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The International Civil Liberties Alliance is a project of the Center for Vigilant Freedom Inc.  We are an international network of groups and individuals from diverse backgrounds, nationalities and cultures who strive to defend civil liberties, freedom of expression and constitutional democracy.

We aim to promote the secular rule of law, which we believe to be the basis of harmony and mutual respect between individuals and groups in the increasingly globalised world, and to draw attention to efforts to subvert it.  We believe in equality before the law, equality between men and women, and the rights of the individual and are open to participation by all people who respect these principles.

We believe that freedom of speech is the essential prerequisite for free and just societies, secular law, and the rights of the individual.

We are committed to building and participating in coalitions in all parts of the world to effect significant progress in protecting rights of the individual which are sadly being eroded in many countries including those in the West.


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The Center for Vigilant Freedom

10 janvier 2015 6 10 /01 /janvier /2015 11:50
Les principes éthiques d’une société libre : « Qu’est-ce que le juste et l’injuste ? »
Le libéralisme ne peut pas être un relativisme en matière de morale. Il se fonde sur un code rationnel qui va à l'encontre du collectivisme.

DAMIEN THEILLIER * • Novembre 2014

 

Le libéralisme est souvent présenté comme étant neutre moralement ou pire, comme étant un relativisme moral égoïste : « chacun ses valeurs et chacun pour soi ». Cette caricature mensongère, véhiculée par de nombreux intellectuels de droite comme de gauche, n’est faite que pour mieux justifier l’accaparement du pouvoir par des gens qui rêvent d’imposer leurs idées (collectivistes) au reste de la société. On les entend souvent invoquer la société, l’histoire, la nation, comme des entités collectives supérieures qui pourraient justifier la contrainte et l’intrusion de l’État dans la vie des individus. C’est d’ailleurs pourquoi le principal obstacle à tous ces réformateurs sociaux, qu’ils soient conservateurs ou socialistes, ce sont les droits inaliénables de l’individu et en particulier les droits de propriété. D’où leur besoin de caricaturer la liberté et le libéralisme. À l’encontre de cela, nous allons montrer que la liberté bien comprise repose en réalité sur des principes éthiques rationnels intangibles, qu’on ne saurait relativiser.

 

Une crise philosophique et morale

En 1957, dans son grand roman La Grève, Ayn Rand a mis en scène une société gangrénée par la corruption de ses élites. On y voit des politiciens qui magouillent pour s’assurer leur réélection, des hommes d’affaires qui utilisent la loi pour s’adjuger des rentes ou des privilèges en éliminant leurs concurrents. C’est une société du piston, de la multiplication des privilèges, dans laquelle le secteur public s’entend avec le secteur privé pour spolier le citoyen, l’entrepreneur indépendant ou innovant. Pourtant, nous dit Ayn Rand à travers son héros, John Galt, la corruption des élites n’est qu’un symptôme. Le vrai problème réside dans les fausses idées philosophiques et les faux idéaux moraux auxquels nous adhérons sans nous en rendre compte. « La racine de la catastrophe du monde moderne est d’ordre philosophique et moral. Les gens n’embrassent pas le collectivisme parce qu’ils ont accepté une fausse théorie économique. Ils se tournent vers une fausse théorie économique parce qu’ils ont embrassé le collectivisme », écrit-elle. Le problème est d’ordre philosophique, il réside dans la philosophie étatiste-collectiviste qui sacrifie la liberté et la responsabilité individuelles à des entités collectives abstraites comme l’histoire, la nation, la société ou encore, c’est la mode aujourd’hui, la « planète ». De la lecture d’Ayn Rand, mais également de tous les grands auteurs de la tradition libérale classique et contemporaine, on peut retenir ces deux vérités philosophiques fondamentales qui vont à l’encontre de la pensée collectiviste :

 

1. La liberté n’est pas une valeur, elle est la condition de toute valeur.

Il serait faux de prendre la liberté pour une valeur comme une autre. C’est la condition de possibilité de toute valeur. Il ne saurait y avoir de responsabilité morale, de vice ou de vertu sans liberté de choix. Aucun acte contraint n’est moral. Aristote et Thomas d’Aquin à sa suite, l’ont posé comme un principe fondamental de leur éthique : « un acte accompli sous la contrainte ne peut entraîner aucun mérite ni aucun blâme. »

 

2. Seul l’individu a des droits, la société n’en n’a pas.

Les entités collectives abstraites comme la société, l’histoire, la nation n’ont pas de volonté, pas d’intentions et donc pas de droits. La source de toute moralité c’est l’individu. Il n’y a pas d’autre référence pour définir le bien et le mal, le juste et l’injuste que l’individu. C’est lui seul qui pense, lui seul qui agit, qui choisit, qui exerce une responsabilité morale. La société n’est pas un individu, elle n’agit pas, elle n’existe que par les individus qui la composent et qui agissent. Comment est-il dès lors possible de justifier moralement une société de liberté ? L’analyse économique ne peut pas suffire à cela. En effet, la science est descriptive et non pas normative. C’est à la philosophie de porter des jugements de valeur et de les justifier rationnellement. Ainsi l’économie peut nous informer sur les coûts visibles ou invisibles de décisions. Mais la philosophie nous dit qui doit payer quoi et à qui. L’économie peut nous dire ce qui est utile ou nuisible. Elle peut montrer que la liberté est plus utile que la contrainte. Mais seule la philosophie peut nous dire quels sont les actes justes ou injustes, quels sont les actes intrinsèquement violents ou non violents. A-t-on le droit de forcer ceux qui ne consomment pas à payer les coûts de ceux qui consomment ? A-t-on le droit d’interdire aux gens de se nuire à eux mêmes ? Peut-on réprimer les vices ? Quelles sont les normes de justice sur lesquelles une société libre peut et doit s’appuyer ? Telles sont les questions que nous allons aborder. Dans un premier temps, nous montrerons que la liberté bien comprise est indissociable de la propriété. Nous disposerons alors d’un critère permettant, dans un second temps, de définir ce qu’est un acte juste ou injuste (un crime).

 

La liberté comme théorie de la propriété

Les interactions entre individus sont bien sûr complexes et nombreuses. D’où les conflits, qui sont inévitables. Il est donc indispensable de disposer d’un critère universel pour savoir quand nos actions constituent une agression vis-à- vis d’autrui. Ce critère moral, c’est la propriété. Une théorie rationnelle de la liberté énonce que chaque homme a un droit absolu de contrôler et de posséder son propre corps ainsi que ses facultés. Frédéric Bastiat écrivait : « l’homme naît propriétaire. »

 

Propriété de soi et propriété des choses

La première propriété, la plus fondamentale, c’est celle de chacun sur sa propre personne. Mes facultés et mes talents m’appartiennent. Cela signifie que je m’appartiens et que je n’appartiens pas à un autre. Je suis libre et non esclave. La propriété de soi est donc synonyme de liberté. Et tout droit de propriété légitime doit être déduit de cette propriété de chaque homme sur sa propre personne. Dans la mesure où je dois subvenir à mes besoins, je dois également disposer de tout ce que j’ai produit par mon travail, c’est-à-dire par l’usage de mes facultés. Donc la propriété des choses n’est qu’un prolongement naturel de la propriété de soi. La propriété ainsi entendue est naturelle, elle fonde l’ordre social, elle est la norme de tout droit, de toute justice. De cela découle la seule conception rationnelle de la liberté : je suis libre si personne ne m’empêche de faire ce que je veux avec ce qui m’appartient. Et nul n’a le droit de m’utiliser ou d’utiliser les fruits de mon travail sans mon consentement.

 

Vrais et faux droits de l’homme

Si l’homme a des droits de propriété sur sa personne et sur le fruit de son travail, ce n’est pas parce que l’histoire ou la société lui en accorde, ni parce qu’il se les donnerait à lui-même par sa volonté souveraine, mais bien parce que ces droits sont inscrits dans sa nature. L’homme a le droit de faire tout ce qu’il veut, mais seulement avec ce qui lui appartient et dans la limite du respect de la propriété d’autrui. L’erreur de Rousseau et de toute la pensée socialiste après lui, c’est d’avoir dissocié la liberté et le droit de la propriété naturelle de soi. Chez Rousseau, la propriété n’est pas antérieure au droit, elle n’est qu’une convention instituée par la volonté générale et dans les limites décidée par elle. De ce fait, il n’y a pas de liberté ni de droit indépendamment de la société et du bon vouloir des législateurs. Or si l’on dissocie le droit de la propriété, on en vient à justifier de faux droits, qui ne sont acquis que par la violation des droits d’autrui. Par exemple : le droit au travail ou le droit au logement. Pour que je puisse acquérir gratuitement un logement il faut bien que quelqu’un paie pour moi. Et si c’est l’État qui paie, puisqu’il ne produit pas de richesses, il ne peut le faire qu’en prenant un logement à quelqu’un, ou son équivalent, pour me le donner. Une société juste est donc une société dans laquelle les droits de propriété sont intégralement respectés, c'est-à-dire protégés contre toute ingérence de la part d’autrui. C'est cette ingérence qu'on appelle une agression et qui définit le crime, comme nous allons le voir maintenant.

 

Théorie de la criminalité

Le crime, une agression contre la propriété

La propriété telle que nous l’avons définie comprend l’intégrité physique, ainsi que celle des biens légitimement acquis. Le crime c’est donc le fait de porter atteinte à l’intégrité physique ou aux biens d’autrui. Le crime est une agression contre la propriété, qui peut être observée et donc objectivement établie. Autrement dit, il ne suffit pas de nuire à quelqu’un pour qu’on puisse parler de crime et pour qu’on puisse justifier l’usage de la force contre cette action « nuisible ». Il y a beaucoup d’actions qui peuvent causer un tort à autrui : donner une mauvaise note à un élève, licencier un employé, acheter un produit concurrent, exprimer une opinion choquante, etc. Il ne s’agit en aucun cas d’agression, mais d’actions accomplies dans le cadre de contrats ou d’usage de son droit de propriété. Encore une fois la seule façon correcte de définir le crime c’est le fait de disposer de la personne ou des biens d’autrui sans son consentement, par la violence, ce qu’on peut appeler une agression. Nous pouvons en déduire trois conséquences :

1. La propriété n’est injuste que si elle est acquise par voie d’agression. De ce point de vue la théorie marxiste de l’exploitation des travailleurs est un sophisme. Elle consiste à faire passer pour un crime ce qui relève de la liberté des échanges et des contrats.

2. Tout titre de propriété qui résulte d’une agression doit être invalidé et remis à la victime.

3. Il est juste de se défendre contre un agresseur (même si l’organisation de cette défense reste à penser). Autrement dit, il ne faut pas confondre la violence agressive avec la violence défensive qui est une réponse légitime à la première.

 

Les vices et les crimes

Il résulte de ce qui a été posé que certains actes sont des crimes, d’autres sont simplement des vices. Un vice est une action qui nuit à soi-même, à son propre bonheur. De façon indirecte un vice peut nuire à son propre entourage, sans constituer pour autant un crime. Tel est le cas par exemple du jeu ou de l’abus d’alcool. Ainsi l’esclavage est un crime. Au contraire, la consommation de drogues, les pratiques sexuelles déviantes ou la prostitution, sont des activités qui ne constituent pas des agressions en tant que telles. Tant qu’elles ne font pas de victime, on peut les regarder comme des vices, comme des actions jugées dégradantes au regard de la dignité humaine et donc immorales mais non comme des actions criminelles. La façon dont un individu traite son propre corps ou le corps d’autrui dans le cadre de relations contractuelles, peut être morale ou immorale, vertueuse ou vicieuse. Mais rien de ce qui relève d’une relation librement consentie entre des adultes ne peut être jugé criminel.

 

Les intrusions illégitimes de l’État

Si l’on s’en tient aux définitions posées antérieurement, il faut bien reconnaître que de l’État, dans son acception collectiviste, est aujourd’hui l’un des principaux contrevenants aux droits de propriété, qu’il est pourtant censé protéger. Ces intrusions illégitimes dans la sphère privée peuvent prendre diverses formes selon le temps et le lieu :

- Réglementations

- Blocage des prix, des salaires

- Taxations

- Redistributions

- Subventions

- Prohibitions

- Censures

Lorsque les droits de propriété sont violés, on force l’individu à se défaire d’une partie de ses biens au profit d’un autre ou au profit de la collectivité, ce qui est immoral. On l’empêche de faire usage de sa personne et de ses biens comme il l’entend, ou en libre association contractuelle avec d’autres, en vertu du droit, ce qui est injuste. C’est pourquoi un libéral n’est pas et ne peut pas être un relativiste en matière de morale. Un libéral authentique, c’est-à-dire qui se rattache à la liberté et à la responsabilité individuelles, refuse d’accorder à l’État le droit de commettre des actions que tout le monde considérerait comme immorales si elles étaient commises par n’importe quel individu ou autre groupe social. Une société libre est donc une société dans laquelle un même code moral et juridique s’applique à tous, y compris et surtout aux personnes qui gouvernent, parce qu’elles disposent du pouvoir de contraindre. Frédéric Bastiat écrivait : « L’État a-t-il d’autres droits que ceux que les citoyens ont déjà ? J’ai toujours pensé que sa mission était de protéger les droits existants déjà. » L’État n’étant qu’une association d’individus, il n’a pas d’autres droits que ceux mêmes que ceux-ci possèdent préalablement.

 

Réponses à quelques objections

La tolérance n’est-elle pas l’indifférence aux valeurs ? Dans une société libre, il y a certainement beaucoup d’actions légitimes du point de vue du droit, que nous pouvons regarder néanmoins comme immorales au regard d’une éthique de vie personnelle exigeante : consommation de drogues, polygamie, propos jugés choquants, racisme, homophobie, œuvres d’art dégradantes, etc. Mais ce qu’un individu fait avec sa propriété ne regarde que lui. C’est pourquoi nous devons tolérer le fait qu’il y ait une pluralité d’éthiques personnelles, de spiritualités, de modes de vie, y compris si cela nous choque. Cela ne signifie pas que toutes les éthiques se valent et que nous pourrions rester indifférents à ce qui est contraire à nos convictions morales et religieuses. À chacun de les défendre. Mais précisément, la seule manière légitime de le faire c’est d’en persuader les autres, d’user de la parole et de la raison et non de la violence. L’une des leçons à retenir de la lecture des grands textes libéraux de Tocqueville, de John Stuart Mill, de Benjamin Constant, c’est que les excès de la liberté se combattent par la liberté. Il y a des personnes qui font un mauvais usage de leur liberté, soit. Mais la réponse à ces abus, c’est toujours d’ouvrir l’espace public de la discussion afin de laisser émerger des critiques, des arguments, des raisons. L’État n’a-t-il pas un rôle à jouer dans la moralisation de la vie sociale ? Pas plus que l’immoralisme politique, le moralisme politique n’est légitime. Le moralisme politique consiste à imposer une politique morale par le biais de la loi. Mais n’oublions pas que la loi c’est l’usage de la contrainte. Encore une fois, cela revient à violer les droits de propriété en imposant une normalisation des comportements dans des domaines qui relèvent du choix et des préférences des individus : famille, sexualité, religion, éducation, santé. Est-ce à dire que la vie sociale serait amorale et livrée aux caprices des individus ? Non, ce n’est pas ce que nous disons. La moralisation des rapports sociaux relève tout simplement des contrats librement choisis entre les individus et de la liberté des associations. Dans une société libre, chacun est incité à exercer sa responsabilité morale, mieux que dans aucun autre système. Quand les droits de propriété sont protégés contre les spoliations en tout genre, y compris les spoliations étatiques, les individus trouvent plus facilement les ressources matérielles et humaines pour s’associer, donner de leur temps et de leur argent pour les autres. On voit émerger de multiples initiatives privées consacrées à l’éducation, à la solidarité : l’aide aux plus fragiles, aux toxicomanes, aux prostituées, etc. Là encore, c’est la liberté elle-même qui est la meilleure réponse aux excès de la liberté et non la contrainte étatique ou l’usage de la force.

 

Conclusion

Certes, il n’y a pas de liberté sans règles. Mais il existe deux types de règles. Celles qui sont inventées et imposées d’en haut, de façon arbitraire, par des législateurs qui disposent du monopole de la force et qui sont censés agir pour notre bien. Et celles qui sont fondées dans le droit naturel de propriété. Seules ces dernières sont justes, car elles sont universelles. La liberté ainsi conçue renforce la responsabilité individuelle et contribue à créer un ordre social pacifique et prospère pour le plus grand nombre. En disant cela, nous ne sous-estimons pas le penchant au mal et à la violence qui subsiste en chaque homme. Ceci doit nous conduire à poser la question de l’arbitrage des conflits, de l’attribution des peines et de l’organisation de la sécurité. Mais c’est un autre chapitre. Concluons donc avec Ayn Rand : « Si les hommes veulent s’opposer à la guerre, c’est l’étatisme qu’ils doivent combattre. Aussi longtemps qu’ils soutiennent la notion tribale que l’individu est bon à être sacrifié à la collectivité, que certains hommes ont le droit de régner sur les autres par la force et qu’un « bien » (n’importe quel « bien ») peut le justifier – il ne peut y avoir de paix à l’intérieur d’une nation, ni de paix entre les nations. » (Ayn Rand, The Roots of War)

 

* L’auteur est philosophe et président de l’Institut Coppet à Paris. Ce rapport se base sur la communication donnée lors de la Journée libérale romande, le 8 novembre 2014 à Lausanne.

 

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5 janvier 2014 7 05 /01 /janvier /2014 19:28

La Corée du Nord existe-t-elle ?

Communiste, totalitaire, idéologique, dynastique, psychopathe, suicidaire, ou tout à la fois ? La RPDC est le pays le plus hallucinant du globe, mais pas seulement. Visite-express d'un univers qui ne devrait pas être.

Par Cyber-Résistant.

 

http://media.paperblog.fr/i/628/6287674/coree-nord-existe-L-fXS4fT.png

 

Un max de non-droit

Soixante-cinq ans. Soixante-cinq interminables années que le régime nord-coréen est en place. Il est aujourd'hui le système politique le plus totalitaire au monde – peut-être même le seul, si l'on s'en tient à la définition la plus académique du terme totalitaire –, et un des plus étranges que la planète Terre ait jamais connus. Frontières hermétiques, absence complète de Droits Fondamentaux, réseau de camps de concentration où règne une épouvante permanente, famines à répétition – des millions de morts dans les trente dernières années –, population réduite à la condition de bagnard, éducation et rééducation idéologiques massives de l'individu tout au long de sa vie, misère, corruption, absurdité, laideur, dénonciations, désespoir : coupés du reste le l'humanité, les Nord-Coréens vivent un enfer difficile à imaginer. Ajoutons à cela la menace permanente que fait peser cette petite nation sur ses voisines ; à la moindre contrariété, Pyongyang a l'Apocalypse à la bouche et menace de faire s'embraser la région.

Et ce n'est pas tout : la RPDC est également le plus gros producteur et le plus gros vendeur de faux Dollars, le fournisseur du Hezbollah en missiles, une plaque tournante idéale pour tous les trafics illégaux possibles, un pourvoyeur d'esclaves pour la Russie – ils peuplent les zones désertiques de Sibérie –, et l'enfant chéri du communisme chinois. À la fois stalinienne, maoïste, dynastique, mafieuse et terroriste, la Corée du Nord est un cas unique et passionnant dans l'histoire idéologique. Pour l'esprit libéral, cette nation hors de la réalité, black hole économique et tumeur géopolitique, est un formidable champ d'analyse et de réflexion sur l'État et sur le socialisme. Que l'actualité en cours attise notre curiosité révolutionnaire !

 

Design by Stalin

Incapables de décoder la logorrhée du matérialisme dialectique, les médias occidentaux mainstream sont prompts à oublier que la Corée du Nord est purement et simplement un régime communiste. Son idéologie présente pourtant un pédigrée de haut rang. Elle repose sur deux idées fondamentales, dont les noms sont répétés à longueur de journée par les hauts-parleurs, les affiches, les fresques humaines, les ballets, les commissaires politiques, les enfants robotisés, les chorales, les fanfares et les émissions de radio et de télévision : le Djoutché et le Songun.

C'est à Staline qu'il faut attribuer l'invention du premier. Accédant au pouvoir à la mort de Lénine, il élabore un concept nouveau : "le socialisme dans un seul pays". C'est-à-dire : un communisme nationaliste, affirmant haut et clair n'avoir pas besoin des autres nations pour prospérer à son rythme fulgurant, loin de leurs manigances et de leurs vices. On met l'internationalisme entre parenthèses, le temps d'échafauder un totalitarisme qui tienne la route, et de s'armer pour les conquêtes à venir. Les Khmers Rouges donnèrent, eux aussi, dans cette logique du renfermement complet sur soi-même, même s'ils en ont bricolé une interprétation préhistorique, très différente de la version nord-coréenne – plus proche de l'épopée et, involontairement, du burlesque. Bien entendu, cette autarcie génère une xénophobie systématique, une mégalomanie étatique complète, une paranoïa caractérisée, et une formidable incapacité à créer de la richesse. Les Coréens du Nord n'ont aucun moyen de communiquer avec l'extérieur, et n'en reçoivent aucune nouvelle. Quelques malheureux tentent de traverser la frontière la mieux gardée au monde, certains y parviennent. Un reportage montre une Nord-Coréenne arrivant à Séoul et découvrant l'existence du four à micro-ondes. Elle éclate en sanglots : "Comment ont-ils pu me voler ma vie à ce point ?" Elle ne parle pas de la faim, elle parle du mensonge. Ce peuple est le plus désinformé, le plus censuré, le plus manipulé, le plus brainwashé qui soit. Est-il pire torture, que de naître il y a 65 ans du mauvais côté du no man's land, et de n'avoir rien connu d'autre depuis, que la peur, le dénuement et la propagande ? Être nord-coréen est une malédiction. Certains sont nés en camp de concentration, de parents enfermés, et ont survécu tant bien que mal, des décennies durant, en ces zones d'une cruauté sans nom – on y voit des enfants de gardiens y tuer des enfants de condamnés –, et y sont morts, sans avoir entrevu une seule seconde de leurs existences ce que nous appelons "liberté". Que sont ces vies ? Des vies de victimes du communisme. Il est moral d'avoir froid dans le dos, si l'on songe à la Corée du Nord.

 

La Grosse Bertha Rouge

La seconde idée, le Songun, est la militarisation de la première. L'autarcie du Djoutché  trouve son climax dans un communisme de guerre fidèle à l'esprit de Lénine dans les années 1918-1921 : la totalité de l'économie sert le renforcement de l'armée. Sauf qu'ici, c'est un genre d'état de guerre sans guerre. On fait comme s'il fallait constamment soutenir le front, mais il n'y a pas de front. Ce conflit est imaginaire, légendaire, narratif, quand bien même la production d'armes est réelle. La guerre est racontée par le régime à ses victimes à des fins de communication interne et de cohésion populaire : pur orwellisme [1]. Elle permet également de vendre des armes aux autres dictatures. Et d'obtenir des devises en échange de traités de paix in extremis – raison pour laquelle la RPDC se lance régulièrement dans un numéro de pitre thermonucléaire. Kim brandit un couteau électrique, on rigole un bon coup, et la communauté internationale passe à la caisse à la fin du spectacle, en échange de six mois de calme. C'est cyclique et sempiternel, à l'image des mimes d'Avignon. Et sans doute est-elle un tantinet racontée par Kim 3 à lui-même, aussi, cette guerre. Être le petit-fils de Kim 1 et le fils de Kim 2 ne vous arrange pas les neurones. Recevoir le totalitarisme en héritage, comme une voiture de collection, ne rend ni raisonnable, ni humble. Kim 3 joue comme il peut avec les jouets qu'il a. Bercé par le marxisme-léninisme, les exploits de ses aînés, l'envie d'être aussi célèbre que Psy, et l'énorme médiatisation dont il fait l'objet depuis quelques jours, sans doute Kim 3 fait-il des rêves étranges. Ils débordent sur les nuits des Coréens du Sud et des Japonais. Ils parviennent à réveiller Obama en pleine nuit. Mister President, we have a problem. Pyongyangnam style. Kim 3 est une star. Il a rattrapé et dépassé Papa et Papy. Il est Doctor No 2.0.


Ne riez pas trop vite

Ne riez pas trop vite, non, car Kim 3 a des armes chimiques et bactériologiques. Il ne s'en servira jamais ? Aucun expert ne peut prétendre savoir avec certitude ce qui se passe dans la tête de Kim 3. La Corée du Nord, dit-on, est également équipée d'une puissante et nombreuse armée de hackers – c'est également le cas de la Chine. Peut-être, à l'instant même, êtes-vous épié par l'un d'entre eux : il est chargé de surveiller les sites Cyber-Libertariens français, vous arrivez sur cette page en même temps que lui, il vous détecte. Il note votre adresse IP, puisque vous lisez cet article ignoblement réactionnaire. Vous voilà happé par la fiction nord-coréenne. Nous sommes les figurants d'une fresque sans fin, dont Kim 3 est le centre. Le délire communiste a accouché d'un monstre parfait. Pékin veille sur lui comme le toxico adulte sur son petit cousin dealer.

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Note :

On ne peut complètement exclure que Kim 2 et/ou Kim 3 aient lu 1984.


De Wikiberal

Le totalitarisme désigne un système politique dans lesquel l'État et la société sont considérés comme un tout indissociable.

Le terme de totalitaire commence à être utilisé en 1933 pour qualifier l'Allemagne nazie, et Jacques Maritain parle de "totalitarisme fasciste ou raciste" dans son œuvre Humanisme intégral en 1936.

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Présentation

Le concept d'État totalitaire a été forgé par le théoricien du fascisme italien, Giovanni Gentile, qui écrivait les textes de Mussolini ayant un contenu théorique. L'État totalitaire doit prendre le contrôle de la société toute entière et de tous ses secteurs, jusqu'à faire disparaître celle-ci, englobée dans l'État, devenu « total ».

Le gouvernement a donc toute légitimité pour faire tout ce qui concerne les relations sociales, c'est-à-dire en pratique contrôler la vie des individus, ne leur laissant aucune liberté individuelle et surtout aucune liberté d'expression, ni par conséquent de pensée.

Les régimes totalitaires apparaissent muni d'un « parti unique » qui contrôle l'État, qui lui-même contrôlerait la société et plus généralement tous les individus. D'un point de vue totalitaire, cette vision est erronée : il n'y a qu'un parti parce qu'il n'y a qu'un tout, qu'un seul pays, vouloir un autre parti c'est déjà de la trahison ou de la maladie mentale (schizophrénie : se croire plusieurs alors qu'on est un). Le totalitarisme tel qu'il est ainsi décrit par Hannah Arendt n'est pas tant un régime politique qu'une dynamique auto-destructive reposant sur une dissolution des structures sociales et une terreur permanente. Edgar H. Schein montre comment le totalitarisme moderne utilise les techniques de brainwashing [lavage de cerveau]. Ce phénomène a été analysé par Gustave Le Bon, dans La psychologie des foules et par C.G Jung, dans l'analyse de la conception de la psychologie collective. Plus généralement, le film I comme Icare montre aussi le degré d’assujettissement des individus à l'autorité ou au pouvoir, qu'il soit totalitaire ou démocratique, au travers de la célèbre expérience de Stanley Milgram, dans le mécanisme de la dilution des responsabilités, lors de prises de décisions et d'exécutions et dans les processus, la façon, dont les ordres sont appliqués, avec, à chaque fois, une radicalisation de ces ordres, devenant de plus en plus brutaux.

L'identité sociale des individus laisse place au sentiment d'appartenance à une masse informe, sans valeur aux yeux du pouvoir, ni même à ses propres yeux. La dévotion au chef et à la nation devient le seul moyen d'exister d'une existence qui déborde au-delà de la forme individuelle pour un résultat allant du fanatisme psychotique à la neurasthénie.

Les sociétés totalitaires se distinguent par la promesse d'un « paradis », la « fin de l'histoire » ou la « pureté de la race », ou la « pureté de la classe sociale » par exemple, et fédèrent la masse contre un « ennemi objectif ». À un moment donné, ces totalitarismes s'allient entre eux, montrant leur opposition commune aux notions de Liberté, de Démocratie parlementaire et de Propriété privée, comme ce fut le cas pour le Pacte Germano-Soviétique établi le 23 août 1939[1]. Celui-ci est autant extérieur qu'intérieur et sera susceptible de changer. Les sociétés totalitaires créent un mouvement perpétuel et paranoïaque de surveillance, de délation et de retournement. Les polices et les unités spéciales se multiplient et se concurrencent dans la plus grande confusion. Des purges régulières ordonnées par le chef de l'État, seul point fixe, donnent le tempo d'une société qui élimine par millions sa propre population, se nourrissant en quelque sorte de sa propre chair. Ce programme est appliqué jusqu'à l'absurde, les trains de déportés vers les camps de l'Allemagne nazie restèrent toujours prioritaires sur les trains de ravitaillement du front alors même que l'armée allemande perdait la guerre.

Le terme est souvent utilisé à tort pour désigner des régimes autoritaires de droite ou de gauche, ce qui est en toute rigueur impropre. Par exemple, on considère généralement que l'URSS déstalinisée ou les dictatures militaires d'Amérique du Sud n'étaient pas totalitaires car, bien que généralement impitoyables, en pratique elles ne cherchaient pas à contrôler toutes les facettes de l'activité humaine et n'entretenait pas cette dynamique de pouvoir autodestructive. Elles pouvaient s'accommoder d'une dissidence intellectuelle tant que leur pouvoir restait solide. Le régime totalitaire se caractérise par des moyens de terreur violents ou sophistiqués, un système de contrôle de la pensée et de flicage des citoyens, une société civile interdite et l'isolement de chaque individu.

Caractéristiques

Le totalitarisme repose essentiellement sur les cinq principes suivants :

  • constructivisme : volonté de construire un certain type de société ; « les connaissances et les croyances des hommes doivent servir d'instrument pour la réalisation d'un but unique » (Hayek) ;
  • collectivisme : le collectif (nation, peuple, prolétariat...) est une entité supérieure à l'individu ; le totalitarisme repose sur « une conception d'ensemble du tout » (Hayek) ;
  • esprit monopoleur (protection contre l'étranger, l'ennemi interne ou externe désigné, etc.) ;
  • une idéologie, soit sociale, soit politique, soit religieuse, soit pseudo-mystique (dans le cas du communisme, c'est la conception de la lutte des classes, dans le cas du nazisme, c'est la conception de la supériorité d'une race) ;
  • l'utilisation de motvirus, afin de conditionner les esprits et de les sidérer.

Lorsqu'une société admet l'un ou les deux ou les trois ou les quatre ou la totalité de ces principes, alors elle devient pré-totalitaire ou totalitaire à part entière, irrévocablement. En revanche, lorsqu'une société ne souhaite plus ces principes, elle peut devenir libérale.

Une des caractéristiques du totalitarisme est une volonté politique de "régner en maître à l'intérieur des consciences" (comme l'écrivait Jean-François Revel), ce qui se traduit par un éventail de procédés qui vont du terrorisme intellectuel, jusqu'à l'autocritique obligatoire pour les adeptes de l'idéologie, la méfiance et la surveillance mutuelle et la répression violente de la dissidence.

On peut remarquer que la social-démocratie présente tous les symptômes du totalitarisme, par exemple à partir d'un emploi outrancier du motvirus "solidarité" et l'utilisation du terrorisme intellectuel par les milieux dits "progressistes".

« Le libéralisme est une idéologie totalitaire tout comme le communisme »

Ce point de vue à l'emporte-pièce, asséné par certains antilibéraux, est aisément réfutable. Le libéralisme ne répond pas aux caractéristiques du totalitarisme énoncées plus haut :

  • constructivisme : le libéralisme n'a pas la volonté de construire un certain type de société : il laisse chaque individu ou groupe d'individus décider de la façon dont il veut vivre dans la société, le seul impératif étant la non-agression et le consentement des personnes (ce refus libéral du constructivisme est fréquemment critiqué par les constructivistes comme "refus d'une vision commune", "atomisme social", etc.) ;
  • collectivisme : il n'y a pas d'entité supérieure par sa nature à l'individu (nation, peuple, prolétariat, "générations futures", …) ; toute entité collective ne tire sa légitimité que du consentement des personnes qui la composent ;
  • refus de tout monopole (l'exception souvent admise pouvant être le monopole des fonctions régaliennes de l'État) ;
  • toute idéologie est tolérée dans le cadre d'une liberté d'expression absolue, ce qui n'est pas admis est la mise en pratique d'une idéologie donnée quand elle procède de la coercition et de la violence pour attaquer les personnes dans leur liberté et leur propriété (c'est en réalité ce que fait constamment la [(politique]]).

Une variante de cette affirmation est que ce n'est pas le libéralisme qui serait une idéologie totalitaire, mais l'ultralibéralisme. Or cet "ultralibéralisme" n'est qu'un fantasme antilibéral, à moins de désigner par là le capitalisme de connivence, qui est un produit de l'étatisme et non du libéralisme.

Une critique usuelle consiste également à voir le libéralisme comme une « dictature des marchés », une religion dont les adeptes croiraient au Dieu-marché :

Les détracteurs du libéralisme prétendent que la sphère économique irait jusqu’à absorber l’intégralité de la société civile. Là encore, l’argument est paradoxal puisque le libéralisme, en tant qu’individualisme, signifie l’exact contraire du totalitarisme, en tant que holisme – lequel valorise la totalité sociale et méprise l’individu. Alors que le totalitarisme se définit comme le primat de la totalité sur l’individu, le libéralisme pose des limites au Pouvoir.[2]

Points de vue libéraux

Pour Hayek, le totalitarisme n'est pas un accident historique qui proviendrait uniquement de mauvais choix politiques. C'est la conséquence logique de l’ordre institutionnel imposé par la planification socialiste.

Pour Philippe Nemo, la Première République française (proclamée par la Convention nationale en 1792) est le premier régime totalitaire connu[3].

Les libéraux soulignent souvent que la démocratie elle-même, minée par la démagogie et l'extension indéfinie des pouvoirs et de l'interventionnisme de l'État, devient une démocratie totalitaire :

Qu'il se pare des vertus démocratiques ou qu'il apparaisse dans sa force brute, l’État poursuit inexorablement sa croissance, il devient nécessairement, logiquement, totalitaire. Il est bien, en ce sens, le Léviathan qui dévore les êtres ; et il y arrive même avec leur assentiment. (Pascal Salin, préface à L’État, la logique du pouvoir politique d'Anthony de Jasay)

Totalitarisme et maladie mentale

Dans Le fou et le prolétaire (1979), le sociologue Emmanuel Todd avance la thèse selon laquelle la tentation totalitaire serait l'expression d'une maladie mentale frappant une partie de la société. L'adhésion au totalitarisme présente une parenté psychique très proche de la psychose, et notamment de la schizophrénie. Cette folie se reflète au plus haut niveau : "Les États deviennent fous parce que les hommes qui les constituent, les dominent ou les construisent, sont largement psychotiques."

Cette thèse pourrait être confirmée par le traitement des dissidents dans les régimes totalitaires, que l'on interne précisément pour maladie mentale, tant il est vrai qu'on projette aisément sur autrui ses propres turpitudes.

Certains historiens, comme Jacob Talmon, soulignent les tendances paranoïaques de Rousseau, "théoricien de la démocratie totalitaire", ainsi que de Robespierre, Saint-Just ou Babeuf.

Citations

Nuvola apps colors.png Article principal : Citations sur le totalitarisme.

Notes et références

Bibliographie

  • P.P. Portinaro, 2002, Il totalitarismo rivisitato, “Teoria politica”, XVIII, 2002, 1, pp. 107-122

Voir aussi

B0.jpg Discussions sur le forum
Le libéralisme est il viable face au totalitarisme ? (for)





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29 décembre 2013 7 29 /12 /décembre /2013 17:19

Sommes-nous suffisamment anticommunistes ?

Tout le monde s'est fait avoir. Le communisme, le vrai, le léniniste, n'est pas du tout mort. Il va très bien. Démonstration.

Par Cyber-Résistant.  

http://media.paperblog.fr/i/627/6273631/sommes-suffisamment-anticommunistes-L-ohlaqK.png

 

Attention, vous risquez d'être surpris. Au moment où vous lisez ces lignes, six pays vivent sous une dictature de parti unique communiste : Cuba, Cambodge, Vietnam, Corée du Nord, Chine, Laos. Plus d'un milliard et demi d'humains. Une population plus nombreuse que la somme de tous les Musulmans. Avec l'aimable participation de la Chine, il n'y a jamais eu autant d'otages du monopartisme communiste qu'aujourd'hui. Pourquoi croyons-nous le contraire ?  

 

Le communisme est amphibie

 Bien sûr, des choses ont changé. Certains pays communistes ont fait une place au soleil, parfois énorme, aux entreprises privées. Mais rappelons deux choses. D'abord, la NEP (Nouvelle Politique Économique) de Lénine, de 1921 à 1924, fut la première expérience associant le monopartisme bolchévique au secteur privé – ce qui permit au peuple de respirer avant l'interminable apnée stalinienne. Tenter de nouveau cette expérience n'est donc pas une aventure extérieure au marxisme-léninisme : la mixité "politique communiste + économie privée" a été pratiquée par Lénine : elle est autorisée par le Dogme. D'autre part, les grandes entreprises chinoises, toutes sans exception, sont soumises à la surveillance d'un membre du Parti. Soit qu'il appartienne au Directoire de l'entreprise, soit qu'il le conseille. De sorte que les stratégies de ces entreprises ne contreviennent jamais aux intérêts du Parti – et que, vous vous en doutez bien, le Parti se sert au passage. Si bien que non seulement la mixité chinoise contemporaine est communiste dans son principe, mais elle sert le Parti, qui l'a conçue et en retire nombre de bénéfices. Elle le renforce.

 

Bons baisers du matérialisme dialectique

Pour le reste, rien n'a fondamentalement changé. Un peu moins de terreur, mais le Laogai, le réseau de camps de concentration chinois, est toujours en activité, et la Chine exécute plus de condamnés à mort chaque année que tous les autres États additionnés. L'Internet chinois est une immense machine à censurer la population locale et à hacker les puissances étrangères.

La Corée du Nord, qui mérite à coup sûr le titre de "membre émérite du club très fermé des pays les plus tyranniques de tous les temps", s'enfonce chaque année davantage dans l'enfermement, l'absurdité, la famine, l'horreur, et recèle probablement les camps d'emprisonnement politique les plus atroces de notre époque. Le martyr des Nord-Coréens entrera dans l'histoire comme un cauchemar sans précédent, aux côtés des quatre années de régime Khmer Rouge (à la différence que l'enfer est au pouvoir en Corée du Nord depuis soixante-cinq ans).

Cuba est toujours aussi aberrant et tragique, pourrissant sur pied à l'image de son pitre aux mains sales, le détestable Castro. Le Cambodge, le Vietnam, le Laos, sont soumis au mêmes régimes : tolérants pour les silencieux, brutaux, voire mortels, pour les opposants.

Dans les six pays encore communistes en 2013, l'ordre règne. Aucun n'est démocratique. Aucun n'est respectueux des Droits Fondamentaux. Les leaders nationaux et régionaux du Parti y sont riches, parfois milliardaires en Dollars – cela s'est toujours pratiqué en régime communiste.

En France ? PCF, Front de Gauche, NPA, LO, GGT, Sud et une myriade d'associations pèsent de tout leur gauchisme sur le débat national, sur le vote, sur la vie syndicale, sur la presse, l'université, l'école, de nombreuses administrations et sur la quasi-totalité des milieux culturels. Le communisme français ne pèse que 10% des électeurs, mais il est influent comme nulle autre tendance politique en France. Grâce, entre autres, à une manne ininterrompue de subventions.

 

La fin des idéologies = lol

Et c'est donc ce monde-là que l'on nous décrit comme "débarrassé du communisme" ? C'est donc cela, la "fin des idéologies" que l'on nous promettait, en live, pendant la chute du Mur de Berlin ? Non. Ils se sont trompés, comme si souvent les experts. Il n'y a pas eu de fin des idéologies, pas plus que de mort du communisme. Le marxisme-léninisme est passé en mode "NEP" et tout va pour le mieux. L'objectif ultime dicté par Lénine est atteint : conserver le pouvoir par tous les moyens et ne jamais desserrer l'étreinte politique. L'erreur de Gorbatchev, avec la Glasnost, fut de prétendre introduire de la fluidité, de la démocratie et de la transparence dans le fonctionnement du système soviétique. Or, ce dernier ne pouvait se passer d'opacité. L'opposition s'empara de la perche tendue, tira un bon coup, et tout le cirque soviétique se retrouva les quatre fers en l'air.

Notons qu'il y eut, à l'époque, un débat confidentiel entre Moscou et Pékin. Les Chinois mirent en garde Gorbatchev : si tu te lances dans la libéralisation politique, même minimale, tu n'auras même pas le temps de bénéficier de la réforme économique, tu seras balayé. Mikhaïl Serguéïévitch n'écouta pas ce conseil avisé et fut balayé. Nous avons ici un bel exemple de confrontation idéologique entre communistes. Et nous voyons bien que le PCC a été plus intelligent que le PCUS. Croire que les communistes se montrent toujours crétins, c'est mépriser la complexité de l'idéologie et la souplesse du léninisme. Fouillez le XXème siècle, vous ne trouverez pas aisément politicien plus rusé que Staline.

 

Le grand aveuglement

Notre habitude de sous-estimer nos adversaires explique notre incapacité à croire que le communisme pouvait survivre à l'explosion de l'URSS. Nous avons inventé "la fin des idéologies", par imprévoyance, par inculture et par orgueil. Cette abolition de l'antagonisme Est-Ouest était si rassurante que le mainstream y accorda un crédit définitif, verrouillé par la bonne conscience, et que les faits ne pourraient plus démentir. Le communisme eut alors l'étrange privilège de poursuivre sa route incognito : tout le monde le donnait pour refroidi.

Que plus d'un milliard et demi d'humains soient aujourd'hui encore, et peut-être encore pour longtemps, soumis à la cruauté d'un Parti Communiste, et que nous réagissions à cette information par "Mais le communisme, c'est fini, vieux !" est un scandale considérable, tant sur le plan de la morale que de la connaissance, et c'est le signe que notre belle intelligence libérale est capable de passer à côté d'une réalité aux dimensions colossales, sans la voir, simplement parce qu'on nous a dit que cette réalité n'existait plus. Nous devrions avoir peur de notre complète indifférence à cette souffrance-là, présente, causée par les descendants directs de Staline et de Mao. En Corée du Nord, on noie des bagnards dans des cuves emplies d'excréments, et l'on ouvre des femmes enceintes au couteau, comme ça, pour voir comment elles hurlent. Les Totenkopf-SS auraient adoré. Que dirait le politiquement correct si, en 2013, des partis uniques hitlériens "à économies mixtes" dirigeaient un milliard et demi de personnes ? La chose semble tellement extraordinaire que l'on peine à l'imaginer.

Il ne tient qu'à nous, Cyber-Libertariens, d'annoncer la mauvaise nouvelle : le communisme va bien. Il s'est installé au XXIème siècle. Pékin nous défie.


Idéologie

 

De Wikiberal
Idéologie en Corée du Nord

Concept initial

Le mot « idéologie » est apparu en août 1798 dans le Mémoire sur la faculté de penser du philosophe Antoine-Louis Destutt de Tracy. Sous sa plume, ce concept décrit la science des Idées que l'auteur essaie alors d'élaborer. Napoléon s'est ensuite moqué de Destutt et des autres Idéologues en orientant le terme dans un sens péjoratif, laissant entendre qu'il s'agissait d'intellectuels peu au fait de la politique concrète.

Dans son Idéologie allemande (1845), Karl Marx conservera le sens dépréciatif et le popularisera. Mais il parlera d'idéologie pour désigner ce qu'il considère comme une illusion idéaliste, consistant à croire - d'après lui, à tort - que les idées sont indépendantes de la réalité matérielle. D'où il tirera comme conséquence logique que tant que les individus ne sont pas indifférenciés (cf. société close), aucune pensée n'est universalisable mais marquée irrémédiablement, y compris à l'insu des individus, du sceau de l'intérêt particulier. Ainsi par exemple, dire que le capitalisme n'est pas un jeu à somme nulle, ce qu'affirment et défendent les libéraux, relève, pour un marxiste, ou, au mieux, d'une illusion bourgeoise, ou, au pire, d'une volonté délibérée de manipuler les « classes opprimées ».

L'idée de vision-du-monde (la "Weltanschauung" allemande) reprend ces deux aspects de rêverie non-scientifique et de point de vue particulier et peut aller jusqu'à l'idée récente - mais qui n'est que le dernier avatar du culturalisme - de « choc des civilisations », où chaque culture et chaque langage, parce qu'appréhendant la réalité de manières différentes et incompatibles sont partiellement intraduisibles. Quand il parlait de « fin des idéologies »[1], Raymond Aron insistait sur le caractère totalitaire des mouvements politiques qui imposaient une lecture globale du monde, à la différence d'un mode de vie en société libéral, c'est-à-dire non-prescriptif (en ce sens le libéralisme est anti-idéologique, Essais sur les libertés, chap.II).

Définition courante

Une idéologie est un ensemble plus ou moins cohérent d'idées, de croyances et de doctrines philosophiques, religieuses, politiques, économiques, sociales, propre à une époque, une société, une classe.

Un tel système d'idées sert à décrire, expliquer, interpréter ou justifier une situation sociale. S'inspirant de valeurs, il propose une orientation précise à l'action.

Au même titre que le collectivisme ou l'anarchisme, le libéralisme peut être présenté comme une idéologie, dans le sens où, pour ce qui le concerne, il entend changer la société , la rendre plus libre et plus juste. Certains préfèrent parler de façon plus vague de courants de pensée, ou de façon plus précise, se référant au « noyau idéologique », de philosophie du droit. D'autres diront que le libéralisme, prônant le laissez-faire et/ou l'ordre spontané, se caractérise par l'absence d'idéologie.

En effet, alors que les idéologies constructivistes étatistes cherchent à changer l'homme, le libéralisme cherche au contraire à le respecter. Un des arguments fallacieux de ces idéologies consiste d'ailleurs à prétendre qu'une philosophie reposant sur la non-agression comme le libéralisme est elle aussi arbitraire, et qu'il suffirait de changer d'idéologie pour faire aussitôt le bonheur des gens. Jean-François Revel dénonçait cette façon de penser :

[Les socialistes] débusquent partout cette systématisation abstraite et moralisatrice qui les habite et les soutient. Ils croient que toutes les doctrines qui les critiquent copient la leur en se bornant à l’inverser et qu’elles promettent, comme la leur, la perfection absolue, mais simplement par des voies différentes. (...) Le libéralisme n’est pas le socialisme à l’envers, n’est pas un totalitarisme idéologique régi par des lois intellectuelles identiques à celles qu’il critique.

Les collectivistes et les constructivistes, en général, ne comprennent pas que le libéralisme est fondé sur la liberté et la propriété naturelle, et non sur des règles arbitraires qui favoriseraient les uns aux dépens des autres (ce qui est en fait la caractéristique propre à l'étatisme).

Pour les libertariens, la classe dominante use de l'idéologie pour affermir son pouvoir, moyen plus efficace et plus insidieux que la seule force résultant de la loi du plus fort. Les intellectuels étant presque tous employés de l’État, leurs intérêts se confondent naturellement avec ceux des gouvernants et l'idéologie qu'ils véhiculent est toujours favorable à l'étatisme. Cette tendance s'est renforcée à partir du XIXe siècle avec le poids toujours plus grand de l’État dans l'éducation et dans les universités, et les directives qu'il donne dans l'enseignement de certaines matières (économie, philosophie...) :

D'un côté, la philosophie est un instrument au service du pouvoir, de l'autre, un moyen de s'enrichir [...] A qui fera-t-on croire que la vérité sortira de tout cela comme un sous-produit ? Les gouvernements mettent la philosophie au service de leurs intérêts d’État ; quant aux intellectuels, ils en font commerce. (Arthur Schopenhauer)

Citations

  • « Mourir pour une idée est noble, indubitablement. Mais il serait bien plus noble de mourir pour des idées qui soient vraies ! » (H. L. Mencken)
  • « A la longue, le sabre est toujours battu par l'esprit. » (Napoléon Bonaparte, cité par Las Cases dans le Mémorial de Sainte-Hélène)
  • « Les "idéologies", c'est-à-dire des ensembles de principes, sont devenues généralement aussi antipathiques aux peuples qu'elles l'ont toujours été aux aspirants dictateurs, notamment à Napoléon Ier et à Karl Marx, les deux hommes qui ont donné à ce mot son sens péjoratif moderne. Si je ne me trompe, cette attitude à la mode, de mépris pour l' "idéologie" et pour tous les principes généraux et mots en "isme", est caractéristique des socialistes déçus; ayant été forcés d'abandonner leur propre idéologie à cause de ses contradictions internes, ils en ont conclu que toutes les idéologies doivent être erronées et que pour être rationnel il faut s'en passer. » (Friedrich Hayek, Droit, législation et liberté, 1973)[2]
  • « Qu’est-ce qu’une idéologie ? C’est une construction a priori, élaborée en amont et au mépris des faits et des droits, c’est le contraire à la fois de la science et de la philosophie, de la religion et de la morale. » (Jean-François Revel, La Grande parade)
  • « L'idéologie, c'est ce qui pense à votre place. » (Jean-François Revel, La Grande parade)
  • « L'idéologie n’étant pas tirée des faits, elle ne se sent jamais réfutée par eux ». (Jean-François Revel[3])
  • « La formule : "L'idéologie est l'idée de mon adversaire" serait une des moins mauvaises définitions de l'idéologie. » (Raymond Aron, Recherches philosophiques[4])
  • « L'idéologie retourne la vérité comme un gant. » (Alain Besançon)
  • « Les libéraux n'aiment pas l'idéologie : elle leur a toujours paru désigner l'aveuglement dogmatique de l'adversaire. Aucun mot pourtant ne désigne mieux ce que peut être le libéralisme dans tous ses aspects intellectuels, économiques, sociaux, moraux et, en dernier lieu, politiques. Refuser l'idéologie me paraît être une attitude aussi artificielle que préconiser l'apolitisme : pour bien des libéraux, l'idéologie comme la politique, ce sont encore les autres. » (Guy Sorman)
  • « En dernière analyse, le cours de l’histoire est déterminé par des idées, qu’elles soient justes ou fausses, et par les hommes dont elles inspirent les actes. » (Hans-Hermann Hoppe)
  • « Les sectes qui offrent des systèmes pour résoudre la souffrance économique, sociale et religieuse sont les pires, car alors c'est le système qui devient important, non l'homme. Que ce système soit religieux ou social, de droite ou de gauche, c'est lui avec sa philosophie et ses idées qui devient important, non l'homme. Et pour ces idées, ces idéologies, on est tout prêt à sacrifier l'humanité entière. (...) Ce sont les systèmes qui sont devenus importants, et de ce fait, l'homme - vous et moi - a perdu toute valeur, et ceux qui ont le contrôle des systèmes (religieux ou économiques, de droite ou de gauche) assument l'autorité, le pouvoir, et par conséquent vous sacrifient, vous l'individu. » (Jiddu Krishnamurti)
  • « Si peu d’hommes savent penser, tous néanmoins tiennent à avoir des opinions. » (Berkeley)[5]
  • « C'est toujours nous, les intellectuels, qui, par lâcheté, vanité et orgueil, avons fait ou faisons les pires choses. Nous qui avons un devoir particulier à l'égard de ceux qui n'ont pas pu étudier, nous sommes les traîtres de l'esprit, comme l'a dit le grand penseur français Julien Benda. C'est nous qui avons inventé et diffusé le nationalisme, comme l'a montré Benda, et nous suivons les modes idiotes. Nous voulons nous faire remarquer et parlons un langage incompréhensible mais très impressionnant, un langage docte, artificiel, que nous tenons de nos maîtres hégéliens. » (Karl Popper, La Leçon de ce siècle[6])
  • « Il n’est rien au monde d’aussi puissant qu’une idée dont l’heure est venue.» (Victor Hugo)
  • « Une idéologie présente les croyances et les valeurs de la classe dominante comme étant universelles. Par exemple, l’idéologie dominante aujourd’hui, celle des « droits de l’homme », présente la démocratie parlementaire comme le seul régime politique admissible (de même, nos ancêtres croyaient le régime monarchique indépassable). Comme les individus pensent en faisant appel aux concepts, au vocabulaire et aux références généralement en usage, le fonctionnement réel de la société leur est incompré­hensible ; ils ne peuvent pas se représenter une société sans État, et ils ne se doutent pas des intérêts économiques que cachent les régimes politiques.» (Christian Michel)
  • « Aucune pensée n’est sacrée, car nulle pensée n’est une « dévotion » ; aucun sentiment n’est sacré (il n’y a point de sentiment sacré de l’amitié, de saint amour maternel, etc.), aucune foi n’est sacrée. Pensées, sentiments, croyances sont révocables et sont ma propriété, propriété précaire que Moi-même je détruis comme c’est Moi qui la crée.» (Max Stirner, L’unique et sa propriété)

Notes et références

  1. « En observant la consolidation de la démocratie libérale en Europe occidentale, on aboutit à ce que j'appellerais volontiers le conformisme actuel de l' optimisme occidental, dont la formule fin des idéologies est l'expression, aujourd'hui presque consacrée. La formule n'a jamais signifié qu'une société industrielle, à un certain niveau de prospérité, ignorait le conflit des idées ou le choc des tempéraments. Il y a toujours eu et il y aura toujours des opportunistes et des rebelles, des modérés et des violents, des conservateurs qui craignent le changement et des réformateurs qu'indigne l'imperfection du réel. Ce que suggérait la formule, c'était le scepticisme à l'égard des systèmes globaux d'interprétation du monde historique au nom desquels un parti se croyait investi d'une mission et voué à la destruction de l' ordre existant et à l'édification d'un ordre radicalement autre. Ni le marxisme-léninisme, ni le fascisme, ni le libéralisme n'éveillent plus la foi qui soulève les montagnes. » (Essai sur les libertés, p.73)
  2. Friedrich Hayek, Droit, législation et liberté, chap.3, édition 2007, PUF, p.163
  3. "La colère et la pitié", article paru dans Le Point n°1577, 6 décembre 2002, p.38
  4. Raymond Aron, Recherches philosophiques, VI, 64
  5. Few men think, yet all will have opinions
  6. Karl Popper, La leçon de ce siècle, Editions Anatolia, Collection bibliothèques 10/18, 1993, p. 139

Pour aller plus loin

Bibliographie
Articles connexes
Liens externes
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Religion Et Idéologie, pour répondre à une question lancinante (for)
Orthodoxie Vs. Réalité, Vous choisissez quoi? (for)




 

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22 décembre 2013 7 22 /12 /décembre /2013 17:41

Pol Pot, un Dark Vador économique    

Faire disparaître en quelques heures toute l'économie d'un pays ? C'est possible ! Pol Pot l'a fait. Bienvenue dans un monde où un leader fou claque des doigts, et il n'y a plus que des morts-vivants.  

Par Cyber-Résistant.  

 

http://www.temple.edu/vietnamese_center/images/PolPot.jpg

Pol Pot. 

 

Attention, les djeunz débarquent !   

Le 17 avril 1975 fut une des journées les plus sombres de l'histoire du XXème siècle. Plongeons-nous dans son atmosphère unique. Au petit matin, les troupes Khmers Rouges entrent dans Phnom Penh et prennent le pouvoir. Dans les premiers instants, lasse d'une guerre inextricable impliquant nombre de puissances étrangères, la population accueille la révolution avec enthousiasme. Mais tous les témoins s'accordent sur un point : il ne faudra gère plus de quelques dizaines de minutes à la capitale du Cambodge pour comprendre que le pire est à venir. Qui sont les Khmers Rouges ? Pour la plupart, des adolescents et de jeunes adultes embrigadés, complètement analphabètes, venus des campagnes profondes du pays. Ils voient une ville pour la première fois de leur vie et ne comprennent rien, boivent l'eau dans les cuvettes des toilettes, défèquent dans les bidets. Habillés de noir, rudimentaires, humbles et obéissants, ils ne reconnaissent qu'une autorité : Angkar, c'est-à-dire "l'Organisation", nom de code du parti communiste dirigé d'une main de fer par Pol Pot, a.k.a. Frère Numéro Un. Leur fanatisme ne s'encombre d'aucune sophistication, d'aucun scrupule – ils sont disposés à torturer et massacrer avec insouciance et application ce qu'Angkar jugera bon de leur désigner pour cible. Ils vont, dans l'exercice du pouvoir, montrer autant de glaciale sauvagerie que les pires unités SS. Leur credo tient en quelques mots : toute trace de capitalisme doit être impitoyablement détruite, y compris si c'est un être humain, y compris si c'est un enfant. Et, pour parvenir à cette fin, la méthode imaginée par Pol Pot s'avère d'une confondante efficacité.

 

Délocaliser l'humain

Quelques heures à peine après leur arrivée à Phnom Penh, et prétextant de la nécessité de protéger les habitants d'un bombardement américain à venir (bien entendu imaginaire), les Khmers Rouges annoncent que la ville entière doit immédiatement être évacuée dans les délais les plus brefs. Hommes, femmes, enfants, vieillards, les malades comme les bien portants, reçoivent l'ordre de faire leurs bagages et de se préparer à quitter leurs foyers, leur usines, leurs bureaux, leurs hôpitaux. Malheur aux retardataires ! Phnom Penh compte à l'époque deux millions et demi de personnes : toutes doivent s'en aller sans délai. Quiconque renâcle ou se plaint est abattu en pleine rue. En un clin d'œil, l'angoisse s'installe.

Quel est l'objectif de Pol Pot, à travers cette migration forcée, précipitée, frénétique, sous la menace des AK-47 ? Abolir toute différence entre les citadins – qu'il juge gangrénés par l'esprit capitaliste – et les paysans pauvres – qu'il considère comme un genre de race supérieure, seule dépositaire de l'avenir radieux. Pol Pot va au plus simple : en les chassant de leurs appartements et de leurs maisons, et en les empêchant d'emporter leurs biens avec eux, il métamorphose de facto les citadins en misérables, en sans-abris faméliques. Il les jette sur les routes, sous bonne garde, sans vivres ni moyens de subsistance, afin de les parquer en pleine nature, de les faire revenir à un stade préhistorique et de les rééduquer par le travail. Toutes les villes du pays subiront le même sort. C'est une expropriation à l'échelle d'un pays : au lieu de déplacer les biens, déplaçons ceux qui les possèdent. Bien entendu, en chemin, les plus faibles vont périr : les traînards et les invalides sont exécutés sur le bord des routes, sans jugement ni exceptions. "Si tu vis, ce n'est pas un bien, et si tu meurs, ce n'est pas un mal", dit un slogan Khmer Rouge. Mêlant un volontarisme dément, un autoritarisme le doigt sur la gâchette et une improvisation complète, l'évacuation de Phnom Penh fait plus de 10.000 morts en un temps record. La cohue est telle que, dans les 24 premières heures de l'exode, on n'avance que de dix mètres par heure à certains embranchements. Des barrages filtrent la foule : sont mis de côté tous les anciens serviteurs du régime précédent : fonctionnaires, officiers, professeurs, embarqués dans des camions et massacrés à coups de pelles (car les Khmers Rouges économisent les munitions). Quiconque porte des lunettes est condamné à mort à très brève échéance : dans l'esprit de la révolution cambodgienne, seul le bourgeois sait lire, et le bourgeois doit être éliminé. Au sujet de cette révolution, Philip Short, auteur d'une formidable biographie de Pol Pot chez Denoël, parle de "mort subite de la raison". On ne saurait mieux dire. "L'objectif de Pol Pot était de plonger le pays dans un brasier révolutionnaire." L'incendie prit instantanément.


Disparition de l'échange

Pol Pot est pressé. Il n'a ni les zigzags de Lénine, ni la patience prédatrice de Staline. Ce funeste 17 avril 1975, Phnom Penh est à peine prise qu'il décrète l'annulation de la monnaie cambodgienne et la fermeture de la Banque Nationale, dont le bâtiment est dynamité avec tout ce qu'il contient – un nuage de billets s'élève dans le quartier. C'est un coup de maître, d'un point de vue totalitaire. Car non seulement, il n'y a soudain plus de villes, ni d'État digne de ce nom, ni de marchés, ni d'écoles, ni d'hôpitaux, ni de religion (les pagodes sont recyclées en centres de torture), non seulement Angkar dirige tout et décide de tout sans jamais fournir d'explications, mais l'argent lui-même est volatilisé et toute la valeur économique de la nation est ramenée à zéro. Dans leur départ hâtif, bouclant leurs valises sous l'injonction glaçante des jeunes tueurs en noir, les habitants des villes, paniqués, ont emporté tout ce qu'ils pouvaient en billets de banque. Sur la route, les mêmes tueurs en noir leur expliquent la nouvelle situation : votre argent ne vaut plus rien, nous l'avons aboli, vous pouvez vous en débarrasser. Au fil des jours, le citadin, nouveau misérable, se résigne, comprend que les Khmers Rouges ne plaisantaient pas ; un survivant raconte les avoir vus vider dans une rivière un volumineux sac de Dollars américains. S'enfonçant dans les sables mouvants de la folie idéologique, le Cambodge dit adieu à l'économie et au monde. Les citadins, épuisés, affamés, désespérés au milieu de cet exode insensé et chaotique, finissent par se délester de leur dernière, fragile et très relative richesse. Un témoin parle de chemins couverts, par endroits, de nappes de billets. Les Cambodgiens sont pris au piège : dans l'espace ultraviolent tracé par Angkar, leur dernier moyen de subsistance est Angkar. L'Organisation seule nourrit, et elle seule torture. Elle torture plus qu'elle ne nourrit, du reste. Elle tient tout le pays, chaque maison, chaque enfant, chaque ruisseau. Le réel a disparu. Les frontières se referment. Le peuple entier est condamné au même bagne, lequel se confond uniformément avec le territoire. Un mot de travers, un seul, parfois un regard, et vous êtes radié de la liste des vivants.

 

Frère numéro un is watching you

C'était donc fait, Pol Pot avait réussi. Comme dans un rêve, il avait bouclé un dossier qui aurait demandé cinq siècles à Brejnev : il n'y avait plus de différence entre les classes, car n'y avait plus de classe supérieure, ni d'argent, ni de marchands, ni de marchandises, ni d'acheteurs, ni de banques, ni de Bourse, ni de devises, ni de coffres, ni de possibilité d'échange autre que le troc – et à quoi bon le troc dans un pays où plus personne n'a quoi que ce soit ? Le commerce rendit l'âme. Le communisme, le vrai, advint. Ne subsistèrent que la terreur, seule debout et qui commandait chaque instant de la vie, et la misère qui lui obéissait, rampant de peur. La faim et l'inhumanité devinrent la règle. On vit des gens condamnés à manger leurs parents. On vit de jeunes enfants chargés du rôle de bourreaux, exécuter des adultes condamnés et ligotés en leur injectant du poison. On toucha le fond de l'abjection totalitaire dans chaque village de chaque région du Cambodge. Le camp de Tuol Sleng devint le Auschwitz des Khmers Rouges ; on y électrocutait à la chaîne, de manière industrielle.

Il ne fait aucun doute que la vaporisation de l'argent a considérablement servi ces cruautés. L'argent, c'est l'échange libéré. Même en très petites quantités, même déprécié, il constitue par sa simple présence une possibilité de résistance au destin, sinon au pouvoir. L'argent permet des échanges imprévus, impossibles à planifier. Il est l'éventualité d'un désordre libéral dans le grand projet collectiviste. Or, ce grand projet ne tolère aucun autre désordre que celui qu'il génère lui-même, puis réprime – répression qui génère un autre désordre, qu'il réprime également, et ainsi de suite à l'infini. Le totalitarisme est une chute. Le système Khmer Rouge est une chute verticale en accéléré. L'argent rayé d'un trait de plume par Pol Pot, c'est la main qui vous pousse dans le vide.

 

De l'argent au néant, sans escale

Dans notre article précédent, nous abordions la catastrophe provoquée par Larine pendant la révolution russe. Nous sommes ici en présence d'un événement similaire par ses causes et ses effets, mais incomparablement plus rapide. Du communisme, les Khmers Rouges ôtent tout ce qui dépasse. Ils ne conservent que l'os, c'est-à-dire la destruction systématique, dont Bakounine disait qu'elle était "l'acte créateur par excellence". Indéniablement, les Khmers Rouges créent une nouvelle société : économiquement, elle ne peut se comparer à aucun autre. Quand le socialisme va tout au bout de ses intentions, les instruments de mesure traditionnels sont brisés ; les concepts économiques n'ont plus cours ; les dégâts ne se comptent pas en billets de banques, puisqu'il n'y en a plus, mais en cadavres – et l'on ne sait plus où les mettre. En quatre années de règne seulement, le régime Khmer Rouge fit deux millions de morts sur huit millions d'habitants. Tous innocents. Un quart du peuple cambodgien disparut, avalé par la famine, la torture et les exécutions ; les trois quarts restant en vie traversèrent un cauchemar d'une telle envergure que la raison, aujourd'hui encore, peine à le croire possible. Ils ne s'en sont jamais remis.La nature économique autant que politique du laboratoire nihiliste Khmère Rouge ne doit pas être oubliée. Interdire l'échange à l'échelle d'une nation n'est pas moins barbare que d'abattre une fillette d'un coup de pelle dans la nuque : le résultat est exactement le même. Une chose est sûre, au moins : le monde sans classes est le pire des mondes.


Les khmers rouges ont exterminé en moins de quatre ans un quart de la population du Cambodge. Le procès de la dictature communiste a pourtant bénéficié d’un traitement médiatique particulièrement discret en France, où fut formé Pol Pot.

Par Yann Henry.
 

Pancarte déposée par un anonyme prise en photo dans un temple à une quinzaine de kilomètres au sud-ouest de Phnom Penh. Neuf mille crânes de victimes du régime communiste y sont entreposés.

 

Roshane Saidnattar, rescapée des camps des khmers rouges, était à la médiathèque de Sainte-Savine (Aube) pour présenter son documentaire, L’important c’est de rester vivant. Ce film est un témoignage sur des événements historiques et d’actualité. Historiques puisque le régime communiste fut responsable de l’extermination de 2 millions de Cambodgiens (le quart de la population !) entre avril 1975 et janvier 1979.

D’actualité puisque le procès des quatre plus hauts dignitaires survivants du régime s’est ouvert le 27 juin dernier. Et la couverture médiatique fut minimale pour un génocide d’une telle ampleur. Ce procès, qui aurait pu être un Nüremberg du communisme, s’est donc déroulé dans un relatif anonymat. L’article laisse d’ailleurs un goût d’inachevé puisque pas une seule fois le journaliste n’utilise le terme de communiste. Cela fait partie du processus de respectabilisation, mis en lumière par Jean-François Revel dans La grande parade, qui consiste en un traitement médiatique inégal entre les crimes selon que ceux-ci soient commis par des nazis ou des communistes (les exactions de ces derniers étant pourtant beaucoup plus nombreuses). On observe la même mansuétude dans le journal Libération après le dernier verdict condamnant « Douch » à la perpétuité. Ce dernier avait été condamné à 30 ans en première instance.

 

Petit rappel historique

Les Khmers rouges, menés par Pol Pot et soutenus par la Chine, sont en guerre contre les forces gouvernementales, qui bénéficient du soutien du Viêt Nam du Sud et des États-Unis. Le désengagement de ces derniers en 1973 est fatal au régime brutal et corrompu de Lon Nol. L’armée n’est capable que de défendre la capitale, Phnom Penh, surpeuplée de réfugiés fuyant les bombardements américains ou les mesures drastiques imposées dans les zones rurales par les Khmers rouges. Ceux-ci finissent par prendre la capitale le 17 avril 1975 pour mettre en place un régime autoritaire maoïste.

Le rôle essentiel du communisme parisien dans la formation du monstre avait été présenté au tribunal par Raoul-Marc Jennar lors du procès de « Douch » en 2009. Ce sinistre personnage a dirigé la sinistre prison S-21, de laquelle seulement sept survivants sur 20 000 détenus sont sortis. Saloth Sar, qui prendra le pseudonyme de Pol Pot, avait en effet étudié à la Sorbonne. S’il n’obtint aucun diplôme, il se forma à l’idéologie marxiste en compagnie de Yeng Sary et Khieu Samphan, qui seront plus tard ses fidèles lieutenants dans le génocide. Tous lisaient quotidiennement « L’Humanité », qui fêtera leur arrivée au pouvoir. Le 24 avril 1975, le responsable de la rubrique Asie du journal communiste, Jean-Émile Vidal exultait :

La fête du peuple. Et déjà, le gouvernement royal d’Union nationale et le Front uni national ont pris des mesures pour que les plus déshérités, ceux qui ont souffert dans les villes sous contrôle de l’ennemi tandis qu’une poignée de gens faisaient fortune, aient part aux réjouissances. Les stocks de vivres détenus par les spéculateurs ont été réquisitionnés. Des campagnes arrivent le riz et la viande. Les prix du riz, du porc et du bœuf ont été réduits en quelques jours dans des proportions considérables.

Pol-Pot, secrétaire général du Parti Communiste Kampuchéen, fera ainsi régner la terreur pendant quatre années. Les citadins et les intellectuels, assimilés à la bourgeoisie et au capitalisme, sont forcés d’aller travailler dans des champs ou envoyés dans des prisons d’État qui ont été instituées dans tout le pays. La monnaie, la famille, la religion et la propriété privée sont abolies. Deux millions d’être humains perdront la vie suite aux famines, maladies et sévices.

Le 25 décembre 1978, redoutant le chaos s’installant chez son voisin, le Viêt Nam envahit le Cambodge. Le régime des Khmers rouges s’effondre rapidement et Pol-Pot s’enfuit dans la jungle où il tentera de reconstruire une guérilla pour revenir aux « affaires ». Condamné à mort par contumace, il trouvera une retraite dorée en Thaïlande où il sera finalement retrouvé mais s’éteindra en 1998, à 73 ans, avant d’avoir pu être jugé pour ses crimes.

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15 décembre 2013 7 15 /12 /décembre /2013 12:00
Staline, le Mike Tyson idéologique

Après le portrait du trotskisme, passons à Staline et au stalinisme, dans un portrait de combat.  

Par Cyber-Résistant.  

Ami Cyber-Libertarien, mets ton gilet pare-balles le plus épais : après ta visite à l'improbable Trotsky, tu entres en zone stalinienne. Ici, tu es une cible vivante : tu dois être détruit. Et la dernière chose à faire serait de croire que l'adversaire est faible.

 

http://media.paperblog.fr/i/636/6366346/staline-mike-tyson-ideologique-L-U0zJ8i.png

 

Staline : Pensez-vous que nous allons gagner cette guerre ?  

Churchill : Dieu est avec l'Angleterre !  

Staline : Le Diable est avec la Russie. 

(Dialogue à Moscou pendant la seconde guerre mondiale)

 

Avertissement. Nous appelons dans ce qui suit "stalinien" tout individu considérant les bilans historiques de l'URSS et du Parti Communiste Français comme globalement positifs, quand bien même cet individu condamne sincèrement Staline, le Culte de la Personnalité, la Collectivisation, la Grande Terreur et le Goulag.

 

Bouge de là, Trotsky

Le week-end dernier, nous nous sommes penchés sur le dossier Trotsky. Mais ce n'était encore qu'un décrassage matinal. Nous abordons maintenant votre Everest personnel, l'épreuve du feu, le rite initiatique à l'aune duquel nous jugerons de votre vaillance et de votre habileté. Le face-à-face verbal avec le stalinien est au dialogue politique ce que le final boss est au jeu vidéo. Les craintifs s'arrêtent ici et retournent au camp de base, les autres s'encordent en vue de l'ascension.

 

Qui es-tu Joseph ?
Aux yeux du libéral,
Staline passe le plus souvent pour un crétin idéologique, un bureaucrate délirant et un tueur en série. Mais méfiez-vous : c'est ainsi que le percevaient les leaders de l'intelligentsia révolutionnaire russe, et ils l'ont payé cher. Car la première de toutes les ruses de Staline - elles étaient innombrables - fut de se faire sciemment passer pour beaucoup plus bête qu'il n'était, tout au long de sa vie. Ou plutôt : de se faire passer pour le plus niais, alors qu'il était le plus roué des leaders bolchéviques. Cette dissimulation permanente de son intelligence, doublée de l'exhibition d'une fausse idiotie, permit à Staline de désarmer un à un tous ses concurrents : il leur paraissait trop bas du front pour présenter le moindre danger. Si bien que, lorsque vous vous le figurez comme un simplet, Staline vous tient à la gorge. Vous le méprisez parce qu'il le veut, dans le but de vous hypnotiser et de vous vaincre. Qui entend résister à son intoxication doit commencer par le prendre au sérieux.

Dans son excellent La Terreur et le Désarroi édité chez Perrin, l'historien et soviétologue Nicolas Werth affirme avec intelligence que, si l'on définit la politique comme la capacité d'un homme à imposer ses vues à son époque, Staline est le plus grand politicien du XXème siècle. Cette formule n'est pas seulement dérangeante : elle est également vraie, objective, dénuée d'ironie.

Joseph Vissarianovitch Djougatchvili naît en Georgie, dans une famille très pauvre. Ce fait est extrêmement important, car Staline est, tenez-vous bien, le seul leader bolchévique de 1917 issu de la misère. Lénine, Trotsky et tous les autres acteurs majeurs de la déflagration nihiliste d'Octobre, viennent de milieux bourgeois, petits-bourgeois ou aristocratiques sur le déclin. Ils commettront tous l'erreur fatale, en intellectuels de gauche condescendants qu'ils sont, de prendre Staline de haut. Ce que Staline n'oublie pas.

 

Petit délinquant deviendra grand idéologue.

Joseph grandit sans père dans un monde géorgien pré-industriel et sombre, tissé de violence et de trafics. On l'envoie au séminaire. Il aime lire et, par-dessus tout, la littérature française. Il se passionne pour Victor Hugo, impiété qui lui vaut d'être exclu par les religieux. Alors, il découvre le communisme et plonge la tête la première dans l'activisme groupusculaire, comme dans un métier. Il se fait remarquer pour son goût du secret et pour l'action violente. Il organise des hold-ups dont il livre le butin aux réseaux rouges. Le jeune Djougathchvili ne recule pas devant le sang. Il a la main lourde : il a identifié les méthodes des mafieux locaux et sait se glisser entre les mailles du filet tsariste. Il devient vite indispensable à la fourmilière de fanatiques glaciaux et ardents, la secte idéologique encore souterraine, que l'on nommera bientôt "le Parti"'. Afin d'accéder au pouvoir, les dandies communistes ont toujours besoin de criminels qu'ils chargent des basses œuvres. Un intellectuel ne se salit pas les mains, il laisse Staline se débrouiller.

Arrivant à l'âge adulte, Joseph est très petit, il a un bras plus court que l'autre, les pupilles des yeux jaunes, un accent géorgien risible et le visage vérolé. Déjà, on lui prête un cœur de pierre, des intentions troubles. Son regard rieur et illisible inquiète les observateurs les plus lucides. Il se choisit pour surnom "Staline" : l'homme d'acier. Excusez du peu. Une réputation est née. Mais l'on voit moins que Staline continue à lire, comme quand il était petit : énormément. Privé du statut d'intellectuel de facto réservé aux aisés ayant étudié à l'Université, il s'immerge dans le marxisme-léninisme avec une assiduité, un sérieux, un perfectionnisme qui auront des répercussions titanesques tout au long du XXème siècle, jusqu'à nos jours.

Staline croit sincèrement en Marx et en Lénine. Il se penche sur leurs œuvres comme sur la science des sciences. Pour rattraper son retard et faire oublier son absence d'études, il s'imprègne de l'idéologie, plus sans doute qu'aucun de ses concurrents. Il en apprend par cœur tous les labyrinthes, toutes les anfractuosités. Pour eux, ces gosses de notables, c'est un jeu sincère, un role playing game à haute tension qui donne accès au pouvoir ; pour lui, c'est une fierté, un travail sur soi, une discipline, un devoir. Staline n'est compréhensible qu'à condition de l'envisager comme le plus structuré idéologiquement de tous les leaders communistes - le plus cultivé, au sens où l'idéologie est une culture. Tout au long de sa carrière, il écrira des traités d'économie et de politique dans la langue de bois la plus pure et la plus dense. Ses archives montrent qu'il raturait lui-même, précisait, reformulait sans cesse ses textes, obsédé par la nécessité d'être exact. Exact au beau milieu de nulle part, puisque tout est faux dans le marxisme-léninisme ? Oui, au milieu de nulle part, mais exact : impeccablement conforme aux mécanismes du matérialisme dialectique et aux objectifs du communisme. Ce personnage à l'aspect médiocre, dénué de charisme, passant volontiers pour un banal homme de main, est un théoricien communiste de haut niveau. Acquérir patiemment les cartes-maîtresses et cacher son jeu jusqu'au bout est le métier de Staline.
"La conception marxiste est scientifique. Elle se confond avec la conception scientifique. Le révolutionnaire reste toujours un apôtre et un soldat, mais il est surtout un savant qui va dans la rue", écrit Henri Barbusse dans son apologie de Staline. On ne saurait mieux schématiser le Petit Père des Peuples : un tankiste aux commandes du matérialisme dialectique, un idéologue pour lequel toute pensée est un assaut militaire. En cela, Staline est la réalisation du militant telle que le rêvait Netchaïev : le dogme a remplacé son âme.

 

Lénine sous méthamphétamines 

Il est impossible de définir la pensée de Staline, car elle n'est rien d'autre que la pensée de Lénine érigée en religion d'État.

Janvier 1924. À peine Lénine est-il mort et embaumé que Staline invente le léninisme. Il réifie les écrits de Lénine, les codifie, les systématise et les sanctuarise. Quiconque se prétendra communiste devra se proclamer léniniste. C'est la première grande œuvre de Staline : d'une pensée accumulée dans mille livres, discours et directives, il fait un seul bloc, un cube monumental, opaque et sans failles, immarescible. Comme il fait enterrer Lénine dans une pyramide de marbre rouge sur la Place de la même couleur, évident symbole d'immortalité, il métamorphose les idée du défunt en une Torah révolutionnaire, à laquelle devront se référer les générations collectivistes à venir. Lénine, de fait, devient un dieu. Et Staline, qui instaure son culte, se change en grand-prêtre.

Le marxisme-léninisme, ce fanatisme aux allures de formule mathématique, n'est pas une invention de Lénine, mais de son successeur. C'est exactement le même marxisme-léninisme qui sort aujourd'hui de la bouche de Mélenchon, après être passé par les cervelles de Mao, Pol Pot, Kim Il sung, Arlette Laguiller et Olivier Besancenot. Pour que l'idéologie parte à la conquête de la Terre, il fallait que Marx la pense, que Lénine la mette en pratique, et que Staline en fasse un produit universel, adaptable à n'importe quel contexte et justifiant n'importe quel crime. Il n'y a donc pas à proprement parler de "stalinisme" : ce dernier n'est que l'accession de l'idéologie à son stade de maturité. Depuis Staline, elle n'a pas évolué d'un millimètre ; le lifting que lui a fait subir Mao est une anecdote à laquelle seuls les maoïstes accordent de l'intérêt.

Et comme le léninisme est parfait, tout ce qui en découle l'est aussi. Staline peut bien faire toutes les erreurs qu'il veut, puisque ces erreurs n'existent pas dans la théorie. Ce qui n'est pas conforme à l'idéologie est une illusion. Ce qui résiste à l'idéologie est passé, cadavre, décomposition : l'exterminer est une formalité. D'où l'aveuglement caractéristique de Staline et des staliniens : ils ont cette fabuleuse capacité à ne pas comprendre qu'on les contredise. En cela, ils rappellent la vision musulmane orthodoxe, selon laquelle nous naissons tous musulmans, seuls les plus pervers d'entre nous refusant de reconnaître l'évidence - prouvant par là leur soumission volontaire à Satan.

 

L'antifascisme : échec et mat

Oui, Staline est intelligent, extrêmement. D'une intelligence amorale, certes, mais l'intelligence est une qualité, pas une vertu : elle se marie au Mal aussi volontiers qu'au Bien. Examinons un de ses plus beaux coups de génie, sinon le plus important, l'antifascisme.

De 1917 à 1935, les partis communistes et les partis socialistes sont ennemis. Pour la ligne bolchévique, appliquée à la lettre par les partis-frères opérant dans les démocraties, les communistes considèrent les socialistes comme des "social-traîtres" : de faux esprits de gauche secrètement au service des pires incarnations de la droite. Tout ce qui n'est pas léniniste est capitaliste, et les vaches dialectiques seront bien gardées.

Mais en 1935, observant avec inquiétude le crescendo fasciste en Italie et en Allemagne, Staline a une idée qui va révolutionner le monde : il ordonne à tous les partis sous sa coupe de s'allier aux socialistes en prétextant l'union des forces démocratiques contre le fascisme. Apercevez-vous le stratagème ? Cet immense déplacement de la tranchée idéologique a pour objet de déconsidérer les droites. Le voici en image-par-image :

1. l'univers politique est divisé en deux camps irréconciliables : les fascistes d'un côté, les antifascistes de l'autre ;

2. donc, tout ce qui n'est pas dans le camp antifasciste est soit fasciste, soit l'allié du fascisme ;

3. or, le fascisme est le centre de gravité de ce qui n'est pas antifasciste ;

4. donc, tout ce qui n'est ni communiste, ni socialiste, ni social-démocrate, tout ce qui ne s'additionne pas à gauche lors des élections, est fasciste.

Le tour est joué. En un coup de dés, Staline vient de bouleverser pour très longtemps et sur les cinq continents, la pensée politique. On retrouvera ce "Si tu n'es pas de notre bord, tu es un facho !" jusque dans votre existence quotidienne. Car vous l'avez, n'est-ce pas, vécue cent fois, cette scène, et entendue mille fois, cette accusation. Vous l'avez subie en tant que libertarien, en tant que non-socialiste, en tant que non-gauchiste, en tant qu'électeur de Sarkozy (quand bien même vous répétiez sans cesse que vous n'aviez pour lui ni admiration, ni sympathie), en tant que défenseur de la finance, en tant que critique du mitterrandisme, en tant que critique du ségolénisme, en tant que critique du hollandisme, etc. Vous la subirez probablement encore longtemps. Vous êtes pris dans la nasse du camarade Staline, dans son schéma théorique, sa fiction aux dimensions de la planète. Staline a superposé une deuxième lutte des classes à la première : Hitler est dans le camp des capitalistes, il n'y a plus de différence de fond entre un commerçant et un indic de la Gestapo.

La seconde guerre mondiale, la prise de Berlin par l'Armée Rouge et la découverte de la Shoah par l'opinion mondiale vont conférer au partage fasciste / antifasciste une légitimité idéologique définitive : pour la vox populi, les crimes des SS sont l'indubitable preuve que Staline avait raison. L'idélogie a gagné et vous avez perdu : elle vous fait une mauvaise réputation a priori, de collabos à la petite semaine. La France de 2013 n'est stalinienne ni dans ses fins, ni dans ses moyens, mais elle l'est dans le regard qu'elle pose sur vous. N'avez-vous pas le sentiment, parfois, ô libéraux et gens de droite, que l'on veut littéralement vous terroriser, à force de vous taxer de salaud - actuel ou potentiel- sous le seul prétexte que vous détestez Jack Lang ? Certains d'entre vous, nés ou évoluant dans des milieux de gauche, y sont tellement habitués qu'ils oublient la violence dont ils sont l'objet. Big Joseph is watching you.

Vous saisissez peut-être mieux, maintenant, pourquoi nous vous proposons de respecter Staline : il vous tient à la gorge à chaque discussion que vous avez avec des inconnus de gauche. "Vais-je encore me faire traiter de lepéniste ?"

Vous partiez du principe que Staline ne valait rien, cher lecteur, et il vous a laissé faire, car tel est son genre, tel est son masque. Il a joué avec votre prétention intellectuelle et vous a planté un pic à glace dans le crâne en temps voulu. Vous vous mouvez dans un décor planté par lui. Le fameux mantra social-démocrate, "En disant cela, tu fais le jeu du Front National !", est une déclinaison de la stratégie ourdie dans le bureau sombre et enfumé du camarade Djougatchvili.

La création de SOS Racisme, et ses effets empoisonnants sur l'ensemble de la politique française depuis des décennies, sont une application très habile de la ligne Staline. Sans elle, pas de Le Pen. En hissant l'antifascisme déclaratif au rang d'un héroïsme à la portée du premier votant, Staline fait du fascisme l'ennemi idéal, le Joker du Batman communiste. Il le popularise, le fait monter sur un pilori qui est un piédestal, l'installe à jamais dans le rôle de l'autre pôle, le mauvais. Songez maintenant à la cartographie électorale de la France de 2013, à la crainte quasi unanime chez les braves gens de voir grimper les extrêmes, songez à la peur que les démocrates se trouvent pris en tenaille, et demandez-vous qui a forgé cette tenaille. Non, vous n'êtes pas en 2013. Vous êtes bloqué en 1935, dans les neurones d'un fumeur de pipe.

 

Pas si victorieux que ça

Le stalinien, de nos jours, existe en mille versions, du maoïste à Georges Marchais en passant par Aragon, Jean Ferrat, le théâtraux révolutionnaire, le LGTB du PCF, la philosophe bobo, le fonctionnaire à la retraite et le permanent cégétiste. Mais tous ont en commun, tel un héritage hors de prix, ce qui constitue à leurs yeux la gloire idéologique, politique et militaire par excellence : l'URSS a vaincu le IIIème Reich. La toupie stalinienne repose sur cette pointe historique. Attention : c'est un mensonge éhonté, pour deux raisons essentielles.

D'abord, si Barbarossa est la plus grande offensive jamais vue, la vitesse phénoménale de sa pénétration sur le territoire soviétique est à mettre au débit de Staline bien plus encore qu'au crédit d'Hitler. Dans les années 30, Staline a purgé l'armée de tout ce qu'elle comptait d'expérimenté : ses officiers prennent en masse le train pour la Sibérie. Pourquoi ? L'égalitarisme a ses raisons que la raison militaire ignore. Ainsi, l'Armée Rouge qu'attaque l'Allemagne en 1941 est-elle incompétente de la base au sommet, désorganisée, mal répartie, mal équipée - impréparée à un point qui paraît démentiel aux historiens, car Staline a été prévenu à maintes reprises, et par maintes sources, des intentions agressives du Reich. Il met des semaines à encaisser le choc initial et à préparer une première riposte digne ce nom. La Wehrmacht et la SS s'enfoncent dans le monde communiste avec aisance. Retranché dans sa datcha, hirsute et ivre, le maître de l'idéologie est désemparé. Il ne sait que faire des réalités de la guerre. Un char n'est pas un concept. Hitler semble inarrêtable, mais l'hiver russe le plus rude depuis des lustres va lui administrer une leçon. Ce n'est pas le communisme, qui sauve l'Union Soviétique : c'est la météo.

D'autre part, l'aide apportée à l'URSS par les USA pour résister à la poussée nazie prend des dimensions à la hauteur du conflit. Lisons attentivement la liste des livraisons, elle laisse rêveur.

 

    Avions 14 795
    Chars d'assaut 7 056
    Jeeps 51 503
    Camions 375 883
    Motos 35 170
    Tracteurs 8 071
    Pièces d'artillerie 8 218
    Mitrailleuses 131 633
    Explosifs 345 735 tonnes
    Equipement de construction pour une valeur de 10 910 000 dollars
    Voitures de fret de chemin de fer 11 155
    Locomotives 1 981
    Navires cargo 90
    Escorteurs chasseur de sous-marins 105
    Vedettes lance-torpilles 197
    Moteurs de bateaux 7 784
    Nourriture 4 478 000 tonnes
    Machines et équipement 1 078 965 000 dollars
    Métaux non-ferreux 802 000 tonnes
    Produits pétroliers 2 670 000 tonnes
    Produits chimiques 842 000 tonnes
    Coton 106 893 000 tonnes
    Cuir 49 860 tonnes
    Pneus 3 786 000
    Bottes 15 417 001 paires

 

Cela permet de relativiser la description dantesque de l'effort soviétique pendant le conflit, produite à longueur de palabres par les staliniens.

Le stalinien est prompt à vous narrer une Armée Rouge et un peuple russe surhumains, seuls capables de terrasser le monstre hitlérien. Il ne cite jamais les errances de Staline et de ses armées dans les premiers temps de Barbarossa, comme il oublie soigneusement l'existence de l'aide américaine. Certes, les soldats soviétiques ont pris Berlin et, de ce fait, poussé Hitler au suicide et mis fin au nazisme. Toutefois, la prise de Berlin est inenvisageable sans l'avancée américaine à l'Ouest du Reich.

Oui, camarades, Staline est un des vainqueurs de 45. Oui, le peuple russe a déployé des trésors de courage et d'inventivité pour résister à la folie nazie. Oui, le communisme a démontré sa supériorité effective sur le nazisme. Cela ne fait pas de Staline un talent militaire, ni de l'Armée Rouge une entité aux pouvoirs surnaturels. Non, camarades, Staline n'est pas le principal héros de cette guerre. Il en est - c'est déjà beaucoup - un des acteurs majeurs, et un des bouchers les plus sanguinaires. Churchill a bien d'autres arguments à faire valoir pour occuper le fauteuil de l'homme providentiel.

 

Le stalinien ne recule pas

Sa victoire-sur-le-nazisme, croisée avec la vision antifasciste élaborée par Staline, permet donc au communiste de vous traiter de nazi. Bastiat, Hayek, Rand, combien de divisions ? Où étaient-ils, vos libéraux, quand le moujik de seize ans enjambait les barbelés sous le feu des SS ?
Le stalinien se considère comme un Transformer antifasciste, un clone de Joseph équipé d'une armure idéologique infaillible. Il veut bien, à la rigueur, conchier la personne de Staline et le Goulag, puisque vous en faites une affaire d'honneur et que cela lui permet de se poser en humaniste, mais il ne se séparera en aucun cas de l'incomparable médaille acquise par le communisme sur le front de l'Est. Elle l'encouragera, le nourrira, le soutiendra, elle sera son rempart et son bombardier. Le stalinien croit en 1945 comme Staline croit en l'idéologie.

Le Stalinien s'autorise à être bête, car Staline feignait la bêtise. Mimétisme. Et il se croit intellectuel, car Staline était idéologue. Admiration. D'où ce mix de barbarie décomplexée et de prétention culturelle, omniprésent dans ses développements.

Le stalinien fait ce qu'on lui dit. Le 28 juillet 1942, Staline dicte la directive n° 227, adressée à toutes les forces armées : "Plus un pas en arrière !" Elle signifie deux choses. 1. Ni les soldats, ni les officiers n'ont le droit de battre en retraite, même pas d'un mètre : toute esquisse de reculade vaut la peine de mort avec effet immédiat. 2. Les dits soldats seront désormais suivis par des "unités de barrage" ayant ordre de leur tirer dessus s'ils cessent d'avancer. L'Armée Rouge passe en mode Orwell : elle atteint un niveau de terreur interne que même les unités allemandes les plus totalitaires ne peuvent égaler. Le stalinien contemporain, consciemment ou non, a en tête la directive 227 tatouée à l'intérieur du crâne. "Pas un pas en arrière !", c'est ainsi qu'il engagera la discussion, après les "Mais je suis le premier à dire que Staline est un monstre et que le Goulag est impardonnable !" d'usage dans les milieux bourgeois. Une fois accordées les deux ou trois concessions destinées à vous anesthésier, il va faire ce qu'il fait le mieux : frapper, et fort. Car le stalinien est un violent verbal. Il sent derrière lui le monolithe soviétique, la Grande Muraille de Gauche composée de prolétaires révoltés, de posters du Che, de fantasmes d'AK-47, de guérillas au Viet-Nam, de grèves générales, d'acquis sociaux, de bâtiments officiels pris d'assaut, de statues princières mises à bas et d'accordéons sous les lampions. Le stalinien embrasse la gauche entière, le siècle, l'Histoire. Chaque paysan de chaque jacquerie du Moyen-Âge est son protégé. Chaque esclave de l'Antiquité est son filleul. Robespierre est son jumeau. La Commune est sa résidence secondaire. Il surplombe le prolétariat et il le porte. Il l'endosse et est certifié par lui. Le stalinien est Communistus Imperator. Il se reconnaît tous les droits. Il ment tant qu'il veut et ne prend même pas la peine de le cacher - contrairement au trotskiste, plus prudent : entriste, donc plus furtif. Le stalinien s'autorise à haïr au grand jour, à injurier par rafales, à pratiquer le déni de réalité dans des proportions psychiatriques, à truquer les chiffres et à les inventer s'il n'y en a pas, à aire passer les saints pour des ordures et inversement, à taper du poing sur la table au restaurant, à gueuler, gueuler plus fort que vous, vous intimider, vous prédire une fin atroce, vous accuser d'avoir troué la couche d'ozone et parqué les Indiens d'Amérique. Un stalinien en pleine forme qui s'adresse à un libéral épuisé, cela donne ça :

Et l'on est vite épuisé, face à un stalinien. Que faire ? Battre en retraite ? L'insulter à votre tour ? Dans un cas comme dans l'autre, ce serait porter gravement atteinte à l'image du libéralisme. Il vous faut une solution simple, qui vous permette de faire front sans plier ni rompre, et sans devenir le reflet de votre contradicteur enragé. Nous étudierons les argumentations anticollectivistes plus précisément dans la suite de cette série d'articles, mais commençons par vous indiquer une tranchée où vous pouvez à tout instant vous réfugier, reprendre des forces et mitrailler la tranchée d'en face.

 

La barricade des 100 millions : plus un pas en arrière

Dix-sept Shoah. Voilà ce que représentent les cent millions de morts (civils et innocents) du communisme. Dix-sept fois l'abomination nazie, elle-même considérée comme la pire abomination possible (idée que nous ne remettons pas en cause, si ce n'est concernant les Khmers Rouges).

Il se trouve que, contrairement à ceux de la Shoah, les morts du communisme n'ont pas droit de cité dans le discours public : ni en politique, ni dans les média, même pas dans les chaumières. Votre mission, si vous l'acceptez, sera de les prendre en charge. De faire d'eux votre cause, aussi importante que votre liberté ou vos biens. Les morts du communisme, toutes et tous, enfants et vieillards, sont des victimes de l'anti-libéralisme. Ils sont votre cimetière intime. Votre famille spirituelle. Vos martyrs. Il vous appartiennent. Il vous appartient de vous tenir droit en leur nom.

De Staline, il y a tant de mal à dire, et tant dans de domaines ! L'agonie est une entreprise sans fin. Vous pourriez parler au stalinien de "Mieux vaut arrêter dix innocents que de laisser un coupable en liberté", ou de "2+2=5", ces slogans de l'ère stalinienne qui résument si bien l'absurdité et la toxicité de ce règne. Comme vous pourriez lui parler de la passion sans mélange éprouvée par Mao, Pol Pot et Kim Il Sung pour Staline. Vous pourriez lui dire que les morts du communisme oriental sont les produits dérivés du stalinisme. Mais le stalinien n'entendra rien de tout cela. Contentez-vous de votre tranchée et vos cent millions de supporters. Ne reculez pas d'un millimètre. Figez le front. Nous nous efforcerons de vous fournir très bientôt en nouvelles munitions, d'un genre inédit sur ce champ de bataille mille fois labouré par la haine. En attendant, faites honneur au Cyber-Libertarianisme : prenez la belle liberté d'être le porte-parole de cent millions de crânes blanchissant au soleil du XXème siècle. Et si vous avez besoin d'actualité pour vous motiver, dites-vous qu'à ces cent millions, le régime nord-coréen ajoute chaque jour de nouvelles corps inertes. Si vous ne le faites pas pour les morts, faites-le pour les agonisants.

En vous plaçant dans la perspective des fosses communes sans fin, en greffant cent millions de cadavres à votre idéal, vous acquérez une énergie et une profondeur particulières. Il n'est plus question ici de PIB, ni de propriété, ni de droit. Ni même de philosophie. Vous accédez à une sphère où la tragédie donne le la. Et dans cette sphère, l'idéologie ne peut entrer qu'à condition de s'autodétruire. Quoi qu'il dise, quoi qu'il fasse, même s'il vous menace avec un couteau à beurre, répétez calmement et amicalement au stalinien : "Cent millions. Pas un de moins. Et pas un seul n'est mort pour une bonne raison. Pas un seul. Je ne te concéderai aucun d'entre eux. Je suis le gardien de leur mémoire. Je suis prêt à mourir pour eux. La conscience et la profondeur que met un juif à se souvenir de la Shoah, je les mets à me souvenir des dix-sept Shoah du communisme. Je ne reculerai jamais. Et toi, si d'aventure tu ne reconnais pas l'innocence de ces cent millions de civils, tu me mettras en situation de ne te trouver crédible sur rien d'autre. Je continuerai à discuter avec toi, mais je ne pourrai plus te croire sur rien. C'est toi qui vois. Moi, j'en fais une affaire d'hommes et je n'aurai qu'une parole." Et qu'il se débrouille.

Ça, c'est une tranchée. Certes, de l'autre côté du no man's land, le stalinien est lui aussi dans sa tranchée : on n'avance pas, c'est Verdun. Mais il ne s'attend pas à ce que le Cyber-Libertarien creuse un bunker large comme le siècle dernier. D'ordinaire, notre cher libertarien bondit d'un barbelé à l'autre en chantant la liberté.

Ce bunker résiste à tous les bombardements. Il fait office de camp de base et de QG. C'est à partir de lui que vous pourrez lancer vos attaques et vers lui que vous vous replierez.

 

Le parti est mort, vivent les partis

Ces dernières années, le stalinisme, autrefois contenu dans les strictes limites du Parti Communiste Français, a suivi l'exemple du trotskisme et s'est adapté à la diversité de l'extrémisme léniniste. Le Front de Gauche réunit huit partis communistes différents, la plupart issus de scissions entre trotskistes, sans oublier l'invraisemblable Parti Communiste des Ouvriers de France, maoïste de manière fière et assumée, appelant à la révolution par les armes et à la dictature du prolétariat pour les siècles des siècles. Ainsi Jean-Luc Mélenchon est-il le porte-parole d'une conglomérat de toutes les formes de communisme totalitaire : y sont représentés Lénine, Staline, Trotsky et Mao, sans honte ni pudeur. Le visqueux FN paraît un peu pâlichon, comparé à ces bataillons d'idéologues prêts à tout pour vaporiser le secteur privé.

Si vous êtes en région parisienne, demain à 14 heures, allez donc faire un tour Place de la Bastille. Habillez-vous laidement, ne vous coiffez pas, saisissez-vous du premier autocollant rouge qu'on vous tend, collez-le au revers de votre veste, cherchez les plus extrémistes, sympathisez et faites-les parler. Vous en apprendrez autant sur le totalitarisme que dans Hannah Arendt - les deux savoirs sont indispensables l'un à l'autre. Le must étant d'aller discuter au stand maoïste du PCOF : là sont les spécimen les plus intéressants de possession idéologique. Nous avons toutes les chances de nous y croiser.

Ne les provoquez pas. Le stalinien n'aime pas se battre autrement que par voie orale, mais à cinquante mille contre un, l'idée peut lui effleurer l'esprit. Attendez une autre occasion pour arracher les cent millions de morts à l'oubli. Questionnez, étudiez, comprenez. L'idéologie qui est en eux veut votre peau. Regardez-la dans les yeux, elle a de beaux jours devant elle.


Culture stalienne express

La meilleure biographie de Staline, chef-d'œuvre et succès mondial bien mérité.

Un texte très célèbre de Staline afin que vous entriez en contact, quelques instants, avec sa langue de bois si particulière, huilée comme une usine de production de canons, glaciale comme un camp l'hiver.

Staline applaudi à la fin d'un discours - admirez le plaisir qu'il y prend, et l'arrogance contenue dans sa fausse modestie.

Une séquence aussi hilarante que vertigineuse : la mauvaise foi stalinienne à son sommet (Pierre Juquin était le spin doctor de Georges Marchais)

Ultimate Figthing à l'ORTF : Andrieu le stalinien contre Glucksmann l'ex-maoïste. Délicieusement aberrant.
Cerise sur le gâteau : au paper-board, Georges Marchais vous explique l'économie. Oubliez Hayez, tout est simple.

Et une page Facebook peu fréquentée. Cependant, vous y trouverez une jolie quantité de liens, de vidéos et de photos soigneusement sélectionnés.

 

http://media.paperblog.fr/i/636/6366346/staline-mike-tyson-ideologique-L-cj9YW_.png


De Wikiberal
(Redirigé depuis Staline)
Joseph Staline
personnage historique

Dates 1878-1953
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Une de l'Humanité à la mort de Staline
Tendance fasciste bolchevique totalitariste
Origine Russie Russie
Articles internes Liste de tous les articles
inter lib.org sur Joseph Staline
     

Joseph (Iossif) Vissarionovitch Djougachvili (russe : Иосиф Виссарионович Джугашвили ; géorgien : იოსებ ბესარიონის ძე ჯუღაშვილი Iosseb Bessarionis dze Djoughachvili) (18 décembre 1878 – 5 mars 1953), généralement connu sous le nom de Joseph Staline (Иосиф Сталин), a dirigé l'Union soviétique seul pendant vingt cinq ans, entre 1928 et 1953. De 1922 à 1953, il fut secrétaire général du Parti communiste d'Union soviétique. D'abord surnommé Sosso (« fade ») pendant son enfance, il était aussi appelé Koba (d'après un héros populaire géorgien). Le nom Staline a été le sien durant les années de clandestinité, il provient du mot russe сталь (stal) qui signifie acier. Staline signifie en russe « homme d'acier ». À la postérité, il fut aussi surnommé le « Tsar Rouge ».

Fondateur d'un État totalitaire dont le culte obligatoire rendu à sa propre personne fut un des traits les plus marquants, il entreprit d'arracher spectaculairement son pays à l'arriération ancestrale. Il fit collectiviser intégralement les terres et industrialisa l'Union soviétique à marche forcée par les très ambitieux plans quinquennaux, sans souci des oppositions, brisées, ni du lourd coût humain et social. Son long règne fut marqué par un régime de terreur et de délation paroxystique, encore plus prégnant en temps de paix qu'en temps de guerre, et par la mise à mort ou l'envoi aux camps de travail du Goulag de millions de personnes généralement innocentes, notamment au cours de la collectivisation des campagnes et des Grandes purges de 1937. Il pratiqua aussi bien des déplacements de population massifs, dont la déportation intégrale d'une quinzaine de minorités nationales, que la sédentarisation forcée non moins désastreuse de nomades d'Asie centrale. Il nia aussi l'existence des famines meurtrières de 1932 (Holodomor) et de 1947 après les avoir en partie provoquées par sa politique brutale. Le secret et la propagande systématiquement entretenus autour de ses actes firent du travestissement de la réalité et de la réécriture du passé une caractéristique permanente de son pouvoir absolu.

Le stalinisme

Le stalinisme est un mot désignant les idées et surtout les pratiques de Staline, puis, par extension, des staliniens. Le stalinisme est essentiellement une pratique (appliquée dans les États du bloc communiste), il a néanmoins une composante idéologique, caractérisée par :

  1. L'organisation du Parti : Staline estime qu'aucun débat et aucune opposition ne saurait être tolérée à l'intérieur du Parti. Seul le secrétaire général (Staline en URSS) doit diriger le Parti. Par contraste, on rappellera que Trotski défend ainsi un minimum de démocratie et de pluralisme, mais uniquement dans le strict cadre du Parti ; et que les communistes de conseil défendent une décision purement locale, avec un parti dont le secrétaire général n'est qu'un organisateur de débat et non le chef.
  2. La théorie du « socialisme dans un seul pays ». Lénine et Trotski prônaient au contraire la révolution internationale, la guerre totale et permanente jusqu'à la victoire.
  3. Staline est partisan d'un État fort et autoritaire, même si sa disparition est à la fois souhaitée et "prévue" au terme du processus. En attendant, l'État suspend de nombreuses libertés individuelles et collectives conquises dans la Révolution Russe, comme le droit à l'avortement (le droit à l'avortement avait été obtenu en Russie en 1920 sous pression d'Alexandra Kollontaï ; il a ensuite été supprimé par Staline en 1936), la liberté de la presse, la liberté sexuelle (y compris l'homosexualité)…
  4. Au contraire de « la disparition du travail », but ultime proclamé par Karl Marx, le stalinisme exalte le travail et le dévouement du salarié avec la doctrine du Stakhanovisme. Staline abandonne la NEP (Nouvelle politique économique) entamée en 1921 et commence à re-nationaliser systématiquement les moyens de production.

Staline condamnait avec force "l'égalitarisme". Il considérait que la société socialiste devait adopter des normes de distribution de la richesse différenciées suivant la "contribution" de chaque couche sociale à la société. Les conditions de vie et de travail de l'élite bureaucratique étaient nettement plus favorables que celles de la masse ouvrière. La paysannerie était la grande perdante de ces inégalités avec des conditions d'existence très fragiles et, à certaines périodes, des situations de famine.

Les crimes du stalinisme

“Grand assaut” contre la paysannerie 1929-1933

Plus de 2 millions de paysans sont déportés.

En 1930 : 14 000 révoltes, émeutes et manifestation de masse contre le régime qui impliquent près de 2,5 millions de paysans. 1930-1933 : 300 000 déportés meurent en déportation. Dans les mines du Kouzbass la moitié des mineurs sont des “colons de travail” en 1932 et les 2/3 des habitants de Magnitogorsk sont des déportés.

Collecte de l’État/production agricole en 1931 : 41,5 % en Ukraine, 47 % au Caucase du Nord, 39,5 % dans le Kazakhstan. Or 12 à 15 % nécessaire pour les semences et 25 à 30 % pour le bétail et 35 à 52 % pour leur consommation, les 15 à 20 % restant étant commercialisés !

En novembre 1932 un responsable régional avait écrit à Molotov : nous devons prendre en considération les besoins minimums des kolkhoziens faute de quoi il n’y aura plus personne pour semer et assurer la production. Réponse de Molotov : Votre position est profondément incorrecte, non bolchévique. Nous autres bolcheviks nous ne pouvons pas mettre les besoins de l’État à la dixième ni même à la seconde place.

Le fait pour les paysans de cacher leurs réserves est considéré comme du sabotage.

La loi du 7 août 1932 dite loi des épis permet de condamner pour vol ou dilapidation de la propriété socialiste plus de 125 000 personnes d’août 32 à décembre 33 dont 5 400 à la peine capitale.

La circulaire du 22 janvier 1933 interdit les départs massifs des paysans d’Ukraine et de Caucase du Nord. Cet exode massif n’est-il pas un complot des ennemis du régime ? Les paysans sont donc ramenés sur place où ils meurent de faim. En 1933 le gouvernement a exporté 18 millions de quintaux de blé pour les besoins de l’industrialisation. Il y eut sans doute 6 millions de morts de faim en Ukraine et 1 million au Kazakhstan (les nomades privés de tout bétail).

Repression contre les ennemis du peuple

Les offensives antireligieuses : pendant l’hiver 1929-1930 plus de 6700 églises sont fermés ou détruites. Les prêtres sont considérés comme “parasites”.

En 1936 ne sont en activité que 28 % des églises orthodoxes et 32 % des mosquées d’avant la révolution. Des 20 000 églises et mosquées de 1936, moins de 1000 ouvertes en 1941.

Sont privés de leurs droits civiques : les anciens propriétaires, nobles, commerçants, fonctionnaires tsa-ristes, membres des partis politiques, etc. En 1932 avec leurs familles cela représente 7 millions de personnes.

Repression contre les ouvriers et les cadres de l’industrie

Dans l’industrie, en raison des cadences infernales les accidents se multiplient ainsi que les pannes de machines : de janvier 1930 à juin 1931, 48 % des ingénieurs du Donbass sont révoqués ou arrêtés. 4500 saboteurs sont démasqués dans les transports dans le 1er semestre 1931. Tout cela contribue à désorganiser la marche des entreprises.

La loi du 15 novembre 1932 permet le licenciement immédiat, le retrait des cartes de rationnement et l'expulsion du logement en cas d’absentéisme au travail. Le passeport intérieur est introduit le 27 décembre 1932. Pour résider en ville, il faut disposer d’un passeport. De nombreux sans passeports sont déportés (celui qui descend acheter des cigarettes et oublie son passeport peut être raflé et déporté).

En 1940 : semaine de 7 jours ; tout retard supérieur à 20 mn passible de 6 mois de travaux ; tout acte d’hooliganisme et vol est sanctionné de 1 à 3 ans de camp.

Le système des camps

Au milieu de l'année 1930, on trouve 140 000 détenus dans les camps gérés par la GPU ; plus de 300 000 début 1932.

Ils sont affectés à la construction de routes, de chemin de fer, travail dans mines et puits de pétroles.

Le système de camps est unifié en 1934 et devient le Goulag : plus de 965 000 détenus en 1935 et près de 2 millions en 1941. Or seulement 1/4 à 1/3 sont des prisonniers politiques, la majorité est composée de gens ordinaires.

La répression s'exerce aussi contre les jeunes vagabonds et criminels : de 1935 à 1939 plus de 155 000 mineurs enfermés dans des colonies de travail. Au 1er avril 1939 10 000 mineurs sont présents au Goulag.

Les grandes purges

En 1937-1938 1 575 000 personnes arrêtées par le NKVD : 85 % condamnés et la moitié de ceux-ci fut executée (soit 680 000). La mission du NKVD est d'enfumer et détruire les nids de punaises trotsko-fascistes (Pravda). La purge de l’armée rouge touche 3 maréchaux sur 5 ; 13 généraux d’armée sur 15 ; 8 amiraux sur 9 ; 50 généraux de corps d’armée sur 57 ; 154 généraux de division sur 186. 1 officier sur 6 fut arrêté. Parmi les exécutés : l’écrivain Issak Babel (Cavalerie rouge) en 1940 parmi une dizaine d’écrivains célèbres ; le metteur en scène Meyerhold (torturé et executé en 1940).

Les crimes de l'après-guerre dans les territoires conquis ou reconquis

La majorité (80 %) des 2 270 000 prisonniers rapatriés des camps nazis furent condamnés à des peines de camp ou exilée pour 5 ans au moins ou astreint aux travaux obligatoires de reconstruction de l'après-guerre.

L'Ukraine occidentale est "pacifiée" et collectivisée : près de 300 000 personnes sont déportés, exilés ou arrêtées (1945-1950). L'Église uniate est forcée de s'unir à l'église orthodoxe. Dans les États Baltes, la collectivisation s'accompagne de la déportation de 600 000 personnes.

Un décret de 1946 condamne à la déportation pour trahison collective des Tchétchènes, Ingouches et Tatars de Crimée. D'autres peuples avaient également été déportés : les Allemands de la Volga, les Kalmouks, les Karatchais et les Balkars, soit au total près d'un million quatre cent mille personnes. Pendant une dizaine d'année, les nations concernées cessèrent d'exister.

L'apogée du système concentrationnaire 1945-1953

Les chiffres varient selon les auteurs, de 4,5 millions à 12 millions, mais consensus sur le fait que la population carcérale atteignit un maximum dans les années 1948-1952 : une partie des condamnés de 1937-38 avaient vu leur peine prolongée et la mortalité des détenus ayant baissé après 1948 par le souci de « préserver » une main d'œuvre utile.

L'essentiel des camps se situaient dans les régions les plus lointaines et les plus rudes. La Kolyma était la région symbole du Goulag. Les détenus étaient affectés à l'exploitation forestière, l'extraction minière la construction de voies ferrées, de grands barrages et du canal Volga-Don.

En 1948 étaient créés des camps « à régime spécial » très durs pour des prisonniers politiques endurcis mais qui connurent plusieurs tentatives de soulèvements.

Position libérale

Pour les libéraux, Staline incarne la quintessence même du communisme, et non son dévoiement. En effet, l'égalitarisme forcené visé par le communisme, la lutte des classes, l'anéantissement de toute forme d'enrichissement personnel et de propriété privée ne peut, selon les libéraux, que mener au totalitarisme. Mises, dans son étude du socialisme, et Hayek, décortiquant le calcul économique en économie socialiste, fondent les prémisses des concepts qu'Hannah Arendt développa après-guerre.

Le stalinisme aujourd'hui

La manière dont la Russie traite son passé communiste, ainsi que les raisons qui sous-tendent l'attitude de Poutine, peuvent se résumer de la manière suivante : on identifie le système communiste avec l'empire russe ; attaquer le communisme revient à affaiblir l'État russe. Et c'est l'ambition impériale qui est le principal motif de la négation des crimes communistes par les Russes.

Des ouvrages historiques récents montrent jusqu'où ce processus est allé en Russie, et par quels procédés on escamote les crimes du communisme. Sous Poutine, c'est une vaste entreprise de réhabilitation de Staline qui est en cours, tendance dont deux livres donnent une parfaite illustration : la biographie monumentale de Staline par V. Karpov, et les travaux de Youri Joukov sur les purges des années 30.

Dans le livre de Karpov, Staline est dépeint comme un patriote russe, comme le bâtisseur de la superpuissance russe qui a vaincu aussi bien la tentative "sioniste" de prendre le contrôle de la Patrie sous Lénine, et l'attaque occidentale contre la Russie menée par Hitler (à l'évidence, l'auteur pense que le premier exploit devrait valoir à Staline une gratitude particulière de la postérité). L'idéologie communiste s'y interprète comme un instrument dont Staline se sert pour réaliser des ambitions géopolitiques entièrement légitimes. Quant aux purges, il les justifie par la présence de véritables ennemis de l'État russe.

Dans le livre de Joukov, nous trouvons une approche semblable, quoique moins obsédée par le thème du "sionisme". Joukov décrit Staline comme un démocrate, dont le programme réformiste était bloqué par un Politburo "conservateur" en 1937.

Ces deux auteurs ne sont pas des marginaux, leurs ouvrages se répandent partout. Leur position principale, qui met l'accent sur la "géopolitique" et ne tient aucun compte du facteur idéologique, est aujourd'hui commune à la plupart des historiens russes.

Les conséquences de cette représentation faussée, édulcorée du stalinisme, sont très graves. L'agressivité du régime communiste, aussi bien à l'intérieur que dans les relations internationales, est passée sous silence.

Littérature secondaire

  • 1999, Sheila Fitzpatrick, Everyday Stalinism: Ordinary Life in Extraordinary Times: Soviet Russia in the 1930s, Oxford University Press

Citations

  • « Le stalinisme, c'est la voie la plus longue pour aller du capitalisme... au capitalisme. » (Lech Walesa)
  • « Staline avait les mains pleines de sang. J’ai vu les condamnations à mort qu’ils signaient par paquets avec Molotov, Vorochilov, Kaganovitch et Jdanov. Ces cinq étaient les plus actifs, et Molotov ajoutait : "commuter les peines de 10 ans en exécutions par balle". Par groupes entiers ! » (Mikhaïl Gorbatchev)

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8 décembre 2013 7 08 /12 /décembre /2013 16:30

Bienvenue sur le champ de bataille

Première étape de notre parcours du combattant Cyber-Libertarien : apprends à connaître ton ennemi mieux qu'il ne te connaît. Nous commençons par du super-coriace : le trotskiste. Port du casque obligatoire.  

Par Cyber-Résistant.  

 

http://media.paperblog.fr/i/634/6349893/bienvenue-sur-champ-bataille-L-qRknHa.png

Léon Trotsky & Edwy Plenel

 

- C'est dégueulasse…
- Qu'est-ce que ça veut dire, "dégueulasse" ? C'est la guerre. Il savent la faire, les fumiers. 

La 317e Section, film de Pierre Schoendoerffer

 

Passez sous les barbelés

Vous arrivez à un dîner plutôt de gauche, tout se passe bien, les jupes sont jolies et l'alcool généreux. Mais voilà que la discussion dévie vers la politique : la température monte d'un cran. Fidèle à vos idées, vous défendez le Cyber-Libertarianisme et, aussitôt, un convive vous agonit de railleries discrètes, de critiques voilées, voire même de menaces en filigrane. De votre capacité à vous adapter à la situation dépendent votre réputation et celle du libertarianisme.

"Je le vaincrai, car j'aime la guerre plus que lui", disait Winston Churchill au sujet d'Adolf Hitler. On est en droit de se demander si les libéraux aiment suffisamment la guerre verbale pour vaincre le socialisme. C'est ce que nous allons très prochainement vérifier, à la faveur d'une crise économique majeure : les débats, publics comme privés, vont se tendre, les extrémismes s'ébrouer, et tout porte à croire que le libéralisme sera mis en accusation. Les plus craintifs d'entre vous peuvent d'ores et déjà se préparer à se taire. Les autres sont bons pour le choc frontal avec l'idéologie, et ni l'humour, ni la lecture de Hayek ne seront des boucliers suffisants. Il vous faut aimer le combat : on n'a jamais vu une mauviette étendre un boxeur professionnel.

Reconnaissance, identification, analyse : votre première mission, si vous l'acceptez, sera de comprendre vos adversaires. Et non en bloc, car ils sont différents les uns des autres : un par un, en fonction de leurs croyances, de leur passé idéologique, de leurs espérances étatistes, égoïstes ou révolutionnaires. Nous allons donc les examiner séparément. Commençons par un ennemi juré du libertarianisme, et l'un des plus compétents : le trotskiste. Ne ricanez pas, cet homme sait ce qu'il fait.

 

La foi trotskiste

Chaque école collectiviste a sa vision propre, laquelle détermine ses stratégies et ses tactiques. Le trotskisme est, en France, une des plus influentes.

Inconditionnel de Lénine et principal challenger de Staline - qui l'exilera et le fera assassiner -, Léon Trotsky est un auteur de bonne tenue et un homme d'action performant. Ses talents d'orateur, sa plume alerte, son goût pour les échafaudages intellectuels, sa volonté d'obtenir des résultats concrets, son courage dans l'adversité, le font très tôt remarquer comme un leader. On célèbre sa capacité à discipliner la toute nouvelle Armée Rouge. On parle moins de sa propension à fusiller les révolutionnaires non conformes à la perspective bolchévique. Les communistes libertaires de Krondstat, mutins pacifiques et désespérés, sont sauvagement massacrés : Trotsky fait le ménage. Des milliers ce morts. De nos jours, il serait bon pour le Tribunal Pénal International.

La thèse communiste préférée de Trotsky est la "révolution permanente", qu'il fait sienne en 1904En quelques mots : la révolution n'est pas un événement mais un process, elle ne saurait rester confinée aux limites d'une nation. Elle doit être continue et mondiale, sans quoi elle se résumera à un simulacre bourgeois. La révolution bolchevique ne deviendra LA révolution que lorsqu'elle aura conquis l'Univers entier, et cela doit advenir séance tenante.

Disant cela, Trotsky se condamne, car il envoie le bolchévisme dans une direction plus chimérique encore que les prophéties léninistes. En effet, dès 1918, les bolchéviques sont isolés : les autres peuples d'Europe rechignent à suivre la voie tracée par Lénine, la révolution mondiale risque de se faire attendre. Pour contrer le délire de Trotsky, Staline aura la partie facile : il lui suffira de taxer son concurrent d'irréalisme, et de lancer le mot d'ordre contraire à celui de la révolution permanente : "l'édification du socialisme dans un seul pays". Dans sa volonté d'aller trop vite et trop loin, Trotsky a quelque chose d'hitlérien. Staline l'a repéré et le condamne à passer pour un dangereux rêveur.

Trotsky meurt en 1940 au Mexique, un pic à glace enfoncé dans le crâne, et laisse derrière lui un sentiment d'inachevé, un air de romantisme. Trotsky a perdu contre Staline, donc il est cool. Staline a tué tout le monde, donc Trotsky avait raison. Le barbichu à la vue basse entre dans la légende collectiviste sous le label des losers magnifiques, des poètes rock de la révolution, sur la même étagère que le Che.

 

Le trotskiste, cet amphibie

Les trotskistes ont un joker dans la manche : jamais, dans aucun pays, à aucun moment de l'histoire, leur mouvement n'a accédé au pouvoir suprême. Contrairement au léninisme et au stalinisme, le trotskisme est resté théorique : il n'y a pas eu et il n'y aura sans doute jamais de pays trotskiste comme il y a eu des pays léninistes ou staliniens. Certes, Trotsky fut l'organisateur de l'Armée Rouge et un des acteurs les plus emblématiques - un des assassins les plus glaciaux - de l'utopie bolchévique, mais ni lui, ni ses innombrables admirateurs n'ont réussi à prendre les commandes centrales d'un État. Léon a une trajectoire fulgurante, mais marginale. Le trotskisme produit des livres, des partis, des groupuscules, des tracts, des grèves, de l'entrisme, de la logorrhée, des motions, des scissions, des congrès, des Internationales, des manifestations, mais toute cette magnifique agitation est lovée sur elle-même, autosuffisante, autarcique : elle n'a de contacts avec la réalité que de manière sporadique. De nos jours, le trotskisme n'essaye plus de prendre le pouvoir collectivement. Il le prend individuellement : nombre de trotskistes s'entendent à grimper haut sur l'échelle institutionnelle, à devenir fort célèbres, voire fort riches, et ce sans jamais en éprouver la moindre mauvaise conscience.

 

L'idéologue businessman

Pour justifier sa médiatisation et l'épaisseur de son compte en banque, le trotskiste showbiz bénéficie de deux deux alibis : l'entrisme et l'irréversibilité.

L'entrisme consiste à infiltrer une structure de pouvoir dans le but de la déstabiliser de l'intérieur et de la rendre compatible avec la révolution future. Cette stratégie relevant de la conspiration, de l'hypocrisie et du parasitisme, permet au trotskiste d'envisager tous les milieux professionnels, tous les CV, toutes les carrières comme des champs de bataille, et de présenter l'égoïsme de son ascension personnelle comme un sacrifice à la Cause. "Oui, je suis trotskiste et chef d'entreprise, oui je suis collectionneur d'objets bolchéviques et richissime. Oui, c'est paradoxal. Mais c'est que le monde capitaliste doit être pénétré en profondeur par les révolutionnaires, seul moyen de lui faire perdre le contrôle de lui-même ! On ne peut changer la pyramide du pouvoir sans gangréner son sommet !" Ainsi le trotskiste plaide-t-il devant son miroir que ses nuits chez Castel sont des préfigurations du Grand Soir. Il est la taupe du Komintern chez les happy few.

L'irréversibilité, quant à elle, complète l'entrisme : elle permet au trotskiste de maintenir en toutes circonstances son lien à Trotsky, via la pratique.

Un ami de Mélenchon dit, et il n'est pas le seul : "Quand on a été trotskard, on le reste toute sa vie". L'énoncé est vrai, comme des énarques, car le trotskisme est une école au sens propre du terme. Dans les groupuscules de fanatiques dévoués au message de Léon l'Implacable, la formation est essentielle. On doit, pour devenir un vrai trotskiste, lire beaucoup d'idéologie et d'histoire, connaître son Marx et son Lénine sur le bout des doigts, savoir organiser une réunion publique, écrire un tract, recruter, espionner les partis ennemis, faire courir des rumeurs, menacer, désinformer, faire basculer une majorité lors d'un vote étudiant, déclencher une grève, négocier, prendre la parole à une tribune, créer SOS racisme à la demande de Mitterrand dans le but de favoriser le FN, voire même lancer des cocktails Molotov ou séquestrer un patron. Toutes choses que Tocqueville ne savait pas faire. Le trotskiste est un spécialiste de l'organisation révolutionnaire et du passage à l'acte. Il est dévoué, méthodique, consciencieux. Et s'il sait se montrer explosif devant les caméras de télévision, il sait également être discret, furtif, transparent, en attendant la prochaine occasion d'exploser.

Tant de trotskistes parviennent à des postes de responsabilité dans des entreprises publiques et privées ! Leur méthodologie, patiemment apprise dans l'ombre des stages de formation révolutionnaires, fonctionne à merveille dans le cadre d'une carrière individuelle très intéressée. Les cours du soir du parti rendent apte à organiser, structurer, commander, diriger : le monde du management accueille ces talents avec enthousiasme. Souple comme le roseau, le trotskiste ne cesse nullement d'être trotskiste lorsqu'il s'assied dans le fauteuil du grand patron : dans son role playing game idéologique, l'ardeur égoïste est un camouflage. Une ruse de la Tchéka. Incluez là-dedans toutes les nuances de la mauvaise foi.

Abandonnant parfois officiellement son idéal extrémiste pour des motifs tactiques (il faut bien cela, si l'on veut devenir Pierre Moscovici à Bercy), le trotskiste ne prendra cependant pas la peine de faire son mea culpa.

Pourquoi diable prendrait-il cette peine, alors que les techniques trotskistes, la praxis groupusculaire qui constitue son armature mentale, sont les clés de sa prospérité ? S'il veut se dédouaner, pour la forme, il se contentera de lâcher qu'il a été d'extrême-gauche, oui, mais que c'était une "erreur de jeunesse" et qu'il "ne regrette rien". Il omettra de préciser que sa jeunesse ne connaît pas de fin ; le gauchisme permet de rester ado ad libitum. Ainsi notre camarade se considèrera-t-il éternellement comme un héros, et non comme un vendu, quand bien même il balancerait par-dessus bord le dogme, l'envie de bouleverser la société et les Œuvres Complètes de l'homme aux petites lunettes rondes. Lui jeter à la figure qu'il est "hypocrite" ou "pas cohérent" n'aura guère d'effet : il se trouve cohérent d'un point de vue idéologique, et ne l'est pas moins que le professeur libéral en université d'État.


Le casse-tête

Dans ces conditions, pour un libertarien, convaincre un trotskiste qui a réussi - c'est-à-dire : le déprogrammer - relève de la quasi-impossibilité. Comment voulez-vous faire sincèrement et exhaustivement condamner le trotskisme par Edwy Plenel, alors que la filière de formation trotskiste l'a mené à l'argent, à la notoriété, au respect quasi-unanime et aux dîners en ville avec les grands de ce monde ? Une chose est certaine, au moins : Plenel juge Hollande "trop à droite" et veut bien le faire trébucher. Preuve que le confort et les sunlights n'ont pas tué en lui l'envie de mordre les modérés et de faire basculer les situations. Trotsky approuve, même si Plenel dit avoir abandonné les idées de Léon.

Évidemment, si vous tombez sur un pauvre gars hypnotisé, un trotskiste de la base, du genre qui rate la première marche et reste à jamais confiné à l'antenne Lutte Ouvrière d'Aulnay-sous-Bois, des coups gagnants peuvent être tentés pour le ramener à la réalité et sauver sa liberté. Mais la première saison de notre école d'arts martiaux Cyber-Libertariens concerne les types d'adversaires ; les types d'argumentations viendront en deuxième saison. Contentons-nous pour l'instant de la leçon que nous donne le trotskiste.

D'abord, l'ennemi a de bonnes écoles de combat idéologique. On ne peut pas en dire autant des libéraux. D'où notre série d'articles, en espérant que vos commentaires, vos expériences et vos analyses viendront nourrir l'arsenal proposé. Ensuite, et c'est le plus important, nous devons apprendre à respecter l'adversaire pour ce qu'il est : un bon, voire un très bon politicien, bénéficiant du "pilote automatique" du diamat, quand nous sommes contraints à la vérité et à ses doutes.

L'erreur originelle du libéralisme, sur le champ de bataille idéologique, est de croire que la vérité l'emporte nécessairement. C'est sous-estimer de manière dramatique les chausse-trappes à tiroirs et les oubliettes en réseau du mensonge assumé, de l'esprit de complot, de l'hypocrisie tactique, de la souplesse stratégique, de l'efficacité argumentaire et de la foi vraiment religieuse, ardente, tous éléments livrés, prêts à l'emploi, dans le pack léniniste.

Partir du principe que ces gens sont des crétins est une faute grave. Partir de celui qu'ils nous sont intellectuellement inférieurs est une témérité coupable.

 

Le professeur

Avant-hier soir, 23 heures 15, dans l'émission marathon que Pujadas lui consacre, Jean-Luc Mélenchon explique que Robespierre a donné l'égalité aux Juifs. Ten points. Depuis plus de deux heures, le maître du Parti de Gauche se montre plus intense que ses contradicteurs. Il les boxe tous un par un, il encaisse et il frappe, fort. La cérémonie pourrait durer toute la nuit, il ne baisserait jamais la garde. Il ment avec énergie, exhibe son aisance, zigzague tel le cobra, frappe par derrière, amadoue, humilie, salit, élève, inspire, et balance quelques vérités bien senties comme des grenades à fragmentation. Autour de lui, progressivement, ils se rendent, ils s'éteignent. Ils ont mal partout. Ils ne le critiquent plus que sur la forme. Ils lui tendent même des perches. Mélenchon en profite pour se payer la Corée du Nord, avec une émotion parfaite - celle dont Copé serait incapable. Ce soir, comme cinq nuits plus tôt chez Ruquier, il a écrasé le souvenir de Georges Marchais. ll est enfin le personnage télévisuel le plus doué de l'histoire du communisme français.

Il est temps pour toi, ami lecteur, d'entrer dans le dur. Si tu perds des batailles, c'est d'abord parce que tu méprises ton adversaire.

Et si tu le méprises, c'est parce que tu ne te concentres pas suffisamment sur lui. Des qualités, il en a, mais tu ne les regardes pas. Tu les snobes. Or, elles t'ont pour proie. Aussi te proposons-nous de mettre de côté trois heures, ce week-end ou dans les jours qui viennent, pour regarder ce show : tout bonnement le meilleur spectacle communiste jamais offert en France à la télévision. Tu ne pourras pas, à la fin, ne pas dire : "L'école trotskiste, c'est pas rien, quand même..." Au long de son excellente biographie parue chez Robert Laffont, on nous rappelle de nombreuses fois que Jean-Luc le Cogneur tient sa maestria de ses classes chez les lambertistes, les plus comploteurs des trotskistes français, où il a débuté et tout appris - Lionel Jospin vient de la même écurie, mais lui est bien inférieur stylistiquement et culturellement. Mélenchon est un rouge parfait.

Un esprit libéral digne de ce nom se doit de reconnaître au socialisme en général et au communisme en particulier une expertise dont le libéralisme est dénué. L'expertise du néant ? Oui. Mais c'est en la prenant en considération que nous pourrons la viser et la détruire. Bon appétit. Dimanche prochain, le stalinien. Si tu as peur des cégétistes, viens en armure.

   

L’ultragauche, en France, resurgit sous de multiples formes : depuis les trotskistes jusqu’aux antimondialistes, ses différentes composantes s’en prennent tous au même ennemi : le capitalisme. Ce courant politique date de la Révolution : son histoire permet de voir ce qui unit au fil du temps tous les gauchistes.

Par Thucydide

 

L’expression « extrême gauche » évoque simplement au départ un positionnement politique à partir de la IIIe République : elle désigne d’abord les radicaux puis les socialistes et enfin les communistes. « Extrême gauche » sera donc à prendre dans le sens de « gauchisme », terme qui est plus convenable. Le gauchisme fut défini par Lénine comme « la maladie infantile du communisme ». Il correspondait en fait aux partisans des solutions extrêmes de gauche. Le terme a été repris dans les années 1965-1968 pour désigner les idéologies à la gauche du Parti communiste. Au sens où nous l’employons, « extrême gauche » est synonyme de « gauchisme ». L’extrême gauche n’est pas homogène, il existe de nombreux courants et une multitude d’organisations en son sein. Néanmoins, les facteurs d’unité existent bel et bien. Ils peuvent être considérés au nombre de deux : l’antidémocratisme et la société utopique. Le premier consiste à rejeter les principes démocratiques de la société « bourgeoise » : le slogan en vogue en mai 1968 l’illustre bien : « Élections, piège à cons ». Quant à la société utopique, il s’agit pour les gauchistes d’instaurer une société sans classes, égalitaire, débarrassée du fléau capitaliste.  

 

Rejet de la démocratie et société égalitaire  

L’extrême gauche, comme toutes les familles politiques en France, naît durant la Révolution. Ses membres ne veulent pas se contenter de l’égalité des droits proclamée dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. Ils souhaitent l’égalité dans les faits, c’est-à-dire une société où il n’existe ni pauvres, ni riches. Cette extrême gauche s’incarne d’abord chez les « Enragés » de Jacques Roux, qui exigent la taxation des denrées et aussi une taxe sur les riches. Leurs revendications sont ensuite reprises, après leur élimination, par les hébertistes, du nom de leur chef Hébert. 

Mais la meilleure expression d’égalitarisme se trouve chez Babeuf. Ce dernier est le premier à associer les idées communistes avec un projet révolutionnaire. Il organise une conspiration visant à instaurer une République égalitaire mais il échoue. Il est exécuté en 1797.

Après Babeuf, la nouvelle figure de l’extrême gauche est Louis Auguste Blanqui (1805-1881). Il a passé plus de trente-trois ans en prison, c’est-à-dire plus de la moitié de sa vie : c’est pour cette raison qu’il fut surnommé « l’Enfermé ». À partir des années 1830, il fréquente Buonarroti qui n’est autre que l’ancien lieutenant de Babeuf. Il mène des activités révolutionnaires dans des sociétés secrètes.

Blanqui dirige le 12 mai 1839 une insurrection au cours de laquelle il tente d’occuper l’Hôtel de Ville de Paris et de soulever les ouvriers. Arrêté, il est condamné à mort mais sa peine est commuée en prison à vie. Il est cependant libéré en 1848. Il prend alors part à de nouvelles émeutes en mars de la même année. Il participe encore à des manifestations révolutionnaires le 31 octobre 1870 et le 22 janvier 1871.

On le voit, dès ses débuts, l’extrême gauche est marquée par l’antidémocratisme, l’antiparlementarisme.

Au début des années 1880 se forme une nouvelle extrême gauche. En effet, c’est à cette époque que se constitue le mouvement anarchiste dont le maître mot pourrait être : « la propagande par le fait ». Autrement dit, les anarchistes utilisent le terrorisme pour parvenir à leurs fins, l’établissement d’une société sans classes. C’est à partir de 1892 que la France est frappée par une vague d’attentats anarchistes. En 1894, on assiste à une véritable « épidémie » d’attentats qui oblige à voter des lois répressives. Les socialistes n’hésitent pas à qualifier ces dernières de « scélérates ». L’idée majeure de ces gauchistes réside, par exemple, dans le cri de Vaillant, auteur d’un attentat le 9 décembre 1893 : « Mort à la société bourgeoise et vive l’anarchie ! ».

 

La révolution : oui… mais comment ?

Au début du XXe siècle, l’idée révolutionnaire s’implante dans l’extrême gauche grâce à Lénine et à la révolution d’octobre 1917 en Russie. Elle va se développer avec le trotskisme qui défend les concepts de parti révolutionnaire et de révolution mondiale. Trotski a effectué quatre séjours en France, ce qui peut expliquer le succès du trotskisme. Le trotskisme connaît un premier temps fort en 1934-1935 lorsque ses adeptes pratiquent l’entrisme (1) au sein de la SFIO. Ensuite, au lendemain de la guerre, en 1945-1947, ils exercent une influence certaine lors des grèves ou dans certaines entreprises. Puis dans les années 1960-1970, ils parviennent à donner une couleur marxiste aux revendications des étudiants.

Dans les années 1950, un courant d’extrême gauche développe l’idée que la révolution doit se faire non par un parti – comme pour le trotskisme – mais par les masses. Ainsi, Cornelius Castoriadis et Claude Lefort défendent, dans leur revue intitulée Socialisme ou barbarie, l’idée du conseillisme, un communisme des conseils, différent de la dictature d’un parti. Après mai 1968, les idées d’« autogestion » sont en vogue.

Les années 1960 voient la naissance d’un autre courant gauchiste encore, le maoïsme. Ce dernier consiste en la doctrine de Mao Zedong. En 1967 un parti maoïste est fondé, le PCMLF, le parti communiste marxiste-léniniste de France. L’idée est de faire la révolution par le truchement d’un parti. Mais son influence est très limitée. Les maoïstes les plus nombreux choisissent l’idée de la révolution par les masses. Leur objectif réside alors dans l’établissement d’un lien avec la base ouvrière. On dénonce les cadences inhumaines, les accidents du travail… L’antidémocratisme se retrouve dans ce courant puisque ces maoïstes se lancent dans des actions illégales : distribution de produits de luxe volés, opérations commandos, séquestrations…

Enfin, dans les années 1970, le groupuscule Action directe prend la voie du terrorisme : cette méthode violente d’instaurer la société égalitaire réapparaît donc, avec pour corollaire la volonté de mettre à nu le caractère fasciste de la démocratie libérale.

Ainsi, dans les années 1960 et 1970, l’extrême gauche s’est caractérisée par une grande diversité dans les moyens à mettre en œuvre la société parfaite.

 

Les antimondialistes : « Prophètes d’un âge d’or jamais au rendez-vous » (M. Winock)

Depuis les années 1990, l’extrême gauche connaît un regain de dynamisme. Le trotskisme retrouve une certaine audience car il réussit à capter les revendications d’un mécontentement social qui ne se satisfait pas des organisations traditionnelles. Le capitalisme est donc toujours l’éternel ennemi mais sous un nouveau nom : on dénonce « l’ultralibéralisme », « l’impérialisme », le « néolibéralisme », toutes ces expressions renvoyant à la mondialisation.

À ce titre, les antimondialistes, notamment à travers le groupuscule ATTAC, s’apparentent à l’extrême gauche en raison de leurs méthodes antidémocratiques. Ils rejoignent les associations telles que Droit au logement (DAL), Action contre le chômage (AC) ou certains syndicats comme SUD qui entretiennent la contre-culture révolutionnaire.

Mais le problème est justement là : les gauchistes d’aujourd’hui se contentent d’un discours « anti- », sans projet positif, sans alternative. Pour quelles raisons ?

D’abord, la société française d’aujourd’hui est post-industrielle, marquée par la désindustrialisation. Or, le marxisme avait élaboré son projet révolutionnaire en lien avec la montée en force du prolétariat (la fameuse idée selon laquelle les riches deviendraient de plus en plus riches et de moins en moins nombreux et les pauvres de plus en plus pauvres et de plus en plus nombreux). Par conséquent, le projet révolutionnaire peut difficilement exister.

Ensuite la faillite complète et désastreuse du socialisme a privé l’extrême gauche d’une alternative crédible.

Ainsi les gauchistes constituent des groupes très divers. Mais l’unité de l’extrême gauche, qui se retrouve à toutes les périodes, est opérée par l’antidémocratisme et la volonté d’instaurer la société sans classes. On pourrait ajouter à ces éléments le manichéisme : opposition riches/pauvres, capitalisme/travail voire pays du Nord/pays du Sud pour les antimondialistes.

Pour conclure ce panorama historique de l’extrême gauche en France, citons Michel Winock qui définit les gauchistes comme d’« inlassables prophètes d’un âge d’or futur jamais au rendez-vous » (2).

 

Notes

(1) L’entrisme consiste à infiltrer des associations (partis, syndicats…) pour y implanter les idées trotskistes.

 (2) WINOCK, Michel, « La passion de l’égalité », in L’Histoire, n° 263, mars 2002.

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1 décembre 2013 7 01 /12 /décembre /2013 00:26

La guerre est déclarée 

La crise en cours n'est pas seulement l'ennemie de la prospérité : elle est également le prédateur du Cyber-Libertarianisme. Préparez-vous à souffrir comme rarement. Et à contre-attaquer comme jamais. Introduction à une série d'articles combatifs.  

Par Cyber-Résistant.


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  Full Metal Jacket 

 

Une phrase d'avenir.

"Tout le monde hait la finance, et c'est un euphémisme." Ainsi commence un article en ligne du Nouvel Observateur sur les algorithmes boursiers, daté du mois dernier. Si vous le voulez bien, arrêtons-nous quelques instants sur cette phrase, afin de lui faire subir une fouille au corps. Enfilez vos gants.

Que signifie-t-elle ? Elle prétend que la formule "tout le monde hait la finance" n'est pas assez forte pour exprimer combien tout le monde hait la finance. Or, "tout le monde" et "hait" sont des absolus. Il n'existe pas de manière plus dense, massive et inaugmentable d'affirmer que tout le monde hait la finance : il n'y a pas là le moindre euphémisme. Nous sommes en présence d'une phrase piégée, qui ment sur elle-même, comme l'idéologie aime tant en produire : de l'authentique langue de bois orwellienne.

"C'est un euphémisme" a pour mission de barrer la route à la négociation. "Tout le monde" et "hait" ne sauraient être considérés comme des exagérations par le lecteur : ils lui sont présentés comme des atténuations. L'unanimité et la complétude de la haine sont acquises, impossibles à infirmer. Les gens qui aiment la finance ne passeront pas, car ils n'existent pas. Ils ne font pas partie de "tout le monde", ils n'appartiennent pas à la famille humaine. On a entendu parler d'eux, certes, mais on n'en a toujours pas vu. Quiconque aime la finance est un Yéti.

L'affaire ne s'arrête pas là. Abordons les zones profondes. En langue de bois, "la finance" signifie à la fois le profit, le marché, la mondialisation, les patrons, le capitalisme, l'argent, l'individualisme. L'idéologie est un kaléidoscope : "finance" est un de ses cristaux de verre colorés, un des noms du Système tout-puissant, cynique et comploteur, dont les boursiers sont les marionnettistes, les politiciens les valets, et les peuples les esclaves. Le Nouvel Ordre Mondial, temple anonyme et souterrain dont l'argent, le pouvoir et la théorie libérale sont les trois piliers.

Enfin, décodé selon la grille de lecture du matérialisme dialectique, "tout le monde hait la finance, et c'est un euphémisme" indique une explosion prochaine. Les tensions entre "tout le monde" et "la finance" sont arrivées à leur point d'ébullition, le crescendo est asymptotique, l'orgasme révolutionnaire approche. Il sera bientôt permis de mordre. C'est là le plus important. Cette phrase doit être lue telle un bulletin météorologique. Elle décrit une ambiance et prévoit son évolution. L'avant-dernière phrase du même article est : "L'humanité court à la catastrophe". Nous avons le choix entre la révolution anti-boursière et l'apocalypse boursière. Dans le premier cas, il faudra bien que le sang coule à flots, puisque c'est la seule manière de stopper l'hémorragie d'argent.

 

Wishful thinking is for sissies

Non, la crise en cours ne va pas nous donner accès à l'anarchie rêvée par certains Cyber-Libertariens, car les peuples se croient déjà en situation d'anarchie et craignent par-dessus tout son aggravation. Non, l'effondrement de l'État sur lui-même ne va pas mener à une débureaucratisation, car les aides innombrables apportées aux démunis, aux entreprises en faillite, aux banques au bord du gouffre, à la presse anorexique et aux artistes squelettiques vont achever de les fonctionnariser, de les paralyser et, partant, de les neutraliser. Les réactions viendront des extrémistes. Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon s'apprêtent à ramasser la mise. Ni la Grèce, ni l'Espagne, ni Chypre, ne sont sur le chemin de l'avenir radieux libertarien ; la France ne fera pas mieux. Faute d'exercer son pouvoir sur une réalité toujours plus déliquescente, la politique va se rabattre sur ce qu'elle fait le mieux : produire du mensonge et y inclure le monde, accueillir la souffrance dans les bras aimants du Faux, rassurer la foule en lui tendant un miroir déformant, où elle se découvre délicieusement justicière et vengeresse. 

Faute de reprise de l'économie, et faute de disparition du Léviathan administratif, nous allons assister à une idéologisation massive : elle aura pour fonction de compenser la perte d'influence et de légitimité de l'État par un regain de son dogmatisme, de ses symboles, de ses slogans, de son élan, de son hivernale colère. Et le meilleur moyen de faire avancer le cyclope Langue de Bois consistera, comme toujours, à lui trouver un ennemi, une cible vivante, une proie : vous. 

Allez-vous encaisser, esquiver ou contre-attaquer ? 

 

N'oubliez pas de remercier Cahuzac !

- C'est quoi, au fond, cette crise ?
- Il n'y a plus d'argent.
- Mais il est passé où, l'argent ?
- ...

Ce bref dialogue résume l'inquiétude de nos contemporains. Cette inquiétude est hautement logique et légitime : où l'argent de la prospérité est-il parti se cacher, et qui l'y a caché ? Ici, nous abordons un des phénomènes économiques les moins bien compris par l'opinion publique : la destruction de l'argent par les fonctionnaires, son anéantissement invisible et sans marche arrière possible, sa disparition magique.

Dans l'esprit de la foule, l'argent est indestructible. C'est que l'imagination étatiste accorde bien plus de pouvoir à la monnaie que le libéral ne lui en reconnaît objectivement. Pour le libéralisme, l'argent est une invention, un outil, un moyen. Pour l'étatisme, l'argent est un principe métaphysique guidant le monde, une religion à mystères dont l'or est le sanctuaire et le Dollar l'eucharistie. Sa toute-puissance crée les riches - lesquels créent les pauvres, l'exploitation, la corruption, la pollution. Elle peut également, en de bonnes mains, créer des écoles, des hôpitaux et des festivals, à condition que ce soit sous le Haut Commandement bureaucratique et au détriment des riches.

Songeons un instant à l'affaire Cahuzac. Que s'est-il dit principalement ? Que les hommes politiques cachent leur argent. D'où l'Opération Transparence et les glapissements de la population française toute entière, si prompte à oublier qu'elle bénéficie chaque jour des privilèges qu'elle dénonce. Sur cent de nos compatriotes estimant que la Sécurité Sociale est une machine à gaspiller, combien évitent de se faire rembourser leurs médicaments de confort ? "J'y ai droit ! Avec tout ce que je leur donne en payant mes impôts, je peux bien récupérer une partie de ma mise !" : même chez les libéraux, on entend parfois cette thèse. Or, elle est économiquement absurde. L'argent de vos impôts a disparu pour l'éternité. Il a été jeté par la fenêtre dans un trou sans fond d'où rien ne remonte jamais. En profitant à la petite semaine de telle ou telle réduction, vous ne récupérez rien : vous volez quelqu'un d'autre, qui ne récupérera jamais ce que vous lui avez pris. Nul n'est à l'abri du réflexe mental qui veut croire l'argent permanent.

Les puissants planquent leurs richesses : telle est la conclusion qu'ont tiré, ensemble, de cette affaire et la droite et la gauche. Or, bonnes gens, sachez que l'argent détourné est de l'argent sauvé : il existe encore, celui-là ! Il n'a pas été vaporisé par les formulaires, les tours de tables des partenaires sociaux qui posent les vraies questions et les Grenelle du Cirque ! On sait où il est - même si l'on ignore dans quelle île, sur quel compte - et il y est en sécurité. On devrait remercier les politiciens de mettre à l'ombre des regards fiscaux les sommes subtilisées, car cela revient à sauver des valeurs qu'ils sont rémunérés pour détruire, et que l'État aurait abolies sans eux. Le peu de rationalité financière qui reste à ces tricheurs fait œuvre de résistance. Allant à l'encontre de leur éthique et de leur mission, les hauts fonctionnaires qui piratent les comptes de la nation empêchent la transfusion financière du néant par le contribuable.

Alors, dans ces conditions, il est loisible d'affirmer que l'affaire Cahuzac a servi l'État et le socialisme bien plus qu'elle ne les a blessés. Car tous, communistes, socialistes, centristes, démocrates, républicains, nationalistes, nous avons plongé la tête la première dans le piège tendu par l'idéologie : nous avons attaqué la fraude au lieu de condamner la destruction. Nous avons crié avec la meute "Arrêtez de dissimuler l'argent !" au lieu de hurler "Cessez de l'anéantir !" Parce que la social-démocratie lie indissolublement les banques et l'État, nous avons participé à inculper la finance en inculpant l'État, au lieu de défendre l'argent et de condamner ceux dont l'industrie est de le changer en absence d'argent - qu'ils travaillent dans le secteur public ou dans sa bienveillante complicité.

 

Le bureau du temps, c'est le bureau de l'argent

L'ennui, ce n'est pas Cahuzac, mais Mao Peninou ("Mao" est son vrai prénom, donné par ses vrais parents vraiment de gauche - tout le monde n'a pas la malchance de s'appeler Virginie Merle), fonctionnaire à la très-sainte Mairie de Paris. Dans la forteresse festive de Delanoë, Mao occupe un poste au titre orwellien : "En charge du Bureau des Temps". Authentique : il y a bel et bien un Bureau du Temps à l'Hôtel de Ville, auquel on doit l'invention de Pierrots de la Nuit, ces mimes censeurs patrouillant dans les zones vivantes de la nuit parisienne afin de faire taire les hordes de nightclubbers ivres morts - eux-mêmes jetés sur le trottoir par la législation anti-tabac. On aimerait qu'il y ait aussi un Bureau des Êtres et un Bureau de l'Antimatière, mais n'en demandons pas trop : le camarade Mao est d'avant-garde, il sera à coup sûr imité.

Donc, Mao finance les Pierrots de la Nuit. Budget de l'opération en 2012 : 125.000 Euros. Pas loin d'un million de Francs pour faire de lumpenprolétaires du spectacle des agents de sécurité sonore, des artistes-miliciens du silence. Ces 125.000 Euros, jamais la France ne les reverra. Ils n'existent plus. Ils sont morts pour rien. Il aurait mille fois mieux valu les placer sur le compte secret de Jérôme Cahuzac, quitte à lui laisser les intérêts en pourboire. Au lieu de quoi ils ont été dilapidés en déguisements lénifiants, en conférences de presse pour annoncer combien Mao est Akbar, et en indemnités permettant aux intermittents du "Chhhhuuuuut !" de prolonger leurs périodes d'inactivité. Quant à l'idée de relancer l'économie en distribuant des Euros à des mimes, qu'on nous laisse considérer que c'est une mauvaise blague. Qui se souvient du Plan de Relance, ce Léviathan du précédent quinquennat ? "Mille projets !", s'extasiait-on. On y promouvait entre autres - je ne plaisante pas - la réfection des clochers de France pour faire travailler les petits métiers, l'artisanat, le compagnonnage. De ce Plan de Relance, que reste-t-il ? Même pas un ricanement. Les clochers ne brillent pas plus qu'avant dans le soleil couchant. Le Plan Fillon a été avalé par l'amnésie citoyenne, où chaque grand projet annule et remplace le précédent, comme si approfondir un trou le rebouchait. Face à tant de coûteuse rigolade, que pouvons-nous ? Que faisons-nous ? Notre sentiment d'impuissance va s'aggraver dans la période qui s'ouvre.

Non, nous n'avons pas les bons réflexes. Oui, nous nous laissons aisément attraper par le miel événementiel dont Hollande nourrit l'électorat affamé. Oui, la droite républicaine est enlisée jusqu'au cou dans des débats inventés par le PS, guidés et gérés par le PS, réactivés semaine après semaine par le PS - et légèrement bousculés par les CRS, afin de générer le sentiment qu'il se joue quelque chose d'important et qu'on doit impérativement participer au débat, sans quoi l'on n'est plus citoyen. En fait, il n'y a pas de débat : il n'y a que la ruse idéologique, contre laquelle l'intelligence libérale bute comme une mouche sur une porte vitrée.

 

Choc de simplification idéologique

La nuit, en ville, dans la rue derrière vous, un freinage soudain, un choc sourd, un cri. Vous vous retournez. Un type vient de se faire renverser par une voiture. Il est à terre, dans une position bizarre. Vous vous ruez pour l'aider. Il a les yeux ouverts. Vous vous accroupissez à côté de lui, vous découvrez le tibia, l'os brisé, à nu, qui a déchiré le pantalon. Ça saigne. Il râle. Il est vivant. Vous plongez vos yeux dans son regard. Il a l'air ailleurs. Vous lui parlez doucement. Vous lui demandez à voix basse, comme si vous réveilliez un petit enfant : "Monsieur ? Monsieur ? Ça va ?" Erreur. Il ne répond pas : face à un grand blessé, il faut augmenter le volume.

Notre homme est en panique systémique. L'essentiel de ses capacités sensorielles et intellectuelles a rétréci. En d'autres termes, il entend moins bien, voit moins bien, sent moins bien, comprend moins bien, se souvient moins bien, imagine moins bien, etc. Il est toujours là, mais son esprit et ses sens sont recroquevillés sur eux-mêmes comme un hérisson en boule. Vous devez donc lui parler fort. Lui faire de grands gestes. Lui toucher la main. Le ramener à la surface. L'empêcher de glisser vers le bas, où l'attendent mille complications. Cela passe par un peu d'expansivité de votre part. Secouriste ou moine, il faut choisir.

Ce quidam au tibia en vrac, c'est l'économie française dans quelques semaines ou mois, si rien n'est fait pour endiguer le raz-de-marée d'absurdités dévalant sur nous depuis l'élection de François Hollande. Votre boulanger l'a compris, votre buraliste le sait, même votre prof de yoga s'en doute : lancée à pleine vitesse sous l'orage, la France est le sur le point de toucher le rail de sécurité - il faudra être un sacré cascadeur, pour survivre à la série de tonneaux qui s'ensuivra. Sa dette est si formidable qu'elle semble avoir avalé le pays entier. Son stupéfiant niveau d'imposition intime un vrai respect à l'égard de notre brave peuple, suffisamment entreprenant et dur à l'ouvrage pour se traîner jusqu'ici. Quand ce bon peuple s'affaissera sous le poids conjugué de l'État et des banques, il ne sera pas beau à voir. Il est déjà harassé, déshydraté, plein de crampes et de tremblements, il supplie entre deux suffocations, alors qu'il n'a pas encore vraiment trébuché. Qui osera lui reprocher de haïr la finance, comme tout le monde ?

Nous pouvons deviner comment ce grand blessé nous parlera, une fois sorti de sa commotion : il nous dénoncera. Si le libéralisme est l'âme du Capital, et si tous les maux du monde contemporain viennent de sa nature capitaliste, alors Hayek et Von Mises sont des diables bien plus affreux que Monsanto ou Total. Vous êtes leurs succubes. La question est : qu'allons-nous répondre à des gens ayant perdu la moitié de leurs neurones avec les deux tiers de leurs économies ? Comment nos idées vont-elles passer une épreuve comparable à celles de 1917, 1929 et 1933, quand la planète s'est fait des intraveineuses de mensonges et d'erreurs pour surmonter son désespoir ? Où allons-nous trouver le courage de brandir encore nos idéaux ? Selon quelle méthode ? Avec quels objectifs ? Et à quel prix ? Que sommes-nous prêts à perdre au nom de la liberté ? Sommes-nous disposés à vraiment souffrir ? Qui, parmi nous, préfère mourir que d'être réduit en esclavage ? Ce sont des interrogations qu'il est raisonnable d'examiner avant la grande glissade. La sempiternelle question philosophique sur la Résistance et la Collaboration, "Qu'aurais-je fait pendant la guerre ?" n'a plus guère d'intérêt. Il est urgent de lui préférer "Comment vais-je agir pendant la crise ?"

 

La bataille pour tous

Dans un article précédent, nous indiquions que la Manif pour Tous, du moins à travers sa communication - or, elle n'est rien d'autre qu'une campagne -, imitait trait pour trait les codes visuels, les symboles et les slogans de la gauche la plus affirmée. Le phénomène s'est aggravé ces dernières heures. Voilà que les anti-mariage gay portent des bonnets phrygiens roses, et exhibent un bel autocar ultra-moderne rouge sang, sur lequel ils ont écrit "François, touche pas au mariage, occupe-toi du chômage !", et où figurent des poings levés stylisés, plagiant sans honte ceux des affiches soixante-huitardes. Quoi de plus bête, lorsqu'on est de droite, que de demander à Hollande de s'occuper du chômage ? Ce slogan en dit long sur le caractère stratégiquement irréfléchi, publicitairement improvisé, intellectuellement borgne, de ce flashmob du mariage-bashing. Pauvre droite BCBG, obligée de singer la gauche bobo pour se sentir exister ! Pauvre antisocialisme incapable de s'aimer, alors qu'il est tellement beau et son ennemi est tellement laid. La droite décomplexée dont rêve Jean-François Copé est une droite transpolitique comme il y a des transsexuels. Elle ne laissera pas plus d'espace d'expression au libéralisme raisonnable que ne lui en concède François Hollande.

Cyber-Libertariens, à mesure que le pays s'enfoncera, nous allons avoir contre nous la terre entière, nos alliés y compris. Si nous ne nous plaçons pas très vite en formation de combat, nous allons nous faire laminer. Si nous ne sommes pas pessimistes aujourd'hui, nous serons désespérés demain. Et les plus individualistes d'entre nous vont se trouver si isolés qu'ils vont regretter de n'avoir pas cru à l'idée de communauté. Nos idées ne tiendront pas le coup sans nous. Et nous ne tiendrons pas le coup les uns sans les autres. Nous n'avons pas d'autre choix que de faire ce à quoi nous répugnons le plus : sortir la grosse artillerie. Parler à la France accidentée comme on parle aux blessés en état de choc. Cesser de couper les cheveux minarchistes en quatre avec des ciseaux libéraux, et inversement. L'ère des '"Je suis plus hayekien que Rand et plus randien qu'Hayek" s'achève. Aux chômeurs, il ne servira à rien de parler des contradictions entre Tocqueville et Bastiat. Aux ruinés, évoquer la propriété privée du corps ne sera d'aucune utilité. Aux néo-communistes et aux néo-fascistes, montrer la Main Invisible ne mènera nulle part. Nos armes préférées vont s'enrayer dans l'urgence et la violence d'une situation économique et politique inédite. Nos raisonnements vont se briser dans nos mains comme du cristal. Nos habitudes argumentaires vont passer au mieux pour des dandysmes, au pire pour des provocations. Soit le libéralisme français s'adapte au champ de bataille qu'il doit maintenant traverser, soit il finira crucifié sur les barbelés du no man's land. Et ici, aucun professeur d'Université, aucun think tank en costumes-cravates, aucun fanzine financé par des retraités désœuvrés ne nous seront de la plus petite aide. Nous sommes au milieu de nulle part et personne ne va nous tendre la main.

Nous nous proposons donc de livrer, à compter de dimanche et chaque semaine dans les pages de Cyber-Résistance, un mode d'emploi du combat libertarien. Il s'appuiera sur des notions stratégiques, sur des atouts du libertarianisme que nous oublions de faire valoir, sur une longue observation de nos adversaires, et sur une actualité qui s'annonce riche. La soviétologie, la connaissance des mécanismes de la communication, l'envie d'en découdre et le goût pour la victoire seront nos fils d'Ariane. Nous n'avons peut-être rien à gagner à livrer bataille, fors l'honneur. Nous avons tout à perdre si nous refusons de prendre au sérieux cet avertissement : "Tout le monde hait la finance". Et c'est un euphémisme. Nous prions pour que cette série d'articles provoque un débat, et que celui-ci apporte de nouvelles techniques, de nouvelles armes et de nouvelles munitions. Nous n'avons pas l'arrogance de croire que nous détenons l'arsenal entier. Mais nous avons l'humble ambition de vous inviter, tous ensemble, sur le champ de tir. Les exercices se déroulant à balles réelles, ce sera une bonne manière de mettre un terme momentané aux innombrables friendly fires entre libertariens. On reprendra les parties de paintball quand la crise sera terminée.

La fête est finie. Quand on aime la guerre, on profite de chaque instant. Et quand on ne l'aime pas, on la perd. Merci de bien vouloir oublier tes beignets fourrés, mon p'tit Baleine. On change de régime.

 


De Wikiberal

 

Le marché cognitif désigne l’espace dans lequel se diffusent hypothèses, croyances et explications implicites ou explicites du réel. Il ne recouvre pas seulement la connaissance et l'information dans leur sens courant, mais aussi les idéologies, les croyances sectaires, pseudo-scientifiques, magiques ou superstitieuses, les légendes urbaines, les théories du complot, etc.

Le terme a été créé par le sociologue Gérald Bronner (disciple de Raymond Boudon et de Max Weber) qui le définit ainsi :

Le marché cognitif appartient à une famille de phénomènes sociaux (à laquelle appartient aussi le marché économique) où les interactions individuelles convergent vers des formes émergentes et stables (sans être réifiées) de la vie sociale. Il s’agit d’un marché car s’y échangent ce que l’on pourrait appeler des produits cognitifs : hypothèses, croyances, connaissances, etc., qui peuvent être en état de concurrence, de monopole ou d’oligopole.[1]

Les concepts propres au marché s'appliquent en effet au marché cognitif :

  • loi de l'offre cognitive : plus l'offre d'un "produit" du marché cognitif (croyance, idée...) est importante, moins le coût de ce produit est élevé (plus les individus sont nombreux à adopter une proposition, moins cela coûte d'efforts pour endosser ce point de vue) ;
  • monopole cognitif : imposé par un pouvoir politique ou religieux, ou existant de facto quand un débat est clos sur un sujet donné et qu'un seul avis prévaut ;
  • oligopole cognitif : il existe un point de vue dominant, mais ce point de vue est concurrencé par d'autres, selon la loi de l'offre cognitive ;
  • concurrence cognitive : un "prix" s'établit en fonction de différents facteurs : le médiateur, le produit lui-même et le récepteur (acheteur potentiel de la croyance qui s'offre à lui).

Le marché cognitif résulte du développement fulgurant des technologies de l’information et principalement d'Internet, qui a réalisé d'une certaine façon la "libéralisation" de ce marché, de sorte que les "produits cognitifs" circulent à une vitesse jamais égalée. Bronner constate que le progrès des sciences et de la connaissance n'a pas fait disparaître l'empire des croyances, au contraire, si bien que selon lui « la concurrence (de l’information) sert le vrai, trop de concurrence le dessert. ».

Pour Bronner, trois qualités sociocognitives peuvent assurer le succès d’un "produit" (comme une rumeur) sur le marché cognitif[2] :

  • le critère d’évocation (la croyance doit être conforme à un espace logique propre au groupe social ; par exemple, certaines croyances ont été favorisées grâce à la diffusion d'ouvrages de science-fiction qui les proposaient dans un cadre fictif) ;
  • le critère de crédibilité (la conviction est liée à la nature des arguments, à l'absence d'argumentation contradictoire, à la sensibilité à l’administration de la preuve) ;
  • le critère de mémorisation (les récits contre-intuitifs sont mieux mémorisés).

Gérald Bronner s'intéresse aux "erreurs cognitives", qui, pour être fausses, sont cependant validées socialement, et permettent d'expliquer un certain nombre de phénomènes sociaux comme la manipulation ou les rumeurs. Il étudie ainsi le "biais de confirmation", c’est-à-dire la propension cognitive que nous avons à chercher les éléments qui confirment la règle plutôt que ceux qui l'infirment ; le biais de symétrie (ayant constaté que A entraîne B, on en déduit faussement que B entraîne A) ; le biais de disponibilité (on tire une conclusion en fonction d'exemples équivalents, aisément disponibles, qu'on a à l'esprit) ; le biais de représentativité (juger un cas particulier à partir d'un cas général) ; le "précautionnisme", c’est-à-dire la volonté d’appliquer inconditionnellement, et de façon idéologique, le principe de précaution[3] ; l’"effet Othello", manipulation des croyances à l’aide de scénarios ; la démagogie cognitive, qui "démocratise" les rumeurs ou les points de vue extrémistes ; la "croyance itérative", analogue au "concours de beauté" de Keynes (il n’y a pas besoin de croire en un point de vue, il suffit pour l'adopter de croire que les autres vont peut-être y croire, de même que dans le "concours de beauté" il ne s'agit pas de désigner la femme la plus belle, mais de deviner laquelle les participants au concours vont élire).

Notes et références

  1. La résistance au darwinisme : croyances et raisonnements
  2. Le marché, les banques et la rumeur - Quand la fiction contamine le réel, Gérald Bronner, Revue des Deux mondes, février 2012
  3. « Si le populisme est le débouché des pentes les moins honorables du cerveau humain, le précautionnisme fonctionne de la même façon. Il laisse entendre que le risque zéro, pourtant impossible, est un horizon à atteindre. » (Gérald Bronner)

Citations

  • Si les idées fausses, douteuses ou fragiles peuvent avoir des sources purement affectives, elles ont aussi, très souvent, des sources intellectuelles. Dans le cas général, l’on peut même dire que les deux types de sources se conjuguent et que l’une et l’autre sont indispensables pour provoquer la conviction. (Raymond Boudon)
  • Le marché cognitif appartient à une famille de phénomènes sociaux (à laquelle appartient aussi le marché économique) où les interactions individuelles convergent vers des formes émergentes et stables (sans être réifiées) de la vie sociale. Il s’agit d’un marché car s’y échangent ce que l’on pourrait appeler des produits cognitifs : hypothèses, croyances, connaissances, etc., qui peuvent être en état de concurrence, de monopole ou d’oligopole. (Gérald Bronner)

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24 novembre 2013 7 24 /11 /novembre /2013 11:10

Camarade Cyber-Libertarien ?

Vous avez décidé de combattre le collectivisme, ou du moins ses idées. Mais sur quel terrain allez-vous engager la bataille ? Attention aux mines ! 

Par Cyber-Résistant.

 

http://media.paperblog.fr/i/630/6304152/camarade-liberal-L-W0x4sO.jpeg

 

Le libertarianisme est l'aîné

Comme nous sommes entre connaisseurs, grillons les petites gares. Le libéralisme apparaît à la surface de la planète Terre, selon les théories, dès la Grèce antique, ou dans l'élan des Lumières. Peu importe, car l'essentiel est ici : le libéralisme est né avant le communisme – dont on ne saisit les premières traces que chez Babeuf, et dont la gestation va crescendo tout au long du XIXème siècle, jusqu'à la pyrotechnie russe de 1917. 

La logique voudrait donc que le libertarianisme se sente naturellement lui-même hors du champ de réflexion collectiviste, qu'il ne s'y aventure que pour mener des assauts ou se documenter sur l'adversaire, sans l'imiter. Or, le libertarien peut singer, sans en avoir conscience, le collectiviste.

 

Mieux que le sabre-laser : le matérialisme dialectique.

Dans notre lutte contre l'idéologie, nous autres libéraux disposons d'un armement d'élite : fusils de précision Hayek, radars Bastiat, avions de chasse Revel, porte-avions Aron. Du fiable, du sérieux, ça ne s'enraye jamais et ça dégomme des fans de Bayrou par troupeaux entiers. Mais le communiste, lui, ne se laisse pas faire. Il a confiance en ses chances. En effet, il est équipé en série d'une arme prodigieuse : le matérialisme dialectique (diamat pour les intimes). Qu'est-ce ? La structure de la pensée marxiste-léniniste, inchangée depuis un siècle et demi. Elle consiste en un détournement de Hegel par Marx et de Marx par Lénine. Comment ça marche ? Simple comme bonjour : le matérialisme dialectique part du principe que tout ce qui existe, les atomes, les planètes, les concepts, les sentiments, est régi par une seule et unique loi. Comment la résumer ? Plongeons dans un crâne de stalinien. 

1. Tout est contradiction, et toute contradiction est conflit. Les objets, les individus, les pensées, n'ont pas de définitions propres : on ne peut les envisager que dans la relation d'opposition qu'ils entretiennent avec leurs contraires. Ainsi, on ne peut définir le bourgeois que par rapport au prolétaire et inversement, et le rapport qui les lie est obligatoirement agressif : chacun veut prendre l'ascendant sur l'autre. Les galaxies et les microbes, et jusqu'à vos fantasmes, fonctionnent sur ce schéma.  

2. L'opposition entre les contraires est une tension, laquelle ne peut évoluer que vers la radicalisation. "L'aggravation des contradictions" – expression chérie des marxistes – permet au monde de se trouver un sens et d'évoluer. Plus le bourgeois et le prolétaire se haïssent, plus leur face-à-face est utile, fertile, prometteur. 

3. Lorsque cette haine atteint son climax, elle explose et crée un nouveau monde. Le marxiste parle alors de "saut qualitatif". C'est la définition de la révolution telle que la rêvent les porteurs de t-shirts du Che : la tension entre les contraires, une fois en ébullition, provoque une explosion générale, laquelle accouche d'une situation inédite.

4. Dans cette situation nouvelle, ce qui relève du passé est obsolète, encombrant, parasite. Vous, par exemple.

 

Le muscle idéologique

Proposition / contre-proposition / tension / déflagration / nouveau monde (lequel nouveau monde est une nouvelle proposition, laquelle appelle nécessairement une contre-proposition, etc) : c'est à travers cette progression en cinq étapes que le communiste voit le monde, le vivant, l'humain et l'Histoire. L'Univers et les bactéries n'existent qu'à travers ce process sans fin, par et pour lui. Rien n'est fixe, tout est mouvement, rien n'est vrai, tout est évolution, rien n'est moral, tout est progrès, et il faut que ça se tende, que ça explose, que ça se renouvelle en permanence. Ce véhicule n'a pas de freins. Au milieu de ce bouillonnement se joue le conflit fondamental : le combat à mort entre les puissants et les misérables, a.k.a. la lutte des classes.

Attention. Le communiste ne se contente pas d'observer les êtres, les choses et les idées à travers ce prisme. Il pense ainsi, et il vit ce qu'il pense. Il a tendance à chercher la contradiction, à détecter la tension, à l'encourager. Le diamat n'est pas seulement une paire de lunettes déformantes qui fait voir des conflits partout, c'est également une drogue qui donne envie d'aggraver ces conflits afin de provoquer, de manière mécanique, des explosions. Le diamat ne pense pas à votre place, mais il sculpte votre pensée, il la guide, la met en perspective. L'effet produit est à la fois rassurant, enivrant, et permet de tenir tête à nombre d'adversaires.

 

Existe en plusieurs couleurs

Cette machinerie mentale fait du communiste un militant politique très particulier, unique en son genre dans le paysage français. Le matérialisme dialectique vous change un homme. L'encarté du FN peut être empli de ressentiments, d'errances conceptuelles, de peurs justifiées et de slogans infirmes, mais le fonctionnement général de son cerveau reste banal. Il n'y a pas de reformatage complet du fonctionnement neuronal chez le frontiste comme chez le communiste français. Entendons-nous bien : mon propos n'est pas que le FN rend moins bête que le PCF, mais que le diamat réorganise entièrement le cerveau qu'il contamine, alors que le lepénisme se contente de le manipuler. En d'autres termes : le communiste n'a pas besoin d'un leader fort, car il a une grande théorie. Chaque communiste est un Lénine, car le diamat permet de penser exactement comme Lénine sans même avoir à le lire.

La mentalité politique d'un lepéniste est beaucoup moins ordonnée, carrée, solide, pugnace, coriace que celle d'un trotskiste. Et ce caractère blindé, métallique, du communisme déteint sur le socialisme son allié. Allez donc sur ina.fr regarder les vidéos de Rocard à la fin des années 60 et dans les années 70 : il n'a que la "rupture avec le capitalisme" à la bouche. De même pour Mitterrand, qui harangue la foule en affirmant que "celui qui n'est pas prêt à rompre avec le capitalisme, celui-là n'a pas sa place au Parti Socialiste" (ovation monstre). Idéologiquement parlant, Rocard et Mitterrand, à l'époque, ne sont pas si différents d'un Mélenchon aujourd'hui. Une part non négligeable du socialisme français parle couramment le diamat. Tous les anciens trotskistes du Gouvernement le connaissent par cœur. Nombre de journalistes également, Edwy Plenel le premier.

 

Vous jouez à domicile, ou à l'extérieur ?

Que le diamat déteigne sur le PS, soit, on s'y attendait. Sur le centre ? Bien sûr, puisque le centre refuse d'être à droite. Sur la droite ? Oui, car le post-gaullisme est un recyclage patriote de concepts mitterrandiens. À l'extrême-droite ? Sans aucun doute : les diatribes contre la finance en font foi. Mais sur le libertarianisme ? Quand même pas ! Pas nous ! Voire.

Que veut le marxisme ? Il veut jouer à domicile : il entend que le libertarianisme soit le contraire du marxisme. Pourquoi ? Parce que cela permettra au diamat de créer un conflit contradictoire, symétrique. Donc d'engager la bataille sur le terrain même du diamat – et non en terrain libertarien ou neutre. Le marxiste fait son possible pour que son pré carré personnel, intime, constitue le champ de bataille. Un communiste, un socialiste hardcore vous proposent de jouer sur leur territoire traditionnel, le seul qu'ils connaissent, le seul où ils puissent vaincre : celui de la contradiction, de la tension, du choc des extrêmes. C'est, pour eux, la meilleure chance de vous terrasser ; et c'est un progrès objectif, presque un devoir sacré, puisqu'à travers ce minuscule choc frontal marxisme-libéralisme, se jouent le déroulement, la fluidité du diamat et de la lutte des classes. Chaque discussion de bistro entre un libéral et un communiste participe au grand Tout révolutionnaire.

Où le bât blesse, c'est que, nous l'avons vu, le libéralisme est antérieur au communisme, et ne peut donc en aucun cas être son contraire : le communisme n'entre pas en compte dans la définition première du libertarianisme. De même, le marxisme, le communisme, le socialisme hardcore ne sont pas des contraires du libéralisme, pour la bonne raison qu'ils ont leur cohérence propre. Le libertarianisme n'a pas de diamat. Mais le collectiviste a besoin qu'il y ait contradiction : il la crée donc artificiellement. Et, à cet instant, tout est dans vos mains.

 

Ne faites pas le déplacement

Si vous acceptez d'être le contraire du communiste, vous jouez sur son terrain, chez lui, sur son gazon pourri dont il connaît chaque trou, dans son stade trop grand cerclé de statues d'ouvriers trop musclés, avec son public aviné et enragé, et un arbitre impressionné par l'ambiance délétère. Tous les amoureux du sport savent que jouer à l'extérieur est objectivement plus difficile qu'à domicile. Vous avez le plus grand mal à marquer le moindre but et vous prenez deux cartons rouges. Tous vos arguments, vos belles intentions sont enfermés dans le décor manichéen, bicolore, simpliste, du diamat : quand bien même vous ne dites que la vérité, quand bien même vos raisonnements sont clairs et compréhensibles, quand bien même vous vous montrez à l'écoute et amical, vous adoptez une position contraire à la position communiste, ce qui génère une tension allant crescendo au fil de la discussion, ce qui lui fait hausser la voix, ce qui vous fait monter d'un ton, ce qui l'énerve, et l'on se dirige tout droit vers une explosion... donc, Marx et Lénine ont raison ! Vous venez de renforcer un néo-bolchévique dans l'envie de vous faire monter, et toute votre famille avec, et bientôt vos amis, dans un wagon de marchandises.

Mais il y a pire : vous venez également d'imposer au libertarianisme une forme idéologique. Vous en avez fait le reflet d'une machine. Donc, vous lui avez fait perdre sa forme originelle, vous l'avez mécanisé. Ce faisant, vous avez muselé son potentiel, entravé sa puissance de feu, réduit sa marge de manœuvre, ralenti ses réactions, appauvri ses intuitions et sali son panache. Dans un duel "machine vs. machine", ce libéralisme aux pieds de plombs, prévisible, ne fera pas nécessairement le poids dans son choc avec le tank idéologique du camarade Lénine. Vous rentrez à la maison avec un match nul dans la musette, au mieux. Et les témoins de la discussion diront le lendemain devant la machine à café : "Quand tu les vois discuter, tu te dis forcément qu'ils se valent, en fait". Vous êtes le contraire d'un communiste, rien de plus, une misère : un faire-valoir. Par votre faute, l'idée de liberté a perdu des points. Et des points, on en manque, ces derniers temps.

Nous sommes tous passés par là. Le collectiviste dit au libéral : je suis ton miroir inversé. Diabolique est la tentation de se regarder en ce miroir. Pour le libertarien, le premier moyen, le plus urgent, de ne pas ressembler au collectiviste est de ne pas consentir au rôle maudit de contraire. 

 

Un exemple pour conclure

 Chaque fois qu'un libertarien, à l'oral comme à l'écrit, utilise le mot "capitalisme" au lieu des mots "échange", "commerce" et "marché", il marque contre son camp. Non parce que le capitalisme serait moins bon que l'échange. Mais parce qu'appeler "capitalisme" l'échange, c'est très précisément une tactique léniniste. Se dire "Je vais les battre avec leurs propres armes" ne fonctionne pas. La vérité politique n'est pas douée pour le pantomime. Nous ne devons pas engager la bataille aux socialistes à leur niveau, où ils nous attendent, mais en restant au-dessus. Parachutez-vous sur les promontoires avec de quoi tenir un siège, et sortez les catapultes. À vous la vue panoramique, à eux les marécages. Qu'ils sortent du brouillard, s'ils osent. Vous n'y entrerez pas.


De Wikiberal

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/56/Lenin,_Engels,_Marx.pngLe matérialisme historique ou conception matérialiste de l'histoire est la conception marxiste de l'histoire. Elle repose sur la thèse selon laquelle les événements historiques sont la résultante des conditions économiques et sociales, en particulier des rapport entre classes sociales :

«Dans la pratique sociale de leur vie, les hommes entrent en rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté, rapports de production qui correspondent à un certain degré de développement de leurs forces productives matérielles. L'ensemble de ces rapports de production constitue la structure économique de la société, la base réelle sur laquelle s'élève une superstructure juridique et politique et à laquelle répondent des formes sociales et déterminées de conscience. »
    — Karl Marx, Préface à la critique de l'économie politique

Concept

Cette conception s'intéresse aux conditions d’existence des êtres humains, aux rapports entre les classes sociales, et à leur influence sur les évolutions historiques, pour analyser les causes des développements et des changements qui s'opèrent dans les sociétés. Cependant cette conception n'est pas forcément conforme à l'histoire. Elle prétend expliquer l'histoire par des lois immuables. Conséquence de cet a priori, les adeptes du matérialisme historique ont un parti-pris qui cherche à faire rentrer les faits historiques dans la théorie. Cette démarche est à l'exact opposé de la rigueur de la recherche historique.

Dans le pire des cas, ceci conduit à la tentation totalitaire : il faut forcer le cours de l'histoire dans une certaine direction, en se fondant sur une fausse conviction que l'on « sait » la façon dont l'histoire est en mouvement. La doctrine (le marxisme) va à contresens d'une recherche historique véritablement scientifique, et conduit à des projets politiques qui se soucient peu de la morale, des intérêts et des convictions de la population. A l'inverse de cette démarche, le libéralisme propose des démarches basées sur un cheminement par erreurs et corrections, sans dogmatisme.

Une façon d'évaluer les mérites du matérialisme historique serait de regarder les résultats réels des recherches historiques effectuées par les marxistes, les semi-marxistes (comme l'école des Annales) et les non-marxistes qui prétendent avoir été inspirés par le matérialisme historique. De ces travaux on voit qu'il n'y a pas le moindre début de preuve que le matérialisme historique soit véritablement scientifique, explique mieux certains faits historiques que d'autres théories et ait une réelle capacité à expliquer le présent (ce qui est une fonction importante de l'étude de l'histoire).

Le matérialisme historique constituait au XXe siècle une base idéologique dogmatique de l'URSS ; il y était enseigné de façon officielle (cet Истмат, redouté des étudiants, était une matière obligatoire et éliminatoire aux examens). Les étudiants apprenaient que le développement de la société passait par les stades du communisme primitif, puis de l'esclavage, puis du féodalisme, puis du capitalisme, pour s'achever enfin dans le communisme et la société sans classe. Cependant il n'y eu aucun développement « scientifique » de cette théorie, que Karl Popper appelait une pseudo-science puisqu'irréfutable.

On doit également noter que le terme de « matérialisme historique » n'est pas de Karl Marx. Il a parlé uniquement de « nouveau matérialisme » et, plus tard de « conception matérialiste de l'histoire ». Le terme est considéré comme impropre, voire comme une trahison de la pensée de Marx, par plusieurs marxologues (en particulier Maximilien Rubel). Toutefois ce concept, au contenu flou et changeant, a été revendiqué par la plupart des courants se déclarant marxistes et fait partie intégrante de la doctrine marxiste.

Une métaphysique dogmatique

Pour les idéologues marxistes, le matérialisme historique est une espèce de clé qui ouvre toutes les portes. Ainsi, un mathématicien marxiste, Paul Labérenne, n'hésite pas à affirmer que le marxisme donne l'explication de l'évolution historique des mathématiques en fonction des conditions techniques, économiques et sociales dont elles dépendent... Michael Polanyi s'est particulièrement attaché à réfuter la vision du développement scientifique comme conséquence d'une quelconque « demande sociale ».

En réalité, son ontologie matérialiste et son historicisme font du matérialisme historique une métaphysique dogmatique analogue à une religion. Comme l'explique Luc Ferry :

Cette ontologie vire aussitôt à l'onto-théologie en servant non seulement de fondement à la connaissance, mais au réel historique. Où l'on retrouve au passage, mais bien sûr sous une forme déguisée, la structure la plus fondamentale de l'argument ontologique : grâce à la connaissance des lois de l'histoire fondée sur le concept d'infrastructure-cause (dialectique) des superstructures, on va pouvoir déduire l'existence du concept, par exemple la nécessité absolue de l'avènement du communisme, à partir des contradictions du capitalisme. Comme dans la théologie la plus traditionnelle, on déduit le futur du présent, donc l'existence à venir du concept d'aujourd'hui. A cet égard d'ailleurs, le marxisme finit par être moins déconstructeur de la métaphysique que piégé lui-même par les illusions les plus classiques de celle-ci. [1]

De la même façon, pour Julien Benda le matérialisme historique est une "position mystique" (Préface de 1946 de la Trahison des Clercs). Pour Joseph Schumpeter, c'est même une religion :

Sous un certain aspect important, le marxisme est une religion. A ses fidèles il offre, en premier lieu, un système des fins dernières qui donnent un sens à la vie et qui constituent des étalons de référence absolus pour apprécier les événements et les actions ; de plus, en second lieu, le marxisme fournit pour atteindre ces fins un guide qui implique un plan de salut et la révélation du mal dont doit être délivrée l'humanité ou une section élue de l'humanité. Nous pouvons préciser davantage : le socialisme marxiste appartient au groupe des religions qui promettent le paradis sur la terre. (Capitalisme, socialisme et démocratie, 1942)

Ludwig von Mises souligne également le messianisme historique du marxisme :

L'essence de la philosophie marxiste est ceci : nous sommes dans le vrai parce que nous sommes les porte-parole de la classe prolétarienne montante. Le raisonnement discursif ne peut invalider nos thèses, car elles sont inspirées par le suprême pouvoir qui détermine la destinée de l'humanité. Nos adversaires ont tort parce qu'il leur manque l'intuition qui guide nos esprits. Ce n'est, évidemment, pas leur faute si en raison de leur origine de classe ils ne sont pas pourvus de l'authentique logique prolétarienne et sont aveuglés par des idéologies. Les insondables décrets de l'histoire nous ont élus et les ont condamnés. L'avenir est à nous. (L'Action humaine, première partie, chapitre III)

Points de vue libéraux

La théorie marxiste a suscité de nombreuses critiques. Ainsi, dès 1897 dans La Conception matérialiste de l'histoire, le sociologue libéral français Émile Durkheim distinguait dans la théorie marxiste deux composantes : d'une part, reconnaître l'importance des phénomènes économiques et sociaux dans l'évolution des sociétés. Le point lui paraît important mais aucunement lié au marxisme :

« Nous croyons féconde cette idée que la vie sociale doit s'expliquer, non par la conception que s'en font ceux qui y participent, mais par des causes profondes qui échappent à la conscience. [..] Seulement, nous ne voyons aucune raison pour la rattacher au mouvement socialiste, dont elle est totalement indépendante. Quant à nous, nous y sommes arrivé avant d'avoir connu Marx. »

Cela ne prouve en rien l'existence de la lutte des classes postulée par Marx pour expliquer la marche de l'histoire et encore moins l'inexorabilité du socialisme :

« il ne nous est pas possible d'apercevoir quelle part le triste conflit de classes dont nous sommes actuellement les témoins a pu avoir dans l'élaboration ou dans le développement de cette idée. (..) Le socialisme a pu utiliser l'idée à son profit ; mais il ne l'a pas produite et, surtout, elle ne l'implique pas. »

Associer ces deux composantes comme le fait le marxisme est une erreur. Durkheim souligne :

« cette confusion est dénuée de tout fondement ; et il importe de la faire cesser. Il n'y a aucune solidarité entre ces deux théories, dont la valeur scientifique est singulièrement inégale »

Le philosophe Julien Benda[2] a critiqué fortement le matérialisme historique dans la préface de 1946 à son ouvrage La Trahison des Clercs paru en 1927. Comme la plupart des auteurs, il englobe dans sa réflexion matérialisme dialectique et matérialisme historique, ce dernier étant grosso modo plus sociologique alors que la dialectique marxiste est plus abstraite et générique. Benda critique le matérialisme dialectique en arguant qu’en se référant à des lois supposées de l’histoire, il s’oppose en tout point à la démarche rationnelle qui devrait être celui des clercs. Il écrit :

« Cette position [le matérialisme dialectique] n’est aucunement, comme elle le prétend, une nouvelle forme de la raison, le « rationalisme moderne  » ; elle est la négation de la raison, attendu que la raison consiste précisément, non pas à s’identifier aux choses, mais à prendre, en termes rationnels, des vues sur elles. Elle est une position mystique. »

Il est à noter que l'analyse de Benda avait été formulée par Ludwig von Mises en 1922 dans Socialisme. Il voyait dans le matérialisme historique une « métaphysique ». Dans Theory and History (1957), il critique le fondement même du matérialisme historique :

« Nous pouvons résumer la doctrine marxiste de la manière suivante : au commencement, il y a les « forces matérielles productives », c'est-à-dire l'équipement technologique utilisé pour les efforts productifs de l'homme, les outils et les machines. Aucune question relative à leur origine n'est autorisée, ils sont là, c'est tout, il nous faut supposer qu'ils sont tombés du ciel. »

Mises explique alors que c'est la conscience, plutôt que la matière, qui prédomine en matière de technologie :

« Une invention technologique n'est pas quelque chose de matériel. C'est le produit d'un processus mental, du raisonnement et de la conception de nouvelles idées. Les outils et les machines peuvent être qualifiés de matériels, mais l'opération de l'esprit qui les a créés est certainement spirituelle. Le matérialisme marxiste ne permet pas de remonter de la « superstructure » et de l'« idéologie » à leurs racines « matérielles ».  »

Mises explique ensuite que la technologie et l'appareil de production sont issus d'un processus essentiellement mental, à savoir, l'inventivité. Il leur faut de plus du capital, issu de l'épargne, et une coopération sociale issue de la division du travail.

Le matérialisme historique est un principe d’action et non de raison pour Benda, un principe de révolutionnaire :

« C’est pourquoi elle est d’une valeur suprême dans l’ordre pratique, dans l’ordre révolutionnaire, et donc tout à fait légitime chez des hommes dont tout le dessein est d’amener le triomphe temporel d’un système politique, exactement économique, alors qu’elle est une flagrante trahison chez ceux dont la fonction était d’honorer la pensée précisément en tant qu’elle se doit étrangère à toute considération pratique. »

Benda va plus loin dans sa critique, accusant expressément les tenants de cette doctrine de ne la défendre que pour faciliter les ralliements à leur cause (marxisme dans le cas de Vychinsky qu’il cite) :

« Si l’on demande quel est le mobile de ceux qui brandissent cette méthode, la réponse est évidente : il est celui d’hommes de combat, qui viennent dire aux peuples : « Notre action est dans la vérité puisqu’elle coïncide avec le devenir historique ; adoptez-la. » »[3]

Le philosophe des sciences Karl Popper s'est attaqué au matérialisme historique dans Conjectures et Réfutations et dans La Société ouverte et ses ennemis. Popper souligne d'une part l'intérêt de la démarche visant à s'intéresser aux conditions économiques et sociales pour comprendre l'histoire. Il écrit ainsi, parlant de l'aspect « économisme » du matérialisme :

« On peut dire de l'économisme de Marx qu'il représente une avancée de grande valeur dans la méthode des sciences sociales »[4].

Néanmoins, Popper critique fortement la partie historiciste du matérialisme historique, sa dimension de « prophétie historique ». L'économisme doit être utilisé avec modération, sans prétention d'explicitation de tous les événements. Sinon, en croyant pouvoir tout expliquer par les conditions économiques, la méthode ne passe pas le test du critère de falsifiabilité qui est la pierre de touche de la pensée de Popper.

Citations

  • « Sans même opposer au matérialisme économique aucun fait défini, comment ne pas remarquer l'insuffisance des preuves sur lesquelles il repose ? Voilà une loi qui a la prétention d'être la clef de l'histoire ! Or, pour la démontrer, on se contente de citer quelques faits épars, disjoints, qui ne constituent aucune série méthodique et dont l'interprétation est loin d'être fixée. [..] Non seulement l'hypothèse marxiste n'est pas prouvée, mais elle est contraire à des faits qui paraissent établis. » (Emile Durkheim, La conception matérialiste de l'histoire[5])
  • « Je hais, pour ma part, ces systèmes absolus, qui font dépendre tous les événements de l’histoire de grandes causes premières se liant les une aux autres par une chaîne fatale, et qui suppriment, pour ainsi dire, les hommes de l’histoire du genre humain. Je les trouve étroits dans leur prétendue grandeur, et faux sous leurs airs de vérité mathématique. Je crois, n’en déplaise aux écrivains qui ont inventé ces sublimes théories pour nourrir leur vanité et faciliter leur travail, que beaucoup de faits historiques importants ne sauraient être expliqués que par des circonstances accidentelles et que beaucoup d’autres restent inexplicables ; qu’enfin le hasard ou plutôt cet enchevêtrement de causes secondes, que nous appelons ainsi faute de pouvoir les démêler, entre pour beaucoup dans tout ce que nous voyons sur le théâtre du monde ; mais je crois fermement que le hasard n’y fait rien, qui ne soit préparé à l’avance. Les faits antérieurs, la nature des institutions, le tour des esprits, l’état des mœurs, sont les matériaux avec lesquels il compose ces impromptus qui nous étonnent et nous effraient. » (Alexis de Tocqueville, Souvenirs)
  • « La démarche (de Marx) consiste à poser a priori qu'il existe des lois pour quelque chose, à prétendre ensuite connaître ces lois par on ne sait quelle opération, puis d'en déduire des conséquences qu'on proclame infaillibles, quitte à les modifier par la suite si la nécessité l'exige. On pose pour finir une règle morale dont la vertu consiste à tout faire pour que les prédictions s'accomplissent. La construction a fait recette dans les multiples sectes religieuses, sociales ou philosophiques. » (Georges Charpak, Roland Omnès)[6]

Notes et références

  1. La révolution de l'amour, Plon, 2010
  2. Il convient de noter que Benda n'est pas libéral, même si la critique qu'il formule ici rejoint la critique libérale
  3. Julien Benda, La Trahison des Clercs, Préface de 1946, [lire en ligne]
  4. Karl Popper, La Société ouverte et ses ennemis, chapitre 15
  5. Emile Durkheim, La conception matérialiste de l'histoire, 1897, [lire en ligne]
  6. Soyez savants, devenez prophètes, Odile Jacob, 2005

Voir aussi

Bibliographie
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17 novembre 2013 7 17 /11 /novembre /2013 20:19

L'arme fatale du Cyber-Libertarianisme

Le rêve des soviétologues était de vaincre l'URSS par la force de la pensée. Certains, parmi les plus grands, étaient libéraux et français. Nous ferions bien de nous en inspirer.

Par Cyber-Résistant.

  http://media.paperblog.fr/i/629/6298581/larme-fatale-liberalisme-L-tNRZlC.jpeg


J'ai affronté leur idéologie. Mais en marchant contre eux, c'était ma propre tête que je portais sous le bras.
— Alexandre Soljenitsyne.

 

Interdit aux mauviettes

Ils étaient les Forces Spéciales de la recherche anti-totalitaire. Ils se donnaient pour mission de comprendre le communisme, et ils voulaient le comprendre pour le détruire. Ils se glissaient dans les canalisations idéologiques les plus infectes, rampaient dans la boue léniniste au risque d'y périr étouffés, arrachaient un à un les barbelés théoriques en se faisant canarder par l'ennemi. Ils risquaient leurs nerfs, leurs réputations, parfois leurs vies. Car déclarer la guerre intellectuelle à une URSS au faîte de sa gloire, c'était attirer l'intérêt vengeur du PCF et du KGB, et il ne faisait pas bon avoir ces officines-là sur le dos. Ils avaient décidé de ne pas avoir peur, ou le plus tard possible. Ils écrivaient comme on appuie sur la gâchette, conféraient comme on requiert la peine maximale. Ils étaient libéraux, fréquentables et élégants pour la plupart, mais guerriers. On les appelait : les soviétologues. Leurs noms brillent au firmament du courage intellectuel, et particulièrement français. Il se pourrait que nous ayons de nouveau besoin d'eux à l'avenir – voire même tout de suite. Apprenons à les admirer – et à essayer leurs armes. Face au socialisme, si le libéralisme est un sabre, la soviétologie est une tronçonneuse.

 

L'ombre du pire

Qu'est-ce que la soviétologie ? L'étude raisonnée du système soviétique. Étudier le communisme, c'est étudier le Mal qui est au cœur du socialisme. Comme Lénine résume à lui seul toutes les figures possibles du pouvoir communiste, et que son disciple Staline porte ce pouvoir à son point de perfection, il est raisonnable de considérer que l'URSS de 1917 à 1945 est un champ d'exploration idéal : il contient, en acte ou en puissance, l'ensemble des folies qui marqueront la seconde moitié du XXème siècle. Mao, Castro, la Corée du Nord, les Khmers Rouges sont préparés à distance par les thèses et les expérimentations d'Oulianov et Djougatchvili. On peut s'intéresser à Brejnev ou à Mao, mais leurs biographies ne nous apprendront rien de fondamental qui ne soit le développement logique de la perspective Lénine-Staline. Le système suicidaire inventé par Pol Pot diffère du soviétisme, mais il ne s'en éloigne jamais.

Qu'est-ce qu'étudier cette période pour comprendre le communisme et, au-delà, le socialisme ? C'est étudier un massacre. Le communisme a fait cent millions de morts. Qu'on nous permette de proposer une échelle de comparaison : cent millions égale dix-sept Shoah. La soviétologie observe à la loupe le plus grand charnier de tous les temps. Ce n'est pas de gaité de cœur. Mais il se trouve que, dès les premières heures de pouvoir communiste, en octobre 1917, le chaos s'installe, et avec lui la violence et la peur. La sauvagerie est inséparable de la naissance du collectivisme et de son parcours sur la surface de la Terre. Une sauvagerie qui n'a rien de naturel, qui semble comme mécanisée, fille des tranchées de 14-18 et de l'hypnose idéologique. Enfantée par la civilisation, elle se prétend moderniste. Pourtant, elle égorge à la chaîne, en transe, telle un prêtre maya un jour de sacrifices humains. Les bolchéviques blêmes et bavards à peine installés sur le trône, l'arbitraire prend ses aises et les cadavres s'entassent, les camps apparaissent, les wagons à bestiaux y mènent. Le soviétologue est un croque-mort. Il peut aimer la bonne chère, avoir de l'humour, cependant, il y a une ombre sur son front. Il écoute les victimes, il scrute leurs innombrables récits, car elles seules disent la vérité, elles seules connaissent le visage de la Bête.

 

Le bourbier de bois

La confrontation avec une violence aux dimensions planétaires est la première difficulté de la soviétologie. Le mensonge qui dissimule les fosses communes est la deuxième.

Car toute l'idéologie est un mensonge. Une erreur, si vous préférez, ou une crise de démence, peu importe : in fine, à peu près tout en elle est faux. Pour avoir bourlingué dans la langue de bois communiste pendant des décennies, nous croyons pouvoir affirmer qu'une phrase marxiste-léniniste sur cent environ peut être considérée comme ayant un rapport – même vague, même incertain – avec la réalité. Les quatre-vingt-dix-neuf autres sont pure invention intello, bavardage pseudo-scientifique et anti-littéraire – il n'y a pire logorrhée que l'idéologie : le style en est définitivement absent –, fable glaciale singeant Hegel, heroic fantasy prétendument prolétarienne. La langue de bois n'aurait jamais dû envahir le monde. Elle est la moins lisible de toutes les écritures. Le cerveau lui résiste comme le bétail à la boucherie. Hélas, pour notre malheur, un empire entier la parla et la proclama 24/365, soixante-dix ans durant. Cet empire occupait, au milieu des années 70, un cinquième des terres immergées. Jusqu'à Washington, on le redoutait, on en faisait des insomnies ; la crise des missiles de Cuba plaça l'humanité en apnée pendant des jours entiers. On peine à imaginer aujourd'hui le poids qu'a fait peser sur le siècle dernier la présence d'un espace soviétique, puis communiste chinois. Puisque la démocratie et le marché avaient été inventés précédemment, l'irruption du totalitarisme collectiviste, et sa montée en puissance au fil des années – au point de se lancer dans un spectaculaire duel avec les États-Unis – furent la grande affaire du siècle dernier. Jamais la liberté n'avait eu à affronter un adversaire aussi robotique, déterminé, brutal et coriace.

Or, cet Alien politique était également séducteur, désinformateur, flatteur, grand-maître de la dissimulation : le monde rouge influença sciemment et sournoisement les intellectuels des cinq continents. On leur promettait de diriger le destin des foules, ils signèrent tout de suite. Ils se mirent alors, à leur tour, à parler cette non-langue, par mode, par lâcheté, pour complaire à leurs modèles révolutionnaires. Ainsi se propagea-t-elle jusqu'à nous. Les Russes acceptèrent la langue de bois parce qu'ils avaient un canon sur la tempe, et l'on peut les comprendre. Il faut en revanche déplorer que les démocraties l'aient adoptée de leur plein gré, via leurs universitaires, leurs sociologues, leurs économistes, leurs philosophes et leurs artistes révoltés en tous genres. Si tant de journalistes et de professeurs contemporains s'expriment dans un idéolecte comparable à celui d'un bolchévique, c'est la conséquence d'une très ancienne volonté soviétique. L'URSS a disparu, mais pas son empire intello.

 

Le labyrinthe de bois 

Seulement, il y a un problème. Troisième difficulté. La langue de bois est indispensable. Elle l'est au communisme, car elle constitue le corps de l'idéologie, l'hostie dogmatique. Et elle l'est au soviétologue, car, aussi extraordinaire que cela puisse paraître, la langue de bois est la pensée du communisme dans la langue du communisme, exactement comme le Coran est la pensée d'Allah dans la langue d'Allah. En d'autres termes : une étude attentive, raisonnée, documentée, comparée, de la langue de bois permet d'entrer dans le cerveau du collectivisme, de visiter ses lobes et ses synapses, de disséquer ses circuits et de poser ses neurones sous le microscope. Aux yeux du soviétologue, lire la Pravda est la chose la plus utile qui soit, et les efforts que l'on fait pour espionner Brejnev ne vaudront jamais ceux pour quadriller Lénine.

La soviétologie estime que la langue de bois est la clé, parce que cette langue est systémique, tout comme l'empire soviétique, et qu'elle nous permet de voir clair dans les intentions, les fantasmes, les rêves et les secrets de l'idéologie. La langue de bois n'est pas une opacité, mais une transparence. Elle n'a aucun rapport avec la réalité, mais elle parle comme personne de l'irréalité collectiviste. Elle rend cohérente cette irréalité et, par-là, en dévoile les innombrables échafaudages cachés. La langue de bois n'est pas la forme de la Babel communiste : elle est la tour elle-même. Elle est l'idéologie, elle est la propagande, et elle est la terreur. Le soviétologue passe sa vie en sa compagnie.

 

Liberté contre système

La soviétologie voit un système, un seul, toujours le même, quand elle regarde le soviétisme et ses dérivés. Armé des thèses et des intuitions de Soljenitsyne (l'Archipel du Goulag reste, en 2013, indépassable en termes de vérité sur le communisme), d'Orwell (qui a fait voir par le roman ce que la philosophie était incapable de saisir), d'Arendt (dont les constructions cauchemardesques constitueront pour longtemps encore un indispensable arsenal conceptuel), de Zamiatine (précurseur russe d'Orwell), de Chalamov (l'autre grand écrivain des camps après Soljenitsyne), d'Aron (berceau de la meilleure pensée française de droite dans l'après-guerre) et de myriades de témoignages et de documents sous le manteau, le soviétologue cherche à esquisser le schéma le plus explicatif et le plus prédictif possible du communisme réel. Puisque ce Mal, le collectivisme, est une immense machinerie, conçue comme telle et fonctionnant comme telle, en découvrir le plan permettra de la démonter. La soviétologie est une science qui entend détruire son objet, mais en conservant son sang-froid. En joueuse d'échecs. Elle veut être la forme d'intelligence qui anéantira la forme l'intelligence nihiliste.

Et ça marche. Les soviétologues seront les premiers chercheurs et universitaires à pouvoir dire : "Nous savons comment pense l'ennemi, nous savons ce qu'il veut, comment il compte l'obtenir, et comment le contrer". Ce pour deux raisons. Ils sont les premiers à livrer de l'histoire soviétique une interprétation qui rende justice à l'effroyable complexité de la réalité communiste. Et ils sont les premiers à rendre l'URSS prévisible. Si, comme le pensent les soviétologues, la systèmie est telle que le Politburo, plus haut organe de commandement de l'empire, fonctionne exactement comme une cellule de base du Parti, suivant les mêmes règles, avec le même langage et les mêmes rites, alors, il devient possible de voir quelle direction prend le système soviétique avant même qu'il en prenne conscience. Il a sa logique propre, et les soviétologues la connaissent mieux que lui, car ils savent ce qu'il est ET ce qu'est la vérité, tandis qu'il ne connaît que sa propre nature : il s'intoxique. Victime d'anosognosie, il ne sait pas de quoi il est atteint. Il ignore quel virus idéologique pullule en lui, tandis que ce même virus est soigneusement scanné et disséqué par les microscopes électroniques de la soviétologie.

 

Deux implacables font honneur au libertarianisme

Les heures de gloire de la soviétologie sont la seconde moitié des années 70, quand l'URSS mène la danse. Car, à ce moment précis, il y a vraiment le feu. Plus rien ne permet de prétendre que les USA sortiront vainqueurs du bras de fer contre Brejnev. Considérez ce dernier, bureaucrate débile et alcoolique, comme un des empereurs les plus puissants de tous les temps. En termes territoriaux, il n'a rien à envier à Alexandre, ni à César. Il est présent en Afrique, en Europe de l'Est, en Asie, en Amérique du Sud, à Cuba, allié idéologique à la menaçante Chine, et heureux propriétaire d'un tentaculaire réseau de partis communistes locaux, dont le PCF est un fleuron. Les soviétologues tirent la sonnette d'alarme : ils voient venir le point de rupture, où les territoires communistes deviendront majoritaires sur la planète ; si cela arrivait, la bataille serait peut-être irrémédiablement perdue. Orwell avait peut-être raison. Donc, tout le monde sur le pont, les soviétologues partent au casse-pipes. En France, deux hommes font honneur à la fonction, et méritent une place à part dans la mémoire libertarienne : Jean-François Revel et Alain Besançon. 

Revel est un blindé tactique, Besançon est un sniper. Leurs œuvres sont des festins pour l'intellect. Ils écrivent un français parfait, sont culturellement armés comme aucun intello de gauche, discrètement connectés aux réseaux de dissidents de l'Est, qu'ils aident. Ils déchiffrent la toxicité du communisme à tours de bras, prennent les risques nécessaires. Quiconque provoque le KGB, même hors de l'empire, sait que le prix à payer peut être infiniment élevé, car il n'est pas un lieu au monde où les agents de l'empire n'aient accès. Les deux auteurs sont insultés, surveillés, menacés par les communistes venus du froid, mais tiennent bon. Revel abat un travail herculéen en librairie et dans la presse, empilant les best-sellers antisoviétiques, mettant en garde à chaque page ses lecteurs contre la broyeuse idéologique. Il est admiré par tous ceux qui l'ont lu ou connu. Comment les Démocraties Finissent et La Connaissance Inutile sont des chocs : Revel est efficace, il cogne avec grand style et le plus fort possible, la France l'écoute. La droite intellectuelle et politique doit une fière chandelle à ce Cassius Clay du libéralisme. De son côté, Besançon, libéral lui aussi, perce à jour la nature profonde, essentielle, du communisme, qu'il développe puissamment dans Les Origines Intellectuelles du Léninisme, devenu depuis ouvrage de référence pour l'université mondiale. 

Les offensives de Revel et les missions d'infiltration de Besançon participèrent réellement à la lutte contre le soviétisme. Ils firent la guerre à l'URSS, mais indépendamment de l'État, sans supérieurs ni ordres. Ils ne se contentaient pas de disserter sur Hayek – nous ne visons personne. Ils partaient à l'assaut du Mordor, chevaleresques. Qu'on nous permette de résumer la splendeur de la soviétologie en une vidéo de Jean-François Revel. Il vient de prouver que Georges Marchais est un ex-travailleur volontaire pour l'industrie de guerre en Allemagne nazie. Proposer à Marchais d'être jugé par une commission d'enquête composée d'anciens Résistants constitue une gifle de première grandeur.

 

Et nous ? 

Il se trouve que la France de 2013 se socialise à vitesse grand H, et que nous voguons à fière allure vers un chaos étatique de première ampleur ; il n'est pas absurde de penser que ce chaos pourrait mener à un affaissement fatal de la démocratie. Il y a donc, comme au bon vieux temps de Darth Brejnev, le feu à la baraque. L'adversaire n'est pas le même, il est plus économique que militaire, il nous enterre vivants à coup de taxes françaises, de lois européennes et de crédits chinois plutôt qu'avec des missiles intercontinentaux, mais il est bien là, il marche sur nous, il s'appelle : la misère et l'extinction de nos libertés. Qatar, Chine, Russie : des dictatures nous regardent tomber, nous prêtent de l'argent, et songent à nous conquérir progressivement. L'État s'abandonne à eux. Le libéralisme français n'a plus le temps de comparer les deux mille sortes différentes de libertarianismes. Il doit impérativement entrer en ordre de bataille. 

Il peut s'inspirer de la soviétologie, imiter sa démarche. Considérer que le socialisme contemporain est systémique, car il l'est. Considérer que ce n'est pas la faute des socialistes, qui sont atteints de somnambulisme, mais de l'idéologie qui les a endormis. Considérer que la compréhension de ce système est la clé de sa destruction. Considérer qu'expliquer ce système est la chose la plus importante au monde, et la plus sûre des dénonciations. Aussi me permettrai-je, avec toute l'humilité possible, de donner trois conseils aux néophytes, si d'aventure ils sont encerclés par une meute d'âmes de gauche. 

1. Ne partez jamais du principe qu'ils sont idiots. L'idéologie peut les rendre très niais, mais elle n'est pas niaise. Elle pense pour eux, elle sait où elle va et comment y aller, à travers eux. Elle n'a pas besoin de leur intelligence, mais de leur aveuglement. Ne croyez pas qu'ils se servent d'elle pour avoir l'air intelligent : elle se sert d'eux pour avoir l'air bête.

2. Apprenez à penser comme eux. Tant que vous ne saurez pas exactement comment ils pensent, vous ne les arrêterez pas. Et vous ne pouvez le savoir que si vous faites l'effort de penser comme eux. Mon truc pour y parvenir : partez du principe qu'ils sont sincères. Non parce qu'ils pensent ce qu'ils disent, mais parce qu'à force de le dire, c'est devenu leur identité. Alain Besançon : "Il n'importe pas pour l'idéologie d'être crue, mais d'être parlée". L'hypnose n'a pas besoin de l'intime conviction pour contrôler le patient. Un soviétologue s'interdit de penser que le socialiste a inventé le socialisme : il sait que c'est tout l'inverse. Le socialiste est victime de l'idéologie, quand bien même il en tire des bénéfices. Et ce n'est pas Jérôme Cahuzac qui nous contredira. Dans l'étude du socialisme hard, l'empathie est reine. Il n'est pas hasardeux que la plupart des meilleurs soviétologues soient d'anciens communistes ou d'anciens socialistes : ils connaissent intimement les dégâts que fait l'idéologie dans le cerveau. Le socialisme est cette vitre qu'il faut briser de l'intérieur. Entrez dans la langue de bois et trouvez la systémie, elle vous mènera jusqu'au réacteur central. Restez prudents – il fait sombre, là-dedans, les marches sont glissantes.

3. Pour vaincre le crescendo socialiste, lisez sur le communisme. La soviétologie est l'arme fatale de l'antisocialisme : qui sait renverser le plus peut renverser le moins. Or, l'État français fonce tête baissée du moins vers le plus, et sous Hollande encore plus vite que sous Sarkozy (ce qui n'est pas rien). Le temps est venu de tourner contre l'État socialiste les canons soviétologiques. Et de les utiliser. Et il n'y a pas que la France, comme cible, vous savez. Nous sommes innombrables en Europe, à trouver que Bruxelles prend soudain des airs exagérément autoritaires. Face à cette systémie-là aussi, la soviétologie peut s'avérer d'un secours incomparable.

Les nouveaux venus en ces terres si inhospitalières trouveront ci-dessous une bibliographie la plus large possible et une vidéo Dailymotion d'anthologie – de quoi rire pour oublier. Bon voyage.


Les Origines Intellectuelles du Léninisme (Alain Besançon)
Une percée décisive aux tréfonds de l'âme totalitaire, et un portrait métaphysique de l'idéologie. Le mot "chef-d'œuvre" n'est pas de trop, pour cet essai dense, sombre, intense et méticuleusement implacable.


Comment les Démocraties Finissent (Jean-François Revel)
Et si la civilisation occidentale telle que nous la connaissons n'était qu'une brève parenthèse historique, coincée entre la barbarie passée et la sauvagerie future ? Une mise en garde qui fit l'effet d'un tremblement de terre à sa sortie. Le raisonnement reste hautement valide, et le style est ébouriffant.


Le Système Totalitaire (Hannah Arendt)
Arendt écrit par moments de manière un peu trop étrange, mais on ne saurait se passer de sa pensée. Elle est le brise-glace de la réflexion sur le totalitarisme. N'hésitez pas à attraper une migraine : c'est le métier qui rentre.


1984 (George Orwell)
Pour les Principes de la Novlangue, en appendice du roman, car c'est un diamant en soi. Et pour le roman lui-même, bien sûr.

 

La Langue de Bois (Françoise Thom)
Le seul ouvrage d'esprit scientifique sur le sujet, et le meilleur.

 

L'Archipel du Goulag (Alexandre Soljenitsyne)
Pour un libéral, se faire offrir les trois tomes d'un coup, pour Noël ou le jour de son anniversaire, devrait être un signe de savoir-vivre.


Le Livre Noir du Communisme (Stéphane Courtois, Nicolas Werth et contributeurs)
La génération des soviétologues français majeurs s'éloigne doucement, Courtois et Werth assurent la relève : leurs livres, écrits ensemble ou séparément, sont de haut niveau. Leur Livre Noir est le document-clé pour se plonger dans les abimes du communisme. Il manque parfois de profondeur, mais faire tenir tant de drames dans un si petit espace est un exploit.

 

Mao (Jun chang et Jon Hallyday)
Un tsunami de mensonges et de crimes, en mille pages au grand galop. À couper le souffle.

 

Staline - À la Cour du Tsar rouge (Simon Sebag Montefiore)
Un modèle de description de la folie communiste, abordée par le versant intime, quotidien, du leader totalitaire le plus intéressant. Le lecteur a le sentiment de vivre au Kremlin, en collocation avec Staline, et finit par avoir peur de lui. Envoûtant. Du même auteur, Le Jeune Staline dévoile le passé criminel du maître de l'empire.


La Révolution Russe (Richard Pipes)
880 grandes pages écrites petit. Colossal et très lisible, par un libéral. N'existe hélas qu'en un seul exemplaire sur Amazon. Toutefois disponible en anglais.


Revolutionary dreams : Utiopian Vision and Experimental Life in the Russian Revolution (Richard Stites)
Concerts de sirènes d'usines, nudisme révolutionnaires, chronométrage de la vie individuelle et autres déliriums : une anthologie des expériences les plus aberrantes tentées par les bolchéviques au pouvoir. Les lecteurs de Philippe Muray adoreront.

 

Un DVD : S-21 - La Machine de Mort Khmer Rouge
Le grand classique du documentaire sur le communisme. Un moment d'humanité, parfois même de poésie, malgré l'horreur du sujet. Disponible sur Amazon.

 

Pour se détendre après toutes ces émotions, un reportage de haut vol et hilarant. Je ne vous dis rien : quand vous l'aurez vu, vous ne l'oublierez plus. Cet Ovni est un miracle. Vous noterez que le député libéral est le personnage le plus digne du groupe.

 

 

Et puisqu'il faut lire du communisme pour penser comme lui et le comprendre, les plus explorateurs d'entre vous, les aventuriers, pourront attaquer l'Everest par cette piste-ci, célèbre dans l'histoire du bolchévisme, et abordant un sujet qui vous intéresse toutes et tous depuis déjà longtemps. Un must, vous dis-je. Bienvenue dans l'anti-monde.


 

URSS

De Wikiberal
Affiche soviétique : "Camarade, viens avec nous au kolkhoze !"

 

L'Union des républiques socialistes soviétiques, abrégé en URSS (en russe : Союз Советских Социалистических Республик, abrégé en : СССР), était un État fédéral de 15 républiques soviétiques et qui a existé de 1922 jusqu'à sa dissolution en 1991. Ce fut le principal État communiste pendant cette période.

Bilan humain

En prenant le pouvoir en 1917, Lénine planifie l'élimination des « contre-révolutionnaires ». En mars 1919, la révolte des ouvriers d'Astrakhan est écrasée dans le sang par l'armée rouge, et près de 5 000 personnes sont noyées en une semaine dans la Volga. Le « nettoyage » des derniers bastions anti-communistes de Crimée coûte la vie à 50 000 personnes. La politique de « décosaquisation » frappe entre 300 000 et 500 000 cosaques qui seront assassinés ou déportés.

L'arrivée au pouvoir de Staline va généraliser les massacres de masse. En 1932 et 1933, 6 millions d'Ukrainiens mourront de la famine d'État imposée par Moscou. La folie meurtrière frappe jusque dans les rangs du régime. 650 000 d'entre eux feront les frais des purges staliniennes. 720 000 exécutions d'opposants et 300 000 morts dans les camps. A la fin de la seconde guerre mondiale, les déportations ethniques feront des centaines de milliers de victimes, et si la mort de Staline en 1953 marque la fin des massacres à grande échelle, les déportations s'accélèrent pour atteindre un point culminant de 900 000 personnes envoyées au goulag au début des années 60.

Lorsque Gorbatchev a tenté de libéraliser l'économie et de donner la liberté d'expression, le régime basé sur la peur et la restriction économique extrême ne pouvait plus tenir, et il s'est très vite effondré en 3 ans comme un château de cartes. L'URSS a explosé en 15 pays, dont son principal successeur est la Russie.

Bibliographie

Voir aussi

Citations

  • La chute du mur de Berlin a mis fin à une expérience grandeur nature qui se déroulait depuis près d'un demi-siècle. D'un côté, on avait l'Union soviétique avec son système marxiste d'économie centralement planifiée. De l'autre, les pays occidentaux avec des économies plus ou moins mixtes, mais dont aucune ne se rapprochait, même de près, de ce qui se passait en URSS. L'Union soviétique s'est effondrée, et il faut aujourd'hui se donner beaucoup de mal pour trouver quelqu'un qui croie encore aux vertus de l'économie planifiée. (Milton Friedman)
  • De même que les États-Unis sont l’enfant légitime de la Grande-Bretagne, de même l’URSS était la fille légitime de la Révolution française, ce qui explique la coupable indulgence de toutes les élites françaises pour ce régime monstrueux et pour tous ses avatars (Cambodge, Vietnam, Cuba...) (Charles Gave)
  • Lorsque les archives du Gosplan furent enfin accessibles et que les anciens économistes soviétiques qui avaient participé à sa mise en œuvre furent autorisés à s’exprimer, il devint impossible de nier l’évidence : point par point, la condamnation à mort prononcée par Mises en 1920 s’était avérée exacte. On découvrit, par exemple, qu’en l’absence de marché libre, les responsables du Gosplan était littéralement incapables d’établir une échelle de prix et en étaient réduits à utiliser les espions du KGB pour récupérer les catalogues de La Redoute ou de Sears. La plus grande entreprise de planification économique jamais conçue n’avait ainsi due sa survie... qu’à l’existence d’économies de marché à ses portes et les écrits de Mises, formellement interdits par le pouvoir soviétique comme naguère par les nazis, circulaient de mains en mains au cœur même de l’appareil de planification (anecdote rapportée, notamment, par Yuri Maltsev, un des économistes chargés par Gorbatchev de mettre en œuvre la perestroika). (Georges Kaplan)
  • L’URSS se trouve grosso modo située, dans l’équilibre des forces, du côté de celles qui luttent contre les formes d’exploitation de nous connues. (Jean-Paul Sartre et Maurice Merleau-Ponty, Les Temps Modernes, janvier 1950)
  • Celui qui ne regrette pas l'URSS n'a pas de cœur ; celui qui souhaite son retour n'a pas de tête. (Vladimir Poutine)
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8 novembre 2013 5 08 /11 /novembre /2013 17:21
Sergueï Netchaïev : catéchisme du révolutionnaire (1869)

2396a231bfd2ac5665a5d8c5492d83e7.jpgPrincipes par lesquels le révolutionnaire doit être guidé : 

 

ATTITUDE DU RÉVOLUTIONNAIRE ENVERS LUI-MÊME


1. Le révolutionnaire est un homme condamné. Il n'a pas d'intérêts propres, pas de liaisons, pas de sentiments, pas d'attaches, pas de biens et pas même de nom. Tout en lui est absorbé par un seul et unique intérêt, une seule pensée, une seule passion : la révolution.

2. Tout au fond de son être, non seulement en paroles mais aussi en actes, il a rompu tout lien avec l'ordre établi et le monde cultivé dans son ensemble, avec ses lois, ses propriétés, ses conventions sociales et ses principes éthiques. Il est un ennemi implacable de ce monde, et s'il continue d'y vivre, c'est pour mieux le détruire.

3. Le révolutionnaire exècre les doctrines et a rejeté les sciences ordinaires, les laissant aux générations futures. Il ne connaît qu'une seule science, la science de la destruction. A cette fin, et à cette fin seule, il étudiera la mécanique, la physique, la chimie et peut-être la médecine, cette fin, il étudiera jour et nuit la science vivante : le peuple, ses caractéristiques, son fonctionnement et tout ce qui constitue le présent ordo social à tous les niveaux. Son seul et unique objectif est la destruction immédiate de cet ordre ignoble.

4. Il méprise l'opinion publique. Il exècre et abhorre l'éthique sociale existante dans toutes ses manifestations et expressions. Pour lui, est moral tout ce qui peut permettre le triomphe de la révolution. Est immoral et criminel tout ce qui se trouve en travers de son chemin.

5. Le révolutionnaire est un homme dévoué, impitoyable envers l'État et l'ensemble de la société éduquée et privilégiée ; il ne doit pas attendre d'elle la moindre pitié. Entre elle et lui existe, qu'elle soit déclarée ou non déclarée, une guerre incessante et sans fin. Il doit se préparer à supporter la torture.

6. Dur envers lui-même, il doit être dur envers les autres. Toutes les émotions tendres ou efféminées de connivence, d'amitié, d'amour, de gratitude et même d'honneur doivent être refoulées en lui par une passion froide et entêtée pour la cause révolutionnaire. Il n'est pour lui qu'un seul délice, une seule consolation, une récompense et une gratification : le succès de la révolution. Jour et nuit, il ne doit avoir qu'une seule pensée, un seul but : la destruction sans merci. Dans sa poursuite froide et infatigable de ce but, il doit être prêt à mourir lui-même et à détruire de ses propres mains tout ce qui pourrait l'empêcher.

7. La nature du véritable révolutionnaire ne laisse pas de place pour le romantisme, le sentimentalisme, l'extase ou l'enthousiasme. Elle ne laisse pas davantage de place à la haine personnelle ou à la vengeance. La passion révolutionnaire, qui doit devenir pour lui le mode de pensée courant, doit à tout moment être combinée au plus froid calcul. En tout instant et endroit, il ne doit pas être ce que lui dictent ses inclinations personnelles, mais ce que l'intérêt général de la révolution commande.

ATTITUDE DU RÉVOLUTIONNAIRE ENVERS SES CAMARADES


8. Le révolutionnaire respecte ses amis mais ne chérit que celui qui s'est montré dans les faits comme aussi révolutionnaire que lui. L'étendue de cette amitié, de cette dévotion et d'autres obligations envers son camarade n'est déterminée que par leur degré d'utilité au travail pratique de complète destruction révolutionnaire.

9. La nécessité de la solidarité entre révolutionnaires est évidente. Elle est constitutive de la vigueur du travail révolutionnaire. Les camarades révolutionnaires ayant le même degré de compréhension révolutionnaire et de passion devraient, autant que possible, discuter ensemble des choses importantes et prendre des décisions unanimes. Mais même en mettant au point un plan échafaudé de la sorte, chaque homme doit autant que possible ne compter que sur lui-même. En accomplissant une série d'actes de destruction, chaque homme doit agir par lui-même et ne recourir aux conseils et à l'aide de ses camarades que si cela est nécessaire à l'accomplissement du plan.

10. Chaque camarade devrait avoir sous ses ordres plusieurs révolutionnaires des deuxième et troisième catégories, c'est-à-dire des camarades qui ne sont pas complètement initiés. Il doit les regarder comme des portions d'un fonds commun du capital révolutionnaire placées à sa disposition. Il doit dépenser ses portions du capital avec parcimonie, tentant à chaque fois d'en tirer le maximum de bénéfice. Il doit se regarder lui-même comme un capital consacré au triomphe de la cause révolutionnaire ; mais comme un capital dont il ne peut disposer librement sans le consentement de la compagnie entière des camarades initiés.

11. Lorsqu'un camarade a des ennuis, le révolutionnaire, quand il décide ou pas de l'aider, ne doit pas prendre en compte ses sentiments personnels mais le bien de la cause révolutionnaire. Il doit donc peser, d'un côté l'utilité du camarade, et de l'autre la quantité d'énergie révolutionnaire qui devrait être dépensée pour sa délivrance, et doit décider laquelle a le plus de poids.

ATTITUDE DU RÉVOLUTIONNAIRE ENVERS LA SOCIÉTÉ


12. L'admission d'un nouveau membre, qui s'est illustré non en paroles mais en actes, ne peut être le fait que d'un accord unanime.

13. Le révolutionnaire vit dans le monde de l'État, des classes et de la soi-disant culture, et n'y vit que parce qu'il croit à sa destruction complète et rapide. Il n'est pas révolutionnaire s'il ressent de la pitié pour quoi que ce soit en ce monde. S'il en est capable, il doit envisager l'annihilation de sa situation, d'une relation ou de toute personne faisant partie de ce monde ; tout et tous doivent lui être également odieux. Cela est difficile s'il possède une famille, des amis et des êtres chers en ce monde ; il ne peut être révolutionnaire s'ils peuvent arrêter sa main.

14. Tout en visant à une implacable destruction, le révolutionnaire peut et doit parfois vivre au sein d'une société en prétendant être ce qu'il n'est pas. Le révolutionnaire doit s'infiltrer partout, au sein des classes basses et moyennes, dans les maisons de commerce, les églises, les manoirs des riches, le monde de la bureaucratie, de l'armée, de la littérature, de la 3è section (la police secrète) et même au palais d'Hiver.

15. Cette société infecte doit être découpée en plusieurs catégories. La première comprend tous ceux qui doivent être immédiatement condamnés à mort. La société doit rédiger une liste de ces personnes condamnées, fonction leur relative menace exercée à l'encontre d'une progression harmonieuse de la cause révolutionnaire, et pour permettre leur élimination.

16. Pour établir ces listes en fonction des raisons énoncées plus haut, il convient de ne pas se laisser guider par les actes individuels de traîtrise commis par la personne, ni même par la haine qu'elle provoque au sein du peuple. Ces traîtrises et cette haine peuvent toutefois s'avérer utiles, puisqu'elles incitent à la rébellion populaire. On doit se fonder sur le service que la mort de l'individu pourrait rendre à la cause révolutionnaire. C'est pourquoi ceux qui doivent être annihilés en premier sont les individus particulièrement dangereux pour l'organisation révolutionnaire, et dont la mort soudaine et brutale effraiera le gouvernement et, le privant de certains de ses représentants les plus intelligents et énergiques, diminuera sa force.

17. La deuxième catégorie recouvre ceux à qui un répit temporaire est accordé, uniquement afin que leur comportement bestial ne pousse inévitablement le peuple à la révolte.

18. À la troisième catégorie appartient le troupeau des personnalités de haut rang ou des personnages qui ne sont pas distingués par leur intelligence particulière ou leur énergie mais qui, par leur position, sont pro pères et jouissent de leurs connexions, leur influence et leur pouvoir ; ils doivent être pris la main dans le sac et confondus et, quand nous aurons découvert suffisamment de leurs sales petits secrets, nous en ferons nos esclaves. Leur pouvoir, leur influence, leurs connexions, leur richesse et leur énergie constitueront notre inépuisable maison du trésor et une aide efficace à nos entreprises variées.

19. La quatrième catégorie comprend les personnes ambitieuses politiquement et les libéraux de différentes nuances. Nous pouvons conspirer avec eux, en suivant leur programme, et prétendre les suivre aveuglément, alors que nous prenons leur contrôle, que nous révélons tous leurs petits secrets et les compromettons à un tel point qu'ils soient irrémédiablement impliqués et puissent être employés pour semer le désordre au sein de l'État.

20. La cinquième catégorie est composée des doctrinaires, des conspirateurs, des révolutionnaires, tous ceux qui s'adonnent aux vaines péroraisons, en public ou sur le papier. Ils doivent être continuellement incités et poussés à rédiger de violentes déclarations poussant à l'action, de manière à ce que, dans leur majorité, ils disparaissent sans laisser de trace et que les intérêts des vrais révolutionnaires s'en trouvent quelque peu accrus.

21. La sixième et importante catégorie est celle des femmes. Elles doivent être réparties en trois catégories. Premièrement, ces femmes frivoles et sans cervelle que nous pouvons utiliser comme les troisième et quatrième catégories d'hommes. Deuxièmement, les femmes ardentes, talentueuses et dévouées, mais qui ne nous ont pas rejoints parce qu'elles n'ont pas encore atteint une compréhension réelle, pratique et dénuée de passion de la révolution : ces femmes doivent être utilisées comme les hommes de la cinquième catégorie. Finalement, les femmes qui sont en complète adéquation avec nous, ont été pleinement initiées et acceptent notre programme dans son intégralité : nous devons regarder ces femmes comme le plus précieux de nos trésors, dont l'assistance nous est indispensable.

ATTITUDE DE LA CONFRÉRIE ENVERS LE PEUPLE


22. La Confrérie n'a pas d'autre but que l'entière libération et le bonheur du peuple - c'est-à-dire des travailleurs. Mais convaincue que cette libération et ce bonheur ne sont possibles qu'au moyen d'une révolution populaire qui balayerait tout sur son passage, la Confrérie contribuera de toutes ses forces et de toutes ses ressources au développement et à l'extension des souffrances qui épuiseront la patience du peuple et le pousseront à un soulèvement général.

23. La Confrérie n'entend pas sous "révolution populaire" un mouvement réglé selon les idées de l'Occident, et qui s'arrêterait respectueusement devant la propriété et les traditions de l'ordre social, et devant ce qu'on appelle la civilisation et la moralité. Ce genre de mouvement s'est borné jusqu'ici à renverser une forme politique, afin de la remplacer par une autre et de créer l'État dit révolutionnaire. Seule peut être salutaire au peuple une révolution qui détruira jusqu'aux racines de l'État, et supprimera toutes les traditions, les classes et l'ordre même existant en Russie.

24. Aussi, la Confrérie n'a nulle intention d'imposer au peuple une organisation venant d'en haut. La future organisation sera sans aucun doute élaborée par le mouvement et la vie populaire elle-même - mais c'est là l'affaire des générations futures. Notre oeuvre à nous est une destruction terrible, entière, générale et implacable.

25. Aussi, en cherchant un rapprochement avec le peuple, nous devons tout d'abord nous joindre aux éléments populaires qui, depuis la fondation de l'État moscovite, n'ont pas cessé de protester non seulement en paroles, mais en actes, contre tout ce qui est lié directement et indirectement au pouvoir : la noblesse, les fonctionnaires, les corporations, le commerçant exploiteur. Joignons-nous aux brigands hardis, qui sont les seuls véritables révolutionnaires de la Russie.

26. Fondre ces bandes en une force invincible qui détruira tout sur son passage - telle sera l'oeuvre de notre organisation, de notre conspiration, tel sera notre but.

 

--------------------------------------------

Sergueï Netchaïev est un nihiliste et un révolutionnaire russe (1847-1882).

Il exposa ses principes dans son Catéchisme du révolutionnaire, rédigé avec Bakounine (1869) dans lequel il prône l'anéantissement de l'État et l'assassinat des opposants. Il y définit sa conception de la révolution, ainsi que l'attitude du révolutionnaire envers lui-même, ses camarades et la société. Il soutient la thèse selon laquelle le révolutionnaire doit accentuer les souffrances du peuple, afin que celui-ci trouve le courage de se révolter.

Il fonda à Moscou un groupement révolutionnaire, la Vindicte du peuple (1869), et organisa l'assasinat de l'étudiant Ivanov qu'il accusait de trahison (cf. Les Possédés de Dostoievski). Il rejoint ensuite l'Allemagne et se brouille avec Bakounine, effrayé par son cynisme et sa violence. Il se réfugie ensuite à Londres puis à Paris (1870). Il retourne en Suisse dont il est extradé vers la Russie en 1872 et est emprisonné à Saint-Pétersbourg, à la prison Pierre et Paul. Il y meurt dix ans plus tard.

De Wikiberal

Définition

Le terrorisme consiste en la pratique, par une personne, un groupe ou un État, de crimes violents destinés à produire sur leur cible (la population) un sentiment de terreur, souvent bien supérieur aux conséquences réelles de l'acte. Le terrorisme vise la population civile en général ou une de ses composantes, une institution ou les structures d'un État. L'objectif peut être d'imposer un système politique, de causer des destructions à un ennemi ou de déstabiliser une société, d'obtenir la satisfaction de revendications politiques, religieuses, racistes, séparatistes, etc.

Raymond Aron définit le terrorisme ainsi :

Une action violente est dénommée terrorisme lorsque ses effets psychologiques sont hors de proportion avec ses résultats purement physiques.

Partout et de tout temps, on observe que le terrorisme est le meilleur allié de l'accroissement de la coercition du pouvoir d'Etat ; il est d'autant plus nécessaire, en période de tension, de ne pas fléchir sur les principes de base des sociétés libérales.

Origine

Le mot terrorisme (ainsi que terroriste et terroriser) est apparu pour la première fois au XVIIIe siècle, durant la Révolution française, pendant le régime de la Terreur, lorsque le Comité de salut public dirigé par Robespierre exécutait ou emprisonnait toutes les personnes qui étaient considérées comme contre-révolutionnaires.

Le mot a plus tard évolué pour désigner aujourd'hui les actions violentes visant spécifiquement les populations civiles, faites dans le but de détruire, tuer et de mutiler. Les terroristes privilégient en effet les cibles civiles plutôt que les opposants armés.

Ces attaques ont pour but de promouvoir des messages à caractère politique ou religieux par la peur, ce qui différencie le terrorisme des actes de résistance visant à se libérer d'une occupation en détruisant les institutions politiques des occupants ou en assassinant ses représentants.

Les différents types de terrorisme

Il existe trois grands types de terrorisme :

  • le terrorisme individuel (nihiliste)
  • le terrorisme organisé (extrême-gauche, extrême-droite, islamisme)
  • le terrorisme d'État.

La terreur d'État a fait dans l'histoire beaucoup plus de victimes que la terreur d'en bas, celle du faible contre le fort.

Le premier épisode terroriste connu, rapporté par Flavius Josèphe, est celui des Zélotes, qui luttent en Palestine au Ier siècle après J.-C. contre l'occupant romain. La secte ismaïlienne des Assassins se fait connaître par ses actions violentes en Iran et en Syrie du XIe au XIIIe siècle. Autour de 1860, les mouvements nihilistes développent des actions terroristes en Russie.

Terrorisme intellectuel

Pensée-Unique.jpg

Le terrorisme intellectuel est la pratique qui, au moyen d'arguments et de procédés intellectuels (conformes en général à la liberté d'expression), vise à intimider pour empêcher la formulation d'idées gênantes. C'est une censure idéologique qui vise à empêcher de parler de tout ce qui ne rentre pas dans les grilles de l’idéologie, et qui sera dénoncé par le politiquement correct comme étant un dérapage. C'est un moyen de favoriser ses propres idées et donc soi-même en tant qu'incarnation de ces idées (intellectuel défendant son statut, parti visant la conquête du pouvoir). La politique est un des domaines privilégiés du terrorisme intellectuel, mais la culture, l'enseignement, etc. n'en sont pas exempts.

« Le terrorisme intellectuel, ce sont les moyens que mettent en œuvre ceux qui savent très bien qu'ils ont tort pour empêcher que les objections les atteignent. Ils n'ont pas d'autres méthodes. »
    — Jean-François Revel
« Qu'appelle-t-on terrorisme intellectuel ? Le fait de vouloir déconsidérer une personne qui exprime des opinions au lieu de les réfuter par des arguments. »
    — Jean-François Revel
« C'est un système totalitaire. Mais d'un totalitarisme patelin, hypocrite, insidieux. Il vise à ôter la parole au contradicteur, devenu une bête à abattre. À abattre sans que coule le sang : uniquement en laissant fuser des mots. Les mots de la bonne conscience. Les mots des grandes consciences. Les mots qui tuent. »
    — Jean Sévillia, Le terrorisme intellectuel : De 1945 à nos jours, éd. Perrin, 2004

Parmi les procédés habituels qui sont au cœur du terrorisme intellectuel : l'emploi de sophismes, le relativisme, le polylogisme (l'opinion ne compte pas, c'est la situation sociale de celui qui parle qui compte), la diabolisation, l'emploi de motvirus ("ultra-libéralisme", "néolibéralisme" ), etc.

En France, il existe plusieurs procédés de terrorisme intellectuel utilisables facilement pour éviter tout débat :

  • le classique "point Godwin" qui consiste à mettre son adversaire sur le même plan que les Nazis (argument ad hominem utilisé quand l'adversaire est à bout de ressources) ;
  • spécifiquement français, le "point Poujade" permet de clore tout débat sur la fiscalité ou le rôle de l'État : "tu n'es qu'un égoïste ordinaire, tu veux seulement payer moins d'impôts" ;
  • le "point fasciste" est souvent une conséquence logique du "point Poujade" : "tu es contre la solidarité et pour le darwinisme social". George Orwell observait (déjà à l'époque du fascisme) que « le mot fascisme n’a plus aucun sens, si ce n’est dans la mesure où il recouvre quelque chose d’indésirable ».
  • le "point c-u-l" ("c'est ultralibéral") : quand les procédés précédents apparaissent trop datés et trop usés, l'accusation inusable d'"ultra-libéralisme" permet de qualifier l'adversaire d'extrémiste, comme si la liberté (confondue avec l'anomie) relevait d'une idéologie arbitraire, tolérable tant qu'elle ne serait pas "extrémiste".

Voir aussi La gauche en France.

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Ce qu’il faut savoir sur l’une des plus grandes menaces politiques et religieuses du XXIème siècle

 


« Le socialisme cherche à abattre la richesse, le libéralisme à suprimer la pauvreté »                                                   Winston Churchill

 

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« Le Communisme est l'Islam du XXème siècle. »                                                   Jules Monnerot


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« La religion d'Hitler est la plus proche qui soit de l'islamisme, réaliste, terrestre, promettant le maximum de récompenses dans cette vie, mais avec ce Walhalla façon musulmane avec lequel les Allemands méritoires peuvent entrer et continuer à gouter le plaisir. Comme l'islamisme, elle prêche la vertu de l'épée.  »                            Carl Gustav Jung

 

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« Ils ignorent que les épées sont données pour que personne ne soit esclave. »                                                                                        Lucain

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