventure politique. Le prophète a dirigé un pays. Il a inspiré par sa parole et ses pratiques l’invention d’un système juridique, le droit musulman. Le droit musulman institutionnalise l’idéal de la cité de l’envoyé de Dieu. L’idéal de la cité musulman est l’équivalent de l’idéal de la cité libérale. Au lieu de donner naissance à la Common Law et au Code Civil il a produit le droit musulman. Ce droit est né autour des années 609-632 (ap. JC) dans la péninsule arabique avec les révélations du prophète. Ce droit musulman se distingue sur de nombreux points de l’idéal de l’ordre économique libéral. 1) Il sacralise un certain nombre d’inégalités là où le libéralisme économique défend l’égalité formelle devant le droit. Le droit musulman a sanctifié trois inégalités formelles : les relations maîtres – esclaves, les relations femmes – hommes et les relations entre croyants et non croyants. 2) Il statue sur le butin là où le libéralisme économique soutient les droits du propriétaire contre la coercition d’Etat (Sourate VIII Le Coran).. 3) Il privilégie la propriété collective des ressources naturelles et restreint les libertés des propriétaires sur la base de principes moraux là où le libéralisme économique légitime la privatisation et exclut toute forme de paternalisme moral. Ces règles morales restreignent les droits du propriétaire de plusieurs manières. Les libertés individuelles sont limités par l’interdit de l’usure, l’obligation de l’aumône légale, le droit de succession, l’absence de personnalité morale, les terres collectives, le droit éminent de l’Etat sur la terre, et l’interdiction de s’approprier l’eau et l’herbe. Toutes ces restrictions sont à l’origine d’institutions distinctes des institutions du free market. Toutes ces restrictions empêchent de soutenir que le droit musulman est favorable aux institutions du libre marché. Il est possible que ce droit ait évolué ou qu’il n’ait pas été complètement appliqué, mais il a inventé un idéal économique qui n’est pas l’idéal de la société libre des libéraux. Le droit musulman issu de l’interprétation des textes sacrés de l’islam ne prédisposait donc pas la civilisation musulmane à découvrir les institutions du capitalisme libéral. Elles créaient un esprit non capitaliste défavorable au libre marché. La justification religieuse de l’esclavage, des inégalités hommes – femmes, musulmans – non musulmans, du butin, de la propriété collective des ressources naturelles, de l’interdiction de l’usure et de la spéculation, de l’obligation de la solidarité ont inspiré un modèle économique non capitaliste. Ce modèle est un modèle de rente et de distribution de privilège aux individus qui font allégeances au pouvoir. L’idéal de la cité musulmane a eu pour effet de composition un système institutionnel non capitaliste et plutôt hostile à ses valeurs puritaines. Il a crée les conditions d’existence d’une civilisation prospère pour ses membres et avancée, mais qui n’était pas préparée à la concurrence avec un modèle économique alternatif, le capitalisme libéral. L’histoire des modèles économiques des empires musulmans conduit donc à soutenir que l’islam n’a pas prédisposé les musulmans à découvrir le libéralisme économique à l’institutionnaliser. Yves Montenay : La description de « l’islam comme religion », ci-dessus, est celle des textes fondateurs dans leur ensemble, ce qui est certes très, et même extrêmement, important. Mais trois autres facteurs sont à prendre en considération : le flou et les contradictions et de certains passages, leur côté souvent très contingent et le fait que l’économie et la politique ont une autonomie par rapport à la religion. Ce sont trois facteurs de natures très différentes les uns des autres, et il faut donc examiner séparément. Premièrement le flou et les contradictions de certains passages des textes fondateurs. Nous savons que le Coran a été « récité » par Mahomet à des témoins variés sur une époque très longue. Il n'a été écrit que plus tard dans des circonstances que tous les musulmans apprennent : le Calife a rassemblé les témoins survivants et leurs notes (pour les amateurs de pittoresque il est précisé qu'elles étaient prises sur des écorces, et des omoplates de chameaux...) puis le Calife a rassemblé ces textes dans un ordre arbitraire qui ne correspond pas du tout à l'ordre chronologique de « descente » (du ciel). Nous savons également que le Coran comprend deux séries de textes, les textes « spirituels » plutôt de la période où il allait dans le désert recueillir « la parole de Dieu », et celle dite « de Médine » où l'inspiration divine lui a soufflé des textes de guerre et de gouvernement. Ces deux sources d'inspiration et le découpage non chronologique, ainsi que probablement d'autre raisons, font que l’ensemble n'a pas de logique propre, et que l'on peut trouver certains passages flous et contradictoires. Cela fait d'ailleurs le délice de certains commentateurs, les uns opposant par exemple la sévérité, voir les menace de mort envers les infidèles et les autres citant le fameux verset « pas de contrainte en religion ». Donc, sans remettre en cause la moindre virgule des textes, chacun peut trouver certains appuis (plus ou moins justifiés ) à sa thèse : interdiction de l'alcool ou de l'ivresse ? Interdiction de l'intérêt ou de l'usure ? Deuxièmement, certains passages sont par ailleurs très contingents, surtout les passages « de Médine ». Ils se rapportent à des évènements très particuliers, par exemple ceux relatifs à la bataille de Badr remportée par Mahomet contre les Mecquois et aux discussions sur le partage du butin qui ont suivi. Toute une école, aujourd'hui très vivante dans les pays du Nord mais également au Sud là où elle peut s'exprimer, pense qu'il faut remettre ces passages dans leur contexte et n'en retenir qu'une idée générale et des principes et non la lettre. C'est la tradition de l'itjihad. Un exemple extrême mais important est celui de la Tunisie : l'islam y est religion d'État et le Coran précise bien que chaque homme peut avoir quatre femmes, plus des concubines. Mais comme il est dit à un autre endroit qu'il doit les « traiter également », l'interprétation officielle tunisienne, qui est enseignée à l'école, est que le prophète savait bien que cette égalité de traitement était impossible et donc qu'il était en fait contre la polygamie, ce qu'il ne pouvait dire directement compte tenu des mœurs de l'époque. Je répète que c'est la position du gouvernement tunisien qui est enseignée à des millions d'élèves, et dont une grande partie des Tunisiens (et surtout des Tunisiennes) est maintenant persuadée. Les textes peuvent donc avoir (ou se voir prêter) une souplesse certaine. Troisièmement, il est souvent dit que l'Islam ne connaît pas la laïcité ou la séparation de la religion et de l'État. D’après les textes, c'est tout à fait exact et correspond d'ailleurs à la vie de Mahomet qui a été à certains moments à la fois prophète, commerçant, chef de guerre et administrateur de la vie courante de la Cité. Mais les hommes étant ce qu'ils sont, des rivalités entre « le Palais » et « la Mosquée » sont vite apparues, chacun cherchant à subordonner l'autre. Les problèmes nouveaux et complexes auxquels doivent faire face les États, problèmes qui ne sont bien sûr pas prévus par les textes, poussent à cette séparation de fait et l'on retombe sur la nécessité de l’itjihad. La pression d’un monde extérieur plus ou moins laïque, et en tout cas davantage que la plupart des États musulmans, pousse également dans le même sens, ne serait-ce que pour mettre en place les administrations ou organismes parallèles à ceux de l'extérieur. Je ne m'étendrais pas plus longtemps ici sur ce point, qui concerne plutôt « les musulmans » (par opposition à « l'islam ») et « les États musulmans », deux points abordés plus loin. Une autre façon de vérifier que les textes sont importants mais pas seuls à peser, notamment sur l’attitude face au libéralisme, serait de voir ce qu’il en a été et en est aujourd’hui du christianisme, du bouddhisme, du confucianisme dont certains présupposés ne sont pas libéraux. Les musulmans et le libéralisme économique François Facchini : Si le droit musulman conduit à soutenir que l’islam n’a pas pour idéal économique du free market il y a peu de chance pour que les musulmans soient dans leur majorité favorable au libéralisme. Malgré les interprétations libérales des paroles de l’envoyé de Dieu donné par un institut comme le Minaret Institut de nombreuses enquêtes montrent que les musulmans sont généralement hostiles aux valeurs du libre marché et à ses institutions (Guiso et al. 2003, Zingages, 2004, Rajan et Zingales, 2004, Crosette, 2000, Inglehart, 2005)i. Elles exploitent généralement les résultats des enquêtes du World Value Survey. Nous ne présentons que les informations qui permettent de faire correspondre le droit musulman aux croyances économiques des musulmans. Nous constatons que les musulmans restent hostiles à l’égalité homme – travail sur le marché du travail, à la concurrence, et à la propriété privée. Ils sont, en revanche, plutôt favorables à la redistribution des richesses. Cela correspond aux restrictions juridiques ancestrales du droit musulman sur la propriété privée et les libertés individuelles décrites dans la première section. Yves Montenay : Là aussi l’exactitude de l’exposé n’empêche pas le jeu d’autres facteurs. Si tout cela est effectivement important et négatif d'un point de vue libéral, ce n’est (malheureusement) que la confirmation que le libéralisme n'est pas une notion évidente et populaire et je pense que dans beaucoup de pays non musulmans on arriverait à des résultats analogues, notamment en France. Heureusement le libéralisme ne fait pas l'objet d'un vote, au sens de celui d'une élection générale, sinon il n'y a pas beaucoup de pays où il serait appliqué. Il est petit à petit diffusé, je n'ai pas dit imposé, par les marchands, puis les entrepreneurs. Il peut l'être également par une décision politique au sommet, lorsque des décideurs ont été convaincus de prendre ces mesures. Cela peut être soit par de bonne connaissance des théories économiques ou par constat de la meilleure réussite de certains pays ou encore, et peut être plus souvent, par simple nécessité. Ce fut le cas pour le thatcherisme, c'est le cas de la Chine, de l'Inde, et, dans une large mesure, de la France. Ce passage au libéralisme malgré l'opinion publique est difficile, mais est facilité par le fait qu'il n'apparaît que rarement « en bloc », sauf cas particulier comme par en Europe de l'Est après la chute du Mur, ce qui d'ailleurs ne lui a pas forcément été favorable à long terme. Donc, heureusement, une partie des mesures libérales apparaissent au coup par coup pour résoudre des problèmes concrets, et donc, soit paraissent logiques, soit paraissent inévitables. Évidemment la conséquence en est qu'aucun pays n'est complètement libéral, puisque le libéralisme y est apparu « problème par problème » et que tout ce qui peut durer sans s'effondrer, et par exemple les corporatismes, reste inchangé. Je reviens de Chine, et la majorité des hommes n'a pas bien « digéré » l'égalité hommes/femmes (ce qui est vrai également en Inde et dans bien d'autres pays), ni la propriété privée et encore moins, comme dans la plupart des autres pays, la concurrence. Les consommateurs qui se donnent la peine de réfléchir et d'interroger l'histoire récente, peuvent à posteriori trouver un avantage à la concurrence, mais tous les pouvoirs établis, que ce soit les entrepreneurs, les politiques, les syndicats, ou tout autre groupement, lui est en général fondamentalement hostile. Ça n'a pas empêché le libéralisme de progresser cahin-caha. En résumé les musulmans sont vis à vis des valeurs et des institutions libérales dans un état d’esprit assez analogue à la plupart de celui des pays du monde. C'est un obstacle, mais peut-être pas plus qu’ailleurs. Par ailleurs, en tant qu’individus, les musulmans ne se réduisent pas à leur religion, aussi prégnante soit-elle. Les Etats musulmans et libéralisme économique François Facchini : Si le droit musulman ancestral et les croyances économiques des musulmans ne sont pas favorables aux valeurs du free market et à ses institutions il est peu probable que les pays où la population est majoritairement affiliée à l’islam respectent les libertés économiques. Pour s’en convaincre il suffit de se référer aux indices de libertés économiques proposés par un certain nombre d’organisation à but non lucratif américaine. Sur la base des indices de liberté économique de la fondation Heritage pour 2009 on peut affirmer que ce sont les pays dont la population est majoritairement affiliées à la religion chrétienne protestante qui possèdent les indices de liberté économique les plus élevés viennent ensuite les catholiques romains, malgré la faiblesse des indices moyens en Afrique noire, en Amérique du Sud, dans les Caraïbes et dans les Iles du Pacifique. Les autres affiliations religieuses sont représentées dans trop peu de pays pour donner une information significative. Les pays de l’aire musulmane sont, en revanche, plutôt non libres (source : World Fact Book pour les affiliations religieuses et Fraser Institute pour les indices de liberté économique : 1995 – 2007). Si on décompose par pays il apparaît, cependant de grandes différences entre les pays du Golfe Persique, la Turquie et les trois pays de l’ex bloc soviétique sont classés parmi les pays plutôt libres. Cela signifie que les pays musulmans et leurs Etats ne sont pas imperméables aux influences extérieures. Les colonisations européenne, russe puis soviétique ont eu des effets très importants sur l’institution des modèles économiques des pays de l’aire musulmane. Elles ont façonné leur rapport à l’Occident et introduit dans le monde des possibles institutionnels de ces pays la possibilité de choisir les différents modèles de croissance de l’occident, autrement dit des modèles d’économies centralement planifiées aux différentes formes d’économie sociale de marché. Elles ont donné aux gouvernements des pays musulmans la possibilité de choisir une forme de socialisme (autogestion, planification centrale et/ou sociale démocratie) et/ou des formes d’économie sociale de marché (scandinave, français, japonais, allemand, et/ou anglo-saxon). (Source : economic freedom index, heritage.org, rapport 2009). Si on décompose l’indice on peut aussi préciser la nature du modèle économique des pays musulmans plutôt libres. Les pays de la péninsule arabique sont classés plutôt libres parce qu’ils n’ont pratiquement pas de système fiscal et un Etat de petite taille. Ils respectent les libertés monétaires, contractuelles sur le marché du travail et le libre échange. Ils sont non libres en matière de liberté d’investissement, de liberté financière, et de propriété Ils ont aussi des indices de corruption de mauvaise qualité. L’absence de fiscalité s’explique par l’existence d’Etat rentier dans cette zone. Les Etats utilisent la tendance naturelle du droit musulman à ne pas privatiser la terre et ses richesses pour entretenir une économie de rente qui n’est plus construite sur le butin mais la rente pétrolière. On comprend, alors, mieux, pourquoi les indices de respect des droits de propriété sont faibles. Cette faiblesse correspond à la tradition juridique musulmane ancestrale et à l’organisation de son système judiciaire (Scully, 1987) : absence d’appel, dépendance de la justice au pouvoir et relations très étroites entre l’Etat et le juge. Cette faiblesse des droits de propriété n’est pas propre aux pays de la péninsule arabique, mais caractérise l’ensemble des pays de l’aire musulmane. Cet indice repose sur la collecte d’informations sur l’indépendance de la justice, les conditions d’expropriation, l’existence de corruption dans les institutions judiciaires, la capacité des individus à faire respecter les conditions des contrats. Un bon indice de droit de propriété renvoie à un ordre où l’Etat garantit la propriété privée, où les institutions judiciaires mettent en œuvre rapidement et efficacement les contrats où il n’y a ni expropriation ni corruption Les pays plutôt libres de l’aire musulmane ont donc des caractéristiques qui font clairement résonances avec le modèle musulman classique. La seule présentation d’un indice de liberté économique et de ces évolutions sur courte période manque néanmoins de profondeur historique. L’évolution plutôt libérale ou plutôt socialiste des pays de l’aire musulmane sur longue période s’explique aussi par les stratégies juridiques de l’empire ottoman au XIX° siècle, par l’action des colonisateurs européens et les choix des gouvernements au moment de l’indépendance. L’empire ottoman et le colonisateur européen ont généralement cherché à moderniser les relations économiques existantes. L’empire ottoman par la Tanzimat a montré qu’il était possible de réformer formellement le droit musulman mais que cela pouvait déclencher d’importantes oppositions des populations. La colonisation européenne a aussi essayé de modifier les pratiques en faisant cohabiter le droit musulman et le droit occidental. Au XIX° siècle et au XX° siècle les autorités ottomanes et les colonisateurs européens ont conçu l’Islam comme un obstacle au développement économique. Ils ont cherché pour cette raison à moderniser le droit et les pratiques des musulmans. Cela a annoncé les réformes libérales de 1909 – 1918 et plus tard l’action de Mustafa Kemal Atatürk qui alla jusqu’à imposer le costume occidental pour les hommes (loi de 1925) et à adopter le code civil. Les Turcs durant cette période ont cherché à moderniser le droit et les mœurs de leur pays. On peut supposer, alors, que la présence turque est plutôt favorable à la libéralisation. Il place dans l’histoire de ces pays le germe de la liberté, l’idée de la libéralisation. La tradition juridique des colonisateurs joue aussi un rôle d’incubateur. Il y a les britanniques et leur tradition de Common Law, les Français et l’ensemble des pays européens de droit continental et les russes qui vont inventer en 1917 un nouveau modèle économique, le modèle soviétique. L’importance du droit français dans le domaine commercial et public dans les anciens pays colonisés est à noter (Algérie car département français, Protectorat Marocain et Tunisien (réformisme), Egypte (Napoléon)). En Algérie, par exemple, et comme dans de nombreux pays musulmans la pensée religieuse, avant l’occupation française, avait une forte influence en droit fiscal (Bin, 2007, p.15). La colonisation a écarté l’islam et imposé un système fiscal occidentalisé. Globalement il est admis que la colonisation britannique a légué une tradition juridique plus libérale que la tradition continentale française et russe (soviétique) (Scully, 1987). Les pays où la Common Law a été imposée sont des pays généralement plus libéraux que les pays de droit continental et de droit soviétique (Scully, 1987). Derrière ces trois types de tradition se dessinent trois modèles économiques : le capitalisme anglo-saxon, l’économie sociale de marché scandinave, française ou allemande et l’économie centralement planifiée. L’histoire des modèles économiques des pays musulmans est, dans ces conditions, l’histoire de choix institutionnels contraints par des mondes des possibles situés dans une époque donnée. L’idéal d’une cité musulmane occidentalisée dans un sens socialiste ou libéral ne peut, alors qu’infléchir le rapport qui peut exister entre le droit musulman issu de l’interprétation des textes sacrés et le droit d’aujourd’hui. Après l’occupation ottomane et européenne vient le moment de l’indépendance. Globalement les pays musulmans ont soit choisi les modèles socialistes et centralisés (Egypte, Algérie, Syrie, Turquie, Libye, Irak) soit des structures féodales et clientélistes (Maroc, Yémen du Nord, Iran, Pakistan) (Nienhaus, 1997). Gamal Abdel Nasser en Egypte et un certain nombre de leader du parti Baa en Syrie et en Irak ont tenté d’imposer une forme plus ou moins élaborée de socialisme arabe. Des leaders comme Kadhafi en Libye (Livre Vert) ou Boumediene en Algérie ont aussi cherché dans le socialisme une voie pour le développement économique et social de leur pays. Bin (2008, p.16) estime que le droit fiscal de l’indépendance en Algérie est totalement sécularisé et indépendant de l’islam. Les autorités ont même écarté l’islam comme source du droit fiscal. La situation algérienne est, cependant, très différente des pays où la loi islamique, fondé sur la charia est appliquée; comme la Mauritanie, la Libye, la Jordanie, l’Arabie Saoudite, le Yémen, l’Oman, les Emirats Arabes Unis, le Koweït, l’Iran et le Pakistan. Dans ces pays l’influence de la religion est très importante. Talahite (2000) rapporte, aussi pour l’Algérie que l’accès à la propriété du logement a longtemps été entravé et découragé. La menace d’être nationalisé ou tout simplement dépossédé de son bien par un gradé de l’armée ou un personnage influent, pesait comme une épée de Damoclès sur le citoyen ordinaire. Cette insécurité qui reste forte conduit à l’accumulation occulte, à la fuite à l’étranger et au sous-investissement. Seules les individus, qui ont accès à l’appareil d’Etat, sont protégés par la loi, c’est-à-dire le discrétionnaire des puissants auxquels on fait allégeance. Les autres pays ont choisi l’économie féodale et clientéliste où les marchés sont contrôlés par une petite minorité à qui l’Etat a donné un monopole via des droits exclusifs, des licences ou d’autres privilèges étatiques (Nienhaus, 1997). Alors que le socialisme a fait disparaître le marché pour le remplacer par le plan, l’économie de rente élimine la concurrence pour y substituer une économie de distribution et de protection des rentes. Ces systèmes bloquent l’activité productive des entrepreneurs et favorisent les activités improductives, de prédation. On retrouve parfaitement le modèle de rente de l’empire. L’indépendance a donc permis la reconstitution d’économies dirigées et contrôlées par de petits groupes : des familles (Salad en Arabie Saoudite, Chaykh Sa’ad au Koweit), des partis politiques en Irak (Ba’th), des groupes de militaires putchistes en Egypte et en Syrie ou une minorité ethnique en Jordanie. Ce modèle de prédation d’Etat ne tient, alors, que par le montant des rentes qu’il redistribue. Il ne tient qu’en redistribuant une partie de la richesse pétrolière et assure ainsi sa légitimité par le gain. L’Etat, pour survivre, doit cependant toujours distribuer plus de rente. Il crée de nouveaux postes de fonctionnaires dans la fonction publique. Il offre des salaires plus élevés que dans le privé. Il propose des emplois et embauche la main d’œuvre éduquée qui ne trouve pas de travail dans le privé. Il organise ainsi via son secteur public une trappe à capital humain dans les secteurs improductifs (Youssef, 2004, p.103). Les gains ont aidé à la mise en œuvre de marchandages entre les dictatures et les citoyens qui ont échangé un manque de liberté civile contre de la sécurité économique et la fourniture de services sociaux et de bien être L’importance des revenus du pétrole atténue le besoin d’impôt et permet la redistribution. La baisse du prix du pétrole met, en revanche en péril cet équilibre. La baisse du prix du pétrole baisse les revenus des pays pétroliers, mais surtout diminue les revenus des migrants qui envoient leur devise en Egypte, au Yemen, en Syrie, etc. Cela réduit les flux de revenu et replace l’économie dans la concurrence mondiale. L’équilibre politico-économique devient ainsi plus fragile et les zones de conflits se multiplient (Liban, Algérie, Iran – Irak, Israël, etc.). Le modèle dominant des pays musulmans et arabes en particulier reproduit les modèles de rente des empires arabes et ottomans. Il réhabilite une aristocratie d’Etat à l’origine d’un secteur public hégémonique et au service d’un système de redistribution caractérisé par le clientélisme, la menace et la corruption Yves Montenay :Tout cela est exact, et d'ailleurs très intéressant à rappeler, puisque mal connu. Mais justement, tous ces systèmes nationaux, étatiques ou impériaux ont mené le monde musulman à la ruine. Cette ruine a eu deux conséquences opposées. Premièrement celle d'un retour vers le passé : « puisque nous avons été vaincu militairement et économiquement, alors que Dieu décide de tout, c'est qu'il nous punit d'être devenus de mauvais musulmans. Nous devons donc revenir aux sources et à l'époque du prophète. » Cela a donné notamment les courants islamistes et parmi ceux ci une branche violente, qui pense que ce retour doit se faire au besoin par la force, c'est à dire concrètement en tuant les autres responsables musulmans qualifiés d'apostats de fait. Mais cette analyse de l’échec a généré aussi un autre type de réaction que l'on pourrait appeler « japonaise ». A la fin du XIXe siècle et au début du XXe on tenta de voir ce qu'il y avait de bon chez les Occidentaux, de l'imiter et de les égaler en puissance et en efficacité. Cette voie, la nadah dans les pays musulmans, a en gros échoué, mais certains éléments en ont survécu par exemple en Turquie. En général la colonisation n'a pas permis de pousser l'expérience, qui de toute façon se heurtait aux sentiments profonds de la population, ce qui justifie les remarque de F.F. Mais nous verrons que cet état d’esprit revient inévitablement. Plus tard si les indépendances se sont très souvent traduites par le dirigisme, le socialisme, et l'hyper nationalisme, cela tient à mon avis largement à des causes extérieures à l'islam. L'un d’entre eux est l’ambiance intellectuelle de l'époque, matérialisée au Maghreb par les « pieds rouges », conseillers gauchistes des gouvernements indépendants. Mais cela tient plus encore à la nature même des gouvernements, en général des dictatures militaires, plus ou moins couplées, sincèrement ou non, à des autorités religieuses. Or la tendance de tout gouvernement est de se servir de son pouvoir, et donc à s'écarter d'autant plus du libéralisme qu'il est autoritaire et tout puissant. Dans une bien moindre mesure, c'est ce qui se passe en France. Mais tout cela a entraîné de nouveaux échecs économiques et militaires et la question de la réforme s'est posée et parfois imposée. Et on l’en arrive aux libéralisations actuelles. Occidentalisation ? François Facchini : Le passé ne peut, néanmoins, déterminer l’avenir. L’avenir s’explique aussi par les idéaux des élites et des peuples qui composent les pays musulmans d’aujourd’hui. C’est là encore l’islam et plutôt les islams jouent un rôle décisif. Les institutions futures sont déterminées par l’idéal de société qui est à l’origine du principe de civilisation commune. L’idéal dans le monde musulman a pour référence l’islam et la charia. Il existe plusieurs idéaux, mais tous sont inspirés par la charia, par un passé idéalisé, une histoire qui devient une utopie. Le XX° siècle a été, d’ailleurs, le siècle de l’occidentalisation d’une part et du renouveau de l’islam, et de sa cité idéale, d’autre part. La plupart des débats à l’intérieur des pays musulmans font références à ce que dit ou ce qu’est censé dire l’islam sur le marché, la démocratie ou la modernité européenne. Sans avoir l’ambition de recenser toutes les positions en présence on peut malgré tout voir que les élites politiques et intellectuelles des pays musulmans proposent des diagnostics très différents mais tous centrés autour de la question religieuse. La question de l’adaptation institutionnelle des pays musulmans à la modernité européenne n’est pas nouvelle. Elle a donné naissance à la politique de sécularisation forcée d’Atatürk, au parti de l’islam (Jama’ati Islami) en Inde, à la politique de sécularisation de Reza Shah d’Iran, à l’occidentalisation sans reniement de l’islam au Pakistan, l’islam restant la source de toute vérité et de toute autorité. Elle est aujourd’hui à l’origine de multitude de doctrines économiques qui rivalisent pour donner une direction aux réformes futures. Les islams modernes sont les offres idéologiques produites par les entrepreneurs idéologiques pour les entrepreneurs politiques. Sans souci d’exhaustivité on peut citer le libertarianisme islamique du Minaret of Freedom instituteii, l’islam modéré et l’islam radical moderne des frères musulmans, des wahhabites saoudiens ou de la révolution iranienne. L’une des innovations de ce radicalisme musulman moderne est de proposer un modèle économique alternatif au capitalisme. Le retour à la Charia ne signifie pas seulement le retour au droit pénal musulman. Il veut aussi dire la mise en œuvre de finances islamiques. Sans que cela soit encore généralisé on peut observer que les activités de finance islamique sont en forte croissance (LEMONDE.FR 17.12.07). La finance islamique trouve ses origines dans le Coran, mais est une construction contemporaine. Elle s’est développée initialement en Malaisie dans les années trente, puis au Pakistan dans les années 50 et en Egypte dans les années soixante (Ariff, M. 1988). Elle oblige les prêteurs et emprunteurs de capitaux à ne pas définir d’intérêt (interdiction de l’usure ou riba), à partager les profits et les pertes, à ne pas spéculer (interdiction de l’incertitude, gharar), à reposer sur des biens réels ou des actifs sous-jacents et à ne pas financer des biens illicites comme l’alcool, le tabac, les jeux d’argent ou l’armement (Martens, 2001, p.10). Au début des années 80 deux pays ont introduit officiellement à grande échelle les pratiques de la finance islamique : l’Iran et le Pakistan (Martens, 2001, p.2). Outre les mauvais résultats économiques de ces deux pays il est intéressant de noter à la suite de Martens (2001, p. 12) que ces principes généraux sont en fait très difficiles à appliquer. Ils rendent les contrats confus et augmentent inéluctablement les coûts de l’échange. L’islam inspire donc les mondes des possibles institutionnels du monde musulman contemporain. Quelque soit sa vision de la cité musulmane idéale l’intellectuel musulman propose des innovations idéologiques légitimes parce qu’en accord avec la parole du prophète. Ces innovations utilisent l’imaginaire de la cité musulman parfaite pour persuader de leur bien fondé. Les réformes sont portées par des entrepreneurs idéologiques qui perçoivent dans la diffusion d’une idée un gain personnel (notoriété, réputation) et le moyen d’être en accord avec leur conception du Bien (rationalité axiologique). Leurs idées une fois reprises par un leader politique et/ou le peuple elles sont à l’origine des changements institutionnels. L’idée est le germe du changement. Elle s’incarne dans des hommes, des choix et in fine dans des institutions. La dépendance de sentier ne produit pas que le statu quo. Elle met aussi en évidence une dépendance des hommes à leur monde des possibles. L’invention d’une nouvelle cité musulmane construite sur l’idéalisation du passé relève parfaitement de cette théorie. Le modèle le plus influent est le celui des islams fondamentalistes et/ou réformistes. Leurs innovations ont profondément modifié le monde des possibles institutionnels de la plupart des pays du monde musulman. Elles sont en passe de faire d’une fiction, la cité musulmane idéal, une réalité. Elles s’incarnent dans des mouvements politiques, dans des peuples, dans des leaders politiques. Elles se diffusent et progressent dans les esprits des élites politiques, du peuple et des juges. -1- Les élites politiques acceptent la ré-islamisation pour garder leur pouvoir et le contrôle des finances publiques et du pouvoir politique que leur confère leur position à la tête de l’Etat. Ils cherchent à renforcer leur légitimité religieuse en donnant plus de place à l’islam dans leur discours et leurs décisions législatives (Laborel, 2004, p.82). -2- Les juges sont aussi influencés en partie par le retour de l’islamisation des sociétés musulmanes (Dupret, 1997, p.137, Dupret, 1996, Laborel, 2004, p.87). Ils ne peuvent pas ignorer le développement du discours de nature identitaire qui se manifeste dans les pays musulmans. Ils vont avoir, pour cette raison, à interpréter la loi dans un sens islamiste au lieu de juger sur la base d’une conception plus occidentale du droit. -3- Ce retour à l’identité religieuse de l’islam peut-être interprétée comme la défense d’un intérêt individuel au sens restreint (self-interest) ou comme un combat pour des valeurs (rationalité axiologique). La défense de l’identité religieuse par intérêt renvoie à la défense d’un capital social (Hardin, 1995, pp.34 – 37). C’est aussi de cette manière que Kuran (2004) analyse l’invention de la finance islamique. L’économie islamique ne cherche pas l’efficacité, mais un moyen de résister à la globalisation et de défendre son identité. Ce retour à l’islam est aussi le résultat d’un effet d’apprentissage. Si l’occidentalisation et la sécularisation sont associés à la pauvreté et à la misère provoquées par des modèles institutionnels socialistes et/ou clientélistes il est logique que les jeunes générations cherchent une autre alternative qui redonne de la valeur à leur capital social et religieux et invente une alternative non encore expérimentée. Le renouveau de l’islam et la force de l’islam radical moderne est donc la conséquence d’une sorte d’occidentalisation forcée soit sous une forme plutôt libérale (colonisation), soit sous une forme plutôt socialiste et clientéliste (indépendance). Il est en échec en Syrie et en Algérie par la force. Il est en échec relatif en Egypte. En Indonésie la place de la shari’a dans les institutions est une question récurrente depuis la colonisation britannique (Madinier, 2005). Il y a de surcroît l’échec du mouvement en Tunisie (Ennahdha). Dans tous ces pays, cependant, l’islam radical moderne progresse. Ce qui oblige les autorités politiques à en tenir compte dans leurs décisions afin de renforcer leur légitimité religieuse. L’islam radical est un succès en revanche au Soudan (1989, en Palestine (Gaza), en Mauritanie, au Nord du Nigeria , en Arabie Saoudite la Shari’a dans sa forme wahhabite, en Iran. Un grand nombre de pays sont donc inspirés par l’islam radical moderne, parce que leur population est séduite pour des raisons axiologiques et/ou identitaires par l’islamisation de l’économie et plus généralement de l’ordre social. L’islam n’a donc ni prédisposé les musulmans à découvrir les institutions de la liberté économique ni à les adopter. Yves Montenay : il y a effectivement beaucoup d’exemple de tout cela, mais on peut aussi trouver des exemples de sens contraire, dans l’agacement d’une frange de la population « musulmane » au Nord comme devant l’envahissement par la religion. Il y a aussi l’élévation du niveau général, notamment en ce qui concerne les bilinguismes (anglo-arabe et franco-arabe) qui varie les références et les visions du mondeiii1 La « modernisation » du statut de la femme en Turquie (1924), en Tunisie (1956) et au Maroc (2004) en est la conséquence directe2iv. Il y a enfin la diffusion de la lecture de l’arabe classique, qui perd sa position de « latin » des clercs, ce qui me paraît mener à une sorte de « protestantisation » de l’islam, laquelle fut pour le christianisme une étape vers la laïcité et le libéralisme. Pour en rester à ce dernier, la finance islamique est certes identitaire, mais me semble surtout acclimater la connaissance de l’économie d’entreprise. Sur le fond, je ne vois pas de différence de nature avec les multiples formes de « limited partneship » en usage depuis toujours en Amérique, puis accessibles dans le monde entier. Le label « islamique » est largement marketing, ce qui est important pour les organismes concernés (presque toutes les grandes banques aujourd’hui, y compris les françaises) et pour les clients, par ailleurs souvent arnaqués … comme tout autre citoyen du monde lors du lancement d’un nouveau produit miracle. Le poids croissant des islamistes (je n’ai pas dit des djihadistes) va de pair avec leur montée économique concurremment aux élites « socialistes » souvent relativement plus laïques, cela grâce aux libéralisations économiques. Cet « islam de marché », tant chez les puissants entrepreneurs notamment turcs et égyptiens que dans les milieux connexes, marie religion et capitalisme (Patrick Haenni) comme chez les « victoriens » ou les puritains. Dans ce cas, islam et libéralisme ont progressé de pair, et, pour parler de l’avenir, il n’est pas impossible que se frotter à l’économie mondialisée et cosmopolite se fasse à la longue au détriment de certains présupposés musulmans, comme cela s’est passé en Occident. Conclusion commune Il est important d’être conscient de l’influence très prégnante de l’islam et de ses textes fondateurs, et de leur caractère souvent éloigné de des soubassements du libéralisme. Mais individus et États sont soumis à d’autres influences et contraintes et le résultat global de ces interactions reste ouvert. Notes 1 - INGLEHART, R. (2005). “The Worldviews of Islamic Publics in Global Perspective”, forthcoming in Mansoor 2 - Le président du Minaret of Freedom Institute est un américain, Dean Ahmad. Il cherche à travers cette organisation à diffuser les idées libérales dans le monde musulman. Il défend l’idée que Voir son intervention au Colloque « islam et libéralisme » à l’institut euro92 en avril 1995, « L’économie politique de la société islamique classique ». 3 - Voir mes travaux sur « l’ouverture » et « la fermeture » des pays arabes, où je constate que les évolutions culturelles, éducatives (par le secteur privé) et économiques (via les entreprises occidentales délocalisées) se renforcent mutuellement, avec la baisse de la fécondité comme indicateur d’efficacité. 4 - Via le bilinguisme et la profonde culture politique française d’Atatürk, de Bourguiba et de Mohammed VI, ainsi que celle de leur entourage. Institut Turgot
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